B. LES MESURES DÉJÀ MISES EN PLACE ET LES PRECONISATIONS DES RAPPORTS

1. Les mesures mises en place par les agences régionales de santé et la sécurité civile

Dès leur mise en place les agences régionales de santé (ARS) se sont saisies de la question des transports sanitaires.

Dans le cadre des programmes nationaux de gestion du risque élaborés en application de la loi HPST (art. L. 1434-14 du CSP) les ARS ont élaboré des programmes pluriannuels régionaux de gestion du risque relatifs aux transports sanitaires pour la période 2010-2013.

Dans le cadre du plan national de gestion du risque et d'efficience du système de soins (PNGDRESS) prévu par la loi de modernisation du système de santé pour succéder aux programmes nationaux et présenté en février 2016, un plan global pour la maîtrise des dépenses de transport a été prévu, qui doit être également décliné au niveau régional par chaque ARS.

Les actions relatives aux transports sanitaires ne prennent cependant pas nécessairement en compte les transports sanitaires urgents pré-hospitaliers qui constituent une partie de l'activité des hélicoptères. C'est le choix fait notamment par le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales d'avril 2016 sur le transport sanitaire 6 ( * ) qui note que « ces sujets présentent tout à la fois un jeu d'acteurs spécifique et une complexité particulière ». De plus le volume de dépenses de ces prises en charge n'est que d'environ 4 % du total remboursable et de expérimentations sont en cours pour les assumer dans le cadre prévu par l'article 66 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. Ce n'est donc pas sous l'angle de la maîtrise des dépenses que les transports sanitaires héliportés doivent être appréhendés.

En effet l'affectation des dépenses des transports sanitaires héliportés entre hôpital de rattachement du Smur et hôpital auquel le patient est transféré pose plusieurs questions qui ne sont pas spécifiques à ce type de transport sanitaire. Singulièrement il s'agit de savoir si l'hôpital de rattachement du Smur doit financer les transports sanitaires sur les fonds dédiés aux missions d'intérêt général qui est financée par la dotation nationale de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC). Aujourd'hui en cas de sortie primaire du Smur (du lieu de détresse au lieu d'hospitalisation le mieux adapté) dans le cadre de sa mission de service public, les frais sont à la charge de l'établissement qui gère le Smur.

La question est plus complexe s'agissant des transports dits « secondaires » (entre établissement) car l'hôpital de rattachement du Smur ne dispose pas à l'heure actuelle de règles claires pour déterminer si, et si oui dans quelles conditions, il peut facturer les transports effectués à l'hôpital qui reçoit le patient. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 a, dans son article 80, posé le principe que les transports inter-établissements seraient facturés à l'établissement prescripteur à partir de mars 2018. Il prévoit en conséquence que les sommes correspondantes sont intégrées dans les tarifs hospitaliers ou, selon le cas, à la dotation annuelle de l'établissement.

Il convient par ailleurs de relever que les collectivités locales, conseils généraux et départementaux contribuent souvent au financement des héliSmur.

Des dispositions spécifiques sur les transports sanitaires par hélicoptère ont toutefois été prises. Ainsi, plusieurs ARS ont régionalisé les transports sanitaires héliportés dont l'ARS Picardie en février 2012. Il semble par ailleurs que la Direction générale de l'offre de soins souhaite augmenter les compétences des ARS en matière de régulation des soins urgents afin qu'elles puissent mieux gérer l'implantation et l'utilisation des héliSmur .

Des actions tendant à faciliter la coordination des moyens héliportés sont également engagées.

Ainsi la présentation faite en octobre 2016, à l'occasion de la discussion de loi de finances pour 2017, du programme 161, Sécurité civile indique : « l'année 2017 sera marquée par la poursuite ou l'achèvement de plusieurs chantiers importants de modernisation des moyens nationaux.

Tout d'abord, le transfert de la base avions de sécurité civile de Marignane vers Nîmes sera effectif en mars 2017, regroupant ainsi sur un site unique les moyens avions et hélicoptères de la sécurité civile. L'objectif est d'avoir une plate-forme rodée et opérationnelle avant la saison des feux de forêts 2017, afin de garantir un appui approprié aux services départementaux d'incendie et de secours. Le processus de renouvellement de la flotte d'avions est engagé et se traduira par la notification du marché permettant l'acquisition d'un premier avion multi-rôle. Le  travail en cours avec le ministère de la santé sur la mise en oeuvre de principes communs sur les implantations et l'emploi des hélicoptères pour des missions de secours à personnes et d'aide médicale urgente sera poursuivi. Il sera complété par la mise en place d'outils communs de coordination et de suivi d'activité . »

D'autres exemples de coordination existent déjà comme celui de la plateforme réunissant sur un lieu commun le centre 15 et le centre 18 ainsi que des moyens matériels à Angers.

Surtout un projet d'instruction sur les mutualisations, commun aux ministères de la Santé et de l'Intérieur, serait, selon les informations transmises à votre rapporteur, en cours d'élaboration. Celui permettrait de formaliser l'idée d'une gestion en commun des hélicoptères, dans le respect des missions dévolues à chacun.

2. Les préconisations du rapport Collombat -Troendlé

A l'issue de leurs travaux nos collègues plaident pour une meilleure allocation des moyens héliportés et formulent la proposition suivante :

« On s'accorde généralement à réclamer l'établissement d'une doctrine d'emploi claire et rationnelle des moyens héliportés pour le secours à personne, à l'instar de Samu de France qui appelle à mettre en place un maillage territorial cohérent.

Vos rapporteurs proposent de mutualiser les hélicoptères de la sécurité civile et ceux de la santé en un service unifié placé auprès du Premier ministre mais dont l'emploi serait décidé au niveau de la zone de défense.

Le choix de la centralité apparaît tout d'abord indispensable pour décider des implantations territoriales des différentes flottes : la carte doit être établie à l'aune de l'ensemble des ressources et compte tenu des besoins spécifiques de chaque territoire (caractéristiques géographiques, saisonnalité, ...). Il apparaît à cet égard indispensable de fixer des règles garantissant une couverture optimale du territoire. La mutualisation des aéronefs permettrait aussi de résoudre les problèmes de frontières et les disparités de facturation en résultant selon que sont ou non franchies les limites de la circonscription. La DGSCGC conserverait néanmoins la gestion opérationnelle de ses moyens.

[Cette solution] permettrait de mieux répondre aux demandes par le choix de l'appareil disponible le plus pertinent pour l'intervention. Tous n'ont pas en effet les mêmes capacités.

Elle permettrait d'optimiser l'emploi de ces appareils sur l'année, de limiter les pertes de temps en négociation entre services. »

3. Les préconisations du conseil national de l'urgence hospitalière

Le conseil national de l'urgence hospitalière (CNUH) a été créé auprès du ministre en charge de la santé, son secrétariat est assuré par la direction générale de l'offre de soins, par le décret n° 2012-1138 du 9 octobre 2012.

Il a été institué pour une durée de cinq ans.

L'article 3 du décret précise les missions du conseil qui sont :

« 1° Émettre toute proposition dans le domaine de la prise en charge en urgence des patients par les structures de médecine d'urgence des établissements de santé et les structures contribuant à la permanence des soins hospitalière afin d'optimiser la cohésion, la fluidité et l'efficience de cette prise en charge ;

2° Proposer des modes d'organisation de la permanence des soins hospitalière permettant la prise en charge de l'urgence au niveau territorial et au niveau des établissements de santé ainsi que des procédures d'évaluation de ces organisations ;

3° Analyser l'impact des organisations sur les conditions d'exercice et la formation des professionnels médicaux et paramédicaux exerçant en établissement de santé ;

4° Contribuer au recueil et à la diffusion des bonnes pratiques et au développement de la recherche et de l'innovation dans le domaine de la réponse à l'urgence en établissement de santé. »

En décembre 2013 le CNUH a publié un rapport des professeurs Pierre Carli, président de ce conseil, et Frédéric Berthier intitulé : « Hélicoptères sanitaires doctrine d'emploi et place des hélicoptères dans le cadre des transports sanitaires ».

L'objectif de ce rapport était de « remettre le service médical au centre de l'organisation et du fonctionnement » des transports sanitaires par hélicoptère pour permettre un maillage territorial uniforme, par opposition aux « bandes blanches » actuellement très peu ou pas du tout desservies et l'accès aux plateaux techniques offrant une qualité et une sécurité optimale. Le rapport critique le fait que les héliSmur soient la « variable d'ajustement » des hélicoptères de la sécurité civile. Il préconise donc une gestion des hélicoptères participant au transport sanitaire par les ARS et analogue à celle qui existe pour les équipements lourds.

Il formule plusieurs préconisations.

Extrait du Résumé des principales recommandations
contenues dans le rapport du CNUH

« Le point important de ces recommandations est de souligner que le transport sanitaire est une mission spécifique. Deux axes sont envisagés pour l'améliorer :

Remettre le patient au centre du système.

Ceci se traduit par la formalisation d'un « contrat » de la mission santé. Ce contrat impose la priorité à la mission sanitaire. Il s'applique à l'ensemble des prestataires et des intervenants (publics ou privés) du transport sanitaire héliporté. Il concerne les transports primaires et secondaires. Ces principaux points sont :

- l'hélicoptère de la mission santé est dédié à cette tâche ;

- l'hélicoptère sanitaire a un positionnement hospitalier ;

- la régulation médicale des transports sanitaires est effectuée par un Samu ;

- la médicalisation de l'hélicoptère sanitaire est assurée par une équipe Smur ou assurant le même niveau de soins ;

- l'équipe Smur est à tout moment disponible pour médicaliser l'hélicoptère, mais elle n'est pas exclusivement dédiée à cette tâche pour garantir l'efficience de l'usage du temps médical.

Confier à l'ARS l'organisation des transports sanitaires héliportés comme pour tout dispositif de soins.

La stratégie nationale prévoit une organisation, un schéma et un contrat type de fonctionnement dans chaque région. Cette organisation est partagée par l'ensemble des acteurs du transport sanitaire héliporté.

Une instance régionale, la Commission Régionale des Transports Héliportés (CRTH), est mise en place. Elle regroupe autour de l'ARS les acteurs et les utilisateurs des transports héliportés.

La CRTH établit une cartographie précise de la couverture optimale de la région et un schéma d'implantation des hélicoptères. Dans le cadre d'un objectif d'accès aux soins en 30 minutes, l'hélicoptère sanitaire est déployé dans une logique de couverture de vol de 20 minutes. Ce schéma d'implantation prend en compte les caractéristiques de la région (population, infrastructures routières, risques particuliers, saisonnalité des besoins).

Il intègre le maillage des structures de soins et l'organisation des filières spécialisées. Il se décline pour l'activité de jour et propose une organisation particulière pour l'activité de nuit.

La CRHT explicite les règles de fonctionnement de tous les hélicoptères affectés au contrat santé de la région.

Elles sont basées sur des principes simples :

- la mutualisation des ressources existantes ;

- la régionalisation de la régulation médicale. Elle est affectée à un des Samu de la région mais elle est transparente (géo localisation, information partagée) ;

- au niveau interrégional, les règles d'utilisation de l'hélicoptère au quotidien pour les zones frontières de plusieurs régions sont précisées clairement. Le fonctionnement en cas de circonstances exceptionnelles ou de catastrophe rentre dans ce cadre.

Un registre régional des activités sanitaires héliportées, incrémentant une base de recueil nationale, est mis en place. Ce recueil permet d'objectiver l'exécution du « contrat » au niveau régional sur le plan quantitatif comme qualitatif. Pour uniformiser ce recueil, un référentiel national d'activité est mis en place.

Cette organisation nécessite une adaptation des services existants :

- pour les HéliSmur, la dimension régionale, la mutualisation et la transparence des missions doivent être développées ou améliorées. Les prestations de services doivent être standardisées ;

- pour les hélicoptères d'Etat, le contrat santé impose un fonctionnement nettement différent de l'existant. Il implique un effort important en termes d'organisation et de répartition des moyens héliportés. La mission sanitaire, jusque-là complémentaire, deviendrait une mission principale pour les hélicoptères d'État qui seraient intégrés dans le dispositif des transports sanitaires héliportés. La spécificité des hélicoptères d'État notamment en milieu périlleux ou dans des circonstances de visibilité réduite trouve sa place dans la couverture opérationnelle de la région. Il est estimé que l'équivalent de 10 hélicoptères à temps plein de la Sécurité Civile réalise des missions de transport sanitaire. Une analyse nationale de la cartographie opérationnelle peut conduire à une modification de la carte d'implantations des hélicoptères d'état chargés de la mission santé. Sur cette base quantitative, le repositionnement d'hélicoptères d'État peut être envisagé pour améliorer la couverture de certaines régions et la complémentarité avec les moyens existants. »


* 6 Les transports sanitaires - Revue de dépenses 2016, P.Lesteven et E.Robert (IGAS), T.Wahl (IGF), P-E.Grimonprez (IGA).

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