C. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : DES GARANTIES NÉCESSAIRES POUR ENCADRER LES DISPOSITIFS DE CONTRÔLE DES PERSONNES APRÈS LEUR DÉTENTION
Votre commission partage le souhait manifesté par l'Assemblée nationale de renforcer la lutte contre la récidive. Elle estime cependant indispensable d'apporter ou de rétablir certaines garanties pour mieux encadrer plusieurs des dispositions votées par l'Assemblée nationale.
1. Le quantum de peine prononcé autorisant le placement en surveillance de sûreté : le maintien du droit en vigueur
L'abaissement de quinze à dix ans de la durée de la peine de réclusion criminelle permettant l'application de la surveillance de sûreté soulève, selon votre commission, de sérieuses objections de caractère constitutionnel. En effet, la méconnaissance d'une obligation de la surveillance de sûreté peut entraîner, par application du troisième alinéa de l'article 706-53-19 du code de procédure pénale, un placement en centre socio-médico-judiciaire de sûreté. Or, dans sa décision du 21 février 2008, le Conseil constitutionnel a admis la constitutionnalité de la rétention de sûreté dans la mesure, en particulier, où « eu égard à l'extrême gravité des crimes visés et à l'importance de la peine prononcée par la cour d'assises, le champ d'application de la rétention de sûreté apparaît en adéquation avec sa finalité ». Par le biais de la modification du quantum de peine retenu pour la mise en oeuvre de la surveillance de sûreté, le champ d'application de la rétention de sûreté se trouverait ainsi nécessairement étendu en contradiction avec les exigences du Conseil constitutionnel et avec la volonté du législateur en 2008 de réserver ces dispositifs aux crimes d'une exceptionnelle gravité.
En outre, avec le suivi socio-judiciaire et la surveillance judiciaire -dont l'application serait étendue aux personnes condamnées à une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à sept ans- le dispositif français comporte d'ores et déjà des mécanismes progressifs et efficaces pour assurer un suivi, après la peine, des personnes considérées comme dangereuses.
Votre commission a ainsi, à l'initiative de son rapporteur, maintenu pour l'application de la surveillance de sûreté le seuil d'une condamnation à quinze ans de réclusion criminelle (article 4).
Elle a en outre complété les dispositions relatives à la rétention de sûreté et à la surveillance de sûreté sur plusieurs points :
- afin de permettre, comme l'a souhaité le Conseil constitutionnel, à la juridiction régionale de la rétention de sûreté de se prononcer en connaissance de cause sur les conditions dans lesquelles le condamné a pu bénéficier d'une prise en charge médicale, sociale et psychologique adaptée, elle a confié à la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté la responsabilité de s'assurer de l'effectivité de l'offre de soins pendant la détention (article premier) ;
- si elle a admis le principe d'un allongement à deux ans de la durée de surveillance de sûreté, elle a cependant précisé les conditions dans lesquelles l'intéressé pouvait demander la mainlevée de cette mesure (article premier bis ) ;
- elle a rappelé que le refus d'un placement sous surveillance électronique mobile ou d'une injonction de soins -ou le manquement aux obligations fixées au titre de ces deux dispositifs- ne pouvait entraîner, pour la personne sous surveillance de sûreté, un placement en centre socio-médico-judiciaire de sûreté que si les autres conditions posées pour une telle décision étaient satisfaites (à savoir que cette méconnaissance fait apparaître une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidiver)- (articles 2 bis et 5 ter ) ;
- elle a imposé que, dans l'hypothèse où une personne placée sous rétention de sûreté ou surveillance de sûreté est incarcérée pour une infraction, le maintien de la rétention de sûreté ou de la surveillance de sûreté après la libération fasse l'objet d'un réexamen par la juridiction régionale de la rétention de sûreté dès lors que la détention excède une durée de 6 mois (et non un an comme dans le projet de loi).
Par ailleurs, votre commission a maintenu le principe d'un avis obligatoire de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté pour le placement sous surveillance électronique mobile (article 5 ter ) lorsque celui-ci est décidé à l'initiative du juge de l'application des peines. Elle a jugé en outre que le juge de l'application des peines pourrait lever un suivi socio-judiciaire sans l'accord préalable du procureur de la République mais après avoir recueilli son avis ainsi que celui du médecin coordonnateur.