- L'ESSENTIEL
- I. AUTOROUTE A69 : UN PROJET ANCIEN ET
LARGEMENT SOUTENU PAR LES POUVOIRS PUBLICS, INTERROMPU À LA SUITE DE
L'ANNULATION DE SON AUTORISATION ENVIRONNEMENTALE
- II. UNE VALIDATION LÉGISLATIVE
JUSTIFIÉE PAR DES IMPÉRATIFS D'INTÉRÊT
GÉNÉRAL
- A. LES BÉNÉFICES ATTENDUS DU PROJET
D'A69 : LE DÉSENCLAVEMENT ET LE DÉVELOPPEMENT DE
CASTRES-MAZAMET
- B. LES CONSÉQUENCES POTENTIELLEMENT
DOMMAGEABLES D'UN ARRÊT DÉFINITIF DU PROJET D'A69
- 1. Un arrêt du projet d'A69 engendrerait des
coûts considérables pour les finances publiques
- 2. Des impacts socio-économiques
potentiellement dommageables pour le territoire
- 3. Des conséquences néfastes pour
l'environnement
- 4. Un risque de défiance de la population
locale envers les pouvoirs publics
- 1. Un arrêt du projet d'A69 engendrerait des
coûts considérables pour les finances publiques
- A. LES BÉNÉFICES ATTENDUS DU PROJET
D'A69 : LE DÉSENCLAVEMENT ET LE DÉVELOPPEMENT DE
CASTRES-MAZAMET
- I. AUTOROUTE A69 : UN PROJET ANCIEN ET
LARGEMENT SOUTENU PAR LES POUVOIRS PUBLICS, INTERROMPU À LA SUITE DE
L'ANNULATION DE SON AUTORISATION ENVIRONNEMENTALE
- EXAMEN DE L'ARTICLE
- TRAVAUX EN COMMISSIONS
- RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE
L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU
SÉNAT
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
N° 584
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 mai 2025
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission de l'aménagement du
territoire et du développement
durable (1) sur la proposition de loi
relative à la raison impérative
d'intérêt public
majeur de la liaison
autoroutière entre Castres et
Toulouse,
Par M. Franck DHERSIN,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de :
M. Jean-François Longeot, président ;
M. Didier Mandelli,
premier vice-président ;
Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Hervé
Gillé, Rémy Pointereau, Mme Nadège Havet,
M. Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas,
MM. Jean-Yves Roux, Cédric Chevalier, Ronan Dantec,
vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Audrey
Bélim, MM. Pascal Martin, Jean-Claude Anglars,
secrétaires ; Mme Jocelyne Antoine,
MM. Jean Bacci,
Alexandre Basquin, Jean-Pierre Corbisez, Jean-Marc Delia, Stéphane
Demilly, Gilbert-Luc Devinaz,
Franck Dhersin, Alain Duffourg,
Sébastien Fagnen, Jacques Fernique, Fabien Genet, Éric Gold,
Daniel Gueret,
Mme Christine Herzog, MM. Joshua Hochart, Olivier
Jacquin, Damien Michallet, Louis-Jean de Nicolaÿ, Saïd Omar Oili,
Alexandre Ouizille, Clément Pernot, Mme Marie-Laure Phinera-Horth,
M. Bernard Pillefer, Mme Kristina Pluchet,
MM. Pierre Jean
Rochette, Bruno Rojouan, Jean-Marc Ruel, Mme Denise Saint-Pé,
M. Simon Uzenat, Mme Sylvie Valente Le Hir, MM. Paul Vidal,
Michaël Weber.
Voir les numéros :
Sénat : |
452 et 585 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a, le 7 mai 2025 et suivant le rapporteur Franck Dhersin, adopté sans modification la proposition de loi relative à la raison impérative d'intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse déposée par les sénateurs Philippe Folliot et Marie-Lise Housseau.
Ce texte vise à valider, de manière rétroactive, les deux autorisations environnementales délivrées, d'une part, à la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse - dite « A69 » - et, d'autre part, à la mise en 2x2 voies de l'A680 entre Castelmaurou et Verfeil, annulées par le tribunal administratif (TA) de Toulouse le 27 février 2025 qui a considéré qu'elles ne répondaient pas à une « raison impérative d'intérêt public majeur » (RIIPM), condition nécessaire à l'obtention de la dérogation « espèces protégées ».
La commission a approuvé cette démarche, qui vise à faire face à une situation inédite : l'arrêt du chantier de ce projet structurant pour le sud du Tarn, à seulement quelques mois de son achèvement et alors que des moyens humains, techniques et financiers considérables ont déjà été engagés.
Pour la commission, la validation ainsi proposée répond à d'impérieux motifs d'intérêt général, eu égard au soutien clair dont bénéficie le projet d'A69 de la part des acteurs politiques et socio-économiques du territoire, de ses bénéfices attendus et, enfin, des conséquences dommageables qu'aurait, pour le bassin de Castres-Mazamet ainsi que pour les finances publiques, un arrêt définitif du chantier.
Au-delà de l'examen de cette proposition de loi, le cas de l'A69 doit conduire à faire évoluer la loi pour mieux concilier les impératifs de sécurité juridique des projets et de protection de l'environnement à l'avenir. Les débats en cours sur le projet de loi de simplification de la vie économique à l'Assemblée nationale ont déjà permis d'identifier des pistes d'évolution opportunes, visant à reconnaître la RIIPM plus tôt dans la vie des projets de manière à purger ce contentieux avant le lancement des travaux. Afin de mieux encadrer l'appréciation du juge administratif en cas de litige, la loi pourrait également préciser les critères de la RIIPM, notion issue du droit européen qui n'a jamais été définie par le législateur.
En tout état de cause, une réflexion doit être menée pour sécuriser les grands projets d'infrastructures en cours, en particulier ceux dédiés au report modal (à l'instar du Canal Seine-Nord Europe et du Tunnel ferroviaire du Lyon-Turin), compte tenu des bénéfices attendus sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre liées au transport.
I. AUTOROUTE A69 : UN PROJET ANCIEN ET LARGEMENT SOUTENU PAR LES POUVOIRS PUBLICS, INTERROMPU À LA SUITE DE L'ANNULATION DE SON AUTORISATION ENVIRONNEMENTALE
A. PRÉSENTATION ET HISTORIQUE DU PROJET D'A69
Le projet d'A69 vise à relier l'A68 (allant de Toulouse à Marssac-sur-Tarn, près d'Albi) à la rocade de Castres, par une nouvelle infrastructure à 2x2 voies entre Castres et Verfeil sur une longueur de 62 km. Il s'agirait d'une alternative à la route nationale 126 (RN 126) existante, reliant Toulouse à Castres. Il se décompose en deux opérations :
- la mise en 2x2 voies de l'A6801(*) entre Castelmaurou et Verfeil sur 9,2 km et la réalisation d'un échangeur à Verfeil pour assurer la liaison avec la future A69, sous maîtrise d'ouvrage d'ASF, concessionnaire de l'A680 ;
- la construction en tracé neuf de l'A69 sur 53 km, mise en concession autonome confiée à Atosca.
Source : préfecture du Tarn
Le projet d'A69 poursuit essentiellement deux objectifs :
- améliorer les perspectives de développement et renforcer l'attractivité économique du sud du Tarn et de l'agglomération de Castres-Mazamet, en confortant son bassin en tant que pôle d'équilibre régional au sein de l'aire métropolitaine toulousaine ;
- offrir une meilleure accessibilité routière à ce bassin, en permettant un gain de temps significatif pour se rendre à Toulouse (de l'ordre de 25 à 35 minutes sur la totalité du trajet selon Atosca) et en renforçant la sécurité routière sur l'axe Toulouse-Castres.
Dès lors, il bénéficie depuis son lancement d'un large soutien local, notamment de la part des collectivités territoriales et des acteurs sociaux et économiques du Tarn. En décembre 2024, près de 500 élus locaux ont d'ailleurs signé une tribune afin de soutenir le projet d'A69. Il a en outre été classé parmi les « grands projets routiers » à engager dans les cinq ans par le législateur dans la loi d'orientation des mobilités (LOM) de 2019.
Si la genèse du projet remonte aux années 1990, il s'est concrétisé au cours des années 2010. En mars 2023, deux autorisations environnementales ont été délivrées au projet - qui avait été déclaré d'utilité publique en 2017 et 2018 - ayant permis le lancement des travaux. Il a néanmoins fait l'objet de nombreuses contestations contentieuses eu égard à son impact sur l'environnement.
B. FÉVRIER 2025 : L'ANNULATION CONTENTIEUSE DES AUTORISATIONS DU PROJET, À UN STADE TRÈS AVANCÉ DU CHANTIER
Depuis son lancement, et jusqu'en février 2025, le projet d'A69 avait fait l'objet de multiples contestations contentieuses, devant le juge du fond et le juge des référés, qui avaient systématiquement été rejetées.
En juin et juillet 2023, deux recours pour excès de pouvoir ont été déposés par l'association France Nature Environnement Midi-Pyrénées et 14 autres requérants à l'encontre des deux autorisations environnementales du projet.
Dans ses jugements rendus le 27 février 2025, le TA de Toulouse a annulé les deux autorisations environnementales, estimant que le projet ne répondait pas à une RIIPM2(*) dans la mesure où ses « bénéfices sociaux, économiques et de sécurité sont trop limités ».
L'État a fait appel de cette décision et assorti cette procédure d'une demande de sursis à exécution du jugement du TA.
Le chantier, mis à l'arrêt à la suite de la décision du juge, devait être achevé cet été pour l'A680 et à la fin de cette année pour l'A69.
S'agissant de l'A680, ASF indique que les travaux sont réalisés à hauteur d'environ 80 %.
S'agissant de l'A69, selon Atosca, le déboisement est presque achevé et 54 % des volumes de terrassements sont réalisés ainsi que 70 % des ouvrages d'art.
Photographies du chantier de l'A680 et de l'A69
Sources : ASF et Atosca
Plus de 70 % des dépenses ont déjà été engagées (soit 390 M€), sur un coût prévisionnel total d'environ 550 M€ (dont 450 M€ pour l'A69 et 100 M€ pour l'A680).
II. UNE VALIDATION LÉGISLATIVE JUSTIFIÉE PAR DES IMPÉRATIFS D'INTÉRÊT GÉNÉRAL
A. LES BÉNÉFICES ATTENDUS DU PROJET D'A69 : LE DÉSENCLAVEMENT ET LE DÉVELOPPEMENT DE CASTRES-MAZAMET
1. Améliorer l'accès à l'agglomération toulousaine et à ses grands équipements
Le bassin de vie de Castres-Mazamet (42 000 emplois et 112 000 habitants) est le seul bassin d'Occitanie de cette importance situé à plus d'une heure du réseau autoroutier, du réseau TGV et de la capitale régionale, Toulouse. Il reste de ce fait à l'écart des grands équipements du pôle toulousain (centre hospitalier universitaire, aéroport international de Blagnac, universités et grandes écoles, etc.). En effet, les infrastructures de desserte de ce territoire manquent de rapidité et de fiabilité :
- il faut 1h10 pour rejoindre Toulouse depuis Castres via la RN 126, ce qui place cette ville dans une situation singulière par rapport aux agglomérations situées à des distances équivalentes (telles qu'Albi) ou inférieures de Toulouse, mais reliées au réseau autoroutier ;
- la liaison ferroviaire Castres-Mazamet-Toulouse est constituée d'une voie unique ne permettant pas - sauf sur de rares portions - de croisements de trains. Il faut 1h15 en moyenne pour un trajet Castres-Toulouse et 1h30 pour un trajet Mazamet-Toulouse. Cette ligne n'est en outre pas adaptée au transport de marchandises compte tenu de ses limites capacitaires ;
- l'aéroport de Castres est principalement dédié aux liaisons directes avec Paris et perd en attractivité depuis des années.
2. Enrayer le décrochage démographique de Castres-Mazamet
La dynamique démographique dans le bassin de vie de Castres-Mazamet contraste avec celle d'autres agglomérations comparables d'Occitanie, qui sont reliées à Toulouse par le réseau autoroutier.
Tandis que la population des bassins de Castres et de Mazamet a, respectivement, augmenté de 4,3 % et diminué de près de 10 % entre 1990 et 2021, celle de Gaillac a augmenté de 39 %, celle d'Albi de 19 % et celle de Montauban de 34 %. En moyenne, sur la même période, la population d'Occitanie a cru de 32 %, l'essentiel de cette croissance profitant aux territoires situés le long du littoral et sur les axes autoroutiers Toulouse-Montauban, Toulouse-Albi et Toulouse-Carcassonne.
Population 2022 et évolution annuelle moyenne sur la période 2016-2022 en Occitanie
L'enjeu de l'attractivité démographique est d'autant plus vital dans le bassin de vie de Castres-Mazamet que sa population est vieillissante : les personnes de plus de 60 ans représentent près du tiers de la population du sud du Tarn.
3. Soutenir le développement économique du territoire, qui pâtit de son enclavement
La Chambre de commerce et d'industrie (CCI) du Tarn a réalisé, en mars 2025, une étude socio-économique sur l'évolution de Castres-Mazamet comparativement à 10 autres agglomérations reliées à la métropole toulousaine par un axe autoroutier, à partir de données de l'Insee, de l'Observatoire économique d'Occitanie et de la CCI d'Occitanie : la communauté d'agglomération de Castres-Mazamet (CACM) présente le taux d'activité parmi les plus faibles (10ème position sur les 11 agglomérations), le taux de chômage (15 %) le plus élevé ainsi que le taux de création d'emplois publics et privés le plus faible.
Selon les données transmises par la préfecture du Tarn, entre 2010 et 2021, Castres-Mazamet est la seule agglomération dont l'emploi stagne, alors que les bassins équivalents de la région sont en progression : l'emploi a augmenté de 1,4 % dans l'agglomération de Castres-Mazamet, contre près de 14 % dans le Grand Montauban, de 7 % dans l'agglomération Gaillac-Graulhet et de 6 % dans l'Albigeois, ces agglomérations étant reliées à Toulouse par les autoroutes A62 et A68.
L'enclavement du territoire engendre en outre des difficultés de recrutement récurrentes pour les établissements privés et publics de Castres-Mazamet.
« L'absence d'autoroute est aujourd'hui clairement un critère péjoratif dans le choix que font les jeunes professionnels qualifiés, notamment médecins, dans leur engagement professionnel. Chaque trimestre, des médecins déclinent un poste au centre hospitalier intercommunal de Castres (CHIC) pour motif de contraintes de transport/accessibilité [...]. Une cinquantaine de médecins du CHIC sur un total de 180 est domiciliée à Toulouse ou son agglomération. »
Propos du directeur du CHIC, rapportés par le Groupe Pierre Fabre
Cette situation constitue un obstacle non seulement pour attirer de nouvelles entreprises, mais aussi pour assurer le maintien du tissu économique du territoire.
« S'il n'existe aucune automaticité entre la création d'un équipement autoroutier et le développement économique territorial, en revanche, la réciproque est vraie : un territoire ne peut pas se développer - ou même maintenir son activité économique - sans infrastructure de mobilité. »
Groupe Pierre Fabre
En outre, le rapporteur constate avec satisfaction que l'arrivée de cette infrastructure a été collectivement préparée à travers l'élaboration d'un projet de territoire par les services de l'État et les collectivités territoriales, de manière à ce que l'A69 soit un véritable catalyseur de développement et de désenclavement du sud du Tarn.
4. Améliorer la sécurité routière sur l'axe Castres-Toulouse
La RN 126, qui comprend 2x1 voie sans séparateur central, est particulièrement accidentogène. Elle est bordée d'arbres et fréquentée par de nombreux poids lourds du fait des spécificités du tissu économique local (transport de matériaux lourds et volumineux, comme du granit, du bois ou encore des matériaux de construction). Elle comprend en outre peu de créneaux de dépassement et des traversées de bourgs.
Selon les préfectures du Tarn et de Haute-Garonne, de 2010 à 2020, 11 morts sont à déplorer et 120 blessés, dont 65 ont été hospitalisés. Elles indiquent : « depuis 2021 et jusqu'à fin octobre 2024, soit en moins de quatre ans, il est déjà comptabilisé 18 accidents ayant causé la mort de 6 personnes. »
Le réseau autoroutier étant beaucoup moins accidentogène que le réseau hors agglomération, les reports de trafics vers l'A69 (les prévisions de trafic de l'infrastructure font état de 14 000 véhicules par jour) permettront d'améliorer la sécurité des usagers. La sécurité routière sur la RN 126 - qui sera déclassée en route départementale - sera également améliorée grâce à la baisse du trafic, notamment de véhicules lourds.
B. LES CONSÉQUENCES POTENTIELLEMENT DOMMAGEABLES D'UN ARRÊT DÉFINITIF DU PROJET D'A69
1. Un arrêt du projet d'A69 engendrerait des coûts considérables pour les finances publiques
Outre les coûts induits par l'interruption du chantier, dont il est probable qu'ils fassent l'objet de demandes d'indemnisation des concessionnaires auprès de l'État concédant, un arrêt définitif du projet aurait de lourdes conséquences pour les finances publiques : il entraînerait la résiliation du contrat de concession de la société Atosca et, donc, l'indemnisation du concessionnaire à hauteur du coût des travaux déjà réalisés. La remise en état du site nécessiterait en outre des travaux d'un coût difficilement chiffrable à ce stade, mais au moins équivalent aux dépenses déjà engagées pour les travaux selon la DGITM.
2. Des impacts socio-économiques potentiellement dommageables pour le territoire
L'arrêt définitif du projet entraînerait la destruction de l'emploi des 1 000 personnes travaillant sur le chantier et des difficultés pour les entreprises locales de sous-traitance qui étaient impliquées. Les conséquences sociales de l'interruption du chantier se font d'ailleurs déjà sentir : elle a conduit à la rupture de centaines de contrats de travail intérimaires et de nombreux salariés ont dû être réaffectés sur d'autres chantiers à travers la France.
Les conséquences économiques sont également lourdes pour les entreprises impliquées dans le chantier, dont certaines rencontrent un risque de dépôt de bilan à brève échéance ou des difficultés graves de trésorerie.
Un abandon définitif du chantier aurait en outre des conséquences indirectes pour l'ensemble des entreprises - et des collectivités territoriales - ayant investi ces dernières années en anticipation de la mise en service prochaine de cette infrastructure. Des investissements et projets sont en suspens depuis l'interruption du chantier et on peut craindre, en cas d'arrêt définitif, le départ d'entreprises qui misaient sur l'amélioration de la liaison avec Toulouse.
3. Des conséquences néfastes pour l'environnement
En cas d'abandon du projet et de résiliation des contrats de concession, la mise en oeuvre des mesures de compensation environnementale sera remise en cause alors que les travaux - et, donc, les atteintes à l'environnement qui en découlent - sont déjà en grande partie réalisés. Les travaux de destruction des ouvrages existants auront, en outre, eux-mêmes des impacts sur l'environnement qu'il convient de prendre en compte.
Après avoir caractérisé précisément l'état écologique post-travaux, la conception d'un nouveau dispositif de compensation environnementale et le recalibrage des mesures déjà prescrites nécessiteront un travail complexe, avec un coût associé inévitable.
4. Un risque de défiance de la population locale envers les pouvoirs publics
Le rapporteur estime essentiel, à la lumière de ses travaux préparatoires, de prendre en considération l'impact politique qu'aurait dans le territoire de Castres-Mazamet un arrêt définitif du projet.
Les acteurs locaux entendus font état d'un « sentiment d'abandon », d'un « traumatisme », d'une « perte de confiance » vis-à-vis des pouvoirs publics et, surtout, d'une « profonde incompréhension » face à l'abandon potentiel d'un projet de telle ampleur ayant déjà mobilisé de lourds moyens humains, économiques et financiers et ce, à quelques mois seulement de son achèvement. Ces éléments, conjugués au vaste soutien local dont bénéficie le projet et aux attentes légitimes qu'il suscite, sont susceptibles d'engendrer une fracture démocratique préoccupante.
L'arrêt définitif du projet ne serait en outre pas sans soulever des difficultés d'acceptation compte tenu des nombreuses acquisitions foncières opérées -104 exploitations agricoles ont en particulier été concernées pour une surface de 400 hectares, selon la chambre d'agriculture du Tarn - notamment à travers des procédures d'expropriation, pour mener à bien le projet.
Le devenir de ces surfaces - dont la plupart étaient agricoles - devra être questionné, ces terres n'étant plus exploitables en l'état. En tout état de cause, le rétablissement de l'accessibilité des parcelles et de leur potentiel agronomique nécessiterait des travaux d'ampleur.
« S'il est techniquement possible de revenir à une situation permettant un retour à l'agriculture sur l'emprise, cela engagerait des travaux colossaux de démolition et de terrassements (à l'inverse de ceux réalisés jusqu'à présent), des travaux de reconstitution du potentiel agronomique des parcelles qui s'inscrivent obligatoirement dans une durée de plusieurs années. »
Chambre d'agriculture du Tarn
EXAMEN DE L'ARTICLE
Article unique
Validation législative des
autorisations environnementales portant sur l'A69 et sur la mise en 2x2 voies
de l'A680 entre Castelmaurou et Verfeil
Cet article vise à valider les deux arrêtés préfectoraux portant autorisation au titre du code de l'environnement, d'une part, de la liaison autoroutière entre Toulouse et Castres - dite « A69 » - et, d'autre part, de la mise en 2x2 voies de l'A680 entre Castelmaurou et Verfeil, annulées par le tribunal administratif de Toulouse le 27 février 2025.
La commission a adopté l'article unique sans modification.
I. AUTOROUTE A69 : UN PROJET DE TERRITOIRE ANCIEN, INTERROMPU À LA SUITE DE L'ANNULATION PAR LE JUGE ADMINISTRATIF DE SON AUTORISATION ENVIRONNEMENTALE
A. PRÉSENTATION ET HISTORIQUE DU PROJET D'AUTOROUTE A69
Le projet d'autoroute A69, dont la construction a débuté en mars 2023, vise à relier l'A68 (autoroute reliant Toulouse à Marssac-sur-Tarn, près d'Albi) à la rocade de Castres par une nouvelle infrastructure à 2x2 voies entre Castres et Verfeil sur une longueur de 62 km. Il s'agirait d'une alternative payante3(*) construite parallèlement à la route nationale 126 (RN 126) existante, reliant Toulouse à Castres.
Le projet de création d'une autoroute A69 se décompose en deux opérations principales, confiées à deux concessionnaires distincts :
· le doublement (mise en 2x2 voies) de l'A6804(*) entre Castelmaurou et Verfeil sur 9,2 km et la réalisation d'un échangeur à Verfeil pour assurer la liaison avec la future autoroute A69, sous maîtrise d'ouvrage d'Autoroutes du Sud de la France (ASF), concessionnaire de l'A680.
L'A680 avant aménagement était configurée en 2x1 voie sans bande d'arrêt d'urgence (BAU). L'A680 aménagée au terme du projet doit disposer de 2 voies par sens de circulation de 3,5 mètres de large et d'une BAU de 2,5 mètres.
Projet d'aménagement de l'A680
Source : ASF
· la construction en tracé neuf de l'A69 (53 km, dont 44 km de tracé neuf et 9 km de section réaménagés), mise en concession autonome confiée à la société concessionnaire Atosca.
Cartographie du projet de liaison autoroutière Castres-Toulouse
Source : préfecture du Tarn
Si la genèse du projet remonte aux années 1990, il a véritablement été lancé au cours des années 2010.
Historique du projet d'A69
Années 1990 : émergence du projet d'A69, après qu'une modernisation de la RN 126 ait un temps été envisagée
1996 : ouverture de l'autoroute A680 (2x1 voie sans séparateur central) reliant l'A68 à la RN 126 et devant intégrer à terme l'autoroute A69
Début des années 2000 : relance du projet d'autoroute entre Toulouse et Castres
2010 : ouverture d'une première enquête publique et signature par Jean-Louis Borloo, ministre chargé de l'écologie, de la décision de mise en concession autoroutière de la liaison Castres-Toulouse5(*)
Mai 2013 : lors d'un déplacement dans une usine du groupe pharmaceutique et dermocosmétique Pierre Fabre implantée à Soual, près de Castres, François Hollande, président de la République, s'engage en faveur du projet (« cette infrastructure aurait dû être faite depuis des années. »)
2014 : François Hollande demande au préfet de la région Occitanie de lancer les études préalables nécessaires à la déclaration d'utilité publique (DUP)
Décembre 2017 : publication de l' arrêté du préfet de Haute-Garonne déclarant d'utilité publique les travaux nécessaires à l'élargissement à 2x2 voies de la bretelle autoroutière A680 entre Verfeil et Castelmaurou
Juillet 2018 : publication du décret du 19 juillet 2018 qui déclare d'utilité publique les travaux de création d'une liaison à 2x2 voies entre Castres (Tarn) et Verfeil (Haute-Garonne). Ce décret a fait l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'État par les communes de Bonrepos Riquet, Verfeil, Saint-Pierre, Teulat, Bourg-Saint-Bernard, Saussens, Francarville, Faget, Vendine, Mouzens, Lacroisille et Apelle
Février 2021 : lancement de la procédure d'appel d'offres par Élisabeth Borne, ministre chargée de la transition écologique
Mars 2021 : le Conseil d'État rejette le recours pour excès de pouvoir formé à l'encontre du décret de 2018 déclarant le projet d'A69 d'utilité publique
Avril 2022 : signature du contrat de concession avec Atosca (société créée spécialement pour la construction de l'A69, avec pour actionnaire principal NGE concession) par Jean Castex, Premier ministre, pour une durée de 55 ans
12 septembre 2022 : le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) rend un avis défavorable au projet d'A69, indiquant : « Le CNPN ne considère pas les arguments invoqués comme suffisants pour constituer une raison impérative d'intérêt public majeur. Ce dossier s'inscrit en contradiction avec les engagements nationaux en matière de lutte contre le changement climatique, d'objectif du zéro artificialisation nette et du zéro perte nette de biodiversité, ainsi qu'en matière de pouvoir d'achat. L'absence de solutions alternatives satisfaisantes prête à débat, et les arguments du pétitionnaire ne sont pas convaincants. La coexistence de l'actuelle RN 126 et d'une nouvelle autoroute accroît les ruptures de continuités écologiques, la destruction des habitats et l'artificialisation du territoire. L'élargissement de l'infrastructure existante (RN 126) constituerait probablement une solution de moindre impact plus acceptable et raisonnable.
S'il apparaissait que sur tous les plans (dont la biodiversité), la création d'une nouvelle autoroute est plus avantageuse, alors l'objectif d'absence d'artificialisation nette et l'exemplarité de l'État en la matière, doivent viser à supprimer, en compensation, l'actuelle RN 126, et à en réorienter le trafic sur la nouvelle autoroute.
Le projet ne satisfait pas à deux des conditions d'obtention d'une dérogation et présente de nombreuses lacunes en matière de qualification des impacts directs et indirects, rendant impossible d'en apprécier l'impact dans son ensemble. En conséquence, le CNPN émet un avis défavorable à ce projet de création autoroutier. »
Octobre 2022 : l'autorité environnementale rend son avis sur l'évaluation environnementale du projet et indique « ce projet routier, initié il y a plusieurs décennies, apparaît anachronique au regard des enjeux et ambitions actuels de sobriété, de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et de la pollution de l'air, d'arrêt de l'érosion de la biodiversité et de l'artificialisation du territoire et d'évolution des pratiques de mobilité et leurs liens avec l'aménagement des territoires. La justification de raisons impératives d'intérêt public majeur du projet au regard de ses incidences sur les milieux naturels apparaît limitée. L'analyse socio-économique, dont seul un résumé est présenté, ne semble pas avoir été actualisée : elle repose sur des données de trafic et des hypothèses d'émissions de polluants désormais obsolètes. »
28 novembre 2022 - 11 janvier 2023 : déroulement de l'enquête publique portant sur les demandes d'autorisation environnementale. Remise du rapport de l'enquête publique en février 2023, qui fait l'objet d'un avis favorable de la commission à l'unanimité
Mars 2023 : délivrance des deux autorisations environnementales par les services de l'État (d'une part, par un arrêté du préfet de Haute-Garonne6(*) et, d'autre part, par un arrêté interpréfectoral des préfets de Haute-Garonne et du Tarn7(*)) au projet d'aménagement de l'A680 et de réalisation de l'A69, et lancement du chantier
Juin-Juillet 2023 : dépôt de recours pour excès de pouvoir contre les autorisations environnementales du projet par 14 requérants
27 février 2025 : annulation des deux autorisations environnementales du projet par le TA de Toulouse, considérant qu'il n'y a pas de raison impérative d'intérêt public majeur, et arrêt du chantier
Le projet d'A69 poursuit essentiellement deux objectifs :
- améliorer les perspectives de développement et renforcer l'attractivité économique du Sud du Tarn et de l'agglomération de Castres-Mazamet, en confortant son bassin (50 000 emplois et 132 000 habitants, selon les données Insee 2015 fournies dans les dossiers d'autorisation environnementale) en tant que pôle d'équilibre régional au sein de l'aire métropolitaine toulousaine ;
- offrir une meilleure accessibilité routière à ce bassin, en répondant aux besoins de l'économie locale et de la population, en permettant un gain de temps pour se rendre à Toulouse (de l'ordre de 25 à 35 minutes sur la totalité du trajet selon Atosca) et en améliorant la sécurité routière sur l'axe Toulouse-Castres.
Dès lors, il bénéficie depuis son lancement d'un large soutien local, notamment de la part des collectivités territoriales et des acteurs sociaux et économiques du Tarn : le rapporteur a entendu des représentants du conseil régional d'Occitanie, du département du Tarn, de la communauté d'agglomération de Castres-Mazamet et de la communauté de communes de Sor et Agout, de même que les chambres consulaires du territoire (chambre de commerce et d'industrie du Tarn, de la chambre des métiers et de l'artisanat du Tarn et de la chambre d'agriculture du Tarn) et plusieurs organisations professionnelles (Medef du Tarn, U2P et syndicat des transporteurs routiers du Tarn), qui ont unanimement souligné l'importance structurante de ce projet pour le développement et le désenclavement du territoire. Une tribune signée par près de 500 élus locaux afin de soutenir le projet d'A69 en décembre 2024 atteste du consensus et des attentes fortes qu'il suscite.
Depuis son lancement, il a néanmoins fait l'objet de nombreuses contestations - y compris par la voie contentieuse - eu regard à son impact sur l'environnement.
B. SI LES CONTESTATIONS CONTENTIEUSES S'ÉTAIENT JUSQU'ALORS SOLDÉES PAR DES ÉCHECS, LE PROJET A ÉTÉ INTERROMPU EN FÉVRIER 2025 À LA SUITE DE L'ANNULATION DE SON AUTORISATION ENVIRONNEMENTALE
1. Avant février 2025, les contestations contentieuses à l'encontre du projet d'A69 avaient fait l'objet de rejets par le juge administratif
Depuis son lancement, et avant la décision du tribunal administratif de Toulouse de février 2025, le projet d'A69 avait déjà fait l'objet de nombreuses procédures contentieuses. Ces contestations avaient néanmoins systématiquement été rejetées par le juge administratif.
· Le décret de 2018 déclarant le projet d'utilité publique (cf. supra) avait fait l'objet d'un recours devant le Conseil d'État, rejeté le 5 mars 20218(*).
Dans sa décision, le Conseil d'État avait notamment indiqué : « eu égard à l'intérêt public que présente le projet, à son importance et aux mesures qui l'accompagnent pour éviter, réduire ou compenser ses effets sur la faune, la flore et les zones humides, les inconvénients qu'il présente, notamment en termes de coût, d'atteintes portées à la propriété privée, lesquelles concernent essentiellement des surfaces non bâties, de conséquences pour l'environnement et les monuments classés ou inscrits ne présentent pas un caractère excessif de nature à retirer au projet son caractère d'utilité publique »9(*).
· À la suite de la publication des arrêtés portant autorisation des deux projets en mars 2023, des recours pour excès de pouvoir ont été déposés à leur encontre devant le TA de Toulouse. La décision du TA de Toulouse a été rendue le 27 février dernier (cf. infra).
En parallèle, quatre recours avaient été déposés devant le juge des référés afin d'obtenir la suspension du chantier. Les quatre recours ont néanmoins été rejetés par le juge des référés :
o Le 24 mars 2023, par une ordonnance n° 2301521, le juge du référé-liberté du TA de Toulouse a rejeté la demande de l'association France Nature Environnement Midi-Pyrénées tendant à la suspension des opérations d'abattage sur des alignements d'arbres dans la commune de Vendine ; cette décision a été confirmée par le juge du référé-liberté du Conseil d'État le 19 avril 2023 ( décision n° 472633), considérant que la condition d'urgence n'était pas satisfaite dès lors que les opérations d'abattage d'alignements d'arbres sur le tracé de la future A69 ne devaient pas commencer avant le mois de septembre 2024 ;
o Le 1er août 2023, par une ordonnance n° 2303973, le juge des référés du TA de Toulouse a rejeté la demande formée par France Nature Environnement et treize autres requérants tendant à suspendre l'exécution de l'autorisation environnementale du projet. Le juge a considéré qu'il « ne résulte pas de [l'argumentation des requérants], qui repose essentiellement sur des hypothèses ou des interrogations sur les effets attendus de l'ouvrage, que les motifs de la politique d'aménagement ainsi menée, la configuration de l'autoroute A69, la nature des territoires qu'elle doit desservir, le coût de son péage, ou ses éventuelles conséquences négatives seraient susceptibles de créer un doute, en l'état de l'instruction, sur son caractère de projet répondant à une raison impérative d'intérêt public majeur ». Il a également considéré que les moyens tirés, d'une part, de l'insuffisance de la recherche d'autres solutions satisfaisantes et, d'autre part, de l'insuffisance de l'étude d'impact invoquée par les requérants, n'étaient pas de nature à « créer un doute sérieux quant à la légalité » de l'autorisation environnementale délivrée par l'autorité préfectorale au projet d'A69 ;
o Le 6 octobre 2023, par une ordonnance n° 2305714, le TA de Toulouse rejette une nouvelle demande de suspension de l'exécution de l'arrêté interdépartemental du 1er mars 2023 portant autorisation environnementale pour la réalisation de la liaison autoroutière Verfeil-Castres dite « A69 ». Le juge indique que « les hypothèses ou les interrogations suscitées par les avis de l'autorité environnementale ou du conseil national de protection de la nature, par la configuration de l'ouvrage, par la nature des territoires desservis ou par le coût du péage, n'ont pas été regardées comme de nature à créer un doute sérieux sur le caractère de projet répondant à un intérêt public majeur au sens du code de l'environnement ». Il a de même considéré que « la recherche de solutions alternatives satisfaisantes avait été suffisante et que ces solutions avaient pu être écartées en raison de leur coût et de leur impact, sans faire naître de doute sérieux sur la légalité de l'arrêté attaqué » ;
o Le 21 janvier 2025, par une ordonnance n° 2407798, le juge des référés du TA de Toulouse rejette une nouvelle demande de référé-suspension de l'exécution de l'autorisation environnementale du projet. Le juge a considéré que la demande ne présentait pas un caractère d'urgence, étant donné que l'audience devant examiner au fond la légalité de l'autorisation environnementale du projet était très proche.
2. Le 27 février 2025, le TA de Toulouse a annulé l'autorisation environnementale du projet d'A69, conduisant à l'arrêt du chantier à quelques mois de son achèvement
En juin et juillet 2023, deux recours pour excès de pouvoir ont été déposés par l'association France Nature Environnement Midi-Pyrénées et 14 autres requérants devant le TA de Toulouse à l'encontre des deux autorisations environnementales dont fait l'objet le projet d'A69 : d'une part, celle délivrée pour la mise en 2x2 voies de l'A680 entre Castelmaurou et Verfeil et, d'autre part, celle délivrée pour la réalisation des travaux de liaison autoroutière entre Verfeil et Castres, dite « A69 ».
Les requérants ont notamment soutenu que le projet ne répondait pas à une raison impérative d'intérêt public majeur, cette condition étant pourtant nécessaire à l'obtention de la dérogation « espèces protégées » prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement qui est requise pour ce type de projet et qui fait partie intégrante de l'autorisation environnementale10(*).
Régime juridique de la dérogation « espèces protégées »
L'article L. 411-1 du code de l'environnement interdit la destruction des espèces animales ou végétales et de leurs habitats. La liste des habitats et espèces ainsi protégés est précisée par des dispositions réglementaires.
Néanmoins, l'article L. 411-2 du même code prévoit une dérogation à ces interdictions, sous trois conditions cumulatives :
- qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante (4° du I) ;
- que la dérogation ne nuise pas au maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle (4° du I) ;
- enfin, que la dérogation soit motivée par un motif parmi cinq énumérés dans cet article, dont « des raisons impératives d'intérêt public majeur » (c du 4° du I).
Ces conditions, de même que la notion de « raisons impératives d'intérêt publique majeur », sont tirées de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (ces trois conditions étant fixées à l'article 16 de la directive).
Dans ses deux jugements rendus le 27 février 2025, le TA de Toulouse a estimé que les deux projets ne répondaient pas à une raison impérative d'intérêt public majeur, indiquant que « leurs bénéfices économiques, sociaux et de sécurité sont trop limités ». Plus particulièrement :
- sur la nécessité de désenclaver le bassin Castres-Mazamet, le tribunal indique, sur la base des données de l'Insee, que la commune de Castres ne présente pas de décrochage démographique, en comparaison d'autres communes de bassins situés autour de l'agglomération toulousaine ;
- s'il reconnaît que le bassin de Castres est le seul de cette importance à ne pas être relié à la métropole toulousaine par une infrastructure de type autoroutière, il estime qu'il « résulte de l'instruction qu'il dispose de tous les services des gammes de proximité et intermédiaire, d'un centre hospitalier, de formations primaires à universitaires, d'équipements de tourisme, d'hypermarchés, de laboratoire de recherches, notamment, qui lui permettent une certaine autonomie. En outre, il bénéficie d'un aéroport national ainsi que d'une gare offrant un service de liaisons quotidiennes avec la métropole toulousaine. Dans ces conditions, le bassin de Castres-Mazamet dispose de services et d'équipements de qualité, qui, s'ils ne sont pas du niveau de ceux offerts au sein de la métropole toulousaine, ne sont toutefois pas, sur un plan qualitatif, significativement moindres » ;
- en matière économique, il indique que « quand bien même la dynamique économique du bassin de Castres-Mazamet peut justifier une recherche de confortement de celle-ci, elle n'est toutefois pas de nature à permettre de considérer que cette situation serait notablement défavorable au regard de celles des autres bassins situés autour de la métropole toulousaine » ;
- en matière de sécurité routière, le juge estime qu'« aucune des pièces versées à l'instance ne permet de constater que l'accidentalité sur cet itinéraire serait plus importante que sur d'autres routes comparables » ;
- enfin, il considère que le « coût élevé du péage du projet A69 est de nature à minorer significativement l'intérêt pour les usagers et les entreprises » de la construction de l'autoroute.
Pour ces raisons, le TA de Toulouse a annulé les deux autorisations environnementales délivrées par les préfets de Haute-Garonne et du Tarn à ce projet, estimant que « les arguments présentés en faveur de ces projets ne justifient pas qu'il soit dérogé à l'objectif de conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvage », et qu'« il n'y a pas de nécessité impérieuse à les réaliser ».
L'État a fait appel de la décision du TA de Toulouse et a soumis, en parallèle, une demande de sursis à exécution de cette décision.
À la suite de la décision du TA de Toulouse, le chantier de l'A69 et de l'A680 a été suspendu, le temps pour la Cour administrative d'appel de se prononcer sur la demande de sursis à exécution. Si la décision du juge sur le sursis à exécution pourrait intervenir prochainement, la décision d'appel surviendra ultérieurement, le délai moyen de jugement en appel au sein de la juridiction administrative étant d'environ 11 mois.
L'achèvement du chantier était prévu à l'été 2025 pour l'A680 et en fin d'année 2025 pour l'A69.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA VALIDATION LÉGISLATIVE DE L'AUTORISATION ENVIRONNEMENTALE DU PROJET D'A69
L'article unique de la proposition de loi vise à valider, d'une part, l'arrêté interdépartemental des préfets de la Haute-Garonne et du Tarn du 1er mars 2023 portant autorisation au titre des articles L. 181-1 et suivants du code de l'environnement concernant la liaison autoroutière de Verfeil à Castres dite « A69 » et, d'autre part, l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 2 mars 2023 portant autorisation environnementale au titre des mêmes articles du code de l'environnement de la mise à 2x2 voies de l'A680 entre Castelmaurou et Verfeil, en tant qu'ils reconnaissent une raison impérative d'intérêt public majeur, au sens du c du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, au projet de liaison autoroutière entre Castres et Toulouse.
Cette disposition vise donc à valider, de manière rétroactive, les deux autorisations ayant été annulées par le juge administratif.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION : FACE À UNE SITUATION INÉDITE ET POTENTIELLEMENT DOMMAGEABLE, UNE VALIDATION LÉGISLATIVE JUSTIFIÉE PAR DES MOTIFS D'INTÉRÊT GÉNÉRAL
La commission n'a pu que souscrire à l'objectif de cette disposition législative, eu égard aux bénéfices attendus du projet d'A69, au large soutien dont il fait l'objet de la part des acteurs politiques, sociaux et économiques du territoire, et compte tenu des conséquences dommageables qu'aurait vraisemblablement pour Castres-Mazamet et pour les finances publiques un arrêt définitif du chantier.
La validation législative des autorisations environnementales, d'une part, de l'A680 et, d'autre part, de l'A69, qui est proposée n'en soulève pas moins des questions de nature constitutionnelle, que la commission a examinées avec attention.
De manière plus globale, elle constate que l'annulation du projet d'A69 à un stade si avancé du chantier suscite de sérieuses inquiétudes pour la sécurité juridique des grands projets d'infrastructure en France. Dès lors, elle considère que ce cas d'espèce, de même que d'autres précédents d'annulations tardives de chantiers d'infrastructures ayant déjà mobilisé de lourds moyens humains, économiques et financiers, doivent conduire à une réflexion sur la manière de mieux concilier dans la loi les enjeux de sécurisation des projets et de protection de l'environnement.
A. UNE DISPOSITION DE VALIDATION LÉGISLATIVE QUI S'AVÈRE NÉCESSAIRE ET JUSTIFIÉE PAR DES MOTIFS D'INTÉRÊT GÉNÉRAL
La commission a examiné la proposition de loi avec le souci qu'elle respecte les exigences posées par la Constitution.
· Le calendrier d'examen de cette validation législative soulève de légitimes interrogations juridiques au regard de la séparation des pouvoirs (garantie par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen), compte tenu de la décision rendue par le TA de Toulouse en février dernier et de la procédure d'appel et de sursis à exécution en cours devant la juridiction administrative, à la demande de l'État.
Tout d'abord, le rapporteur rappelle le cadre posé par la décision du Conseil constitutionnel de 198011(*) qui a consacré l'indépendance de la justice administrative comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République à l'occasion de l'examen d'une loi de validation. Après avoir considéré « qu'il résulte des dispositions de l'article 64 de la Constitution en ce qui concerne l'autorité judiciaire et des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République en ce qui concerne, depuis la loi du 24 mai 1872, la juridiction administrative, que l'indépendance des juridictions est garantie ainsi que le caractère spécifique de leurs fonctions sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur, ni le Gouvernement », le Conseil constitutionnel indique qu'« il n'appartient ni au législateur ni au Gouvernement de censurer les décisions des juridictions, d'adresser à celles-ci des injonctions et de se substituer à elles dans le jugement des litiges relevant de leur compétence ». Néanmoins, il souligne que ces principes « ne s'opposent pas à ce que, dans l'exercice de sa compétence et au besoin, sauf en matière pénale, par la voie de dispositions rétroactives, le législateur modifie les règles que le juge a mission d'appliquer ».
Le rapporteur constate en outre que le Conseil constitutionnel ne censure pas de manière systématique les lois de validation survenant à la suite de l'annulation d'un acte administratif en première instance. À titre d'exemple, dans sa décision n° 2004-509 DC12(*), le juge constitutionnel a, certes, censuré l'article 139 de la loi de programmation pour la cohésion sociale qui visait à valider des actes relatifs aux travaux de réalisation des tramways de Strasbourg prévus par la DUP du projet, alors que le tribunal administratif avait annulé l'arrêté déclarant le projet d'utilité publique. Néanmoins, cette censure ne s'est pas fondée sur le fait que la DUP avait été annulée en première instance par le juge administratif ni sur celui qu'une procédure juridictionnelle était en cours devant le juge d'appel, mais sur l'absence d'un intérêt général suffisant justifiant la disposition de validation législative.
Si le cas d'espèce n'est pas strictement identique à celui de l'A69, dans la mesure où la validation n'a pas porté stricto sensu sur l'acte ayant fait l'objet d'une annulation (la DUP), mais sur des décisions subséquentes, le Conseil constitutionnel indique dans le commentaire que le principe d'indépendance des juridictions s'interprète comme interdisant au législateur de remettre en cause une décision ayant force de chose jugée. Il écrit en effet : « la loi ne peut valablement remettre en vigueur un acte définitivement annulé par le juge, en raison du principe constitutionnel d'indépendance des juridictions ». Or, la présente proposition de loi, comme cela sera détaillé ci-après, n'a pas pour objet de remettre en cause une décision ayant été définitivement annulée par le juge.
Surtout, la conformité à la Constitution des lois de validation doit être examinée à la lumière des critères dégagés par la jurisprudence du juge constitutionnel. Ces critères ont notamment été posés dans sa décision n° 2013-366 QPC13(*) :
« Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : “Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution”; qu'il résulte de cette disposition que si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c'est à la condition que cette modification ou cette validation respecte tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions et que l'atteinte aux droits des personnes résultant de cette modification ou de cette validation soit justifiée par un motif impérieux d'intérêt général ; qu'en outre, l'acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le motif impérieux d'intérêt général soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu'enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie ».
Ainsi, cinq conditions doivent être remplies pour qu'une disposition de validation soit conforme à la Constitution :
- la disposition doit respecter les décisions ayant force de chose jugée ;
- elle doit respecter le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ;
- l'atteinte aux droits des personnes résultant de cette validation doit être justifiée par un motif impérieux d'intérêt général ;
- l'acte validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le motif impérieux d'intérêt général soit lui-même de valeur constitutionnelle ;
- la portée de la validation doit être strictement définie.
Le rapporteur estime que trois de ces conditions ne semblent pas soulever de difficultés particulières.
Tout d'abord, s'agissant du respect des décisions ayant force de chose jugée : les deux autorisations environnementales validées ont certes été annulées par le TA de Toulouse, en première instance, et un recours est pendant devant la Cour administrative d'appel. Néanmoins, selon la jurisprudence du Conseil d'État, « la décision d'une juridiction qui a statué en dernier ressort présente, même si elle peut faire l'objet ou est effectivement l'objet, d'un pourvoi en cassation, le caractère d'une décision passée en force de chose jugée »14(*). Il en résulte qu'une décision rendue en première instance n'a pas le caractère d'une décision devenue définitive et qu'un acte annulé à cette étape de la procédure peut encore être validé. En revanche, cette condition ne serait plus remplie si la présente proposition de loi était examinée postérieurement à une confirmation du jugement du TA de Toulouse par la CAA, le cas échéant, nonobstant un éventuel pourvoi en cassation devant le Conseil d'État.
S'agissant, en deuxième lieu, de la cinquième condition concernant le caractère strictement défini de la validation. En l'espèce, la loi de validation a un objet circonscrit puisqu'elle vise spécifiquement à neutraliser le moyen tiré de l'absence de RIIPM relevé par le juge administratif pour fonder l'annulation de l'autorisation environnementale : le contrôle du juge sur l'acte en cause demeure donc possible et tous les moyens autres que le défaut de RIIPM peuvent encore être invoqués devant lui. La jurisprudence du Conseil constitutionnel semble donc respectée, puisque la validation n'a pas pour effet d'« interdire tout contrôle juridictionnel de l'acte validé »15(*), qu'elle est ciblée16(*) - en l'espèce, elle vise spécifiquement à surmonter la difficulté tirée de la présumée absence de RIIPM - et, enfin, que sa portée est « en adéquation avec l'objectif poursuivi »17(*), à savoir la réalisation du projet d'A69 qui est d'intérêt général pour le territoire.
En dernier lieu, la validation ne doit pas intervenir en matière répressive en vertu du principe constitutionnel de non-rétroactivité des peines. En l'espèce, la disposition de validation n'ayant pas de lien avec des dispositions répressives pénales ou administratives, cette condition est remplie.
Les deux autres conditions méritent en revanche de faire l'objet d'un examen plus détaillé.
En tout état de cause, et ainsi que l'exposé des motifs de la proposition de loi le rappelle, le rapporteur souligne que le législateur ne saurait substituer son analyse à celle du juge administratif devant lequel une procédure est toujours en cours. La commission s'est donc strictement attachée, à travers le présent rapport, à examiner la conformité de la présente proposition de loi aux exigences posées par la jurisprudence constitutionnelle, à la lumière des informations recueillies par le rapporteur dans le cadre de ses travaux préparatoires.
1. Sur la nécessité de répondre à des motifs impérieux d'intérêt général
La commission estime que la présente proposition de loi poursuit des motifs impérieux d'intérêt général, tant compte tenu des bénéfices attendus du projet d'A69 pour le territoire que des conséquences dommageables qu'aurait un abandon définitif de ce projet, qu'il convient d'éviter.
a) Une infrastructure structurante au service du désenclavement et de développement du bassin de Castres-Mazamet, dans une optique d'équité territoriale
(1) Un projet nécessaire au désenclavement du bassin de Castres-Mazamet, afin d'améliorer l'accès aux grands équipements de l'agglomération toulousaine
Le bassin de vie de Castres-Mazamet (42 000 emplois et 112 000 habitants)18(*) est le seul bassin d'Occitanie de cette importance situé à plus d'une heure du réseau autoroutier, du réseau TGV et de la capitale régionale, Toulouse.
Ainsi que l'ont souligné les préfectures de Haute-Garonne et du Tarn au rapporteur, la communauté d'agglomération de Castres-Mazamet propose une gamme de services qui lui donne, certes, une certaine autonomie (notamment un centre hospitalier, des établissements de formation et un tissu d'entreprises industrielles). Pour autant, ce territoire reste à l'écart des grands équipements du pôle toulousain, à l'instar du centre hospitalier universitaire, de l'aéroport international de Blagnac, du futur pôle d'échanges multimodal de Matabiau-Toulouse Euro Sud-Ouest, des universités et grandes écoles ou encore des équipements culturels ou récréatifs.
En effet, les infrastructures de desserte existantes ne permettent pas une liaison suffisamment rapide et fiable avec l'agglomération toulousaine :
- la liaison ferroviaire Castres-Mazamet-Toulouse est constituée d'une voie unique comprenant uniquement de rares portions à deux voies permettant le croisement de trains. Il faut ainsi compter environ 1 h 15 pour un trajet Castres-Toulouse (63 km) et environ 1 h 30 pour un trajet Mazamet-Toulouse (75 km) et la fréquence des trains est de 12 par jour entre Castres et Toulouse et 11 par jour entre Mazamet et Toulouse. Les trajets vers les grandes métropoles françaises sont longs et nécessitent d'emprunter des correspondances. Pour pallier les lacunes de cette ligne, des navettes régulières d'autobus relient le bassin castrais à Toulouse en passant par Puylaurens, avec un trajet d'une durée d'environ 1 h 20.
Cette ligne ferroviaire n'est, en outre, pas électrifiée et n'est pas adaptée au report modal du transport de marchandises compte tenu de ses limites capacitaires ;
- l'aéroport de Castres est, quant à lui, principalement dédié aux liaisons directes Castres-Paris. En outre, cet équipement perd en attractivité depuis plusieurs années : en 2023, il a accueilli 36 454 passagers, un chiffre qui s'était établi à 50 139 en 201919(*). Selon de la CCI du Tarn20(*), le nombre de rotations hebdomadaires a été réduit par trois en 2023 et le maintien de cet aéroport est largement subordonné aux subventions de l'État et des collectivités territoriales, s'élevant à 4,7 M€ en moyenne par an21(*) ;
- il faut en outre en moyenne 1 h 10 via la RN 126 pour rejoindre Castres depuis Toulouse, ce qui place Castres dans une situation singulière par rapport aux autres agglomérations situées à des distances équivalentes voire inférieures de Toulouse, mais reliées au réseau autoroutier. Selon les préfectures du Tarn et de Haute-Garonne, « au-delà du gain offert aux usagers, l'autoroute entend corriger une situation d'iniquité territoriale, le temps de parcours entre Toulouse et Albi étant actuellement plus court de plus de 20 minutes, pour une distance équivalente à Toulouse-Castres. »
Les graphiques ci-après présentent les écarts de temps et de distance pour se rendre à Toulouse par la route depuis 12 agglomérations d'Occitanie.
Source : CCI Tarn, Observatoire économique des CCI d'Occitanie et CCI Occitanie
Le gain de temps attendu du projet d'A69 pour se rendre à Toulouse par la route, est estimé entre 23 et 29 minutes ou entre 25 et 35 minutes, selon les estimations. Il profitera notamment aux sections particulièrement congestionnées aujourd'hui, entre Castres et Soual-Est et aux abords de Cuq-Toulza.
(2) Un projet qui entend répondre au décrochage démographique du territoire par rapport au reste de la région
L'enclavement du bassin de vie de Castres-Mazamet contribue à une dynamique démographique défavorable, qui contraste avec celle des autres agglomérations comparables d'Occitanie.
Selon des données transmises par l'Insee au rapporteur, tandis que la population d'Occitanie a augmenté de plus de 32 % entre 1990 et 2021, celle du bassin de vie de Castres n'a augmenté que de 4,3 % sur la même période et celle du bassin de vie de Mazamet a diminué de 9,8 %. Ces chiffres sont à mettre en comparaison de ceux observés dans les bassins de vie de Gaillac (+ 39 %), d'Albi (+ 19 %) et de Montauban (+ 34 %) - également situées à proximité de l'agglomération toulousaine - sur la même période. Le graphique ci-après illustre l'évolution de la population dans ces bassins de vie.
Source : Insee
L'Insee indique en effet que l'essentiel de la croissance démographique en Occitanie se fait le long du littoral et des axes de circulation reliant l'agglomération toulousaine aux villes moyennes aux alentours de Toulouse et que, sur la période la plus récente (2016-2022), la croissance est particulièrement soutenue le long de l'axe Toulouse-Montauban, Toulouse-Albi, Toulouse-Carcassonne, comme en témoigne la carte ci-après.
Population 2022 et évolution annuelle moyenne sur la période 2016-2022 en Occitanie
Cet acteur observe que « la population progresse particulièrement tout le long de l'axe Toulouse-Albi, où l'autoroute A68 a été mise en service par tronçons successifs entre 1973 et le début des années 2000. Elle augmente fortement depuis 1999 dans l'aire d'attraction de la ville de Gaillac (+1,5 % par an) et plus faiblement dans celle d'Albi (+0,6 % par an). Sur la dernière période, entre 2015 et 2021, les populations des aires d'attraction traversées par l'A68 (la partie tarnaise de l'aire d'attraction de Toulouse, les aires d'attraction de Gaillac et d'Albi) croissent toujours mais à un rythme ralenti » dans la mesure où « la densification s'étend désormais à des espaces plus éloignés ». Il relève ainsi que « tout le département ne profite pas de cet essor démographique » et que « les territoires montagneux du Sidobre au nord-est de Castres ainsi que les monts de Lacaune et la Montagne noire au sud de Mazamet continuent de perdre des habitants. »
Après 30 ans de stabilité entre 1970 et 2000, la population du Tarn augmente de 0,7 % par an en moyenne entre 2000 et 2015, soit 2 700 habitants supplémentaires chaque année. Le rythme ralentit sur la période récente, comme dans l'ensemble de l'Occitanie (+0,3 % par an entre 2015 et 2024, soit 1 400 habitants supplémentaires chaque année). La population du département augmente désormais exclusivement grâce aux migrations, les arrivées étant plus nombreuses que les départs, alors qu'à l'inverse, le nombre de naissances est inférieur à celui des décès depuis 2012.
Dans ce contexte démographique, la capacité d'un bassin de vie à attirer de nouveaux habitants apparaît primordiale. Or, en rendant plus rapide (gain de temps estimé de 25 à 35 minutes) et fiable la desserte du bassin de vie de Castres-Mazamet depuis Toulouse grâce à une infrastructure sûre et moderne, le projet d'autoroute A69 devrait en renforcer l'attractivité.
La Chambre de commerce et d'industrie (CCI) du Tarn a réalisé une étude socio-économique sur l'évolution de Castres-Mazamet comparativement à 10 autres agglomérations22(*) reliées à la métropole toulousaine par un axe autoroutier, à partir de données de l'Insee, de l'Observatoire économique d'Occitanie et de la CCI d'Occitanie. Elle révèle que la CA de Castres-Mazamet est la seule agglomération à avoir perdu régulièrement des habitants entre 1968 et 2021, quelle que soit la période de référence. Sur cette période, si la population de la CA a reculé de 8,3 %, « celles d'autres intercommunalités de la région reliées à Toulouse par autoroute a parfois doublé. Un léger rebond de 0,3 % a été constaté sur la période 2015/2021, période marquée par la DUP qui a officialisé l'arrivée de l'A69, mais cette légère progression reste inférieure à celle de la majorité des autres intercommunalités occitanes ».
L'enjeu de l'attractivité démographique est d'autant plus sensible dans le bassin de Castres-Mazamet que sa population est vieillissante : les personnes de plus de 60 ans représentent près du tiers de la population du sud du Tarn et cette proportion a progressé de 2 points ces cinq dernières années23(*) ; le faible indice de jeunesse24(*) (rapport entre la population âgée de moins 20 ans et celle des 60 ans et plus) observé dans la CA de Castres-Mazamet témoigne en outre de cette situation (66,2 en 2021, cf. graphique ci-après). Ce territoire présente en outre un taux élevé de dépendance économique - indicateur qui mesure le rapport entre la population des personnes âgées de moins de 20 et de celles âgées de 60 ans et plus, d'une part, et la population en âge de travailler, d'autre part.
Source : CCI Tarn, Observatoire économique des CCI d'Occitanie et CCI Occitanie
(3) Un territoire dont le développement économique pâtit d'une accessibilité insuffisante depuis l'agglomération toulousaine
Le périmètre de l'A69, qui traverse l'arrondissement de Castres, compte 11 851 établissements privés et plus de 32 000 salariés. Il est majoritairement composé de TPE et PME. Le secteur industriel représente 20 % des entreprises du bassin et près de 30 % des effectifs25(*).
L'étude précédemment citée menée par la CCI du Tarn démontre un décrochage démographique et socio-économique du bassin de Castres-Mazamet par rapport aux 10 autres agglomérations occitanes précitées, qui sont desservies par un axe autoroutier. Selon elle, sur les 24 indicateurs étudiés, les résultats de la CA Castres Mazamet « sont systématiquement en-dessous de la moyenne des 11 agglomérations régionales de comparaison ». En particulier, outre les indicateurs démographiques précités, le taux d'activité est parmi les plus faibles d'Occitanie (10ème position sur 11 agglomérations) et le taux de chômage (15 %) place l'agglomération en dernière position. S'agissant des revenus, les ménages de Castres-Mazamet sont parmi les plus faiblement imposés, ce qui tend à démontrer la pauvreté de ce bassin.
L'agglomération enregistre en outre le plus faible taux de création d'emplois publics et privés des 11 agglomérations de référence de cette étude.
Selon les informations transmises par les préfectures, sur la base des données de l'Insee, Castres-Mazamet est la seule agglomération dont l'emploi stagne (468 emplois créés en 11 ans), alors que les bassins équivalents de la région affichent des progressions à deux chiffres. Ainsi, entre 2010 et 2021, l'emploi a augmenté de 1,4 % dans l'agglomération de Castres-Mazamet, là où il a augmenté de près de 14 % dans le Grand Montauban, de 7 % dans l'agglomération Gaillac-Graulhet et de 6 % dans l'Albigeois, ces agglomérations étant reliées à Toulouse à travers les autoroutes A62 et A68.
Le bassin de Castres-Mazamet est particulièrement touché par un déclin des secteurs industriels traditionnels depuis les années 1970, avec des conséquences pour l'ensemble de l'économie du territoire. La CCI du Tarn indique que « en plus de 20 ans, le secteur de l'industrie a perdu 35 % de ses emplois, que le commerce et les services n'ont pas compensés. Les établissements industriels avaient en moyenne 12 salariés par établissement, cette moyenne s'est effondrée à 5 salariés à 2025 ».
Or, la connectivité d'un bassin de vie avec des infrastructures de transport structurantes constitue un facteur d'attractivité à la fois pour les implantations d'entreprises et pour les employés potentiels. Ainsi que l'a souligné le groupe Pierre Fabre : « il n'existe aucune automaticité entre la création d'un équipement autoroutier et le développement économique territorial. En revanche, il est certain que la réciproque est vraie : un territoire ne peut pas se développer - ou même maintenir son activité économique - sans infrastructure de mobilité. »26(*)
Selon les données transmises par les chambres consulaires du Tarn, la population active de la zone d'emploi de Castres-Mazamet est en outre moins diplômée que dans le reste de la région, avec 28 % des actifs sans diplôme contre 25 % en Occitanie. Seuls 6 % des actifs ont un diplôme de niveau Bac +5, contre 11 % en Occitanie27(*). Il existe donc un enjeu particulier pour le développement économique de ce territoire à pouvoir attirer et retenir des personnes diplômées issues notamment de l'agglomération toulousaine.
Selon les chambres consulaires du Tarn, de nombreuses entreprises du bassin de Castres-Mazamet rencontrent des difficultés de recrutement, particulièrement pour les postes qualifiés et les postes d'encadrement. Les difficultés, pour les conjoints, à trouver un emploi dans le bassin de Castres ou à rejoindre facilement l'agglomération de Toulouse peut également constituer un véritable obstacle au recrutement.
Ces acteurs indiquent que cette problématique est récurrente pour les entreprises (« Les élus des chambres consulaires sont quotidiennement interpellés par des employeurs qui peinent à recruter »), et qu'elle touche également les établissements publics majeurs du territoire, comme le Centre hospitalier de Castres ou le syndicat mixte de l'enseignement supérieur de Castres-Mazamet, qui font part de difficultés régulières :
« Le Directeur du Centre Hospitalier souligne que “L'accessibilité Toulouse Castres-Mazamet est une préoccupation quotidienne. L'absence d'autoroute est aujourd'hui clairement un critère péjoratif dans le choix que font les jeunes professionnels qualifiés, notamment médecins, dans leur engagement professionnel. Chaque trimestre, des médecins déclinent un poste au CHIC pour motif de contraintes de transport/accessibilité” : 40 internes sont en stage et font chaque semaine des allers/retours entre le CHIC et la faculté de Médecine ; une cinquantaine de médecins du CHIC sur un total de 180 est domiciliée à Toulouse ou son agglomération.
Le syndicat mixte de l'enseignement supérieur de Castres-Mazamet souligne régulièrement “que l'A69 est indispensable pour faire venir plus facilement des enseignants, des chercheurs, des intervenants extérieurs et optimiser leurs déplacements professionnels”».
Les chambres consulaires ajoutent que l'artisanat, qui constitue une composante essentielle de l'économie du sud du Tarn, rencontre également des difficultés à se développer et à recruter compte tenu de l'enclavement. Selon la CCI du Tarn, il existe également un enjeu fort de renouvellement du tissu artisanal dans l'est du Tarn dans les prochaines années, qui nécessite d'attirer de nouveaux talents : dans la CA de Castres-Mazamet, 29 % des établissements ont des dirigeants de plus de 55 ans et 718 établissements (employant 1550 salariés) sont à reprendre dans les dix prochaines années ; dans le pôle d'équilibre territorial et rural des Hautes terres d'Oc, 37 % des établissements ont des dirigeants de plus de 55 ans et 331 établissements (employant 918 salariés) sont à reprendre dans les 10 ans)28(*).
La préfecture du Tarn souligne, quant à elle, l'enjeu de la connexion à l'agglomération toulousaine pour le maintien des entreprises implantées sur le territoire, en indiquant que « le groupe pharmaceutique Pierre Fabre se pose régulièrement la question du déménagement de son siège à Toulouse, ou ailleurs, afin de rapprocher sa production industrielle de ses marchés internationaux. Pour le deuxième laboratoire dermocosmétique mondial, tôt ou tard, il est évident que le statu quo deviendra intenable. L'espoir de bénéficier d'un débouché rapide et sécurisé à la métropole ne se limite pas au secteur pharmaceutique, c'est tout un écosystème industriel, logistique, touristique, sportif qui souhaite créer de l'activité, maintenir des emplois, fidéliser des salariés qui font des allers-retours réguliers avec Toulouse, attirer des étudiants, des enseignants, des jeunes professionnels. »
À l'inverse, les agglomérations du nord du Tarn connectées à Toulouse via l'A68 semblent bénéficier d'une dynamique économique positive, en comparaison de Castres-Mazamet. Selon la CCI et la chambre des métiers et de l'artisanat du Tarn :
« On observe un réel développement économique de l'agglomération albigeoise, mais également des secteurs situés le long de cette infrastructure autoroutière. Des villes telles que Saint-Sulpice-la-Pointe, Lavaur, Rabastens ou Gaillac connaissent aujourd'hui un important développement économique, qui ne se constate pas sur l'axe entre Toulouse et Castres, dans des villes telles que Cuq-Toulza, Maurens-Scopont ou Puylaurens. Pour l'artisanat, le nombre d'établissements sur l'axe autoroutier Albi Toulouse (y compris la commune d'Albi) augmentait de 47 % entre 2005 et 2015 pendant que celui du futur axe Castres Toulouse (y compris la commune de Castres) n'évoluait que de 22 %. À ce jour, la Communauté d'agglomération de l'Albigeois (C2A) présente toujours des indicateurs globalement plus favorables que la Communauté d'agglomération de Castres-Mazamet (CACM) dans plusieurs domaines, notamment le nombre total d'établissements, le nombre de salariés et les taux de pérennité à 3 ans. »29(*)
Si les liens entre construction d'une infrastructure de transport et développement économique ne sont pas automatiques, le rapporteur a pu constater que l'arrivée de cette infrastructure a été collectivement préparée sur le territoire, de manière à ce que l'A69 soit un véritable catalyseur de développement et de désenclavement du Sud du Tarn : un comité de développement, co-présidé par le préfet du Tarn et le président du conseil départemental, a mis au point un projet de territoire autour de la future A69, à travers une réflexion ayant associé les élus du sud du Tarn et les représentants socio-économiques.
Sur le plan économique, cette feuille de route fixe plusieurs ambitions, notamment :
- redevenir le 1er bassin régional en termes de savoir-faire industriel en dehors des métropoles ;
- confirmer le sud du Tarn comme terre d'entrepreneuriat et réfléchir à la création d'une structure commune chargée de défendre son attractivité ;
- développer des filières d'avenir autour de trois pôles d'excellence : Pôle Santé/e-santé/médecine, Pôle Technologique (Numérique, Cyber data...), Pôle Transition écologique en lien avec les filières locales (BTP, granit, bois...) ;
- utiliser le projet A69 comme un pourvoyeur d'emplois et de compétences (création d'un campus de formation par alternance à Castres, d'un centre de formation des apprentis des métiers d'avenir, d'un label de l'excellence entrepreneuriale).
La préfecture du Tarn souligne que l'arrière-pays de Castres-Mazamet espère également valoriser ses atouts et ses filières pour lesquelles le transport par voie rapide et sécurisée est un élément indispensable de compétitivité, notamment le granit (60 % de la production française se trouve dans le Sidobre, un des plus grands massifs d'Europe), le bois de la Montagne noire (25 % du volume de bois récolté en Ex-Midi-Pyrénées, ce qui fait du Tarn le 1er producteur d'Occitanie), l'agroalimentaire des monts de Lacaune jusqu'en basse vallée de l'Agout comprenant un tissu dense de PME familiales et de groupes de taille internationale (Bigard, Aoste, Arterris, RAGT..)30(*).
La feuille de route comporte également une dimension sociale, avec des actions d'accompagnement des habitants en matière de déplacements dans la perspective de la mise en service de l'A69 :
- le conseil départemental du Tarn mobilise 27 M€ sur cinq ans pour mettre à niveau le réseau routier adjacent à la future A69, pour optimiser le désenclavement et développer des mobilités apaisées dans les villages n'étant pas en contact direct avec l'ouvrage autoroutier ;
- il est aussi prévu, avec le soutien de l'État, de développer un maillage d'aires de covoiturage connectées à l'autoroute et une voie cyclable verte de 60 km, servant à la mise en tourisme du sud du Tarn ;
- le conseil régional d'Occitanie veut mettre en place une desserte rapide par autocar qui empruntera l'autoroute, avec des tarifs tournés vers les publics les plus fragiles ;
- enfin, les acteurs souhaitent positionner le Tarn comme le « Coeur vert d'Occitanie », en développant le tourisme de savoir-faire et de pleine nature grâce à l'identité paysagère tarnaise, aux installations sportives et au parc naturel régional du Haut-Languedoc.
Deux dispositifs sont par ailleurs prévus pour accompagner la profession agricole :
- l'attribution d'un fonds de compensation du potentiel agricole d'environ 2,4 M€, mis à disposition par Atosca pour soutenir la profession, dans le Tarn et en Haute-Garonne
- un aménagement foncier agricole, forestier et environnemental (AFAFE), pour procéder à une nouvelle distribution parcellaire afin d'améliorer les conditions d'exploitation (sur les 53 km de l'A69, 17 communes du Tarn sont concernées, environ 7 200 hectares, 6 600 parcelles, 1 680 propriétaires et 195 exploitants agricoles).
(4) Une infrastructure qui répond à des impératifs de sécurité routière
La RN 126 reliant aujourd'hui Castres à Toulouse, qui comprend 2x1 voie sans séparateur central, est particulièrement accidentogène. Elle est bordée d'arbres et fréquentée par de nombreux poids lourds du fait des spécificités du tissu économique local (transport de matériaux lourds et volumineux, comme du granit, du bois ou encore des matériaux de construction). Elle comprend de nombreux carrefours qui ne sont pas tous sécurisés, peu de créneaux de dépassement et des traversées de bourgs (villages de Cuq-Toulza, de Saix et Cambounet, et de la zone commerciale et d'activités de Mélou/Chartreuse).
Selon les chiffres des deux préfectures, de 2010 à 2020, 11 morts sont à déplorer et 120 blessés, dont 65 hospitalisés. Le coût social engendré par ces accidents, calculé selon la méthodologie de l'observatoire national interministériel de la sécurité routière, est de l'ordre de 70 M€31(*).
Les préfectures ajoutent : « En considérant l'actualisation des données d'accidentalité routière, on constate sur la période 2019-2024 (données 2024 partielles - non consolidées) que depuis 2021 et jusqu'à fin octobre 2024, soit en moins de quatre ans, il est déjà comptabilisé 18 accidents ayant causé la mort de 6 personnes. »
Ainsi, la RN 126 présente une densité de tués supérieure à celle d'autres routes nationales du département du Tarn, en comptabilisant 0.22 tués par kilomètre. Cette valeur est proche de celle de la RN 112 (Castres-Mazamet) et bien supérieure au ratio constaté sur la RN 88 (Tanus-Albi) qui compte 0.09 tués par kilomètre sur la même période32(*).
Or, la mortalité sur le réseau autoroutier est nettement inférieure à celle constatée sur le reste du réseau routier hors agglomération : en 2024, 60 % des décès sur la route sont survenus sur des routes hors agglomération, tandis que 7,5 % étaient liés à des accidents survenus sur des autoroutes33(*).
Les reports de trafic vers l'A69 ne pourront donc qu'avoir des effets positifs sur la sécurité routière. Pour rappel, les prévisions de trafic fournies dans le dossier de la DUP du projet font état de 14 000 véhicules par jour, un chiffre qui devrait atteindre 16 000 véhicules par jour en 2044. Les études démontrent en outre que l'attractivité de la liaison autoroutière se renforcera sur le long terme.
Ces niveaux de trafic, s'ils sont inférieurs à la moyenne nationale (qui avoisine les 30 000 véhicules par jour en 202234(*)), demeurent au-dessus de ceux constatés sur plusieurs autoroutes françaises, selon les chiffres transmis par la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) :
- A28 (Rouen - Alençon) : autoroute de grand transit, 8 900 véh/jour en 2023 ;
- A79 (route centre Europe Atlantique) : autoroute de grand transit, 11 000 à 13 000 véh/jour en 2023 selon les sections, mais avec des taux de poids lourds très importants ;
- A66 : autoroute de desserte, 12 300 véh/jour en 2023 ;
- A837 : autoroute de desserte, 11 800 véh/jour en 2023 ;
- A77 (au sud du noeud A19/A77) : autoroute de desserte, 10 900 véh/jour en 2023.
Atosca indique à ce sujet que le réseau autoroutier français « comprend à la fois des axes interurbains majeurs à fort trafic (comme l'A1 ou l'A7 avec 80 000 à 100 000 véhicules/jour), et des liaisons de désenclavement ou de maillage régional, dont le trafic est très inférieur » et que 8 % du réseau a un trafic journalier inférieur à 10 000 véhicules par jour35(*).
Les études réalisées par le concessionnaire démontrent que l'autoroute captera une large partie du trafic, de véhicules légers et lourds, effectuant aujourd'hui la totalité du trajet de Castres à Toulouse via la RN 126 : selon les éléments transmis par les préfectures, ces études - qui prennent en compte le coût du péage - anticipent une forte réduction du trafic de véhicules légers et une quasi-disparition du trafic de poids lourds. Le trafic ainsi capté par l'A69 permettra donc de renforcer la sécurité des usagers sur la RN 126 existante, qui serait déclassée en route départementale.
L'exemple de l'A150 en Seine-Maritime, autoroute construite en parallèle d'un axe historique (la RN 15), est à cet égard éclairant. Selon l'avis rendu par l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) sur son bilan ex-post, dit « bilan LOTI », réalisé en 2021 (soit cinq ans après la mise en service) : « Après la mise en service de l'autoroute, on a pu constater une baisse importante du nombre d'accidents sur la section, et on peut se féliciter qu'aucun accident mortel n'ait été à déplorer entre 2015 et 2019 que ce soit sur l'A150 ou sur la RD6015, itinéraire qui a bénéficié d'un certain nombre d'aménagements. »
La construction de l'A69 constitue également un atout pour la gestion des secours et des moyens de sécurité civile. Comme l'indiquent les préfectures, les sapeurs-pompiers transportent régulièrement des victimes depuis le Tarn vers les hôpitaux toulousains : l'autoroute constitue à ce titre une réelle amélioration pour les délais de prise en charge pour la victime.
En définitive, et à la lumière de ces éléments, le rapporteur estime que la réalisation du projet de liaison autoroutière Castres-Toulouse aura des répercussions très favorables sur la sécurité routière, non seulement pour les usagers de la future autoroute, mais aussi pour ceux de l'itinéraire historique de la RN 126.
En outre, la mise en service de l'autoroute permettra de réduire les nuisances qui affectent le quotidien des riverains liées au trafic de poids lourds sur la RN 126, qui n'assurera plus qu'une fonction de desserte locale. Les préfectures indiquent à cet égard : « S'agissant plus particulièrement du trafic poids-lourds, qui génère le plus de nuisances, précisons qu'il sera drastiquement réduit à la faveur de la mise en service de l'autoroute, que l'on prenne les hypothèses du concessionnaire (- 85 à - 90 %) ou celles de l'autorité de régulation des transports (- 75 %). C'est un point essentiel pour la qualité de vie des riverains de la RN 126, un axe qui recouvrera sa fonction de desserte locale, pour les mobilités douces et les engins agricoles, en complémentarité avec l'axe autoroutier. »36(*)
(5) Ces motifs ont conduit les pouvoirs publics à reconnaître l'intérêt général de ce projet à de multiples reprises
Les pouvoirs publics, à commencer par le législateur, ont à plusieurs reprises confirmé l'intérêt général poursuivi par le projet, au regard des bénéfices attendus en termes d'aménagement du territoire, de désenclavement et de développement du bassin de Castres-Mazamet.
Tout d'abord, le projet a été déclaré d'utilité publique, par un arrêté du 22 décembre 2017 du préfet de la Haute-Garonne pour l'A680 et par un décret n° 2018-638 du 19 juillet 2018 pour l'A69. Le décret de 2018 prévoit qu'à l'issue des travaux, le statut d'autoroute sera conféré à la liaison 2x2 voies créée entre Verfeil et Castres ainsi qu'à leurs voies d'accès directes. Cet axe intégrera donc le domaine routier national lequel, en application de l'article L. 121-1 du code de la voirie routière, est « constitué d'un réseau cohérent d'autoroutes et de routes d'intérêt national et européen ».
Ensuite, l'exposé des motifs de la loi d'orientation des mobilités (LOM)37(*) en 2019 mentionnait l'A69 parmi les « grands projets routiers » devant être engagés dans les cinq ans. Le législateur a donc ainsi reconnu le caractère structurant de ce projet d'infrastructures, depuis plusieurs années maintenant.
Enfin, dans le cadre de la mise en oeuvre du dispositif de « zéro artificialisation nette » (ZAN)38(*), le projet d'A69 a été recensé parmi les « projets d'intérêt général majeur » dans l'arrêté du 31 mai 2024 qui vise à mutualiser au niveau national la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) des projets d'envergure nationale ou européenne présentant un intérêt général majeur.
Ce projet a en outre bénéficié de l'appui des gouvernements successifs depuis son lancement au début des années 2010. Récemment, en 2023, la revue des projets autoroutiers lancée par Clément Beaune, alors ministre chargé des transports, n'a d'ailleurs pas conduit à sa remise en cause.
b) Une annulation définitive du projet entraînerait des conséquences dommageables pour le territoire et l'intérêt général
(1) Une interruption du projet qui survient à un stade très avancé du chantier
Selon les éléments transmis par la DGITM, avant l'arrêt des travaux en février dernier, la mise en service de l'A69 était envisagée pour la fin d'année 2025 et celle de la mise à 2x2 voies de l'A680 à la fin de l'été 2025.
S'agissant de l'A680, ASF indique que les travaux sont réalisés à environ 80 %. Les automobilistes circulent d'ailleurs déjà sur cet itinéraire élargi sur une partie du tronçon. Plus précisément, ce concessionnaire indique que :
- les terrassements sont intégralement réalisés, à l'exception de la création des bandes d'arrêt d'urgence dans le sens de Toulouse vers Castres et de la finalisation du raccordement avec l'A69 ;
- les ouvrages d'art sont terminés à 85 % ;
- les chaussées sont réalisées sur environ 80 % de la section élargie, et sur la moitié de l'échangeur orientée vers Toulouse, qui devait être mise en circulation la première semaine de mars ;
- les équipements sont réalisés à 45 %, notamment sur la section élargie et la partie de l'échangeur qui était sur le point d'être mise en circulation ;
- enfin, 5 bassins d'assainissement sont achevés ou sur le point de l'être et 4 autres sont en cours et terrassés.
Les photographies ci-après témoignent de l'avancement des travaux sur ce chantier.
Photographies du chantier d'aménagement de l'A680
Source : ASF
Sources : préfecture du Tarn et Atosca
Photographies du chantier de l'A69
S'agissant de l'A69, selon les éléments transmis par Atosca, « les emprises foncières nécessaires à la réalisation du projet ont été acquises, la quasi-totalité des travaux de déboisement a été réalisée ; le chantier est ouvert sur l'intégralité du tracé par décapage de terres ; 54 % des volumes de terrassement ont été réalisés ; 70 % des ouvrages d'art ont été fabriqués ou préfabriqués en usine »39(*). L'exposé des motifs de la proposition de loi indique que Atosca avait déjà réalisé, au moment de l'arrêt du chantier, environ 60 % des travaux projetés et que les automobilistes circulent déjà sur une partie de l'itinéraire élargi.
Selon la DGITM, s'agissant de l'A69, sur un coût prévisionnel prévu à la signature du contrat de concession de 450 M€, les dépenses déjà engagées à la date d'arrêt du chantier sont de l'ordre de 300 M€ (soit environ 70 %). S'agissant de l'A680, sur un coût global prévisionnel du projet de 100 M€, les dépenses déjà engagées à la date d'arrêt du chantier sont de l'ordre de 90 M€ (soit 90 %).
(2) Un abandon du projet engendrerait vraisemblablement des coûts considérables pour les finances publiques
L'interruption des travaux en février 2025 a engendré des coûts incontestables pour le concessionnaire, pour l'immobilisation du personnel et du matériel et la mise en sécurité du chantier, qui sont à ce stade difficiles à chiffrer de manière précise selon la DGITM.
Pour le chantier de l'A680, ASF indique : « les travaux sont réalisés par des groupements d'entreprises qui ont été désignés par ASF après appels d'offre publics. Ces groupements ne nous ont pas fait état à ce jour de l'ensemble des coûts induits par la suspension du chantier, mais les premiers éléments partiels dont nous disposons conduisent d'ores et déjà à prévoir des surcoûts de plusieurs dizaines de millions d'euros intégrant la suspension du chantier, la mise en oeuvre des mesures conservatoire, la garde du chantier et son entretien pendant la période d'interruption, puis la remobilisation des entreprises pour redémarrer les travaux. »
S'agissant de l'A69, Atosca indique avoir dû consacrer 5 M€ à la démobilisation des personnels et des machines. À cela s'ajoute un coût journaliser d'environ 200 000 €, dédié à la sécurisation du chantier et à des mesures environnementales. À ce jour, ce chiffre permet déjà d'estimer un coût total d'interruption du chantier dépassant largement la dizaine de millions d'euros.
Si ces coûts sont à ce jour pris en charge par les concessionnaires, la DGITM estime que, dans la mesure où l'interruption du chantier était imprévisible et hors du contrôle des concessionnaires, une demande d'indemnisation de ces derniers vis-à-vis de l'État est probable ; une demande de principe en ce sens a d'ailleurs déjà été formulée. Si le bienfondé de cette demande et son quantum éventuel devront être attentivement analysés, cette situation fait courir un risque évident pour les finances publiques selon le rapporteur.
En outre, un abandon définitif du chantier soulèverait des enjeux financiers encore plus lourds pour la puissance publique.
En effet, l'annulation de l'autorisation environnementale se traduirait par l'abandon du projet et, en conséquence, par la résiliation du contrat de concession de Atosca, qui impliquerait une indemnisation du concessionnaire et une remise en état des terrains. La DGITM indique : « le concessionnaire devrait a priori être indemnisé à hauteur du coût des travaux déjà réalisés. La remise à l'état préalable du site nécessiterait en outre des travaux de terrassement, de destruction d'ouvrages réalisés et de renaturation de même ampleur, et donc d'un montant au moins équivalent. » Selon Atosca, le coût des travaux déjà réalisés s'élève à 250 M€, ce qui laisse envisager un coût total d'au moins 500 M€.
Dans le bilan des conséquences pour les finances publiques d'un abandon définitif du projet, il convient de prendre également en considération les concours publics déjà versés en faveur du projet qui s'établissent à 15 M€ selon la DGITM, dont 7 M€ alloués par l'État et le reste par les collectivités locales (région, conseils départementaux du Tarn et de Haute-Garonne, CA de Castres-Mazamet et CC de Sor et Agout).
(3) Des impacts potentiels également dommageables au niveau socio-économique pour le territoire
· L'abandon du projet d'A69 aurait de lourdes conséquences sociales, qui s'observent déjà depuis l'interruption du chantier
Avant son interruption, le chantier de l'A69 mobilisait 940 personnes, 350 machines et 67 contrats de sous-traitance selon la DGITM. L'arrêt des travaux a conduit à la rupture de l'ensemble des contrats de travail intérimaires - essentiellement locaux - et à la réaffectation d'une grande partie des salariés vers d'autres chantiers en France, lorsque cela était possible.
Cette interruption a également conduit à la rupture d'une centaine de contrats intérimaires s'agissant de l'A680, ainsi que de contrats d'insertion et d'alternants. ASF a indiqué au rapporteur : « Au plan social, outre les conséquences indirectes potentiellement importantes pour le personnel des sous-traitants et fournisseurs des groupements de construction, a fortiori en cas de dépôt de bilan, l'arrêt du chantier a immédiatement provoqué des conséquences sociales pour les plus de 400 personnes - dont de nombreux locaux - employées par les groupements d'entreprises en charge des travaux sur l'A680 et leurs prestataires »40(*).
· Les conséquences seraient également lourdes en cas d'abandon du projet pour les entreprises impliquées dans le chantier
Pour l'A680, ASF indique ainsi : « l'abandon du projet aurait des conséquences économiques très significatives sur les entreprises intervenant sur le chantier, et notamment pour les sous-traitants et fournisseurs de la société ASF et des groupements de construction. En particulier, certaines de ces sociétés rapportent que l'arrêt des travaux de la mise à 2x2 de l'A680 emporte à brève échéance un risque de dépôt de bilan, notamment pour CHAPSOL, MATIERE et SLER, ou des difficultés sévères de trésorerie, à l'instar d'EGC Gallopin. »
Le rapporteur souligne également la nécessité de prendre en compte les conséquences indirectes d'un arrêt définitif du projet pour les nombreuses entreprises ayant investi ces dernières années en anticipation d'une mise en service prochaine de cette infrastructure. Plusieurs collectivités territoriales ont également investi ces dernières années pour créer et consolider des zones artisanales à proximité de la future A69.
La CMA et la chambre d'agriculture du Tarn indiquent que des « investissements importants ont été stoppés et laissés en attente par des entreprises qui espéraient l'autoroute. Il est a noté que certains investisseurs privés ont également mis en suspend leurs projets ». Selon le Medef du Tarn, la situation actuelle constitue « un frein au développement pour les entreprises qui misaient sur l'amélioration des accès » qui conduira « indubitablement à la désertification économique du territoire »41(*).
· Un abandon du projet d'A69 aurait également des conséquences globales négatives pour l'attractivité et le développement du territoire
La CCI et la chambre d'agriculture du Tarn projettent, à la lumière des indicateurs socio-économiques de ces dix dernières années, la poursuite du décrochage démographique de Castres-Mazamet, qui aurait des effets néfastes pour la vitalité du territoire (réduction de la clientèle, des revenus, et des risques de fermetures d'établissements et de services et de pertes d'emploi). Ils anticipent également une poursuite du déclin industriel du territoire - ces entreprises étant particulièrement sensibles à la qualité de l'offre de transports - alors que Castres-Mazamet a déjà perdu en moyenne 0,6 % d'emplois industriels par an sur les dix dernières années. Sur les 20 prochaines années, la poursuite de cette tendance conduirait à la perte de 550 emplois industriels supplémentaires42(*).
S'agissant des exploitations agricoles, ces acteurs indiquent que l'abandon du projet pourrait fragiliser leur accès aux « outils de l'aval » (abattoirs, ateliers de découpe, industrie agroalimentaire...), limitant ainsi la production de valeur ajoutée permise par la transformation de leurs produits. Ils ajoutent : « De même, les agriculteurs ayant fait le choix de commercialiser en circuits courts seront privés d'une partie du potentiel de consommation lié à la dynamique démographique (accès facilité à la métropole Toulousaine et augmentation de la population dans le sud du Tarn). »
(4) Des conséquences pour l'environnement difficiles à évaluer précisément en cas d'arrêt définitif du projet
En cas d'arrêt définitif du projet, le devenir des mesures de compensation environnementale soulève des enjeux écologiques, réglementaires et opérationnels majeurs.
Ainsi que l'indiquent les préfectures du Tarn et de Haute-Garonne, la mise en oeuvre des mesures de compensation environnementale étant directement conditionnée à la réalisation du projet et à la validité de l'autorisation environnementale, leur mise en oeuvre et leur fondement juridique pourraient être remis en cause, alors que les travaux ont déjà en grande partie été réalisés. Il existe donc un risque de perte nette de biodiversité.
Ces services de l'État indiquent à ce titre : « Plusieurs actions de restauration écologique déjà engagées, telles que la création de mares ou l'installation de dispositifs en faveur des chiroptères, perdraient leur fondement réglementaire ». Or, « leur arrêt empêcherait la concrétisation des bénéfices écologiques attendus »43(*).
Ils estiment en outre que les travaux déjà réalisés (défrichements, terrassements, décapages) ont généré des effets écologiques irréversibles ou difficilement réversibles sur les habitats naturels. Sans poursuite du projet ni maintien des obligations compensatoires, ces zones risqueraient de connaître un appauvrissement des milieux, ce qui pourrait provoquer des ruptures écologiques durables. Ils ajoutent : « Au vu de l'état d'avancement du chantier, il est certain que certaines espèces ont d'ores et déjà été directement impactées, notamment par la destruction ou la fragmentation de leurs habitats. Des populations sensibles, telles que des chiroptères, des amphibiens en période de reproduction ou encore des oiseaux nicheurs, ont pu subir des pertes d'individus ou la disparition de domaines vitaux sans compensation. »44(*)
Concrètement, en cas d'abandon définitif du projet, une fois les conditions de remise en état de l'infrastructure routière définies, des mesures de compensation environnementales devront être prescrites sur la base d'une réévaluation des surfaces et des espèces concernées et les mesures de compensation à maintenir devront sans doute être calibrées en fonction des impacts effectivement constatés. Les services de l'État indiquent : « Cela nécessitera une caractérisation précise de l'état écologique post-travaux, suivie d'une révision des ratios de compensation initialement définis, afin de garantir une réparation environnementale équitable. Ce travail très conséquent devra être mené avec pour résultat recherché un nouveau dispositif de compensation, un coût associé, une maîtrise d'ouvrage et un suivi. »45(*)
(5) Un risque de défiance de la population locale vis-à-vis des pouvoirs publics
Le rapporteur estime essentiel de prendre en considération l'impact politique et démocratique que pourrait avoir, sur le territoire de Castres-Mazamet, l'abandon d'un chantier d'une telle ampleur à quelques mois de son achèvement.
Ses travaux préparatoires l'ont conduit à constater que l'abandon de ce projet, reconnu d'intérêt général par les pouvoirs publics et faisant l'objet d'un large soutien local, suscite une profonde incompréhension sur le territoire de Castres-Mazamet et ce, d'autant plus que le chantier est en voie d'achèvement et qu'il a d'ores et déjà conduit à l'engagement de considérables moyens financiers, publics et privés. Cette situation, qualifiée de « gabegie » par de nombreux acteurs du territoire entendus par le rapporteur, peut être de nature à susciter un sentiment de défiance vis-à-vis des pouvoirs publics.
À ce titre, le Medef du Tarn évoque une « perte de confiance », un « sentiment d'abandon », de même qu'un « traumatisme irréversible auprès de nombre de leaders du territoire » en cas d'arrêt définitif du projet46(*).
L'acceptation sociale d'un tel abandon pourrait s'avérer d'autant plus problématique que la réalisation du projet a conduit à de nombreuses acquisitions foncières auprès de propriétaires privés - particuliers ou exploitants agricoles - à travers des procédures d'expropriation.
Selon la chambre d'agriculture du Tarn, 104 exploitations agricoles ont été impactées par les expropriations, totales ou partielles. Parmi elles, 16 se trouvent en Haute-Garonne et 88 dans le Tarn. La surface totale d'emprise en zone agricole est de l'ordre de 400 hectares47(*), sur les deux départements. La plupart des affaires se sont néanmoins réglées à l'amiable. À ces chiffres, il faut ajouter 43 propriétés bâties achetées - à l'amiable - principalement à des ménages, selon Atosca48(*).
Au demeurant, en cas d'arrêt définitif du projet, la question du devenir de ces surfaces - et de la possible remise en exploitation des anciennes surfaces agricoles - devra également être posée. La communauté de communes Sor et Agout a indiqué au rapporteur : « Concernant les terres agricoles qui sont sur le tracé de l'A69, les agriculteurs confirment que ces terres ne seront plus exploitables avant 50 ans au moins ; certains indiquent même qu'elles ne seront plus jamais exploitables. La terre végétale a été enlevée et les terres en profondeur ont été traitées à la chaux ; ce qui rend ces terres stériles. »49(*)
Interrogée sur la possibilité de rendre à nouveau exploitables ces terres, la chambre d'agriculture du Tarn indique :
« Le coût et l'échéance du retour à une situation exploitable sont impossibles à évaluer en l'état. Pour répondre à cette question, il est nécessaire de réaliser, au niveau de chacune des unités de surface homogènes de l'emprise, une mesure de l'impact des travaux, d'établir un plan d'action et le mettre en oeuvre. Le coût de réalisation ne saurait être chiffré sans une étude détaillée, dont les modalités sont les suivantes :
- Analyse des modifications et des travaux réalisés :
o Remblai ou non, hauteur du remblai, excavation ou non, profondeur de l'excavation, ouvrages en béton ;
o Pour chaque surface homogène (parcelle ou lot de parcelles) :
§ Recherche d'analyses de sol plus anciennes existantes
§ Réalisation d'une série d'analyses de sol complète (au moins 1 par type de sol/secteur/type de perturbations) et de profils de sols
o Préconisations et réalisation de travaux de remise en état pour :
§ Un retour aux configurations géométriques antérieures, débarrassées de tout obstacle
§ La reconstitution des différents horizons de sol, conformément aux analyses et profils antérieurs aux travaux
§ La mise en culture plusieurs années (au moins trois ans), sans récolte, pour commencer la reconstitution du potentiel agronomique
o Suivis agronomiques dans la durée et préconisation d'amendements ou fumures ou arrières-fumures pour finaliser la reconstitution du sol.
S'il est techniquement possible de revenir à une situation permettant un retour à l'agriculture sur l'emprise, cela engagerait des travaux colossaux de démolition et de terrassements (à l'inverse de ceux réalisés jusqu'à présent), des travaux de reconstitution du potentiel agronomique des parcelles qui s'inscrivent obligatoirement dans une durée de plusieurs années. »50(*)
2. Sur la nécessité de ne méconnaître aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le motif impérieux d'intérêt général soit lui-même de valeur constitutionnelle
Selon le rapporteur, cette condition semble remplie. En effet, aucun motif d'inconstitutionnalité n'a été retenu par le tribunal administratif de Toulouse lorsqu'il a annulé les deux autorisations environnementales du projet en février 2025. L'acte validé par la proposition de loi ne semble donc méconnaître aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle.
L'exigence de promotion du développement durable inscrit à l'article 6 de la Charte de l'environnement et le droit à vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé inscrit à son article 1er - qui constituent des principes constitutionnels - pourraient certes être invoqués. Néanmoins, le rapporteur rappelle que, en vertu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le législateur peut apporter des limitations à ces droits pour un motif d'intérêt général et dès lors que ces limitations sont proportionnées à l'objectif poursuivi51(*).
En outre, s'agissant de l'article 6 de la Charte de l'environnement, selon les termes de ce même article, les politiques publiques « concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social ». Or, l'objet de la proposition de loi est précisément d'assurer une telle conciliation. Il est d'ailleurs possible de considérer que celle-ci a été réalisée par le Conseil d'État lorsqu'il s'est prononcé sur la déclaration d'utilité publique du projet en 2021, en indiquant : « eu égard à l'intérêt public que présente le projet, à son importance et aux mesures qui l'accompagnent pour éviter, réduire ou compenser ses effets sur la faune, la flore et les zones humides, les inconvénients qu'il présente, notamment en termes de coût, d'atteintes portées à la propriété privée, lesquelles concernent essentiellement des surfaces non bâties, de conséquences pour l'environnement et les monuments classés ou inscrits ne présentent pas un caractère excessif de nature à retirer au projet son caractère d'utilité publique. »
Enfin, le rapporteur estime qu'au regard des enjeux pour les finances publiques soulevés par l'arrêt définitif d'un tel projet, qui ont été précédemment détaillés et qui s'élèveraient vraisemblablement à plusieurs centaines de millions d'euros en cas d'indemnisation des concessionnaires, la validation législative proposée par cette proposition de loi pourrait répondre à une exigence constitutionnelle de bonne gestion des deniers publics52(*).
B. UNE SITUATION INÉDITE DEVANT CONDUIRE À RÉFLÉCHIR À LA MANIÈRE DE MIEUX SÉCURISER LA CONDUITE DES GRANDS PROJETS D'INFRASTRUCTURES
· L'annulation d'un projet d'infrastructure sur le fondement de l'absence de RIIPM est relativement rare, a fortiori à un stade si avancé de la réalisation des travaux.
À titre d'exemple, un projet de réalisation d'un contournement routier en Dordogne avait été annulé par le juge administratif en 2019, pour défaut de RIIPM, alors que le chantier était en cours.
Le précédent du contournement routier de Beynac-et-Cazenac
En avril 2019, le TA de Bordeaux avait annulé l'arrêté du 29 janvier 2018 par lequel la préfète de Dordogne avait délivré au département une autorisation pour la réalisation de travaux et l'exploitation des aménagements du contournement routier d'un village médiéval et touristique de Dordogne, le bourg de Beynac-et-Cazenac.
Le juge a estimé que le projet ne répondait pas à une RIIPM. Le chantier, qui avait démarré en 2018, avait alors dû être interrompu. Le juge a par ailleurs enjoint au département de Dordogne de procéder à la démolition des éléments de construction déjà réalisés et à la remise en état des lieux.
En décembre 2019, la CAA de Bordeaux a confirmé le jugement du TA, rendant définitif l'abandon du projet et enjoignant au département de la Dordogne de démolir les éléments déjà construits et de remettre les lieux en état dans un délai de 12 mois.
Un nouveau projet, également porté par le département, a été autorisé par le préfet de Dordogne le 5 novembre 2024.
Au moment de la décision de la CAA de Bordeaux, ainsi que l'a indiqué le conseil départemental de Dordogne entendu par le rapporteur, les travaux étaient déjà substantiellement engagés et un délai de 18 mois était prévu pour achever les travaux. L'avancement du projet était de 77 %. Le coût du projet s'établissait à 38 M€ en 2014 et comprenait notamment les travaux de réalisation de trois ouvrages d'art, du contournement de Beynac et d'une voie dédiée aux modes doux. Les dépenses engagées s'établissent à environ 21 M€, soit environ la moitié des dépenses prévues.
Le coût de la démolition et de la remise en état ordonnées par le juge s'est établi à 2,9 M€. En outre, le département s'est vu condamner à payer des astreintes par la CAA de Bordeaux en juillet 2023 et avril 2024 pour ne pas avoir entièrement réalisé les travaux de démolition : le montant des astreintes liquidées suite aux décisions de la CAA des 4 juillet 2023 et 16 avril 2024 est de 1,9 M€. L'ajournement des travaux et les frais de contentieux et de résiliation des marchés ont, quant à eux, conduit à un coût supplémentaire de 3,7 M€. Au total, le coût total de l'opération de Beynac dépasse donc les 30 M€, dont 9 M€ liés à l'annulation du projet.
Interrogé par le rapporteur, le conseil départemental de Dordogne indique :
« L'arrêt du projet et l'injonction de démolition et de remise en état ont été perçus par une grande majorité des maires de Dordogne (82,5 % en 2019, soit plus de 400 maires) et la population comme un arrêt brutal, une aberration et un gaspillage d'argent public.
En effet, le projet avait fait l'objet d'une large concertation préalable depuis de nombreuses années, d'une instruction favorable des services de l'État, d'un avis favorable de la commission d'enquête suite à enquête publique, d'autorisations administratives puis de décisions toutes favorables en première instance par le Tribunal administratif de Bordeaux en référé.
L'arrêt du projet a eu des conséquences financières importantes pour la collectivité départementale. »
Source : réponses du département de la Dordogne au questionnaire écrit du rapporteur
L'expérience de Beynac démontre les conséquences dommageables pouvant résulter pour un territoire de l'annulation d'un projet d'infrastructure survenant à un stade avancé de la réalisation des travaux.
Le projet du contournement routier de Beynac n'est néanmoins pas totalement comparable par ses enjeux et ses dimensions au projet d'A69, ce qui témoigne du caractère inédit de la situation rencontrée dans le Tarn.
La DGITM souligne en effet :
« Ces dernières années certaines autorisations environnementales pour des projets d'infrastructures de transport ont été annulées pour défaut de RIIPM. Il n'y a cependant rien de comparable entre ces projets et le projet autoroutier entre Castres et Toulouse en termes de dimensionnement et de caractère structurant pour le territoire régional et national. On peut évoquer plusieurs précédents :
- CAA Bordeaux, 10 décembre 2019, Département de la Dordogne, n° 19BX02327 : qui concerne un projet de contournement de la commune de Beynac, comportant principalement une voie nouvelle de 3,2 kilomètres ;
- CAA Nancy, 15 juin 2022, n° 19NC02857 : qui concerne l'aménagement d'un barreau de raccordement entre l'A304 et la RN 43, comportant principalement une route à deux fois deux voies de 3 kilomètres ;
- TA de Montreuil, 9 novembre 2020, n° 1906180 : qui concerne le projet de liaison ferroviaire directe « CDG Express » entre Paris et l'aéroport Paris Charles de Gaulle. Dans un contexte particulier de crise Covid et de confinement, le TA avait considéré que la forte baisse du trafic aérien, dont le caractère purement transitoire ne pouvait être prédit remettait en cause la justification du projet et donc la RIIPM. Cette analyse n'a pas été suivie par la CAA de Paris qui dans un premier temps suspend l'exécution de la décision du TA puis annule le jugement du TA en considérant que le projet répond bien à une RIIPM. »
· Le précédent de Dordogne et la situation rencontrée avec l'A69 doivent conduire le législateur à réfléchir à la manière de mieux sécuriser les projets d'infrastructures en France
Ainsi qu'il a pu l'entendre au cours de ses travaux préparatoires, les risques qu'une annulation contentieuse survienne en cours du chantier, qui plus est quasi-achevé, pourraient conduire les porteurs de projet à envisager d'attendre que l'ensemble des recours portant sur l'autorisation environnementale soient purgés avant de lancer les travaux. Une telle pratique se heurterait cependant vraisemblablement à des obstacles opérationnels : compte tenu des délais moyens de jugement devant la juridiction administrative, attendre la purge des recours contentieux reviendrait, dans la plupart des cas, à retarder le lancement des travaux d'au moins quatre ans, en additionnant les délais moyens en première instance (1 an et demi), en appel (11 mois) et en cassation (1 an). Or, l'autorisation environnementale est délivrée sur la base d'un état des lieux faunistique et floristique précis, dont la durée de validité est nécessairement limitée. En outre, une telle pratique pourrait interroger au regard du caractère exécutoire des décisions administratives, qui constitue une règle fondamentale du droit public53(*).
Dès lors, le rapporteur juge opportuns les débats en cours à l'Assemblée nationale dans le cadre de l'examen du projet de loi de simplification de la vie économique, visant à sécuriser les projets d'infrastructures et liant la DUP et la reconnaissance de la RIIPM dont l'articulation est insuffisante.
La commission spéciale a adopté, deux amendements, d'une part, pour conférer une présomption de RIIPM aux projets d'infrastructures déclarés d'utilité publique ( amendement CS803) et, d'autre part, pour reconnaître la RIIPM dès le stade de la DUP et prévoir qu'un décret en Conseil d'État puisse déclarer le caractère d'utilité publique d'un projet ainsi que le fait qu'il réponde à la RIIPM pour les projets d'infrastructures d'envergure nationale ou européenne ( amendement CS402).
Le Gouvernement a déposé un amendement ( n° 2582) alternatif, en vue de l'examen du texte en séance publique, visant à donner la possibilité de reconnaître la RIIPM encore plus tôt dans la vie des projets, dès le stade de la DUP, plutôt qu'à celui de l'autorisation environnementale, dans l'objectif de purger le risque contentieux sur ce sujet en même temps et devant le même juge que le risque contentieux sur la DUP et, en tout état de cause, avant l'engagement des travaux. Une telle possibilité existe aujourd'hui, mais uniquement pour un nombre restreint de projets. La justification des deux autres conditions nécessaires à la délivrance de la dérogation espèces protégées (absence de solution alternative satisfaisante et maintien dans un état de conservation favorable des espèces) continuerait de se faire au stade de l'autorisation environnementale, sur la base des études environnementales détaillées menées en vue de l'obtention de l'autorisation environnementale.
Cette proposition ne consiste pas en une présomption de RIIPM pour les projets concernés, mais simplement à pouvoir constater la RIIPM plus en amont du lancement d'un projet, afin de réduire les risques d'annulation contentieuse sur ce fondement alors que les travaux auraient déjà été engagés. Selon le Gouvernement, la création d'une présomption de RIIPM pour l'ensemble des projets bénéficiant d'une DUP serait en effet source d'une forte insécurité juridique : le Conseil constitutionnel n'a accepté ce type de présomption que dans un cadre spécifique s'agissant des projets d'énergies renouvelables et des projets nucléaires, en tant qu'ils répondent à un « objectif de valeur constitutionnelle de protection de l'environnement » et selon des critères précis, notamment de puissance de production.
Il est à noter que cette proposition du Gouvernement, qui doit permettre de mieux concilier les impératifs de sécurité juridique des projets et de protection de l'environnement, ne vise que les DUP non encore délivrées, pour des raisons de constitutionnalité et de conventionnalité.
Le rapporteur estime néanmoins nécessaire de mener une réflexion pour mieux sécuriser juridiquement les grands projets d'infrastructures pour lesquels la DUP a déjà été publiée. Cette considération concerne en particulier les projets d'infrastructures d'ampleur stratégique en faveur du report modal, à l'instar du Canal Seine-Nord Europe ou du projet de tunnel ferroviaire du Lyon-Turin, compte tenu de leurs bénéfices à long terme pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre liées au transport dans notre pays et, en conséquence, pour l'environnement.
En outre, le législateur pourrait réfléchir à la manière de préciser les critères à prendre en compte dans le cadre de la RIIPM prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement, de manière à mieux encadrer la marge d'appréciation laissée au juge administratif en cas de contentieux. Cette notion, qui découle du droit européen, gagnerait en effet à être mieux définie dans la loi.
La commission a adopté l'article unique sans modification.
TRAVAUX EN COMMISSIONS
Désignation du rapporteur
(Mercredi 9 avril 2025)
M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, j'en viens au troisième point de notre ordre du jour. Nous devons procéder à la désignation d'un rapporteur sur la proposition de loi relative à la raison impérative d'intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse.
Le projet de liaison autoroutière Castres-Toulouse, aussi appelé autoroute A69, revient régulièrement dans les actualités ces dernières années, cela n'a échappé à personne.
Pour être plus précis, ce projet qui doit relier la rocade de Castres à l'agglomération de Toulouse consiste en un doublement de l'A680 entre Castelmaurou et Verfeil, et la construction en tracé neuf de l'A69 (dont 9 km réaménagés sur les 53 km de la portion neuve).
Ce trajet, qui constituera une alternative à la RN 126 existante, devrait favoriser le développement économique et l'attractivité du Sud du Tarn et de Castres, tout en améliorant l'accessibilité à Toulouse. Il répondra aux besoins de l'économie locale, offrira un gain de temps pour la liaison Castres-Toulouse et renforcera la sécurité routière.
Ce projet, dont les prémisses remontent aux années 1990, s'est vu délivrer une autorisation environnementale en mars 2023. Celle-ci a été annulée par le tribunal administratif de Toulouse en février dernier, car il a estimé qu'il ne répondait pas à une raison impérative d'intérêt public majeur. Le chantier a donc dû être interrompu, en attendant la décision du juge d'appel.
La présente proposition de loi vise à valider l'autorisation environnementale du projet d'A69, afin de permettre une reprise du chantier.
Conformément aux conclusions de la Conférence des présidents, ce texte sera examiné en commission mercredi 7 mai et en séance publique le jeudi 15 mai, dans le cadre de l'espace réservé du groupe Union centriste.
En vue de cet examen, j'ai reçu la candidature de Franck Dhersin et je vous propose de le désigner en qualité de rapporteur.
La commission désigne M. Franck Dhersin rapporteur sur la proposition de loi n° 452 (2024-2025) relative à la raison impérative d'intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse, présentée par M. Philippe Folliot, Mme Marie-Lise Housseau et plusieurs de leurs collègues.
Examen du rapport et du texte de la commission
(Mercredi
7 mai 2025)
M. Jean-François Longeot, président. - Nous entamons nos travaux de ce matin par l'examen de la proposition de loi relative à la raison impérative d'intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse, déposée par M. Philippe Folliot, Mme Marie-Lise Housseau et plusieurs de leurs collègues.
Comme vous le savez, les arrêtés préfectoraux portant autorisation du projet d'autoroute A69 entre Castres et Toulouse ont été annulés par le tribunal administratif de Toulouse le 27 février dernier. Celui-ci a en effet estimé que les critères pour constater une raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM) n'étaient pas réunis. Le chantier, dont la date de remise était prévue à la fin de l'année 2025, est donc à l'arrêt dans l'attente d'une décision du juge d'appel, laquelle peut prendre plusieurs mois.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui vise à valider l'autorisation environnementale du projet au motif que celui-ci répond à une raison impérative d'intérêt public majeur, compte tenu des enjeux qu'il soulève pour le développement économique du territoire et la qualité de vie de sa population.
Ce texte sera discuté en séance publique jeudi 15 mai prochain, dans l'espace réservé du groupe Union Centriste.
M. Franck Dhersin, rapporteur. - Mes chers collègues, ce texte cosigné par près d'une centaine de nos collègues a été déposé le 18 mars 2025, à la suite de l'annulation par le tribunal administratif de Toulouse, le 27 février dernier, des deux autorisations environnementales dont faisait l'objet le projet d'A69, au motif que celui-ci ne répondrait pas à une raison impérative d'intérêt public majeur, condition requise pour l'obtention de la dérogation « espèces protégées » en application du code de l'environnement.
Cette décision a conduit à interrompre les travaux à quelques mois seulement de leur achèvement. Aussi la proposition de loi qui vous est soumise a-t-elle pour objet de régulariser de manière rétroactive ces deux autorisations environnementales, afin de permettre la reprise du chantier.
Avant toute chose, le calendrier d'examen de ce texte suscite de légitimes interrogations pour nos concitoyens, mais aussi pour les parlementaires que nous sommes, ainsi que j'ai pu le constater ces dernières semaines. D'une part, la proposition de loi est examinée après l'annulation d'un acte administratif par le juge, acte qu'elle a pour objet de valider. D'autre part, l'État a entamé une procédure d'appel, et a également sollicité un sursis à l'exécution de la décision du tribunal administratif de Toulouse, sursis au sujet duquel une décision pourrait être rendue dans les prochaines semaines.
Je souhaite d'emblée répondre à ces deux remarques. Sur le premier point, la jurisprudence du Conseil constitutionnel ne proscrit pas, sur le principe, toute validation législative d'un acte administratif déjà annulé par le juge. Elle interdit simplement, au titre de la séparation des pouvoirs, qu'une telle validation conduise à remettre en cause une décision ayant force de chose jugée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, puisque les jugements de première instance ne sont pas considérés comme définitifs, à l'inverse des jugements d'appels.
Sur le second point, les législateurs que nous sommes n'ont en aucun cas vocation à substituer leur analyse à celle du juge administratif devant lequel une procédure est en cours. Je ne porterai donc pas de jugement sur la décision du tribunal administratif de Toulouse et me bornerai à examiner la conformité de cette proposition de loi aux exigences posées par la jurisprudence constitutionnelle, sur lesquelles je reviendrai dans quelques instants.
J'ajoute que l'intervention du Parlement en réponse à cette situation à maints égards exceptionnelle ne me semble pas illégitime, compte tenu des motifs d'intérêt général en jeu et dans la mesure où il appartient au législateur, en application de l'article 6 de la Charte de l'environnement, de concilier la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social. Cette équation, certes complexe, est au coeur de ce dossier.
Ces éléments liminaires posés, je souhaite aborder rapidement la méthodologie que j'ai suivie. J'ai conduit plus d'une dizaine d'auditions avec des parties prenantes au projet d'A69 - concessionnaires, collectivités locales, services de l'État sur le territoire, chambres consulaires et organisations professionnelles -, ainsi qu'avec des juristes et les services centraux. J'avais naturellement convié en audition les principaux opposants au projet d'A69, France nature environnement Occitanie Pyrénées et le collectif « La voie est libre », mais ces derniers ont décliné mon invitation, ce que je regrette. J'ai également sollicité des représentants du département de Dordogne, afin de bénéficier d'un retour d'expérience sur les conséquences de l'annulation par le juge administratif du contournement routier de Beynac, en 2019, alors que ce chantier était bien avancé, même si les enjeux, notamment financiers, en cause sont sans commune mesure avec ceux de l'A69.
Je vous propose à présent d'entrer dans le vif du sujet, en rappelant brièvement les modalités et l'historique du projet d'A69, puis en vous exposant les orientations de mon rapport.
Le projet d'A69, dont la construction avait débuté en mars 2023, vise à relier l'A68 à la rocade de Castres dans le Tarn, grâce à une nouvelle infrastructure à 2×2 voies sur une longueur de 62 kilomètres. Il s'agirait d'une alternative à la route nationale 126 existante, qui relie Toulouse à Castres. Le projet se décompose en deux opérations : d'une part, la mise en 2x2 voies de l'A680 existante, confiée à Autoroutes du Sud de la France (ASF), et, d'autre part, la construction en tracé neuf de l'A69, sur 53 kilomètres, qui a été confiée à la société concessionnaire Atosca.
Si la genèse du projet remonte aux années 1990, son lancement a véritablement été acté au cours des années 2010. L'A69 répond à un double objectif de développement et de renforcement de l'attractivité économique du sud du Tarn et de Castres-Mazamet, d'une part, et d'amélioration de l'accessibilité routière de ce bassin et de la sécurité routière de l'axe Toulouse-Castres, d'autre part. Le projet fait l'objet d'un soutien local incontestable, tant de la part des élus locaux que des acteurs socio-économiques, dont j'ai pu prendre la mesure au cours de mes travaux préparatoires.
Comme vous le savez, il a néanmoins fait l'objet de nombreuses contestations contentieuses auprès du juge du fond et du juge des référés, qui s'étaient toutes, jusqu'au mois de février dernier, soldées par des échecs. La décision du tribunal administratif de Toulouse du 27 février 2025 a donc constitué un tournant, conduisant logiquement à l'interruption du chantier, lequel aurait dû être achevé à la fin de cet été pour la partie relative à l'A680 et en fin d'année pour l'A69.
La proposition de loi de validation qui nous est soumise est assez simple dans son dispositif, mais elle soulève des enjeux constitutionnels qu'il convient d'aborder.
Pour être conformes à la Constitution, les lois de validation doivent répondre à des exigences posées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Un critère s'avère particulièrement central : une disposition de validation doit être justifiée par des motifs impérieux d'intérêt général, ce qui me semble, en l'espèce, être le cas à deux titres.
En premier lieu, le projet d'A69 présente des bénéfices potentiels majeurs pour le territoire de Castres-Mazamet d'un point de vue socio-économique et en matière de sécurité routière.
Le bassin de vie de Castres-Mazamet, qui compte 42 000 emplois et 112 000 habitants, est le seul bassin d'Occitanie de cette importance situé à plus d'une heure du réseau autoroutier, du réseau TGV et de Toulouse. Sa population est donc à l'écart des grands équipements du pôle toulousain, d'autant plus que les infrastructures de dessertes existantes, à commencer par la liaison ferroviaire, manquent de rapidité et de fiabilité. Il faut en outre 1 heure 10 pour rejoindre Toulouse depuis Castres via la RN 126, ce qui place cette ville dans une situation singulière par rapport aux autres agglomérations situées à des distances équivalentes, voire inférieures, de la capitale régionale, mais qui sont reliées au réseau autoroutier. L'A69 a vocation à permettre un gain de temps considérable pour les trajets Castres-Toulouse, de l'ordre de vingt-cinq à trente-cinq minutes.
Il résulte de cet enclavement du bassin de Castres-Mazamet une dynamique démographique défavorable, qui contraste avec celle que l'on observe dans des agglomérations occitanes comparables. En comparaison de dix agglomérations reliées à Toulouse par une autoroute, l'agglomération de Castres-Mazamet est la seule à avoir régulièrement perdu des habitants entre 1968 et 2021. L'essentiel de la croissance démographique en Occitanie se déploie en effet le long du littoral et des axes autoroutiers reliant Toulouse à Montauban, Albi et Carcassonne ; l'agglomération Castres-Mazamet ne bénéficie pas de cette dynamique. Rétablir l'attractivité du sud du Tarn est d'autant plus important que sa population est vieillissante, les personnes de plus de 60 ans représentant plus du tiers de ses habitants.
Naturellement, le développement économique de Castres-Mazamet pâtit de cette situation. Dans la région, cette agglomération est la seule dont l'emploi stagne, alors que les bassins équivalents progressent. Ainsi, entre 2010 et 2021, l'emploi a augmenté de seulement 1,4 % dans l'agglomération de Castres-Mazamet, là où il a augmenté de près de 14 % dans le Grand Montauban, de 7 % dans l'agglomération Gaillac-Graulhet et de 6 % dans l'Albigeois, ces agglomérations étant reliées à Toulouse par les autoroutes A62 et A68. Les entreprises et les établissements publics du territoire comme le centre hospitalier de Castres rencontrent en outre des difficultés récurrentes de recrutement, en particulier pour les postes qualifiés et d'encadrement, du fait d'une mauvaise connexion avec Toulouse.
Si le lien entre la création d'une infrastructure de transport et le développement économique d'un territoire n'est pas automatique, la réciproque, en revanche, est certaine : un territoire ne saurait se développer ni d'ailleurs conserver et faire vivre son tissu économique sans infrastructures de transport adaptées. J'ai en outre constaté qu'un ambitieux projet de territoire a été élaboré autour de cette infrastructure, afin qu'elle soit un véritable catalyseur de développement économique.
Le projet d'A69 répond également à des impératifs de sécurité routière. La RN 126 actuelle, qui comprend deux voies sans séparateur central et qui traverse de nombreux bourgs, est en effet accidentogène : de 2010 à 2020, nous y déplorons 11 morts et 120 blessés, dont 65 ont été hospitalisés. Le report du trafic des véhicules légers et lourds vers l'A69 aura des effets positifs sur la sécurité routière, non seulement pour les usagers de la future autoroute, mais aussi pour ceux de la RN 126, qui sera déclassée en route départementale. L'A69 constituera également un atout pour la gestion des secours et des moyens de sécurité civile, en permettant un acheminement plus rapide des victimes vers les hôpitaux toulousains.
J'ajoute que tous ces motifs avaient déjà conduit le législateur à reconnaître l'intérêt général de ce projet, à l'occasion de la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités, dont l'exposé des motifs avait recensé le projet d'A69 parmi les « grands projets routiers » devant être engagés dans les cinq ans.
En second lieu, l'abandon du projet d'A69 engendrerait lui-même des conséquences dommageables tant pour le territoire que pour l'intérêt général, qu'il convient de prendre en compte.
Tout d'abord, le chantier a été interrompu alors qu'il était déjà très avancé : les travaux de l'A680 sont réalisés à 80 %, tandis que 54 % des volumes de terrassements et 70 % des ouvrages d'art sont déjà réalisés sur l'A69. Les dépenses déjà engagées sont de 300 millions d'euros pour l'A69 et de 90 millions d'euros pour l'A680, soit respectivement près de 70 % et de 90 % des coûts prévisionnels.
Dès lors, l'abandon du projet engendrerait vraisemblablement des coûts considérables pour les finances publiques. La résiliation du contrat de concession sur l'A69 impliquerait en effet, d'une part, l'indemnisation du concessionnaire à hauteur du coût des travaux déjà réalisés, soit 250 millions d'euros pour Atosca et, d'autre part, la remise en état des terrains, opération complexe dont le coût représenterait un montant au moins équivalent.
Ensuite, l'abandon du projet aurait de lourdes conséquences socio-économiques pour le territoire. Celles-ci sont d'ailleurs déjà perceptibles depuis l'interruption du chantier, qui mobilisait près de 1 000 salariés, des centaines d'intérimaires, 350 machines et 67 contrats de sous-traitance. Plusieurs entreprises qui intervenaient sur le chantier font face à un risque de dépôt de bilan ou à des difficultés sévères de trésorerie. De nombreuses entreprises et collectivités territoriales se trouvent en outre confrontées à de réelles difficultés financières parce qu'elles avaient investi ces dernières années en anticipant la mise en service prochaine de cette infrastructure. Des investissements importants ont ainsi été stoppés, des projets ont été mis en suspens, et les chambres consulaires craignent que les entreprises qui misaient sur l'amélioration de la desserte de Castres-Mazamet ne décident de quitter le territoire.
En outre, l'abandon du projet aurait des conséquences dommageables pour l'environnement. La mise en oeuvre des mesures de compensation environnementale pourrait en effet être remise en cause, ce qui pourrait induire des pertes nettes de biodiversité. Au vu de l'avancement du chantier, il est certain que certaines espèces ont déjà été directement affectées, notamment par la destruction ou la fragmentation de leur habitat. En cas d'arrêt définitif du projet, des mesures assurément coûteuses devront être engagées pour rechercher un nouveau dispositif de compensation, puisque la destruction des ouvrages déjà construits aura elle-même des impacts sur la biodiversité.
En complément, bien que cela soit moins quantifiable - si ce n'est peut-être dans les urnes ! -, on peut craindre que l'abandon du projet à un stade si tardif de son avancement n'envoie un signal politique extrêmement négatif sur le territoire de Castres-Mazamet, qui attend cette infrastructure depuis des années. Toutes tendances confondues, les acteurs locaux rencontrés au cours de mes travaux ont fait état d'un sentiment d'abandon et de perte de confiance envers les pouvoirs publics exprimé par la population, et d'une forte incompréhension face à une potentielle gabegie financière. Les nombreuses expropriations conduites pour mener à bien ce projet peuvent aussi nuire à l'acceptabilité sociale d'un tel abandon. Le devenir des surfaces concernées, pour la plupart agricoles, devra en outre être questionné, la majorité des terres ayant été traitées à la chaux et n'étant donc plus exploitables en l'état.
Pour toutes ces raisons, je soutiens cette proposition de loi et ne vous proposerai pas de l'amender.
À mon sens, le cas de l'A69 devrait inciter le législateur que nous sommes à réfléchir aux moyens de mieux concilier les impératifs de la sécurité juridique des projets d'infrastructures et de la protection de l'environnement. Si tel n'est pas l'objet de la présente proposition de loi, dont la portée est circonscrite à un cas concret, il importe que nous nous penchions sur cette question.
L'examen par l'Assemblée nationale du projet de loi de simplification de la vie économique devrait permettre d'apporter de premières réponses encourageantes. Plusieurs amendements ont en effet été déposés visant à permettre la reconnaissance de la RIIPM plus tôt dans la vie des projets, dès le stade de la déclaration d'utilité publique (DUP), dans l'objectif de purger le risque contentieux sur ce sujet avant l'engagement des travaux.
Si ces pistes vont indiscutablement dans le bon sens, elles ne concernent néanmoins que les projets futurs. Je m'interroge sur la manière dont nous pourrions mieux sécuriser certains projets en cours, en particulier les projets d'infrastructures majeures favorisant le report modal, comme le canal Seine-Nord Europe ou le tunnel ferroviaire de la LGV Lyon-Turin, compte tenu des bénéfices de long terme qu'ils présentent pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre liés au transport.
En outre, il me semblerait opportun de préciser dans la loi les critères à prendre en compte dans le cadre de la RIIPM, de manière à mieux encadrer la marge d'appréciation laissée au juge administratif en cas de litige. En effet, cette notion, qui découle du droit européen, gagnerait à être mieux définie par le législateur.
M. Philippe Folliot, auteur de la proposition de loi. - Mes chers collègues, je m'exprime devant vous avec humilité et gravité. Je salue tout d'abord le travail du rapporteur : je n'ai pas une virgule à modifier à son propos, tant celui-ci reflète la réalité de l'expérience vécue par les populations et les élus dans les territoires.
Nos concitoyens et les élus locaux éprouvent un lourd sentiment d'incompréhension par rapport aux conséquences de la décision du tribunal administratif d'arrêter le chantier. Chacun a pu constater sur le terrain l'avancée des travaux. Nombre de nos concitoyens expriment même une forme de colère sourde devant la situation. En effet, les conséquences sociales de cette décision sont directes : du jour au lendemain, 1 000 personnes ont perdu leur emploi. Les élus souhaitaient engager des programmes pour permettre le retour à l'emploi de personnes qui en étaient éloignées, mais ces personnes se retrouvent privées du nouveau projet de vie qu'elles étaient en train de construire - je me souviens encore du témoignage de l'une d'elles.
Unanimement, les élus du conseil départemental - majorité et opposition confondues - ont publié une tribune pour demander la reprise des travaux. L'incompréhension est aussi le fait des milieux économiques : les chefs d'entreprise, qui ont besoin de visibilité et de lisibilité pour investir, font face à un coup d'arrêt.
L'incompréhension est aussi totale par rapport aux conséquences financières de l'arrêt du chantier. La mise en sécurité du site, qui a déjà coûté 5 millions d'euros, continue de coûter 200 000 euros par jour. Nos concitoyens ne peuvent le comprendre, compte tenu de l'état de nos finances publiques.
Il y a en outre une attente très forte. Pourquoi devons-nous encore et toujours poser la question du désenclavement de ce territoire, alors que la plupart des bassins d'emploi de l'ex-région Midi-Pyrénées sont déjà désenclavés par rapport à la métropole régionale ? La raison en est simple : le département du Tarn, bicéphale, compte deux bassins d'emploi, autour d'Albi et de Castres. Par un consensus atteint à l'échelle du département dans les années 1990, il avait été décidé de désenclaver dans un premier temps Albi par rapport à Toulouse. L'autoroute A68 était le premier maillon de ces travaux, car elle permet également de désenclaver le département voisin de l'Aveyron - il faut passer par Albi pour relier Toulouse et Rodez. Le département du Tarn était dès lors considéré comme désenclavé, alors même que l'arrondissement de Castres est plus peuplé que les départements du Lot, du Gers ou de l'Ariège. Au rythme d'avancement des travaux, la perspective de désenclavement total du bassin était fixée à 2070, ce qui n'était pas acceptable.
En 2010, le ministre de l'équipement et des transports, Jean-Louis Borloo, en accord avec l'ensemble des élus locaux et des forces économiques du territoire, a ainsi proposé une concession autoroutière sur cet axe. Bien sûr, les choses ont pris du temps : deux débats publics ont été organisés au sujet du contournement de Toulouse et de l'autoroute A69. Les deux tiers des avis étaient d'ailleurs favorables au projet.
Je ne reviens pas sur les éléments fort justement développés par le rapporteur : même si, dans la loi d'orientation des mobilités, le Parlement a conféré au projet le statut de projet d'intérêt général national, et même si le projet a été déclaré d'utilité publique par le Conseil d'État en 2021, nous nous retrouvons dans cette situation.
Nous avons donc déposé cette proposition de loi pour réparer une injustice territoriale.
Certains avancent qu'il faut développer des moyens de transport alternatifs. Il y a peu, j'ai décidé de faire le trajet entre Toulouse et Mazamet en train : j'ai mis une heure quarante-cinq, pour 20,40 euros ! Il est urgent de donner à ce bassin d'emploi un équilibre et une équité territoriale. Pour atteindre cet objectif, poursuivre les travaux de l'A69 nous semble un élément majeur.
Mme Marie-Lise Housseau, auteure de la proposition de loi. - Le Tarn est un département très rural, qui comprend les monts de Lacaune et des zones d'élevage extensif, le vignoble du Gaillacois et un riche passé industriel. Castres-Mazamet a été mondialement connu pour son industrie du délainage, Graulhet pour le cuir, Carmaux pour ses mines. Tout cela a disparu : le département a été totalement désindustrialisé, et il en est resté une véritable cicatrice. Le Tarn est pauvre ; il figure au 63e rang des départements français en termes de richesse. Si nous avons eu recours à une concession autoroutière, c'est aussi parce que nous n'avions pas les moyens de réaliser une route nationale à 2x2 voies, car nous n'avons pas pu obtenir les financements du contrat de plan État-région ou les fonds européens.
Le Tarn a commencé à retrouver une certaine activité industrielle grâce à l'implantation des laboratoires du groupe pharmaceutique Fabre, à celle de l'École des mines à Albi ainsi qu'avec une renaissance de Castres-Mazamet autour du secteur de la chimie fine en cosmétique, pharmacie, peinture ou médecine. Tous les cadres qui y sont employés doivent pouvoir facilement accéder à la métropole toulousaine : aucun ne veut venir « s'enterrer » - pardonnez-moi l'expression - à Castres-Mazamet, avec sa famille, s'il ne peut pas rejoindre les métropoles !
À Castres-Mazamet, nous capitalisons sur le redémarrage de l'économie, mais aussi sur celui du tourisme : notre département compte un parc naturel, plusieurs zones Natura 2000, et nous ne voulons pas abîmer notre environnement. J'ai été directrice de la chambre d'agriculture du Tarn, qui a pris part au projet ; nous avions bien conscience que l'environnement dépassait l'intérêt particulier des agriculteurs, et nous avons tout fait pour préserver ces deux aspects. Lorsqu'on construit une route, il est impossible de ne pas détruire la flore et la faune sur son tracé. Toutefois, l'artificialisation des sols induite par le chantier a été considérablement réduite par rapport à ce qui était initialement envisagé : de 380 hectares à artificialiser, nous sommes passés à 300 hectares, 100 hectares étant réservés à la bande goudronnée, et 200 hectares pour ses alentours, et toutes les compensations environnementales possibles ont été prises.
Je précise qu'à aucun moment l'itinéraire retenu ne traverse de zone particulièrement fragile, de zone Natura 2000 ou de zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (Znieff). Les zones environnementales fragiles situées sur le tracé de la route, qui longe d'assez loin la rivière du Girou, sont des prairies humides dans une zone agricole de grande culture de tournesol, de blé et de maïs. Nous avons tout de même demandé à Atosca, qui s'est appuyé sur un inventaire du bureau d'étude Biotope, de mettre en place toutes les mesures de contrepartie possibles. Bien sûr, cela n'est pas parfait, mais rappelons-nous que tous les ans, autour de Toulouse, 400 hectares sont artificialisés.
Des compensations écologiques à hauteur de 16 millions d'euros ont été prévues, à travers la construction de vingt corridors écologiques pour la grande faune et de cinquante pour la petite faune. Atosca a acheté d'anciennes carrières pour les remplir d'eau afin de compenser la perte des zones humides désormais abîmées. Certes, tout n'est pas parfait, mais il ne faut pas croire que le chantier a été mené sans que l'environnement ait été pris en compte, bien au contraire. Tous les maires qui soutiennent le projet font de même dans leurs communes : nous avons tous à coeur de préserver notre environnement, et nous souffrons beaucoup du traitement que les environnementalistes nous réservent, prétendant que les Tarnais ne se préoccupent que de se déplacer en voiture en « bousillant » la planète.
Le rapporteur a présenté toutes les conséquences de l'abandon de ce projet. S'il restait dix ou quinze ans en l'état, les compensations environnementales ne verraient jamais le jour. Tous les habitants de mon village me demandent quand nous parviendrons à reprendre le chantier. Si nous n'y parvenons pas, la fracture entre les citadins et les ruraux qui se sentent méprisés - vous connaissez tous La France périphérique de Christophe Guilluy - ne pourra que s'accroître, entraînant une perte de confiance dans les élus : à quoi sert-il de les élire, s'ils ne parviennent pas à faire aboutir depuis 30 ans un projet qu'ils soutiennent pourtant tous ?
M. Olivier Jacquin. - Je salue l'engagement du rapporteur, ainsi que celui des auteurs de la proposition de loi : nous imaginons la pression qu'ils subissent devant le gâchis qui s'affiche sous nos yeux. Le rapporteur n'a toutefois que peu insisté sur l'erreur considérable de l'État qui, même si le dossier est très ancien, a engagé des travaux alors que les recours n'étaient pas achevés. Tel est le problème initial.
L'État a lui-même déposé des recours auprès de la justice, qui seront examinés au cours du mois de mai. Indépendamment de notre position vis-à-vis de la construction de cette autoroute, nous sommes dans un État de droit, et cette proposition de loi qui tend à valider des arrêtés préfectoraux pose problème quant à la séparation des pouvoirs. En outre, elle comporte de probables fragilités constitutionnelles.
Monsieur le rapporteur, notre rôle de législateur est d'assurer que les autorisations environnementales seront revues pour éviter ce genre de gâchis, notamment lors des DUP. Au vu de ces précisions, nous ne participerons pas au vote.
M. Ronan Dantec. - Nous ne sommes pas là pour nous poser la question de l'intérêt de cette autoroute payante par rapport à une voie express rapide : là n'est pas le débat. Je prends note de la décision du tribunal administratif, qui a estimé que les « apports limités du projet en termes économique, social et de gain de sécurité » ne sauraient « suffire à caractériser l'existence d'une raison impérative d'intérêt public majeur ».
Le présent texte constitue un détournement du principe des lois de validation. Vous parlez de l'émoi des juges, mais je ne suis pas certain que cette proposition de loi soit le meilleur moyen de les mobiliser. Olivier Jacquin l'a indiqué, la question relève du droit et tout le monde sait qu'elle sera en définitive tranchée par le Conseil constitutionnel. Le texte remet en question l'indépendance de la justice, qui constitue un socle de notre société. Je ne serai pas plus long : il s'agit d'une loi de posture, et le spectacle aura lieu dans l'hémicycle et non en commission.
De toute évidence, il s'agit d'une mauvaise réponse. Je respecte les défenseurs de ce projet, mais celui-ci revient à proposer à des ménages modestes éloignés de la ville-centre de payer pour rejoindre cette dernière. La question est d'abord sociale plutôt qu'environnementale : de toute évidence, c'est sur ce point que le tribunal administratif se positionne. Nous voterons contre. Nous n'en sommes qu'au début de la question de l'utilisation de lois de validation dans ce cas : le juge constitutionnel devra se positionner.
M. Didier Mandelli. - Nous soutenons évidemment la position du rapporteur. Je m'inscris en faux contre les propos de Ronan Dantec. Pour moi, la politique, ce n'est pas du spectacle et des postures, c'est de la conviction, c'est la prise en compte des attentes et des besoins de notre société comme de nos concitoyens, en l'occurrence des habitants de la région.
M. Alexandre Basquin. - Je rejoins mes collègues Olivier Jacquin et Ronan Dantec. Tout grand projet d'aménagement rencontre des oppositions, et dans une démocratie il est sain que ces débats aient lieu. Toutefois, le calendrier politique n'est pas le calendrier administratif, qui lui-même ne se confond pas avec le calendrier judiciaire. La confusion entre ces trois éléments conduit à de grandes difficultés : un chantier a débuté alors que toutes les voies de recours n'étaient pas purgées. Je mesure les difficultés dans le territoire, d'autant que les travaux d'aménagement ont été quasiment achevés.
En revanche, si l'on cesse de considérer uniquement le cas particulier visé par ce texte, il est possible de s'inquiéter du respect du principe de la séparation des pouvoirs. Dès lors qu'une décision a été rendue en première instance, malgré le fait qu'une procédure d'appel ait été lancée, l'invocation permanente d'une RIIPM revient à ouvrir une boîte de Pandore qui pourrait s'avérer particulièrement dangereuse à l'avenir. Tous les débats devraient être menés avant le lancement des travaux. Cette proposition de loi présente quelques fragilités, et je ne sais pas comment se prononcera le Conseil constitutionnel à son propos. La situation est déjà très difficile, et j'espère que son adoption ne créera pas davantage de difficultés. Pour ma part, je m'y opposerai à titre personnel, car la séparation des pouvoirs doit rester une caractéristique intangible de notre démocratie représentative.
M. Jean-Claude Anglars. - Le désenclavement routier n'est pas un gros mot. Aujourd'hui, tous les territoires ne sont pas désenclavés. Au sud du Massif central, il n'y a ni route ni train. L'histoire de ce projet, qui s'inscrit dans le temps long, est un vrai combat. Je reprends deux mots prononcés par Philippe Folliot : il y a en effet une colère sourde et une incompréhension totale, au-delà du Tarn, dans tout le sud du Massif central. D'autres projets sont par ailleurs nécessaires, notamment en Aveyron avec le chaînon manquant de l'A88 entre Rodez et Séverac-le-Château.
Je soutiens donc totalement l'initiative de nos collègues du Tarn, ainsi que le travail précis du rapporteur. L'environnement est bien sûr un sujet essentiel. Lors de la construction de l'A68 entre Toulouse et Rodez, les collectivités avaient dû dépenser plus de 10 millions d'euros pour protéger des écrevisses à patte blanche dont on s'est rendu compte, quelque temps plus tard, qu'elles ne se trouvaient pas sur le trajet. La mobilité n'est pas un sujet définitivement réglé en France, et il faut prendre en compte la différenciation des territoires.
M. Rémy Pointereau. - Je soutiens nos collègues ayant déposé la proposition de loi et je salue l'excellent travail du rapporteur. Aujourd'hui, tous les grands projets d'infrastructure, routiers ou ferroviaires, sont sujets à recours. C'est pour moi l'effet Notre-Dame-des-Landes, après que l'État a cédé devant les militants opposés à ce projet d'aéroport. Ce sont d'ailleurs souvent les mêmes militants qui contestent tous les grands projets d'infrastructure, sans même parler des bassines. Plus rien n'est possible ! Il faudra prendre des mesures pour que ceux qui déposent des recours assument la responsabilité financière des conséquences de leurs démarches. On ne peut pas admettre que les contribuables paient les pénalités infligées en raison de l'arrêt de ces grands projets. Sinon, nous ne pourrons plus rien faire dans notre pays. Je voulais pousser ce coup de gueule : cela commence à bien faire !
M. Hervé Gillé. - La question n'est pas celle d'être pour ou contre le projet d'autoroute ; c'est une question juridique. Disons les choses comme elles sont, cette proposition de loi de validation vise à contourner une décision du tribunal administratif.
Si la raison impérative d'intérêt public majeur avait été instaurée dès le début du dossier, lorsque la DUP a été prise - ainsi que le Gouvernement le propose maintenant, soit dit en passant -, il y aurait eu une démarche de clarification. La reconnaissance anticipée de la RIIPM permet d'accélérer les procédures, mais elle doit être caractérisée, sinon il n'y aurait qu'à l'imposer pour tous les projets. Les travaux ont démarré sans attendre les recours qui auraient pu être déposés. L'affaire sera jugée le 21 mai prochain. Il y a bien une question de fond : cette proposition de loi vise à contourner une procédure juridique.
Mes chers collègues, je vous alerte. Nous pouvons comprendre le fait de s'interroger, du point de vue législatif, sur la durée des procédures contentieuses, mais ce genre de démarche peut nourrir un sentiment d'impuissance politique, car ce texte se fracassera contre l'avis du Conseil constitutionnel. Le contournement institutionnel n'est pas une bonne solution lorsqu'on traverse une crise institutionnelle et sociétale.
M. Franck Dhersin, rapporteur. - Monsieur Jacquin, attendre que les recours soient tous purgés peut faire perdre dix ans. On ne peut attendre aussi longtemps avant de lancer des travaux. En outre, les inventaires faunistiques et floristiques qui sont réalisés dans le cadre de l'obtention de l'autorisation environnementale ont une durée de vie limitée : une fois les recours purgés, il faudrait recommencer le processus d'autorisation, ce qui donnerait lieu à de nouvelles possibilités de recours. C'est sans fin, et cela empêcherait toute possibilité d'avancer. J'ajouterais que les décisions administratives sont exécutoires, il s'agit d'un principe général du droit : elles créent donc des droits pour leurs bénéficiaires.
Monsieur Dantec, avant la dernière appréciation du juge, il y avait eu de nombreux jugements favorables. Le juge fait son travail et nous faisons le nôtre en légiférant. Nous sommes dans notre droit, et il n'y a aucune volonté de contestation institutionnelle de notre part ni de remise en cause de l'indépendance de la justice.
Monsieur Anglars, il y a effectivement une colère sourde. J'ai reçu le président du département de la Dordogne, le socialiste Germinal Peiro. Il était outré : il en a déjà eu pour plus de 30 millions d'euros avec le contournement routier de Beynac, qui a été annulé par le juge administratif en 2022 ! Il essaye tant bien que mal de trouver des solutions pour avancer autrement.
Monsieur Gillé, la proposition de loi résout la difficulté liée à la raison impérative d'intérêt public majeur, mais elle ne ferme pas le droit au recours sur l'autorisation du projet. D'autres motifs peuvent toujours être présentés au juge.
M. Jean-François Longeot, président. - Le débat est intéressant, mais je me pose des questions : tout le monde demande à être intégré au contrat de plan État-région pour réaliser les moindres travaux d'aménagement, et dès qu'une autoroute est presque réalisée, on cherche à arrêter le projet ? J'aimerais que nous retrouvions ce que nous avons un peu perdu : un peu de bon sens ! Regardez la situation ! Les finances, la dette, l'industrie se portent-elles bien ? Nous voulons que des entreprises s'installent dans les territoires, mais nous empêchons les employés de se déplacer. Dans mon département du Doubs, je me bats pour réduire le trafic des camions sur la RN 83, et on voudrait supprimer une autoroute ?
M. Philippe Folliot. - Monsieur Dantec, nous parlons non d'un projet, mais d'une réalisation : les photos projetées par le rapporteur en témoignent. Je peux entendre un certain nombre d'arguments, mais nous sommes attachés au respect de l'État de droit. Nous n'entendons pas le remettre en cause, nous voulons simplement répondre aux préoccupations de nos concitoyens. Il faut le rappeler, quatorze décisions favorables ont été rendues par la justice administrative, donnant l'autorisation de poursuivre les travaux ! Le 21 mai prochain, une décision sera rendue non au fond, mais sur le sursis d'exécution. Le tribunal administratif se positionnera sur la suspension et non l'annulation de la décision précédente : seul un jugement au fond pourra revenir sur la décision du tribunal administratif, et nous savons tous qu'il n'interviendra pas avant un an, voire dix-huit mois, entraînant les conséquences financières que j'ai mentionnées.
La question est simple : jusqu'à présent, un projet d'intérêt général national et d'utilité publique recevait de fait la qualité de RIIPM. Le tribunal administratif en a décidé autrement. Nous respectons cette décision, mais elle a diverses conséquences, qu'il faut corriger pour la suite, non seulement pour ce cas particulier, mais aussi pour d'éventuels projets futurs.
M. Jean-François Longeot, président. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que le périmètre de la présente proposition de loi inclut les dispositions relatives aux autorisations et décisions réglementaires applicables au projet de liaison autoroutière entre Castres et Toulouse.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
Article unique
L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté sans modification.
RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT
PROPOSITION DE LOI RELATIVE À LA RAISON IMPÉRATIVE D'INTÉRÊT PUBLIC MAJEUR DE LA LIAISON AUTOROUTIÈRE
ENTRE CASTRES ET TOULOUSE
Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie54(*) ».
De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie55(*).
Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte56(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial57(*).
En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.
En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a arrêté, lors de sa réunion du 7 mai 2025, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 452 (2024-2025) relative à la raison impérative d'intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse.
Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives aux autorisations et décisions réglementaires applicables au projet de liaison autoroutière entre Castres et Toulouse.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Mardi 22 avril 2025
- ATOSCA : MM. Thierry BODARD, président, et Martial GERLINGER, directeur général de la concession A69.
- ASF : M. Vivien ISOARD, directeur de maîtrise d'ouvrage Ouest ASF, et Mme Estelle ESPARCIEUX-BOSSIER, directrice du contrat de concession ASF.
- Table ronde avec des juristes : MM. Arnaud GOSSEMENT, avocat, enseignant à l'Université Paris I, et Bertrand MATHIEU, conseiller d'État, professeur à l'École du droit.
- Préfectures du Tarn et de Haute Garonne : MM. Laurent BUCHAILLAT, préfet du Tarn, Pierre-André DURAND, préfet de Haute-Garonne et d'Occitanie, et Yasser ABDOULHOUSSEN, directeur du projet auprès du Préfet du Tarn.
- Table ronde avec des collectivités territoriales :
. Communauté d'agglomération de Castres-Mazamet : M. Pascal BUGIS, président.
. Conseil départemental du Tarn : M. Daniel VIALELLE, vice-président chargé des infrastructures routières.
. Conseil régional d'Occitanie : M. Vincent GAREL, conseiller régional.
. Communauté de communes Sor et Agour : MM. Sylvain FERNANDEZ, président, Jean-Luc ALIBERT, 1er vice-président, et Philippe PEREZ, vice-président.
- Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) : MM. Rodolphe GINTZ, directeur général, et Fabien BALDERELLI, sous-directeur de la gestion et du contrôle du réseau autoroutier concédé.
Lundi 28 avril 2025
- Association « Via 81 » : MM. Guy BOUSQUET, entreprise « La Jardinerie Tarnaise », Didier PHILIPPOU, entreprise Coprover, Mathurin CASTAN, entreprise « Transports internationaux du Tarn », et Philippe GRIFOLL, agent immobilier.
- Table ronde d'acteurs économiques :
. Chambre de commerce et d'industrie du Tarn : M. Michel BOSSI, président.
. Chambre des métiers et de l'artisanat du Tarn : M. Jean-Michel CAMPS, président.
. Chambre d'agriculture du Tarn : M. Sébastien BRUYERE, président.
. Laboratoires Pierre Fabre : M. Éric DUCOURNAU, directeur général.
Mardi 29 avril 2025
- Auteurs de la proposition de loi : M. Philippe Folliot, Sénateur du Tarn, et Mme Marie-Lise Housseau, Sénatrice du Tarn.
- Table ronde d'organisations professionnelles :
. MEDEF du Tarn : M. Lilian CLERC, président.
. U2P du Tarn : M. Philippe FABBRO, 1er vice-président.
. Syndicat des transporteurs routiers du Tarn : M. Manuel BLAZQUEZ, président.
- Table ronde « Retour d'expérience sur l'annulation du projet de contournement routier de Beynac » en 2022 : MM. Christophe LEYSSENNE, directeur départemental des territoires de la Dordogne, Nicolas DUFAUD, secrétaire général, Jean-Sébastien LAMONTAGNE, ancien préfet de Dordogne, directeur de cabinet auprès du préfet d'Île-de-France, vice-président du Conseil supérieur de l'appui territoriale et de l'évaluation (CSATE), Germinal PEIRO, président du Conseil départemental de Dordogne, et Nicolas ZINAMSGVAROV, avocat.
LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
- Conseil national de protection de la nature
- Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) Occitanie
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl24-452.html
* 1 L'A680 est une courte autoroute, qui constitue une antenne de l'A68 et qui relie cette dernière à la D20 en direction de Castres.
* 2 Notion issue de la directive 92/43/CE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, dite directive « habitats ».
* 3 Un système de péage à flux libre est prévu sur l'A69, avec reconnaissance de plaques. Le tarif de péage annoncé serait de 6,77 €, avec une réduction de 20 % pour les véhicules électriques et des réductions pour les usagers fréquents. En outre, un accord de réduction des tarifs au droit des déviations existantes de Soual et de Puylaurens a été signé le 12 février 2025 (33 % de réduction de tarif pour les véhicules légers sur la section située entre les futurs diffuseurs de Villeneuve-lès-Laveur et de Soual-Est). Il devra néanmoins être formalisé par un avenant au contrat de concession.
* 4 L'A680 est une courte autoroute, qui constitue une antenne de l'A68 et qui relie cette dernière à la D20 en direction de Castres.
* 5 Article 1er de la décision du 25 juin 2010 consécutive au débat public sur le projet d'achèvement de la mise à 2x2 voies de la liaison Castres-Toulouse par mise en concession autoroutière : « Le principe de l'achèvement de la mise à 2x2 voies de la liaison entre Castres et Toulouse selon l'itinéraire RN 126 par mise en concession autoroutière est retenu ; les études préalables à la déclaration d'utilité publique seront poursuivies en ce sens. »
* 6 Arrêté préfectoral du 02 mars 2023 portant autorisation environnementale pour le projet de mise à 2x2 voies de l'A680 entre Castelmaurou et Verfeil.
* 7 Arrêté interdépartemental du 1er mars 2023 portant autorisation concernant la liaison autoroutière de Verfeil à Castres.
* 8 Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 5 mars 2021, n° 424323.
* 9 Il importe néanmoins de noter que la notion d'intérêt public, au sens de la DUP, n'est pas identique à la notion de RIIPM qui découle du droit européen et qui, en outre, n'est pas appréciée au même stade de la procédure. La notion de RIIPM découle en outre de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages.
* 10 Depuis 2017, les différentes procédures et décisions requises pour la réalisation de projets soumis à évaluation environnementale - c'est-à-dire ayant des effets importants sur l'environnement - sont fusionnées au sein d'une unique autorisation environnementale. Cette autorisation intègre notamment la dérogation dite « espèces protégées » prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement.
* 11 Décision n° 80-119 DC du 22 juillet 1980.
* 12 Décision n° 2004-509 DC du 13 janvier 2005.
* 13 Décision n° 2013-366 QPC du 14 février 2014.
* 14 CE, 27 octobre 1995, 150703.
* 15 Décision n° 99-422 DC du 21 décembre 1999.
* 16 Décision n° 2006-545 DC du 28 décembre 2006.
* 17 Décision n° 2014-695 DC du 24 juillet 2014.
* 18 Source : réponses de l'Insee au questionnaire écrit du rapporteur.
* 19 Source : réponses des préfectures du Tarn et de la Haute-Garonne au questionnaire écrit du rapporteur.
* 20 Source : réponses des chambres consulaires du Tarn au questionnaire écrit du rapporteur.
* 21 Source : CCI Tarn, Observatoire économique des CCI d'Occitanie et CCI Occitanie, Étude de territoire sur le périmètre A69, 13 mars 2025.
* 22 Liste des 11 agglomérations prises en compte dans cette étude : CA Carcassonne Agglo, CA du Grand Cahors, CA Castres-Mazamet, CA Coeur et Coteaux de Comminges, CA Grand Albigeois, CA Grand Auch coeur de Gascogne, CA Grand Montauban, CA Pays Foix Varilhes, CA Portes de l'Ariège, CA Rodez Agglomération et CA Tarbes Lourdes Pyrénées.
* 23 Source : CCI Tarn, Observatoire économique des CCI d'Occitanie et CCI Occitanie, Étude socio-économique : évolution de Castres-Mazamet comparativement à 10 autres agglomérations reliées à la métropole toulousaine par un axe autoroutier, 13 mars 2025.
* 24 Un indice autour de 100 indique que les 60 ans et plus et les moins de 20 ans sont présents dans à peu près les mêmes proportions sur le territoire; plus l'indice est faible plus le rapport est favorable aux personnes âgées, plus il est élevé plus il est favorable aux jeunes.
* 25 Source : Idem.
* 26 Source : réponses du groupe Pierre Fabre au questionnaire écrit du rapporteur.
* 27 Source : réponses des chambres consulaires du Tarn au questionnaire écrit du rapporteur.
* 28 Source : réponses des chambres consulaires du Tarn au questionnaire écrit du rapporteur.
* 29 Source : réponses des chambres consulaires du Tarn au questionnaire écrit du rapporteur.
* 30 Source : réponses de la préfecture du Tarn au questionnaire écrit du rapporteur.
* 31 Source : réponses des préfectures du Tarn et de Haute-Garonne au questionnaire écrit du rapporteur.
* 32 Source : réponses des préfectures du Tarn et de Haute-Garonne au questionnaire écrit du rapporteur.
* 33 Source : Observatoire national interministériel de la sécurité routière, Accidentalité routière en 2024 en France.
* 34 Source : ASFA, Les chiffres clés 2023.
* 35 Source : réponses d'Atosca au questionnaire écrit du rapporteur.
* 36 Source : réponses des préfectures du Tarn et de Haute-Garonne au questionnaire écrit du rapporteur.
* 37 Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités.
* 38 Défini par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
* 39 Source : réponses d'Atosca au questionnaire écrit du rapporteur.
* 40 Source : réponses d'ASF au questionnaire écrit du rapporteur.
* 41 Source : réponses du Medef du Tarn au questionnaire écrit du rapporteur.
* 42 Source : réponses des chambres consulaires du Tarn au questionnaire écrit du rapporteur.
* 43 Source : réponses des préfectures du Tarn et de Haute-Garonne au questionnaire écrit du rapporteur.
* 44 Idem.
* 45 Idem.
* 46 Source : réponses du Medef du Tarn au questionnaire écrit du rapporteur.
* 47 Source : réponses des chambres consulaires au questionnaire écrit du rapporteur.
* 48 Source : réponses d'Atosca au questionnaire écrit du rapporteur.
* 49 Source : réponses de la communauté de communes de Sor et Agout au questionnaire écrit du rapporteur.
* 50 Source : réponses des chambres consulaires du Tarn au questionnaire écrit du rapporteur.
* 51 Décision n° 2020-809 DC du 10 décembre 2020.
* 52 Décision n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003.
* 53 Conseil d'État, Assemblée, 2 juillet 1982, Huglo, n° 25288.
* 54 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 -- Loi portant réforme des retraites.
* 55 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
* 56 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.
* 57 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.