B. LA CLARIFICATION DU RÉGIME JURIDIQUE ET FINANCIER DU SERVICE D'ACCUEIL MIS À LA CHARGE DES COMMUNES
1. L'organisation du service d'accueil, une compétence qui ne revient que par exception aux communes
Le service d'accueil est offert aux élèves quelle que soit la cause à l'origine de l'interruption du service public de l'enseignement. En prévoyant que la commune organise cet accueil dans le seul cas où le nombre de professeurs du primaire grévistes dépasse 10 % des effectifs d'enseignants de l'ensemble des écoles maternelles et élémentaires situées sur son territoire, l'article 4 du projet de loi, combiné au principe général énoncé par l'article 2, consacre a contrario la compétence de l'État pour organiser, dans tous les autres cas, l'accueil des élèves lorsque les enseignements ne peuvent être délivrés.
Cette compétence de principe de l'État apparaît au demeurant parfaitement logique. L'organisation du service public de l'enseignement relève en effet de sa seule compétence. Or, dans la plupart des cas, c'est avec les moyens humains et matériels du service d'enseignement que l'accueil pourra être offert, par exemple en répartissant entre les différents professeurs présents dans une école les élèves d'un enseignant malade, en formation ou gréviste. De même, c'est le potentiel de remplacement de l'éducation nationale qui est normalement sollicité en cas d'absence durable d'un professeur.
L'ensemble des moyens dont elle dispose permet ainsi à l'éducation nationale de garantir la continuité du service public de l'enseignement et, lorsque c'est impossible, d'organiser elle-même l'accueil des élèves. De ce point de vue, la reconnaissance du droit d'accueil a pour seul effet de transformer en obligation légale l'offre d'un accueil lorsque le professeur ne peut être remplacé.
Toutefois, cet accueil, qui se traduit matériellement par la répartition des élèves dans les autres classes de l'école, n'est possible que lorsque le nombre d'enfants concernés reste raisonnable. Au-delà d'un certain seuil, que fixe l'article 5 du projet de loi, il n'est plus possible d'organiser l'accueil avec les seuls moyens du service public de l'enseignement.
Lorsque l'éducation nationale n'est plus à même d'organiser le service d'accueil, il revient aux communes de le prendre en charge. Leur compétence en la matière n'est donc pas de principe, mais d'attribution, le basculement de l'État à la commune s'opérant en fonction de l'impact prévisible du mouvement de grève.
2. La déclaration individuelle obligatoire, une nécessité pour organiser le service d'accueil
L'article 5 du projet de loi prévoit donc que les personnels exerçant des fonctions d'enseignement dans les établissements du premier degré doivent informer l'autorité administrative au moins 48 heures en avance de leur intention de participer à un mouvement de grève.
Ces déclarations individuelles sont en effet la condition d'une bonne organisation du service d'accueil.
Si le seuil de 10 % d'enseignants ayant déclaré leur intention de faire grève n'est pas franchi, elles permettent aux services de l'éducation nationale de prévoir l'ampleur du mouvement de grève et de s'organiser en conséquence.
Si le seuil des 10 % de professeurs susceptibles de suivre le mouvement de grève est dépassé, elles permettent aux services de l'éducation nationale d'informer la commune concernée de la nécessité de mettre en place le service d'accueil.
Dans les deux hypothèses, il est manifeste que cette information doit être communiquée suffisamment tôt pour permettre à l'organe compétent de s'organiser et de prévenir les familles concernées de l'absence prévisible d'un ou de plusieurs enseignants et de la nature du service d'accueil offert. Une déclaration d'intention en amont de la grève est donc nécessaire.
Afin de garantir que ces déclarations ne seront utilisées à aucune autre fin que la mise en place de ce service, l'article 6 précise qu'elles sont couvertes par le secret professionnel et qu'elles ne peuvent être communiquées ou utilisées dans un autre but que celui d'organiser l'accueil.
3. Le souci de faciliter l'organisation du service par les communes
Afin de permettre l'organisation dans les meilleures conditions du service d'accueil, notamment dans les communes rurales, le projet de loi ouvre deux possibilités :
- l'article 7 permet à la commune, par dérogation au principe posé à l'article L. 212-15 du code de l'éducation, d'utiliser les locaux des écoles maternelles et élémentaires publiques, y compris lorsque ceux-ci continuent d'être utilisés pour les besoins de l'enseignement ;
- l'article 9 autorise une commune à confier, par convention, à une autre commune ou à un établissement public de coopération intercommunale l'organisation du service d'accueil.
4. La garantie du versement d'une contribution financière
En confiant aux communes le soin d'organiser le service d'accueil lorsque le nombre d'enseignants grévistes du primaire dépasse un seuil de 10 %, le projet de loi procède à la création d'une nouvelle compétence, qui, conformément aux dispositions de l'article 72-2 de la Constitution, se doit d'être accompagnée de ressources déterminées par la loi.
L'article 8 prévoit en conséquence qu'une contribution financière est versée par l'État à chaque commune qui a mis en place le service d'accueil au titre des dépenses qu'elle a exposées pour la rémunération des personnes chargées de cet accueil. Cette contribution est fonction du nombre d'élèves accueillis. Son montant et ses modalités de versement sont fixés par décret.
De plus, l'article 10 précise que les dispositions du projet de loi, à l'exception de l'article 3, instituant la procédure de négociation préalable obligatoire, ne pourront entrer en vigueur qu'à compter de la publication du décret prévu à l'article 8.
La mise en oeuvre effective du service d'accueil ne pourra donc avoir lieu avant que le montant et les modalités de versement de la contribution financière de l'État n'aient été pleinement définis.