2. La proposition de résolution initiale

L'alinéa 17 de la proposition de résolution de la commission des affaires européennes rappelle « la nécessité de garantir un accès équitable et non discriminatoire aux facilités essentielles, ce qui exige l'autonomie décisionnelle du gestionnaire des installations de services mais non pas nécessairement son indépendance juridique à l'égard de l'exploitant ferroviaire historique, dès lors que le régulateur national est doté des pouvoirs nécessaires, notamment le pouvoir de contrôle préalable de la tarification des services proposés en gares ».

Par ailleurs, la proposition de résolution de M. Roland Ries demande, dans ses alinéas 15 à 18, que la définition des facilités essentielles respecte les conditions suivantes :

- la SNCF ne saurait perdre la propriété d'installations qui lui appartiennent ;

- elle devra être associée à la définition du périmètre et des conditions techniques de mise à disposition des facilités essentielles permettant de combiner les exigences de chaque entreprise avec la fourniture d'une prestation de qualité égale pour toutes, et permettant le respect du secret industriel ;

- les tarifs ne sauraient mettre en péril l'équilibre économique de l'opérateur historique ni avoir pour conséquence une augmentation des charges pour les régions.

Pour mémoire, le terme de « facilité essentielle » a été défini par la jurisprudence européenne et désigne les installations impossible à dupliquer et dont l'accès est indispensable pour l'opération de services ferroviaires.

3. La position de votre commission

Votre rapporteur est favorable à l'extension de la notion de réseau ferroviaire, qui doit comprendre également les services ferroviaires (également appelés services annexes). On peut schématiquement avancer trois raisons :

- une raison économique : dans un contexte de libre concurrence, la création ex nihilo d'installations spécifiques pour chaque entreprise ferroviaire privée est impossible, compte tenu de l'absence d'économie d'échelle et de la raréfaction des terrains disponibles autour de l'infrastructure ferroviaire ;

- une raison d'équité : l'accès de tiers aux services annexes est légitime car les installations ferroviaires ont toutes été financées par des fonds publics ;

- une raison d'efficacité : toute entreprise ferroviaire ne peut faire circuler ses trains que si elle a un libre accès aux voies de services, aux gares, aux branchements et aux alimentations électriques par exemple, sans quoi l'ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire perdrait une grande part de son effet utile.

Toutefois, votre rapporteur considère que l'annexe III est trop extensive, partageant ainsi certaines préoccupations exprimées par la proposition de résolution de notre collègue Roland Ries. De fait, il est préférable de restreindre la liste des services ferroviaires annexes, en distinguant clairement les « facilités essentielles » et les activités qui doivent rester dans la sphère concurrentielle. Là encore, il s'agit d'opérer un partage précis entre les services qui relèvent d'un service public, et les services relevant de prestations commerciales normales.

Concernant la maintenance, seule la « maintenance légère », est nécessaire pour le fonctionnement des services de transport en toute sécurité. Les entreprises ferroviaires disposent de beaucoup plus de flexibilité, notamment géographique, et d'un marché dynamique pour réaliser leur maintenance lourde.

S'agissant des gares, l'accès aux outils d'information des voyageurs (panneaux, annonces vocales) doit effectivement être garanti de manière non discriminatoire à tout opérateur. Il en est de même de la possibilité d'implanter des guichets en propre et des automates sur des emplacements adaptés.

Par contre, la billetterie en gare ne peut pas être assimilée à une facilité essentielle. A l'instar du transport aérien, et comme le montre le cas de nombreux opérateurs nouveaux sur le marché de la grande vitesse ferroviaire, la constitution d'un réseau de distribution est très aisée dans des conditions économiques normales.

Enfin, une attention particulière doit être accordée aux gares de triage .

Votre rapporteur plaide en outre pour que la gestion des facilités essentielles soit confiée, à terme, aux gestionnaires de réseaux . Il faut en effet que la restructuration du paysage institutionnel ferroviaire français se fasse en respectant un principe simple : RFF doit assurer l'ensemble de ses missions régaliennes liées à la gestion du réseau, tandis que les opérateurs ferroviaires, y compris la SNCF, sont censés réaliser uniquement des prestations commerciales, le cas échéant assorti d'obligation de service public ( voir infra ). Dès lors, RFF devrait à terme constituer deux filiales : la première pour la gestion de la circulation sur le réseau (par l'intégration de la DCF), la seconde pour la gestion des services ferroviaires annexes (ce qui implique là aussi l'intégration de la branche Gares et connexions de la SNCF). La création de cette filiale est d'autant plus nécessaire que la gestion des gares est aujourd'hui partagée entre la SNCF et RFF. Le poids de l'histoire, l'importance des entreprises ferroviaires intégrées et la crainte de mouvements sociaux ont conduit, en France comme en Europe, à créer un système ferroviaire complexe qui a aujourd'hui atteint ses limites. Par ailleurs, il serait souhaitable que les collectivités territoriales soient associées au fonctionnement des gares les plus importantes par le gestionnaire des infrastructures, tant leur rôle dans l'économie et l'aménagement du territoire est essentiel.

A titre provisoire, il est nécessaire que la SNCF donne plus d'autonomie à la DCF et à la branche Gares et connexions . Le projet de refonte pose des exigences identiques pour la gestion des sillons et la gestion des services ferroviaires annexes comme les gares. Ces activités doivent être exercées par des entités bénéficiant d'une « indépendance juridique, organisationnelle et décisionnelle » vis-à-vis de l'entreprise ferroviaire historique, étant entendu que la Commission européenne considère que l'indépendance juridique implique la filialisation. Votre rapporteur considère que le débat actuel sur la DCF, qui sera tranché prochainement par la CJUE, rejaillira tôt ou tard sur la branche Gares et connexions de la SNCF, compte tenu des nouvelles dispositions introduites par l'article 13 du projet de refonte. Il observe d'ailleurs que notre collègue député Gérard Voisin considère également qu'il est « difficilement concevable que la gestion des gares soit durablement éclatée entre de multiples entités » 11 ( * ) .

C'est pourquoi votre rapporteur a déposé initialement un amendement qui rédige l'alinéa 17 de la manière suivante : le Sénat rappelle désormais la « nécessité que les services ferroviaires annexes, dont la définition ne saurait être entendue de manière extensive, soient fournis, directement ou indirectement, par le gestionnaire de l'infrastructure, ou à défaut par une entité dont l'indépendance juridique, organisationnelle et décisionnelle est garantie par rapport à l'opérateur ferroviaire en position dominante ».

Suite aux observations de nos collègues MM. Roland Ries et Michel Teston, votre rapporteur a modifié son amendement afin de parler de « facilités essentielles » au lieu de « services ferroviaires annexes ». La commission a adopté cet amendement ainsi modifié.


* 11 Cf . le rapport d'information n° 3204 de M. Gérard Voisin, « la libéralisation du transport ferroviaire en Europe : une nécessaire mais complexe régulation », commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale, 9 mars 2011, p. 33.

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