II. LA PROPOSITION DE LOI N'APPORTE QU'UNE RÉPONSE PARTIELLE ET PONCTUELLE À L'ENJEU DU RECRUTEMENT DES PERSONNELS MÉDICAUX DANS LES HÔPITAUX
A. UN GRAVE DÉFAUT DE PRÉVISION DE LA PART DU GOUVERNEMENT
On l'a vu, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a prévu une période transitoire ayant pour terme le 31 décembre 2011. Le CNG a organisé chaque année des épreuves de vérification des connaissances, réussies par 4 364 candidats entre 2007 et 2011 au titre de la liste C. Or, les Padhue étaient estimés à environ 7 000 au moment de la réforme.
On savait donc dès 2010 qu'un certain nombre de professionnels resteraient hors de la procédure et devraient cesser d'exercer leurs fonctions au 31 décembre 2011.
De nombreux acteurs avaient alerté le Gouvernement sur cette situation connue de longue date : les établissements, les organisations représentatives des professionnels de santé concernés, la fédération hospitalière de France (FHF), mais aussi plusieurs agences régionales de santé.
Or, le Gouvernement n'a agi que très tardivement , en déposant à l'Assemblée nationale, le 27 octobre 2011, pendant les débats en séance publique sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, un amendement tendant à adapter la procédure dérogatoire et à en décaler la date butoir. Ensuite adoptée par le Sénat, qui en a amélioré le dispositif, la mesure était incluse dans le projet de loi de financement définitivement adopté qui a été, comme il est de coutume, transmis au Conseil constitutionnel.
Dans sa décision n° 2011-642 DC du 15 décembre 2011, le Conseil a considéré que « l'article 51 [qui] prolonge le dispositif transitoire d'autorisation d'exercice pour les médecins étrangers non ressortissants communautaires [...] ne trouv[ait] pas [sa] place dans une loi de financement de la sécurité sociale [car cette disposition n'avait] pas d'effet ou un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement ».
L'invalidation de cet article pour des raisons formelles s'impose naturellement aux pouvoirs publics. On peut cependant s'interroger sur le cheminement du raisonnement suivi, car l'article en cause tendait à modifier l'article 83 de la loi de financement pour 2007, elle-même transmise en son temps au Conseil constitutionnel qui n'avait alors rien trouvé à redire sur la présence d'un tel dispositif dans un projet de loi de financement. Pourtant, par la même décision 11 ( * ) , il jugeait que neuf articles ne relevaient pas du domaine des lois de financement de la sécurité sociale et les censurait en conséquence ; l'article 83 n'en faisait pas partie...
Les conséquences de cette invalidation ont dû être assumées dans l'extrême urgence. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé, et Nora Berra, secrétaire d'Etat à la santé, ont été contraints de signer et d'adresser aux hôpitaux une « instruction », succincte et édifiante, dont la portée juridique est pour le moins limitée.
Instruction n° DGOS/RH2/2011/478 du 21
décembre 2011
L'article 83 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 a fixé au 31 décembre 2011 la date au-delà de laquelle les médecins et les chirurgiens-dentistes à diplôme hors Union européenne ne peuvent plus exercer dans les établissements publics de santé s'ils n'ont pas satisfait aux épreuves de vérification des connaissances de la procédure d'autorisation d'exercice. Pour ne pas fragiliser la continuité du fonctionnement des établissements publics de santé, qui dépend en partie de ces praticiens, en particulier dans les établissements confrontés à d'importantes difficultés de recrutement de personnel médical, un vecteur législatif permettant de sécuriser leur situation comme celle des établissements employeurs sera proposé dans les meilleurs délais en lien avec les parlementaires. Dans cette attente, les médecins et chirurgiens-dentistes titulaires de diplômes hors Union européenne, recrutés avant le 3 août 2010 [...] et exerçant dans les statuts de praticien attaché associé, d'assistant associé ou de faisant fonction d'interne peuvent poursuivre leurs fonctions après le 31 décembre 2011 . [...] Afin de permettre le paiement de la rémunération de ces praticiens, il est demandé aux chefs des établissements publics de santé de prendre, après consultation de leur directoire et pour la période transitoire, une décision formelle de maintien de la rémunération des praticiens concernés. Cette décision sera communiquée à leur comptable public à titre de pièce justificative des dépenses hospitalières correspondantes. |
A noter que cette instruction ne concerne pas les établissements privés à but non lucratif ; la situation juridique des praticiens concernés y est donc encore plus fragile que dans les hôpitaux, officiellement « couverts » par le ministre.
* 11 Décision n° 2006-544 DC du 14 décembre 2006.