C. IMPACT ET ENJEUX DE L'ACCORD
1. Le coût du projet
La France s'est investie financièrement dans le projet depuis 2022, avec des crédits à hauteur de 165 000 € (dont 50 000 € inscrits au titre 2 : dépenses de personnel). En 2023, les crédits, accompagnant la montée en puissance du centre30(*), se sont élevés à 450 000 € (dont 265 000 € en titre 2) et en 2024 ils ont atteint 870 000 € (dont 440 000 € en titre 2)31(*). La contribution française devrait se maintenir à ce niveau, au moins à court terme.
Ces fonds sont imputés au programme budgétaire 105 « Action de la France en Europe et dans le Monde ».
La France déploie aujourd'hui sur ce projet trois coopérants français (deux militaires de la gendarmerie et un expert technique international de la police nationale). Le directeur des études doit être relevé au 1er janvier 2025 par un officier supérieur de gendarmerie.
Le Monténégro participe à hauteur de 80 000 € annuels via la location de l'emprise où est située le C3BO. Cette contribution devrait légèrement augmenter avec la prise à bail de salles supplémentaires.
La Slovénie quant à elle prend en charge les salaires des trois recrutées locales pour un montant total d'environ 100 000 € par an. Cet investissement augmentera avec le financement, annoncé par la Slovénie, d'un expert en charge de couvrir le volet « cybersécurité » du Centre.
Contrepartie du rôle pilote joué par la France, celle-ci contribue ainsi actuellement à hauteur de 83% du financement du centre.
A cet égard, la transformation du C3BO en organisation internationale aura un impact sur le coût global du centre, mais aussi sur la répartition des contributions :
La transformation du Centre devrait entraîner une augmentation de la masse salariale, et donc de son coût, difficilement quantifiable à ce stade. Elle permettra cependant, à l'inverse, une participation financière de la part des États bénéficiaires et de possibles nouveaux membres.
Enfin, le Centre ambitionne la conclusion d'un accord de contribution avec l'Union européenne à partir de 2025. La Commission européenne (via la Direction générale du voisinage et des négociations d'élargissement) a été sollicitée en 2023 pour une contribution financière de 10 296 179 € pour la période 2026-2028.
La commission a estimé que, dans le contexte budgétaire actuel, il conviendrait de tendre, pour l'avenir et au fur et à mesure que l'organisation internationale s'enrichira de nouveaux membres, vers une répartition moins déséquilibrée des contributions financières entre les membres, et a émis une recommandation dans ce sens.
2. Les bénéfices attendus
Pour la diplomatie française, l'enjeu du C3BO est triple :
Tout d'abord, bien sûr, il présente un enjeu de cybersécurité, pour la région, mais aussi pour ses partenaires français, européens et atlantistes. A cet égard, l'enjeu de formation est majeur, du fait de l'insuffisance de compétences dont souffre la région dans ce domaine. Du fait de leur médiocre culture de la cybersécurité, les pays des Balkans occidentaux sont en effet particulièrement vulnérables, comme détaillé 1D ci-dessus : on l'a vu avec l'offensive perpétrée par la Russie contre le Monténégro, en 2022, en raison de sa position face au conflit ukrainien, et celle lancée par l'Iran à l'encontre de l'Albanie, la même année, en représailles à l'hospitalité accordée aux moudjahidines du peuple.
Or il en va de l'intérêt général, et notamment de celui de l'Union européenne et donc de la France, de voir renforcer la cyber-résilience de nos partenaires, afin d'éviter toute compromission par rebond de notre propre cyberespace. Cette même problématique se pose avec une acuité particulière dans le cadre de l'OTAN, et explique que, en même temps que la France et la Slovénie, les Etats-Unis se préoccupent de la cybersécurité des Balkans occidentaux au point d'installer également au Monténégro un centre cyber, doté de missions complémentaires à celles du C3BO32(*).
En second lieu, la région des Balkans occidentaux constitue un enjeu géostratégique majeur : dans un contexte où le processus d'adhésion à l'Union européenne est pour ces pays particulièrement lent, ou en panne, leur enthousiasme pro-européen tend à s'émousser et ouvre la brèche à un réel découragement (voir I.C. ci-dessus), qui est volontiers attisé par des influences étrangères, comme détaillé au I.B.4. ci-dessus. Or, plus que jamais, il est important pour la stabilité de la région d'y entretenir un tropisme européen et atlantiste.
En juillet 2023, le rapport d'information sénatorial précité invitait la France et l'Union européenne à « consolider l'intégration européenne des Balkans occidentaux en diversifiant et en intensifiant leur présence dans cette région ». A cet égard, le C3BO est porteur d'un signal d'autant plus fort qu'il permet également, en améliorant le niveau de résilience cyber des Balkans occidentaux, de les rapprocher des standards de l'Union européenne et notamment de la directive NIS2.
Le troisième enjeu pour la France est un enjeu de soft power : forte de ses compétences qui lui permettent de se positionner à l'échelle internationale comme une puissance cyber de premier rang, responsable, coopérative et solidaire, la France tire de son rôle cyber-diplomatique un bénéfice réputationnel important, en Europe comme en Afrique. Avec un rayonnement régional qui ne manquera pas de rejaillir sur la France, le C3BO, vitrine du savoir-faire français, viendra assurément consolider cette image.
3. Autres bénéfices escomptés
Du point de vue sociétal, la création du centre intègre une stratégie volontariste de renforcement de l'égalité femmes-hommes, en prévoyant notamment :
- La participation accrue des femmes aux formations délivrées par le Centre ;
- La promotion auprès des femmes des métiers de la cybersécurité ;
- L'engagement de la société civile (Woman4Cyber, Women In Tech et SheLeadsTech) dans la conception et la délivrance des programmes, en particulier les actions de sensibilisation et de communication sur les métiers du cyber ;
- La formation des équipes d'enquêtes, notamment en charge de la lutte contre le harcèlement en ligne et la pédopornographie. Dans un cadre plus global, le renforcement des capacités cyber permettra d'améliorer la réponse judiciaire à l'exploitation et aux abus sexuels des femmes et des enfants en ligne.
4. L'enjeu du statut d'organisation internationale
Il est cependant précisé que l'objet de cet accord n'est pas d'autoriser la création du C3BO, qui d'ores et déjà existe et fonctionne sans nécessiter aucune validation par le Parlement, mais sa transformation en organisation internationale.
Ce statut devrait permettre de renforcer la sécurité juridique du centre en lui conférant une personnalité juridique internationale, dotée d'un conseil d'administration, d'une gouvernance et d'un financement dédiés. La France, la Slovénie et le Monténégro en seraient les membres fondateurs ; les 5 autres pays des Balkans occidentaux ont vocation à en devenir membres ; l'accord prévoit en outre qu'ils pourraient être rejoints le cas échéant par d'autres pays européens. La future organisation internationale présentera notamment l'avantage, par rapport au format actuel, de permettre un financement par ces futurs autres membres et, à terme, par l'Union européenne.
* 30 Cette augmentation s'explique par le fait que le Centre est passé de quelques formations en 2023 à 21 en 2024, et de 50 stagiaires à plus de 400. De même, l'unique coopérant a été rejoint par deux autres.
* 31 Ces chiffres sont sensiblement différents de ceux figurant dans l'exposé des motifs du projet de loi, qui indique « Ces fonds s'élèvent à 524 000 euros en 2023 et 1 172 000 euros en 2024 » ; l'écart s'explique par le fait que, ce montant a été estimé au début du processus de ratification. Or entretemps le coopérant responsable du C3BO et directeur des études a démissionné de manière inattendue et sa relève n'est pas intervenue avant la fin de l'exercice 2024 (pas de traitement versé en 2024). »