EXPOSÉ GÉNÉRAL
I. DES PROBLÈMES TECHNIQUES BIEN IDENTIFIÉS ET DES MESURES ATTENDUES DE LONGUE DATE...
A. TRANSPORT ROUTIER : UN MÉCANISME DE RÉPERCUSSION DE L'ÉCOTAXE POIDS LOURDS A REVOIR, DES DELAISSES ROUTIERS À RECLASSER, DES CONTRÔLES À RENFORCER
A l'heure actuelle, une problématique suscite de nombreuses inquiétudes dans le secteur du transport routier de marchandises : l'impact économique de la mise en place de l'écotaxe poids lourds.
1. Un mécanisme de répercussion de l'écotaxe poids lourds à revoir
L' « écotaxe poids lourds » figure parmi les engagements du Grenelle de l'environnement. Alors que sa mise en oeuvre a été actée en 2008, cette taxe poids lourds nationale n'est toujours pas entrée en vigueur et devrait l'être seulement au cours de l'année 2013. Le contrat signé entre l'État et Ecomouv', la société en charge du dispositif technique nécessaire à sa collecte, stipule qu'elle devrait pouvoir être mise en oeuvre à partir du 20 juillet 2013.
L'instauration de cette taxe a été précédée par l'adoption d'une taxe poids lourds alsacienne, bien en amont du Grenelle. A l'origine, cette dernière visait à répondre aux reports de trafic sur le réseau alsacien engendrés par la mise en place d'une taxe kilométrique en Allemagne, la Lastkraftwagen Maut . Elle ne devrait toutefois être opérationnelle qu'à partir du 20 mai 2013, alors qu'elle devait représenter une « expérimentation » préalable à la mise en place de la taxe poids lourds nationale, et prenant fin avec elle. Dans ce contexte, cette taxe alsacienne n'est plus qu'une trace de l'histoire, et son maintien ne se justifie plus, d'autant qu'elle couvre un champ beaucoup plus réduit de redevables que la taxe nationale 1 ( * ) ...
Outre cette inégalité territoriale, la mise en oeuvre imminente de l'écotaxe soulève la question de sa répercussion auprès des utilisateurs de transport. Elle avait été prévue dès l'origine, suivant le principe de « l'utilisateur-payeur » et afin de ne pas peser sur l'équilibre économique déjà fragile du secteur du transport routier de marchandises. La loi de finances pour 2009 a ainsi prévu une majoration du prix du transport correspondant à la taxe poids lourds 2 ( * ) acquittée par le transporteur, en précisant que cette répercussion peut s'effectuer sur des bases réelles ou forfaitaires, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État.
Le décret a été signé le 4 mai 2012, soit juste avant le départ du précédent Gouvernement. Il distingue trois cas de figure :
- pour les opérations de transport réalisées pour un donneur d'ordre unique, la majoration s'effectue au réel, et correspond au montant dû au titre de la taxe ;
- pour les opérations de type messagerie ou déménagement 3 ( * ) , le prix du transport est majoré d'un montant forfaitaire en application d'un barème fixé par arrêté du ministre chargé des transports et établi en fonction du poids et des lieux de chargement et déchargement des marchandises transportées ;
- dans tous les autres cas, qui sont en fait majoritaires, le prix du transport routier est majoré d'un pourcentage forfaitaire calculé par le transporteur en appliquant le pourcentage résultant du rapport entre le montant dû au titre de la taxe pour la période pendant laquelle l'opération de transport a été effectuée, et le chiffre d'affaires de cette période.
Le décret prévoit également la création d'une commission nationale d'évaluation du dispositif de répercussion de la taxe pour évaluer le fonctionnement du dispositif et proposer les ajustements nécessaires.
Ce décret a suscité une levée unanime de boucliers. La complexité du dispositif, qualifié à plusieurs reprises d' « usine à gaz », est le grief le plus souvent évoqué à son encontre.
Outre que la distinction entre les trois cas de figure n'est pas toujours évidente, le mécanisme prévu pour chacun d'entre eux est source d'une surcharge administrative sans précédent et difficile à assumer pour les entreprises de transport , alors que 82 % d'entre elles sont composées de moins de dix salariés !
Le dispositif retenu pour le troisième cas - le plus fréquent dans les faits -, dans lequel le transporteur calcule le taux de majoration appliqué au tarif de sa prestation a posteriori , représente une source potentielle de litiges entre transporteurs et chargeurs . Ces derniers pourraient être tentés de négocier ce taux, ce qui conduirait à vider de sa substance le dispositif et à fragiliser les relations entre chargeurs et transporteurs.
Les chargeurs ont également déploré une absence de visibilité en amont , puisque, dans le troisième cas, le montant de la répercussion est calculé a posteriori .
Les transporteurs ont par ailleurs dénoncé l'absence de prise en compte des frais de gestion engendrés par la mise en oeuvre de l'écotaxe alors que cette dernière mobilise une partie de leur trésorerie, implique des moyens consacrés à la gestion des dispositifs techniques nécessaires à la collecte de la taxe (par exemple la gestion des abonnements), et constitue une source de litiges, qui entraîne des frais en conséquence.
Rejeté de façon unanime par les chargeurs comme par les transporteurs, ce décret a fait l'objet d'un recours devant le Conseil d'État, par l'association des utilisateurs de transport de fret (AUTF) et la confédération française du commerce interentreprises (CGI). Outre le manque d'intelligibilité du dispositif, le recours conteste l'absence de lien direct entre le montant de la taxe acquittée par le transporteur, d'une part, et la majoration forfaitaire prévue dans le troisième cas, d'autre part. Le dispositif prévu par le décret du 4 mai 2012 est donc fragile, ne serait-ce que d'un point de vue strictement juridique.
L'ensemble de ces considérations conduisent à préconiser une refonte de ce dispositif, et ce dans les plus brefs délais, afin qu'il puisse être pleinement opérationnel lorsque la taxe entrera en vigueur.
2. 250 kilomètres de délaissés routiers à reclasser dans la voirie départementale ou communale
Soixante-dix sections de routes nationales, représentant une longueur totale de 250 kilomètres, sont actuellement gérées par l'État parce que leur reclassement dans la voirie départementale ou communale n'a pas été possible en raison du cadre législatif actuel. A défaut d'accord des collectivités concernées, ce reclassement ne peut en effet être prononcé par décret en Conseil d'État que si le déclassement est motivé par l'ouverture d'une voie nouvelle ou le changement de tracé d'une voie existante, ce qui n'est pas toujours le cas.
Or, ces sections de routes sont d'une longueur limitée (la plus courte d'entre elle mesure 40 mètres et la plus longue 8 km !) et les directions interdépartementales des routes, qui en sont parfois bien éloignées, ont du mal à en assurer l'entretien dans les faits.
3. Des contrôles à renforcer
Les contrôleurs des transports terrestres interviennent sur route et en entreprise. Leur mission répond à plusieurs objectifs : assurer la sécurité routière par un contrôle régulier de l'état et des conditions de circulation des véhicules, garantir une concurrence loyale entre les entreprises de transport, assurer le respect des réglementations du travail dans les transports routiers. Ils jouent donc un rôle primordial dans le secteur du transport routier, qui se trouve néanmoins limité par défaut d'habilitations adéquates. La liste des infractions qu'ils peuvent constater gagnerait à être complétée, de même que les moyens juridiques dont ils disposent à cet effet.
Pour ne citer que quelques exemples frappants, ils ne peuvent aujourd'hui se faire communiquer les informations relatives à l'existence, la catégorie et la validité du permis de conduire, ni constater les infractions relatives aux plaques d'immatriculation. Ils n'ont par ailleurs pas accès, dans le cadre de leurs missions, aux locaux de chargement et de déchargement des véhicules de transport routier.
* 1 La taxe poids lourds alsacienne s'applique aux seuls poids lourds de plus de 12 tonnes, alors que la taxe poids lourds nationale concerne les poids lourds de plus de 3,5 tonnes.
* 2 Ou à la taxe poids lourds alsacienne.
* 3 Il s'agit en fait de toutes les opérations de transport qui « reposent sur une organisation donnant lieu soit à des opérations de groupages et de tris à des fins d'acheminement, soit à toute autre prestation indissociable de l'opération de transport et que le prix de l'opération ne permet pas d'isoler le prix du transport routier proprement dit ».