II. UN PROJET DE LOI ATTENDU, MAIS LA NÉCESSITÉ D'UN ACCOMPAGNEMENT AU SERVICE DE LA RÉUSSITE DES ÉLÈVES

A. UN PROJET DE LOI D'HABILITATION RÉPONDANT AUX ATTENTES DE LA SOCIÉTÉ WALLISIENNE ET FUTUNIENNE

· Un transfert des enseignants à l'État qui fait consensus

Les auditions ont montré un consensus sur le transfert des maîtres d'école à l'État.

L'intégration dans la fonction publique met fin à une situation perçue par les enseignants comme un héritage colonial. Elle sécurise leur statut juridique et leur permet de bénéficier des mêmes droits que l'ensemble des enseignants.

Le rectorat souhaite reprendre la main sur l'enseignement pour pouvoir mieux le piloter au bénéfice de la réussite des élèves : leurs résultats aux évaluations nationales sont actuellement nettement inférieurs à la moyenne nationale.

La direction de l'enseignement catholique pointe la dégradation de ses relations avec les enseignants rendant très difficile toute discussion.

Les parents d'élèves espèrent que ce transfert permettra l'amélioration de l'école et la fin des conflits sociaux qui secouent régulièrement l'école primaire depuis plusieurs décennies.

· Un projet d'habilitation portant sur l'intégration des personnels enseignants dans la fonction publique et leur affiliation à la caisse des retraites

Le projet de loi d'habilitation permet par ordonnance l'intégration des personnels enseignants de Wallis et Futuna dans la fonction publique. L'article L. 320-1 du code de la fonction publique pose le principe d'un recrutement des fonctionnaires par concours, sauf dérogation législative. Or les maîtres d'école de Wallis et Futuna sont des agents de droit privé.

Il permet également au Gouvernement par ordonnance de préciser les conditions et modalités d'option des enseignants en faveur du maintien de leur affiliation à la caisse des prestations sociales des îles Wallis et Futuna, où l'âge légal du départ à la retraite est moins élevé qu'en métropole. Selon les informations transmises à la rapporteure, le projet d'ordonnance ouvre cette possibilité d'option à tous les enseignants, sans durée minimum d'ancienneté, dans un délai de 6 mois à compter de leur intégration dans le corps des professeurs des écoles. À défaut, l'enseignant sera affilié au régime de retraite de la fonction publique.

B. LA POSITION DE LA COMMISSION : LA NÉCESSITÉ D'ACCOMPAGNER CETTE RÉFORME AU SERVICE DE LA RÉUSSITE DES ÉLÈVES

La rapporteure regrette qu'une fois de plus, la situation des outre-mer soit traitée par ordonnance ne permettant pas au Parlement de se saisir pleinement de ces sujets.

Par ailleurs, elle ne peut que constater le délai pris par le Gouvernement pour présenter cette réforme dont le principe a été acté lors du protocole d'accord de fin de conflit signé à l'été 2023, puis précisé par le rapport conjoint d'inspections en mars 2024. À quelques jours du 5 juin 2025, date de la fin de la convention actuelle de concession, ce retard place le législateur dans une situation d'urgence peu propice à un examen serein d'une situation particulièrement complexe.

· Garantir le transfert de l'ensemble des enseignants

Il ressort des auditions ainsi que du projet d'ordonnance que seuls les maîtres d'école titulaires d'un baccalauréat ou d'un diplôme classé au moins de niveau 4 du répertoire national des certifications professionnelles seraient intégrés dans la fonction publique. Il en résulte que 10 enseignants, actuellement en poste, mais non titulaires du baccalauréat, seraient exclus du dispositif.

Alors que cette situation existe depuis de nombreuses années et est connue du ministère de l'éducation nationale, la commission estime inacceptable de créer aujourd'hui une différence de traitement entre ces personnels.

Aussi, sur proposition de la rapporteure, la commission a adopté un amendement précisant que l'habilitation pour une intégration dans la fonction publique concerne l'ensemble du personnel enseignant de Wallis et Futuna, quel que soit leur niveau de diplôme.

· Éviter une rupture d'égalité de traitement entre les enseignants susceptible de déstabiliser le système éducatif dans les territoires français du Pacifique

Au lendemain de la mise en oeuvre du protocole de fin de conflit en mai 2023, les maîtres d'école de Wallis et Futuna bénéficient d'une rémunération nette mensuelle supérieure à celle de leurs collègues des territoires français du Pacifique (supérieure de 16 % par rapport à celle des enseignants de Polynésie française et de 24 % par rapport à celle des enseignants de Nouvelle-Calédonie). Ce différentiel s'explique à la fois par des prélèvements sociaux plus faibles dans le cadre du régime spécifique de la caisse des prestations sociales de Wallis et Futuna et une nouvelle grille indiciaire plus favorable.

La commission attire l'attention sur la nécessité de préserver un certain équilibre dans les niveaux de rémunérations entre les enseignants de Wallis et Futuna et ceux de Polynésie française ainsi que de Nouvelle-Calédonie. Une intégration dans la fonction publique dans des conditions susceptibles de créer des écarts significatifs, qui ne seraient pas justifiés par le coût de la vie locale, risquerait d'engendrer des conflits sociaux dans les territoires voisins.

· Accompagner administrativement la mise en oeuvre de cette réforme

La rapporteure estime nécessaire la création d'une circonscription de l'éducation nationale à Wallis et Futuna, en s'appuyant sur les équipes d'inspection déjà présentes. Cette entité administrative participerait à la normalisation de la situation scolaire à Wallis et Futuna et s'inscrirait pleinement dans la volonté du rectorat de renforcer le pilotage pédagogique. Elle serait également le garant de rendez-vous de carrière plus réguliers dans un contexte marqué par de profondes modifications dans l'avancement de certains enseignants du fait de leur intégration dans le corps des professeurs des écoles.

· Intégrer rapidement dans la fonction publique des personnels administratifs et techniques des premier et second degrés

Le projet d'habilitation se limite aux seuls personnels enseignants et omet le sort des 49 personnels non enseignants du premier degré (personnels administratifs et techniques) qui redeviennent agents de l'État, compétents sur le bâti scolaire.

Or, les agents d'État sont régis à Wallis et Futuna par l'arrêté n° 76 du 23 septembre 1976 portant statut des agents permanents de l'administration du territoire de Wallis et Futuna - dit « arrêté 76 ».

Celui-ci est considéré comme obsolète par le rapport d'inspection. Il implique également au quotidien des modalités différentes de traitement en termes de congés, de coefficients d'éloignement selon que l'agent soit fonctionnaire ou relevant de cet arrêté, alors même qu'ils occupent des missions similaires.

En outre, cet arrêté ne s'appliquera plus qu'aux personnels non enseignants du premier et second degré, soit environ 120 personnes : la collectivité territoriale de Wallis et Futuna ainsi que les circonscriptions ont créé en 2022 un statut spécifique qui s'applique à leurs agents territoriaux.

La commission appelle le Gouvernement à traiter rapidement la situation de ces personnels.

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