EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
Article unique (art. L. 2223-2 du code de la santé publique) Extension du délit d'entrave à l'information sur l'IVG
Objet : Cet article élargit le délit d'entrave psychologique à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) au fait de communiquer, par tout moyen et dans un but dissuasif, des allégations sur les IVG ou leurs conséquences avec l'objectif d'induire intentionnellement en erreur.
I - Le dispositif proposé
L'article L. 2223-2 du code de la santé publique comporte trois alinéas.
Le premier alinéa définit le délit d'entrave à l'IVG comme le fait d'empêcher ou de tenter d'empêcher de pratiquer ou de s'informer sur une IVG ou les actes préalables à celles-ci par deux moyens alternatifs qui sont détaillés aux deux alinéas suivants :
- soit par une entrave physique (alinéa 2) : le fait de perturber « de quelque manière que ce soit l'accès aux établissements » habilités à pratiquer des IVG, « la libre circulation des personnes à l'intérieur de ces établissements ou les conditions de travail des personnels médicaux et non médicaux » ;
- soit par une entrave psychologique (alinéa 3) : le fait d'exercer « des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d'intimidation à l'encontre des personnels médicaux et non médicaux travaillant dans ces établissements, des femmes venues y subir ou s'informer sur une interruption volontaire de grossesse ou de l'entourage de ces dernières ».
Dans les deux cas, la constitution du délit suppose l'existence d'une entrave dans le cadre de l'activité des établissements habilités à pratiquer des IVG.
Le délit est puni de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende.
Le dispositif proposé par la proposition de loi, dans sa version initiale, complète l'article L. 2223-2 par un nouvel alinéa qui institue un troisième moyen alternatif permettant de sanctionner le délit d'entrave en dehors des établissements habilités à pratiquer des IVG : le délit d'entrave serait ainsi élargi au fait de diffuser ou de transmettre « par tout moyen » , c'est-à-dire y compris sur Internet , des allégations, indications ou présentations faussées et de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur la nature, les caractéristiques ou les conséquences médicales d'une interruption volontaire de grossesse ou à exercer des pressions psychologiques sur les femmes s'informant sur une interruption volontaire de grossesse ou sur l'entourage de ces dernières ».
II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale
A l'initiative de la rapporteure, notre collègue Catherine Coutelle, l'Assemblée nationale a intégralement réécrit, en commission puis en séance, l'article unique de la proposition de loi.
• Le dispositif adopté par la commission des affaires sociales consistait à compléter la définition de l'entrave psychologique prévue au dernier alinéa de l'article L. 2223-2. Le délit aurait ainsi été constitué par toute action visant à empêcher ou tenter d'empêcher de pratiquer ou de s'informer sur une IVG ou les actes préalables à celle-ci en exerçant des pressions, menaces ou intimidation à l'encontre des femmes venues subir une IVG dans les établissements concernés « par tout moyen de communication au public, y compris en diffusant ou en transmettant par voie électronique ou en ligne, des allégations, indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales » d'une IVG.
• La rédaction finalement adoptée en séance publique complète le premier alinéa de l'article L. 2223-2. Le délit d'entrave est ainsi défini comme « le fait d'empêcher ou de tenter d'empêcher de pratiquer ou de s'informer sur une interruption volontaire de grossesse ou les actes préalables prévus par les articles L. 2212-3 à L. 2212-8 par tout moyen, y compris en diffusant ou en transmettant par voie électronique ou en ligne, des allégations, indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales d'une interruption volontaire de grossesse ».
III - La position de votre commission
Votre commission estime que le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale ne donne pas pleine satisfaction.
Il est en effet encore susceptible de soulever un problème d'intelligibilité . Les modifications adoptées en séance ont conduit à combiner dans une même phrase la précision sur l'intention des auteurs du délit et celle des moyens par lesquels ce délit peut être constitué. Or, dans un souci de clarté des dispositions législatives de caractère pénal, il convient de bien distinguer ces deux éléments. C'est d'ailleurs ce que fait l'article L. 2223-2 tel qu'il est aujourd'hui en vigueur.
La rédaction retenue par l'Assemblée nationale au premier alinéa de l'article L. 2223-2 a en outre pour conséquence d'introduire certaines redondances . Il y est, en particulier, fait référence au « but dissuasif » des allégations et indications diffusées ou transmises par voie électronique ou en ligne alors que ce même alinéa définit justement le délit d'entrave par le fait « d'empêcher ou de tenter d'empêcher de pratiquer ou de s'informer » sur une IVG.
De plus, la rédaction ne permet pas totalement d'atteindre l'objectif poursuivi . Elle vise uniquement les pressions s'exerçant sur les seules femmes s'informant dans les centres pratiquant des IVG et pas les autres.
L'énumération des moyens, conservée par l'Assemblée nationale, n'est pas nécessaire juridiquement . Comme toute énumération, elle court le risque soit de contradictions, soit d'oublis. L'expression « par tout moyen » apparaît suffisante pour permettre au juge de faire son travail d'appréciation en s'appuyant si nécessaire sur les débats parlementaires.
Votre commission considère que pour atteindre l'objectif poursuivi par la proposition de loi, peu de changements sont en fait à apporter à l'actuel article L. 2223-2. A l'initiative de sa rapporteure, elle a adopté l'amendement COM-4 qui ne change pas la définition du délit en ce qui concerne l'objectif poursuivi par les auteurs de l'infraction (« empêcher ou tenter d'empêcher de pratiquer ou de s'informer sur une IVG ») mais qui précise les moyens par lesquels peuvent s'exercer les pressions morales et psychologiques.
Le texte adopté complète ainsi le dernier alinéa de l'article L. 2223-2 de manière à préciser que le délit d'entrave peut être constitué « en exerçant, par tout moyen , des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d'intimidation à l'encontre des personnes cherchant à s'informer sur une interruption volontaire de grossesse , des personnels médicaux et non médicaux travaillant dans les établissements mentionnés au même article L. 2212-2, des femmes venues y subir une interruption volontaire de grossesse ou de l'entourage de ces dernières ».
Cette rédaction permet d'écarter toute ambiguïté sur le fait que la communication par voie électronique fait bien partie intégrante des moyens par lesquels peuvent s'exercer des pressions psychologiques ou morales.
De plus, la rédaction permet de préciser que toute personne cherchant à s'informer sur l'IVG, notamment sur Internet, peut être reconnue victime de ces pressions. Il ne s'agit donc pas seulement des femmes venant s'informer dans les centres.
Enfin, la rédaction adoptée par la commission ne change pas les termes dans lesquels la liberté d'expression est aujourd'hui conciliée avec l'infraction. L'objet du délit ne change pas : il s'agit toujours d'empêcher ou de tenter d'empêcher la réalisation ou l'information sur une IVG.
Le texte adopté s'en tient aux termes juridiquement nécessaires pour caractériser le délit.
La commission a adopté cet article ainsi modifié.