V. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION
Votre commission approuve les dispositions proposées qui devraient améliorer ou sécuriser le statut social et professionnel des sportifs de haut niveau et des sportifs et entraîneurs salariés professionnels.
Elle attache un intérêt particulièrement grand aux propositions visant à mieux coordonner les acteurs chargés du suivi socioprofessionnel des sportifs. En effet, le dispositif de formation et d'accompagnement des sportifs de haut niveau en vue de leur insertion professionnelle n'est pas toujours lisible ni cohérent.
Il n'est pas toujours lisible dans la mesure où les intervenants sont nombreux : on peut citer la fédération à travers le référent chargé du suivi socioprofessionnel des sportifs de haut niveau, les services déconcentrés du ministère chargé des sports, les rectorats impliqués à travers leurs établissements scolaires et d'enseignement supérieur dans la formation initiale des sportifs, mais également la région, le ministère du travail, les organismes paritaires collecteurs agréés et Pôle emploi pour les actions de formation continue.
À cet égard, on peut souligner la démarche pilote de la direction générale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) de Rhône-Alpes qui a développé des partenariats avec tous les grands acteurs de la formation professionnelle.
La politique de soutien au double projet des sportifs
de haut niveau
La diversité des acteurs en charge de l'orientation et l'accompagnement des sportifs professionnels dans leur double projet constitue une richesse car elle permet de solliciter des compétences et des financements variés. Elle peut devenir un frein si les politiques ne sont pas coordonnées. C'est la raison pour laquelle la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale de Rhône-Alpes a développé toute une série de partenariats. Ainsi, un partenariat durable existe depuis plus de vingt ans avec le conseil régional qui définit et organise une politique commune sur le sport de haut niveau. Dans ce cadre, deux conventions ont été signées : - une convention cadre entre le Préfet et le conseil régional de Rhône-Alpes sur l'insertion professionnelle des sportifs de haut niveau dans le cadre des conventions d'aménagement d'emploi ; - une convention de partenariat relative aux actions d'accompagnement des sportifs de haut niveau signée entre la DRJSCS, le conseil régional de Rhône-Alpes et AGEFOS PME 7 ( * ) visant à assurer le financement et l'organisation de bilans d'orientation, de bilans de compétence et d'aides à la recherche d'emploi pour les sportifs de haut niveau. De même, la DRJSCS a développé un partenariat avec les rectorats de Grenoble et de Lyon. La convention signée entre le Préfet de la région Rhône-Alpes et les deux rectorats mentionnés précédemment précise notamment les conditions d'aménagement de la scolarité des sportifs de haut niveau et une procédure de labellisation des établissements. Elle permet ainsi la mobilisation des ressources de l'éducation nationale dans le cadre de la mise en place du double projet des sportifs. La DRJSCS de Rhône-Alpes a également développé un partenariat avec Pôle Emploi pour favoriser l'emploi des sportifs de haut niveau. |
Le dispositif de formation et d'accompagnement des sportifs de haut niveau n'est également pas toujours cohérent car certaines initiatives particulièrement originales menées sur le terrain en direction des sportifs de haut niveau peuvent se heurter à des obstacles administratifs, faute de concertation préalable entre toutes les parties.
C'est par exemple le cas du développement du e-learning . Ce type d'enseignement est particulièrement adapté aux sportifs de haut niveau qui sont souvent en déplacement et donc dans l'incapacité de suivre physiquement des cours dans un établissement. Il est même encouragé par une note de service de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en date du 30 avril 2014 qui dresse une liste des mesures à prendre pour faciliter la poursuite par les sportifs de leur double projet.
Certains établissements supérieurs ont fait d'importants efforts financiers pour mettre en place des enseignements à distance appréciés par les sportifs de haut niveau. Mais dans la mesure où l'article D. 124-2 du code de l'éducation conditionne la validation des formations à un volume pédagogique de formation de deux cents heures en établissement, les établissements concernés ne peuvent ni signer de convention de stage avec les entreprises, ni bénéficier de la fraction de la taxe d'apprentissage dédiée au financement des formations technologiques et professionnelles dispensées hors apprentissage. Cet exemple illustre l'importance d'une étroite coordination entre les différents services de l'État afin de lever tous les obstacles juridiques et institutionnels à la réussite du double projet des sportifs de haut niveau.
Votre commission approuve également l'adoption de mesures visant à renforcer l'insertion socio-professionnelle des sportifs de haut niveau et des sportifs professionnels.
L'article 1 er de la présente proposition de loi justifie l'effort consenti par la collectivité nationale en faveur de l'insertion des sportifs de haut niveau par le fait que ces derniers jouent un rôle fondamental dans le rayonnement de la nation et la promotion des valeurs du sport. Toutefois, le succès de l'insertion professionnelle des sportifs de haut niveau repose sur les compétences qu'ils acquièrent à travers leur pratique sportive d'excellence, mais également à travers les formations qu'ils sont amenés à suivre. Ce sont ces compétences qui les rendent attractifs pour une entreprise. Par conséquent, toutes les mesures visant à mettre en valeur les compétences déjà acquises par le sportif de haut niveau, mais également à les compléter, doivent être encouragées. La présente proposition de loi en propose quatre :
- l'amélioration du dispositif des conventions d'insertion professionnelle ;
- la possibilité pour les sportifs de haut niveau de demander la validation des acquis de leur expérience pour justifier tout ou partie des connaissances et des aptitudes exigées pour l'obtention du diplôme ou titre délivré, au nom de l'État, par un établissement d'enseignement supérieur ;
- l'introduction d'une dérogation aux conditions d'âge pour la signature de contrats d'apprentissage pour les sportifs de haut niveau ;
- l'élargissement aux sportifs professionnels des périodes de professionnalisation.
Si cette proposition de loi permet donc des avancées non négligeables, votre commission a cependant estimé qu'elle était perfectible. Elle a donc adopté plusieurs amendements qui, loin de dénaturer le texte, soit renforcent l'effectivité des mesures proposées, soit les complètent.
Ainsi, parmi les droits et obligations qui doivent figurer dans la convention signée entre le sportif de haut niveau et sa fédération, votre commission a précisé la nature de l'accompagnement dont doit bénéficier le sportif (article 3). Elle a également ajouté la question du droit à l'image qui peut être source de conflits entre le sportif, sa fédération et ses sponsors si elle n'est pas réglée dès le début de la carrière sportive.
Par ailleurs, votre commission a étendu le bénéfice des conventions d'insertion professionnelle aux arbitres et juges de haut niveau. Ces derniers subissent les mêmes contraintes de temps que les sportifs en raison de leur participation incessante à des compétitions, ce qui nuit à leur bonne intégration professionnelle. Il était donc important que les arbitres et les juges de haut niveau puissent bénéficier de ce dispositif qui leur permettra d'assurer leur intégration professionnelle dans une entreprise tout en continuant de pratiquer leur activité d'arbitre ou de juge (article 4).
Votre commission a aussi étendu aux sportifs de haut niveau la possibilité de demander la validation des acquis de leur expérience pour l'obtention d'un diplôme ou d'un titre à finalité professionnelle (article 6 bis ).
En outre, votre commission a aménagé le dispositif des contrats d'apprentissage afin que les périodes pendant lesquelles les sportifs de haut niveau pratiquent leur activité sportive soient prises en compte (article 6 ter ).
Par ailleurs, votre commission a amélioré les règles liées à la durée du temps de travail dans le cadre de la création du contrat de travail à durée déterminée spécifique pour les sportifs et entraîneurs professionnels salariés. La rédaction retenue ne permettait pas de prendre en compte certaines situations contractuelles ayant pour cadre temporel la saison sportive et non un nombre de mois déterminé, même si de facto la durée d'une saison est fixée à douze mois. En outre, elle s'est attachée à limiter la précarisation de l'emploi en obligeant les contrats signés en cours de saison à courir jusqu'à la fin de cette dernière (article 9).
La commission a aussi amélioré le dispositif juridique de l'article 13 afin de préciser que la présomption de salariat prévue dans le code du travail ne s'applique pas aux sportifs professionnels participant à des compétitions sportives réellement opérationnel (article 13).
Enfin, elle a autorisé tout organisateur d'une compétition ou d'une manifestation sportive se déroulant en France à saisir l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) afin de vérifier que les participants licenciés ont respecté l'interdiction de parier sur les manifestations sportives auxquelles ils participent.
En conclusion, votre commission souhaiterait faire deux commentaires.
D'abord, elle tient à souligner le rôle fondamental des entreprises dans la réussite de l'insertion professionnelle des sportifs de haut niveau et des sportifs professionnels. S'il était difficile de les mentionner dans le texte de loi, il convient, dans la pratique, de les associer étroitement et de les impliquer tout au long du double projet, notamment pour connaître leurs attentes.
En effet, trop souvent, les entreprises ne sont sollicitées qu'à la fin du processus de reconversion, lorsque le sportif abandonne sa carrière sportive et souhaite entrer sur le marché du travail. Or, c'est en amont, durant tout le processus d'élaboration du double projet et en lien avec les services de l'État et les fédérations que l'entreprise doit intervenir.
Au niveau national, le Comité national olympique et sportif français est déjà en relation avec le MEDEF et un programme d'accompagnement socio-professionnel des athlètes a été ainsi lancé en 2011 intitulé « le Parcours Athlète Emploi ». Ce programme, mis en oeuvre avec le concours de la Fondation Adecco et la contribution du ministère chargé des sports ainsi que l'INSEP, vise à favoriser l'insertion professionnelle des athlètes de haut niveau en reconversion imminente ou effective.
Pour autant, il convient de multiplier les contacts entre les entreprises (à travers notamment leurs organisations patronales) et tous les acteurs chargés de l'insertion professionnelle des entreprises, à la fois au niveau des territoires et des fédérations.
Par ailleurs, il est indispensable de mieux faire connaître l'entreprise et l'entrepreneuriat non seulement aux sportifs de haut niveau, mais également aux référents chargés du suivi socio-professionnel de ces derniers. Votre commission est convaincue de la nécessité d'accompagner la création desdits référents du développement d'une formation au métier de conseil en formation professionnelle en leur direction. Il semblerait que l'INSEP ait été chargé d'élaborer un plan de formation. Il serait opportun que parmi les intervenants qui formeront les futurs référents, figurent également des chefs d'entreprise et des entrepreneurs, voire que cette formation soit couplée avec une visite d'entreprise ou un stage afin de familiariser les référents à cet univers qu'ils connaissent mal, voire pas du tout.
Votre commission souhaite également attirer l'attention sur la nécessité de trouver des dispositifs qui permettent à un nombre plus important de sportifs de haut niveau d'accéder au salariat. Le rapport de M. Jean-Pierre Karaquillo évoque ce problème et propose des pistes de réflexion. À l'issue des auditions menées par votre rapporteur au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, votre commission est persuadée qu'il s'agit d'un chantier prioritaire qui mérite une réflexion au niveau national, mais également au niveau des territoires afin de dégager les solutions la mieux adaptées pour chaque région.
Plusieurs projets pilotes ont déjà été développés. Ainsi, la fédération française d'athlétisme a créé en 2007 la Ligue nationale d'athlétisme. L'objectif recherché était de récupérer des fonds à travers l'organisation d'un circuit de meetings qui étaient ensuite reversés aux clubs, avec pour contrepartie la création d'un lien de subordination à travers un contrat de travail entre ces derniers et certains sportifs de haut niveau.
De même, le conseil général de Moselle a mis en place en 2012 une structure appelée « Moselle sport Académie » chargée de sécuriser le parcours professionnel du sportif.
Ce dispositif repose sur deux axes :
- la préparation au métier de sportif professionnel. En partenariat avec l'université de Strasbourg, a été créé un diplôme de management de carrière sportive que les sportifs de haut niveau sont incités à préparer. Ce diplôme universitaire de niveau Bac+2, organisé en alternance, est conçu pour apporter aux sportifs professionnels les connaissances et le savoir-faire managérial essentiels au pilotage de leurs carrières. La formation vise trois objectifs : préparer les sportifs à la gestion et à la valorisation de leur carrière (fiscalité, gestion de patrimoine, relations aux médias, rapports contractuels avec son club et ses partenaires, etc...) ; les accompagner dans l'élaboration de projets sportifs, professionnels et personnels, en optimisant leur articulation et en les inscrivant dans le temps (du début à la fin de la carrière et lors de la reconversion) ; sécuriser le parcours des sportifs grâce à une formation universitaire reconnue permettant de valoriser le métier de sportif professionnel et le transfert des compétences associées vers d'autres métiers ;
- la signature par les sportifs de haut niveau d'un contrat de professionnalisation avec leurs clubs afin non seulement de leur assurer des revenus réguliers et une couverture sociale satisfaisante, mais également pour développer leur expérience professionnelle.
Le financement du salaire de chaque sportif est réalisé par un transfert vers le club de l'ensemble des sources de revenus du sportif, qu'il s'agisse des aides personnalisées versées par l'État, de subventions des collectivités locales, de contrat de sponsoring etc. qui lui sont reversés par le club sous forme de salaire.
Certes, il ne sera pas possible de salarier les 7 000 sportifs de haut niveau et tous les clubs ou fédérations ne pourront pas se lancer dans cette initiative. Néanmoins, cette solution particulièrement originale et dont la viabilité a été démontrée permet de dépasser le débat stérile sur le manque de moyens des clubs (et de certaines fédérations) et leur manque d'expérience et de personnes qualifiées en matière de gouvernance.
La question du salariat des sportifs de haut niveau mériterait donc d'être approfondie à travers une nouvelle mission telle que celle qui avait été confiée à M. Jean-Pierre Karaquillo.
* 7 Il s'agit d'un organisme paritaire collecteur agréé.