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Rapport n° 136 (2006-2007) de M. Didier BOULAUD , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 20 décembre 2006

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N° 136

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 décembre 2006

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord d' entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine ,

Par M. Didier BOULAUD,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, Mme Hélène Luc, M. André Boyer, vice - présidents ; MM. Daniel Goulet, Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, Jacques Peyrat, André Rouvière, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Hue, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Jacques Pelletier, Daniel Percheron, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir le numéro :

Sénat : 52 (2006-2007)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Les relations franco-chinoises ont traversé, après la répression des manifestations de la place Tian An Men en 1989, une période de crise qui a duré plusieurs années avant la signature, en janvier 1994, d'un communiqué conjoint puis, en mai 1997, d'une déclaration conjointe franco-chinoise pour un partenariat global .

Cette déclaration a été signée par le Président Jian Zemin et par le Président de la République française, Jacques Chirac, à l'occasion de la visite du chef d'Etat français en Chine. Elle affirme que « à l'aube du XXIe siècle, le moment est venu pour la France et la Chine de prolonger leur démarche par un partenariat global à long terme visant à faire entrer les relations sino-françaises dans une nouvelle phase de développement ».

Elle précise en particulier que « les deux parties conviennent de coopérer dans le domaine de la lutte contre le trafic des drogues, le blanchiment de capitaux, l'immigration illégale et ses filières, et toutes les autres formes de criminalité transnationale organisée. Condamnant le terrorisme international sous toutes ses formes, elles coopèreront également dans la lutte contre ce fléau ».

Cette volonté de coopération a été réaffirmée dans la déclaration conjointe du 27 janvier 2004 , signée à l'occasion d'une deuxième visite du Président français en Chine, selon laquelle les deux parties « renforceront leur coopération dans les domaines judicaire et de sécurité intérieure, conformément notamment à l'accord intergouvernemental relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure ».

C'est cet accord, signé à Pékin le 8 janvier 2004 , après une négociation délicate de trois années, qui a été approuvé par le Sénat en juin 2006.

Les négociations entre les Parties prévoyaient également la conclusion d'un accord ultérieur sur l'entraide judiciaire en matière pénale. Il a été signé à Paris, le 18 avril 2005.

I. INFRACTIONS PÉNALES ET ATTEINTES À L'ORDRE PUBLIC EN CHINE

Malgré une croissance importante de ces infractions, la Chine reste un pays relativement sûr dans lequel l'ordre continue à être assuré, non sans certains excès.

Depuis 1977, l'évolution des statistiques -qui manquent sans doute de précision- rend compte d'une augmentation importante mais non linéaire des infractions pénales qui sont passées de 548.000 en 1977 à 4.648.000 en 2005. Le taux de criminalité (hors violation de l'ordre public) s'établirait donc à 3,57 pour 1.000 habitants si l'on ne retient que les infractions pénales stricto sensu .

Il y aurait eu, en 2005, 1.127.000 cambriolages, 184.000 vols à la tire, et 332.000 vols avec violence.

Par ailleurs, le nombre des affaires liées aux drogues suit une évolution également chaotique, passant de 38.000 faits en 1994 à 98.000 en 2004 et 45.000 en 2005. Le nombre de consommateurs de drogue augmente linéairement (1.160.000 toxicomanes recensés en 2005).

Il faut également prendre en compte les homicides involontaires (31.000 pour 2005 dont 90 % résolus). 60 % d'entre eux sont la conséquence de disputes privées. Les régions côtières de l'Est, plus aisées, connaissent une plus forte proportion d'homicides que celles de l'Ouest.

Il convient aussi de souligner la forte émergence d'une nouvelle délinquance économique liée à l'absence de législation appropriée, à la relative inorganisation du secteur bancaire et aussi au développement très rapide de l'activité économique et des moyens de communication moderne.

Enfin la criminalité organisée reste très puissante.

Les risques de troubles ethniques graves restent modérés, même s'ils ne peuvent être exclus totalement. Les tensions sociales liées à la situation économique du pays paraissent plus probables si rien n'est fait pour prendre en considération les aspirations de larges couches de la population qui, sans être réellement des exclues, ne bénéficient pas suffisamment et sont parfois même victimes du développement du pays et des changements rapides qu'elles peuvent observer.

Il est à craindre que des mouvements sociaux ne conduisent à des réactions disproportionnées des forces de l'ordre, la Chine ne disposant que de trop peu de véritables unités de maintien de l'ordre. La police armée populaire reste, en effet, un corps militaire tant dans sa culture que dans son équipement.

II. L'ENTRAIDE JUDICIAIRE PÉNALE

Cette situation grave explique que lors de la visite en France du ministre de la justice chinois, M. Zhan Fusen, le 18 avril 2005, un nouvel accord d'entraide judiciaire a été signé.

Cet accord a été ratifié par la Chine en juin 2006. Il est absolument indispensable.

En effet, la France et la Chine n'étaient liées par aucune convention en ce domaine et leur entraide judiciaire ne reposait que sur le principe de la réciprocité dans le cadre classique de la courtoisie internationale, qui n'était pas suffisant pour garantir l'exécution des demandes d'entraide, du fait des profondes disparités entre les systèmes judiciaires et les traditions juridiques de nos deux pays.

Ce nouvel accord définit dans une formulation large le champ de cette entraide, qui inclut les enquêtes et poursuites d'infractions, y compris en matière fiscale.

Il prévoit, par ailleurs, ce qui est classique en droit international, des motifs de restriction à l'entraide : particulièrement tout ce qui pourrait porter atteinte à la souveraineté des Etats ou à leur sécurité. Il exclut également les demandes présentées en considération de la race , de la religion ou des opinions politiques de la personne poursuivie.

Pour le reste, cet accord est classique en terme d'entraide judiciaire en matière pénale : échange d'informations , favorisation de la recevabilité des éléments de preuve recueillis, possibilité de différer la demande d'entraide lorsque son exécution risque d'entraver une enquête pénale en cours, respect par la partie requise de la confidentialité d'une demande d'entraide afin d'éviter de compromettre les investigations, etc...

Outre ces dispositions générales, l'accord comporte des dispositions spécifiques à certaines formes d'entraide : audition de personnes, transmission des objets , remise d'actes de procédure, transfèrement de témoins détenus , comparution de témoins ou experts, demandes de perquisition, de gel et de saisie , recherche, appréhension et confiscation des produits d'une infraction et enfin échanges d'avis de condamnations.

Cet accord comporte par ailleurs des clauses importantes touchant aux conditions de divulgation des éléments qui peuvent être échangés. Il pose le principe du respect, par la partie requise, de la confidentialité de la demande et, à l'inverse , permet à la partie requise de poser des conditions à l'utilisation ou la divulgation par la partie requérante des éléments de preuve recueillis en exécution d'une demande d'entraide.

Quant au secret bancaire, il ne saurait constituer un risque de refus.

III. LES LACUNES PERSISTANTES

Toutefois, contrairement aux conventions habituelles , cet accord prévoit que la partie requise peut refuser l'entraide lorsqu'elle estime que l'exécution de la demande « serait incompatible avec les principes fondamentaux de sa législation ». Cette exception n'est pas issue d'une demande de la Chine mais de la France . Elle vise à renforcer la possibilité de prise en compte, par la partie requise, de la nature des peines encourues dans la partie requérante, tout spécialement du fait de l'existence en Chine de la peine de mort . D'ailleurs, pour éviter tout risque d'interprétation, la seconde session de négociation a prévu que la France refuserait l'entraide inscrite dans le présent traité lorsque la peine encourue serait « par sa nature » incompatible avec les principes généraux de sa législation en citant expressément la peine capitale .

CONCLUSION

On aura bien compris que cet accord d'entraide judiciaire en matière pénale ne peut être tout à fait satisfaisant, car il comporte des lacunes non négligeables.

Toutefois :

- il formalise des rapports et échanges qui ne reposaient alors sur aucune base juridique internationale, mais sur le simple principe de courtoisie internationale

- il permet de concrétiser des rapports bilatéraux franco-chinois indispensables ;

- il permet à la Chine, de rentrer, même par une petite porte bien plus petite que celle de la Cité interdite , dans les normes du droit international.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport lors de sa séance du 13 décembre 2006.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Philippe Nogrix a estimé que la Chine s'efforçait de progresser vers davantage de démocratie mais que cette demande était d'autant plus complexe que le pays évoluait sur deux voies concurrentes, celle du libéralisme le plus total sur le plan économique et celle d'un régime politique qui reste largement autoritaire.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a alors adopté le projet de loi et proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'accord d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine, signé à Paris le 18 avril 2005, et dont le texte est annexé à la présente loi 1 ( * ) .

ANNEXE - FICHE D'ÉVALUATION JURIDIQUE2 ( * )

- Etat de droit existant :

Les deux Etats n'étant liés par aucune convention en ce domaine, l'entraide judiciaire en matière pénale entre la France et la Chine repose actuellement sur le principe de la réciprocité et s'exerce dans le cadre de la simple courtoisie internationale, qui n'apparaît pas suffisant pour garantir l'exécution des demandes d'entraide, du fait, notamment, des profondes disparités entre les systèmes judiciaires et les traditions juridiques des Parties. Le développement des échanges et de la criminalité transfrontière a conduit la Chine à proposer à la France, en 1998, de conclure un accord bilatéral d'entraide judiciaire en matière pénale afin d'approfondir la coopération judiciaire et de donner aux relations bilatérales en ce domaine un cadre juridique conventionnel plus contraignant.

Du fait de la profonde disparité des systèmes judiciaires et des traditions juridiques des Parties, l'entrée en vigueur de cette convention assurera au développement de la coopération judiciaire entre la France et la Chine, la base conventionnelle qui fait actuellement défaut pour garantir l'exécution des demandes d'entraide.

- Modifications à apporter au droit existant et délais de réalisation :

L'approbation de l'avenant n'entraînera pas de modification du droit existant.

* 1 Voir le texte annexé au document Sénat n° 52 (2006-2007).

* 2 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

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