N° 591

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 mai 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal sur l'octroi de l'autorisation d'exercer une activité professionnelle aux personnes à charge des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre, signé à Paris le 7 septembre 2021, et de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République démocratique socialiste de Sri Lanka relatif à l'autorisation d'exercice d'une activité professionnelle salariée par les membres de la famille des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre, signé à Paris le 23 février 2022 (procédure accélérée),

Par Mme Gisèle JOURDA,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon, président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Olivier Cigolotti, André Gattolin, Guillaume Gontard, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Philippe Paul, Cédric Perrin, Rachid Temal, vice-présidents ; Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, Isabelle Raimond-Pavero, M. Hugues Saury, secrétaires ; MM. François Bonneau, Gilbert Bouchet, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, Yves Détraigne, Mmes Catherine Dumas, Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-Pierre Grand, Mme Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Ludovic Haye, Alain Houpert, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Jean-Louis Lagourgue, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Panunzi, François Patriat, Gérard Poadja, Stéphane Ravier, Gilbert Roger, Bruno Sido, Jean-Marc Todeschini, Mickaël Vallet, André Vallini, Yannick Vaugrenard.

Voir les numéros :

Sénat :

371 et 592 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

Depuis 2018, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné neuf projets de loi autorisant l'approbation d'accords similaires, conclus avec huit pays d'Amérique, six pays européens, trois États africains et un pays asiatique - soit dix-huit accords au total.

Ces accords s'inscrivent dans la stratégie engagée par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères en 2015, intitulée « Ministère du XXIe siècle », qui vise à moderniser le Quai d'Orsay afin de le rendre plus agile. L'un des objectifs du volet consacré au personnel est d'accroître significativement le nombre d'accords bilatéraux permettant aux conjoints des agents affectés à l'étranger de travailler sur place, sans préjudice de leur statut diplomatique ou consulaire et de certaines immunités qui leur sont accordées à ce titre. Au total, quelque 3 000 familles d'agents publics pourraient être concernées par le bénéfice de ce dispositif, essentiellement des conjoints - ou partenaires de Pacs - de fonctionnaires du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, auxquels s'ajoutent ceux d'agents issus d'autres administrations telles que le ministère des armées et le ministère chargé de l'économie et des finances.

Les présents accords ont donc pour objet de faciliter, sur la base de la réciprocité, l'accès des membres des familles des agents des missions officielles au marché du travail local, qui s'en trouvent parfois empêchés du fait de leur statut. Le cas échéant, leurs immunités de juridiction civile, administrative et d'exécution cesseront de s'appliquer dans le cadre de leur nouvelle activité professionnelle, à la différence de l'immunité pénale qui pourra toutefois faire l'objet, en cas de délit grave, d'une demande de renonciation écrite de la part de l'État accréditaire.

Ce type d'accord répond à une attente forte des agents du ministère en poste à l'étranger, en ce qu'il clarifie la situation des membres de leurs familles (conjoints, partenaires de Pacs, enfants de moins de 21 ans) souhaitant entamer ou poursuivre leur vie professionnelle dans le pays d'accueil.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a adopté ce projet de loi, dont le Sénat est saisi en premier.

I. DES ACCORDS DESTINÉS À AMÉLIORER LE CADRE D'EXPATRIATION DES AGENTS DES MISSIONS OFFICIELLES

A. LE STATUT DES FAMILLES DES AGENTS DIPLOMATIQUES ET CONSULAIRES

Les conventions de Vienne du 18 avril 1961 et du 24 avril 1963, relatives aux relations diplomatiques et consulaires, confèrent des privilèges et des immunités aux conjoints et aux personnes à charge des représentants d'un État en mission officielle dans un autre État.

L'article 37 de la convention du 18 avril 1961 dispose que « les membres de la famille de l'agent diplomatique qui font partie de son ménage bénéficient des privilèges et immunités mentionnés dans les articles 29 à 36 pourvu qu'ils ne soient pas ressortissants de l'État accréditaire ». Cette protection couvre notamment l'inviolabilité de la personne, du domicile, de la correspondance et des biens, ainsi que les immunités de juridiction pénale, civile et administrative, sauf si l'action est sans lien avec les fonctions officielles.

La convention du 24 avril 1963 prévoit quant à elle, à son article 57, que les privilèges et immunités des fonctionnaires consulaires de carrière sont accordés aux membres de leur famille vivant à leur foyer, sous réserve qu'ils n'exercent aucune activité privée lucrative dans l'État de résidence.

Ainsi, les conventions de Vienne n'interdisent pas le travail rémunéré, mais prévoient, le cas échéant, la levée de certaines immunités. Les législations nationales sur le travail des étrangers peuvent néanmoins empêcher les membres des familles desdits agents d'accéder à l'emploi. En effet, ces législations conditionnent généralement l'autorisation de travail à la détention de titres de séjour particuliers ; or, en France, comme dans la plupart des pays, le titre de séjour spécial délivré par le service du protocole de l'État d'accueil aux personnes à charge des agents diplomatiques ou consulaires, ne fait pas partie des titres régis par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile accordant de droit une autorisation de travail.

B. LA POLITIQUE DU QUAI D'ORSAY POUR ENCOURAGER LA MOBILITÉ INTERNATIONALE DE SES AGENTS ET L'ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES

Pour éviter cet écueil, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a lancé, en 2015, le projet « Ministère du XXIe siècle », prolongé en 2017 par le projet « Action publique 2022 », qui vise entre autres à moderniser le cadre d'expatriation de ses personnels en poste à l'étranger, et à permettre aux membres de leurs familles d'y poursuivre leur carrière. Cela participera d'une meilleure conciliation des vies professionnelle et personnelle des agents diplomatiques et consulaires.

À cet effet, le ministère a entrepris de conclure des accords bilatéraux pour permettre aux membres des familles de ses agents d'exercer une activité professionnelle, rémunérée ou non, tout en conservant leur statut diplomatique ou consulaire ainsi que le bénéfice des privilèges et immunités octroyés par les conventions de Vienne, hors du cadre professionnel. En outre, de tels accords simplifient la procédure d'obtention d'un permis de travail.

Il convient de rappeler que des facilités existent au sein de l'Espace économique européen, qui réunit trente États, ainsi qu'avec la Suisse, en vertu du principe de libre circulation des travailleurs. En revanche, tel n'est pas le cas dans la plupart des États tiers de l'Union européenne.

À ce jour, vingt-cinq accords de ce type ont été ratifiés1(*), cinq sont en cours d'examen au Parlement ou le seront prochainement2(*), et treize autres sont en cours de négociation3(*). Par ailleurs, la France a échangé des notes verbales, juridiquement non contraignantes, avec vingt pays4(*) : dans ce cadre, chaque État s'engage à examiner avec une attention bienveillante les demandes d'autorisation de travail qui seraient présentées par la mission diplomatique de l'autre État, dans le respect de sa législation. En outre, certains pays autorisent, sous certaines conditions, un accès à l'emploi en l'absence d'accord5(*). Enfin, les démarches engagées avec une quinzaine de pays6(*) n'ont pas abouti, soit parce qu'il était impossible de parvenir à la signature d'un accord, soit en raison du cadre d'accès à l'emploi local jugé insuffisamment sécurisant.

L'objectif du ministère de l'Europe et des affaires étrangères est de porter à quatre-vingts le nombre de pays au sein desquels les membres des familles de ses agents pourront accéder au marché du travail sans perdre l'intégralité de leur statut spécifique.

Ainsi, comme le prévoit son plan d'action triennal (2021-2024) en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, le Quai d'Orsay poursuit ses actions permettant aux membres des familles des personnels qui le souhaitent de poursuivre leur carrière à l'étranger.

Adopté en décembre 2020, ce plan d'action s'inscrit dans le cadre fixé par la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, qui a rendu obligatoire son élaboration et sa mise en oeuvre par les employeurs publics, et donne un nouvel élan à la politique menée en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes au sein du ministère. Son troisième axe est précisément consacré à l'articulation des vies familiale et professionnelle, et comprend une mesure tendant à favoriser l'emploi des conjoints à l'étranger ; le nombre d'accords bilatéraux autorisant leur emploi fait partie des indicateurs retenus. Il constitue un vecteur important d'amélioration des conditions d'affectation des personnels à l'étranger, lesquels souhaitent mieux concilier leur carrière avec celle de leur conjoint.

D'après les informations transmises par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, quelque 700 conjoints d'agents7(*) affectés à l'étranger exercent actuellement une activité professionnelle. Par ailleurs, en 2023, 27 ayants droit d'agents étrangers ont bénéficié d'une autorisation de travail en France ; 4 demandes concernaient l'exercice d'une profession réglementée (médecin, avocat, etc.).

II. DES ACCORDS DE FACTURE CLASSIQUE ET À LA PORTÉE ASSEZ LIMITÉE

A. LES CONDITIONS D'ACCÈS À L'EMPLOI AU SÉNÉGAL ET À SRI LANKA

Au Sénégal, il est possible de travailler sans visa pour une durée inférieure à trois mois. Au-delà, et pour tout type de séjour, il est obligatoire d'obtenir une « carte d'identité étrangère », valable pendant cinq ans.

À Sri Lanka, il est possible de travailler sans visa pour une durée de moins de six mois. Au-delà, et pour tout type de séjour, il est obligatoire d'obtenir un visa de résidence renouvelable chaque année.

Les présents accords présentent donc un véritable intérêt pour les personnes souhaitant occuper un emploi pérenne dans l'État d'accueil.

B. LE DISPOSITIF BÉNÉFICIERA À UN NOMBRE RELATIVEMENT RESTREINT DE PERSONNES

1. L'accord avec le Sénégal

Plusieurs missions officielles françaises sont présentes au Sénégal : ambassade, consulat, Agence française de développement, AEFE, etc. L'ambassade de France à Dakar compte à elle seule quelque 160 agents, dont 70 agents de droit local.

D'après les informations transmises par le Quai d'Orsay, l'emploi des conjoints d'agents était jusqu'à présent possible au Sénégal sans formalité particulière. Ainsi, douze conjoints bénéficiant d'un titre de séjour spécial sont employés soit au sein du poste (ambassade ou consulat général), soit par un employeur externe sans autre formalité que l'enregistrement préalable et la validation du contrat par l'inspection du travail.

Au sein des entreprises sénégalaises, les salaires sont très faibles au regard des niveaux de salaire français, et la pratique du wolof est souvent indispensable. Au sein des entreprises françaises et étrangères, peu de postes sont en pratique accessibles aux conjoints d'expatriés : la connaissance du wolof est souvent requise, le niveau de salaire est bas, et la main-d'oeuvre locale est suffisamment bien formée pour occuper les postes proposés. Au sein des institutions multilatérales, les seuls postes accessibles sont ceux d'agents de droit local.

S'agissant du dispositif diplomatique sénégalais en France, il est composé d'une ambassade, de quatre consulats généraux (Paris, Lyon, Marseille et Bordeaux) et de deux agences consulaires (Mantes-la-Jolie et Le Havre), auxquels s'ajoutent quatre consuls honoraires de nationalité française (Lille, Nancy, Nantes, Rouen). L'effectif total s'élève à 165 agents, accompagnés de 185 membres de famille, mais seules 50 personnes au maximum seraient susceptibles de pouvoir bénéficier d'un emploi salarié dans le cadre de l'accord.

2. L'accord avec Sri Lanka

L'ambassade de France à Sri Lanka compte 22 agents expatriés. Une quinzaine de conjoints est susceptible de bénéficier des dispositions de l'accord ; trois épouses de diplomates ont d'ores et déjà manifesté leur intérêt pour ce dispositif afin de travailler dans le domaine du tourisme.

Le marché de l'emploi à Sri Lanka offre des opportunités dans les domaines de l'export, du tourisme, de la restauration et de l'hôtellerie. Une cinquantaine d'entreprises françaises sont présentes sur place ; certaines d'entre elles peuvent être amenées à renforcer leur présence à l'occasion de la signature d'un contrat (Suez, Veolia, Orange Marine). Alors que Michelin demeure très bien implanté, d'autres entreprises ont réduit leur activité du fait de la crise économique qui touche le pays. Par ailleurs, l'école française offre régulièrement des opportunités d'emploi.

Sri Lanka dispose, quant à elle, d'une ambassade à Paris composée de 25 agents ; seuls six ayants droit pourraient recourir au présent accord pour occuper un emploi.

C. LES STIPULATIONS DE L'ACCORD

Les présents accords ont pour objet de faciliter, sur la base de la réciprocité, l'accès aux marchés du travail locaux des membres des familles des agents des missions officielles qui s'en trouvent parfois empêchés du fait de leur statut diplomatique ou consulaire particulier. Leurs stipulations sont similaires à celles des accords de même nature précédemment conclus par la France.

1. Objet et définitions

Les articles 1ers et 2 précisent l'objet des accords et définissent les termes qui y sont employés :

- les « missions officielles » font référence aux missions diplomatiques régies par la convention de Vienne de 1961, aux postes consulaires régis par celle de 19638(*) et aux représentations permanentes de chacun des deux États auprès des organisations internationales ayant conclu un accord de siège avec l'autre État ;

- l'accord avec le Sénégal s'adresse aux « personnes à charge », tandis que l'accord avec Sri Lanka bénéficiera aux « membres de la famille » ; cette différence sémantique n'emporte toutefois aucune conséquence juridique. Ces expressions désignent respectivement :

o le conjoint disposant d'un titre de séjour spécial délivré par le ministère des affaires étrangères de l'État d'accueil - il est à noter que ni le Sénégal ni Sri Lanka ne reconnaît le mariage homosexuel ou le pacte civil de solidarité (Pacs),

o les enfants célibataires âgés de moins de 21 ans ou présentant un handicap physique ou mental, qui vivent à la charge de leurs parents et qui disposent d'un titre de séjour spécial.

Par ailleurs, le champ de l'accord franco-sri lankais, circonscrit aux seules activités salariées, est plus restrictif que celui de l'autre accord.

2. Procédure

La procédure de demande d'une autorisation de travail est détaillée aux articles 3 des accords. Cette procédure implique plusieurs obligations :

- l'ambassade de l'État d'envoi doit adresser la demande au protocole du ministère des affaires étrangères de l'autre partie, en précisant, entre autres, la nature de l'activité professionnelle envisagée et les informations sur l'employeur potentiel. Dans les trois mois suivant l'autorisation de travail, l'ambassade devra fournir la preuve que l'intéressé et son employeur se conforment à la législation de l'État d'accueil en matière de protection sociale ;

- le membre de la famille à l'origine de la demande doit présenter une nouvelle demande en cas de changement de situation professionnelle (nouvel employeur, souhait de changer d'activité professionnelle). En outre, il doit se conformer à la législation du pays d'accueil relative aux professions réglementées ; à ce titre, l'accord précise que l'autorisation peut être refusée si l'emploi envisagé est réservé par la législation de l'État d'accueil à ses seuls ressortissants, pour des raisons tenant à la sécurité et à l'ordre publics ou à la sauvegarde des intérêts de l'État. Enfin, les dispositions de l'accord n'impliquent pas la reconnaissance des titres, diplômes, niveaux ou études entre les deux États (articles 4).

La législation française distingue plusieurs types d'activité indépendante, notamment libérale, commerciale ou artisanale. Les activités libérales sont définies comme des prestations intellectuelles, techniques ou de soins requérant des qualifications professionnelles et le respect d'une déontologie professionnelle (avocat, médecin, architecte, etc.).

Le titre de séjour spécial délivré par le protocole ne permet pas de créer ou de posséder une entreprise dans le cadre d'une profession artisanale ou commerciale ; le demandeur peut néanmoins investir dans une société sans la créer, ni en être le représentant légal9(*) : il doit en confier la gestion, ou s'associer avec une tierce personne pouvant légalement se voir reconnaître le statut de commerçant ou d'artisan.

Aux termes de l'article 10 de l'accord franco-sénégalais et de l'article 11 de l'accord franco-sri lankais, l'autorisation accordée cessera lorsque les fonctions de l'agent auront pris fin, ou lorsque le bénéficiaire n'aura plus la qualité de « personne à charge » ou de « membre de la famille ».

3. Immunités civiles, administratives et pénales

Les articles 5 et 6 traitent des immunités civiles, administratives et pénales.

Les immunités de juridiction civile et administrative, ainsi que l'immunité d'exécution, ne s'appliquent pas dans le cadre de l'exercice d'une activité professionnelle, à la différence de l'immunité pénale. Toutefois, en cas de délit grave commis dans le cadre professionnel, l'immunité de juridiction pénale peut faire l'objet d'une demande de renonciation de la part de l'État accréditaire ; en revanche, cette demande ne sera pas applicable à l'exécution de la sentence, qui devra faire l'objet d'une renonciation spécifique.

L'octroi de ces immunités est très important en ce qu'elles protègent nos diplomates de toute pression qui pourrait être exercée sur eux par l'intermédiaire de leur famille.

4. Régimes fiscal et de protection sociale

Les articles 7 et 8 prévoient, d'une part, que la personne autorisée à exercer une activité professionnelle cesse, à compter de la date de l'autorisation, de bénéficier des privilèges douaniers prévus par les conventions de Vienne et accords de siège des organisations internationales, et d'autre part, qu'elle est soumise à la législation de l'État d'accueil applicable en matière d'imposition et de sécurité sociale pour toute activité professionnelle exercée.

Ainsi, en application de l'article L. 160-1 du code de la sécurité sociale, les intéressés devront être affiliés à l'assurance maladie française dès lors qu'ils exercent une activité professionnelle en France. En outre, ils sont soumis à la législation fiscale de l'État d'accueil pour ce qui concerne l'imposition de leurs revenus.

Par ailleurs, l'article 9 de l'accord franco-sénégalais et l'article 10 de l'accord franco-sri lankais stipulent que la personne autorisée à travailler peut transférer ses revenus et indemnités accessoires dans les mêmes conditions que celles prévues en faveur de travailleurs étrangers par la réglementation de l'État d'accueil.

5. Dispositions finales

Chaque accord comporte une clause territoriale prévue à l'article 12 de l'accord avec le Sénégal et à l'article 13 de l'accord avec Sri Lanka. Aux termes de ces articles, les deux accords s'appliquent, en France, aux membres de la famille des agents des missions officielles implantées dans les territoires métropolitains, ainsi que dans les départements ultramarins figurant en annexe, à savoir la Guadeloupe, la Martinique, La Réunion, la Guyane et Mayotte.

Enfin, les derniers articles traitent, de manière classique, de règlement des différends et d'entrée en vigueur de l'accord. À ce titre, seule Sri Lanka a informé la partie française, en avril 2022, de l'achèvement de son processus de ratification interne.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 10 mai 2023, sous la présidence de M. Pascal Allizard, vice-président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de Mme Gisèle Jourda sur le projet de loi n° 371 (2022-2023) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal sur l'octroi de l'autorisation d'exercer une activité professionnelle aux personnes à charge des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre, signé à Paris le 7 septembre 2021, et de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République démocratique socialiste de Sri Lanka relatif à l'autorisation d'exercice d'une activité professionnelle salariée par les membres de la famille des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre, signé à Paris le 23 février 2022.

Mme Gisèle Jourda, rapportrice. - Ce type de projet de loi est régulièrement examiné par notre commission qui a autorisé l'approbation de dix-huit accords similaires depuis 2018.

Pour mémoire, le Quai d'Orsay a entrepris une modernisation du cadre d'expatriation de ses agents afin de favoriser leur mobilité géographique. Pour ce faire, le ministère a tenu compte du souhait croissant des familles de ses personnels - en particulier les conjoints et les partenaires d'un pacte civil de solidarité (Pacs) - d'occuper un emploi dans le pays d'affectation. En effet, la possibilité de poursuivre sa carrière professionnelle est un facteur déterminant dans la décision d'expatriation, car, aujourd'hui, un changement de lieu de résidence est souvent vécu comme une contrainte.

Si des facilités existent au sein de l'Espace économique européen (EEE) en vertu du principe de libre circulation des travailleurs, tel n'est pas le cas dans la plupart des pays situés hors des frontières de l'Union européenne. En 2015, le Quai d'Orsay a donc engagé des négociations visant à tripler le nombre d'accords bilatéraux permettant aux conjoints des agents diplomatiques et consulaires d'avoir accès au marché du travail local, sans préjudice de leur statut et de certaines immunités qui leur sont accordées à ce titre. L'activité professionnelle peut être exercée au sein d'une entreprise privée ou d'une structure française sous tutelle du ministère - à savoir une ambassade, un consulat, un établissement relevant de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), une Alliance française ou un Institut français.

Au total, quelque 3 000 familles d'agents publics pourraient bénéficier de ce dispositif, majoritairement des conjoints d'agents du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, auxquels s'ajoutent les conjoints d'agents issus d'autres administrations telles que le ministère des armées et le ministère chargé de l'économie et des finances.

Les présents accords ont pour objet d'autoriser, sur la base de la réciprocité, les membres des familles des diplomates français, sénégalais et sri lankais à occuper un emploi durant leur affectation sur le territoire de l'autre partie. Cela participera d'une meilleure conciliation de leurs vies professionnelle et personnelle.

Les deux accords s'appliqueront en premier lieu au conjoint de l'agent ayant obtenu un titre de séjour spécial délivré par le protocole du pays d'accueil - je souligne à cet égard que ni le Sénégal ni le Sri Lanka ne reconnaît les Pacs et les mariages entre personnes du même sexe. Ces accords s'appliqueront également aux enfants célibataires âgés de moins de 21 ans et vivant à la charge de leurs parents.

Les bénéficiaires d'une autorisation de travail devront naturellement se conformer à la législation sociale de l'État d'accueil, y compris s'ils exercent une profession réglementée. Il leur sera interdit de poursuivre l'exercice de leur emploi après la fin de la mission officielle de l'agent de leur famille, ou lorsqu'ils cesseront d'avoir la qualité de membre de la famille. En outre, une nouvelle demande devra être établie en cas de changement d'activité professionnelle ou d'employeur.

Enfin, les immunités de juridiction civile, administrative et d'exécution cesseront de s'appliquer pour les personnes concernées dans le cadre de leur nouvelle activité professionnelle, à la différence de l'immunité de juridiction pénale qui, en cas de délit grave commis dans le cadre de l'emploi salarié, pourra néanmoins faire l'objet d'une demande de renonciation écrite par l'État accréditaire. Ces immunités sont importantes, car elles protègent nos diplomates de toute pression qui pourrait être exercée sur eux par l'intermédiaire de leur famille, en particulier dans un pays sensible.

D'après le Quai d'Orsay, l'accord franco-sénégalais pourrait bénéficier à environ 70 conjoints d'agents français et à près de 30 conjoints d'agents sénégalais. Quant à l'accord franco-sri lankais, il pourrait concerner une quinzaine de conjoints français et une dizaine de conjoints sri lankais.

Au Sénégal, le marché de l'emploi demeure très saturé. Les conjoints d'agents peuvent toutefois prétendre à des emplois au sein des organisations internationales représentées à Dakar, du réseau culturel et éducatif français, ou des entreprises françaises présentes sur place. Pour sa part, le Sri Lanka est actuellement en défaut de paiement sur sa dette extérieure ; cette forte récession limite les opportunités d'emploi sur place. La France, en tant que coordinateur du Club de Paris, a facilité le dialogue entre le pays et le Fonds monétaire international (FMI) afin d'aider le Sri Lanka à sortir de cette situation. Malgré tout, le tourisme continue son développement et attire chaque année jusqu'à 100 000 Français ; ce secteur économique pourrait donc constituer un débouché pour les conjoints français qui, pour trois d'entre eux, ont d'ores et déjà manifesté leur intérêt pour le dispositif.

Bien que le nombre de personnes concernées soit relativement modeste, ce type d'accords est important pour nos concitoyens expatriés dans la mesure où leur conjoint - majoritairement des femmes - met leur vie professionnelle entre parenthèses pour les accompagner à l'étranger. Ces instruments, juridiquement contraignants, leur permettent ainsi de poursuivre leur carrière et d'apporter de nouvelles compétences aux pays d'accueil ; il est donc essentiel d'élargir le tissu conventionnel à l'ensemble des États où notre diplomatie est présente.

En conséquence, je préconise l'adoption de ce projet de loi. Son examen en séance publique est prévu le mercredi 24 mai selon la procédure simplifiée, ce à quoi la conférence des présidents, de même que votre rapportrice, a souscrit.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Je remercie Gisèle Jourda pour son travail. Certes, le nombre de personnes concernées est modeste, mais nos instituts et nos écoles à l'étranger font face à des besoins croissants de personnes en mesure d'enseigner notre langue. Dès lors, il nous revient de permettre aux conjoints - principalement des femmes - de travailler durant leur expatriation. Cela participe de notre influence à l'étranger.

Mme Gisèle Jourda, rapportrice. - En effet, ces accords revêtent une grande importance, car ils contribuent à notre rayonnement à l'étranger. En outre, ils confortent la place de nos concitoyens sur place, qui représentent l'image de la France.

Par ailleurs, nous devons être extrêmement attentifs au sort réservé aux femmes, tant au Sri Lanka qu'au Sénégal. Au Sénégal, notre ambassadeur m'a fait part d'une reprise de l'excision des jeunes femmes aux frontières avec le Mali et la Guinée-Bissau.

Enfin, le rôle de la France est extrêmement apprécié au Sri Lanka qui traverse une grave crise économique. Notre ambassade y a encore gagné en crédibilité.

Le projet de loi est adopté, à l'unanimité, sans modification.

ANNEXE :
L'ACCÈS AU MARCHÉ DU TRAVAIL POUR LES PERSONNES À CHARGE DES MEMBRES DES MISSIONS OFFICIELLES

Situation au mois de mars 2023

Source : ministère de l'Europe et des affaires étrangères

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de l'Europe et des affaires étrangères

• S. E. M. Philippe Lalliot, ambassadeur de France au Sénégal

• S. E. M. Jean-François Pactet, ambassadeur de France à Sri Lanka

• M. Samuel Gourgon, adjoint au sous-directeur de l'Afrique occidentale

• Mme Tiphaine Milliez, rédactrice à la sous-direction de l'Asie méridionale

• M. Yannick Andrianarahinjaka, chef du pôle conventions à la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire

• M. Valentin Allary-Lacroix, rédacteur à la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire

• Mme Claire Giroir, conseillère juridique à la mission des accords et traités

Ministère de l'intérieur et des outre-mer

• Mme Virginie Simonnet, cheffe du bureau du droit européen et des accords internationaux

• Mme Jeanne Ferraro-Mikcha, chargée de mission au bureau du droit européen et des accords internationaux


* 1 Albanie, Argentine, Arménie, Australie, Bénin, Bolivie, Brésil, Burkina Faso, Canada, Chili, Congo, Costa Rica, Équateur, États-Unis, Kosovo, Moldavie, Nicaragua, Nouvelle-Zélande, Paraguay, Pérou, République dominicaine, Serbie, Turkménistan, Uruguay et Venezuela.

* 2 Andorre, Émirats arabes unis, Panama, Sénégal et Sri Lanka.

* 3 Azerbaïdjan, Bosnie-Herzégovine, Corée du Sud, Guatemala, Kazakhstan, Macédoine du Nord, Monténégro, Oman, Royaume-Uni, Togo, Tunisie, Vietnam et Zambie.

* 4 Afrique du Sud, Cambodge, Cap-Vert, Colombie, Gabon, Ghana, Guinée, Honduras, Inde, Israël, Japon, Malaisie, Maurice, Mexique, Namibie, Ouganda, Salvador, Singapour, Taïwan et Zimbabwe.

* 5 Djibouti, Géorgie, Hong Kong (cadre formel non nécessaire) ; Maroc (pas d'objection à un emploi dans le réseau) ; etc. Cf. annexe.

* 6 Afghanistan, Angola, Arabie Saoudite, Birmanie, Guinée équatoriale, Irak, Iran, Jordanie, Koweït, Libéria, Libye, Niger, Ouzbékistan, Seychelles, Soudan, Thaïlande et Yémen.

* 7 Agents titulaires, contractuels et volontaires internationaux.

* 8 Sri Lanka et le Sénégal ont respectivement adhéré à la convention sur les relations consulaires le 4 mai 2006 et le 29 avril 1966. En ce qui concerne la convention sur les relations diplomatiques, le Sénégal l'a ratifiée le 12 octobre 1972, et Sri Lanka le 2 juin 1978.

* 9 C'est-à-dire être considéré comme commerçant au sens du code de commerce.