Article 24 octies A
(art. L.
443-2-1 [nouveau] du code de commerce)
Encadrement des pratiques de revente
de billets sur Internet
Cet article, issu d'un amendement de notre collègue Christophe-André Frassa adopté par notre Assemblée en première lecture avec l'avis favorable de votre commission et du Gouvernement, vise à encadrer la revente sur Internet de billets d'accès à des manifestations sportives, culturelles et commerciales.
Le dispositif initialement proposé visait à interdire, sous peine d'une amende de 15.000 euros, la revente de tels titres d'accès, sans l'autorisation du producteur ou de l'organisation de la manifestation, à un prix supérieur à leur valeur faciale, augmentée le cas échéant des frais de réservation et des frais de port. Les personnes physiques encourraient également la peine de confiscation, tandis que les personnes morales pourraient être condamnées à une amende de 75.000 euros ainsi qu'aux peines prévues par l'article 131-39 du code pénal 16 ( * ) .
Le but de cet article est de mettre un terme à une activité lucrative exercée en dehors de tout cadre légal et réglementaire, et de prévenir ainsi les troubles à l'ordre public régulièrement suscités aux abords des lieux des manifestations par des consommateurs abusés par un intermédiaire peu scrupuleux ou malhonnête. Il s'agit également de favoriser l'accès des consommateurs à des billets d'entrée à prix coûtant (et non aux prix prohibitifs auxquels ils sont parfois revendus, sans garantie d'authenticité, sur des sites d'enchères en ligne), sans pour autant pénaliser les individus de bonne foi qui, ne pouvant se rendre à une manifestation, revendent leur place au prix d'achat sur Internet.
La commission des lois de l'Assemblée nationale a entériné ces dispositions après avoir adopté un amendement de M. Philippe Goujon tendant à interdire la revente sur Internet de billets « pour en tirer un bénéfice » plutôt que la revente « à un prix supérieur à [la] valeur faciale [du titre], augmentée le cas échéant des frais de réservation et des frais de port ».
M. Philippe Goujon a fait valoir que, dans de nombreux cas, des titres d'accès acquis de manière frauduleuse ou détournés de leur objet étaient revendus avec bénéfice mais à un prix inférieur ou égal à leur valeur faciale. Tel semble être particulièrement le cas des titres d'accès aux manifestations commerciales et scientifiques.
Votre commission salue cette modification qui permet de clarifier l'élément intentionnel de cette nouvelle infraction.
Toutefois, lors de l'examen du projet de loi en séance publique, les députés ont souhaité restreindre le champ de l'incrimination :
- d'une part, à l'initiative de M. Eric Ciotti, rapporteur de la commission des lois, les députés ont circonscrit le champ de cette nouvelle infraction aux titres d'accès à des manifestations sportives, supprimant toute référence aux manifestations culturelles et commerciales. Pour l'auteur de l'amendement, il s'agit de limiter le champ de ces dispositions aux situations les plus susceptibles d'engendrer des troubles à l'ordre public ;
- d'autre part, sur proposition de M. Lionel Tardy, les députés ont supprimé les termes « d'exposer en vue de la vente » du dispositif de l'incrimination, afin d'exclure du champ de la répression les sites Internet de courtage qui mettent en relation acheteurs et vendeurs.
Votre commission ne souscrit pas à ces restrictions.
Elle observe en premier lieu que la revente de titres d'accès à des manifestations culturelles ou commerciales dans des conditions ne présentant aucune garantie peut, tout comme l'accès à des manifestations sportives, susciter des troubles à l'ordre public, particulièrement s'agissant de manifestations populaires dont les titres d'accès sont très recherchés par le grand public.
En second lieu, elle relève que la rédaction initiale de l'incrimination reprenait, dans un souci d'harmonisation et de lisibilité du droit pénal, les termes retenus par le code pénal et le code de commerce pour l'infraction de vente à la sauvette, que l'article 24 sexies du projet de loi, adopté en termes conformes par les deux Assemblées, tend à élever au rang de délit.
Enfin, elle rappelle que l'incrimination nouvellement créée est un délit, et qu'à ce titre, il appartiendra aux autorités chargées des poursuites de démontrer le caractère intentionnel de l'infraction. En particulier, en tant qu'hébergeurs, les plates-formes de courtage ne pourraient être tenues pour complices des comportements délictueux des internautes que si elles favorisent sciemment de tels comportements ou s'abstiennent en connaissance de cause d'y mettre un terme - ce qui ne devrait pas être le cas dès lors qu'elles auront mis en place les systèmes de contrôles adaptés.
Pour l'ensemble de ces raisons, elle a adopté un amendement de notre collègue Christophe-André Frassa tendant à revenir, à l'exception des améliorations rédactionnelles apportées par la commission des lois de l'Assemblée nationale, au texte voté par le Sénat en première lecture.
Votre commission a adopté l'article 24 octies A ainsi modifié .
* 16 Parmi lesquelles figurent notamment la dissolution, l'interdiction d'exercice d'activités professionnelles, le placement sous surveillance judiciaire, l'exclusion temporaire ou définitive des marchés publics, etc.