II. UNE IMPLICATION FORTE DES POUVOIRS PUBLICS DANS LA LUTTE CONTRE LES VIOLENCES CONJUGALES
A la suite de l'Enquête nationale sur les violences faites aux femmes en France, réalisée en 2000, qui a mis en évidence le caractère prégnant et massif des violences conjugales, les pouvoirs publics ont pris conscience de la nécessité de mettre en oeuvre une politique globale de lutte contre ces violences, qui, parce qu'elles se déroulent dans le huis-clos du foyer conjugal, présentent un caractère spécifique.
A. UN DISPOSITIF PÉNAL ET CIVIL PROTECTEUR
Le législateur a pris conscience de la spécificité des violences conjugales et a progressivement adapté le droit civil et pénal afin de mieux protéger les victimes.
Dès l'entrée en vigueur du nouveau code pénal le 1 er mars 1994, le droit pénal a prévu que les peines encourues par les auteurs de violences seraient aggravées lorsqu'elles ont été infligées par le conjoint ou par le concubin de la victime.
Notre droit permet également d'évincer l'auteur des violences du domicile commun . La loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce a permis au juge aux affaires familiales, lorsque les violences exercées par l'un des époux mettent en danger son conjoint, un ou plusieurs enfants, de statuer, en amont de la procédure de divorce, sur la résidence séparée des époux. Une telle mesure d'éviction peut également être prononcée dans un cadre pénal, soit au stade de l'enquête préliminaire (le procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur l'action publique, demander à l'auteur des faits de résider hors du domicile du couple 8 ( * ) ), soit dans le cadre d'un contrôle judiciaire décidé par le juge d'instruction 9 ( * ) ou par le juge des libertés et de la détention 10 ( * ) .
Selon les informations transmises par le ministère de la Justice, entre le second trimestre 2006 et le quatrième trimestre 2009, sur les 91.728 affaires pour lesquelles une mesure d'interdiction du domicile du conjoint violent pouvait être prononcée, 12.657 mesures d'éviction ont été ordonnées dans un cadre pénal, ce qui représente 13,8 % des affaires (contre 10 % en 2006). La répartition de ces mesures selon le cadre juridique permet de constater que les mesures d'éviction du conjoint sont prononcées pour 32,8 % d'entre elles dans le cadre d'alternatives aux poursuites, pour 28,2 % à l'occasion d'un contrôle judiciaire et pour 35,5 % lors d'une condamnation. |
La loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, adoptée à l'initiative de nos collègues Roland Courteau et Nicole Borvo Cohen-Seat, a par ailleurs constitué une avancée importante en faveur d'une meilleure prise en compte par le législateur du caractère spécifique des violences conjugales. Cette loi a notamment reconnu explicitement la notion de viol et d'agression sexuelle au sein du couple ainsi que l'existence du vol entre époux lorsque celui-ci porte sur des documents indispensables à la vie quotidienne de la victime (comme les papiers d'identité ou de sécurité sociale par exemple). La loi du 4 avril 2006 a par ailleurs élargi la circonstance aggravante précédemment mentionnée aux partenaires liés à la victime par un PACS ainsi qu'aux anciens conjoints, anciens concubins et anciens partenaires liés à la victime par un PACS lorsque les violences ont été infligées en raison des relations ayant existé entre l'auteur des faits et cette dernière.
Enfin, la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a prévu que les personnes reconnues coupables de violences conjugales pourraient être également condamnées à un suivi socio-judiciaire .
Pour autant, de réelles difficultés subsistent, en raison notamment :
- d'une part, de l'emprise exercée par l'auteur des faits sur sa victime, qui conduit souvent cette dernière, soit à ne pas porter plainte, soit à retirer sa plainte, voire même parfois à soutenir l'auteur des faits devant la juridiction ;
- d'autre part, de l'insuffisance des dispositifs de détection et d'accompagnement des victimes (notamment en matière d'accès à l'hébergement et au logement, ou encore des possibilités de réinsertion et de retour à l'autonomie financière qui leur sont ouvertes).
Ces difficultés ont justifié la mise en place d'une politique globale de lutte contre les violences conjugales.
B. UNE PRIORITÉ POUR L'ENSEMBLE DES POUVOIRS PUBLICS
La prévention et la répression des violences conjugales nécessitent la mise en place d'une politique interministérielle associant l'ensemble des acteurs concernés. La lutte contre les violences conjugales a ainsi constitué l'un des axes essentiels du plan global de lutte contre les violences faites aux femmes lancé en 2005. Un second plan triennal lui a succédé en 2008. La lutte contre les violences faites aux femmes, qui inclut les violences conjugales, a été déclarée « grande cause nationale » pour l'année 2010.
De fait, un certain nombre de progrès peuvent être relevés, notamment en matière de sensibilisation du public et des professions concernées. Des référents locaux sont progressivement mis en place dans les départements. Par ailleurs, l'accueil dans les commissariats et les locaux de gendarmerie a été progressivement adapté au traitement des violences conjugales (déplacement systématique après un appel d'urgence, incitation à déposer une plainte, mise en place d'un dispositif d'intervenants sociaux dans les services de gendarmerie, etc.) et près des trois quarts des parquets mènent désormais une action ciblée sur le traitement judiciaire des violences faites aux femmes 11 ( * ) .
Ces efforts doivent être poursuivis et complétés, notamment en ce qui concerne l'hébergement des victimes ou l'implication des personnels de santé dans le repérage et la prise en charge des victimes comme des auteurs de violences conjugales 12 ( * ) .
* 8 Article 41-1 du code de procédure pénale.
* 9 Par le collège de l'instruction à partir du 1 er janvier 2011.
* 10 Article 138 du code de procédure pénale.
* 11 Rapport du Gouvernement au Parlement relatif à la politique nationale de lutte contre les violences au sein des couples, remis le 13 mars 2009.
* 12 Voir notamment la réponse de la secrétaire d'Etat chargée de la solidarité à la question écrite n° 05889 de Mme Christiane Demontès, publiée au JO Sénat du 15 janvier 2009, ainsi que le rapport du Gouvernement au Parlement relatif à la politique nationale de lutte contre les violences au sein des couples précité.