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L'ESSENTIEL 5

I. LES INFORMATIONS RELATIVES AUX INÉLIGIBILITÉS SONT ACTUELLEMENT MORCELÉES, EMPÊCHANT UN CONTRÔLE EXHAUSTIF DANS LES DÉLAIS D'ENREGISTREMENT DES CANDIDATURES 6

A. AU-DELÀ DES CONDITIONS D'ÉLIGIBILITÉ, LE CODE ÉLECTORAL FIXE DES RÈGLES D'INÉLIGIBILITÉS 6

B. MALGRÉ CERTAINES AVANCÉES, LE CONTRÔLE A PRIORI DE L'ABSENCE D'INÉLIGIBILITÉ DEMEURE RESTREINT 7

II. LE NOUVEAU FICHIER NATIONAL DES PERSONNES INÉLIGIBLES VISE À FACILITER LE CONTRÔLE DE L'ÉLIGIBILITÉ A PRIORI PAR LES SERVICES PRÉFECTORAUX 8

III. UN OUTIL PRÉCIEUX FOURNI AUX PRÉFECTURES POUR LE CONTRÔLE DE L'ÉLIGIBILITÉ, MAIS UN TEXTE À RESSERRER SUR SES DISPOSITIONS DE NATURE LÉGISLATIVE ET À COMPLÉTER PAR L'OBLIGATION FAITE AUX PRÉFECTURES DE CONSULTER LE NOUVEAU RÉPERTOIRE 10

A. LA COMMISSION VOIT DANS CETTE NOUVELLE BASE DE DONNÉES UN INSTRUMENT À L'INTÉRÊT INCONTESTABLE POUR LES PRÉFECTURES, QUI NÉCESSITERAIT TOUTEFOIS DES DÉVELOPPEMENTS TECHNIQUES CONSÉQUENTS, ET INVITE À PRÉSERVER LA SOUPLESSE DU DISPOSITIF 10

B. SOUCIEUSE DE POUSSER À SON TERME LA LOGIQUE DE LA PROPOSITION DE LOI, LA COMMISSION A PRÉVU L'OBLIGATION EXPLICITE, POUR LES SERVICES CHARGÉS D'ENREGISTRER LES CANDIDATURES, DE CONSULTER CE NOUVEAU RÉPERTOIRE 11

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE 13

· Article unique Création d'un fichier national des personnes inéligibles 13

· Intitulé de la proposition de loi 30

EXAMEN EN COMMISSION 31

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT 39

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES 41

CONTRIBUTION ÉCRITE 41

LA LOI EN CONSTRUCTION 43

L'ESSENTIEL

Droit constitutionnel découlant de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, l'éligibilité répond à des critères fixés par le code électoral dont certains sont applicables à l'ensemble des élections, et d'autres sont propres à chaque élection.

Le respect de ces conditions est assuré à la fois au moyen d'un contrôle a priori réalisé par les services préfectoraux, chargés de l'enregistrement des candidatures aux principales élections, et d'un contrôle a posteriori confié au juge de l'élection. Les conséquences du constat de l'inéligibilité varient sensiblement selon ces deux modalités : en amont de l'élection, celui-ci doit constituer un motif de refus d'enregistrement de la candidature ; en aval de l'élection, il peut conduire à annuler l'élection dans son ensemble.

La vérification de l'éligibilité des candidats, ou du moins de l'absence d'inéligibilité, revêt ainsi une importance décisive au regard de la sincérité du processus électoral, du caractère équitable de la compétition entre les candidats, et, in fine, de la confiance des citoyens dans les élections.

Pourtant, si les services préfectoraux disposent actuellement de quelques outils leur permettant de contrôler certains cas d'inéligibilité, il n'existe pas d'instrument de contrôle systématique et automatique permettant de traiter l'ensemble des candidatures, dans les délais contraints d'enregistrement de celles-ci qui incombent aux préfectures.

Dans ce contexte, la proposition de loi n° 884 (2024-2025), déposée le 2 septembre 2025 par Sophie Briante Guillemont, vise à créer un fichier national des personnes inéligibles, qui recenserait les inéligibilités découlant de trois types de décision : les décisions des juridictions pénales, des juges électoraux (juridictions administratives et Conseil constitutionnel) et du juge judiciaire. Le texte propose de confier la gestion de ce nouveau fichier, qui serait inscrit dans le code électoral, au ministère de l'intérieur, et précise ses modalités d'alimentation et de consultation.

La commission a souscrit à l'objectif de la proposition de loi en ce qu'elle offrira aux services chargés de l'enregistrement des candidatures un outil précieux leur permettant de vérifier, de façon rapide et exhaustive, l'absence d'inéligibilité des candidats. En sus des probables gains de coût et de temps qui pourront être espérés à long terme, la commission salue une mesure susceptible de contribuer à réduire le nombre d'annulations d'élections par le juge électoral.

Soucieuse de garantir la souplesse et l'adaptabilité de ce nouveau fichier s'agissant de ses modalités techniques, elle a, à l'initiative du rapporteur, resserré le texte sur ses dispositions relatives à la création, à la définition et à la finalité de ce qu'elle a préféré renommer « répertoire ».

Enfin, la commission a prévu l'obligation pour les services préfectoraux de consulter la nouvelle base de données, de manière à pousser la logique du texte à son terme et d'assoir législativement l'obligation de contrôle a priori de l'absence d'inéligibilité.

Sur la proposition du rapporteur, la commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

I. LES INFORMATIONS RELATIVES AUX INÉLIGIBILITÉS SONT ACTUELLEMENT MORCELÉES, EMPÊCHANT UN CONTRÔLE EXHAUSTIF DANS LES DÉLAIS D'ENREGISTREMENT DES CANDIDATURES

A. AU-DELÀ DES CONDITIONS D'ÉLIGIBILITÉ, LE CODE ÉLECTORAL FIXE DES RÈGLES D'INÉLIGIBILITÉS

Les conditions générales d'éligibilité, applicables aux candidats pour l'ensemble des élections, sont la nationalité, la qualité d'électeur, la majorité1(*), et le respect des obligations imposées par le code du service national2(*). Sont également prévues des conditions d'éligibilité propres à chaque élection : par exemple, les candidats aux élections municipales doivent justifier de leur qualité d'électeurs de la commune ou d'inscription au rôle des contributions directes de la commune au 1er janvier de l'année d'élection3(*).

Le code électoral fixe également des règles d'inéligibilités qui s'apprécient au premier tour de scrutin. On distingue quatre principaux motifs d'inéligibilité :

· l'inéligibilité résultant d'une condamnation pénale4(*) ;

· l'inéligibilité prononcée par le juge électoral en cas de violation de la législation sur la campagne électorale ou de manquement aux obligations de transparence5(*) ou fiscales6(*) ;

· l'inéligibilité liée à l'absence de capacité juridique, les personnes placées sous tutelle ou sous curatelle n'étant pas éligibles7(*) ;

· l'inéligibilité fonctionnelle, liée à la fonction de la personne. Visant à éviter les conflits d'intérêts, elle varie selon les élections. À la différence des trois autres motifs d'inéligibilité, elle est subjective et relative.

B. MALGRÉ CERTAINES AVANCÉES, LE CONTRÔLE A PRIORI DE L'ABSENCE D'INÉLIGIBILITÉ DEMEURE RESTREINT

Hérité d'une conception selon laquelle, d'une part, l'État, incarné en la personne des préfets, devait rester le plus éloigné possible du processus électoral et, d'autre part, le primat doit être donné à la liberté de candidature, le contrôle de l'éligibilité est aujourd'hui principalement exercé a posteriori par le juge de l'élection.

Cette logique conduit à des annulations d'élections lorsque le juge, saisi d'un recours, constate l'inéligibilité d'un candidat, rendant ensuite nécessaire la tenue d'élections partielles8(*).

Si des outils de contrôle a priori existent, leur efficacité paraît limitée.

· S'agissant des inéligibilités résultant d'une sanction pénale

Les autorités compétentes pour recevoir les déclarations de candidature à une élection peuvent, depuis la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, demander la délivrance du bulletin n°2 (B2) du casier judiciaire des candidats, afin de vérifier si la peine complémentaire d'inéligibilité y est mentionnée9(*).

Le casier judiciaire national (CJN) n'étant toutefois pas équipé pour assurer une transmission automatisée et systématisée des B2 aux préfectures, les préfectures sont contraintes de demander des B2 pour chacun des candidats. Ainsi, lors des élections municipales de 2020, seules 6 % des candidatures (soit 62 000 sur un total de 902 465) ont fait l'objet d'une demande de B2, pour une seule inéligibilité d'après les informations transmises par le casier judiciaire national10(*). En outre, bien que la procédure soit compatible avec le délai de quatre jours donné à l'autorité pour remettre le récépissé définitif de candidature11(*), elle paraît fastidieuse au regard du nombre d'étapes qu'elle comprend12(*).

Le nouveau service « B2+ », déployé par le ministère de la justice d'ici la fin d'année 2025, doit permettre, pour les élections municipales et communautaires des 15 et 22 mars 2026, aux services préfectoraux d'obtenir, dans la majorité des cas, le B2 d'un candidat dans un délai maximal de 24 à 48 heures. Toutefois, ce nouveau service ne permettra pas davantage de systématiser le contrôle pour l'intégralité des candidatures13(*) : les consultations demeureront ponctuelles.

Récemment, la vérification des inéligibilités pénales a fait l'objet de deux recommandations comparables de la part d'inspections générales, d'une part, et de la Cour des comptes, d'autre part. Est ainsi suggérée la mise en oeuvre d'un « répertoire » des personnes inéligibles construit à partir du casier judiciaire national, auquel auraient accès les autorités chargées d'examiner la recevabilité des candidatures aux élections14(*). À la suite de ces travaux, le ministère de l'intérieur a indiqué avoir entamé avec le ministère de la justice « des échanges exploratoires », tandis que ce dernier a rappelé au rapporteur que les priorités actuelles du casier judiciaire national sur le plan informatique n'avaient pas permis de mener d'études sur un projet de répertoire des personnes inéligibles.

· S'agissant des inéligibilités résultant de l'incapacité juridique

Il n'existe pas de système d'information centralisé répertoriant les décisions de placement sous tutelle ou curatelle : le registre des mesures de protection des majeurs protégés, prévu par la loi n° 2024-317 du 8 avril 2024 à l'article 427-1 du code civil, n'a en effet pas encore vu le jour15(*). À l'heure actuelle, seul l'extrait de la copie intégrale de l'acte de naissance - qui n'est pas requis lors du dépôt des candidatures - permettrait à l'autorité enregistrant la candidature d'identifier cette cause d'inéligibilité16(*).

II. LE NOUVEAU FICHIER NATIONAL DES PERSONNES INÉLIGIBLES VISE À FACILITER LE CONTRÔLE DE L'ÉLIGIBILITÉ A PRIORI PAR LES SERVICES PRÉFECTORAUX

Afin de traduire la recommandation faite à l'automne 2024 par la Cour des comptes au regard des difficultés rencontrées par les préfectures dans la vérification des inéligibilités17(*), la proposition de loi vise à créer un fichier national des personnes inéligibles.

À cette fin, son article unique tend à créer un nouveau chapitre III bis au sein du titre Ier du livre Ier du code électoral18(*), qui serait relatif à ce nouveau fichier et comprendrait sept articles.

Ce nouveau fichier aurait pour but de recenser l'identité de l'ensemble des personnes ayant été déclarés inéligibles en conséquence :

· d'une condamnation pénale ;

· d'une décision du juge électoral (juge administratif ou Conseil constitutionnel) ;

· d'une décision du juge judiciaire prononçant une mesure de protection juridique d'une personne majeure à l'origine de la perte du droit d'éligibilité.

Le fichier comprendrait une liste d'informations relatives à l'identification des personnes inéligibles, d'une part (nom, date de naissance, nationalité et domicile), et à la situation d'inéligibilité, d'autre part (date de début et de fin de la période d'inéligibilité, motif, référence et auteur de la décision à l'origine de l'inéligibilité et mandats concernés).

La gestion du fichier national des personnes inéligibles serait confiée au ministère de l'intérieur, tandis que son alimentation incomberait :

· aux services du ministère de la justice chargés de la gestion du casier judiciaire national19(*), pour les inéligibilités résultant de condamnations pénales ;

· au Conseil d'État20(*), pour les inéligibilités résultant d'une décision du juge administratif ;

· aux services du ministère de l'intérieur, pour les décisions d'inéligibilité prononcées par le Conseil constitutionnel ;

· aux greffes des tribunaux judiciaires, pour les décisions de mesure de protection juridique d'une personne majeure.

La proposition de loi précise, en outre, la liste des personnes ou services autorisés à consulter le nouveau fichier, à savoir :

· les autorités compétentes pour enregistrer les déclarations de candidature ;

· les juridictions administratives et judiciaires ainsi que le Conseil constitutionnel ;

· pour les seules informations qui les concernent, les personnes inscrites dans le fichier.

Est également prévu le droit de rectification des données la concernant, en cas d'erreur, pour la personne inscrite au fichier ou son représentant légal.

Enfin, les modalités d'application du chapitre ainsi créé seraient renvoyées à un décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil).

III. UN OUTIL PRÉCIEUX FOURNI AUX PRÉFECTURES POUR LE CONTRÔLE DE L'ÉLIGIBILITÉ, MAIS UN TEXTE À RESSERRER SUR SES DISPOSITIONS DE NATURE LÉGISLATIVE ET À COMPLÉTER PAR L'OBLIGATION FAITE AUX PRÉFECTURES DE CONSULTER LE NOUVEAU RÉPERTOIRE

A. LA COMMISSION VOIT DANS CETTE NOUVELLE BASE DE DONNÉES UN INSTRUMENT À L'INTÉRÊT INCONTESTABLE POUR LES PRÉFECTURES, QUI NÉCESSITERAIT TOUTEFOIS DES DÉVELOPPEMENTS TECHNIQUES CONSÉQUENTS, ET INVITE À PRÉSERVER LA SOUPLESSE DU DISPOSITIF

Le rapporteur salue dans la création d'un fichier national des personnes inéligibles une mesure bienvenue : en consolidant en une seule base les données provenant de plusieurs sources, elle permettrait aux préfectures d'effectuer un contrôle rapide et exhaustif de l'éligibilité des candidats, génèrerait à long terme des gains de coût et de temps, et limiterait le risque d'annulation des élections a posteriori par le juge, ce qui pourrait contribuer, in fine, à restaurer la confiance des citoyens dans le processus électoral et la démocratie.

Le rapporteur souligne également qu'une telle base de données permettrait une meilleure prise en compte du principe de minimisation des données personnelles auxquelles accèdent les agents, dans la mesure où le B2 communiqué actuellement aux services préfectoraux ne se limite pas aux informations relatives à la seule peine d'inéligibilité (lorsqu'elle existe).

La mise en place d'un tel outil supposerait toutefois des développements informatiques conséquents ainsi que des moyens budgétaires supplémentaires. À cet égard, la commission est pleinement consciente que la base de données visée ne pourra être opérationnelle à brève échéance. Rappelant que le répertoire électoral unique a vu le jour près de 3 ans après la loi qui a prévu sa création21(*), la commission a estimé réaliste l'horizon temporel de la fin d'année 2029 tel que précisé par l'amendement du rapporteur.

En tout état de cause, il a paru indispensable à la commission, dans un double objectif d'opérationnalité et de respect de la répartition entre le domaine de la loi et celui du règlement, de préserver la souplesse et l'adaptabilité du dispositif, qui sont gages de son succès.

C'est pourquoi elle a, à l'initiative du rapporteur, resserré les dispositions de la proposition de loi sur celles relevant du strict champ de la loi. En particulier, il reviendra au pouvoir réglementaire d'identifier l'autorité compétente chargée de gérer et d'alimenter le fichier que vise à créer la proposition de loi22(*), et de préciser ses modalités de consultation.

Enfin, la commission a jugé préférable de nommer « répertoire », plutôt que « fichier », cette nouvelle base de données, par cohérence avec d'autres outils dématérialisés existant en matière électorale.

B. SOUCIEUSE DE POUSSER À SON TERME LA LOGIQUE DE LA PROPOSITION DE LOI, LA COMMISSION A PRÉVU L'OBLIGATION EXPLICITE, POUR LES SERVICES CHARGÉS D'ENREGISTRER LES CANDIDATURES, DE CONSULTER CE NOUVEAU RÉPERTOIRE

Pour le rapporteur, le périmètre des types d'inéligibilité que couvrirait le futur répertoire est pertinent en ce qu'il se concentre sur les inéligibilités objectives dont l'absence peut être contrôlée de façon absolue, à la différence des inéligibilités fonctionnelles.

Le rapporteur rappelle néanmoins qu'en l'état du droit, le champ des inéligibilités est plus large que la portée des obligations législatives faites aux préfets s'agissant du contrôle a priori de l'éligibilité : s'agissant des élections municipales, la rédaction actuelle de l'article L. 265 du code électoral ne suffit ainsi pas à contraindre le préfet à contrôler l'éligibilité des candidats au regard des décisions prononcées par le juge civil ou électoral, notamment. Aussi le rapporteur souligne-t-il la nécessité de compléter le texte d'une disposition prévoyant expressément l'obligation de consultation du nouveau fichier par les autorités compétentes pour recevoir les déclarations de candidature, de manière à créer une obligation de contrôle a priori de l'absence d'inéligibilité correspondant aux cas d'inéligibilité couverts par le fichier. Dans un objectif de cohérence et d'efficacité, la commission a adopté l'amendement du rapporteur à cette fin.

*

* *

La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique
Création d'un fichier national des personnes inéligibles

L'article unique de la proposition de loi tend à créer un fichier national des personnes inéligibles en complétant le code électoral d'un nouveau chapitre composé de sept articles. Ce nouveau fichier aurait pour but de recenser l'identité de l'ensemble des personnes ayant été déclarées inéligibles en conséquence d'une condamnation pénale, d'une décision du juge électoral (juge administratif ou Conseil constitutionnel), et d'une décision du juge judiciaire prononçant une mesure de protection juridique d'une personne majeure à l'origine de la perte du droit d'éligibilité.

Partageant l'objectif de la proposition de loi de faciliter le contrôle de l'absence d'inéligibilité par les services chargés de recevoir les déclarations de candidature, la commission a souscrit à la création de cette nouvelle base de données. En centralisant des informations aujourd'hui dispersées, et en rendant les opérations de vérification plus fiables et rapides, elle constituerait un outil précieux pour les services préfectoraux et pourrait contribuer à réduire le nombre d'annulations d'élections a posteriori par le juge électoral.

Soucieuse de garantir la souplesse et l'adaptabilité de ce nouveau fichier à travers ses modalités techniques, elle a, à l'initiative du rapporteur, resserré le texte sur les dispositions relatives à la création, à la définition et à la finalité de ce qu'elle a préféré renommer « répertoire ». Enfin, la commission a prévu l'obligation pour les services préfectoraux de consulter la nouvelle base de données, de manière à pousser la logique du texte à son terme et asseoir législativement l'obligation de contrôle a priori de l'absence d'inéligibilité.

La commission a adopté l'article unique ainsi modifié.

1. Les informations relatives aux inéligibilités sont actuellement morcelées, empêchant un contrôle exhaustif dans les délais d'enregistrement des candidatures

1.1. Au-delà des conditions d'éligibilité, le code électoral fixe des règles d'inéligibilités

a) Conditions générales et variables d'éligibilité

L'éligibilité, qui désigne la capacité juridique d'être élu à une élection, est un droit constitutionnel : le Conseil constitutionnel considère que l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, en vertu duquel « tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à [la] formation » de la loi, consacre un « droit d'éligibilité dont jouit tout citoyen », qui peut toutefois être limité pour des raisons d'intérêt général23(*).

L'éligibilité répond à des critères fixés par le code électoral dont certains sont applicables à l'ensemble des élections et d'autres sont propres à chaque élection.

Les conditions générales d'éligibilité, applicables aux candidats pour l'ensemble des élections, sont :

- la nationalité24(*) ;

- la qualité d'électeur25(*) ;

- la majorité26(*), cette condition s'appréciant au jour du premier tour de l'élection à zéro heure ;

- et le respect des obligations imposées par le code du service national27(*).

Certaines élections admettent, en plus, des conditions d'éligibilité particulières. Ainsi, en application de l'article L. 228 du code électoral, les candidats aux élections municipales doivent justifier de leur qualité d'électeurs de la commune ou d'inscription au rôle des contributions directes de la commune au 1er janvier de l'année d'élection.

b) Inéligibilités

L'inéligibilité désigne la situation juridique d'une personne privée du droit d'être candidate et d'être élue à une élection, la détermination des cas d'inéligibilités relève de la compétence du législateur, l'article 34 de la Constitution confiant à la loi le soin de fixer les règles concernant « les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ».

Inéligibilités et incompatibilités

À la différence des inéligibilités, les incompatibilités n'empêchent pas d'être élu ; elles s'appliquent aux personnes une fois celles-ci élues et les contraignent à faire un choix entre un mandat et la fonction incompatible (qu'elle soit professionnelle ou politique).

Deux différences de régime contentieux existent entre ces deux catégories :

- l'inéligibilité est appréciée au jour du premier tour du scrutin. Elle est d'ordre public et doit donc être soulevée d'office par le juge électoral ;

- l'incompatibilité s'apprécie non pas à la date de l'élection, mais à la date à laquelle le juge statue, de sorte qu'il est possible de résoudre le problème d'incompatibilité en cours de mandat.

On distingue quatre principaux motifs d'inéligibilité, relevant de deux grands types, les inéligibilités prononcées par un juge et les inéligibilités fonctionnelles :

i) Les inéligibilités résultant d'une décision du juge

En premier lieu, l'inéligibilité peut être prononcée à titre de sanction dans un nombre important d'hypothèses.

L'inéligibilité peut ainsi résulter d'une condamnation pénale : la peine complémentaire d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, qui peut notamment porter sur l'éligibilité, est prévue par l'article 131-26 du code pénal.

Depuis la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, l'article 131-26-2 du code pénal prévoit le caractère obligatoire du prononcé de cette peine complémentaire d'inéligibilité pour toute personne coupable d'un délit mentionné au II du même article ou d'un crime. Cette loi semble à l'origine de l'accroissement de la fréquence du prononcé de ces peines : si, entre 2015 et 2017, moins de 50 condamnations annuelles étaient assorties d'une mesure d'inéligibilité, en 2024, c'était le cas de 16 000 condamnations (sur 38 000 condamnations visant une infraction faisant encourir une peine obligatoire d'inéligibilité)28(*).

Nombre de condamnations pour des infractions faisant encourir la peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité et taux de prononcé

Année

Mesure prononcée

Mesure non prononcée

Total

Taux de prononcé

2020

1 497

17 271

18 768

8%

2021

3 726

23 555

27 281

14%

2022

6 839

23 345

30 184

23%

2023*

11 332

23 238

34 570

33%

2024*

15 723

21 970

37 693

42%

* données provisoires

Source : éléments transmis par le ministère de la justice au rapporteur

En outre, l'inéligibilité peut également être prononcée par le juge électoral29(*) en cas de violation de la législation sur la campagne électorale ou de manquement aux obligations de transparence ou fiscales.

Ainsi, en application de l'article L. 45-1 du code électoral, ne peuvent pas faire acte de candidature les personnes déclarées inéligibles par le juge administratif ou le juge constitutionnel :

- en application des articles L. 118-3 et L.O. 136-1, si le compte de campagne n'a pas été déposé dans les conditions et délais prescrits à l'article L. 52-12, ou si le compte de campagne « a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales » ;

- et en application des articles L. 118-4 et L.O. 136-3 si « le candidat a accompli des manoeuvres frauduleuses ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin ».

Pour les parlementaires, le non-respect des obligations de déclaration et de paiement des impôts dont il est redevable peut conduire le Conseil constitutionnel à prononcer l'inéligibilité, en application de l'article L.O. 136-4 du code électoral.

Le nombre de décisions rendues par les juridictions administratives prononçant l'inéligibilité n'est connue ni du ministère de l'intérieur, ni du ministère de la justice, comme indiqué au rapporteur.

Le nombre de décisions d'inéligibilité rendues par le Conseil constitutionnel s'élève pour sa part à 522 sur les cinq dernières années.

Nombre des décisions d'inéligibilité

rendues par le Conseil constitutionnel depuis 2021

Année

Assemblée nationale

Sénat

Total

2021

 

20

20

2022

2

 

2

2023

348

 

348

2024

1

12

13

2025

139

 

139

Total

490

32

522

Source : éléments transmis par le bureau des élections au rapporteur

En second lieu, l'inéligibilité peut résulter d'une décision du juge judiciaire à l'origine d'une mesure de protection juridique qui fait perdre aux personnes concernées leur capacité juridique. En effet, les personnes placées sous tutelle ou sous curatelle ne sont pas éligibles30(*).

Prévues par l'article 440 du code civil, la tutelle et la curatelle sont deux mesures judiciaires permettant de protéger une personne et son patrimoine :

- la tutelle concerne les personnes qui ne sont plus en mesure d'effectuer les actes de la vie civile et de veiller sur leurs propres intérêts. Le juge des tutelles désigne alors un tuteur qui représentera la personne protégée et prendra en charge certains actes précis, définis par la loi. La tutelle peut s'étendre sur 5 ou 10 ans ;

- la curatelle, plus souple que la tutelle, concerne les personnes qui restent autonomes mais qui ont besoin d'être conseillées ou accompagnées dans certains actes de la vie civile. La curatelle peut s'étendre sur une durée maximum de 5 ans renouvelable.

En 2024, les nombres de tutelles et de curatelles prononcées par le juge des tutelles s'élevaient, respectivement, à un peu moins de 30 000 et 35 000.

Nombre de tutelles et curatelles prononcées par an

 

2020

2021

2022

2023

2024

Nombre de tutelles

26 318 

32 551 

28 898 

28 311 

29 725

Nombre de curatelles

28 909 

36 396 

32 947 

32 689 

34 838

Source : éléments transmis par le ministère de la justice au rapporteur

ii) Les inéligibilités liées aux fonctions exercées

Visant à éviter les conflits d'intérêts ainsi que les risques liés à la pratique de la candidature officielle, les inéligibilités fonctionnelles varient selon les élections31(*). À la différence des trois autres motifs d'inéligibilité, elles sont subjectives.

Elles relèvent globalement de l'exercice d'emplois publics ou de nominations en tant qu'autorités publiques, et sont attachées à des fonctions occupées au moment du scrutin ou avant. Certaines impliquent des critères géographiques et temporels32(*), tandis que d'autres sont absolues pendant toute la durée des fonctions et sur tout le territoire33(*).

1.2. Malgré certaines avancées, le contrôle a priori de l'absence d'inéligibilité demeure restreint

Le respect des conditions d'éligibilité et de l'absence d'inéligibilité est assuré à la fois au moyen d'un contrôle a priori réalisé par les services préfectoraux, chargés de l'enregistrement des candidatures aux principales élections, et d'un contrôle a posteriori confié au juge de l'élection.

Les conséquences du constat de l'inéligibilité varient sensiblement selon ces deux modalités : en amont de l'élection, celui-ci peut constituer un motif de refus d'enregistrement de la candidature ; en aval, il peut conduire à annuler l'élection dans son ensemble, ce qui nécessite ensuite la tenue d'élections partielles34(*).

Annulation de l'élection dans son ensemble ou de l'élection du seul candidat inéligible ?

Lorsqu'elle est constatée par le juge électoral saisi d'une demande d'annulation d'une élection, l'inéligibilité peut avoir des conséquences variables :

- pour les élections municipales, la constatation de l'inéligibilité d'un ou plusieurs candidats n'entraîne l'annulation de l'élection que des élus inéligibles35(*) - à moins que le juge administratif ne considère que la sincérité du scrutin a été altérée, auquel cas il peut annuler l'élection dans son ensemble ;

- pour les autres élections, la constatation de l'inéligibilité d'un ou de plusieurs candidats n'entraîne l'annulation du scrutin que si leur présence parmi les candidats a été de nature à affecter la sincérité du scrutin36(*) .

En pratique, le contrôle de l'éligibilité est aujourd'hui exercé à titre principal a posteriori par le juge de l'élection pour des raisons à la fois de principe, juridiques et matérielles.

a) Le primat donné à la liberté de candidature et à la responsabilisation des candidats

En conséquence d'une conception selon laquelle l'État, incarné par les préfets, devait rester le plus éloigné possible du processus électoral, le primat est donné à la liberté de candidature, qui demeure la règle tandis que les mesures ayant pour effet de la limiter doivent être l'exception.

La logique actuelle du contrôle de l'éligibilité est également marquée par la responsabilisation des candidats et des partis politiques. En application de l'article L. 88-1 du code électoral, candidater en connaissance de son inéligibilité est ainsi susceptible de sanction pénale37(*).

Ainsi, les inéligibilités prononcées par les juges judiciaires et administratifs et le Conseil constitutionnel sont censées avoir pour effet que les intéressés ne se présentent pas, d'eux-mêmes, aux élections.

D'ailleurs, comme indiqué par le bureau des élections politiques du ministère de l'intérieur au rapporteur, les formulaires CERFA de candidature pour les élections municipales et communautaires des 15 et 22 mars 2026, en cours de révision par le ministère de l'intérieur, demanderont aux candidats d'attester sur l'honneur qu'ils ne font pas l'objet d'une incapacité prévue par la loi, et rappelleront la sanction pénale associée. D'une manière analogue, pour les élections municipales, les services préfectoraux s'appuient sur la déclaration écrite du candidat indiquant qu'il n'est pas déchu du droit de vote dans l'État dont il est ressortissant38(*).

b) Un champ des inéligibilités plus large que celui effectivement couvert par l'obligation de contrôle faite aux autorités chargées de recevoir les déclarations de candidature

Il revient à l'autorité administrative auprès de laquelle les candidats déposent leur candidature de vérifier que ceux-ci remplissent les conditions d'éligibilité et qu'ils ne sont pas en situation d'inéligibilité. Cette autorité diffère selon l'élection.

Autorités habilitées à recevoir les déclarations de candidature

Élection

Lieu de dépôt

Fondement juridique

Élections législatives, sénatoriales, départementales et municipales

Préfecture du département

Articles L. 157, L. 301, R. 109-1 et L. 265 du code électoral

Élection des députés élus par les Français établis hors de France

Administration centrale du ministère de l'intérieur

Article R. 173-1 du code électoral

Élections régionales

Préfecture chef-lieu de la région

Article L. 347 du code électoral

Élection des représentants au Parlement européen

Administration centrale du ministère de l'intérieur

Article 9 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977

Élection des conseillers des Français de l'étranger

Ambassade ou poste consulaire de la circonscription électorale

Article 19 de la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013

Élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France

Administration centrale du ministère des affaires étrangères

Article 46 de la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013

En l'état du droit, aucune de ces autorités ne se voit néanmoins imposer expressément le contrôle a priori de l'éligibilité des candidats au regard de l'ensemble des cas d'inéligibilités.

Ainsi, l'article L. 265 du code électoral, qui prévoit les cas dans lesquels, en matière d'élection municipale, l'enregistrement de la candidature peut être refusé, ne cite pas tous les cas d'inéligibilité possibles : aux termes de son avant-avant-dernier alinéa, le récépissé ne peut être délivré que si « les candidats satisfont aux conditions d'éligibilité posées par les deux premiers alinéas de l'article L. 228 », à savoir être majeur et être électeur de la commune ou inscrit au rôle des contributions directes de la commune. La lettre de l'article L. 265 ne suffit donc pas à contraindre le préfet à contrôler l'éligibilité des candidats au regard, par exemple, des condamnations pénales.

Certains tribunaux administratifs39(*) ont ainsi jugé que le préfet ne peut refuser d'enregistrer la candidature d'une liste que si un candidat ne remplit pas les conditions d'âge, d'électeur ou de contribuable de la commune, et ne peut pas refuser d'enregistrer la candidature d'une liste si un candidat ne satisfait pas les autres conditions d'éligibilité, cette compétence ressortant de celle exclusive du juge électoral, saisi d'une protestation à l'issue du second tour de scrutin40(*). D'autres tribunaux administratifs41(*) ont néanmoins jugé, en référence aux mêmes textes, dans un sens strictement contraire.

En pratique, les instructions données aux services préfectoraux vont toutefois plus loin que la lettre de la loi ; ainsi, la circulaire pour l'organisation des élections législatives de 2024 donne les consignes suivantes :

- « vous vérifierez par tous moyens que les candidats n'ont pas fait l'objet d'une peine d'inéligibilité prononcée par le juge électoral » ;

- « si vous avez un doute sur le fait qu'un candidat ait été condamné à une peine d'inéligibilité, vous demanderez aux services du ministère de la justice le bulletin n° 2 de son casier judiciaire » 42(*).

De plus, le bureau des élections politiques du ministère de l'intérieur a indiqué au rapporteur que la circulaire qui serait prochainement envoyée dans la perspective des élections municipales de mars 2026 donnerait pour consigne aux préfets de refuser l'enregistrement des candidatures y compris pour les cas d'inéligibilité non prévus par l'article L. 265 du code électoral.

c) Une efficacité limitée des outils de contrôle a priori

Si des outils existent pour contrôler a priori certains cas d'inéligibilité, leur efficacité paraît limitée. En tout état de cause, les services chargés d'enregistrer les déclarations de candidature ne disposent pas d'instrument de contrôle systématique et automatique permettant de traiter l'ensemble des candidatures dans les délais contraints qui leur incombent.

i) S'agissant des inéligibilités résultant d'une condamnation pénale

Les autorités compétentes pour recevoir les déclarations de candidature à une élection peuvent, depuis la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, demander la délivrance du bulletin n° 2 (B2) du casier judiciaire des candidats, afin de vérifier si la peine complémentaire d'inéligibilité y est mentionnée43(*).

Le casier judiciaire national (CJN) n'étant toutefois pas équipé pour assurer une transmission automatisée et systématisée des B2 aux préfectures, les préfectures sont contraintes de demander des B2 pour chacun des candidats. Ainsi, lors des élections municipales de 2020, seules 6 % des candidatures (soit 62 000 sur un total de 902 465) ont fait l'objet d'une demande de B2, avec pour résultat la détection d'une seule inéligibilité, d'après les informations transmises par le casier judiciaire national44(*).

En outre, bien que la procédure soit compatible avec le délai de quatre jours donné à l'autorité pour remettre le récépissé définitif de candidature45(*), elle paraît fastidieuse au regard du nombre d'étapes qu'elle comprend : en premier lieu, les préfectures accèdent au webservice du CJN ; en cas de B2 positif (présence de condamnations mais pas nécessairement de peines d'inéligibilité) ou d'erreur de saisie, un échange par courriel puis fax est mis en oeuvre entre les préfectures et le ministère de la justice.

Le nouveau service « B2+ », déployé par le ministère de la justice d'ici la fin d'année 2025, doit permettre, pour les élections municipales et communautaires des 15 et 22 mars 2026, aux services préfectoraux d'obtenir, dans la majorité des cas, le B2 d'un candidat dans un délai maximal de 24 à 48 heures. Toutefois, ce nouveau service ne permettra pas davantage de systématiser le contrôle pour l'intégralité des candidatures46(*) : les consultations demeureront ponctuelles.

Récemment, la vérification des inéligibilités pénales a fait l'objet de deux recommandations comparables de la part à la fois d'inspections générales et de la Cour des comptes.

Est ainsi suggérée la mise en oeuvre d'un « répertoire » des personnes inéligibles construit à partir du casier judiciaire national, auquel auraient accès les autorités chargées d'examiner la recevabilité des candidatures aux élections47(*).

À la suite de ces travaux, le ministère de l'intérieur a indiqué avoir entamé avec le ministère de la justice « des échanges exploratoires », tandis que ce dernier a rappelé au rapporteur que les priorités informatiques actuelles du casier judiciaire national n'avaient pas permis de mener d'études sur un projet de répertoire des personnes inéligibles.

ii) S'agissant des inéligibilités résultant de l'incapacité juridique

Il n'existe pas non plus de système d'information centralisé répertoriant les décisions de placement sous tutelle ou curatelle : le registre des mesures de protection des majeurs protégés, prévu par la loi n° 2024-317 du 8 avril 2024 à l'article 427-1 du code civil, n'a en effet pas encore vu le jour48(*).

À l'heure actuelle, seul l'extrait de la copie intégrale de l'acte de naissance - les jugements portant ouverture, modification ou mainlevée de la curatelle ou de la tutelle font l'objet d'une mention portée en marge des actes de naissance - permettrait à l'autorité enregistrant la candidature d'identifier cette cause d'inéligibilité. Or, non seulement cette pièce n'est pas requise lors du dépôt des candidatures49(*), mais aussi - et surtout - elle ne serait pas suffisante. En effet, dans le cas d'une décision de placement sous tutelle ou curatelle, la mention « RC » est portée par le tribunal judiciaire sur le répertoire civil du majeur protégé. Seule une vérification auprès du greffe du tribunal judiciaire du lieu de naissance du candidat permet ensuite de déterminer si cette mention correspond à une mesure de protection.

Par ailleurs, s'il existe une plate-forme sécurisée de routage dédiée aux échanges de données de l'état civil, qui permet la transmission des demandes de vérification ainsi que les réponses à ces demandes50(*), les services préfectoraux en charge de l'enregistrement des candidatures n'y sont pas raccordés à cette heure. Du reste, un éventuel raccordement leur permettrait seulement de déterminer si l'acte de naissance d'un candidat est porteur d'une mention « RC », rendant nécessaire la vérification complémentaire évoquée ci-dessus.

iii) S'agissant des inéligibilités résultant d'une décision du juge électoral

Les décisions prononçant l'inéligibilité rendues par les juridictions administratives sont mises à disposition des autorités compétentes pour recevoir les déclarations de candidature. L'article R. 741-13 du code des juridictions administratives dispose ainsi que « le Conseil d'État est responsable de la mise à disposition du public, sous forme électronique, des décisions rendues par les juridictions administratives, dans les conditions définies à l'article L. 10 et à la présente section ». De plus, ces décisions sont directement notifiées aux services du ministère de l'intérieur comme indiqué au rapporteur.

Les décisions du Conseil constitutionnel constatant ou déclarant, le cas échéant, l'inéligibilité d'un candidat sur le fondement des articles L.O. 136 à L.O. 136-4 du code électoral sont quant à elles rendues publiques in extenso et font apparaître l'identité des personnes en cause. Elles font également l'objet d'une transmission aux services du ministère de l'intérieur.

2. Le nouveau fichier national des personnes inéligibles vise à faciliter le contrôle de l'éligibilité a priori par les services chargés de recevoir les déclarations de candidature

La proposition de loi vise à créer un fichier national des personnes inéligibles, afin de traduire la recommandation précitée faite à l'automne 2024 par la Cour des comptes au regard des difficultés rencontrées par les préfectures dans la vérification des inéligibilités.

La Cour estimait ainsi que « donner accès aux agents des bureaux des élections des préfectures, ainsi qu'aux autres autorités chargées d'examiner la recevabilité des candidatures aux élections, à un répertoire spécifique construit à partir du casier judiciaire national, qui ne comporterait que les informations nécessaires à cet examen »51(*) serait une solution appropriée.

À cette fin, l'article unique de la proposition de loi tend à créer un nouveau chapitre III bis au sein du titre Ier du livre Ier du code électoral52(*), qui serait relatif à ce nouveau fichier et comprendrait sept articles.

Ce nouveau fichier aurait pour but de recenser l'identité de l'ensemble des personnes déclarées inéligibles en conséquence :

- d'une décision d'une juridiction pénale prononçant une peine exécutoire ayant pour objet ou pour effet de déchoir la personne condamnée de son droit d'éligibilité ;

- d'une décision exécutoire du juge électoral (juge administratif ou Conseil constitutionnel) ;

- d'une décision du juge judiciaire prononçant une mesure de protection juridique d'une personne majeure à l'origine de la perte du droit d'éligibilité, jusqu'à une éventuelle mainlevée de cette décision.

L'exposé des motifs du texte précise en effet qu'« il ne s'agit pas de recenser toutes les situations d'inéligibilités ». La proposition de loi ne retient ainsi ni les conditions d'éligibilité, ni les inéligibilités fonctionnelles.

En revanche, elle précise l'ensemble des élections couvertes : outre celles mentionnées au code électoral, sont également inscrites l'élection des conseillers de l'étranger, l'élection des représentants de la France au Parlement européen et l'élection présidentielle.

S'agissant plus précisément des données contenues, ce fichier comprendrait une liste d'informations relatives :

- à l'identification des personnes inéligibles, d'une part (nom, date de naissance, nationalité et domicile) ;

- et à la situation d'inéligibilité, d'autre part (date de début et de fin de la période d'inéligibilité, motif, référence et auteur de la décision à l'origine de l'inéligibilité ainsi que les mandats électifs concernés).

La gestion du fichier national des personnes inéligibles serait confiée au ministère de l'intérieur, qui « veille[rait] à son bon fonctionnement » et « coordonnerait les personnes en charge de l'alimenter ».

Pour sa part, l'alimentation incomberait :

- aux services du ministère de la justice chargés de la gestion du casier judiciaire national53(*), pour les inéligibilités résultant de condamnations pénales ;

- au Conseil d'État54(*), pour les inéligibilités résultant d'une décision du juge administratif ;

- aux services du ministère de l'intérieur, pour les décisions d'inéligibilité prononcées par le Conseil constitutionnel ;

- aux greffes des tribunaux judiciaires, pour les décisions de mesure de protection juridique d'une personne majeure.

La proposition de loi précise, en outre, la liste des personnes ou services autorisés à consulter le nouveau fichier :

- les autorités compétentes pour enregistrer les déclarations de candidature ;

- les juridictions administratives et judiciaires ainsi que le Conseil constitutionnel, « lorsque [la consultation] sera utile à l'accomplissement de leur mission » ;

- pour les seules informations qui les concernent, les personnes inscrites dans le fichier.

Est également prévu le droit de rectification des données la concernant, en cas d'erreur, pour la personne inscrite au fichier ou son représentant légal.

Enfin, les modalités d'application du chapitre ainsi créé seraient renvoyées à un décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

3. Saluant un outil précieux fourni aux préfectures pour le contrôle de l'éligibilité, la commission a resserré le texte sur ses dispositions de nature législative et l'a complété par l'obligation faite aux préfectures de consulter le nouveau répertoire

3.1. La commission voit dans cette nouvelle base de données un instrument à l'intérêt incontestable pour les préfectures, qui nécessiterait toutefois des développements techniques conséquents, et invite à préserver la souplesse du dispositif

a) Un dispositif bienvenu pour faciliter et sécuriser le contrôle de l'éligibilité par les autorités compétentes

En premier lieu, le rapporteur estime judicieuse la création d'un tel fichier : la centralisation des données relatives aux décisions d'inéligibilité permettra aux services chargés de recevoir les déclarations de candidature d'effectuer un contrôle de l'absence d'inéligibilité plus fiable et efficace. Ce nouvel instrument générerait à long terme des gains de coût et de temps et limiterait le risque d'annulation des élections a posteriori par le juge, ce qui pourrait contribuer, in fine, à conforter la confiance des citoyens dans le processus électoral et la démocratie.

Une telle base de données permettrait également une meilleure prise en compte du principe de minimisation des données personnelles auxquelles accèdent les agents chargés de contrôler l'éligibilité des candidats, dans la mesure où le B2 actuellement communiqué aux services préfectoraux ne se limite pas aux informations relatives à la seule peine d'inéligibilité -lorsqu'elle existe -, mais comporte aussi d'autres mentions de condamnation san rapport avec la finalité du 7° de l'article 776 du code de procédure pénale, à savoir, la vérification, par les autorités compétentes pour recevoir les déclarations de candidature, de la présence au B2 de la peine d'éligibilité.

De plus, le périmètre des cas d'inéligibilité que couvrirait le futur répertoire est pertinent en ce qu'il se concentre sur les inéligibilités objectives dont l'absence peut être contrôlée de façon absolue, à la différence des inéligibilités fonctionnelles. Relatives à chaque individu et variable selon les élections, ces dernières ne sauraient faire l'objet d'un fichier.

b) Afin de garantir le respect des règles relatives au traitement des données personnelles, la commission a modifié la liste des informations prévues et explicité la finalité du fichier qui serait créé

Dans un objectif de minimisation et de proportionnalité des données traitées55(*), l'amendement COM-1 du rapporteur, adopté par la commission, tend à supprimer les informations prévues par la proposition de loi qui sont dépourvues de lien avec la finalité du fichier, à savoir la nationalité, le domicile et le motif d'inéligibilité des personnes concernées.

Ni la mention des mandats concernés par l'inéligibilité, ni celle des élections concernées par le fichier n'apparaissent non plus nécessaires dans la mesure où les inéligibilités prononcées par le juge s'appliquent pour l'ensemble des élections postérieures à la décision. Les précisions apportées par la proposition de loi selon lesquelles seraient concernées les décisions « exécutoires » des juridictions pénales et administratives et « jusqu'à une éventuelle mainlevée » des décisions du juge des tutelles ont également paru superflues au rapporteur, l'objectif du futur fichier étant de recenser l'ensemble des inéligibilités en vigueur à un instant donné, ce qui exigera une actualisation du fichier en temps réel.

En revanche, le rapporteur souligne la nécessité d'ajouter à la liste des informations devant figurer dans le futur fichier la totalité des prénoms ainsi que le lieu de naissance, afin de garantir l'identification univoque de la personne concernée.

En outre, il convient, afin de respecter l'exigence prévue au 2° de l'article 4 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative l'informatique, aux fichiers et aux libertés56(*), d'expliciter les finalités du traitement des données. Aussi le même amendement COM-1 du rapporteur vise-t-il à préciser que les identités des personnes inéligibles figurant dans le répertoire sont recensées « aux seules fins de contrôle de l'absence d'inéligibilité par les autorités compétentes pour recevoir les déclarations de candidature ».

c) La date limite d'entrée en vigueur est fixée au 31 décembre 2029, afin d'établir un horizon réaliste pour la mise en place d'un tel outil

Les auditions menées par le rapporteur ont mis en évidence la nécessité de développements informatiques importants - lesquels nécessiteront des échanges préalables entre les principaux acteurs de l'administration centrale concernés, le ministère de la justice et le ministère de l'intérieur, et les juridictions - et de moyens budgétaires supplémentaires pour mettre en place un tel fichier.

La création d'un fichier des personnes inéligibles : un enjeu budgétaire à ne pas sous-estimer

Ni le ministère de l'intérieur ni le ministère de la justice, entendus par le rapporteur, n'ont été en mesure d'estimer les coûts résiduels qu'induirait la mise en place de ce nouveau fichier.

Ils pourraient être non négligeables : en plus des coûts initiaux de maîtrise d'ouvrage et d'oeuvre pour la conception et le développement des interconnexions avec les producteurs de données, et des coûts périodiques de maintenance pour l'hébergement et l'homologation de sécurité, devraient également être prises en compte les charges induites pour les services producteurs de données en vue d'obtenir une codification normalisée des peines et de leur portée.

Au regard de cette double contrainte, technique et budgétaire, le fichier national des personnes inéligibles ne pourrait assurément voir le jour à brève échéance. Pour autant, le rapporteur a jugé bon de donner un horizon temporel réaliste à sa mise en oeuvre. À titre de comparaison, le développement du répertoire électoral a nécessité trois années après la loi qui a prévu sa création57(*). De plus, un vote de l'Assemblée nationale sur la proposition de loi ne pourrait en tout état de cause pas intervenir avant 2026. Dès lors, l'amendement COM-1 fixe au 31 décembre 2029 sa date limite de création.

b) Dans un double objectif d'opérationnalité et de respect de la répartition entre le domaine de la loi et celui du règlement, la commission a resserré le texte sur ses dispositions de nature législative

Pour le rapporteur, il est indispensable de permettre au fichier de pouvoir évoluer avec souplesse dans ses modalités, au fur et à mesure des besoins et des contraintes qui apparaîtront : le succès futur du dispositif dépendra étroitement de son adaptabilité.

À cette fin, son amendement COM-1 vise à resserrer les dispositions de la proposition de loi sur celles relevant du strict champ de la loi, et ainsi à supprimer du texte les dispositions relatives aux modalités de gestion, d'alimentation et de consultation du fichier.

En particulier, selon la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, la détermination de l'autorité administrative compétente au sein de l'État pour exercer une attribution relève du pouvoir réglementaire58(*) : en l'espèce, il reviendra donc au Gouvernement de décider à quelle administration centrale ou direction générale la gestion du fichier devra être confiée afin d'atteindre au mieux ses objectifs.

Enfin, dans une optique de lisibilité du droit, le rapporteur a jugé préférable de renommer la nouvelle base de données en « répertoire national des personnes inéligibles », en cohérence avec l'appellation déjà employée en matière électorale59(*).

Son même amendement COM-1 vise, par ailleurs, à regrouper l'ensemble des dispositions du texte au sein d'un nouvel article L. 45-2, qui prendrait sa place dans le chapitre III du titre Ier du livre Ier du code électoral, relatif aux conditions d'éligibilité et inéligibilités.

3.2. Soucieuse de pousser à son terme la logique de la proposition de loi, la commission a prévu l'obligation explicite, pour les services chargés d'enregistrer les candidatures, de consulter ce nouveau répertoire

Comme rappelé plus haut, la rédaction actuelle de l'article L. 265 du code électoral ne suffit pas, s'agissant des élections municipales, à contraindre le préfet à contrôler l'éligibilité des candidats au regard des décisions prononcées par le juge judiciaire ou électoral, tandis que les consignes données aux préfets par voie d'instruction ministérielle de vérifier « par tous moyens » que les candidats n'ont pas fait l'objet d'une peine d'inéligibilité prononcée par le juge électoral ne sauraient suffire face à une jurisprudence parfois défavorable au contrôle élargi, par les préfets, de l'absence d'inéligibilité.

Pourtant, la vérification de l'absence d'inéligibilité chez les candidats revêt une importance décisive au regard de la sincérité du processus électoral, du caractère équitable de la compétition entre les candidats, et, in fine, de la confiance des citoyens dans les élections.

Aussi le rapporteur a-t-il estimé nécessaire d'aller au bout de la logique de la proposition de loi en prévoyant expressément l'obligation de consultation du nouveau répertoire par les autorités compétentes pour recevoir les déclarations de candidature.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté son amendement COM-1.

La commission a adopté l'article unique ainsi modifié.

Intitulé de la proposition de loi

À l'initiative du rapporteur (amendement COM-2), la commission a modifié l'intitulé de la proposition de loi, par cohérence avec l'appellation de « répertoire national des personnes inéligibles » retenue pour désigner la nouvelle base de données que tend à créer la proposition de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous passons à l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi visant à créer un fichier national des personnes inéligibles, présentée par Sophie Briante Guillemont.

Mme Sophie Briante Guillemont, auteure de la proposition de loi. - Cette proposition de loi porte sur un sujet important, celui des inéligibilités. Elle propose de créer un registre relatif à quatre types d'inéligibilité : l'inéligibilité pénale, prononcée par le juge pénal dans le cadre d'une peine complémentaire et qui est inscrite au casier judiciaire ; l'inéligibilité prononcée par le juge administratif, qui est notifiée aux services du ministère de l'intérieur ; l'inéligibilité prononcée par le Conseil constitutionnel en tant que juge électoral - on note une hausse croissante du nombre de contentieux concernant les comptes de campagne - ; et l'inéligibilité liée à l'absence de capacité juridique pour les personnes placées sous tutelle ou sous curatelle. Le texte ne vise pas ici l'inéligibilité fonctionnelle, qui doit être traitée à part.

Environ 80 000 personnes par an sont déclarées inéligibles, la majeure partie d'entre elles étant placées sous tutelle ou sous curatelle. En 2024, 16 000 peines complémentaires d'inéligibilité ont été prononcées par le juge pénal.

L'objet de ce texte est de centraliser toutes ces informations éparses pour faciliter le contrôle des inéligibilités par les services qui enregistrent les candidatures aux différentes élections. Pour les prochaines élections municipales, le ministère de l'intérieur estime à 900 000 le nombre de candidats. Or les services préfectoraux indiquent qu'il est impossible d'obtenir, pour l'intégralité des candidats, le bulletin n° 2 dans le délai séparant le dépôt de la candidature de la délivrance du récépissé.

Je vous rappelle qu'une élection législative partielle a été annulée il y a quelques mois dans la deuxième circonscription du Jura entre le premier et le second tour, car l'un des candidats était sous curatelle renforcée. Sans compter les coûts supplémentaires engendrés par l'organisation d'une nouvelle élection, nos concitoyens ne sauraient comprendre cette faille administrative. C'est un mauvais coup porté à la confiance dans la vie démocratique. Voilà pourquoi il convient de renforcer la sincérité du scrutin.

Permettez-moi en conclusion de remercier le rapporteur pour la qualité de notre collaboration.

M. Olivier Bitz, rapporteur. - Je remercie Sophie Briante Guillemont d'avoir bien voulu nous présenter la proposition de loi qu'elle a déposée au début du mois de septembre dernier. Je tiens également à la remercier pour la qualité de nos échanges tout au long de nos travaux. Les amendements que je vous présenterai tout à l'heure ont ainsi reçu son approbation, conformément à la règle en vigueur pour l'examen des textes inscrits à l'espace réservé d'un groupe politique ; ils contribueront à assurer la pleine effectivité du dispositif qu'elle a élaboré.

Notre collègue a bien rappelé le contexte de cette proposition de loi, notamment le caractère difficilement acceptable, sur le plan démocratique, des annulations d'élections par le juge électoral pour des motifs d'inéligibilité qui auraient dû être identifiés lors du dépôt des candidatures. Il peut en effet sembler difficilement compréhensible aux yeux des citoyens qu'une personne qui a été déclarée inéligible par le juge pénal, ou bien qui l'est en conséquence d'une décision du juge des tutelles, puisse se porter candidate à une élection.

Mais, en pratique, il n'existe aujourd'hui pas d'instrument de contrôle systématique et automatique permettant de vérifier, dans les délais contraints d'enregistrement incombant aux préfectures, à savoir quatre jours pour remettre le récépissé définitif de candidature, qu'aucun candidat ne se trouve dans une situation d'inéligibilité.

Si le contrôle de l'éligibilité des candidats paraît fiable et maîtrisé - les services préfectoraux vérifient les documents fournis par les candidats -, il en va différemment du contrôle de l'absence d'inéligibilité, qui se heurte à des obstacles de nature essentiellement matérielle, mais également juridique ; j'y reviendrai ultérieurement. La logique à l'oeuvre à ce titre est celle du primat donné à la liberté de candidature, si bien que le contrôle est confié, pour l'essentiel, au juge des élections qui l'exerce donc a posteriori.

L'auteure de la proposition de loi a rappelé les quatre principaux motifs d'inéligibilité : celle résultant d'une condamnation pénale ; celle qui est prononcée par le juge électoral ; celle qui est liée à l'absence de capacité juridique ; et, enfin, l'inéligibilité fonctionnelle, qui, à la différence des trois autres motifs, est subjective et relative, et doit donc être traitée à part.

Dans l'ensemble, le contrôle a priori de l'absence d'inéligibilité demeure aujourd'hui restreint, en dépit de l'existence de quelques outils.

En ce qui concerne les inéligibilités judiciaires, le casier judiciaire national n'est pas équipé pour assurer une transmission automatisée des bulletins n° 2 (B2), qui mentionnent la peine d'inéligibilité, aux préfectures. Celles-ci sont donc obligées de les demander expressément et pour chaque candidat. Ainsi, sur plus de 900 000 candidatures aux élections municipales de 2020, seules 62 000 ont fait l'objet d'une demande de délivrance du B2 pour ne détecter, en fin de compte, qu'une seule inéligibilité. Le système actuel paraît donc très lourd et inadapté aux volumes à traiter, au regard à la fois du nombre de candidats et de la tendance à la hausse du nombre de peines complémentaires d'inéligibilité depuis la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, avec environ 16 000 condamnations en 2024.

L'administration tente, dans une certaine mesure, d'apporter des améliorations : la nouvelle application « B2 + », qui sera déployée par le ministère de la justice d'ici à la fin de l'année, devrait permettre aux préfectures d'obtenir plus facilement le B2. Toutefois, le contrôle ne sera ni systématique ni intégral ; les préfectures devront continuer à faire des requêtes distinctes, candidat par candidat.

C'est notamment cette situation qui a conduit la Cour des comptes à recommander, dans un rapport publié l'automne dernier, la mise en oeuvre d'un « répertoire » des personnes inéligibles construit à partir du casier judiciaire national, auquel auraient accès les autorités chargées d'examiner la recevabilité des candidatures aux élections.

Par ailleurs, il n'existe pas davantage de système d'information centralisé répertoriant les décisions de placement sous tutelle ou curatelle : le registre des mesures de protection des majeurs protégés, prévu par la loi du 8 avril 2024 dite loi « Bien vieillir », n'a en effet pas encore vu le jour.

Dans ce contexte, la proposition de Sophie Briante Guillemont de créer un fichier national des personnes inéligibles présente un intérêt évident, en tout premier lieu pour les services chargés d'enregistrer les candidatures : leur mission de contrôle de l'absence d'inéligibilité serait en effet grandement facilitée s'ils disposaient d'une base unique centralisant les données provenant de l'ensemble des juridictions à l'origine des décisions d'inéligibilité.

Je partage donc entièrement l'objectif poursuivi au travers de cette proposition de loi, et vous proposerai simplement des modifications visant à assurer l'efficacité, l'opérationnalité et la lisibilité du dispositif.

Comme l'a rappelé l'auteure du texte, le futur fichier aurait pour objet de recenser l'identité de l'ensemble des personnes ayant été déclarées inéligibles en conséquence d'une condamnation pénale ; d'une décision du juge électoral ; d'une décision du juge judiciaire prononçant une mesure de protection juridique d'une personne majeure à l'origine de la perte du droit d'éligibilité.

Ce périmètre apparaît pertinent dans la mesure où il se concentre sur les inéligibilités objectives dont l'absence peut être contrôlée de façon absolue. Je propose donc de le conserver.

S'agissant de la liste des informations qui figureraient dans le fichier pour chaque personne inéligible, il me semble qu'elle peut être modifiée sur deux points.

D'une part, certaines données - la nationalité, le domicile et le motif d'inéligibilité - sont sans lien avec la finalité du traitement. C'est pourquoi je propose de les supprimer, conformément aux principes de minimisation et de proportionnalité des données posés par le règlement général sur la protection des données (RGPD), ainsi que par la loi de 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

D'autre part, la liste actuelle ne permet pas de garantir l'identification univoque de la personne concernée : il convient de rajouter l'ensemble des prénoms ainsi que le lieu de naissance.

Comme je le soulignais, on ne peut qu'approuver le principe de la création d'une base de données relatives aux personnes inéligibles. Pour autant, la question des modalités techniques et budgétaires de sa mise en oeuvre se pose indéniablement.

À ce titre, le texte prévoit de confier la gestion du nouveau fichier au ministère de l'intérieur, tandis que son alimentation incomberait à d'autres juridictions. Le texte précise également la liste des personnes ou services autorisés à consulter le nouveau fichier.

Il me semble toutefois que l'ensemble de ces dispositions relatives aux modalités de gestion, d'alimentation et de consultation, relèvent davantage du règlement que de la loi. En particulier, selon la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, la détermination de l'autorité administrative compétente au sein de l'État pour exercer une attribution relève du pouvoir réglementaire. En l'espèce, il reviendra donc au Gouvernement de décider si la gestion du fichier doit être confiée au ministère de l'intérieur, au ministère de la justice, ou encore à l'Insee. C'est pourquoi je vous proposerai de resserrer les dispositions de la proposition de loi sur celles qui relèvent du champ strict de la loi.

Les auditions que nous avons menées ont mis en évidence la nécessité de développements informatiques conséquents ainsi que de moyens budgétaires supplémentaires pour mettre en place un tel fichier. Il serait hautement irréaliste de penser que le fichier pourrait être opérationnel dès les prochaines élections municipales, par exemple, ce qui n'a, du reste, jamais été l'intention de l'auteure de la proposition de loi. Il me semble néanmoins souhaitable de donner un horizon temporel à la mise en oeuvre de ce nouvel outil. Je vous propose de retenir la date du 31 décembre 2029, en vous rappelant que le répertoire électoral unique a vu le jour près de trois ans après la loi qui a prévu sa création.

Ces modifications me paraissent de nature à renforcer l'efficacité et l'opérationnalité du dispositif.

Je voudrais également aborder à ce sujet une question importante, celle de la portée des obligations législatives faites aux préfets s'agissant du contrôle a priori de l'éligibilité. Il s'agit de rendre obligatoire la consultation du fichier ainsi créé par les préfectures afin qu'elles ne puissent pas s'exonérer de leur obligation de contrôle.

Enfin, dans une optique de lisibilité du droit, je proposerai pour finir deux modifications de forme.

S'agissant du choix d'insertion dans le code électoral retenu par le texte, la création d'un nouveau chapitre spécifique à cette nouvelle base ne semble pas nécessaire : les dispositions pourraient plutôt être regroupées au sein d'un nouvel article L. 45-2 du code électoral.

S'agissant du nom choisi pour ce nouvel outil, il paraît préférable de parler de « répertoire » national des personnes inéligibles, plutôt que de « fichier », par cohérence avec l'appellation déjà retenue en matière électorale pour le répertoire électoral unique et le répertoire national des élus.

En conséquence, je vous propose d'adopter cette proposition de loi avec les modifications que je vous ai présentées.

M. Pierre-Alain Roiron. - Nous soutenons pleinement cette proposition de loi, qui répond à un besoin, comme l'a expliqué l'auteure de cette proposition de loi et comme l'illustre l'annulation de l'élection législative dans le Jura.

L'article unique apporte des garanties nécessaires à la création de ce fichier, qui constitue une réponse adaptée aux problèmes rencontrés par les services préfectoraux.

Néanmoins, il s'agit là d'un chantier d'envergure : la coordination entre le ministère de l'intérieur, celui de la justice, le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel ainsi que les autorités chargées de l'autorité juridique des majeurs représente un certain défi.

Vous nous proposez, Monsieur le rapporteur, de différer la mise en oeuvre du dispositif en 2029. Pourquoi ne pas avoir retenu 2028, avec l'organisation des élections régionales et départementales ?

Enfin, quid de la mise à jour permanente de ce fichier, afin d'éviter de graves erreurs ou des privations de droits ? La fiabilité du dispositif reposera sur un flux parfaitement continu et automatisé.

Si les moyens humains et techniques de coordination sont au rendez-vous, ce fichier pourra devenir un outil structurant, au service de la sécurité juridique et de la confiance démocratique.

Mme Olivia Richard. - Je remercie l'auteure de la proposition de loi et le rapporteur pour leur travail.

Vous avez évoqué, Monsieur le rapporteur, des défis budgétaires. Avez-vous une idée du budget nécessaire à la mise en oeuvre d'un tel dispositif ?

Ma deuxième interrogation a trait au caractère pragmatique de la jurisprudence électorale. Concernant les scrutins de liste, il arrive que des personnes inéligibles figurent en fin de liste. Le juge électoral estime alors que la sincérité du scrutin n'avait pas été altérée, si bien que t l'inéligibilité de ces candidats n'entraîne pas l'annulation de l'élection. Avec ce nouveau répertoire, comment cela se passera-t-il ? Si les services refusent l'enregistrement de la liste au motif que l'un des candidats est inéligible, de quel laps de temps disposeront les candidats pour compléter leur liste ?

Enfin, quel est l'impact de ce dispositif pour l'élection des conseillers des Français de l'étranger, qui est organisée par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères ?

Une décision de 2004 du Conseil constitutionnel prévoit que ne sont applicables pour les sénateurs des Français de l'étranger que les dispositions auxquelles il est fait directement référence. Est-ce à dire que ce répertoire ne les concernerait pas ? Or le même impératif de confiance dans la vie démocratique devrait s'appliquer.

M. Olivier Bitz, rapporteur. - La création, mais également la gestion du répertoire, Monsieur Roiron, constitue effectivement un défi. La gestion devra être précisée par décret ; il importe qu'il soit tenu à jour.

Concernant le budget nécessaire pour développer un tel dispositif, le ministère de la justice a évoqué une fourchette comprise entre 4 et 5 millions d'euros. Vous connaissez le contexte financier contraint actuel.

On ne change rien à l'état du droit, Madame Richard. La liste des candidats doit comprendre des personnes éligibles. Un candidat qui déposerait une liste comprenant une personne inéligible se verrait donc opposer un refus. Charge à lui de redéposer une liste conforme dans le délai imparti. Nous voulons sécuriser le dispositif pour éviter une annulation a posteriori. Nous ne saurions nous satisfaire du pragmatisme du juge concernant l'inéligibilité d'un candidat inscrit en fin de liste. Nous souhaitons limiter a priori les candidatures de personnes inéligibles.

Concernant les élections des conseillers des Français de l'étranger, il est possible que des amendements soient déposés en vue de la séance publique. Nous menons une réflexion sur la manière dont les consulats pourraient être associés à ce dispositif. N'oublions pas que ce texte n'a pas vocation à régler tous les problèmes. Des ressortissants européens candidats à des élections municipales peuvent aussi être frappés d'une incapacité dans leur pays d'origine. Or le nouveau fichier ne pourra pas en avoir connaissance.

M. Pierre-Alain Roiron. - Pourriez-vous répondre à ma question concernant la possibilité d'une mise en application en 2028 ?

M. Olivier Bitz, rapporteur. - Le ministère de la justice estime qu'une mise en oeuvre en 2029 représente déjà un délai extrêmement court au regard des développements informatiques qui en découlent.

Le Gouvernement devra désigner une administration pilote pour créer ce répertoire, trouver les crédits et s'ensuivra une phase de développements informatiques. C'est pourquoi il nous semble raisonnable de proposer l'échéance du 31 décembre 2029.

Mme Sophie Briante Guillemont. - Pour répondre à l'interrogation d'Olivia Richard, le texte initial précise que les conseillers des Français de l'étranger sont aussi concernés par le fichier. Il importe donc que les services consulaires y aient accès au moment du dépôt des candidatures.

Mme Muriel Jourda, présidente. - Concernant le périmètre de cette proposition de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que ce périmètre inclut les dispositions relatives à la création d'un répertoire national des personnes inéligibles ; aux modalités de gestion et de consultation de ce fichier ; et aux informations devant alimenter ce fichier.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique

M. Olivier Bitz, rapporteur. - L'amendement COM-1 vise à renommer « répertoire » la nouvelle base de données et à regrouper l'ensemble des dispositions au sein d'un seul nouvel article L. 45-2 du code électoral. Il tend également à supprimer certaines mentions superfétatoires et à garantir l'identification univoque des personnes concernées. Il prévoit d'instaurer l'obligation de consultation du nouveau répertoire par les autorités concernées et à supprimer du texte les dispositions relevant du domaine réglementaire. Enfin, il fixe une date limite d'entrée en vigueur du 31 décembre 2029.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - L'appellation « répertoire » ne saurait nous exonérer des procédures liées à la création d'un fichier !

M. Olivier Bitz, rapporteur. - Évidemment. Nous avons consulté la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) dans le cadre de nos travaux, qui ne voit pas d'opposition de principe à la création de ce répertoire. Le décret en Conseil d'État sera pris après avis de la Cnil pour respecter les conditions de mise en oeuvre.

L'amendement COM-1 est adopté.

L'article unique de la proposition de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Intitulé de la proposition de loi

M. Olivier Bitz, rapporteur. - L'amendement COM-2 modifie, en cohérence avec l'adoption de l'amendement précédent, l'intitulé de la proposition de loi.

L'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

M. BITZ, rapporteur

1

Modification de l'article unique

Adopté

Intitulé de la proposition de loi

M. BITZ, rapporteur

2

Modification de l'intitulé

Adopté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 60(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie61(*). Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte62(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial63(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 29 octobre 2025, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 884 (2024-2025) visant à créer un fichier national des personnes inéligibles.

Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives :

à la création d'un fichier national des personnes inéligibles ;

- aux modalités de gestion et de consultation de ce fichier ;

- et aux informations devant alimenter ce fichier.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mme Sophie Briante Guillemont, sénatrice représentant les Français établis hors de France, auteure de la proposition de loi

Cabinet du ministre de l'intérieur

M. Boris Mazeau, conseiller parlementaire et élus

Ministère de l'intérieur

Direction des missions de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur (DMATES)

M. Alex Gadré, chef du bureau des élections politiques

M. Alexandre Schulz, adjoint au chef du bureau des élections politiques

Ministère de la justice

Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG)

Mme Sophie Macquart-Moulin, directrice adjointe

Mme Mathilde Barrachat, cheffe du bureau de la législation pénale spécialisée

Direction des affaires civiles et du sceau (DACS)

M. Valentin Raguin, adjoint à la sous-directrice du droit civil

Casier judiciaire national (CJN)

M. Yan Taraud, chef du bureau de l'expertise juridique, de l'identité, de l'international et des fichiers

Cour des comptes

M. Emmanuel Glimet, président de section à la quatrième chambre

M. Olivier Fombaron, conseiller référendaire

CONTRIBUTION ÉCRITE

Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL)

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl24-884.html


* 1 Ces trois premiers critères étant posés par l'article L. 44 du code électoral.

* 2 Soit, aujourd'hui, le recensement et la participation à la journée de citoyenneté (articles L. 113-1 et L. 114-2 du code du service national).

* 3 Art. L. 228 du code électoral.

* 4 La peine complémentaire d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, qui peut notamment porter sur l'éligibilité, est prévue par l'article 131-26 du code pénal. Depuis la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, l'article 131-26-2 du code pénal prévoit le caractère obligatoire du prononcé de cette peine complémentaire d'inéligibilité pour toute personne coupable d'un délit mentionné au II du même article ou d'un crime.

* 5 En application de l'article L. 45-1 du code électoral, ne peuvent pas faire acte de candidature les personnes déclarées par le juge administratif ou le juge constitutionnel inéligibles en application des articles L. 118-3 et L.O. 136-1, si le compte de campagne n'a pas été déposé dans les conditions et délais prescrits à l'article L. 52-12, si le compte de campagne « a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales » et en application des articles L. 118-4 et L.O. 136-3 si « le candidat a accompli des manoeuvres frauduleuses ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin ».

* 6 Pour les parlementaires, le non-respect des obligations de déclaration et de paiement des impôts dont il est redevable peut conduire le Conseil constitutionnel à prononcer l'inéligibilité (art. L.O. 136-4 du code électoral).

* 7 Comme le prévoient les articles L.O. 129 (élections législatives et sénatoriales), L. 200 (élections départementales), L. 230 (élections municipales) et L. 340 (élection régionales) du code électoral.

* 8 Ainsi, le Conseil constitutionnel a annulé les élections législatives s'étant déroulées dans la 2e circonscription du Jura les 30 juin et 7 juillet 2024 (décision n° 2024-6341 AN du 13 février 2025) parce que l'un des candidats, placé sous curatelle renforcée, était inéligible à la date du premier tour du scrutin.

* 9 En application du 7° de l'article 776 du code de procédure pénale.

* 10 Données du rapport inter-inspections de juin 2020 sur le bilan et les perspectives du répertoire électoral unique.

* 11 En application de l'article R. 128 du code électoral.

* 12 En premier lieu, les préfectures accèdent au webservice du CJN ; en cas de B2 positif (présence de condamnations mais pas nécessairement de peines d'inéligibilité) ou d'erreur de saisie, un échange par courriel puis fax était mis en oeuvre entre les préfectures et le ministère de la justice.

* 13 Seule une « injection en masse » de données le permettrait. Les ministres de l'intérieur et de la justice ont indiqué au rapporteur être en train d'étudier cette possibilité.

* 14 Voir le rapport inter-inspections précité, pp. 56-57, et la recommandation n° 6 de la Cour des comptes dans ses observations sur l'organisation des élections, publiées le 20 novembre 2024.

* 15 Conformément au II de l'article 18 de la loi n° 2024-317 du 8 avril 2024, ce registre doit être créé à une date fixée par décret, et au plus tard le 31 décembre 2026. Il serait géré par le ministère de la justice.

* 16 Dans le cas d'une décision de placement sous tutelle ou curatelle, la mention « RC » est portée sur le répertoire civil de la personne concernée par le tribunal judiciaire. Seule une vérification auprès du tribunal judiciaire du lieu de naissance du candidat permet toutefois de déterminer si cette mention correspond à une mesure de protection.

* 17 Voir l'exposé des motifs de la proposition de loi, p. 3.

* 18 À la suite du chapitre relatif aux « conditions d'éligibilité et inéligibilités ».

* 19 Les dispositions relatives au CJN étant prévues aux articles 768 à 781 du code de procédure pénale.

* 20 Aux termes de l'article R. 741-13 du code des juridictions administratives, « le Conseil d'État est responsable de la mise à disposition du public, sous forme électronique, des décisions rendues par les juridictions administratives ».

* 21 Prévu par la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016 rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales, le répertoire électoral unique (REU) a été utilisé la première fois lors des élections européennes du 26 mai 2019.

* 22 Le Conseil constitutionnel jugeant de longue date que la détermination de l'autorité administrative habilitée à exercer les attributions au nom de l'État relève de la compétence du pouvoir réglementaire (voir par exemple les décisions n° 64-29 L du 12 mai 1964 ; n° 2018-28 L du 7 novembre 2019).

* 23 Conseil constitutionnel, décision n° 2011-628 DC du 12 avril 2011.

* 24 Les nationaux des États membres de l'Union eu ayant 18 ans accomplis et domiciliés ou résidant en France sont éligibles pour les élections européennes, ainsi que pour les élections municipales et communautaires (sous réserve, pour ces élections, qu'ils ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d'adjoint ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l'élection des sénateurs).

* 25 La notion de « qualité d'électeur » est différente de celle d'« électeur » : une candidature ne peut être rejetée pour le seul motif qu'une personne n'est inscrite sur aucune liste électorale (voir la décision du Conseil constitutionnel n° 68-549 AN du 19 décembre 1968).

* 26 Ces trois premiers critères étant posés par l'article L. 44 du code électoral, qui dispose que « tout Français et toute Française ayant la qualité d'électeur peut faire acte de candidature et être élu, sous réserve des cas d'incapacité ou d'inéligibilité prévus par la loi ».

* 27 Soit, aujourd'hui, le recensement et la participation à la journée de citoyenneté (articles L. 113-1 et L. 114-2 du code du service national).

* 28 Le taux de prononcé de cette peine, d'environ 42 % en 2024, s'explique, d'après les éléments transmis par la direction de l'action civile et des grâces (DACG) du ministère de la justice au rapporteur, par deux hypothèses (dont il n'est pas possible d'établir la part relative, la DACG n'ayant pas accès aux motivations retenues par les juridictions) : d'une part, le recours par les juridictions à la possibilité de ne pas prononcer cette peine (art. 131-26-2 III) ; d'autre part, l'omission de cette peine par les juridictions.

* 29 Les litiges relatifs aux élections municipales et départementales relèvent de la compétence en premier ressort du tribunal administratif dans le ressort duquel l'élection a été organisée ; le Conseil d'État est quant à lui compétent en premier et dernier ressort pour les élections européennes, les élections régionales, les élections les élections à l'Assemblée de Corse, les élections aux assemblées de certaines collectivités d'outre-mer et les élections à l'Assemblée des Français de l'étranger. Enfin, les élections législatives, sénatoriales et présidentielle ont pour le juge le Conseil constitutionnel.

* 30 Comme le prévoient les articles L.O. 129 (élections législatives et sénatoriales), L. 200 (élections départementales), L. 230 (élections municipales) et L. 340 (élection régionales) du code électoral.

* 31 Par exemple, l'ensemble des agents salariés de la commune sont inéligibles aux élections municipales dans cette même commune. En revanche, seuls les agents salariés d'un département ou d'une région qui disposent d'une certaine autorité sont inéligibles aux élections départementales ou régionales.

* 32 Par exemple, les préfets affectés sur un poste territorial ne peuvent être élus dans le ressort où ils exercent leurs fonctions depuis moins de 3 ans.

* 33 Tel est le cas du Défenseur des droits et du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

* 34 Ainsi, le Conseil constitutionnel a annulé les élections législatives tenues dans la 2e circonscription du Jura les 30 juin et 7 juillet 2024 (décision n° 2024-6341 AN du 13 février 2025) parce que l'un des candidats, placé sous curatelle renforcée, était inéligible à la date du premier tour du scrutin.

* 35 Conformément à l'article L. 270 du code électoral, aujourd'hui applicable aux seules communes de 1 000 habitants et plus, et qui sera applicable à l'ensemble des communes à compter du renouvellement général de mars 2026, en conséquence de la loi n° 2025-444 du 21 mai 2025.

* 36 Voir par exemple CE 17 février 2015 req n° 381414 s'agissant d'élections consulaires, ou encore la décision n° 2024-6341 AN du 13 février 2025 du Conseil constitutionnel s'agissant d'élections législatives

* 37 Aux termes de cet article, « toute personne qui aura sciemment fait acte de candidature sous de faux noms ou de fausses qualités ou aura sciemment dissimulé une incapacité prévue par la loi sera punie d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 15 000 € ».

* 38 Il n'existe en effet aucun processus formalisé mis en place par la Commission européenne pour consulter un autre État-membre en cas de candidature d'un ressortissant européen, comme souligné par le bureau des élections politiques du ministère de l'intérieur auprès du rapporteur.

* 39 TA de Paris, n° 2003282/3-2, 20 février 2020 ; TA de Châlons-en-Champagne, n° 2001958, 1er octobre 2020.

* 40 Des décisions défavorables à l'exercice d'un contrôle des déclarations de candidatures qui irait au-delà de la lettre de la loi ont également été rendues s'agissant des élections des représentants au Parlement européen : le Conseil d'État a ainsi jugé que « le contrôle préalable des déclarations de candidatures institué par l'article 12 de la loi du 7 juillet 1977 porte seulement sur le respect des règles fixées par les articles 7 à 10 du chapitre IV de cette loi » et « n'inclut pas la vérification de l'éligibilité des candidats » (Conseil d'État, 3ème sous-section jugeant seule, 21 mai 2004, 267788).

* 41 TA d'Orléans, n° 2000617, 14 février 2020 ; TA de Marseille, n° 2001756, 28 février 2020.

* 42 Circulaire du 11 juin 2024 du ministère de l'intérieur et des outre-mer relative à l'organisation des élections législatives des 30 juin et 7 juillet 2024, p. 8.

* 43 En application du 7° de l'article 776 du code de procédure pénale.

* 44 Données du rapport inter-inspections de juin 2020 sur le bilan et les perspectives du répertoire électoral unique.

* 45 En application de l'article R. 128 du code électoral.

* 46 Seule une « injection en masse » de données le permettrait. Les ministres de l'intérieur et de la justice ont indiqué au rapporteur être en train d'étudier cette possibilité.

* 47 Voir le rapport inter-inspections précité, pp. 56-57, et la recommandation n° 6 de la Cour des comptes dans ses observations sur l'organisation des élections, publiées le 20 novembre 2024.

* 48 Conformément au II de l'article 18 de la loi n° 2024-317 du 8 avril 2024, ce registre doit être créé à une date fixée par décret, et au plus tard le 31 décembre 2026. Il serait géré par le ministère de la justice.

* 49 Du reste, sa délivrance peut prendre jusqu'à plusieurs semaines selon les communes de naissance.

* 50 Ce dispositif porte le nom de COMEDEC. Depuis le 1er novembre 2018, toutes les communes disposant ou ayant disposé sur leur territoire d'une maternité, ont l'obligation de s'y raccorder.

* 51 Observations définitives sur l'organisation des élections (exercices 2017-2023), Cour des comptes, 20 novembre 2024, pp. 38-39.

* 52 À la suite du chapitre relatif aux « conditions d'éligibilité et inéligibilités ».

* 53 Les dispositions relatives au CJN étant prévues aux articles 768 à 781 du code de procédure pénale. L'article 776 dispose ainsi que « Le bulletin n° 2 du casier judiciaire est délivré [...] aux autorités compétentes pour recevoir les déclarations de candidatures à une élection afin de vérifier si la peine [complémentaire d'inéligibilité] y est mentionnée ».

* 54 Aux termes de l'article R. 741-13 du code des juridictions administratives, « le Conseil d'État est responsable de la mise à disposition du public, sous forme électronique, des décisions rendues par les juridictions administratives ».

* 55 Le principe de minimisation prévoit que les données à caractère personnel doivent être adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées, en accord avec le règlement général sur la protection des données et la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

* 56 Celui-ci dispose que « les données à caractère personnel doivent être [...] collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes, et ne pas être traitées ultérieurement d'une manière incompatible avec ces finalités. »

* 57 Loi n° 2016-1048 du 1?? août 2016.

* 58 Voir les décisions n° 64-29 L du 12 mai 1964 et n° 2018-28 L du 7 novembre 2019.

* 59 Voir le « répertoire électoral unique » crée par la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016 ou encore le « répertoire national des élus » créé par le décret n° 2001-777 du 30 août 2001.

* 60 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 61 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 62 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 63 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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