EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er (art. L. 3232-5, L. 3232-6 et L. 3232-7 [nouveaux] du code de la santé publique) - Fixation d'une teneur maximale en sucres ajoutés pour les produits alimentaires distribués dans les outre-mer
Objet : Cet article vise à fixer une teneur maximale en sucres ajoutés pour les produits alimentaires distribués dans les outre-mer par référence à la teneur maximale constatée pour les produits équivalents ou comparables distribués dans l'hexagone.
I - Le dispositif proposé initialement
L'article 1 er de la proposition de loi tendait initialement à créer un unique article L. 3232-5 dans le code de la santé publique, aux termes duquel aucune denrée alimentaire de consommation courante destinée à être présentée au consommateur final ou aux collectivités dans les régions d'outre-mer ne pouvait contenir, à compter du 1 er janvier 2014, davantage de sucres que le produit similaire de même marque vendu en France hexagonale.
En outre, l'article 2 du texte initial prévoyait qu'un arrêté du ministre chargé de la santé fixe, après avis du Haut Conseil, la liste des denrées alimentaires de consommation courante soumises à une teneur maximale en sucre et les teneurs y afférentes.
II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a procédé à une réorganisation globale de cet article, en y intégrant les dispositions initialement prévues par l'article 2, afin de préciser sa portée et de le rendre plus lisible.
L'article 1 er de la proposition de loi crée désormais trois nouveaux articles au sein du livre II bis de la troisième partie du code de la santé publique relative à la lutte contre les maladies et dépendances, à la fin du chapitre II du titre unique de ce livre intitulé « Nutrition et santé ».
• L'Assemblée nationale a tout d'abord
précisé
la nature des sucres
concernés
par la fixation d'un plafond.
Est désormais visée la teneur en sucres ajoutés des denrées alimentaires, et non plus leur teneur totale en sucres. Cette rédaction est conforme aux recommandations de l'Anses, qui préconise une réduction de 25 % la consommation de glucides simples, notamment de glucides simples ajoutés .
Cette modification visait en outre à prendre en compte les spécificités de la production de produits laitiers frais en outre-mer . En raison de l'absence d'une filière laitière autosuffisante, les industries de produits laitiers doivent travailler à partir de poudre de lait. Ce procédé de fabrication nécessite d'utiliser une quantité de matière première qui contient davantage de lactose, sucre naturellement présent dans le lait , que le lait frais. Le taux de sucres présent dans le produit final se trouve ainsi mécaniquement augmenté par rapport au taux présent dans les produits fabriqués à partir de lait frais. Le lactose présente cependant un faible indice glycémique.
• L'Assemblée nationale a ensuite
précisé le champ des produits alimentaires
visés
.
La notion de denrée alimentaire est définie à l'article 2 du règlement (CE) n° 178/2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire 32 ( * ) , selon lequel constitue une denrée alimentaire « toute substance ou produit, transformé, partiellement transformé ou non transformé, destiné à être ingéré ou raisonnablement susceptible d'être ingéré par l'être humain. Ce terme recouvre les boissons, les gommes à mâcher et toute substance, y compris l'eau, intégrée intentionnellement dans les denrées alimentaires au cours de leur fabrication, de leur préparation ou de leur traitement. ». Au sens de l'article R. 112-1 du code de la consommation, la notion recouvre « toute denrée, produit ou boisson destiné à l'alimentation de l'homme ».
En l'absence de certitude scientifique sur l'existence d'une teneur maximale fixe souhaitable, la teneur maximale en sucres ajoutés est déterminée par référence à des denrées équivalentes ou comparables distribuées dans l'hexagone .
- En ce qui concerne les denrées alimentaires de consommation courante pour lesquelles il existe une denrée similaire de la même marque distribuée en France hexagonale , l'article L. 3232-5 du code de la santé publique fixe un plafond par référence à celle de cette denrée similaire. La notion de « denrée similaire de même marque » recouvre les denrées qui, au sein d'une même marque, sont équivalentes sans être strictement identiques, ce qui permet de prendre en compte les denrées qui ne différeraient que par des aspects minimes de leur conditionnement ou de leur présentation.
- En ce qui concerne les denrées alimentaires de consommation courante distribuées dans les outre-mer mais non distribuées par les mêmes enseignes en France hexagonale , l'article L. 3232-6 du code de la santé publique fixe un plafond par référence à la teneur en sucres ajoutés la plus élevée constatée dans les denrées alimentaires assimilables de la même famille les plus distribuées en France hexagonale. La liste de ces denrées exclusivement distribuées en outre-mer est déterminée par un arrêté des ministres chargés de la santé, de l'agriculture, de la consommation et des outre-mer .
• L'Assemblée nationale a également
précisé
le champ géographique d'application
du texte.
Alors que le texte initial de la proposition de loi visait les « régions d'outre-mer », l'Assemblée nationale a précisé que l'article 1 er s'applique dans les collectivités mentionnées à l'article 73 de la Constitution, c'est-à-dire les départements et régions d'outre-mer ( la Guadeloupe , la Martinique , La Réunion , la Guyane et Mayotte ), ainsi qu'à Saint-Barthélemy , Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon , qui relèvent de l'article 74 de la Constitution.
La proposition de loi ne s'applique donc pas aux autres collectivités de l'article 74, la Polynésie française et les îles Wallis et Futuna, à la Nouvelle-Calédonie, qui relève du titre XIII de la Constitution, aux Terres australes et antarctiques françaises (Taaf) et à Clipperton.
• L'Assemblée nationale a introduit
une période d'adaptation
dans le cas où la
teneur en sucres des denrées commercialisées dans l'hexagone
diminue.
Afin de permettre aux opérateurs d'écouler leurs stocks, une période d'adaptation d'une durée de six mois est prévue lorsque la teneur en sucres ajoutés des produits distribués dans l'hexagone diminue.
• L'Assemblée nationale a enfin prévu
un contrôle des infractions
aux dispositions de
l'article 1
er
.
Un nouvel article L. 3232-7 du code de la santé publique habilite les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), les agents de la direction des douanes et ceux de la direction générale des finances publiques (DGFip) à contrôler les manquements aux dispositions des articles L. 3232-5 et L. 3232-6 du code de la santé publique.
III - Le texte adopté par la commission
En visant à réduire le taux de sucres présents dans les produits distribués dans les outre-mer, l'article 1 er de la proposition de loi répond à un double objectif . Il s'agit tout d'abord de protéger la santé des populations ultramarines , parmi lesquelles la prévalence de l'obésité est sensiblement supérieure à celle observée dans l'hexagone, dans la mesure où il est établi que la consommation excessive de sucres peut favoriser le surpoids et l'obésité ainsi que certaines pathologies associées comme le diabète et les affections cardiovasculaires. Il s'agit ensuite d'assurer l'égalité d'accès à une alimentation saine entre consommateurs hexagonaux et consommateurs ultramarins.
Par ailleurs, la fixation d'une teneur maximale en sucres ajoutés par référence à des produits équivalents vendus dans l'hexagone ne constitue ni une entrave aux échanges ni une distorsion de concurrence.
Compatibilité de la fixation d'une teneur
maximale en sucres ajoutés
I. La poursuite d'un objectif de protection de la santé publique permet de déroger aux principes de liberté des échanges commerciaux Si les mesures de restriction de la liberté des échanges sont en principe prohibées tant par les traités internationaux que par le droit de l'Union européenne et le droit national, la protection de la santé des personnes figure parmi les intérêts autorisant une dérogation aux principes de libre circulation des marchandises, de liberté du commerce et de l'industrie et de liberté d'entreprendre, sous réserve de procédures de notification préalables. 1) Les dérogations au régime des obstacles techniques au commerce (OTC) dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) L'accord de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les obstacles techniques au commerce (OTC) vise à empêcher que les règlements techniques, les normes volontaires et les procédures d'essai et d'homologation en vigueur dans le cadre d'un Etat membre ne créent des obstacles non nécessaires au commerce. Il reconnaît cependant aux Etats la possibilité d'adopter des mesures répondant à certains objectifs légitimes tels que la protection de la santé et de la vie des personnes ou la préservation de l'environnement. En application des accords de l'OMC, ces exceptions ne doivent pas avoir un effet plus restrictif que nécessaire sur le commerce . La proportionnalité des mesures adoptées est notamment évaluée au regard de l'importance des intérêts qu'elles protègent, étant entendu que l'OMC a affirmé, dans le cadre d'une affaire concernant les mesures prises par la France pour interdire l'amiante et les produits en contenant, que la santé des personnes était « importante au plus haut point » 33 ( * ) . 2) Les exceptions au principe de libre circulation des marchandises en droit européen Le principe d'interdiction des réglementations nationales susceptibles d'entraver la libre circulation des produits La libre circulation des marchandises , qui constitue l'une des quatre libertés fondamentales du marché intérieur européen , est garantie par les articles 28 à 37 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Elle repose sur la suppression des droits de douane entre Etats membres, sur l'interdiction des restrictions quantitatives aux échanges ainsi que des mesures d'effet équivalent, sur le principe de reconnaissance mutuelle, sur l'élimination des barrières physiques et techniques et sur le développement de la normalisation au niveau européen. En application de ce principe, toute réglementation commerciale des Etats membres susceptible d'entraver, directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce entre les Etats membres de l'Union européenne constitue, selon l'arrêt Dassonville du 11 juillet 1974, une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative . Outre l'interdiction de telles mesures, les Etats membres doivent également respecter le principe de reconnaissance mutuelle dégagé par la décision Cassis de Dijon du 20 février 1979 afin de pallier l'absence d'harmonisation européenne des réglementations techniques. Selon ce principe, les Etats membres doivent admettre sur leur marché tout produit légalement fabriqué et commercialisé dans un autre Etat membre conformément à la réglementation et aux procédés de fabrication loyaux et traditionnels de ce pays. Dans le but d'éviter l'apparition d'entraves nouvelles au commerce entre Etats membres de l'UE, une procédure de notification est prévue par la directive 98/34 du 22 juin 1998. Les Etats membres sont ainsi tenus d'informer la Commission et les autres Etats membres de tout projet de règle technique relatif aux produits avant son adoption en droit national, ainsi que des raisons qui le justifient. La protection de la santé constitue un motif de dérogation à l'interdiction des mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives L'article 36 du TFUE permet cependant aux Etats membres de prendre des mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives lorsqu'elles sont justifiées par un motif d'intérêt général non économique , tels que la moralité publique, l'ordre public, la sécurité publique, la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux, la préservation des végétaux, la protection des trésors nationaux et la protection de la propriété industrielle et commerciale. Cette possibilité de dérogation, contrôlée par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), est d'interprétation stricte. Les mesures nationales prises en application d'une de ces exceptions doivent être en rapport direct avec l'intérêt général à protéger et respecter le principe de proportionnalité , et ne peuvent être justifiées lorsqu'une réglementation communautaire a été prise dans le même domaine. Elles ne doivent ainsi constituer ni un moyen de discrimination arbitraire, ni une restriction déguisée au commerce entre Etats membres. La protection de la santé et de la vie des hommes constitue un motif fréquemment pris en compte par la CJUE pour justifier une dérogation au principe de libre circulation des marchandises. Dans un arrêt De Peijper de 1976, celle-ci a ainsi considéré que « parmi les biens ou intérêts protégés par l'article [36 du TFUE], la santé et la vie des personnes occupent le premier rang ». 3) La possibilité pour le législateur de limiter les principes de liberté d'entreprendre et de liberté du commerce et de l'industrie pour un motif de protection de la santé publique en droit français Par un considérant de principe, le Conseil constitutionnel a jugé à plusieurs reprises qu'il était possible au législateur « d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général , à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi » 34 ( * ) . Il ne fait pas de doute que la protection de la santé des personnes, citée au onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, constitue un motif d'intérêt général. Le juge des référés du Conseil d'Etat a par ailleurs reconnu que la liberté d'entreprendre, liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative (CJA), s'exerce dans le cadre des limites fixées par la loi , spécialement lorsque les prescriptions qui lui sont légalement imposées « poursuivent une exigence aussi impérieuse que la protection de la santé publique » 35 ( * ) . II. La dérogation prévue par l'article 1 er de la proposition de loi présente un caractère proportionné et non discriminatoire Une intervention législative visant à limiter le taux de sucres ajoutés dans les produits commercialisés en outre-mer constitue une réponse adaptée à l'objectif de protection de la santé des personnes demeurant sur ces territoires. Alors que les chiffres relatifs à l'état de santé des populations ultramarines, parmi lesquelles la prévalence de l'obésité et des pathologies associées tels que le diabète ou les maladies cardiovasculaires est particulièrement forte, sont très alarmants, plusieurs études ont mis en évidence un lien de causalité entre une consommation excessive de sucres et le développement de ces pathologies . Le recours à la loi apparaît nécessaire dans la mesure où les actions concertées menées en partenariat avec les industriels dans le but de diminuer la teneur en sucres des denrées commercialisées sur ces territoires sont insuffisantes à répondre au problème de manière rapide et durable . En tout état de cause, l'article 1 er de la proposition de loi n'interdit pas aux industriels de distribuer leurs produits sur les territoires visés , mais leur impose seulement de mettre fin à la différenciation des recettes destinées aux marchés hexagonal et ultramarin.
L'alignement de la teneur en sucres ajoutés
prévu par l'article 1
er
de la proposition de loi vise
à la fois les denrées similaires et de même marque
distribuées en outre-mer et dans l'hexagone (article L. 3232-5 du
code de la santé publique) et les denrées alimentaires
exclusivement distribuées dans les outre-mer et assimilables aux
denrées alimentaires de la même famille distribuées dans
l'hexagone (article L. 3232-6 du code de la santé publique).
Aucune différence de traitement n'est donc instituée
entre les producteurs, ni en raison de l'origine de leurs produits, ni selon le
lieu de leur commercialisation
. La proposition de loi ne vise donc pas
à mettre en oeuvre des mesures discriminatoires mais tend au contraire
à
mettre fin à une inégalité de traitement
entre les consommateurs
hexagonaux et ultramarins.
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La commission a adopté cet article sans modification.
Article 2 - Délai d'application des dispositions relatives à la fixation d'une teneur maximale en sucres ajoutés des produits alimentaires distribués dans les outre-mer
Objet : Cet article vise à aménager un délai de transition de six mois pour l'application de l'article 1 er de la proposition de loi.
I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale
Le texte originel de la proposition de loi prévoyait que le plafonnement de la teneur en sucres des produits alimentaires distribués dans les outre-mer devait entrer en vigueur au 1 er janvier 2014.
Lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, cette date a été remplacée par un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi .
Ce délai de transition, qui doit permettre aux industriels d'adapter leur production aux nouvelles exigences, est apparu comme un délai raisonnable , de nature à permettre l'adaptation des recettes des produits concernés tout en garantissant le maintien de prix accessibles pour le consommateur.
II - Le texte adopté par la commission
La commission a adopté cet article sans modification.
Article 3 - Interdiction de la fixation de dates limites de consommation retardées pour les denrées alimentaires distribués dans les outre-mer
Objet : Cet article vise à interdire la fixation, pour une denrée alimentaire distribuée en outre-mer, d'une date limite de consommation emportant un délai de consommation plus long que le délai prévu pour la même denrée de même marque distribuée dans l'hexagone.
I - Le dispositif proposé adopté par l'Assemblée nationale
Cet article, qui a été ajouté au texte lors de son examen en commission des affaires sociales à l'Assemblée nationale, vise à mettre fin à l'inégalité qui touche les consommateurs d'outre-mer s'agissant des modalités de fixation de la date limite de consommation (DLC) apposée sur l'étiquetage de certaines denrées destinées au marché ultramarin.
Selon une étude de la Fédération des entreprises d'outre-mer (Fedom), quelques industriels apposent en effet sur certains de leurs produits microbiologiquement très périssables une DLC déterminant un délai de consommation plus long lorsque ces produits sont commercialisés en outre-mer. Au-delà de la question de l'égalité des consommateurs, cette pratique de la double DLC est contraire à l'esprit de la réglementation communautaire en la matière 36 ( * ) , qui repose sur un objectif de protection sanitaire, et pose problème du point de vue de l'information du consommateur .
Dans ces conditions, l'article 3 de la proposition de loi tend à prévoir que lorsqu'une date indiquant le délai dans lequel une denrée alimentaire doit être consommée est apposée sur l'emballage de celle-ci, ce délai ne peut être plus long lorsque cette denrée est distribuée en outre-mer que pour la même denrée de même marque distribuée en France hexagonale .
Le champ géographique de cet article est le même que celui de l'article 1 er : les départements et régions d'outre-mer (la Guadeloupe, la Martinique, La Réunion, la Guyane et Mayotte), Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.
II - Le texte adopté par la commission
Votre commission a estimé que la pratique de double DLC constitue une inégalité, dont aucune éventuelle motivation n'a de lien avec la santé publique.
Malgré une formulation peu précise, la rédaction de cet article, qui mentionne « une date indiquant le délai dans lequel une denrée alimentaire doit être consommée », entend viser les dates limites de consommation (DLC) au sens de la directive 2000/13/CE et de l'article R. 112-22 du code de la consommation, c'est-à-dire les dates apposées sur l'étiquetage des denrées microbiologiquement très périssables . Toutefois, pour lever toute ambiguïté, votre rapporteur interrogera le Gouvernement sur cette question en séance.
La commission a adopté cet article sans modification.
Article 4 - Promotion des approvisionnements directs de produits de l'agriculture dans l'attribution des marchés publics de restauration collective
Objet : Cet article vise à rendre obligatoire, pour l'attribution des marchés publics de restauration collective en outre-mer, le critère relatif aux performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture.
I - Le dispositif proposé
Cet article, qui a été ajouté au texte lors de son examen en commission des affaires sociales à l'Assemblée nationale, vise à la fois à promouvoir une meilleure qualité nutritionnelle de l'offre alimentaire en restauration collective, en favorisant l'approvisionnement de ces structures en produits frais et de saison, et à inciter au développement des filières agricoles locales , en encourageant le développement des circuits courts.
Pour ce faire, il tend à rendre obligatoire pour l'attribution des marchés publics de restauration collective la prise en compte du critère des performances en matière de développement des approvisionnements directs des produits de l'agriculture.
Le champ géographique de cet article est identique à celui des articles 1 et 2.
• La prise en compte de ce critère par les
pouvoirs adjudicateurs est déjà possible en application du code
des marchés publics
Ce critère figure déjà à l'article 53 du code des marchés publics (CMP) où il a été introduit par un décret du 25 août 2011. Cette modification faisait suite à la loi dite « Grenelle I » du 3 août 2009, par laquelle l'Etat s'est fixé des objectifs quantitatifs pour l'approvisionnement de ses services de restauration collective en produits saisonniers, à faible impact environnemental, bénéficiant de signes d'identification de la qualité ou de l'origine ou issus d'exploitation engagées dans une démarche de certification environnementale, et à la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP) du 27 juillet 2010. Celle-ci a ajouté à cette liste « les produits faisant l'objet de circuits courts de distribution, impliquant un exploitant agricole ou une organisation regroupant des exploitants agricoles ».
L'article 53 du CMP prévoit que le pouvoir adjudicateur peut se fonder, pour attribuer un marché public, sur différentes combinaisons de critères :
- soit sur le seul critère du prix ;
- soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché . L'article 53 développe à ce titre une liste non exhaustive de critères, parmi lesquels figurent « les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture ».
Dans le second cas, l'offre économiquement la plus avantageuse est évaluée globalement, au regard d'un faisceau de critères dont la pondération est précisée par le pouvoir adjudicateur dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de consultation. La détermination et les modalités de cette pondération, qui affecte un coefficient chiffré à chacun des critères pris en compte, relèvent de la liberté de l'acheteur.
• Compatibilité de cet article avec les
principes de la commande publique
En application de l'article 1 er du CMP, les marchés publics doivent respecter les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Ces principes existent également en droit de l'Union européenne et découlent notamment du principe de non-discrimination en raison de la nationalité 37 ( * ) . Par une décision n° 2003-476 DC du 26 juin 2003, le Conseil constitutionnel a consacré la valeur constitutionnelle de principes comparables.
Dans la mesure où la prise en compte du critère de la performance en matière de développement des approvisionnements directs des produits de l'agriculture doit être prévue dans l'appel public à la concurrence et dans les documents de consultation , le principe de transparence des procédures semble bien respecté par l'article 4 de la proposition de loi.
Le critère prévu ne paraît pas davantage contrevenir au principe de liberté d'accès à la commande publique. Selon une réponse ministérielle du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie publié au Journal officiel de l'Assemblée nationale du 15 novembre 2011, il permet de « privilégier les circuits courts , c'est-à-dire les approvisionnements auprès d'un producteur ou d'un intermédiaire, organisation de producteurs, coopérative agricole, ou négociant s'approvisionnant directement auprès des exploitants agricoles ». Pour autant, il ne s'agit pas d'un critère lié à l'implantation géographique des prestataires candidats , un tel critère étant interdit par le droit européen comme par le droit français des marchés publics 38 ( * ) . Les notions de circuit court et d'approvisionnement direct doivent en effet être entendues au sens relationnel et non au sens géographique.
Enfin, dans la mesure où le critère de l'article 4 fera l'objet d'une pondération librement déterminée par le pouvoir adjudicateur, le principe d'égalité de traitement des candidats n'est pas méconnu par la proposition de loi. Il est en effet possible qu'un marché public de restauration collective soit attribué à un candidat peu performant sur ce critère spécifique s'il se détache sur les autres critères retenus.
La pondération des critères permettra en outre aux acheteurs publics de conserver leur liberté quant aux critères qu'ils souhaitent prendre en compte pour l'attribution des marchés.
Pour autant, une certaine prudence s'impose quant à la sécurité juridique des marchés publics de restauration collective intégrant cette nouvelle contrainte, dans la mesure où le droit de la commande publique fait l'objet d'une réglementation particulièrement stricte émanant largement du droit de l'Union européenne.
Par ailleurs, l'objectif de développement des filières agricoles répond aux mêmes objectifs que la politique européenne de développement rural , conduite à travers le fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), et à laquelle les départements d'outre-mer sont éligibles pour un montant de 631 millions sur la période 2007-2013.
II - Le texte adopté par la commission
La commission a adopté cet article sans modification.
* 32 Règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires.
* 33 Communautés européennes - Mesures affectant l'amiante et les produits en contenant, rapport de l'organe d'appel, WT/DS135/AB/R, 12 mars 2001, paragraphe 172.
* 34 Par exemple, décision n° 2001-451 DC du 27 novembre 2001.
* 35 CE, référé, 29 avril 2004, n° 266902, Département du Var ; CE, référé, n° 308602, 17 août 2007, SARL Les Cigales.
* 36 Règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires ; règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil n° 825-2004 du 29 avril 2004 relatif à l'hygiène des denrées alimentaires ; directive 2000/13/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mars 2000 relative au rapprochement des législations des États membres concernant l'étiquetage et la présentation des denrées alimentaires ainsi que la publicité faite à leur égard ; article R. 112-22 du code de la consommation.
* 37 CJCE, 7 décembre 2000, Telaustria.
* 38 Rép. min. n° 40461 : JOAN Q 23 nov. 2004, p. 9271 ; CJCE, 11 juill. 1991, aff. C-351/88 : Rec. CJCE 1991, I, p. 3641 ; CE, 29 juillet 1994, n° 131562, Commune de Ventenac-en-Minervois.