EXAMEN DES ARTICLES |
TITRE PREMIER - DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE CIVIL |
Le projet de loi apporte non seulement d'importantes modifications de fond au régime de la protection juridique des majeurs mais procède également à une profonde réorganisation des trois derniers titres du livre premier du code civil, relatif aux personnes, qui sont actuellement consacrés respectivement : à la protection des mineurs ; à la protection des majeurs ; au pacte civil de solidarité et au concubinage.
Cette réorganisation est motivée par un objectif de meilleure lisibilité de la loi. En effet, comme le souligne l'exposé des motifs, les pouvoirs des tuteurs des majeurs protégés sont actuellement définis par renvoi aux dispositions concernant les mineurs en tutelle.
Le Gouvernement a préféré distinguer trois titres distincts : les dispositions propres aux mineurs (titre X), les dispositions propres aux majeurs (titre XI) et les dispositions communes aux mineurs et aux majeurs en tutelle, qui concernent essentiellement la gestion de leur patrimoine (titre XII).
En conséquence, l'actuel titre XII, relatif au pacte civil de solidarité et au concubinage doit être transformé en un titre XIII.
Ces modifications de forme sont opérées aux articles 1 er , 2, 5 et 6 du projet de loi.
Le tableau ci-après présente la structure comparée des derniers titres du livre premier du code civil avant et après la réforme proposée.
Structure des derniers titres du livre premier du code civil
Structure actuelle |
Structure prévue par le texte adopté par l'Assemblée nationale |
TITRE X : De la minorité, de la tutelle et de
l'émancipation
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- 74 -
TITRE X : De la minorité et de
l'émancipation
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Structure actuelle |
Structure prévue par le texte adopté par l'Assemblée nationale |
TITRE XI : De la majorité et des majeurs
protégés par la loi
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TITRE XI : De la majorité et des majeurs protégés par la loi Chapitre I : Des dispositions générales (art. 414) Section 1 : Des dispositions indépendantes des mesures de protection (art. 414-1 à 414-3) Section 2 : Des dispositions communes aux majeurs protégés (art. 415 à 424) Chapitre II : Des mesures de protection juridique des majeurs Section 1 : Des dispositions générales (art. 425 à 427) - 75 - Section 2 : Des dispositions communes aux mesures judiciaires (art. 428 à 432) Section 3 : De la sauvegarde de justice (art. 433 à 439) Section 4 : De la curatelle et de la tutelle (art. 440) Sous-section 1 : De la durée de la mesure (art. 441 à 443) Sous-section 2 : De la publicité de la mesure (art. 444) Sous-section 3 : Des organes de protection (art. 445)
§ 1 : Du curateur et du tuteur (art. 446
à 453)
Sous-section 4 : Des effets de la curatelle et de la tutelle quant à la protection de la personne (art. 458 à 463) Sous-section 5 : De la régularité des actes (art. 464 à 466) Sous-section 6 : Des actes faits dans la curatelle (art. 467 à 472) Sous-section 7 : Des actes faits dans la tutelle (art. 473 à 476) |
Structure actuelle |
Structure prévue par le texte adopté par l'Assemblée nationale |
Section 5 : Du mandat de protection future Sous-section 1 : Des dispositions communes (art. 477 à 488) Sous-section 2 : Du mandat notarié (art. 489 à 491) Sous-section 3 : Du mandat sous seing privé (art. 492 à 494)
Chapitre III : De la mesure d'accompagnement
judiciaire
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- 76 - Titre XII : De la gestion du patrimoine des mineurs et des majeurs en tutelle Chapitre I : Des modalités de la gestion (art. 496 à 499) Section 1 : Des décisions du conseil de famille ou du juge (art. 500 à 502) Section 2 : Des actes du tuteur
§ 1 : Des actes que le tuteur accomplit sans
autorisation (art. 503 et 504)
Chapitre II : De l'établissement, de la
vérification et de l'approbation des comptes
Chapitre III : De la prescription (art. 515) |
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TITRE XII : Du pacte civil de solidarité et du concubinage Chapitre I : Du pacte civil de solidarité (art. 515-1 à 515-7) Chapitre II : Du concubinage (art. 515-8) |
TITRE XII : Du pacte civil de solidarité et du concubinage Chapitre I : Du pacte civil de solidarité (art. 515-1 à 515-7) Chapitre II : Du concubinage (art. 515-8) |
Article 1er et 2 (art. 427, 476 à 487, 413-5 et titre XII du code civil) - Déplacement et renumérotation d'articles
Ces deux articles procèdent exclusivement à des modifications de forme.
L'article 2 prévoit ainsi la réorganisation du titre X du livre premier du code civil selon la structure exposée dans le tableau ci-dessus, qui semble plus rationnelle que la structure actuelle.
Il apparaît en effet plus cohérent de prévoir, au sein de ce titre, deux chapitres respectivement relatifs à la minorité et à l'émancipation et, au sein du chapitre relatif à la minorité, de distinguer les régimes de l'administration légale et de la tutelle, plutôt que de maintenir en l'état un chapitre dont l'intitulé concerne la tutelle alors que son contenu porte également sur l'administration légale.
Le changement d'intitulé du titre X, qui fait désormais exclusivement référence à la minorité et à l'émancipation, est la conséquence de ce choix.
Le projet de loi ne modifie pas les articles 388 à 388-2 du code civil, qui forment les dispositions liminaires du chapitre I er , relatif à la minorité. Il les complète par un article 388-3, relatif à la surveillance des administrations légales et des tutelles, par le juge des tutelles et le procureur de la République, dont l'emplacement est prévu par l'article 2 et la rédaction par l'article 3.
Les règles relatives à l'administration légale, définies aux articles 389 à 389-7, ne sont pas modifiées, elles non plus, mais sont regroupées au sein d'une première section (« de l'administration légale ») du chapitre I er .
Tel n'est pas le cas de celles relatives à la tutelle des mineurs, qui forment désormais la seconde section (« de la tutelle ») du même chapitre. Si les articles 390 à 392, qui constituent une première sous-section relative aux cas d'ouverture de la tutelle, sont inchangés, le 1° de l'article premier du projet de loi prévoit que l'article 427, aux termes duquel la tutelle des mineurs est une charge publique, devient l'article 393, c'est-à-dire le premier article de la seconde sous-section (« de l'organisation et du fonctionnement de la tutelle »), tandis que l'article 4 du projet de loi procède à la réécriture complète des articles 394 à 413 du code civil, relatifs aux charges tutélaires, au conseil de famille, au tuteur, au subrogé tuteur, à la vacance de la tutelle et à la responsabilité des organes tutélaires. Quant aux règles relatives aux comptes de la tutelle, qui figurent actuellement aux articles 469 à 474, elles ne sont pas reprises dans la mesure où l'article 6 du projet de loi prévoit l'élaboration d'un régime commun aux mineurs et aux majeurs qui figurerait dans un nouveau titre XII (« des dispositions relatives à la gestion du patrimoine des mineurs et des majeurs en tutelle ») du livre premier.
Conséquence de la disparition du chapitre relatif à la tutelle des mineurs, le chapitre relatif à leur émancipation devient le chapitre II du titre X.
Pour assurer une numérotation continue des articles du code civil, le 1° de l'article 1 er du projet de loi prévoit que les articles qui le composent, c'est-à-dire les articles 476 à 487, deviennent les articles 413-1 à 413-8. Les articles 483 à 486 ayant été abrogés, il convient de prévoir que les articles 476 à 482 deviennent les articles 413-1 à 413-7 et que l'article 487 devient l'article 413-8.
Par coordination, le 2° de l'article premier prévoit le remplacement de la référence de l'article 413-5 (actuel article 480) à l'article 471, relatif à la remise des comptes de tutelle aux intéressés, par la référence à l'article 514 du code civil. En effet, si l'article 480 devient l'article 413-5 en application du 1° de l'article premier du projet de loi, l'article 471 devient l'article 514 en application de son article 6.
Enfin, pour permettre la création par l'article 6 du projet de loi d'un nouveau titre XII relatif à la gestion du patrimoine des mineurs et des majeurs en tutelle, le 3° de l'article premier prévoit que le titre XII actuel, relatif au pacte civil de solidarité (PACS) et au concubinage, devient le titre XIII du livre premier du code civil, les numéros de ses articles et le contenu de leurs dispositions restant quant à eux inchangés.
L'Assemblée nationale a apporté deux modifications formelles à l'article 1 er .
Votre commission souscrit à cette réorganisation.
Toutefois, la structure proposée par le projet de loi aurait pour conséquence l'insertion de dispositions ayant un objet similaire au sein de deux articles du code civil, l'article 393 et l'article 394, disposant respectivement que la tutelle, protection due à l'enfant, est une charge publique et qu'elle est une devoir des familles et de la collectivité publique.
Pour éviter cette redondance, votre commission vous soumet deux amendements , l'un à l'article 1 er et l'autre à l'article 2 du projet de loi, tendant à supprimer le déplacement des dispositions de l'article 427 du code civil à l'article 393. Elle vous proposera, à l'article 4 du projet de loi, de les faire figurer à l'article 394.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 1 er et l'article 2 ainsi modifiés .
Article 3 (art. 388-3 nouveau du code civil) - Surveillance des administrations légales et des tutelles par le juge des tutelles et le procureur de la République
Cet article insère un article 388-3 dans le code civil afin de faire figurer, en les modifiant, les règles relatives à la surveillance des administrations légales et des tutelles par l'autorité judiciaire dans les dispositions liminaires, donc communes, du chapitre I er (« de la minorité ») du livre I er (« de la personne ») réorganisé par l'article 2.
Ces règles figurent actuellement à l'article 395, aux termes duquel le juge des tutelles :
- exerce une surveillance générale sur les administrations légales et les tutelles de son ressort 6 ( * ) ;
- peut convoquer les administrateurs légaux, tuteurs et autres organes tutélaires 7 ( * ) , leur réclamer des éclaircissements, leur adresser des observations, prononcer contre eux des injonctions ;
- peut condamner à l'amende prévue au nouveau code de procédure civile 8 ( * ) ceux qui, sans excuse légitime, n'auront pas déféré à ses injonctions.
Rappelons que la protection des enfants est assurée, in fine , par trois juges différents : le juge des enfants ou le juge aux affaires familiales en matière d'autorité parentale sur la personne de l'enfant, le juge des tutelles en matière patrimoniale essentiellement.
Comme le soulignent M. Michel Bauer, M. Thierry Fossier et Mme Laurence Pecaut-Rivolier dans leur ouvrage intitulé La réforme des tutelles, ombres et lumières : « ce rôle autoritaire ne signifie pas que le juge peut se substituer à l'administrateur légal ou au tuteur dans la gestion de la fortune du mineur. Il demeure un contrôleur, chargé de déceler les cas aberrants dans lesquels la famille ne s'acquitte pas de son rôle ; il ne donne pas d'ordres en matière de gestion, il avalise ou pas les solutions qui lui sont proposées et le gestionnaire reste libre d'exécuter ou pas l'autorisation donnée. L'autorisation délivrée par le juge n'est qu'un permis d'agir, jamais une obligation d'agir 9 ( * ) . »
Les modifications de fond proposées consistent à confier également au procureur de la République une mission de surveillance générale des administrations légales et des tutelles de son ressort et à prévoir que les organes tutélaires sont tenus de déférer à sa convocation, comme à celle du juge des tutelles, et de lui communiquer toutes les informations qu'il requiert.
Ces dispositions sont cohérentes avec la mission générale de protection des personnes, en particulier de l'enfance, confiée au parquet. Elles font écho au texte proposé par l'article 5 du projet de loi pour l'article 416 du code civil, qui confie au juge des tutelles ainsi qu'au procureur de la République une mission de surveillance générale des mesures de protection des majeurs dans leur ressort. Elles impliquent toutefois, pour devenir effectives, de renforcer les moyens du parquet civil.
Les pouvoirs d'injonction et de condamnation à l'amende civile resteront, en revanche exclusivement, dévolus au juge des tutelles .
La rédaction proposée ne mentionne plus la dispense de condamnation en cas d'excuse légitime, qui va de soi. En pratique, il est rare qu'une telle amende soit infligée. A titre d'exemple, une condamnation pourrait être prononcée à l'encontre d'un tuteur qui refuserait de produire les comptes de la tutelle.
Votre commission vous soumet un amendement de coordination avec l'abrogation du code de procédure civile et son remplacement par le nouveau code de procédure civile, prévus par l'article 23 ter du projet de loi, et vous propose d'adopter l'article 3 ainsi modifié .
Article 3 bis (nouveau) (art. 391-1 nouveau du code civil) - Fin de la tutelle du mineur
Cet article, inséré par l'Assemblée nationale en première lecture sur proposition de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, insère un nouvel article 391-1 dans le code civil afin de prévoir les hypothèses dans lesquelles prend fin la tutelle d'un mineur.
Les cas d'ouverture de la tutelle sont prévus par plusieurs articles épars du code civil, que le projet de loi ne modifie pas :
- lorsque le père et la mère sont tous deux décédés ou se trouvent privés de l'exercice de l'autorité parentale (article 390) ;
- lorsqu'un enfant n'a ni père ni mère (article 390) ;
- sur décision du juge des tutelles, soit d'office, soit à la requête de parents ou alliés ou du ministère public (article 391) ;
- sur décision du juge des tutelles, lorsque ni le père ni la mère ne sont en état d'exercer l'autorité parentale (article 373-5).
Aux termes de l'article 392, si un enfant vient à être reconnu par l'un de ses deux parents après l'ouverture de la tutelle, le juge des tutelles peut , à la requête de ce parent, décider de substituer à la tutelle l'administration légale .
Il n'est pas fait mention des autres cas dans lesquels la tutelle prend fin. M. Emile Blessig, dans son rapport au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale, relève que « ce silence n'est pas à proprement parler une carence, dans la mesure où ces cas transparaissent de manière implicite à la lumière des dispositions du nouveau chapitre Ier du titre X du livre premier du code civil. Il n'en reste pas moins que de nombreuses dispositions affectant le régime juridique des mineurs dépendent de ces différents cas de figure et que, dès lors que les hypothèses d'expiration des mesures de protection juridique sont explicitement précisées par le projet de loi s'agissant des majeurs, il convient de faire de même pour les mineurs 10 ( * ) . »
Le texte proposé pour l'article 391-1 prévoit en conséquence que la tutelle d'un mineur prend fin dans quatre autres cas : l'émancipation, la majorité, un jugement de mainlevée passé en force de chose jugée et le décès de l'intéressé.
Il présente le double intérêt d'améliorer la lisibilité du code civil et d'établir un parallèle avec les dispositions de l'article 443, dans sa rédaction issue de l'article 5 du projet de loi, qui énumèrent les cas dans lesquels prend fin la tutelle d'un majeur : en l'absence de renouvellement de la mesure, à l'expiration du délai fixé, en cas de jugement de mainlevée passée en force de chose jugée, en cas de décès de l'intéressé ou, dans certaines hypothèses précisées par l'Assemblée nationale, lorsque la personne protégée fixe sa résidence en dehors du territoire national.
Les règles relatives à la protection des mineurs qui quittent le territoire national sont fixées par la convention de La Haye du 5 octobre 1961 concernant la compétence des autorités et la loi applicable en matière de protection des mineurs. Aussi est-il inutile de prévoir cette hypothèse dans la loi nationale.
Votre commission vous soumet un amendement de coordination , tendant à faire figurer les dispositions proposées à l'article 393 du code civil, et vous propose d'adopter l'article 3 bis ainsi modifié .
Article 4 (art. 394 à 413 du code civil) - Organisation et fonctionnement de la tutelle des mineurs
Cet article procède à une réécriture d'ensemble des règles relatives à l'organisation et au fonctionnement de la tutelle des mineurs.
Les aménagements les plus substantiels consistent en la suppression de la tutelle légale , c'est-à-dire de l'obligation de choisir le tuteur d'un mineur parmi ses ascendants en l'absence de choix du dernier vivant de ses parents, et en une simplification de la composition et des règles de fonctionnement du conseil de famille .
De nombreuses dispositions du code civil ne sont pas reprises en raison soit de leur déplacement dans le nouveau titre XII du livre I er , relatif à la gestion du patrimoine des mineurs et des majeurs en tutelle, soit de leur caractère réglementaire.
Pour des raisons de lisibilité, votre rapporteur a pris le parti, dans la présentation de ces nouvelles dispositions, de faire apparaître la nouvelle structure de la sous-section 2 (« de l'organisation et du fonctionnement de la tutelle ») de la section 2 (« de la tutelle ») du chapitre I er (« de la minorité ») du titre X (« de la minorité et de l'émancipation ») du livre premier (« des personnes ») du code civil, prévue par l'article 2 du projet de loi.
Sous-section 2
De l'organisation et du
fonctionnement de la tutelle
L'article 2 du projet de loi prévoit l'insertion dans cette sous-section d'un article 393 liminaire reprenant, en application de son article 1 er , les dispositions de l'actuel article 427, aux termes duquel : « La tutelle, protection due à l'enfant, est une charge publique . » Cet article étant redondant avec celle de l'article 394 suivant, votre commission vous en a proposé le déplacement et le changement d'objet à l'article 3 bis du projet de loi.
Paragraphe 1
Des charges tutélaires
Art. 394 du code civil : Devoir de tutelle
Cet article proclame que la tutelle constitue un devoir des familles et de la collectivité publique.
Le rôle premier de la famille dans l'organisation et le fonctionnement de la tutelle des mineurs n'était pas clairement affirmé jusqu'à présent mais résultait de divers articles du code civil. Il est maintenu, bien qu'atténué, par le projet de loi. L'intervention de la collectivité publique demeure subsidiaire, lorsque la tutelle est dite vacante.
Votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet de rappeler, comme le fait l'actuel article 427, que la tutelle constitue une protection due à l'enfant et une charge publique . Elle doit être instituée dans l'intérêt exclusif du mineur et ne donne pas lieu à rémunération, seules des indemnités pouvant être prévues pour la personne exerçant la charge tutélaire.
Art. 395 du code civil : Causes d'exclusion ou de destitution de l'exercice d'une charge tutélaire
Cet article dresse la liste des causes d'exclusion ou de destitution de l'exercice des différentes charges de la tutelle, c'est-à-dire les charges de tuteur, de tuteur adjoint, de subrogé tuteur 11 ( * ) et de membre du conseil de famille.
Ces causes sont déjà prévues aux articles 442 et 443 actuels. Elles sont rangées en quatre catégories. Le projet de loi les rassemble au sein d'un même article et leur apporte d'utiles précisions.
La première catégorie regroupe les mineurs non émancipés, sauf s'ils sont le père ou la mère du mineur en tutelle .
La novation introduite par le projet de loi consiste à permettre aux mineurs émancipés d'exercer les charges de la tutelle . Elle est cohérente avec les dispositions de l'article 481, que le projet de loi déplace à l'article 413-6, en vertu desquelles le mineur émancipé 12 ( * ) est capable, comme un majeur, de tous les actes de la vie civile, sauf pour se marier ou se donner en adoption.
L'absence de précision du droit en vigueur sur ce point était jusqu'à présent source d'hésitations. M. Jacques Massip, entendu par votre rapporteur, relève dans son étude sur les incapacités qu'en 1969, un conseil de famille n'a pas hésité, avec l'approbation du juge des tutelles, à émanciper, à sa demande, une jeune fille âgée de 20 ans qui venait de perdre sa mère déjà veuve et à lui confier la tutelle de ses frères et soeurs. Toutefois, de nombreux auteurs considèrent que l'exercice d'une charge tutélaire est l'accomplissement d'un droit civique et non d'un droit civil.
La possibilité pour un mineur, même non émancipé et quel soit que son âge, d'exercer les charges de la tutelle de son propre enfant constitue en revanche la reprise du droit en vigueur. En effet, le mineur est alors investi de l'autorité parentale et donc de l'administration légale.
La deuxième catégorie regroupe les personnes qui bénéficient d'une mesure de protection juridique prévue par le code civil . Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a précisé qu'il s'agissait des majeurs se trouvant dans cette situation.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 442 vise les majeurs en tutelle, les aliénés et les majeurs en curatelle. Les novations introduites par le projet de loi font de la sauvegarde de justice et du mandat de protection future des causes d'exclusion des charges tutélaires et , à l'inverse, prévoient que l'aliénation n'en est plus une, si elle ne donne pas lieu à une mesure de protection .
En revanche, ni la nouvelle mesure d'assistance judiciaire (d'accompagnement judiciaire selon la rédaction retenue par l'Assemblée nationale), prévue par l'article 5 du projet de loi, ni la nouvelle mesure d'accompagnement social personnalisé, prévue par son article 8, ne constitueront des causes d'exclusion.
En effet, la structure du titre XI (« de la majorité et des majeurs protégés par la loi ») prévue par l'article 5 du projet de loi comporte trois chapitres consacrés respectivement aux dispositions communes, aux mesures de protection juridique des majeurs et à la mesure d'assistance judiciaire. Il en découle que cette dernière ne constitue pas une mesure de protection juridique. De fait, le texte proposé par l'article 5 du projet de loi pour l'article 495-3 du code civil prévoit qu'elle n'entraîne aucune incapacité, sauf celle de percevoir et de gérer les prestations sociales auxquelles l'intéressé a droit. Ces prestations doivent en effet être perçues et gérées, pour son compte, par le mandataire judiciaire à la protection des majeurs.
Il en va de même, a fortiori , de la mesure d'accompagnement social personnalisé, qui ne peut être imposée à son bénéficiaire et dont le régime est défini non dans le code civil mais dans le code de l'action sociale et des familles.
Les mesures de protection juridique des majeurs sont ainsi exclusivement celles regroupées sous le chapitre II éponyme du titre XI du livre Ier du code civil, c'est-à-dire : la sauvegarde de justice, la curatelle, la tutelle et le mandat de protection future.
Jusqu'à présent la sauvegarde de justice n'était pas une cause d'exclusion de plein droit : il appartenait au conseil de famille d'apprécier la situation. Toutefois, dans cette hypothèse, l'altération des facultés personnelles de l'intéressé a déjà été médicalement constatée ; s'il conserve l'exercice de ses droits, il ne peut faire un acte pour lequel un mandataire spécial a été désigné par le juge et les actes passés pendant la durée de la mesure peuvent être annulés, rescindés pour simple lésion ou réduits en cas d'excès. Cette extension semble donc justifiée.
Quant au mandat de protection future, il ne pouvait bien évidemment être déjà prévu puisqu'il constitue l'une des innovations majeures du projet de loi. S'il n'entraîne aucune incapacité pour le mandant, il ne peut être mis à exécution qu'en cas d'altération médicalement constatée de ses facultés personnelles. Aussi cette nouvelle cause d'exclusion de l'exercice des charges tutélaires paraît-elle justifiée.
L'aliénation ne constituera plus, à elle seule, une cause d'exclusion de droit des charges tutélaires. Il s'agit de renforcer le principe d'indépendance des régimes de protection juridique prévus par le code civil et du régime d'hospitalisation pour soins psychiatriques prévu par le code de la santé publique. Toutefois, le juge des tutelles et le conseil de famille prendront bien évidemment en compte l'état de santé mentale des personnes auxquelles ils souhaitent confier des charges tutélaires. Par ailleurs, il n'est pas rare que des personnes en soins psychiatriques bénéficient de la sauvegarde de justice médicale.
La troisième catégorie vise les personnes à qui l'autorité parentale a été retirée .
Les titulaires de l'autorité parentale peuvent se la voir retirer en cas de condamnation pénale, soit comme auteurs ou complices d'un crime ou délit commis sur la personne de l'enfant, soit comme auteurs ou complices d'un crime ou délit commis par leur enfant.
En-dehors de toute condamnation pénale, ils peuvent en être privés :
- lorsque, soit par des mauvais traitements, soit par une consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques ou un usage de stupéfiants, soit par une inconduite notoire ou des comportements délictueux, soit par un défaut de soins ou un manque de direction, ils mettent manifestement en danger la sécurité, la santé ou la moralité de l'enfant ;
- lorsqu'une mesure d'assistance éducative a été prise à l'égard de l'enfant et que, pendant plus de deux ans, les titulaires de l'autorité se sont volontairement abstenus d'exercer les droits et devoirs d'autorité parentale que leur laissait l'application de cette mesure.
La quatrième catégorie eregroupe les personnes à qui l'exercice des charges tutélaires a été interdit en application de l'article 131-26 du code pénal, aux termes duquel l'interdiction de tout ou partie des droits civiques, civils et de famille prononcée par la juridiction pénale ne peut excéder une durée de dix ans en cas de condamnation pour crime et une durée de cinq ans en cas de condamnation pour délit et n'exclut pas le droit, après avis conforme du juge des tutelles et le conseil de famille entendu, d'être tuteur ou curateur de ses propres enfants.
La rédaction proposée constitue, pour ces deux dernières catégories la reprise du droit existant, à cette réserve près qu'elle ne mentionne plus les personnes qui ont été « condamnées à une peine afflictive ou infamante », c'est-à-dire à une peine criminelle. Une telle disposition semble en effet non seulement désuète -la notion de peine afflictive ou infamante a disparu du code pénal en 1994- mais inutile dans la mesure où la juridiction pénale peut prononcer une interdiction d'exercice des charges tutélaires.
Art. 396 du code civil : Destitution et remplacement du titulaire d'une charge tutélaire
Cet article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale, énumère les cas de retrait d'une charge tutélaire et de remplacement de son titulaire.
Le retrait d'une charge tutélaire peut ainsi être prononcé dans deux hypothèses, qui correspondent peu ou prou aux causes d'exclusion, de destitution ou de récusation prévues par les articles 444 et 445 actuels :
- l'inaptitude, la négligence, l'inconduite ou la fraude de son titulaire, la fraude étant substituée à l'improbité ;
- l'existence d'un litige ou d'une contradiction d'intérêts, empêchant son titulaire d'exercer la charge dans l'intérêt du mineur.
Les juges du fond, qui jouissent d'un pouvoir souverain, disposent d'une grande latitude pour apprécier l'inaptitude, la négligence, l'inconduite ou la fraude.
Le litige doit quant à lui être pendant. Jusqu'à présent il pouvait entraîner récusation lorsqu'il mettait en cause « l'état » du mineur « ou une partie notable de ses biens », y compris s'il impliquait, non pas le titulaire de la charge, mais ses père et mère. Un procès de peu d'importance ne suffisait pas.
La rédaction proposée est donc à la fois plus libérale, puisqu'elle ne mentionne plus les père et mère du tuteur, et plus exigeante dans la mesure où, d'une part, elle vise également l'hypothèse d'une contradiction d'intérêts , d'autre part, il suffit que le tuteur soit empêché d'exercer sa charge dans l'intérêt du mineur. Une nouvelle fois, les juges du fond disposeront d'un large pouvoir d'appréciation.
L'Assemblée nationale a supprimé l'exigence d'une contradiction d'intérêts « manifeste », sur proposition de sa commission des lois qui a jugé ce qualificatif « inutile et restrictif ».
Ces hypothèses constitueront bien évidemment des causes d'exclusion facultative qu'il reviendra au conseil de famille d'apprécier dans la désignation du tuteur.
Il peut désormais être procédé au remplacement du tuteur en cas de changement important dans sa situation , quel qu'il soit : éloignement, nouvelles occupations professionnelles, obligations familiales...
Jusqu'à présent, la tutelle était obligatoire pour les parents ou alliés. Le tuteur ne pouvait être dispensé puis déchargé de la tutelle, en application des articles 428 et 429, que « si l'âge, la maladie, l'éloignement, des occupations professionnelles ou familiales exceptionnellement absorbantes ou une tutelle antérieure rendaient particulièrement lourde cette nouvelle charge ». Ni le père ni la mère du mineur ne pouvaient, dans les cas exceptionnels où ils étaient susceptibles d'être appelés à la tutelle de leurs enfants, être admis à faire valoir ces excuses. En vertu de l'article 434, le subrogé tuteur et les membres du conseil de famille pouvaient s'en prévaloir, « mais seulement suivant la gravité de la cause ».
Comme le soulignent M. Michel Bauer, M. Thierry Fossier et Mme Laurence Pecaut-Rivolier dans leur ouvrage précité, l'intérêt porté à l'enfant doit devenir le critère essentiel de la désignation des membres du conseil de famille . « Dès lors peuvent disparaître les textes restreignant les causes de dispense ou de décharge : celui qui invoquerait de tels motifs porte un intérêt limité à l'enfant et rien ne sert de l'intégrer de force dans le conseil de famille 13 ( * ) ».
Art. 397 du code civil : Pouvoirs respectifs du conseil de famille et du juge
Cet article précise les pouvoirs respectifs du conseil de famille et du juge des tutelles. Il reprend, en les complétant, les règles actuellement fixées aux articles 446, 447 et 448.
Il revient ainsi au conseil de famille , déjà investi du pouvoir de nomination du tuteur et du subrogé tuteur , sauf lorsque le tuteur a été désigné par le dernier vivant des père et mère dans les conditions prévues au nouvel article 403, de statuer sur les empêchements, retraits et remplacements qui les intéressent .
Le juge des tutelles est compétent à l'égard des autres membres du conseil de famille , qu'il est par ailleurs chargé de nommer .
Il est toutefois précisé, comme le fait actuellement l'article 448, que le juge peut, en cas d'urgence, prescrire des mesures provisoires dans l'intérêt du mineur . Il lui est ainsi loisible non seulement de désigner le tuteur et le subrogé tuteur mais également d'ordonner toute mesure urgente nécessaire à la préservation des intérêts patrimoniaux de l'enfant, alors que son tuteur n'est pas encore désigné ou que sa désignation est contestée.
Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a maintenu dans le code civil le principe selon lequel le tuteur ou le subrogé tuteur ne peut être exclu, destitué ou récusé qu'après avoir été entendu ou appelé par le juge , ce principe procédural étant, aux yeux de son rapporteur M. Emile Blessig, « élémentaire aux droits de la défense ».
Tout en souscrivant à cet ajout, votre commission vous soumet, outre un amendement de précision, un amendement tendant à étendre le bénéfice de cette garantie élémentaire du droit de la défense à tous les membres du conseil de famille et à faire référence au retrait d'une charge tutélaire plutôt qu'à l'exclusion, à la destitution ou à la récusation de son titulaire, par coordination avec la rédaction retenue par le projet de loi.
Paragraphe 2
Du conseil de famille
Art. 398 du code civil : Organisation de la tutelle avec un conseil de famille
Cet article dispose que la tutelle d'un mineur doit toujours être organisée avec un conseil de famille , même en présence d'un tuteur testamentaire, c'est-à-dire en cas de désignation du tuteur par le dernier vivant des père et mère par testament ou par déclaration spéciale devant notaire.
Une seule exception est prévue : celle de la vacance de la tutelle , c'est-à-dire l'impossibilité dans laquelle se trouve le juge de confier les charges tutélaires à des membres de la famille du mineur.
La rigueur de cette règle est parfois contestée, en raison des lourdeurs qu'elle implique et des conflits qu'elle peut susciter. Le nouvel article 456 ne la retient d'ailleurs pas pour la tutelle des majeurs.
Toutefois, les familles y demeurent attachées et le juge des tutelles n'est pas confronté à la difficulté, qu'il rencontre dans la tutelle des majeurs, de trouver des volontaires mais à celle de les départager. Les membres du conseil de famille peuvent en effet apporter un soutien utile au tuteur, chez qui vit le mineur, en particulier lors du passage de l'adolescence, plus souvent difficile pour les orphelins.
Art. 399 du code civil : Composition du conseil de famille
Cet article fixe les règles relatives à la composition du conseil de famille, qui figurent actuellement aux articles 407 à 409 du code civil.
La règle selon laquelle ses membres sont désignés par le juge des tutelles pour la durée de la tutelle , sauf cas de révocation ou de remplacement, est conservée.
Les personnes susceptibles d'appartenir au conseil de famille demeurent prioritairement les parents ou alliés des père et mère du mineur, étant entendu que le juge doit privilégier, autant que possible, la représentation de chaque lignée . La recherche de cet équilibre est nécessaire mais se heurte parfois à des situations familiales conflictuelles, ce qui justifie la prudence retenue dans la formulation de cette disposition. Est également maintenue la possibilité de nommer « toute personne qui manifeste un intérêt » pour le mineur, cette expression incluant les voisins et amis dont la mention disparaît.
Enfin, les considérations devant présider au choix du juge restent à peu près inchangées : l'intérêt du mineur, tout d'abord ; l'aptitude, les relations habituelles que ces personnes entretenaient avec son père ou sa mère et les liens affectifs qu'elles ont avec lui, ensuite ; la disponibilité qu'elles présentent, enfin. Cette dernière considération est substituée à celles liées à l'âge et au lieu de résidence, qu'elle permet de prendre en compte. Le pouvoir du juge n'en demeure pas moins discrétionnaire et sa décision n'a pas à être motivée.
La modification majeure porte sur le nombre des membres du conseil de famille .
Actuellement, celui-ci doit être compris entre 4 et 6, « y compté le subrogé tuteur, mais non le tuteur ni le juge des tutelles ». Si le nombre minimum est d'ordre public, tel n'est pas le cas du nombre maximum et la jurisprudence admet une composition plus étoffée 14 ( * ) .
A l'avenir, le conseil de famille devra comprendre au moins 4 membres, y compris le tuteur et le subrogé tuteur , mais non le juge. Le plancher est donc abaissé , puisque le tuteur est désormais inclus dans le décompte, et le plafond supprimé, puisqu'il était considéré comme indicatif. Le juge pourra ainsi mieux adapter la composition du conseil de famille à la situation du mineur.
En indiquant clairement que le tuteur est membre du conseil de famille, la rédaction retenue permet de lever une ambiguïté. Alors que la rédaction de l'article 407 pourrait déjà le laisser supposer, M. Jacques Massip, qui y a contribué, considère que le tuteur n'en fait pas partie 15 ( * ) . De fait, l'article 415 actuel lui impose d'assister à ses réunions, prévoit qu'il y est entendu mais lui interdit de voter. De surcroît, le conseil de famille, après avoir été composé par le juge, se réunit pour nommer le tuteur. Or il n'a aucune obligation de choisir ce dernier parmi ses membres. A l'inverse, s'il faisait ce choix, le juge pourrait être obligé de compléter l'effectif du conseil pour atteindre le plancher légal.
Art. 400 du code civil : Délibérations du conseil de famille
Cet article détermine les règles relatives aux délibérations du conseil de famille, actuellement fixées à l'article 415.
Il énonce le principe selon lequel ces délibérations doivent faire l'objet d'un vote de ses membres et du juge. Votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet de préciser que le conseil de famille est présidé par le juge des tutelles.
Il reprend l' interdiction faite au tuteur et au subrogé tuteur, lorsqu'il remplace le tuteur, de participer aux votes. Le lien de subordination du tuteur au conseil de famille justifie cette restriction : comme le prévoit le texte proposé pour l'article 401, le conseil de famille règle les conditions générales de l'entretien et de l'éducation du mineur, apprécie les indemnités qui peuvent être allouées au tuteur, prend les décisions et donne au tuteur les autorisations nécessaires pour la gestion des biens du mineur.
A l'initiative de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a également repris la règle selon laquelle, en cas de partage des voix, celle du juge est prépondérante . Le Gouvernement estimait pouvoir la faire figurer dans le code de procédure civile. M. Emile Blessig, rapporteur, a pour sa part souligné, à juste titre, que la prééminence du juge en cas de partage des voix ne pouvait être assimilée à un pur aspect de procédure.
En revanche, les règles relatives à la convocation (articles 410 et 411) et à la tenue du conseil de famille (articles 412 et 413), aux conditions de quorum requises pour la validité de ses délibérations (article 414) et à la faculté offerte au mineur capable de discernement d'assister à ses réunions, à titre consultatif et sous réserve de l'accord préalable du juge des tutelles (article 415), sont procédurales et relèvent du niveau réglementaire. Aussi est-ce à juste titre que le projet de loi ne les reprend pas.
Le décret d'application de la loi devrait ainsi conserver, notamment, la possibilité de faire voter les membres du conseil de famille par correspondance, que l'éloignement géographique rend indispensable.
Art. 401 du code civil : Missions du conseil de famille
Cet article énonce les missions du conseil de famille.
Le premier alinéa, qui reprend à l'identique les dispositions de l'actuel article 449, lui confie le soin de régler les conditions générales de l'entretien et de l'éducation du mineur . Il l'invite toutefois, dans l'exercice de cette mission, à prendre en considération la volonté que les père et mère avaient pu exprimer.
Le deuxième alinéa, qui reprend une disposition de l'actuel article 454, donne au conseil de famille compétence pour apprécier les indemnités qui peuvent être allouées au tuteur . En effet, l'exercice de la charge tutélaire n'ouvre pas droit à une rémunération à proprement parler mais à des indemnités, qui peuvent être accordées en contrepartie de la gestion du patrimoine du mineur et du temps passé à s'en occuper. Il revient au conseil de famille d'apprécier leur opportunité et leur montant.
Le troisième et dernier alinéa donne au conseil de famille le pouvoir de prendre les décisions les plus importantes touchant à la gestion du patrimoine du mineur, tout en déléguant leur mise en oeuvre au tuteur par le biais d'autorisations . Par coordination avec la réorganisation des trois derniers titres du livre I er , prévue par les articles 1 er et 2 du projet de loi, il renvoie au nouveau titre XII (« Des dispositions relatives à la gestion du patrimoine des mineurs et des majeurs en tutelle ») le soin de déterminer cette répartition des rôles.
Art. 402 du code civil : Causes susceptibles d'entraîner la nullité des délibérations du conseil de famille
Cet article, qui reprend pour l'essentiel l'actuel article 416, énumère les causes susceptibles d'entraîner la nullité des délibérations du conseil de famille.
Il s'agit du dol, de la fraude ou de l'omission de « formalités substantielles ». Compte tenu de la difficulté de définir, a priori , ce qu'il faut entendre par formalités substantielles, il semble préférable de s'en remettre au pouvoir souverain des juges sur ce point.
La nullité étant relative , elle peut être couverte par une nouvelle délibération valant confirmation selon l'article 1338 du code civil. Cette confirmation peut être tacite.
Les personnes admises à agir en nullité, devant le tribunal de grande instance, sont limitativement : le tuteur, le subrogé tuteur, les autres membres du conseil de famille, le ministère public et le mineur -ce terme étant substitué à celui de pupille- devenu majeur ou émancipé.
Votre commission vous soumet un amendement de précision tendant à faire référence au procureur de la République plutôt qu'au ministère public.
Le juge des tutelles qui peut former un recours sur le fond devant le tribunal de grande instance 17 ( * ) , n'est pas admis à agir en nullité. Inversement, le ministère public a qualité pour demander la nullité d'une délibération du conseil de famille mais ne peut former un recours au fond.
Selon la jurisprudence, l'action en nullité se transmet aux successeurs universels de la personne protégée, lorsque le droit qui est l'objet de la délibération en cause revêt un caractère patrimonial 18 ( * ) .
Pour être recevable, l'action en nullité doit, en principe, être intentée dans les deux années suivant la délibération. Toutefois, lorsque le mineur devenu majeur ou émancipé en est à l'initiative, ce délai de deux ans ne commence à courir que du jour de sa majorité ou de son émancipation. De même, s'il y a eu dol ou fraude, le délai ne court qu'à compter du jour de sa découverte.
Le tribunal peut seulement annuler la délibération ou la déclarer valable. Constituant en l'espèce le premier degré de juridiction, sa décision est sujette à appel, l'arrêt de la cour pouvant lui même faire l'objet d'un pourvoi en cassation.
Les actes pris sur le fondement d'une délibération du conseil de famille qui a été annulée par une décision passée en force de chose jugée se trouvent eux-mêmes annulables de la même manière, sous un délai courant à compter de leur édiction. La nullité entraîne ainsi la disparition de la délibération et des actes pris sur son fondement .
Paragraphe 3
Du tuteur
Art. 403 du code civil : Maintien de la tutelle testamentaire
Cet article, qui reprend les actuels articles 397, 398 et 401, confère au dernier vivant des père et mère et à lui seul, s'il a conservé, au jour de son décès, l'exercice de l'administration légale ou de la tutelle le droit de désigner, dans son testament ou par déclaration spéciale devant notaire, un tuteur pour son enfant. La tutelle est dite testamentaire.
La tutelle ne s'ouvrant que lors du décès du dernier parent, il n'y a pas lieu de désigner un tuteur lorsqu'un des parents est encore vivant. La condition essentielle réside donc dans l'exercice, par le dernier vivant des deux parents, de l'administration légale ou de la tutelle.
Votre commission des lois vous soumet un amendement ayant pour objet de substituer à cette condition celle de l'exercice de l'autorité parentale. Il est en effet des hypothèses où la tutelle du mineur est confiée à un tiers alors que son père ou sa mère conserve l'autorité parentale.
Le dernier vivant des père et mère dispose d'une liberté totale de choix du tuteur , qui peut ne pas être un membre de la famille, sous réserve des causes d'exclusion prévues par le code civil à l'encontre du tuteur putatif. Ce droit à la désignation testamentaire du tuteur ne concerne que les mineurs, aucunement les majeurs protégés.
La désignation du tuteur effectuée dans un tel cadre s'impose au conseil de famille, le respect de la volonté du défunt se trouvant ainsi explicitement garanti par la loi. Une seule exception est prévue : l' intérêt du mineur . Elle est légitime compte tenu de l'objet même de la mesure de protection, qui vise justement à préserver et à défendre les intérêts de l'enfant comme le rappelle l'actuel article 427.
Dans sa rédaction initiale, le projet de loi confiait au juge des tutelles le pouvoir de trancher « en cas de difficulté ». Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a supprimé cette disposition car, comme l'a fait valoir M. Emile Blessig, « elle pourrait, dans certains cas, conduire le juge à écarter l'avis majoritaire du conseil de famille, dont le rôle est central et essentiel 19 ( * ) ». Les conditions d'exercice des recours contre les décisions du conseil de famille seront précisées par voie réglementaire.
Le dernier alinéa de cet article dispose que le tuteur ainsi désigné par le père ou la mère n'est pas tenu d'accepter la tutelle . Il permet ainsi aux parents ou alliés des père et mère de décliner cette charge, même sans excuse valable.
Art. 404 du code civil : Suppression de la tutelle légale - Maintien de la tutelle dative
Cet article, qui reprend les dispositions de l'actuel article 404, donne au conseil de famille le pouvoir de désigner un tuteur s'il n'y a pas de tuteur testamentaire ou si celui qui a été désigné en cette qualité vient à cesser ses fonctions. La tutelle est dite « dative ».
En revanche, les dispositions des actuels articles 402 et 403, qui instituent la « tutelle légale » en obligeant le conseil de famille, en l'absence de tutelle testamentaire, à déférer la tutelle à celui des ascendants qui est du degré le plus rapproché, ne sont pas reprises.
La suppression de la tutelle des ascendants , après celle de leur réserve héréditaire opérée par la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, constitue l' une des innovations majeures du projet de loi .
Préconisée aussi bien par Mme Irène Théry dans son rapport sur le couple, la filiation et la parenté de 1998 20 ( * ) , que par la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la famille et les droits de l'enfant ou, plus récemment 21 ( * ) , par Mme Dominique Versini, Défenseure des enfants, dans son rapport annuel pour 2006 22 ( * ) , elle prend acte tout à la fois de l'évolution sociale et des pratiques.
En effet, le droit exclusif des ascendants à être désignés en qualité de tuteur avant tout autre membre de la famille, quelles que soient les capacités des uns et des autres, sans appréciation possible de l'intérêt de l'enfant, ne semble plus adapté aux situations familiales actuelles, compte tenu notamment de la généralisation des naissances tardives et de l'allongement de l'espérance de vie.
Aussi est-il déjà fréquent que l'ascendant le plus proche soit fictivement désigné comme tuteur et que l'enfant soit confié à un tiers. La Cour de cassation a en effet estimé que la désignation d'un ascendant comme tuteur du mineur n'empêchait pas de prévoir, par ailleurs, que son éducation soit assurée par un tiers, concubin du dernier parent survivant en l'occurrence 23 ( * ) . De même, si elle a refusé qu'un tiers désigné par le dernier des parents survivant en dehors des règles de forme usuelles, c'est-à-dire par testament ou devant notaire, puisse se voir confier la tutelle d'un mineur, elle a tout de même admis que ce même tiers, dans un tel cas de figure, soit responsable de l'éducation de l'enfant, dès lors que l'intérêt de celui-ci le justifie 24 ( * ) .
Tout en présentant un caractère subsidiaire en théorie, la tutelle dative constitue ainsi déjà la forme la plus fréquente de la tutelle. Et le conseil de famille jouit d'une liberté totale pour choisir le tuteur , sous réserve des causes d'exclusion. Il peut choisir une personne morale 25 ( * ) . Actuellement, sa décision peut être frappée d'un recours devant le tribunal de grande instance, soit par le tuteur, le subrogé tuteur ou les autres membres du conseil de famille, soit par le juge des tutelles. En cas de réformation, le tribunal peut soit laisser au conseil de famille le soin de pourvoir à la nomination d'un nouveau tuteur, soit procéder lui-même à la désignation d'un nouveau tuteur 26 ( * ) .
Art. 405 du code civil : Possibilité de désigner plusieurs tuteurs
Cet article, qui reprend et précise l'actuel article 417, donne au conseil de famille la faculté de diviser l'exercice de la tutelle entre un tuteur chargé de la personne du mineur et un tuteur chargé de la gestion de ses biens ou de confier la gestion de certains biens particuliers à un tuteur adjoint .
Cette décision doit être prise en « considération des aptitudes des intéressés et de la consistance du patrimoine à administrer ».
Elle peut constituer un moyen de partager les charges tutélaires entre les deux lignées de la famille.
Lorsque plusieurs tuteurs se trouvent ainsi désignés, ils ne sont pas responsables l'un envers l'autre et demeurent indépendants dans leurs fonctions respectives, à moins que le conseil de famille n'en ait décidé autrement.
L'apport du projet de loi consiste à ajouter que les co-tuteurs ou le tuteur et son adjoint sont tenus de s'informer des décisions qu'ils prennent .
Votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet de permettre , comme pour les majeurs, la désignation de plusieurs tuteurs pour exercer en commun la mesure de protection , chaque tuteur étant réputé, à l'égard des tiers, avoir reçu des autres le pouvoir de faire seul les actes pour lesquels un tuteur n'aurait besoin d'aucune autorisation. A titre d'exemple, les deux grands parents de l'enfant pourraient assumer conjointement cette charge.
Art. 406 du code civil : Durée de la charge du tuteur
Cet article, qui reprend le premier alinéa de l'actuel article 406, prévoit que le tuteur est désigné pour la durée de la tutelle .
Cette règle vaut aussi bien pour la tutelle dative que pour la tutelle testamentaire.
Alors que les mesures de protection des majeurs seront désormais limitées dans le temps, les fonctions du tuteur d'un mineur devront être exercées jusqu'à la majorité, l'émancipation ou le décès de l'enfant, à moins qu'elles fassent l'objet d'une mainlevée ou que le tuteur soit remplacé.
Art. 407 du code civil : Caractère personnel de la charge tutélaire
Cet article réaffirme le caractère personnel de la charge tutélaire, déjà posé par l'actuel article 418.
S'il ne reprend pas l'affirmation selon laquelle la tutelle ne se communique pas au conjoint du tuteur, il précise, à l'instar de l'actuel article 419, qu' elle ne se transmet pas à ses héritiers .
Dans sa rédaction initiale, le projet de loi ajoutait que les héritiers majeurs du tuteur étaient tenus :
- d'établir et de remettre au nouveau tuteur ou au mineur, au moment de sa majorité, un compte de gestion des opérations intervenues depuis l'établissement du dernier compte annuel,
- et, dans les trois mois de l'expiration de la mission du tuteur, de produire à sa place une copie des cinq derniers comptes annuels et du compte final de gestion à destination du mineur devenu capable, de ses héritiers ou du nouveau tuteur.
Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a supprimé ces dispositions relatives à la gestion du patrimoine des mineurs afin de les réintroduire à l'article 6, où elles ont effectivement davantage leur place.
Art. 408 du code civil : Missions du tuteur
Cet article définit les missions du tuteur.
Comme le prévoit déjà le premier alinéa de l'actuel article 450, il doit tout d'abord prendre soin de la personne du mineur . Jusqu'à la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002, relative à l'autorité parentale, prendre soin de la personne du mineur consistait à exercer sur lui droits et devoirs de garde, de surveillance et d'éducation. Bien que le critère déterminant soit désormais l'intérêt de l'enfant, les attributions qui découlent du fait de prendre soin du mineur n'ont pas fondamentalement évolué. Il s'agit de déterminer son lieu de résidence et d'exiger qu'il y demeure effectivement, de le protéger dans sa vie privée et dans ses relations avec autrui, de veiller à sa santé, d'assurer son éducation au quotidien mais aussi de gérer ses biens.
Le tuteur a également la charge de représenter le mineur dans tous les actes de la vie civile, à l'exclusion de ceux pour lesquels la loi ou l'usage permettent au mineur d'agir par lui-même . Ces derniers sont de plus en plus nombreux, même si le mineur dispose rarement d'une autonomie totale. A titre d'exemple, un mineur peut accomplir sur les actes de la vie courante, définis comme ceux qui sont proportionnés à sa maturité, à son patrimoine et à ses besoins ; il peut ouvrir un compte sur livret ou d'épargne logement, être mandataire 27 ( * ) et, lorsqu'il a atteint l'âge de 16 ans, faire un testament pour la moitié de la quotité disponible 28 ( * ) ...
Le tuteur se voit donc investi d'une part de l'autorité normalement exercée par les parents vivants, dans les limites de l'incapacité juridique de l'enfant. Il lui revient, en sa qualité de représentant du mineur, de conclure les contrats au nom de ce dernier, qui produisent immédiatement leurs effets dans le patrimoine du représenté.
Découle logiquement du principe ainsi énoncé, la faculté offerte au tuteur de représenter le mineur en justice . Reprenant la règle posée par l'actuel article 464, cet article spécifie néanmoins que l'autorisation du conseil de famille, voire son injonction, est exigée dès lors que le tuteur veut faire valoir les droits extrapatrimoniaux du mineur en justice, en demande comme en défense. Il s'agit en général d'actions relatives à la filiation. A contrario , et comme aujourd'hui le tuteur peut agir seul, en demande comme en défense, lorsque sont en cause les droits patrimoniaux du mineur.
La règle selon laquelle le tuteur peut se voir enjoindre, par le conseil de famille, de se désister d'une instance ou d'une action, voire de transiger est également rappelée : sont alors concernés aussi bien les droits patrimoniaux que les droits extrapatrimoniaux du mineur.
Enfin, il incombe au tuteur de gérer les biens du mineur et de rendre compte de sa gestion conformément aux dispositions du nouveau titre XII. Si la référence à la gestion en bon père de famille est supprimée, il convient de rappeler que le tuteur doit avoir pour objectif premier de conserver et, si possible de faire fructifier, le patrimoine du mineur jusqu'à sa majorité ou son émancipation. Il ne doit donc pas prendre de risques inconsidérés.
Paragraphe 4
Du subrogé tuteur
Art. 409 du code civil : Désignation et durée des fonctions du subrogé tuteur
Cet article reprend les dispositions des actuels articles 420, 423 et 425, relatives à la désignation et à la durée de la charge du subrogé tuteur.
Le subrogé tuteur, organe de contrôle du tuteur , est nommé par le conseil de famille parmi ses membres . Son appartenance à cette instance, prévue au nouvel article 399, préexiste donc à sa désignation dans cette fonction.
Si le tuteur est parent ou allié du mineur dans une branche, le subrogé tuteur doit être choisi, dans la mesure du possible, dans l'autre branche. Cette exigence de parité entre les branches familiales est destinée à assurer, autant que faire se peut, l'équilibre entre les parties associées à la tutelle du mineur.
Sauf cas de remplacement, la charge du subrogé tuteur cesse à la même date que celle du tuteur c'est-à-dire à la majorité de l'enfant en tutelle, à son émancipation ou à sa mort.
Art. 410 du code civil : Missions du subrogé tuteur
Cet article réaffirme la double mission du subrogé tuteur : surveiller le tuteur et représenter le mineur lorsque ses intérêts sont en opposition avec ceux du tuteur .
Dans sa rédaction initiale, reprenant celle de l'actuel article 420, il lui confiait la surveillance de la « gestion tutélaire ». Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a prévu la surveillance de « l'exercice de la mission tutélaire », afin de couvrir non seulement la gestion des biens mais également la protection de la personne .
Les hypothèses d'opposition d'intérêts entre le mineur et son tuteur, donc de suppléance de ce dernier par le subrogé tuteur, ne sont pas rares. Il en va ainsi lorsque le tuteur prend à bail ou à ferme les biens du mineur : en pareil cas, il ne peut jouer à la fois le rôle de bailleur et celui de preneur et la loi prévoit que le bail doit être consenti par le subrogé tuteur avec l'accord du conseil de famille. L'opposition d'intérêts est également manifeste en cas de partage de biens indivis entre le tuteur et le mineur. En ce cas, le subrogé tuteur peut remplacer le tuteur sans y être préalablement autorisé par le conseil de famille. En revanche, il ne peut le remplacer s'il est simplement empêché d'exercer ses fonctions : en ce cas, le conseil de famille doit nommer un tuteur ad hoc.
Le projet de loi précise, à la différence du droit en vigueur, que le subrogé tuteur est non seulement informé mais aussi consulté avant tout acte important du tuteur . Cette disposition a naturellement vocation à renforcer l'efficacité de son contrôle. Sa portée est conditionnée par les mesures réglementaires d'application qui en dresseront la liste.
La responsabilité personnelle du subrogé tuteur se trouve engagée dès lors qu'il n'a pas immédiatement informé le juge des fautes de gestion du tuteur dont il aurait eu connaissance. Selon la jurisprudence, constituent des cas justifiant la mise en cause de cette responsabilité l'autorisation donnée au tuteur par le subrogé tuteur de retirer des titres au porteur appartenant au mineur sans avoir vérifié quel était le motif d'un retrait aussi important 29 ( * ) ou une négligence à l'occasion des opérations de reddition des comptes de tutelle 30 ( * ) . Aucune distinction ne s'impose selon la gravité de la faute. En cas de défaillance dans sa mission de surveillance, le subrogé tuteur engage sa responsabilité solidaire avec le tuteur et, lorsqu'il le remplace, il encourt la même sanction que lui.
Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a réécrit les dispositions proposées afin, d'une part, de prévoir l'engagement de la responsabilité du subrogé tuteur non seulement pour défaut d'information du juge mais également pour défaut de surveillance des actes du tuteur, d'autre part, d'exiger l'information du juge en cas de faute du tuteur dans l'exercice de la mission tutélaire et pas seulement dans la gestion tutélaire. Il s'agit d'un alignement sur la responsabilité du subrogé tuteur des majeurs protégés, afin d'accroître la protection offerte aux mineurs.
Enfin, comme le prévoit déjà l'actuel article 424, le dernier alinéa de cet article dispose que le subrogé tuteur ne remplace pas de plein droit le tuteur lorsque ce dernier cesse ses fonctions , c'est-à-dire, notamment, en cas de décès, d'abandon de tutelle ou de placement sous le régime de la protection juridique des majeurs. Sa mission consiste alors à réunir le conseil de famille pour provoquer l'élection d'un nouveau représentant du mineur. À défaut, le subrogé tuteur peut se voir tenu de verser des dommages et intérêts au mineur.
Paragraphe 5
De la vacance de la tutelle
Art. 411 du code civil : Vacance de la tutelle
Cet article dispose qu'en cas de vacance, le juge défère la tutelle à la collectivité publique compétente en matière d'aide sociale à l'enfance.
Entre 3.000 et 4.000 vacances de tutelle de mineurs sont prononcées chaque année.
Selon la jurisprudence, la tutelle reste vacante lorsque nul n'est en mesure d'en assumer la charge 31 ( * ) et il n'appartient pas au président du conseil général de déterminer les modalités selon lesquelles la mesure de protection confiée au service de l'aide sociale à l'enfance doit être exercée, le choix entre les diverses possibilités prévues par la loi appartenant au juge des tutelles et à lui seul 32 ( * ) .
La référence à une collectivité publique indéterminée et non au département tient au fait que cette compétence est assurée par l'État dans certaines collectivités situées outre-mer, comme la Guyane.
Les dispositions proposées s'écartent de celles de l'actuel article 433 sur deux points principaux :
- en premier lieu, elles prévoient que la tutelle confiée au service de l'aide sociale à l'enfance ne comporte ni conseil de famille, ni subrogé tuteur , ce qui semble cohérent avec le fait que le constat de vacance de la tutelle traduit le plus souvent un relatif abandon familial de l'enfant ;
- en second lieu, elles accordent à la personne désignée par le service de l'aide sociale à l'enfance pour exercer la tutelle, les pouvoirs d'un administrateur légal sous contrôle judiciaire sur les biens du mineur .
Ainsi, par analogie avec le régime en vigueur pour l'administrateur légal, notamment aux articles 389-4 et 389-6 du code civil que le projet de loi ne modifie pas, cette personne se trouve en mesure d'accomplir seule tous les actes que le tuteur pourrait faire seul ou avec l'accord du subrogé tuteur. Il s'agit des actes d'administration (perception des revenus, règlement des dépenses courantes, souscription des assurances, action en justice relative à un droit patrimonial...) et des actes conservatoires. En revanche, elle doit obtenir une autorisation du juge des tutelles pour accomplir les actes que le tuteur ne pourrait réaliser qu'avec l'autorisation du conseil de famille. Cette catégorie recouvre les actes dits de disposition comme, par exemple, la vente ou l'achat d'immeubles, la souscription d'un emprunt, l'obtention d'une carte bancaire ou la transaction. De même, il lui est interdit d'accepter une succession, de placer des fonds, d'introduire une action extrapatrimoniale ou de vendre des meubles de valeur sans cette autorisation.
Enfin, cet article supprime une référence erronée au majeur incapable, dans ce titre du code civil consacré aux mineurs.
Paragraphe 6
De la responsabilité
Art. 412 du code civil : Responsabilité pour faute des organes tutélaires et de l'État
Cet article prévoit les conditions de mise en jeu de la responsabilité des organes tutélaires et de l'État pour les actes accomplis dans l'organisation et le fonctionnement de la tutelle.
Alors que les dispositions actuelles du code civil détaillent ces conditions dans la section 2 du chapitre II du titre X du livre premier du code civil, concernant la tutelle des mineurs, le projet de loi, dans sa rédaction initiale, inversait cette logique en procédant, au sein de ce nouvel article 412, à un renvoi aux dispositions énoncées aux articles 421 et 422, qui portent sur la tutelle des majeurs. Ce renvoi avait en outre pour conséquence d'inclure, pour les mineurs protégés, certaines dispositions spécifiques aux majeurs protégés, notamment s'agissant du régime de faute aggravée des curateurs.
Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a entièrement réécrit les dispositions proposées afin d'expliciter le régime de la responsabilité des organes tutélaires des mineurs .
Le premier alinéa du texte adopté par les députés dispose ainsi que tous les organes de la tutelle sont responsables du dommage résultant d'une faute quelconque qu'ils commettent dans l'exercice de leur fonction .
Le second alinéa ajoute que lorsque la faute à l'origine du dommage a été commise dans l'organisation et le fonctionnement de la tutelle par le juge des tutelles, le greffier en chef du tribunal d'instance ou le greffier, l'action en responsabilité est dirigée contre l'État qui dispose d'une action récursoire contre le magistrat ou le fonctionnaire mis en cause, dès lors que celui-ci aurait commis une faute personnelle détachable de l'exercice normal de ses fonctions mais ayant un lien avec son service.
Ces dispositions sont favorables aux personnes concernées dans la mesure où la solvabilité de l'Etat est assurée.
Les magistrats et fonctionnaires ne peuvent ainsi être mis en cause personnellement, depuis l'abandon en 1964 des anciennes règles de la prise à parti, sauf à commettre une faute détachable de l'exercice du service -c'est-à-dire dénuée de tout lien avec lui. La procédure doit être dirigée contre l'Etat et, contrairement au droit commun de la responsabilité de ce dernier pour fonctionnement défectueux du service de la justice 33 ( * ) , la faute n'a pas besoin d'être lourde ou constitutive d'un déni de justice .
La logique du régime de faute simple instauré en matière de tutelle résulte de la nécessité d'une responsabilité étendue à l'égard des personnes protégées pour toute faute survenue dans l'accomplissement de la mesure de protection, laquelle est également privative de droits. Toutefois, il convient de souligner que l'appréciation de la faute lourde a été assouplie depuis un arrêt d'assemblée plénière de la Cour de cassation du 23 février 2001 selon lequel : « constitue une faute lourde toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi. »
A titre d'exemple, le juge des tutelles commet une faute engageant la responsabilité de l'Etat, lorsque, en sa qualité de président du conseil de famille chargé d'autoriser l'acceptation pure et simple d'une succession échue au mineur, à condition que l'actif dépasse manifestement le passif, il omet de vérifier que cette condition était remplie 34 ( * ) . De même, commet une faute engageant la responsabilité de l'État le juge des tutelles qui n'a pas contrôlé l'emploi des fonds versés pour le compte du mineur et qui n'a pas exigé du tuteur le dépôt des comptes annuels et définitifs de fin de tutelle.
Pour qu'une action en responsabilité puise être engagée contre l'Etat, trois conditions doivent être réunies : le demandeur doit d'abord prouver qu'il a subi un dommage ; il doit ensuite démontrer que ce dommage résulte d'une faute quelconque commise par le juge des tutelles ; enfin, il doit établir que cette faute a été commise dans le fonctionnement de la tutelle.
Cette action doit être portée devant le tribunal de grande instance, en vertu du principe de la séparation des pouvoirs. La règle, qui figure actuellement à l'article 473, n'est pas reprise par le projet de loi au motif qu'elle serait d'ordre réglementaire.
L'exercice par l'Etat d'une action récursoire contre le magistrat ou le fonctionnaire suppose que ce dernier ait commis une faute personnelle. Elle est engagée conformément aux statuts respectifs des agents concernés : statut de la fonction publique pour les greffiers, statut de la magistrature 35 ( * ) pour les juges des tutelles. S'agissant des magistrats, l'action doit être portée devant la Cour de cassation. Apparemment, une telle situation ne s'est encore jamais présentée.
Art. 413 du code civil : Prescription de l'action en responsabilité
Cet article régit les modalités de prescription de l'action en responsabilité engagée contre l'État ou un organe tutélaire.
La prescription des actions, tant réelles que personnelles, est en principe de trente ans, ainsi que le prévoit l'article 2262 du code civil. En matière de tutelle, pour ne pas obliger le tuteur à conserver les pièces pendant une trop longue période, la loi a abrégé le délai de prescription des actions susceptibles d'être intentées par le mineur.
Aux termes de l'actuel article 473, la prescription intervient cinq ans à compter de la majorité, lors même qu'il y aurait eu émancipation -ce qui revient à laisser un délai pour agir de 7 ans au mineur émancipé. Le projet de loi prévoit de faire désormais courir le délai de prescription à compter de la fin de la mesure , donc de l'émancipation. Cette modification est cohérente avec le principe selon lequel l'émancipation produit tous les effets civils de la majorité.
Toutefois, quand le tuteur a continué à gérer les affaires du mineur après la majorité légale ou l'émancipation, la prescription ne court qu'à compter du jour où cesse cette gestion 36 ( * ) . Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale est revenue sur cette jurisprudence afin, d'une part, de faire correspondre la date de fin de la mesure de protection et le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité, d'autre part, d'unifier les régimes de prescription pour les mineurs et les majeurs. Le texte proposé par le projet de loi pour l'article 423 du code civil dispose en effet que l'action en responsabilité se prescrit par cinq ans à compter de la fin de la mesure de protection d'un majeur alors même que la gestion aurait continué au-delà. La continuation de la gestion au-delà de la fin de la mesure de protection ne reportera plus l'ouverture du délai de la prescription . Cette solution présente l'avantage d'apporter une plus grande sécurité juridique que celle retenue par la Cour de cassation : le point de départ du délai de prescription ne pourra plus être contesté, alors qu'il est difficile d'apprécier quand la gestion a véritablement cessé.
Bien évidemment, en cas de dol ou de fraude, la règle de droit commun s'applique et le délai de prescription ne court qu'à compter du jour de la découverte du dol ou de la fraude 37 ( * ) .
Votre commission vous propose d'adopter l'article 4 ainsi modifié .
Article 5 (art. 414 à 495-9 du code civil) - De la majorité et des majeurs protégés par la loi
Cet article réécrit intégralement le titre XI du livre premier du code civil relatif à la protection des majeurs.
Après des dispositions générales relatives à la capacité et à la responsabilité du majeur, le titre XI est actuellement organisé selon les trois types de mesure de protection en vigueur : la sauvegarde de justice, la tutelle et la curatelle, chacune faisant l'objet d'un chapitre spécifique.
Le projet de loi modifie cette structure :
- le chapitre I er reprend les dispositions définissant la capacité et la responsabilité du majeur ;
- le chapitre II regroupe les mesures de protection juridique concernant les personnes atteintes d'une incapacité, ces mesures pouvant être judiciaires (sauvegarde de justice, curatelle et tutelle) ou conventionnelles (mandat de protection future, créé par le projet de loi) ;
- le chapitre III crée une mesure de protection non juridique, intitulée mesure d'accompagnement judiciaire (mesure d'assistance judiciaire dans la rédaction initiale du projet de loi) et destinée aux personnes en grande difficulté sociale.
Le titre XI se trouve sensiblement étoffé du fait de l'introduction de dispositifs nouveaux comme le mandat de protection future et la mesure d'accompagnement judiciaire ou du renforcement des droits du majeur protégé. En outre, par souci de clarté, les dispositions régissant l'organisation et le fonctionnement des mesures de protection des majeurs, jusqu'à présent définies par référence au titre X relatif à la protection des mineurs, sont insérées dans le titre XI.
* 6 Les mineurs concernés sont ceux ayant leur domicile dans son ressort, c'est-à-dire celui du tribunal d'instance.
* 7 Membres du conseil de famille, qui peuvent être réunis une ou plusieurs fois pendant tout la minorité de l'enfant, et subrogé tuteur, qui contrôle les actes les plus délicats du tuteur, examine ses comptes et le remplace dans certaines circonstances.
* 8 Selon l'article 1230 du nouveau code de procédure civile, cette amende ne peut excéder 3.000 euros et la condamnation ainsi prononcée par le juge des tutelles, contrairement à la plupart de ses autres décisions, n'est pas susceptible de recours. Elle peut en revanche faire l'objet d'une opposition (articles 571 et 572 du nouveau code de procédure civile).
* 9 « La réforme des tutelles - ombres et lumières » - Dalloz juin 2006 - page 13.
* 10 Rapport n° 3557 (Assemblée nationale, douzième législature), page 95.
* 11 Personne chargée de la surveillance et, éventuellement, de la suppléance du tuteur.
* 12 Aux termes de l'article 477, que le projet de loi déplace à l'article 413-2, l'émancipation est possible lorsque le mineur a atteint l'âge de 16 ans révolus.
* 13 Op. cit., page 16.
* 14 Cass. civ. 1 ère , 5 mai 1986.
* 1516 « Les incapacités - étude théorique et pratique » - M. Jacques Massip - Répertoire du notariat Defrénois - page 181.
* 17 Article 1222 du nouveau code de procédure civile.
* 18 Cass. civ. 1 ère , 6 octobre 1982.
* 19 Rapport n° 3557 (Assemblée nationale, douzième législature), page 105.
* 20 « Couple, filiation et parenté aujourd'hui : le droit face aux mutations de la famille et de la vie privée », rapport de Mme Irène Théry, publié en juin 1998 aux éditions Odile Jacob.
* 21 Rapport d'information n° 2832 (Assemblée nationale, douzième législature) présenté par Mme Valérie Pécresse, « L'enfant d'abord : 100 propositions pour placer l'intérêt de l'enfant au coeur du droit de la famille », pp. 264 à 266.
* 22 Rapport de la Défenseure des enfants pour l'année 2006, p. 37.
* 23 Cass. 1 ère civ., 17 janvier 1995.
* 24 Cass. civ. 1 ère , 24 octobre 1995.
* 25 Tribunal d'instance de Châteaubriant, 9 décembre 1975.
* 26 Articles 1222 et 1228 du nouveau code de procédure civile.
* 27 Article 1990 du code civil.
* 28 Article 904 du code civil.
* 29 Cass. 1 ère civ., 22 juillet 1987.
* 30 Cass. 1 ère civ., 3 juillet 1996.
* 31 Cass. 1 ère civ., 6 février 2001.
* 32 Cass. 1 ère civ., 9 octobre 1991.
* 33 Article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire.
* 34 Cass. 1 ère civ, 26 juin 1979.
* 35 Article 11-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.
* 36 Cass. civ, 16 décembre 1913. Cass. 1 ère civ, 19 février 1991.
* 37 Cass. 1 ère civ, 19 décembre 1995.