2. L'Europe agricole à la recherche d'une nouvelle régulation
a) Les perspectives incertaines de la PAC après 2013
Beaucoup d'incertitudes pèsent sur la PAC après 2013. Toutefois, son orientation vers les marchés ne sera pas remise en cause. Il paraît illusoire de compter sur un accord des partenaires européens de la France pour qu'il en soit autrement. Ainsi, il n'existe pas de consensus pour voir les quotas laitiers rétablis après 2015.
Par ailleurs, le niveau de soutien que la PAC pourrait apporter aux agricultures européennes n'est aujourd'hui pas connu. Après avoir beaucoup contribué à l'essor des autres politiques européennes, en voyant son budget rogné à leur profit tous les cinq ans lors des négociations des perspectives financières, beaucoup de voix, pas seulement en France, s'élèvent pour préserver en 2013 les moyens financiers de la PAC 17 ( * ) .
Le niveau de soutien dont bénéficie la France devrait en tout état de cause baisser sous l'effet de l'extension des soutiens à des cultures exclues et de la fin du modèle historique des DPU, qui favorise les bénéficiaires historiques de la PAC.
En conséquence, les exploitations agricoles dépendront de moins en moins des aides et de plus en plus de la valorisation économique de leur production sur les marchés.
LA PAC EN CHIFFRES Le budget 2010 consacré à la PAC dans l'Union européenne représente 40 % du budget total de l'Union (contre 70 % en 1984). Il s'élève à plus de 56 milliards d'euros soit 0,4 % du PIB européen 18 ( * ) , dont :
La France est le premier bénéficiaire de la PAC, bénéficiant de 19 % des dépenses totales de cette politique. Les crédits de la PAC alloués à la France s'élèvent à un peu plus de 10 milliards d'euros 19 ( * ) dont :
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b) Un consensus émergent sur une nécessaire régulation des marchés
Devant l'ampleur des crises agricoles, un large accord se dégage désormais, à l'initiative de la France, pour promouvoir une PAC fondée sur une « régulation raisonnée ».
La nouvelle régulation pourrait intervenir à trois niveaux :
- au niveau européen , le maintien des outils d'intervention fait désormais consensus. La France veut aller plus loin, plaidant en faveur d'une « clause de sauvegarde généralisée » qui permette de répondre, dans toutes les filières, à des situations de crise économique et sanitaire. Le rapport Lyon précité propose ainsi un mécanisme de flexibilité de fin d'exercice budgétaire, mettant en réserve des sommes du budget agricole communautaire pour faire face aux urgences ;
- au niveau collectif , l'assouplissement du droit de la concurrence de manière à permettre un plus large regroupement de l'amont en organisations de producteurs fait également consensus. Le groupe de haut niveau sur le lait, mis en place en octobre 2009 au plus fort de la crise laitière, pourrait au demeurant rendre des propositions en ce sens en juillet 2010 ;
- au niveau individuel , la réponse relève de mécanismes d'assurance et d'épargne de précaution.
Sans anticiper sur le débat concernant les niveaux de soutien et leurs modalités pratiques, l'objectif d'une plus grande régulation des marchés agricoles européens est largement partagé et les tenants du tout marché assez isolés. Ce changement est à mettre au crédit des intenses efforts diplomatiques de la France depuis près d'un an, qui avaient débouché fin 2009 avec la conclusion de « l'accord de Paris », véritable déclaration de principe pour une PAC rénovée mais puissante.
L'APPEL DE PARIS Le 19 décembre 2009, le ministre Bruno Le Maire a réuni 22 ministres européens de l'agriculture, ou leurs représentants pour adopter l'appel de Paris, réclamant une nouvelle PAC. Dans un moment qualifié de crucial pour l'avenir de l'Europe et de son agriculture, l'appel demande de rester fidèle aux objectifs de la PAC tels qu'inscrits dans les traités, et pose plusieurs principes devant guider celle-ci après 2013 : - développer le modèle alimentaire européen, marqué par une très grande diversité, à laquelle chaque État reste très attaché. En conséquence, il est nécessaire de maintenir une activité agricole sur l'ensemble des territoires européens ; - donner aux agriculteurs les moyens de mieux répondre aux signaux du marché. Pour y parvenir, il est demandé à la PAC de leur assurer un revenu stable et décent face à la volatilité croissante des marchés, grâce à une nouvelle régulation ; - relever le défi environnemental ; - compenser auprès des agriculteurs les choix faits en faveur d'un haut degré de sécurité alimentaire et sanitaire et de protection de l'environnement et des paysages. En conclusion, les signataires de l'appel de Paris refusent que l'agriculture soit la variable d'ajustement des nouvelles perspectives financières de l'Union européenne. |
* 17 Voir le projet de rapport sur l'avenir de la politique agricole commune après 2013 de la commission de l'agriculture et du développement rural du Parlement européen, présenté par George Lyon - avril 2010.
* 18 Source : commission européenne - documents budgétaires.
* 19 Source : rapport annexé à la loi de finances pour 2010 : les relations financières avec l'Union européenne.