B. LE FAIBLE NIVEAU DE FORMATION AUX PREMIERS SECOURS

1. Des dispositifs généraux de formation aux premiers secours insuffisants

Lors de la journée mondiale des premiers secours, organisée le 14 septembre 2013 par la Croix-Rouge française, et dont le thème était « Se former aux gestes qui sauvent en cas d'accident de la route », une étude 6 ( * ) réalisée en appui de cette journée a montré que 46 % des Français interrogés ont bénéficié d'une formation aux premiers secours. En 2009, la Croix-Rouge avait évalué à 40 % la proportion de la population française formée aux premiers secours.

En France, se former aux premiers secours est d'abord une démarche individuelle . Les formations sont payantes ; elles s'effectuent auprès d'organismes agréés, le plus connu étant la Croix-Rouge.

Il n'existe qu'un seul dispositif obligatoire de formation aux gestes de premiers secours à destination d'un public assez large. Il est organisé au bénéfice des élèves du premier et du second degré depuis la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique et la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile. Cette obligation a été codifiée aux articles L. 312-13-1 et L. 312-16 du code de l'éducation.

Ces deux articles imposent de former les élèves à l'attestation de prévention et Secours civique de niveau 1 (PSC1). Cette attestation est délivrée après une formation de 7 heures.

Cependant, cette obligation est mal respectée. 20 % seulement des élèves de troisième sont formés chaque année 7 ( * ) , en raison des difficultés pratiques engendrées par cette obligation : il faut en effet 50 heures pour former un enseignant aux gestes de premiers secours .

En réponse à une question de notre collègue M. Roland Povinelli , qui l'interrogeait sur la mise en oeuvre de cette obligation, le ministre de l'Éducation nationale a souligné que deux séries de mesures ont été prises : d'une part, la mise en place d'une équipe d'instructeurs de l'Éducation nationale ayant pour but d'assurer le suivi de la formation des instructeurs chargés de former les élèves aux premiers secours ; d'autre part, la conclusion de partenariats avec diverses structures (comme la MAIF, par exemple) afin de développer les formations aux gestes de premiers secours.

Ces mesures permettraient une accélération de la formation des élèves de 3 ème dans les prochaines années 8 ( * ) .

Votre rapporteur souligne que c'est également au collège que les élèves reçoivent des formations obligatoires en matière de sécurité routière. Ils passent deux attestations : l'attestation scolaire de sécurité routière de niveau 1 (ASSR 1) 9 ( * ) , d'une part, qui est passée en classe de 5 ème et l'attestation scolaire de sécurité routière de niveau 2 (ASSR 2), d'autre part, qui est passée en classe de 3 ème . Cette dernière attestation est obligatoire pour pouvoir s'inscrire à l'examen du permis de conduire.

Ce dispositif est également insuffisant : cette attestation est passée à un âge où la perspective de passer le permis de conduire est encore lointaine : l'âge moyen de passage du permis de conduire à Paris est par exemple de 28 ans . En outre, l'obligation de présenter cette attestation génère d'importantes difficultés pour les candidats ayant perdu l'attestation, l'Éducation nationale ne disposant d'aucune archive en la matière lui permettant de délivrer un duplicata de l'attestation.

Enfin, lors de la Journée défense et citoyenneté, la question des gestes de premiers secours est également abordée mais la durée qui y est consacrée, de l'ordre d'une heure, est nettement insuffisante pour que la question soit sérieusement traitée.

2. L'absence de formation au secourisme dans le cadre du permis de conduire

L'article D. 221-3 du code de la route précise que les épreuves de l'examen du permis de conduire sont composées d'une épreuve théorique et d'une épreuve pratique dont les modalités sont définies par un arrêté du ministre en charge de la sécurité routière.

Actuellement, c'est l'arrêté du 20 avril 2012 fixant les conditions d'établissement, de délivrance et de validité du permis de conduire 10 ( * ) qui fixe les règles d'attribution du permis de conduire.

Aucune exigence en matière de formation aux premiers secours n'est exigée pour se présenter à l'examen du permis de conduire, aussi bien lors de l'épreuve théorique que lors de l'épreuve pratique.

Sans doute, le Conseil interministériel de la sécurité routière (CISR) a-t-il recommandé dès 1974 d'intégrer une formation aux « gestes de survie » lors de l'examen du permis de conduire : au regard du rôle essentiel joué par les conducteurs, la proposition de les former aux gestes de premiers secours s'inscrivait dans la volonté de diminuer la mortalité routière 11 ( * ) .

Cette recommandation n'a toutefois pas été suivie d'effets, en raison d'une considération pratique : le temps de formation au permis de conduire aurait été substantiellement allongé.

Le programme de l'épreuve théorique du permis de conduire est défini par les articles L. 213-4 et R 213-4 du code de la route. Ces deux articles imposent aux établissements d'enseignement de dispenser leur formation en conformité avec un programme national , défini par arrêté. L'actuel référentiel est le programme national de formation à la conduite (PNF), défini par un arrêté du 23 janvier 1989.

Dans la partie consacrée au comportement à tenir en cas d'accident, il est indiqué que les enseignants doivent apprendre aux candidats un certain nombre de comportements et de réflexes à avoir en cas d'accident de la circulation 12 ( * ) .

Le référentiel pour l'éducation à une mobilité citoyenne (REMC), défini par un arrêté du 13 mai 2013, remplacera le PNF, à compter du 1 er juillet 2014. Les éléments figurant actuellement dans le PNF seront repris, sans changement.

Ce référentiel est applicable aussi bien pour le permis B, nécessaire pour conduire les véhicules de tourisme que pour les permis de conduire ayant une visée professionnelle que sont les permis C (poids lourds) et D (transport de plus de huit personnes).

Toutefois, ces connaissances ne font l'objet d'aucune question lors de l'examen théorique ; lors de l'examen pratique, seuls les candidats aux permis C et D peuvent être interrogés sur le comportement à tenir en cas d'accident de la circulation 13 ( * ) .

Pour ces derniers, le programme de formation initiale et continue leur impose de suivre des formations réparties en plusieurs thèmes. Le décret n° 2007-1340 du 11 septembre 2007 relatif à la qualification initiale et à la formation continue des conducteurs du transport routier de marchandises et de voyageurs et l'arrêté du 3 janvier 2008 relatif au programme et aux modalités de mise en oeuvre de la formation professionnelle initiale et continue des conducteurs du transport routier de marchandises et de voyageurs définissent les sujets devant être abordés et le nombre d'heures devant y être consacrées. Parmi les thèmes généraux, il en figure un, intitulé « Santé sécurité routière et sécurité environnementale » qui regroupe plusieurs éléments dont « les principes élémentaires en matière de secourisme ».

Là encore, ces formations ne sont pas sanctionnées par une épreuve ou un quelconque examen.

Dans certains cas cependant, votre rapporteur observe que des obligations en matière de formation aux premiers secours sont parfois imposées.

En ce qui concerne les conducteurs de taxi , les dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 3 mars 2009 relatif aux conditions d'organisation de l'examen du certificat de capacité professionnelle de conducteur de taxi, imposent de fournir, lors de l'inscription à l'examen, l'attestation d'obtention de l'unité d'enseignement « prévention et secours civiques de niveau 1 », qui doit avoir été délivrée au moins depuis deux années.

Par ailleurs, pour obtenir la mention « passager » du permis bateau, les candidats doivent présenter une « attestation de formation aux premiers secours reconnue par l'État » (art. R.4231-17 du code des transports).

3. De nombreuses initiatives parlementaires pour tenter de conforter l'état du droit existant

La loi n° 2003-495 du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière a, pour la première fois, relayé la préoccupation d'une formation obligatoire aux gestes de premiers secours, en créant une obligation de sensibilisation des candidats aux permis de conduire à la formation aux premiers secours 14 ( * ) .

Toutefois, en l'absence de décret d'application, cette obligation est restée lettre morte.

Plusieurs propositions de loi ont été déposées afin d'imposer une formation pratique aux gestes de premiers secours lors du passage du permis de conduire.

Certaines, comme celle de notre collègue, le président Jean-Pierre Sueur , ont eu pour objet d'intégrer une formation obligatoire aux premiers secours dans l'examen des permis de conduire de transport de personnes. Il a ainsi déposé le 2 août 2007 une proposition de loi n° 433 (2006-2007) tendant à rendre obligatoire l'apprentissage des gestes de premiers secours lors de la formation initiale des conducteurs de transport routier de personnes 15 ( * ) .

D'autres propositions de loi ont eu pour objet d'instaurer cette obligation de formation pratique dans les épreuves du permis de conduire B.

La dernière en date, la proposition de loi n° 144 visant à former aux cinq gestes qui sauvent face à un accident de la route lors de la préparation des permis de conduire a été déposée à l'Assemblée nationale, par M. Bernard Gérard et plusieurs de ses collègues, le 23 août 2012 16 ( * ) .

Elle a toutefois été rejetée par l'Assemblée nationale, le 11 octobre 2012.


* 6 Étude réalisée les 4 et 5 septembre 2013, sur un échantillon de 1020 personnes, âgées de plus de 18 ans et résidant en France.

* 7 http://www.senat.fr/questions/base/2012/qSEQ120700479.html

* 8 Question écrite n° 00479, http://www.senat.fr/questions/base/2012/qSEQ120700479.html .

* 9 Cette attestation permet de s'inscrire à la préparation du brevet de sécurité routière (BSR) auprès d'un organisme agréé (auto-école, association) afin de conduire un cyclomoteur dès l'âge de 14 ans.

* 10 NOR: IOCS1221841A.

* 11 De nombreuses propositions ont alors été faites pour renforcer la sécurité. Les limitations de vitesse (juin 1973, généralisées en novembre 1974), la ceinture de sécurité obligatoire à l'avant des véhicules (octobre 1979) ou la limitation de l'alcoolémie à 0,5 g/l dans le sang (octobre 1983) sont les mesures les plus emblématiques.

* 12 Par exemple, les enseignants à la conduite doivent expliquer aux candidats comment déterminer ce qu'il y a de plus urgent à faire, s'il faut s'arrêter, comment alerter les services de secours.

* 13 Ce thème figure parmi douze autres ; l'examinateur en tire un au hasard et interroge le candidat.

* 14 Article 16 de la loi : « Les candidats au permis de conduire sont sensibilisés dans le cadre de leur formation aux notions élémentaires de premiers secours. Un décret en Conseil d'État fixe les modalités de mise en oeuvre de ces dispositions. »

* 15 http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl06-433.html

* 16 http://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/Gestes_secourisme_permis_conduire.asp

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