II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : ATTEINDRE L'OBJECTIF DE CLARIFICATION ET DE GESTION DE PROXIMITÉ VISÉ PAR LA PROPOSITION DE LOI
L'article unique de la proposition de loi de notre collègue Bruno Sido vise à permettre, en cas de délégation régionale au département en matière de transports scolaires, de généraliser la faculté, prévue en Île-de-France, d'instaurer des autorités organisatrices des transports infra-départementales de troisième rang.
Plusieurs personnes entendues par votre rapporteur ont estimé que l'apport de cette proposition de loi pouvait être nuancé par les remarques suivantes :
- comme votre rapporteur l'a indiqué précédemment, la plupart des régions devrait assumer leur nouvelle compétence en matière de transports scolaires et ne pas recourir à une délégation de compétence aux départements. Dès lors, la question des AO3 deviendrait sans objet pour ces régions ;
- la séparation transports interurbains/transports scolaires, supposée par la proposition de loi, serait impossible à mettre en oeuvre dans de nombreux départements où ces deux types de transports sont totalement imbriqués ;
- la subdélégation prévue en Île-de-France vise à répondre à la spécificité d'un territoire. La Seine-et-Marne se caractérise par sa superficie et sa faible densité sur certaines parties de son territoire, mais également par le fait qu'elle n'appartient pas à la Métropole du Grand Paris qui est compétente en matière de transport. Par ailleurs, outre les spécificités de ce département, il convient de rappeler que le STIF représente aujourd'hui 70 % du transport ferroviaire en France et son activité concerne 40 % des personnes transportées chaque jour. En outre, aujourd'hui, seul ce département recourt encore à cette faculté ;
- la réponse écrite du secrétaire d'État chargé des transports à notre collègue Claude Nougein 2 ( * ) apporte un assouplissement utile selon plusieurs personnes entendues en précisant qu'un département bénéficiaire d'une délégation de compétence de la région en matière de transports scolaires ne pourrait « déléguer cette compétence à son tour qu'à des autorités organisatrices n'ayant pas le statut de collectivités locales ». Selon la direction générale des collectivités locales, il convient d'entendre, par collectivités locales, non pas les seules communes, mais également les groupements de communes (EPCI à fiscalité propre ou syndicats intercommunaux) et les syndicats mixtes. En d'autres termes, le département pourrait continuer de conventionner dans le cadre d'une délégation de service public (DSP) avec une entreprise de transport ou même, en dehors d'une DSP, avec une association de parents d'élèves ; dans ce cas, selon le Gouvernement, il ne s'agirait pas d'une délégation de compétence et la prestation pourrait être maintenue bien que le département ne soit plus l'autorité organisatrice attributaire mais seulement délégataire.
Comme l'auteur de la proposition de loi, votre rapporteur s'interroge néanmoins sur les bases juridiques d'une telle analyse : aucune disposition ne permet d'affirmer qu'une subdélégation qui n'en porterait toutefois pas le nom puisse être autorisée entre un département et les seules personnes n'ayant pas le statut de collectivités territoriales. Cette analyse semble plus marquée par le souci d'éviter une « délégation en cascade » qui irait à l'encontre de l'objectif de clarification et de simplification de l'action publique que par une réflexion juridique suffisamment aboutie et confrontée aux réalités, multiples et contrastées, du terrain.
Si les interrogations liées aux conséquences juridiques et pratiques d'une « délégation en cascade » sont partagées par votre rapporteur, ce dernier estime en revanche que la proposition de loi pose la question de l'avenir des actuelles AO2 qui, aujourd'hui, ne disposent d'aucune information sur leurs éventuelles relations qu'elles entretiendront avec les régions. Cette situation est source d'inquiétude et pourrait nuire à la qualité du service si aucune solution n'est rapidement apportée, les AO2 actuelles disposant d'une compétence de proximité qu'il convient de maintenir.
C'est pourquoi votre commission a, sur la proposition de son rapporteur et avec l'accord de l'auteur de la proposition de loi, adopté l' amendement COM-1 qui vise à préciser que les départements ayant reçu une délégation de la région pour l'organisation et la gestion des transports scolaires pourraient, si la convention de délégation le prévoit explicitement, recourir à des prestataires, via une convention de prestations de services, pour l'exécution de tout ou partie des compétences ainsi déléguées.
Seraient visées les personnes mentionnées à l'article L. 3111-9 du code des transports, c'est-à-dire celles auxquelles le département aujourd'hui - la région demain - peut déléguer tout ou partie de ses compétences en matière de transports scolaires : communes, établissements publics de coopération intercommunale, syndicats mixtes, établissements d'enseignement, associations de parents d'élèves et associations familiales. Le contrat unissant le département et son prestataire pourrait être, comme c'est le cas aujourd'hui pour les départements autorités organisatrices des transports uniques en matière de transports scolaires, une délégation de service public ou un marché public, conclus selon les règles classiques de la commande publique.
Ainsi, les relations entre la région, le département et le prestataire s'établiraient de la façon suivante :
- une convention de délégation de compétence entre la région et le département, dans les conditions fixées par les articles L. 1111-8 du code général des collectivités territoriales et L. 3111-9 du code des transports ;
- un contrat de prestation de service pour la mise en oeuvre de tout ou partie des compétences ainsi déléguées, si seulement la convention de délégation de compétence entre la région et le département a expressément prévu la faculté de recourir à des prestataires extérieurs, via par exemple la conclusion d'une délégation de service public ou la passation d'un marché public.
En d'autres termes, dans ce cadre, le département assumerait, dans les faits, au quotidien, au nom, pour le compte et sous le contrôle de la région, la responsabilité du transport scolaire, en s'appuyant le cas échéant sur des prestataires extérieurs comme les associations de parents d'élèves et, plus largement, l'ensemble des AO2 actuelles sans que ces dernières deviennent pour autant des AO3. La région et le département seraient liés par une convention de délégation de compétence - celle-ci pouvant être large ou, au contraire, plus limitée - et, si cette convention le prévoit, le département pourrait confier l'exécution de tout ou partie des compétences déléguées à ses actuelles AO2 qui ne seraient que des prestataires de services pour son compte.
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Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.
* 2 Réponse publiée dans le Journal Officiel Sénat du 22 septembre 2016 - page 4105, à la question écrite n° 18148 de M. Claude Nougein, publiée dans le Journal Officiel Sénat du 08 octobre 2015 - page 2362.