B. UNE FLUIDIFICATION ATTENDUE DU RÈGLEMENT DES AFFAIRES TRANSNATIONALES

1. Le traité, le renforcement de la coopération judiciaire

La coopération franco-argentine en matière judiciaire est prévue par différents accords, tant bilatéraux que multilatéraux.

Sur le plan bilatéral , les deux pays sont notamment liés dans le domaine judiciaire par une convention de coopération judiciaire, signée le 2 juillet 1991 42 ( * ) ainsi que par une convention d'entraide judiciaire en matière pénale en date du 14 octobre 1998 43 ( * ) .

S'agissant des traités multilatéraux , la France et l'Argentine se sont engagées afin de réprimer les formes les plus graves de terrorisme dans le cadre de la convention internationale contre la prise d'otages de 1979, la convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif de 1997 ou encore la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme de 1999.

Les deux pays sont également membres de la convention unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961 ainsi que celle contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes adoptée à Vienne, le 19 décembre 1988, la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée à New York, le 10 décembre 1984, la convention contre la criminalité transnationale organisée , conclue à New York, le 15 novembre 2000 et la convention contre la corruption du 31 octobre 2003. La France et l'Argentine ont aussi adhéré au pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 et à ses deux protocoles facultatifs.

Le présent traité tend à compléter les outils de coopération en matière judiciaire par un volet « extradition » , sécurisant ainsi une coopération fondée jusqu'alors sur une offre de réciprocité formulée, au cas par cas, au titre de la courtoisie internationale.

En réponse aux interrogations de votre rapporteur sur le degré de coopération, il apparaît, en revanche, que « seul le secteur du transfèrement de personnes condamnées échappera encore à tout cadre conventionnel . Les exigences argentines en la matière (refus d'envisager l'exercice du droit de grâce ou du droit d'amnistie par l'Etat d'exécution de la sentence) rendent pour l'heure délicate la définition d'un instrument commun » 44 ( * ) .

2. Une réponse aux freins à l'extradition

S'agissant du présent traité, votre rapporteur se félicite qu'il puisse permettre de lever certains obstacles jusqu'alors constatés lors du traitement des demandes d'extradition françaises en direction de l'Argentine.

Ainsi l'étude d'impact relève que « l'instruction des demandes formulées par la France se heurtait depuis quelques temps à une interprétation plus restrictive par les juges argentins de leur législation , ces derniers exigeant en effet, sous peine d'irrecevabilité, que la demande d'extradition soit transmise par un magistrat du siège et non du parquet, comme c'est le cas en France . » L'article 9 du traité se référant aux autorités compétentes de la Partie requérante vise à lever toute difficulté d'interprétation.

Cet article devrait également permettre d'accélérer la procédure en réduisant le nombre d'échanges nécessaires afin de s'accorder sur les pièces requises pour l'examen des demandes.

Le traité aborde également la question du jugement par défaut . Il apparaît qu'en présence de demandes d'extradition formulées fondées sur des condamnations prononcées en l'absence des personnes concernées, les juridictions argentines peuvent exiger la production de garanties selon lesquelles ces dernières ont droit à un nouveau procès en leur présence. De telles garanties devront désormais accompagner systématiquement les demandes formulées sur la base d'un jugement par défaut, aux termes de l'article 3 45 ( * ) du présent traité. Ce dernier autorise la Partie requise à refuser l'extradition en l'absence de telles assurances.

En outre, l'article 7 du traité permet de faciliter l'extradition de nationaux argentins . En effet, celle-ci se révèle particulièrement difficile à obtenir puisque la personne réclamée peut choisir d'être jugée par les tribunaux argentins, sauf si un traité prévoit l'extradition des ressortissants.

Enfin, l'étude d'impact précise que « quelques-uns de ces dossiers présentent une certaine sensibilité, plusieurs procédures tendant en effet à établir les responsabilités encourues dans les disparitions de citoyens français survenues sous les années de dictature militaire. [...] Il permettra en particulier de parachever l'oeuvre de justice visant à établir les responsabilités encourues dans les disparitions de ressortissants français survenues entre 1976 et 1983. »

Le dossier du Capitaine Alfredo Astiz illustre cette quête de justice. Ce militaire a été condamné en 1990 par contumace, par la Cour d'Assises de Paris, à la réclusion criminelle à perpétuité en France, pour son implication dans la disparition en Argentine de deux religieuses françaises 46 ( * ) en 1977.

Ces poursuites avaient été engagées moins de dix ans après les faits, dans le strict respect des dispositions de l'article 7 du Code de procédure pénale. En réponse à votre rapporteur, il a été précisé qu' « après sa condamnation [...] , l'extradition de l'intéressé a été ensuite réclamée sans relâche par les autorités françaises, sans que le délai de prescription de vingt ans prévu par l'article 133-2 du Code pénal ne soit jamais atteint ».

A la suite de l'abrogation en 2003 des lois d'amnistie du « point final » et du « devoir d'obéissance », Alfredo Astiz a fait l'objet de poursuites sur le sol argentin pour les faits en cause. Au terme du processus, il a été condamné, en Argentine, le 26 octobre 2011, à la prison à perpétuité.


* 42 Cf. Loi n° 92-427 du 9 mai 1992 autorisant l'approbation de la convention de coopération judiciaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine.

* 43 Loi n° 2002-168 du 12 février 2002 autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République Argentine.

* 44 Cf. Réponse au questionnaire parlementaire.

* 45 Cf. paragraphe 3 de l'article 9.

* 46 Alice Domon et Léonie Duquet.

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