EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 17 mai 2023, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Olivier Cadic sur le projet de loi n° 529 (2022-2023), autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre concernant l'amélioration de la résilience climatique et de la viabilité des routes nationales 116, 20, 320 et 22 liées aux risques naturels entre Prades et la frontière franco-andorrane.

M. Christian Cambon, président. - Pour la présentation de ce troisième et dernier rapport, je cède la parole à M. Cadic.

M. Olivier Cadic, rapporteur. - Nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la Principauté d'Andorre concernant l'amélioration de la résilience climatique et de la viabilité des routes nationales (RN) 116, 20, 320 et 22 liées aux risques naturels entre Prades et la frontière franco-andorrane, signé le 20 avril 2022.

Je profite de cette intervention pour saluer la réélection de M. Xavier Espot Zamora le 10 mai dernier comme chef du gouvernement d'Andorre.

Ce projet de loi n'est pas sans rappeler celui sur lequel notre commission s'est prononcée le 11 avril 2018, et qui concernait, quant à lui, les RN 20, 230 et 22 entre Tarascon-sur-Ariège et la frontière franco-andorrane. J'étais rapporteur sur ce texte, et c'est pour cette raison que j'ai souhaité l'être à nouveau sur celui-ci, afin d'assurer un suivi complet sur les difficultés d'accès à Andorre depuis notre territoire. Comme vous le savez, la France et l'Andorre entretiennent des relations institutionnelles particulières, illustrées par les dispositions de la Constitution andorrane de 1993 qui définit Andorre comme une coprincipauté dotée de deux coprinces : l'évêque d'Urgell, côté espagnol, et le Président de la République, côté français.

Andorre a la spécificité d'être un État enclavé dans les Pyrénées entre la France et l'Espagne. Si les relations transfrontalières entre la France et l'Andorre sont qualifiées de dynamiques, tant sur le plan de l'économie, de l'environnement, de la culture, de la santé que de l'éducation, force est de constater que depuis au moins une trentaine d'années, la présence espagnole est devenue prépondérante, pour des raisons principalement géographiques et linguistiques. L'Espagne est en effet le premier client et le premier fournisseur de l'Andorre, avec plus de 70 % des échanges, loin de la France, qui en représente à peine 10 %.

Depuis quelques années, les autorités andorranes ont émis le souhait de renforcer ses liens avec la France. Ce rapprochement est illustré par des visites institutionnelles de haut niveau, dont la visite présidentielle d'Emmanuel Macron, en tant que coprince, en septembre 2019.

Plusieurs accords ont été récemment conclus entre nos deux États, en matière de sécurité civile, de coopération transfrontalière policière et douanière, notamment. D'autres accords sont en cours d'approbation. Cependant, l'un des principaux leviers du rapprochement entre la France et l'Andorre est purement matériel : il s'agit d'améliorer les conditions de circulation entre nos deux États, qui étaient déséquilibrées.

En effet, la Principauté d'Andorre ne dispose ni de gare ni d'aéroport. Depuis la France, on ne peut y accéder que par deux axes routiers : l'un se situe dans l'Ariège, entre Tarascon-sur-Ariège et Andorre ; l'autre permet de relier Perpignan et Andorre. Dans les deux cas, les routes nationales sont des routes de montagne, soumises à de nombreux risques naturels : avalanches, formation de congères et chutes de pierres, qui entraînent fréquemment des coupures de circulation, en particulier l'hiver.

Le précédent accord de 2018 concernait l'axe Tarascon-sur-Ariège-Andorre. Il prévoit l'amélioration de la viabilité des RN 20, 320 et 22. La mise en oeuvre de cet accord n'est pas achevée, mais il a d'ores et déjà donné satisfaction aux deux parties. Il a permis de réaliser de nombreux aménagements, comme la pose de filets pare-avalanches, de filets pare-blocs et la création d'aires de chaînage.

À ce jour, il reste à réaliser le plus gros des aménagements : la construction d'une galerie paravalanche de 300 mètres de long, qui devrait être mise en service à l'automne 2025. D'ores et déjà, les services techniques que nous avons auditionnés considèrent que les fermetures des routes concernées sont moins nombreuses et surtout durent moins longtemps qu'auparavant.

L'originalité de cet accord est que le financement prévu est partagé entre la France et l'Andorre, alors que les infrastructures se situent exclusivement sur le territoire français. Ce financement prévu au total est de 21 millions d'euros, à parité entre les deux États. Le présent accord prévoit quant à lui un budget de 18 millions d'euros, qui sera supporté au deux tiers par la France et pour un tiers par l'Andorre.

La mise en oeuvre de ce nouvel accord repose sur la même organisation que le précédent. Les travaux seront soumis à la législation française applicable aux marchés publics. Si les principaux aménagements à concevoir sont identifiés, le programme précis n'est pas défini dans l'accord. Deux comités se réuniront régulièrement, pour définir le programme des travaux, la hiérarchisation des priorités et le calendrier de leur réalisation.

Le comité de pilotage stratégique, coprésidé par le préfet de la région Occitanie et le chef du gouvernement andorran, se réunira tous les ans, alors que le comité technique se réunira deux fois par an, autour des représentants des préfets des départements, des représentants des services techniques andorrans et français. Pour des raisons pratiques, les comités se réuniront concomitamment avec ceux prévus par le précédent accord de 2018. Les décisions y seront prises par consensus et les règlements des éventuels différends s'effectueront par la voie diplomatique.

Une particularité dans la mise en oeuvre de ce nouvel accord réside dans l'évolution du droit français : il s'agit des effets de la loi du 21 février 2021 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.

La décision du 4 janvier 2023 déterminant la liste des autoroutes, routes et portions de voies qui sont transférées ou mises à disposition en application de cette loi prévoit que la RN 116 sera transférée au département des Pyrénées-Orientales à compter du 1er janvier 2024. Le département exerçant alors la maîtrise d'ouvrage des travaux d'aménagement, l'État lui versera dans leur ensemble les financements de la partie andorrane.

Par la même décision, les RN 20, 320 et 22 pourront être, à titre expérimental, mises à disposition de la région Occitanie. Ces voies resteraient dans le réseau routier national, mais la région serait compétente en termes d'aménagement, d'entretien et d'exploitation de ces axes.

Si les collectivités concernées ne sont pas signataires de l'accord, elles en ont été informées et y sont favorables. Elles seront d'ailleurs associées en tant que membres aux comités stratégiques et techniques.

Sur le plan environnemental, il est impossible de connaître à ce stade les conséquences précises des aménagements, mais les projets seront bien évidemment soumis à évaluation d'incidences sur les sites Natura 2000 et sur les espèces et habitats protégés par les directives européennes.

Pour conclure, cet accord, comme celui de 2018, présente de nombreux avantages, sur le plan sécuritaire, économique, financier et social. Non seulement il permet de réduire les risques d'accident pour les automobilistes, mais aussi les coûts de réparation en cas de dommage. Les échanges commerciaux entre les deux États seront favorisés par l'amélioration de la fiabilité des accès routiers, notamment en période hivernale. Enfin, les échanges transfrontaliers des résidents français et andorrans seront facilités et le tourisme local favorisé. Il devrait donc permettre un rééquilibrage des relations franco-andorranes, marquées depuis quelques décennies par un déséquilibre en faveur de l'Espagne.

Dans ces conditions, l'approbation de cet accord par notre assemblée ne présente à mes yeux que des avantages.

L'accord a été ratifié par le parlement andorran le 6 octobre 2022 et son approbation a été autorisée à l'Assemblée nationale, lors de la séance publique du 12 avril 2023.

En conséquence, je préconise l'adoption de ce projet de loi, dont le Sénat est saisi en deuxième. Son examen est prévu en séance publique le mercredi 24 mai 2023, selon la procédure simplifiée, ce à quoi la conférence des présidents, de même que votre rapporteur, a souscrit.

Mme Michelle Gréaume. - Nous voterons ce texte qui permet de sécuriser certains sites. Je regrette que l'étude d'impact n'évalue pas l'impact environnemental. De plus, en voulant aller trop vite, on passe à côté de projets ambitieux. Il s'agit de travaux ponctuels pour améliorer les routes, or les échanges entre Andorre et la France revêtent des enjeux économiques majeurs : il est regrettable qu'il n'y ait pas de voie ferrée pour relier ces deux territoires.

M. Philippe Folliot. - Les relations entre Andorre et l'Occitanie sont essentielles. Vous avez dit que l'Occitanie assurerait la prise en charge des travaux. Est-ce que l'Ariège et les Pyrénées-Orientales sont parties prenantes, directement ou indirectement ? Je ne suis pas sûr que la région ait les moyens d'assurer la viabilité hivernale, contrairement aux départements.

M. Olivier Cadic, rapporteur. - Concernant l'accord de 2018, mon intervention précise bien la répartition des responsabilités comme des financements. Nous pourrons revoir ce point si vous le souhaitez.

Le projet de loi est adopté sans modification.