Rapport n° 231 (2006-2007) de M. Robert del PICCHIA , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 14 février 2007

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N° 231

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007

Annexe au procès-verbal de la séance du 14 février 2007

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant la ratification du traité entre le Royaume de Belgique, la République Fédérale d'Allemagne, le Royaume d'Espagne, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la République d'Autriche, relatif à l' approfondissement de la coopération transfrontalière , notamment en vue de lutter contre le terrorisme , la criminalité transfrontalière et la migration illégale ,

Par M. Robert del PICCHIA,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, Mme Hélène Luc, M. André Boyer, vice - présidents ; MM. Daniel Goulet, Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, Jacques Peyrat, André Rouvière, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Hue, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Jacques Pelletier, Daniel Percheron, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir le numéro :

Sénat : 150 (2006-2007)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames Messieurs,

Depuis la conclusion de l'accord de Schengen, en 1985, et l'élaboration de sa convention d'application, en 1990, les Etats membres de l'Union européenne s'attachent à renforcer les légitimes exigences des citoyens européens en matière de conciliation de la liberté et de la sécurité.

A cet effet, l'article 39 de la convention d'application de 1990 organise les modalités d'élaboration d'accords bilatéraux entre pays frontaliers portant sur une coopération policière renforcée. Le traité conclu le 27 mai à Prüm, petite ville du Land de Rhénanie-Palatinat, s'inspire des dispositions de cet article 39 pour renforcer la coopération intergouvernementale en matière policière transfrontalière . Il instaure également des procédures d'échanges de données, nominatives ou non, entre Etats partenaires pour renforcer les capacités de répression des nouvelles formes de criminalité, qui se jouent des frontières nationales.

Aux sept Etats signataires de 2005, que sont l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, l'Espagne, la France, le Luxembourg et les Pays-Bas, se sont joints six autres pays qui ont exprimé leur volonté de s'y associer. Ce sont la Finlande, l'Italie, le Portugal, la Roumanie, la Slovénie et la Suède.

Ces ralliements démontrent le caractère opérationnel des outils fournis par le présent texte.

I. UN TEXTE FOURNISSANT DES PROCÉDURES DE NATURE À COMBATTRE, PAR DES MOYENS MODERNES, LES DÉFIS PRINCIPAUX À LA SÉCURITÉ

Le Traité de Prüm constitue un texte-cadre qui respecte les législations nationales des Etats signataires.

Il retient comme axes de travail et de coopération les principaux défis actuels à la sécurité que constituent, chacun dans leur domaine, le terrorisme, la criminalité organisée et les migrations illégales. C'est dans cette perspective qu'il renforce la coopération policière et l'échange de données entre les Etats signataires pour en améliorer l'efficacité.

Ce texte comporte donc deux volets principaux : il instaure une coopération policière renforcée contre la criminalité transfrontalière, le terrorisme et l'immigration clandestine par l'organisation d'échanges d'informations en matière d'empreintes ADN, d'empreintes digitales, ainsi que de numéros de plaques d'immatriculation des véhicules . Ces échanges s'effectuent soit dans un cadre répressif appuyés sur une enquête judiciaire, soit dans un cadre préventif.

Il organise également la coopération policière transfrontalière , en autorisant, dans des cas précis, les forces de police d'un Etat à agir dans un autre Etat.

Il s'agit là de deux domaines sensibles, en matière tant de protection de la personne que de souveraineté nationale. Les rédacteurs du Traité se sont donc employés à concilier le renforcement de la coopération policière avec la nécessaire préservation de ces domaines.

A. UNE EXTENSION DES ÉCHANGES DE DONNÉES ENTRE ETATS

La répression efficace d'une criminalité en expansion nécessite le recours aux atouts nouveaux offerts à la police scientifique.

C'est le cas des empreintes ADN, qui s'ajoutent aux empreintes digitales pour permettre d'identifier un suspect . Ces deux types de données, considérées par la CNIL (Commission nationale informatique et libertés) comme des données personnelles, ne peuvent être échangées entre Etats que selon un protocole précis, qui diffère selon que l'on se trouve dans un cadre répressif ou préventif. Cette interconnexion entre bases de données est donc ainsi strictement encadrée : chaque pays désigne un point de contact unique, seul habilité à procéder à l'interrogation des bases des pays partenaires. Pour la France, il s'agit du service chargé de la gestion du fichier national automatisé des empreintes génétiques, qui relève de la Direction générale de la police nationale.

Les articles 2 à 11 du projet de loi organisent les modalités des échanges d'informations entre les bases de données des Etats Parties. Tous les pays signataires, à l'exception du Luxembourg, qui devrait en constituer d'ici fin 2008, possèdent des fichiers d'empreintes ADN. L'Espagne, pour sa part, ne dispose que d'une base de données limitées aux seules traces non identifiées. Ces fichiers sont compatibles et donc interconnectables ; ils ne diffèrent que par leur richesse en données. Leur interconnexion est strictement encadrée.

Cette consultation, réalisée pour résoudre une affaire précise et portant sur des traces ADN dont l'Etat où l'enquête se déroule ne possède pas de données, s'opère en deux temps et au moyen de deux fichiers. Le premier fichier contient des données ADN provenant de traces biologiques trouvées sur un lieu de crime, mais déconnectées des éléments d'identification nominale. Les données identifiantes sont contenues dans un fichier annexé, et ne sont communiquées à l'Etat requérant que si ce dernier a interrogé l'Etat requis, dans le cadre d'une investigation judiciaire. Ces consultations au « cas par cas » sont soumises au droit du pays requérant.

Des dispositions identiques s'appliquent aux fichiers d'empreintes digitales, qui doivent être scindées entre un fichier d'empreintes rendues anonymes, et un fichier annexé permettant leur identification nominative.

L'article 12 permet la consultation automatisée des données récapitulées dans les registres d'immatriculation de véhicule. Elle est également confiée à un point de contact unique dans chaque Etat, mais s'opère par consultation d'un fichier unique, puisqu'il ne s'agit plus là d'une donnée personnelle.

Au total, le traité ne prévoit donc pas la création de bases de données spécifiques en matière d'empreintes digitales, génétiques ou d'immatriculation des véhicules, mais s'appuie sur celles déjà existantes dans chaque Etat. Des liens informatiques, destinés à permettre à chaque Etat signataire de faire des consultations dans la base de données identique de ses homologues étrangers, seront mis en place, ce qui créera un réseau de communication spécifique.

L'architecture d'échange retenue par le traité vise à restreindre les coûts de réalisation, qui devraient se limiter à l'interconnexion au réseau de communication choisi pour Prüm, réseau déjà existant dénommé TESTA II de l'Union européenne, et à des adaptations techniques des trois fichiers français. Ces coûts ne sont pas chiffrés à ce jour.

Les échanges de données peuvent également se faire dans un cadre préventif ; ainsi les articles 13 à 15 portent sur l'échange de données visant à prévoir les risques inhérents à des « manifestations de grande envergure à dimension transfrontalière ». Il peut s'agir de manifestations politiques organisées à l'occasion de sommets européens ou internationaux, ou de manifestations sportives.

Dans ces cas, les Etats partenaires doivent transmettre, de leur propre initiative ou à la requête de l'Etat organisateur, toutes les données pertinentes de nature à aider les autorités compétentes. Ces données sont également communiquées par un point unique de contact national, et peuvent être de caractère ou non personnel. Les données personnelles ne peuvent être relatives qu'à des personnes ayant été déjà condamnées. Ces condamnations peuvent être de caractère pénal ou administratif : il peut ainsi s'agir d'interdictions judiciaire ou administrative de stade.

L'article 16 dispose que ces échanges de données peuvent également viser la prévention d'infractions terroristes, en cas de présomption conduisant à penser que des personnes vont commettre des actes de cette nature. La notion de « présomption » est définie par les législateurs et les jurisprudences nationales. L'autorité transmettant ces données le fait dans le cadre de sa législation nationale, et peut fixer des conditions à leur utilisation par l'autorité destinataire, qui est liée par elles.

B. LES MESURES VISANT À RENFORCER LES INFRACTIONS TERRORISTES ET CELLES RELATIVES À LA LUTTE CONTRE LES IMMIGRATIONS ILLÉGALES

Outre l'article 16 organisant des échanges d'informations, les articles 17 à 19 prévoient l'éventuelle intervention de gardes armés à bord des aéronefs, décision qui relève, là encore, de chaque Etat en fonction de sa politique de sûreté aérienne. Leur mission peut relever de la prévention ou de l'accompagnement de personnes présentant un caractère de dangerosité. La France n'autorise la présence éventuelle, à bord des aéronefs, que de seuls policiers ou gendarmes.

La présence de ces gardes armés doit être notifiée au moins trois jours à l'avance, au bureau national de coordination compétent dans l'Etat destinataire du vol.

Les articles 20 à 23 instaurent des mesures de lutte contre la migration illégale. Il organise ainsi l'envoi de conseillers en faux documents, issus du réseau d'officiers de liaison « Immigration », créé par le règlement du Conseil de l'Union européenne du 19 février 2004, auprès des pays considérés comme pays d'origine ou de transit pour l'immigration illégale.

Les Etats signataires se « soutiennent mutuellement lors de mesures d'éloignement » d'immigrants illégaux, notamment par l'organisation de vols communs.

Cette dernière mesure est déjà mise en oeuvre, dans le cadre communautaire, depuis la création, par décision du Conseil européen du 26 octobre 2004, de l'Agence européen pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l'Union européenne, dite « FRONTEX ».

II. LE RENFORCEMENT DES MODALITÉS DE COOPÉRATION POLICIÈRE TRANSFRONTALIÈRE

Le traité de Prüm étend aux Etats signataires des formes de coopération déjà expérimentées avec profit par notre pays.

A. UNE EXPÉRIENCE FRANÇAISE POSITIVE DES COOPÉRATIONS POLICIÈRES TRANSFRONTALIÈRES

L'accord de Schengen, en posant le principe du libre franchissement des frontières par tous les ressortissants des Etats membres des Communautés européennes, l'a assorti de modalités nouvelles de contrôle aux frontières intra-communautaires, fondées sur l'article 39 de la convention d'application de l'accord, conclue en 1990.

Cet article impose aux Etats parties un devoir d'assistance entre leurs services de police aux fins de prévention et de recherche des faits punissables. Son paragraphe 4 prévoit la possibilité de conclusion d'arrangements spécifiques entre les ministres chargés de l'ordre public dans les régions frontalières.

Le paragraphe 5 organise la possibilité d'accords bilatéraux plus complets entre les pays ayant une frontière commune.

Pour faciliter et normaliser de tels accords bilatéraux, le Comité de coordination de la politique européenne de sécurité intérieure a établi, en 1996, un modèle de convention transfrontalière dans les domaines de la police et des douanes.

Sur cette base, des accords bilatéraux ont déjà été conclus par la France avec l'Italie, le 3 octobre 1997, l'Allemagne, le 9 octobre 1997, l'Espagne, le 7 septembre 1998, la Belgique, le 5 mars 2001, et le Luxembourg, le 15 octobre 2001.

Outre la suppression des contrôles fixes aux frontières intérieures et le report de ceux-ci aux frontières extérieures, ces textes instaurent un maintien des contrôles, mais sous forme mobile, aux frontières intra-communautaires, ainsi qu'une coopération directe et renforcée entre les services de police et de douane des deux pays frontaliers .

Cette coopération est fondée sur la création de Centres de coopération policière et douanière (CCPD) communs aux Etat signataires d'accords bilatéraux de ce type. Un CCPD a ainsi été créé entre la Belgique et les Pays-Bas , outre ceux instaurés entre notre pays et les partenaires précédemment cités.

Ces accords bilatéraux ont démontré leur utilité, pour les Etats impliqués, de mieux lutter contre des trafics en expansion, menés par des réseaux criminels très organisés et déterminés.

B. LE TRAITÉ GÉNÉRALISE CES FORMES DE COOPÉRATION À L'ENSEMBLE DES ETATS SIGNATAIRES

Les articles 24 à 32 élargissent une forme de soutien entre forces de l'ordre dont la France a déjà pu mesurer le caractère efficace. L'intervention de policiers sur autre territoire national que le leur nécessite un encadrement strict, inspiré de celui qui a été défini dans les accords bilatéraux précités.

Ainsi, cette coopération est-elle régie par les dispositions de la législation nationale de l'Etat dans lequel elle s'exerce, notamment en matière d'usage des armes de service . D'une part, le Traité prévoit que les policiers étrangers ne peuvent exercer de compétences de puissance publique dans l'Etat d'accueil que « sous le commandement et, en règle générale, en présence de fonctionnaires de l'Etat d'accueil ». C'est uniquement en cas de « situation d'urgence » que les fonctionnaires de police peuvent intervenir au-delà de leur territoire national, sans autorisation préalable, pour « prendre les mesures provisoires nécessaires afin d'écarter tout danger pour la vie ou l'intégrité physique de personnes ». Cette situation se présenterait, par exemple, en cas de chute d'un avion dans une zone frontalière : ce sont les forces de police les mieux à même d'intervenir au plus vite qui se porteraient les premières au secours des victimes, tout en prévenant leurs collègues de l'Etat où s'est produit l'accident.

Dans le cas de poursuite de malfaiteurs, l'usage de leurs armes par les forces de police d'un Etat frontalier est soumis aux dispositions de l'Etat dans lequel elles interviennent. En France, cet éventuel usage est ainsi soumis au strict cas de la légitime défense, telle que définie par le code pénal et la jurisprudence.

Le ministère de l'intérieur a précisé à votre rapporteur que :

« Les jurisprudences et avis du Conseil Constitutionnel et du Conseil d'Etat ont défini les limites de l'exercice de compétences de puissance publique par des agents étrangers sur le territoire français : des mesures coercitives entraînant une restriction des libertés fondamentales ne peuvent être exercées que sous le contrôle et en règle générale en présence de l'autorité française compétente.

En cas d'urgence, c'est l'article 73 du code de procédure pénale qui est opérant : toute personne a qualité pour appréhender l'auteur d'un crime ou délit flagrant puni d'une peine d'emprisonnement pour le conduire devant l'autorité de police judiciaire compétente.

Le port des armes de dotation est réglé par deux listes négatives établies par chaque Etat partie au traité et annexées à l'accord d'exécution, fixant les armes dont le port est interdit d'une part, et dont l'usage est interdit d'autre part.

L'usage des armes n`est admis qu'en cas de légitime défense de soi-même et d'autrui, tel qu'il est circonscrit par la jurisprudence. »

Enfin, les articles 32 à 52 établissent les dispositions générales relatives à la protection des données, ainsi que les dispositions d'application et les dispositions finales : le traité est ouvert à tout Etat membre de l'Union européenne, et est conclu pour une durée indéterminée. Il peut être dénoncé par notification adressée au dépositaire (l'Allemagne) par voie diplomatique. Cette dénonciation prend effet six mois après réception de celle-ci.

CONCLUSION

Le présent traité a déjà été ratifié par l'Allemagne, l'Autriche et le Luxembourg. Il constitue une des priorités de l'actuelle présidence allemande de l'Union européenne, qui veut renforcer l'espace de liberté et de sécurité organisé par l'accord de Schengen.

C'est ce pays qui a pris l'initiative des négociations qui ont conduit à sa conclusion, en juin 2005. Le fait qu'aux sept Etats signataires se soient ajoutés, depuis décembre 2006, six nouveaux pays, constitue un signe encourageant pour cette démarche intergouvernementale, qui a été jugée plus rapide et efficace qu'une négociation européenne.

Cependant, l'Allemagne espère que, sur le modèle du traité de Schengen, le traité de Prüm puisse être intégré ultérieurement dans l'acquis communautaire.

Quel que soit son avenir, ce traité constitue une avancée au regard de la situation antérieure, et manifeste la volonté de plusieurs Etats européens de répondre plus efficacement aux défis constitués par l'expansion des réseaux criminels sur le continent.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent projet de loi lors de sa séance du 14 février 2007.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. André Dulait a regretté que ce traité n'apporte pas de solution au problème récurrent que constitue l'absence de transmission de procès-verbaux consécutifs à des excès de vitesse commis par des véhicules étrangers.

M. Robert Bret a souligné que ce texte mériterait d'être discuté en procédure normale en séance publique. Il s'est inquiété, en dépit des assurances que peuvent apporter les avis positifs cités par le rapporteur, du réel équilibre qui en découlerait entre sécurité et liberté.

En réponse, M. Robert Del Picchia a précisé que les procès-verbaux ne sont pas adressés à nos voisins européens uniquement pour des raisons techniques de difficultés de traduction. Il a cité l'exemple des infractions commises en ce domaine par des citoyens autrichiens en Allemagne, ou allemands en Autriche, qui sont notifiées aux autorités nationales compétentes grâce à la langue commune aux deux pays.

Puis le rapporteur a précisé à M. Robert Bret qu'il n'avait pas sollicité un examen en procédure simplifiée, qui ne convenait manifestement pas à l'importance des questions posées par ce traité. Il a souligné que ce texte respectait les procédures nationales prévalant dans chacun des Etats signataires et n'ajoutait donc aucune mesure nouvelle au regard de ces dernières.

Puis la commission a adopté le projet de loi.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée la ratification du traité entre le Royaume de Belgique, la République Fédérale d'Allemagne, le Royaume d'Espagne, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la République d'Autriche, relatif à l'approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale (ensemble deux annexes et une déclaration), fait à Prüm le 27 mai 2005, et dont le texte est annexé à la présente loi 1 ( * ) .

ANNEXE I - ÉTUDE D'IMPACT2 ( * )

PROJET DE LOI

Autorisant la ratification du Traité entre le Royaume de Belgique, la République Fédérale d'Allemagne, le Royaume d'Espagne, la République française, le Grand-Duché du Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la République d'Autriche, relatif à l'approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale

(ensemble deux annexes et une déclaration)

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FICHE D'EVALUATION JURIDIQUE

Le Traité vise à approfondir la coopération transfrontalière notamment dans les domaines de la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée et la migration illégale, par le biais de l'intensification des échanges d'informations et d'autres formes de coopération policière.

A ce titre, le Traité aborde plusieurs domaines juridiques.

? La mise en oeuvre des dispositions concernant l'échange de données nominatives nécessitera des modifications normatives internes

1. S'agissant des échanges de données ADN et des échanges de données dactyloscopiques

Les articles 3 et 9 du présent Traité autorisent les points de contacts nationaux, désignés par chacune des parties contractantes, à accéder, dans le cas de la France, au fichier national automatisé des empreintes génétiques (créé par la loi n° 98-468 du 17 juin 1998, complétée par les lois n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 et n° 2003-239 du 18 mars 2003) et au fichier automatisé des empreintes digitales (créé par le décret n° 87-249 du 8 avril 1987).

Un tel accès devra être apprécié au regard des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et notamment en ce qui concerne la modification de la liste des destinataires prévue dans les actes réglementaires susvisés. Dans ce cas de figure, une actualisation desdits actes réglementaires s'imposera ainsi qu'une saisine de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) qui donnera un avis sur la base d'éléments administratifs et techniques transmis par le ministère de l'intérieur.

2. S'agissant de l'accès au fichier national des immatriculations

L'article 12 du Traité a un impact juridique sur les dispositions relatives à la communication des informations relatives à la circulation des véhicules codifiées dans le titre III de la partie législative et de la partie réglementaire du code de la route. L'article L. 330-2 alinéas 9° et 10° du code de la route constitue le fondement juridique de la communication des informations issues du fichier national des immatriculations (FNI) aux autorités étrangères. Au niveau réglementaire, l'art. R. 330-2 du code de la route définit les autorités habilitées à accéder directement aux données du FNI (cf. annexe).

Il est prévu de procéder aux modifications envisagées d'ici la fin 2006.

Au niveau législatif

Pour mettre en conformité le droit interne avec le traité, il convient de modifier l'alinéa 9° de l'article L. 330-2 du code de la route et de supprimer la référence aux pays extérieurs à l'Union européenne et à l'Espace économique européen. Cette modification doit être introduite dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.

Au niveau réglementaire

L'article 12 dispose : « (...) les parties contractantes autorisent les points de contacts nationaux des autres parties contractantes (...) à accéder aux données suivantes dans les registres nationaux, et ce avec le droit de procéder à une consultation automatisée au cas par cas :

1. des données relatives aux propriétaires, ou selon le cas, aux détenteurs des titres de circulation (...)

2. des données relatives aux véhicules (...) ».

Il ressort de ce texte que l'accès aux données s'effectue dans le cadre d'une consultation automatisée. En conséquence l'article R. 330-2 du code de la route doit également être amendé par décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). L'élaboration de ce texte devra être accompagnée de la présentation des éléments techniques précisant les modalités pratiques des échanges avec les autorités étrangères, dans le respect de la réglementation sur la protection des données personnelles.

? D'autres formes de coopération policière dont le développement est requis par le Traité ne demanderont pas de modification normative en droit interne.


La possibilité de recourir à la présence d'agents armés à bord d'avions dépend de la législation applicable au pays d'immatriculation de l'appareil . S'agissant de la présence de membres armés des forces de l'ordre à l'intérieur des appareils français, il résulte d'une note de la Direction Générale de l'Aviation Civile du 27 mai 2004 que cette présence n'est pas incompatible avec les dispositions du code de l'aviation civile. En revanche, la présence de personnes privées armées à l'intérieur des appareils français n'est pas possible en l'état actuel de la législation sur les agents de sécurité privée (loi du 12 juillet 1983 modifiée par la loi n°2003 -239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure).


Les dispositions prévues au chapitre 4 relatives à la lutte contre la migration irrégulière n'auront pas d'impact sur l'ordonnancement juridique interne . Ces dispositions correspondent d'ores et déjà aux actions communes qui sont conduites par les Etats de l'Union européenne en vertu des textes normatifs actuels, nationaux ou européens. Il convient de noter que la France est en phase de transposition de la directive n°2003/110 du Conseil de l'Union européenne en date du 25 novembre 2003 concernant l'assistance au transit dans le cadre de mesures d'éloignement par voie aérienne qui nous permettra de mettre en oeuvre l'alinéa 2 de l'article 23.


Les dispositions liées aux autres formes de coopération policière et à leurs modalités d'application prévues aux chapitres 5 et 6 du Traité sont déjà présentes dans de nombreux accords bilatéraux de coopération transfrontalière policière et douanière signés par la France avec ses partenaires frontaliers et pris en application de l'article 39 de la convention d'application des accords de Schengen. Elles constituent également des déclinaisons ou bien de simples reprises des dispositions du chapitre I relatif à la coopération policière de la convention de Schengen précitée.

Ainsi, la France a signé six accords de coopération transfrontalière policière et douanière avec la Belgique, le Luxembourg, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, ainsi que la Suisse, pays qui doit prochainement rejoindre la coopération Schengen, dans lesquels est prévue l'instauration de patrouilles mixtes ou patrouilles communes, visées à l'article 24 du Traité en vue de maintenir l'ordre et la sécurité publics ainsi que pour prévenir des infractions pénales. Dans ce cadre, les pouvoirs que les agents étrangers se voient attribuer sur le territoire où ils interviennent varient selon les accords. Ils n'ont qu'un rôle d'observateurs en ce qui concerne les accords avec la Belgique et l'Italie. Ils « ne sont pas compétents pour l'exécution autonome de mesure de police » dans le cadre de l'accord avec l'Espagne, par exemple, terminologie reprise de l'article 47 de la convention de Schengen.

Le présent article 24 permet de leur conférer « des compétences de puissance publique » qui ne peuvent être exercées que « sous le commandement, et en règle générale, en présence de fonctionnaires de l'Etat d'accueil ». Ces conditions apparaissent conformes aux règles de souveraineté relatives aux pouvoirs qui peuvent être dévolus aux agents étrangers sur notre territoire en vertu de nos principes constitutionnels. La jurisprudence constitutionnelle a en effet admis que des agents étrangers pouvaient exercer des actes, notamment de coercition, sur le territoire français lorsqu'ils se trouvent sous l'autorité des services français (décision n°2004-492 du 9 mars 2004 relative à la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (dispositions relatives aux équipes communes d'enquête)). Le Conseil d'Etat a également validé ce principe dans deux avis qu'il a été amené à rendre, celui du 25 novembre 2004 concernant le droit d'interpellation et celui du 20 mai 1997 concernant l'escorte d'un ressortissant étranger.

L'article 25 du Traité institue la possibilité pour les agents étrangers de franchir la frontière en vue de prendre, dans la zone frontalière et dans le respect du droit national de la partie contractante sur le territoire de laquelle se déroule l'intervention, « des mesures provisoires » nécessaires afin d'écarter tout danger présent pour la vie ou l'intégrité physique de personnes.

Les fonctionnaires intervenants avisent sans délai l'Etat d'accueil et doivent respecter les instructions de celui-ci. Cet article constitue une nouveauté par rapport aux dispositions habituelles contenues dans nos accords bilatéraux. Il permet ainsi à des agents de réagir dans le cadre d'un accident grave ou dans le cadre d'une agression en cours sur le sol de l'Etat étranger, dont ils seraient les témoins alors qu'ils se trouvent sur leur territoire national. Les agents étrangers pourraient ainsi assurer les premiers secours, sécuriser le site voire appréhender la personne en situation de commission d'un crime ou délit flagrant en application de l'article 73 du code de procédure pénale.

L'article 26 prévoit l'assistance d'une Partie contractante à une autre Partie lors d'évènements de grande envergure, de catastrophes et d'accidents graves. La possibilité est donnée pour les Etats d'envoyer des fonctionnaires, des spécialistes et des conseillers pour prêter assistance à un autre Etat Partie. L'encadrement juridique de ces envois devrait être effectué parun arrangement administratif déclinant cette possibilité conventionnelle.

Les éléments d'information échangés dans le cadre de l'article 27, sur demande d'une des Parties, le sont déjà sur la base de la convention d'application des accords de Schengen.

Les dispositions générales prévues dans le chapitre 6 qui s'appliquent aux interventions d'agents sur le sol d'un autre Etat reprennent les règles juridiques habituellement incluses dans les accords de coopération transfrontalière signés par la France ainsi que les stipulations de la convention de Schengen. Il en est ainsi des règles de protection et de responsabilité civile et pénale des fonctionnaires ainsi que des règles de port de l'uniforme et de l'arme. En ce qui concerne les règles d'utilisation de l'arme, le Traité prévoit les seuls cas de légitime défense de soi-même et d'autrui ce qui ne pose pas de difficulté juridique puisque l'article 122-5 du code pénal inclut, selon des modalités différentes, la légitime défense de soi-même et d'autrui. Le Traité prévoit par ailleurs que l'agent national chargé de l'intervention peut autoriser au cas par cas et dans le respect du droit national, l'utilisation de l'arme de service au-delà du cadre de la légitime défense de soi-même et d'autrui.

Ainsi, ce Traité n'aura d'impact normatif que sur la partie concernant les échanges de données relatives à l'ADN, aux empreintes digitales et aux véhicules, les textes règlementaires créant les fichiers correspondants devant également être modifiés.

ANNEXE II - DÉLIBÉRATION DE LA CNIL EN DATE DU 28 SEPTEMBRE 2006

CNIL .

Délibération n°2006-220 du 28 septembre 2006 portant avis sur un projet de loi autorisant la ratification du Traité signé le 27 mai 2005, à Prum, entre le Royaume de Belgique, la République Fédérale d'Allemagne, le Royaume d'Espagne, la République française, le Grand-Duché du Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la République d'Autriche, relatif à l'approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale

La Commission nationale de l'informatique et des libertés, saisie pour avis, le 27 juillet 2006, par le ministère des affaires étrangères, du projet de loi autorisant la ratification du Traité signé le 27 mai 2005, à Prum, entre le Royaume de Belgique, la République Fédérale d'Allemagne, le Royaume d'Espagne, la République française, le Grand-Duché du Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la République d'Autriche, relatif à l'approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale ;

Vu l'article 53 de la Constitution,

Vu la Convention n" 108 du 28 janvier 1981 du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel ;

Vu la directive n° 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;

Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et notamment l'article 11 4° d;

Après avoir entendu M. Georges de la Loyère, commissaire, en son rapport, et Mme Pascale Compagnie, commissaire du Gouvernement, en ses observations ;

Emet l'avis suivant :

Le ministère des affaires étrangères a saisi la CNIL du projet de loi autorisant la ratification du Traité signé le 27 mai 2005, à Prum, entre le Royaume de Belgique, la République Fédérale d'Allemagne, le Royaume d'Espagne, la République française, le Grand-Duché du Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la République d'Autriche, relatif à l'approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale.

Aux termes du courrier de saisine, la CNIL est invitée à faire savoir au ministère des affaires étrangères si elle n'a pas d'objection à ce que les procédures de ratification soient engagées et si le projet de loi, le projet d'exposé des motifs et le projet de fiche d'évaluation juridique recueillent son agrément. Par ailleurs, il est également demandé à la Commission d'indiquer si elle souhaite que soient jointes des réserves ou déclarations au moment du dépôt de l'instrument français, ainsi que leur libellé.

Ce traité vise notamment à améliorer, dans les trois domaines de la lutte contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale, l'échange de données, qu'il s'agisse de la mise en place de consultations automatisées réciproques entre les fichiers d'empreintes génétiques constitués en matière pénale, de la mise à disposition de données dactyloscopiques (empreintes digitales et palmaires), de la consultation des registres d'immatriculation des véhicules ou encore des échanges de données visant à prévenir les infractions pénales et maintenir l'ordre et la sécurité publics lors de manifestations publiques de grande envergure à dimension transfrontalière, notamment dans le domaine sportif ou en rapport avec le Conseil européen. Des échanges d'informations sont également envisagés afin de prévenir des attaques terroristes.

La Commission relève que le traité comporte (articles 33 à 41) des dispositions relatives à la protection des données à caractère personnel. Ainsi, ces dispositions rappellent les principes fondamentaux de finalité du traitement des données, d'exactitude et de mise à jour des données. Elles prévoient, par ailleurs, une durée de conservation des données proportionnée à la finalité du traitement, ainsi que la mise en place de sécurités informatiques et une traçabilité des consultations. Par ailleurs, est reconnu à toute personne le droit d'accéder au traitement pour obtenir, le cas échéant, une mise à jour des données la concernant lorsque les données sont erronées. Il est, enfin, prévu que les autorités indépendantes de contrôle nationales (la CNIL, dans le cas de la France) pourront contrôler les modalités de transmission et de réception des données.

Toutefois, la Commission estime que l'examen des dispositions du traité appelle les garanties et précisions suivantes qui pourraient figurer dans les accords d'exécution prévus à l'article 44 du traité.

Elle recommande en conséquence que le texte de l'accord d'exécution fasse l'objet d'une consultation préalable de la CNIL, au titre de l'article 11 4°d) de la loi du 6 janvier 1978.

Sur les finalités

La Commission observe que les échanges ou consultations de données à caractère personnel prévus au titre des articles 12, 13 et 14 auraient notamment pour objet le «maintien de l'ordre et de la sécurité publics ».

La Commission rappelle que, conformément aux principes généraux de la protection des données à caractère personnel et à l'article 5 de la Convention n° 108 du Conseil de l'Europe du 28 janvier 1981 susvisée, un traitement automatisé de données ne peut être mis en oeuvre que pour "des finalités déterminées et légitimes", les données enregistrées devant être adéquates, pertinentes et non excessives par rapport à ces finalités.

* 1 Voir le texte annexé au document n° 150 Sénat (2006-2007).

* 2 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires

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