CHAPITRE II - RENFORCER L'INDÉPENDANCE ET L'EFFICACITÉ DE L'ACTION DES ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES ET DES MANDATAIRES JUDICIAIRES
Article 48 (art. L. 811-1, L. 811-2, L. 811-3, L. 811-10, L. 811-12, L. 811-15-1 [nouveau], L. 812-1, L. 812-2, L. 812-8, L. 812-9, L. 814-3, L. 814-9, L. 814-15 et L. 814-16 [nouveaux] et L. 958-1 du code de commerce) - Conditions d'exercice, contrôle et discipline des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires
L'article 48 du projet de loi apporte des précisions et compléments aux conditions d'exercice de l'activité, au contrôle et au régime disciplinaire des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires.
Ainsi, seraient précisées les conditions de prise en compte des frais de fonctionnement d'une structure commune mise en place par plusieurs études d'administrateurs ou de mandataires pour les besoins de leur activité professionnelle.
Le projet de loi clarifie également le fait que les administrateurs et les mandataires judiciaires nommés « hors liste » - c'est-à-dire ne relevant pas de ces professions mais susceptibles de les exercer à titre accessoire, sur désignation du tribunal, sous réserve de remplir certaines conditions, comme le prévoit d'ores et déjà le code de commerce 155 ( * ) - relèveraient bien de la surveillance du ministère public dans l'exercice de ces fonctions accessoires, en vertu des règles d'exercice des professions d'administrateur et de mandataire. En pratique, il semble que les désignations « hors liste » soient particulièrement rares.
Le présent projet de loi prévoit que les administrateurs judiciaires devront faire état d'une mention de spécialité, civile ou commerciale , les deux mentions pouvant être revendiquées. À cet égard, votre rapporteur rappelle qu'il existait autrefois une liste des administrateurs judiciaires à spécialité commerciale et une autre des administrateurs judiciaires à spécialité civile, ceux-ci étant compétents en particulier pour l'administration des copropriétés et des successions, sur désignation du tribunal de grande instance (TGI). Le présent projet de loi donne ainsi une meilleure lisibilité aux compétences des administrateurs judiciaires pour les tribunaux.
Par ailleurs, le projet de loi clarifie les incompatibilités applicables aux administrateurs judiciaires, en autorisant les activités d'enseignement rémunérées, les mandats de mandataire ad hoc ou administrateur provisoire de copropriétés et de mandataire de justice d'une personne morale placée sous surveillance judiciaire et la réalisation de missions pour le compte de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC). Ces menues adaptations du régime des incompatibilités ne sont pas de nature à remettre en cause les garanties d'indépendance des professionnels concernés, dès lors que ces activités dérogeant au principe général d'incompatibilité ne peuvent être exercées qu'à titre accessoire, sauf celles relatives aux copropriétés, qui sont de même nature que les activités principales. Ces dispositions sont cohérentes avec la double spécialité civile et commerciale que réintroduit le projet de loi. Le texte comporte également des dispositions analogues concernant les mandataires judiciaires, précisant le régime de leurs incompatibilités professionnelles.
En matière disciplinaire , le présent projet de loi ouvre la possibilité au magistrat du parquet général chargé de l'inspection des administrateurs et mandataires judiciaires, autrement appelé magistrat inspecteur régional (MIR), d'engager l'action disciplinaire - faculté actuellement réservée au procureur général et au ministre de la justice. C'est une disposition de cohérence pratique. La sanction d'interdiction temporaire d'activité pourrait être assortie du sursis et serait portée à la durée maximale de cinq ans au lieu de trois : il s'agit de disposer d'une plus grande variété dans l'échelle des sanctions. En cas de suspension provisoire, d'interdiction temporaire d'exercice ou de radiation, le projet de loi met en place un mécanisme d'administration provisoire pour assurer la gestion des mandats en cours du professionnel sanctionné, dans des conditions financières déterminées permettant notamment le paiement des salariés de l'étude, et prévoit, lorsque ce professionnel se trouve en cessation des paiements du fait de sa sanction, l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.
Le présent projet de loi prévoit également l'intervention d'un décret en Conseil d'État pour préciser les activités susceptibles d'être validées au titre de l'obligation de formation continue des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires.
Enfin, le présent article traduit une recommandation formulée par la Cour des comptes dans son référé de février 2015 sur le rôle de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) en qualité de « banque du service public de la justice » 156 ( * ) . Historiquement, la CDC a pour mission de recevoir les dépôts obligatoires de certaines professions juridiques (notaires, administrateurs et mandataires judiciaires, greffiers des tribunaux de commerce), outre les dépôts volontaires de ces professions.
La CDC a recommandé la mise en place obligatoire d'un compte par affaire pour les affaires les plus importantes gérées par les administrateurs et mandataires judiciaires, pour assurer la traçabilité des flux financiers et contrôler les délais de traitement et de reversement des fonds. Le présent projet de loi prévoit un compte distinct par procédure collective lorsque le nombre de salariés ou le chiffre d'affaires du débiteur sont supérieurs à des montants fixés par décret. Votre rapporteur s'interroge sur la pertinence de ces critères, car ils ne signifient pas nécessairement que des fonds importants transiteront par l'intermédiaire des administrateurs ou mandataires : dans le cas d'une sauvegarde, le débiteur gardant l'essentiel de la maîtrise de son affaire, sans doute peu de fonds transiteront, même si c'est une entreprise de taille importante. Dans le cas où elle constaterait que les fonds placés sur ces comptes distincts ne seraient pas mouvementés pendant six mois, la CDC devrait avertir le MIR, permettant à celui-ci de vérifier les motifs de cette situation anormale. Il n'y a pas lieu, en effet, que des fonds du débiteur ne soient pas rapidement employés dans le cadre d'une procédure collective.
L'ensemble de ces dispositions n'appellent pas, à ce stade, d'autres observations de la part de votre rapporteur. En dehors de remarques d'ordre ponctuel, elles reçoivent globalement l'approbation du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, entendu par votre rapporteur.
Votre commission a adopté l'article 48 sans modification .
Article 49 (art. L. 112-6-2 et L. 112-7 du code monétaire et financier) - Modalités des paiements effectués par les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires
L'article 49 du projet de loi tend à instaurer l'obligation de réaliser par virement les paiements assurés par les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires au profit de l'association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS) ou des salariés d'un débiteur en procédure collective lorsque ceux-ci étaient jusque-là payés par virement.
En cas de manquement à cette obligation de paiement par virement, les professionnels concernés encourraient les sanctions actuellement prévues par l'article L. 112-7 du code monétaire et financier en cas de manquement à l'interdiction de certains paiements en espèce ou à l'obligation de paiement par virement 157 ( * ) .
Ces dispositions n'appellent pas, à ce stade, d'observation de la part de votre rapporteur.
Votre commission a adopté l'article 49 sans modification .
* 155 Articles L. 811-2 et L. 812-2 du code de commerce.
* 156 Ce référé est consultable à l'adresse suivante :
https://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/La-Caisse-des-depots-et-consignations-banque-du-service-public-de-la-justice.
* 157 Les notaires sont déjà soumis à la même obligation, depuis la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées .