CHAPITRE II - Représentation des professions de santé libérales
Article 27 (art. L. 4031-1 à L. 4031-6 [nouveaux] et L. 4134-1 à L. 4134-7 du code de la santé publique, art. L. 162-33 et L. 162-14-1-2 [nouveau] du code de la sécurité sociale) - Représentation des professionnels de santé exerçant à titre libéral
Objet : Cet article organise la représentation des professionnels de santé exerçant à titre libéral à l'échelon régional en créant des unions régionales des professionnels de santé (URPS) et réforme les critères de représentativité des syndicats de professionnels de santé au niveau national.
I - Les dispositions initiales du projet de loi
Représentation régionale des professionnels de santé exerçant à titre libéral
Actuellement, seuls les médecins sont représentés au sein de structures régionales, parmi les professionnels de santé exerçant à titre libéral. Les unions régionales des médecins libéraux (URML), instaurées par la loi n° 93-8 du 4 janvier 1993 relative aux relations entre les professionnels de santé et l'assurance maladie (articles L. 4134-1 à L. 4134-7 du code de la santé publique), sont composées de deux collèges, l'un représentant les médecins généralistes, l'autre, les médecins spécialistes. Leur création répondait alors à la volonté de favoriser l'adhésion et le concours des médecins libéraux à la mise en oeuvre des instruments de maîtrise des dépenses de santé.
La loi précise que les URML contribuent à l'amélioration de la gestion du système de santé, ainsi qu'à la promotion de la qualité des soins. Elles ont pour mission de participer à l'analyse du système de santé, de la médecine libérale, de l'épidémiologie et des besoins médicaux, à l'évaluation des comportements et des pratiques, à l'organisation et la régulation du système de santé, à la prévention et aux actions de santé publique, à la coordination avec les autres professionnels de santé, ainsi qu'à l'information et à la formation des médecins et usagers.
La création des ARS invite à organiser la représentation à l'échelon régional de l'ensemble des professionnels de santé exerçant à titre libéral, et non pas seulement des médecins. Chargées de gérer l'offre de soins au niveau régional en liaison avec les acteurs de santé locaux, les futures agences auront en effet besoin d'interlocuteurs fiables, représentatifs, qu'il s'agisse des associations de patients ou des syndicats de professionnels de santé libéraux.
Les paragraphes I, II et III du présent article instaurent donc, pour chaque profession de santé, des unions régionales des professionnels de santé exerçant à titre libéral (URPS) qui regrouperont les représentants des professionnels de santé ayant vocation à dialoguer avec les ARS. Leur création s'inspire largement des actuelles URLM. Ces dernières sont d'ailleurs appelées à être remplacées par les unions régionales de médecins.
Le paragraphe I ajoute un titre III « Représentation des professions de santé libérales » , au livre préliminaire de la quatrième partie du code de la santé publique. Ce titre III est composé d'un chapitre unique, lui-même constitué de quatre articles.
Le nouvel article L. 4031-1 prévoit l'instauration, pour chaque profession de santé exercée à titre libéral, d'une URPS dans chaque région et dans la collectivité territoriale de Corse. Les unions des professionnels de santé d'une même région seront regroupées au sein d'une fédération régionale des professionnels de santé libéraux. Les unions régionales professionnelles et les fédérations, dont les modalités de fonctionnement seront définies par décret en Conseil d'Etat, seront des associations régies par la loi du 1 er juillet 1901.
La représentativité des URPS reposera sur l'élection de leurs membres, prévue au nouvel article L. 4031-2 :
- les membres des URPS seront élus par des professionnels de santé exerçant à titre libéral et dans le régime conventionnel ;
- le mode de scrutin sera un scrutin de liste proportionnel « à la plus forte moyenne », comme c'est le cas actuellement pour les URML ;
- la durée de leur mandat sera fixé par décret (le mandat est actuellement de six ans pour les membres des URML).
L'élection des membres des URPS devra contribuer à l'émergence de syndicats bien implantés localement, pouvant s'exprimer au nom des professionnels de santé de la région. La création des URPS vise à permettre que les ARS puissent avoir, dans le domaine des soins ambulatoires, des interlocuteurs légitimes, capables d'engager les professionnels de terrain, que ce soit dans des actions, de prévention, ou de promotion de la qualité des soins, ou encore d'organisation des soins.
Afin d'éviter l'émiettement de la représentation des professionnels de santé libéraux, l'article L. 4031-2 fixe deux conditions d'éligibilité aux URPS, d'ailleurs identiques à celles prévues pour les actuelles URML :
- être membre de la profession de santé concernée ;
- être inscrit sur une liste présentée par une organisation syndicale.
L'article prévoit également que le collège des électeurs de chaque URPS est composé des membres de la profession concernée dont le lieu d'exercice est situé dans la région. Le calendrier des élections est fixé par arrêté du ministre chargé de la santé, en tenant compte du fait que les élections sont organisées à la même date pour les unions de toutes les professions.
Toutefois, il pourra être dérogé à une telle élection pour les professions dont le nombre de membres exerçant à titre libéral dans le régime conventionnel ne dépasse pas un seuil fixé par décret. Dans ce cas, les membres des URPS de la profession concernée seront désignés par les organisations syndicales reconnues représentatives au niveau national. Cette exception au profit des professions de santé à faible effectif est de bon sens compte tenu des difficultés d'organisation que pose la tenue d'élections.
La fixation des modalités d'application de l'article, en particulier l'organisation et le financement des élections des membres des URPS, est renvoyée à un décret en Conseil d'Etat.
Le nouvel article L. 4031-3 définit les missions des futures URPS et des fédérations régionales :
- elles contribueront à l'organisation et à l'évolution de l'offre de santé au niveau régional, notamment à la préparation du projet régional de santé et à sa mise en oeuvre ;
- elles assumeront les missions que pourront leur confier les conventions nationales organisant les rapports des professionnels de santé avec les organismes d'assurance maladie.
L'article prévoit également la possibilité pour les URPS d'assurer, dans les domaines de compétences de l'ARS, des missions particulières impliquant les professionnels de santé libéraux, sur la base de contrats conclus avec l'ARS. Il s'agirait notamment des actions de santé publique comme les programmes de dépistage ou les campagnes d'information des patients.
Le nouvel article L. 4031-4 définit le mode de financement des URPS, largement inspiré de celui des actuelles URML.
Les URPS percevront une contribution versée à titre obligatoire par chaque professionnel de santé exerçant à titre libéral et adhérant à la convention nationale conclue entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) et les représentants de sa profession. Cette contribution, recouvrée et contrôlée par les Urssaf, sera assise sur le revenu tiré de l'exercice de la profession concernée. L'article renvoie à un décret la fixation du taux annuel de la contribution. Il précise que ce taux, décidé après consultation des organisations syndicales représentatives au niveau national, est fixé pour chaque profession. Un montant plafond à cette contribution est également prévu : le taux sera fixé dans la limite du montant correspondant à 0,5 % du montant annuel du plafond des cotisations de la sécurité sociale. Ce plafond est actuellement de 171,54 euros, en application du décret n° 2008-1394 du 19 décembre 2008.
L'article prévoit que les URPS et les fédérations pourront aussi recevoir des subventions et des concours financiers, en contrepartie des missions dont elles auront la charge.
La fixation des modalités d'application de l'article est renvoyée à un décret en Conseil d'Etat, sauf pour les dispositions ne nécessitant qu'un décret simple (comme la fixation du taux de contribution).
Le paragraphe II abroge les articles L. 4134-1 à L. 4134-7 du code de la santé publique relatifs aux URML. Celles-ci seront remplacées par les unions régionales de médecins.
Le paragraphe III précise les conditions dans lesquelles s'opèrera le transfert des biens, droits et obligations des URML aux unions régionales de médecins. Ce transfert, effectué à titre gratuit et ne donnant lieu à aucune imposition, fera l'objet d'une convention entre chaque URML et l'union régionale correspondante. Faute d'accord entre les deux instances, il est prévu de recourir à un juge judiciaire, saisi à l'initiative de la partie la plus diligente.
• Représentativité des
syndicats des professionnels de santé au niveau national
Les paragraphes IV, V et VI du présent article réforment le régime de représentativité des syndicats des professionnels de santé au niveau national, en prenant modèle sur celui applicable aux salariés du secteur privé.
Le paragraphe IV réécrit l'article L. 162-33 du code de la sécurité sociale. Dans sa rédaction actuelle, celui-ci prévoit que le ou les ministres compétents diligentent une enquête de représentativité afin de déterminer les organisations syndicales nationales les plus représentatives qui participeront à la négociation et à la signature éventuelle des conventions médicales. La représentativité des syndicats est appréciée au regard des critères suivants : les effectifs, l'indépendance, les cotisations, l'expérience, l'audience électorale et l'ancienneté du syndicat.
La nouvelle rédaction reprend le principe selon lequel sont habilitées à participer aux négociations conventionnelles et à signer les conventions, les organisations syndicales reconnues représentatives par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. Les conventions visées sont les conventions des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des auxiliaires médicaux, des infirmiers, des masseurs-kinésithérapeutes, des directeurs de laboratoires privés d'analyse médicale et des entreprises de transport sanitaire (article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale), la convention des pharmaciens titulaires d'officine (article L. 162-16-1 du même code), ainsi que l'accord applicable aux centres de santé (L. 162-32-1). Le périmètre des conventions visées est donc élargi par rapport à celui actuellement en vigueur. En effet, les conventions des pharmaciens, des directeurs de laboratoires et des entreprises de transport sanitaire, ainsi que l'accord applicable aux centres de santé, n'entrent pas dans le champ actuel d'application de l'article L. 162-33.
Bien que la nouvelle rédaction ne mentionne plus « l'enquête de représentativité » diligentée par les ministres concernés (cette disposition relevant du domaine réglementaire), les résultats de celle-ci permettront toujours de reconnaître la représentativité syndicale. Le projet de loi se borne à préciser que les conditions dans lesquelles la représentativité des syndicats sera reconnue par les ministres seront fixées par un décret en Conseil d'Etat. Ces conditions devront tenir compte de leur indépendance (notamment vis-à-vis de l'industrie pharmaceutique), d'une ancienneté minimale de deux ans à compter de la date de dépôt légal des statuts, de leurs effectifs et de leur audience. Selon les informations fournies à votre rapporteur, ces critères de représentativité, auxquels pourront s'ajouter des critères de transparence financière ou de respect des valeurs républicaines, feront l'objet de négociations avec les syndicats.
Le paragraphe V insère un nouvel article L. 162-14-1-2 dans le code de la sécurité sociale, qui pose de nouvelles conditions de validité des conventions et accords mentionnés ci-dessus. Ceux-ci ne seront valides que s'ils ont été signés par une ou plusieurs organisations reconnues représentatives. Ces dernières devront, en outre, avoir réuni aux élections aux URPS au moins 30 % des suffrages exprimés au niveau national. Ces nouvelles conditions de validité s'inspirent largement de celles applicables à certains accords collectifs fixées par le code du travail. Ainsi, la validité des accords de branche est conditionnée à la signature d'un ou de plusieurs syndicats représentatifs ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des comités d'entreprise ou des délégués du personnel.
Le nouvel article prévoit toutefois une règle particulière pour les professions qui n'auraient pas fait l'objet d'élections aux URPS. Dans ce cas, les conventions ou accords seront valides s'ils ont été signés par une organisation syndicale représentative au niveau national.
Le paragraphe VI modifie le quatrième alinéa de l'article L. 162-15 du même code relatif au droit d'opposition des syndicats représentatifs aux conventions.
Actuellement, cet alinéa prévoit que la convention ne peut pas être mise en oeuvre si au moins deux syndicats représentatifs de la profession concernée s'y opposent. Une condition supplémentaire est également requise :
- pour les médecins, ces syndicats doivent avoir réuni la majorité absolue des suffrages exprimés aux élections des URML ;
- pour les autres professions, ces syndicats doivent rassembler au moins le double des effectifs de professionnels représentés par les syndicats signataires.
Les conditions dans lesquelles les syndicats peuvent exercer leur droit d'opposition sont modifiées par le présent article. La nouvelle rédaction précise que la convention ou l'accord ne pourra entrer en vigueur si une ou plusieurs - et non plus « au moins deux » - organisations syndicales représentatives réunissant la majorité des suffrages exprimés lors des élections aux URPS s'y opposent. Une règle spécifique est également prévue pour les professions dont les représentants aux URPS ne seraient non pas élus mais désignés (cf. nouvel article L. 4031-2 du code de la santé publique). Dans ce cas, il peut être fait obstacle à la mise en oeuvre de la convention ou de l'accord si une ou plusieurs organisations syndicales représentatives, réunissant au moins le double des effectifs de professionnels représentés par les organisations syndicales signataires, s'y opposent.
II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale
Outre des amendements rédactionnels, l'Assemblée nationale a adopté plusieurs modifications portant sur l'élection des membres des URPS.
Elle a tout d'abord précisé que les organisations syndicales des professions de santé peuvent présenter des listes de candidats aux élections, à condition qu'elles bénéficient d'une ancienneté minimale de deux ans à compter du dépôt légal des statuts et qu'elles soient présentes sur le territoire national dans au moins un quart des départements et un quart des régions. Cette mesure vise à ce que les critères d'habilitation à présenter une liste soient cohérents avec ceux conditionnant la reconnaissance de la représentativité syndicale (en particulier le critère d'ancienneté).
Elle a ensuite supprimé la disposition du projet de loi selon laquelle les élections aux URPS se tiendront à la même date pour l'ensemble des professions de santé. Il convient en effet d'organiser ces élections le plus tôt possible, avant l'échéance de chaque convention professionnelle, afin que les résultats électoraux puissent être pris en compte pour apprécier la représentativité des syndicats au niveau national.
Elle a réparti les électeurs de l'union régionale rassemblant les médecins non plus en deux collèges - comme c'est le cas actuellement pour les URML (collège des médecins généralistes, collège des médecins spécialistes) -, mais en trois collèges, regroupant respectivement :
- les médecins généralistes ;
- les chirurgiens, les anesthésistes et les obstétriciens (« spécialistes plateau technique »). Face à la sous représentativité syndicale de ces professionnels de santé travaillant sur des plateaux techniques, il apparaît nécessaire de les regrouper au sein d'un même collège électoral afin que leurs intérêts soient mieux défendus ;
- les autres médecins spécialistes (« spécialistes médicaux »).
Enfin, elle a reporté les enquêtes de représentativité prévues en 2009 après les élections aux URPS, dont le résultat sera le critère essentiel pour la reconnaissance de la représentativité syndicale.
III - Le texte adopté par la commission
Votre commission approuve la création des URPS. Ces nouvelles structures vont permettre aux ARS d'avoir, dans le domaine des soins ambulatoires, des interlocuteurs légitimes, capables d'engager les professionnels de terrain, que ce soit dans des actions de prévention, de promotion de la qualité des soins ou d'organisation des soins. Les URPS joueront, demain, le même rôle que celui confié aux URML aujourd'hui.
Elle rappelle que les URPS n'ont pas vocation à remplacer les acteurs syndicaux que ce soit au niveau national ou au niveau régional. Celles-ci n'interviendront pas dans le champ conventionnel qui reste la prérogative exclusive des syndicats des professionnels de santé libéraux.
A l'initiative de son rapporteur, votre commission a toutefois adopté un amendement relatif aux collèges regroupant les électeurs des unions régionales de médecins. Actuellement, les unions régionales des médecins libéraux (URML) sont composées de deux collèges, l'un représentant les médecins généralistes, l'autre, les médecins spécialistes. Or certaines spécialités, en particulier des plateaux techniques, connaissent aujourd'hui des problèmes d'attractivité et de représentativité. Afin d'y remédier, une approche par blocs de spécialités visant à couvrir l'ensemble des activités médicales, qu'elles soient cliniques, médico-techniques ou mixtes, semble plus adaptée. Une telle démarche est d'ailleurs préconisée par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) qui, dans sa récente enquête sur la rémunération des médecins et des praticiens hospitaliers, a identifié sept grands blocs de disciplines médicales et chirurgicales (la chirurgie et l'anesthésie-réanimation, les spécialités à actes médico-techniques majoritaires, les spécialités principalement techniques, les spécialités mixtes, l'imagerie, l'anatomo-cyto-pathologie et la biologie, la médecine générale et les urgences, les fonctions d'appui nécessaires à la pratique médicale). C'est pourquoi, l'amendement adopté propose de regrouper les électeurs des unions régionales de médecins, créées par le présent projet de loi en remplacement des actuelles URML, en plusieurs collèges. Ces derniers seraient déterminés par un décret en Conseil d'Etat, après avis de la Haute Autorité de santé, sur la base de plusieurs critères (contraintes particulières tenant à la pénibilité et à la permanence des soins, proportion d'actes médico-techniques, participation aux soins de premier recours).
S'agissant du régime de représentativité des syndicats, votre commission souscrit à la réforme proposée, dont l'objectif est d'asseoir leur légitimité sur les résultats électoraux.
Elle a adopté cet article ainsi modifié.