L'ESSENTIEL
La commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a adopté, le 14 mai 2025, son texte sur le projet de loi relatif au transfert à l'État des personnels enseignants de l'enseignement du premier degré dans les îles Wallis et Futuna.
Le système éducatif sur ce territoire se caractérise par une situation unique en France : l'enseignement primaire y est concédé depuis 1969 à la Mission catholique. Les enseignants sont des agents de droit privé employés par la direction de l'enseignement catholique et dont les conditions de rémunération sont définies par l'annexe II de la convention de concession.
Depuis les années 1990, des grèves secouent régulièrement l'enseignement primaire. La dernière d'entre elles, en 2023, qui a duré plus de 2 mois et demi, a fortement dégradé les relations entre les enseignants et la direction de l'enseignement catholique. Il existe aujourd'hui un consensus de l'ensemble des acteurs locaux pour mettre un terme à ce système de concession et intégrer les enseignants dans le corps national des professeurs des écoles.
Ce texte habilite le gouvernement à définir par ordonnance les modalités d'intégration des personnels enseignants dans la fonction publique ainsi que d'option pour le régime de retraite.
Sur proposition de la rapporteure, la commission a adopté un amendement précisant le contenu de l'ordonnance afin que tous les personnels enseignants actuellement en poste à Wallis et Futuna soient intégrés dans la fonction publique.
La rapporteure estime que la réussite de cette réforme nécessite un accompagnement au plus près des personnels par la création notamment d'une circonscription de l'éducation nationale dédiée et appelle le Gouvernement à tirer rapidement toutes les conséquences de la fin du régime de concession en prévoyant dans les plus brefs délais d'appliquer aux personnels non enseignants le droit commun du code de la fonction publique, sous réserve d'adaptations pour tenir compte des spécificités locales.
I. UNE ORGANISATION SCOLAIRE ATYPIQUE FRUIT D'UN HÉRITAGE HISTORIQUE AU BORD DE LA RUPTURE
A. UNE DÉLÉGATION DE L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE À L'ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE
Depuis la fin du XIXème siècle, l'enseignement est assuré à Wallis et Futuna par la Mission catholique. Lorsque ces îles ont quitté leur statut de protectorat pour devenir des territoires d'outre-mer en 1961, l'article 7 de la loi du 29 juillet 1961 conférant ce nouveau statut a donné compétence exclusive de l'État en matière scolaire, tant sur le contenu pédagogique, les programmes, l'organisation que le bâti scolaire.
Face au monopole éducatif de l'église, mais également pour préserver les équilibres entre l'ensemble des acteurs locaux, l'État a toutefois concédé l'organisation et le fonctionnement de l'enseignement primaire à la Mission catholique en 1969. Celle-ci exerce cette responsabilité via un établissement scolaire unique, dénommé direction de l'enseignement catholique (DEC).
Situation unique en France, Wallis et Futuna se caractérise par l'existence d'une école exclusivement privée et catholique.
L'enseignement primaire et secondaire à Wallis et Futuna en 2023
Il y a à Wallis et Futuna 10 écoles maternelles, élémentaires ou primaires - 7 à Wallis et 3 à Futuna qui accueillent un peu plus de 1400 élèves (1088 écoliers à Wallis et 331 à Futuna).
Pour le second degré, le territoire compte 6 collèges, dont 2 à Futuna, ainsi qu'un lycée général et technique et un lycée agricole créé en 2012. 844 collégiens et 464 lycéens, hors enseignement agricole, y sont scolarisés.
On dénombre 137 enseignants du premier degré, 181 enseignants du second degré, 122 fonctionnaires non enseignants et 75 agents locaux.
Source :Les chiffres de l'éducation à Wallis et Futuna, 2023, Vice-Rectorat
Cette délégation prend la forme de conventions renouvelées régulièrement. Celle actuellement en vigueur a été signée le 5 juin 2020 pour une période de cinq ans. Elle prévoit la concession :
· de l'enseignement maternel et élémentaire
La direction de l'enseignement catholique (DEC) s'engage à accueillir tous les enfants sans distinction et à les scolariser gratuitement. Pour sa part, l'État assure la rémunération des maîtres d'école, que l'article 20 de la convention de concession qualifie d'agents de droit privé. Leurs statut et modalités de rémunération sont fixés par l'annexe II de cette convention.
Un système juridique hybride, source de complexité
- L'État assure le recrutement des élèves maîtres du premier degré, employés par la direction de l'enseignement catholique, par un concours organisé par le vice-rectorat ;
- Chaque maître du premier degré signe avec l'administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna un contrat d'agrément sur proposition conjointe du vice-recteur et du directeur de l'enseignement catholique ;
- Le maître du premier degré est ensuite mis à disposition de la direction de l'enseignement catholique ;
- La promotion d'échelon est prononcée par l'administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna sur proposition du vice-recteur, après avis du directeur de l'enseignement catholique et de la commission consultative mixte territoriale ;
- L'article 20 de la convention de concession précise que les maîtres d'école sont des agents de droit privé ;
- Dans un conflit juridique opposant la direction de l'enseignement catholique à un enseignant mis à disposition pour des fonctions administratives, celle-ci a défendu devant le juge l'absence de relation de travail entre elle et le personnel enseignant en raison de l'absence de contrat de travail liant cette personne à la DEC ainsi que l'absence de liens de subordination.
· des travaux de construction, d'aménagement, d'entretien et de mise en sécurité des bâtiments scolaires pour lesquels l'État est compétent
L'État verse à la DEC une « dotation unique et forfaitaire » pour lui permettre de prendre en charge ces dépenses. Les agents administratifs, techniques et spécialisés qui travaillent dans les écoles primaires sont rémunérés par la DEC via cette dotation.