Rapport n° 510 (1995-1996) de M. Louis SOUVET , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 25 septembre 1996

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N° 510

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 27 juin 1996.

Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 septembre 1996.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, relatif à l 'information et à la consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire, ainsi qu'au développement de la négociation collective,

Par M. Louis SOUVET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean-Pierre Fourcade, président ; Jacques Bimbenet, Mme Michelle Demessine, MM. Claude Huriet, Bernard Seillier, Louis Souvet, vice-présidents ; Jean Chérioux, Charles Descours, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Jacques Machet, secrétaires ; José Balarello, Henri Belcour, Jacques Bialski, Paul Blanc, Mme Annick Bocandé, MM. Louis Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Francis Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Philippe Darniche, Georges Dessaigne, Mme Joëlle Dusseau, MM. Guy Fischer, Alfred Foy, Serge Franchis, Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis, MM. Alain Gournac, Roland Huguet, André Jourdain, Pierre Lagourgue, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain, Simon Loueckhote, Jean Madelain, Michel Manet, René Marquès, Serge Mathieu, Georges Mazars, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM. Louis Philibert, André Pourny, Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (10ème législ.) : 2701 rect, 2765, 2819 et T.A. 546.

Sénat : 411 (1995-1996).

Travail

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi relatif à l'information et à la consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire ainsi qu'au développement de la négociation collective, examiné ci-après, regroupe deux projets de loi distincts et de nature différente.

Le premier avait été adopté par le Conseil des ministres le 10 avril 1996 : il transpose la directive européenne n° 94-45 du 22 septembre 1994 concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs (articles premier à cinq).

Le second, sous forme de lettre rectificative, a été adopté par le Conseil des ministres le 13 mai 1996. Il vise à jeter les bases législatives nécessaires à la mise en oeuvre des mécanismes expérimentaux prévus par l'accord interprofessionnel du 31 octobre 1995 relatif à la politique contractuelle en vue de favoriser l'accès des entreprises dépourvues de délégués syndicaux et de leurs salariés à la négociation collective d'entreprise (article 6 du projet).

Le projet de loi, dans sa version rectifiée, a été adopté sans changements de fond par l'Assemblée nationale au cours de ses séances des 4 et 5 juin 1996.

Bien que l'urgence sur ce texte ait été déclarée, l'ordre du jour de fin de la session unique n'a pas permis son examen par le Sénat avant la rentrée d'automne. Votre rapporteur souligne toutefois que si la date de mise en application des dispositions transposant la directive, fixée par celle-ci au 22 septembre 1996, ne sera pas respectée, les dispositions de la directive elle-même sont applicables directement à compter de cette date. Cela signifie que les accords signés à partir du 22 septembre 1996 devront lui être conformes, même si certaines modalités sont renvoyées par cette dernière à la loi nationale. Ils ne peuvent plus, en effet, bénéficier du régime dérogatoire de l'article 5 du projet de loi. Les inconvénients de cette situation sont néanmoins très réduits puisque le texte du projet de loi, qui ne saurait être modifié en profondeur pour les raisons exposées ci-dessous, est connu depuis plusieurs mois.

Tel qu'il se présente le projet de loi ne laisse en effet pas une grande marge d'appréciation au législateur : il s'agit dans les deux cas de dispositions ayant fait l'objet de concertations approfondies ou de négociations avec les partenaires sociaux.

Ainsi, le projet de loi de transposition a fait l'objet de nombreuses concertations largement en amont de sa rédaction : une consultation préalable avec les groupes d'entreprise et les partenaires sociaux à l'échelon européen ayant débouché sur l'adoption par les directeurs des relations du travail des 17 États concernés de conclusions en juillet 1995 ; la consultation des organisations syndicales et patronales sur une première rédaction du projet de loi au dernier trimestre 1995 ; enfin, une réunion du comité des politiques communautaires (où siègent l'ensemble des partenaires sociaux), le 23 janvier 1996, a permis de prendre en compte les observations des uns et des autres. On rappellera en outre que l'élaboration de la directive s'est faite sur la base d'une négociation entre partenaires sociaux à l'échelon européen, conformément à la procédure prévue par l'Accord sur la politique sociale annexée au Traité sur l'Union européenne. En effet, bien que l'élaboration d'une norme communautaire par les partenaires sociaux eux-mêmes n'ait pu aboutir -c'était la première fois que l'on recourait à cette procédure-, leurs travaux ont servi à l'élaboration du projet de directive par la Commission.

Quant à l'article 6, inséré par la lettre rectificative, il vise à rendre applicable les orientations définies par les partenaires sociaux eux-mêmes dans l'accord du 31 octobre 1995 sur la politique contractuelle. Dans sa version originale, le texte autorisait les dérogations nécessaires au code du travail et renvoyait pour le détail des mesures à l'accord lui-même. Jugeant cette procédure peu orthodoxe, l'Assemblée nationale a réécrit l'article en incorporant les mesures négociées au projet de loi et en supprimant les renvois à l'accord, sans toutefois modifier le fond.

Il est évident que ces processus d'élaboration rendent ensuite l'intervention du législateur plus difficile, non seulement sur le fond, mais également dans la forme : une modification sur le fond serait contraire au texte européen -qui s'impose- ou à la volonté des partenaires sociaux 1 ( * ) , et les modifications de forme, en s'éloignant du texte original, risqueraient d'être interprétées comme des divergences de fond ou de jeter le trouble dans la compréhension du texte. Il n'en reste pas moins que, surtout dans le domaine européen, cet extrême respect du texte original conduit à incorporer dans le droit français des expressions, parfois même un « jargon », qui ne facilitent pas la tâche de ceux qui ont à le mettre en oeuvre ou à l'interpréter.

I. LA TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE 94/95/CE DU 22 SEPTEMBRE 1994 CONCERNANT L'INSTITUTION D'UN COMITE D'ENTREPRISE EUROPÉEN OU D'UNE PROCÉDURE EN VUE D'INFORMER ET DE CONSULTER LES TRAVAILLEURS

La directive du 22 septembre 1994 est l'aboutissement d'une longue série de démarches, la plupart vouées à l'échec, visant à instaurer un minimum de dialogue social au sein des sociétés multinationales. Les procédures proposées pour faciliter l'information ou la consultation des salariés répartis en Europe mais appartenant à un même ensemble se sont heurtées d'abord aux réticences britanniques, puis à la diversité des systèmes européens de représentation. Néanmoins, l'évolution des textes fondateurs communautaires, qui encourage désormais le développement de l'Europe sociale, et les contraintes de l'européanisation puis de la mondialisation de l'économie ont changé les données du problème.

A. L'INSTAURATION PROGRESSIVE D'UN DIALOGUE SOCIAL

L'information des salariés sur les conditions de fonctionnement des entreprises transnationales participe, dès l'origine, d'une volonté des États d'imposer à ces dernières une certaine discipline. Les États, en effet, se trouvaient quelque peu impuissants face à des entités dont on ne savait pas toujours où se trouvait le centre de décision, ni qui les composait.

C'est pourquoi, dès les années 1970, l'Organisation des Nations Unies, dans le cadre de programmes d'action concernant le nouvel ordre économique international, l'Organisation internationale du travail ou l'Organisation pour la coopération et le développement économique en Europe ont élaboré des codes de bonne conduite ou des directives fondées sur le volontarisme pour que puisse être pris en compte l'intérêt des salariés.

La Commission des Communautés européennes s'est à son tour emparée de cette question. En 1980, elle a élaboré une proposition de directive -dite proposition Vredeling, du nom du commissaire européen chargé du dossier- sur l'information et la consultation des travailleurs des entreprises à structure complexe, en particulier transnationale. Le cheminement procédural de la directive s'est poursuivi jusqu'en 1984, date à laquelle elle semble avoir été abandonnée.

En 1989, en application du programme d'action accompagnant la Charte des droits sociaux fondamentaux, une nouvelle directive fut préparée, adoptée par le Conseil des ministres le 5 décembre 1990. Elle concernait « la constitution d'un comité d'entreprise européen dans les entreprises ou les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs ».

Cette nouvelle proposition, qui s'inspirait de propositions formulées par les partenaires sociaux et leur laissait le soin de mettre en oeuvre le comité, s'est, à son tour, heurtée à de vives oppositions : des Britanniques, d'abord, parce que le dispositif envisagé -le comité d'entreprise européen- était contraire à leur modèle qui fait des syndicats le canal unique de représentation des salariés auprès de l'employeur, modèle en vigueur également en Irlande et, en moins systématique (il existe des « conseils d'usine »), en Italie ; des organisations patronales ensuite, qui reprochaient au texte une trop grande rigidité, une absence de cohérence avec les autres textes européens, un flou dans la terminologie et le non-respect du principe de subsidiarité.

Cependant, la signature en 1992 du Traité de Maastricht a relancé le processus en permettant de passer outre le vote britannique et en confiant un rôle nouveau aux partenaires sociaux, en amont, à l'échelon européen, lors de l'élaboration des textes sociaux, et en aval, à l'échelon national, au moment de leur transposition puis de leur mise en oeuvre. C'est ce processus, même si les partenaires sociaux ont dû être relayés par la Commission européenne, qui a permis d'aboutir au texte du 22 septembre 1994. Celui-ci reste cependant assez proche de la directive de 1980 dans sa version amendée en 1983 par le Parlement européen.

Les États et les institutions européennes n'étaient pas les seuls à vouloir instituer des procédures d'information, sinon de consultation, des salariés d'entreprises multinationales. Certaines entreprises elles-mêmes, dès le début des années 80, d'abord en France (Thomson, Péchiney, Bull, Saint-Gobain ...) puis en Allemagne (Mercédès, Bayer, Thyssen ...) ont ressenti le besoin de mettre en place des procédures ou des instances afin de favoriser une certaine cohérence entre les entreprises ou les établissements, de tenter de développer au-delà des frontières une culture d'entreprise et surtout de préparer les esprits aux mutations ou aux décisions en diffusant l'information économique ou les orientations de gestion. La formalisation de ces procédures est néanmoins plus récente. En France, au 15 septembre 1996, 34 groupes ou entreprises 2 ( * ) ont conclu un accord prévoyant une information et une consultation transnationale des travailleurs, si l'on comptabilise les filiales françaises de groupes étrangers. Cela représente plus du quart des entreprises françaises concernées par l'accord, dont le nombre est estimé à 130. 12 accords ont été conclus ou formalisés depuis janvier 1996, ce qui révèle une accélération, sans doute motivée par la date butoir du 22 septembre 1996, qui impose un cadre juridique plus rigide. Les accords antérieurs à cette date ne sont, en application des articles 13 de la directive et 5 du projet de loi, en effet pas soumis aux dispositions de la directive ou de la loi et pourront être reconduits à l'identique.

En Allemagne, 38 accords ont été signés au 20 juin, 8 en Suède, 5 en Belgique et en Italie. 15 groupes britanniques, 6 groupes américains (dont 2 pour leurs implantations en France) et 5 groupes japonais ont signé des accords pour leurs implantations en Europe.

Au total, 1.152 entreprises dans 25 pays d'Europe seront concernées par ce texte adopté par 17 pays d'Europe (Union européenne à l'exception de la Grande-Bretagne, ainsi que l'Irlande, le Liechtenstein et la Norvège pour le reste de l'Espace économique européen).

B. PRINCIPES ET DISPOSITIONS RETENUS PAR LA DIRECTIVE DU 22 SEPTEMBRE 1994

L'objet de la directive est, comme l'indique son titre, d'informer et de consulter sur la base d'un échange de vues et l'établissement d'un dialogue les travailleurs par l'intermédiaire de leurs représentants. Il s'agit d'un droit nouveau, venant compléter le droit à l'information et à la consultation déjà reconnu par les législations nationales. Mais pour y parvenir, le texte laisse une grande liberté aux partenaires sociaux qui peuvent choisir entre une procédure d'information et de consultation ou un comité d'entreprise européen ; il leur appartient en outre de déterminer les conditions de mise en place et de fonctionnement de ces procédures ou instances. Ils peuvent aussi refuser délibérément de s'engager dans cette voie. Toutefois, un dispositif minimal est imposé par la directive (un comité d'entreprise européen) en cas de refus du chef d'entreprise de s'engager dans la voie conventionnelle ou si aucune décision n'a été prise dans le cadre des négociations dans un délai de trois ans. Par ailleurs, la directive laisse à chaque pays le soin de déterminer les conditions et les modalités de la transposition qui peut être légale, conventionnelle ou mixte, en renvoyant le plus souvent aux règles et aux usages nationaux.

- Champ d'application - Sont visées par la directive :


• les entreprises de dimension communautaire occupant au moins 1.000 travailleurs dans les États membres et au moins 150 salariés par État dans au moins deux États membres ;


• les groupes d'entreprises de dimension communautaire composés d'une entreprise qui exerce le contrôle et d'entreprises contrôlées. Pour entrer dans le champ de la directive ces groupes doivent employer au moins 1.000 salariés dans les États membres avec au moins deux entreprises d'au moins 150 salariés dans au moins deux États membres.

À cette occasion, et pour la seule application de la directive (le projet français en fait le cas général), les notions d'entreprise qui « exerce le contrôle » et « d'entreprise contrôlée » sont définies. L'entreprise « qui exerce le contrôle » est celle qui exerce une influence dominante sur une autre entreprise du fait, par exemple, de la propriété, de la participation financière ou des règles qui la régissent. Cette influence est présumée établie par la détention de la majorité du capital, la détention de la majorité des voix attachées aux parts émises par l'entreprise, ou encore le pouvoir de nomination de plus de la moitié des membres du conseil d'administration, de direction ou de surveillance, ce dernier étant, en cas de conflit de lois, le critère dominant.

La directive s'applique aux entreprises des pays signataires membres de l'Union européenne et de l'Espace économique européen, mais également aux entreprises répondant aux critères définis situés sur le territoire de ces pays et dont le siège principal est hors du champ d'application de la directive. C'est ainsi que des entreprises filiales de sociétés britanniques, américaines, japonaises etc. peuvent être concernées.

- Initiative de l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure d'information et de consultation - La directive confie la responsabilité de lancer la procédure à la direction centrale de l'entreprise dominante ou à son représentant dans un pays signataire lorsque celle-ci n'est pas située dans le périmètre des États signataires. La direction centrale doit mettre en oeuvre les conditions et les moyens nécessaires. Elle ouvre les négociations spontanément ou à la demande écrite d'au moins cent salariés ou de leurs représentants relevant d'au moins deux entreprises ou établissements situés dans au moins deux États membres différents. Il s'agit donc d'une procédure obligatoire doublement sanctionnée : par l'instauration d'un dispositif légal obligatoire en cas de refus de la direction d'ouvrir des négociations ou de leur non-aboutissement dans un délai de trois ans, et par des procédures administratives et judiciaires que chaque État doit prévoir afin d'obtenir l'exécution des obligations prévues par la directive.

Les représentants des travailleurs visés par la directive sont ceux définis comme tels par la législation de chaque État.

- Le groupe spécial de négociation (GSN) - La négociation avec la direction centrale sur la constitution d'un comité d'entreprise européen ou l'instauration d'une procédure d'information et de consultation est confiée à un groupe spécial de négociation composé de trois membres au minimum et de dix-sept au plus. Chaque État membre détermine le mode d'élection ou de désignation des représentants devant être élus ou désignés sur son territoire. La directive fixe les conditions minimales de représentativité des États (un par État concerné) et des salariés (membres supplémentaires en fonction du nombre de salariés, désignés ou élus selon les règles fixées par l'État). Les représentants peuvent être des représentants déjà élus ou désignés dans d'autres instances relevant de la législation nationale, ou, à défaut, des représentants spécifiquement élus ou désignés.

Le GSN peut décider de se faire assister d'experts de son choix. Les dépenses liées aux négociations sont supportées par la direction centrale, mais les États peuvent fixer des règles budgétaires et notamment limiter la prise en charge financière à un seul expert.

Le GSN peut aussi décider, par au moins deux tiers des voix, de ne pas ouvrir de négociation ou d'annuler les négociations en cours. Cette décision n'entraîne pas l'obligation de mettre en place le comité d'entreprise européen prévu par la loi en l'absence d'accord : la décision conventionnelle est respectée. Il ne peut cependant y avoir de nouvelle demande de réunion d'un GSN avant un délai de deux ans, sauf si la décision prévoit un délai plus court.

- Contenu de l'accord - La directive privilégiant la voie contractuelle, les parties disposent d'une grande liberté. Toutefois, une ligne directrice est fixée : tout d'abord, le comité d'entreprise européen est présenté comme l'instance privilégiée, la procédure d'information et de consultation étant présentée comme subsidiaire. L'accord doit en outre déterminer les entreprises concernées, la composition du comité, le nombre de ses membres, la répartition des sièges et la durée du mandat, le lieu, la fréquence et la durée des réunions, les ressources financières et matérielles à allouer au CEE, enfin la durée de l'accord et la procédure pour sa renégociation. En cas de choix d'une procédure d'information et de consultation, l'accord précise les conditions de réunion des représentants des travailleurs pour procéder à un échange de vues sur les informations qui leur sont communiquées. Il est ici précisé que ces informations « portent notamment sur les questions transnationales qui affectent considérablement les intérêts des travailleurs ».

Il peut paraître paradoxal de fixer précisément l'objet de la procédure alors que rien n'est dit d'explicite sur les attributions du comité d'entreprise. Cela vient du fait qu'il est difficile de définir une procédure d'information autrement qu'en précisant sur quoi elle porte, alors qu'une instance peut être plus facilement cernée par sa seule structure. Il est cependant évident que l'objet des débats au sein du CEE portera sur les mêmes sujets, d'ailleurs explicités dans l'annexe à la directive.

- Prescriptions subsidiaires - Si, dans un délai de trois ans, aucune décision n'a été prise par le GSN, la directive prévoit la création d'un comité d'entreprise européen dont elle fixe en annexe la composition de trois à trente membres, le rythme des réunions (une au moins par an) et les conditions d'institution d'un comité restreint ; elle détermine également l'objet des réunions et le contenu des informations à lui communiquer ; un rapport doit être préparé par la direction centrale, portant sur l'évolution des activités de l'entreprise, du groupe et de ses perspectives.

La réunion annuelle porte notamment sur la structure de l'entreprise ou du groupe, sa situation économique et financière, l'évolution probable de ses activités, la production et les ventes, la situation et l'évolution probable de l'emploi, les investissements, les changements substantiels concernant l'organisation, l'introduction de nouvelles méthodes de travail ou de nouveaux procédés de production, les transferts de production, les fusions, la réduction de la taille ou la fermeture d'entreprises, d'établissements ou de parties importantes de ceux-ci et les licenciements collectifs.

Lorsque des circonstances exceptionnelles interviennent qui affectent considérablement les intérêts des travailleurs, notamment en cas de délocalisation, de fermeture d'entreprises ou d'établissements, ou de licenciements collectifs, le comité restreint ou, si celui-ci n'existe pas, le comité d'entreprise européen, « a le droit » d'en être informé. Il « a le droit » de se réunir, à sa demande, avec la direction centrale ou tout autre niveau de direction plus approprié au sein de l'entreprise de dimension communautaire ou du groupe d'entreprises de dimension communautaire ayant la compétence de prendre des décisions propres, afin d'être informé et consulté sur les mesures affectant considérablement les intérêts des travailleurs.

Toutefois, cette réunion ne doit pas porter atteinte aux prérogatives de la direction centrale. Il s'agit donc d'une procédure a posteriori ne débouchant pas sur un avis formel.

Le comité peut être assisté d'experts et les dépenses de fonctionnement, de réunion, d'interprétation, de séjour et de déplacement, sous réserve des règles budgétaires fixées le cas échéant par les États, sont supportées par l'entreprise.

Ces prescriptions s'appliquent également lorsque le chef d'entreprise refuse la négociation ou l'institution, soit d'une procédure d'information, soit d'un comité d'entreprise européen.

- Fonctionnement des institutions - Au titre des mesures diverses, la directive fixe quelques règles de fonctionnement. Certaines portent sur la confidentialité des informations communiquées aux représentants des travailleurs et aux experts dans le cadre des instances et des procédures prévues par la directive ; dans certains cas, si la divulgation d'informations risque d'entraver gravement le fonctionnement de l'entreprise, la direction est autorisée, sur la base de critères objectifs, à ne pas communiquer certaines informations. La législation nationale peut cependant subordonner cette dispense à une autorisation administrative ou judiciaire.

D'autres règles visent à assurer une protection des représentants des travailleurs, ainsi que des salariés qui auraient pris l'initiative de formuler une demande de constitution d'un GSN. Les garanties doivent être les mêmes que celles prévues par les législations ou les pratiques nationales pour les représentants des travailleurs. Il est précisé que cela concerne en particulier le paiement des salaires lors des réunions.

C. LA TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE EN DROIT FRANÇAIS

Deux principes ont guidé le Gouvernement dans la rédaction du projet de loi : rester fidèle à l'esprit de la directive en privilégiant l'accord des partenaires sociaux chaque fois que cela était possible ; reprendre autant que faire se peut les solutions traditionnelles du droit du travail en matière de représentation des salariés et d'instance représentative ; ainsi en est-il des conditions de constitution et de convocation du comité d'entreprise européen en l'absence d'accord, de la présidence du CEE par le chef d'entreprise, de la fixation de l'ordre du jour, des heures de délégation, de la désignation des représentants des salariés par les organisations syndicales, de la confidentialité, de la suppression du CEE en cas de baisse des effectifs, de la protection des représentants des salariés ou encore des sanctions en cas de non-respect des prescriptions légales. C'est pourquoi de nombreuses dispositions pour lesquelles les conditions de mise en oeuvre n'ont pas été précisées s'appliquent par référence aux règles et à la jurisprudence concernant les comités d'entreprise ou de groupe. La directive, dans son inspiration, est en effet très proche des conceptions françaises de représentation des salariés.

Parfaitement fidèle à la directive pour ce qui concerne les dispositions minimales, le projet de loi, pour ce qui concerne l'importante marge de manoeuvre laissée à chaque État, a fait l'objet d'une concertation approfondie avec les partenaires sociaux, jusqu'à ce que soit trouvé un équilibre entre les différentes positions. Les points faisant l'objet d'un débat concernaient la notion de consultation, la délimitation du groupe, les obligations de confidentialité, les modalités de répartition des sièges dans le groupe spécial de négociation et le comité d'entreprise européen en l'absence d'accord, l'articulation du comité de groupe et du CEE, enfin les conditions de prise en charge des frais de fonctionnement et d'expertise. Les enjeux et les solutions retenues seront présentés en détail dans l'examen des articles.

On retrouve dans la structure du projet de loi les grands axes de la directive. Un nouveau chapitre (chapitre X du livre IV du titre III) est créé dans le code du travail par l'article 3, comprenant cinq sections : la première détermine le champ d'application, la deuxième regroupe les principales dispositions relatives à la constitution d'un groupe spécial de négociation habilité à conclure un accord, la troisième fixe des règles subsidiaires applicables en l'absence d'accord, la quatrième concerne la répartition des sièges de représentants des salariés au groupe spécial de négociation et au comité d'entreprise européen mis en place en l'absence d'accord, enfin, la cinquième édicte notamment des dispositions communes en matière de confidentialité et de protection des représentants des salariés et ouvre la possibilité de fusionner le CEE et le comité de groupe ou seulement d'aménager ce dernier.

A cela s'ajoutent les articles 1 et 2 relatifs aux comités de groupe et visant à harmoniser les définitions de l'entreprise dominante, 4 édictant des dispositions pénales pour sanctionner d'éventuelles entraves à l'application des dispositifs, et 5 visant à exonérer les entreprises qui auraient mis en place une instance ou une procédure en vue de l'information et de la consultation des salariés à l'échelon européen avant la date fixée par la directive pour l'entrée en vigueur du texte des obligations prévues par ce dernier.

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cette partie du texte, sinon, par deux amendements, à titre rédactionnel ou pour préciser explicitement un point considéré comme implicite.

Votre commission ne vous proposera pas davantage de modifier le texte : deux amendements rédactionnels vous seront proposés dont l'un vise à lever une ambiguïté et deux autres pour tenir compte du fait que la date butoir du 22 septembre 1996 aura été dépassée lors de l'adoption définitive du projet de loi, ce qui pose un problème de non-rétroactivité de la loi pénale.

Elle considère en effet que ce texte, en favorisant le dialogue social au sein des entreprises multinationales et des groupes de dimension communautaire, participera au nécessaire développement de l'Europe sociale et permettra aux entreprises européennes de mieux aborder les conditions de concurrence d'une économie sans cesse plus ouverte sur le monde.

II. LES MESURES LÉGISLATIVES TRANSPOSANT CERTAINES STIPULATIONS DE L'ACCORD INTERPROFESSIONNEL DU 31 OCTOBRE 1995 SUR LA POLITIQUE CONTRACTUELLE

Cet article résulte de la lettre rectificative adoptée par le Conseil des ministres du 13 mai 1996. Il vise à prendre les dispositions législatives nécessaires à l'application des orientations définies en matière de négociation collective d'entreprise par l'accord national interprofessionnel du 31 octobre 1995 sur la politique contractuelle. Les mécanismes retenus par les partenaires sociaux 3 ( * ) se situent en effet, bien qu'avec d'infinies précautions, en marge de la loi 4 ( * ) qui confie le monopole de la négociation aux délégués syndicaux. Il fallait donc que la loi elle-même ouvre de nouvelles possibilités légales.

L'accord du 31 octobre 1995 sur la politique contractuelle s'inscrit dans la perspective tracée par le relevé de conclusions du 28 février 1995 visant à relancer le dialogue social interprofessionnel. Plusieurs accords ont été conclus sur ces bases, dont l'accord du 6 septembre 1995 « préretraite contre emploi » et celui sur l'emploi, également du 31 octobre 1995, destiné à relancer la négociation sur l'aménagement du temps de travail au niveau des branches.

L'accord sur la politique contractuelle vise à favoriser le dialogue social dans les petites entreprises ne disposant pas de représentation syndicale -les plus nombreuses. Cette absence de dialogue les contraint en effet à rester à l'écart des grandes évolutions sociales visant à adapter les conditions d'emploi et de travail des salariés ainsi que la gestion des entreprises aux mutations économiques et technologiques en cours. Or ces évolutions se font désormais au plus près de l'emploi, au sein même des entreprises.

Plusieurs tentatives ont déjà été faites pour relancer ce dialogue social : on citera la loi quinquennale du 20 décembre 1993 qui a fusionné certaines instances représentatives du personnel afin d'alléger les contraintes pesant sur les entreprises et les salariés, mais sans succès, ou encore la proposition de loi de notre collègue Philippe Marini relative à la négociation collective et instituant un contrat collectif d'entreprise, non examinée, sans doute en raison de la crainte qu'elle peut susciter de voir toute une partie du droit du travail délocalisée au niveau de l'entreprise.

Cette fois, cependant, l'initiative vient des partenaires sociaux eux-mêmes. L'accord propose de relancer le dialogue social sur la base de trois thèmes de négociation :


• la reconnaissance réciproque des interlocuteurs syndicaux et patronaux, notamment par la formulation de garanties sur le déroulement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales ;


• la recherche des conditions d'une amélioration de la représentation du personnel dans les entreprises pour tenter de pallier les carences en ce domaine : 30 % des établissement de plus de dix salariés n'ont pas de délégués du personnel et près de 20 % des établissements de plus de cinquante salariés n'ont pas de comité d'entreprise ;


• enfin, le développement de la négociation collective dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux, soit plus de la moitié des entreprises comptant au moins cinquante salariés. Deux dispositifs sont proposés : une négociation menée par des représentants élus du personnel (délégués du personnel, membres élus du comité d'entreprise), ou une négociation menée par des salariés mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales.

Toutefois, les négociations portant sur les deux derniers thèmes sont étroitement encadrées : les dispositifs resteront expérimentaux, ils devront être négociés et conclus avant le 31 octobre 1998 et leur durée de validité est fixée à trois ans ; l'expérimentation devra être autorisée par un accord de branche, qui fixera en outre les thèmes pouvant être négociés dans ce nouveau cadre juridique ; les accords ainsi conclus resteront sous le contrôle des organisations syndicales qui les valideront au sein d'une commission paritaire de branche. Un droit d'opposition est en outre institué au niveau de la branche pour les organisations non signataires, si elles sont majoritaires.

Par ailleurs, une évaluation de ces dispositifs sera faite par les partenaires sociaux eux-mêmes.

Le projet de loi reprend intégralement ces dispositions. Il prévoit en outre une information régulière du Parlement sur les négociations relatives à l'amélioration de la représentation du personnel, dans la mesure où celles-ci pourraient nécessiter une intervention législative.

Une question de procédure s'est posée à l'Assemblée nationale qui a observé que le projet de loi autorisait des dérogations au code du travail, sans préciser les dispositions dérogatoires ; il se contentait de renvoyer à l'accord. Il a semblé à l'Assemblée nationale, à juste raison selon votre commission, qu'il y avait là une atteinte aux pouvoirs du législateur, celui-ci abdiquant une partie de ses compétences au profit des partenaires sociaux. La question pouvait en effet se poser de savoir quelle était la valeur juridique d'un accord dérogatoire non repris par la loi, connu certes, mais susceptible d'être ensuite modifié par avenant. L'Assemblée a donc préféré incorporer à la loi les dispositifs dérogatoires qui de ce fait ne le sont plus, et viennent enrichir les modes de négociation. Cette initiative évite un débat sur la constitutionnalité de ce qui pourrait s'apparenter à une délégation du pouvoir législatif.

Sous cette réserve, l'Assemblée n'a pas modifié les termes de l'accord des partenaires sociaux.

Votre commission approuve également ce qu'elle considère comme une avancée en faveur du dialogue social et de l'adaptation des entreprises au contexte économique actuel, tout en souhaitant que l'expérimentation soit suivie avec la plus grande attention par les partenaires sociaux et par le Gouvernement. En conséquence, elle vous proposera d'adopter sans modification l'article 6 du projet de loi, examiné plus en détail ci-dessous.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier (Art. L. 439-1 du code du travail) - Périmètre du comité de groupe

Le droit français du travail, à l'article L. 439-1 du code du travail, retient une définition de l'entreprise dominante, à qui il incombe de mettre en place le comité de groupe, quelque peu différente de celle retenue par l'article 3 de la directive du 22 septembre 1994.

Pour éviter la juxtaposition de deux définitions qui, bien que relevant d'une même logique fondée sur des critères juridiques et économiques, aurait pu générer des difficultés d'application, le projet de loi opte pour l'unification. En conséquence, l'article premier propose une réécriture de l'article L. 439-1 afin de définir l'entreprise dominante dans la législation relative aux comités de groupe au moyen des critères retenus par la directive pour déterminer « l'entreprise qui exerce le contrôle » dans la législation relative au comité d'entreprise européen. En outre, pour éviter toute distorsion avec la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, la notion de contrôle d'une société par une autre est définie par renvoi à cette loi. En conséquence, pour l'application des dispositions relatives au comité d'entreprise européen, qui figurent aux articles suivants, il sera fait renvoi à la définition de l'entreprise dominante mentionnée à l'article L. 439-1 dans sa nouvelle rédaction.

La fusion des critères de l'actuel article L. 439-1 du code du travail, du droit des sociétés et de l'article 3 de la directive ne modifie pas sensiblement le droit positif.

L'article L. 439-1 inclut dans le comité de groupe, outre la société dominante, les filiales de celle-ci au sens de l'article 354 de la loi du 24 juillet 1966 (dont elle détient plus de la moitié du capital), les sociétés dont elle détient indirectement plus de la moitié du capital (sous-filiales) et les sociétés dont le capital est détenu par la société dominante dans une proportion variant de 10 à 50 % (cf. art. 355 de la loi du 25 juillet 1966) dès lors que le comité d'entreprise de ces sociétés a demandé et obtenu du chef de l'entreprise dominante l'inclusion dans le groupe.

L'article 3 de la directive fixe le périmètre du groupe d'entreprises de dimension communautaire en définissant la notion « d'entreprise qui exerce le contrôle » : il s'agit d'une entreprise qui peut exercer une influence dominante sur une autre entreprise, dite « entreprise contrôlée », par exemple du fait de la propriété, de la participation financière ou des règles qui la régissent. Le 2 de l'article dispose en outre que le fait de pouvoir exercer une influence dominante est présumé établi, sans préjudice de la preuve du contraire, lorsqu'une entreprise, directement ou indirectement, à l'égard d'une autre entreprise :

a) détient la majorité du capital souscrit de l'entreprise

ou

b) dispose de la majorité des voix attachées aux parts émises par l'entreprise

ou

c) peut nommer plus que la moitié des membres du conseil d'administration, de direction ou de surveillance de l'entreprise.

Ce dernier point prime, sans préjudice de la preuve contraire, si, en cas de conflit de lois, deux ou plusieurs entreprises satisfont aux autres critères, la loi applicable étant en effet celle de l'État membre dont relève l'entreprise supposée exercer le contrôle.

Ainsi, la directive, plus précise et plus détaillée dans la définition de l'entreprise dominante que la législation française actuelle, se situe néanmoins dans la même logique.

L'article premier du présent projet de loi reprend cette définition en proposant une nouvelle rédaction de l'article L. 439-1 relatif au comité de groupe, introduit dans le code du travail par la loi du 28 octobre 1982 sur les institutions représentatives du personnel.

Le paragraphe I précise que les dispositions relatives au comité de groupe sont applicables aux entreprises et autres organismes mentionnés à l'article L. 431-1, c'est-à-dire aux entreprises et autres organismes assujettis à l'obligation de constituer un comité d'entreprise : sont notamment visés les entreprises industrielles et commerciales, les offices publics et ministériels, les professions libérales, les sociétés civiles, les syndicats professionnels, les sociétés mutualistes, les organismes de sécurité sociale, à l'exception de ceux qui ont le caractère d'établissement public administratif, et les associations quels que soient leurs formes et objet ou encore aux exploitations, entreprises et établissements agricoles ou assimilés.

Il est toutefois précisé que les dispositions s'appliquent quelque soit le nombre de salariés employés, cela pour ne pas limiter le groupe aux entreprises d'au moins cinquante salariés, seules soumises à l'obligation de créer un comité d'entreprise. Certaines sociétés, notamment de type holding, peuvent en effet ne regrouper que quelques salariés.

Le paragraphe II constitue le coeur du dispositif. Il détermine le champ du groupe au sein duquel doit être constitué un comité de groupe en définissant l'entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle :


• l'entreprise est dominante lorsqu'elle contrôle d'autres entreprises dans les conditions définies :

- à l'article 354 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales : une société est filiale d'une autre si cette dernière possède plus de la moitié du capital de la première ;

- à l'article 355-1 de cette même loi : détention directe ou indirecte d'une fraction du capital conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de la société contrôlée, majorité des droits de vote en vertu d'accords, ou encore possibilité de déterminer les décisions des assemblées générales ;

- et à l'article 357-1, deuxième alinéa : détention directe ou indirecte des droits de vote, désignation de la majorité des membres des organes d'administration, influence dominante en vertu d'un contrat ou de clauses statutaires.


• l'entreprise est également dominante si elle détient au moins 10 % du capital et exerce une influence dominante, lorsque la permanence et l'importance des relations de ces entreprises établissent l'appartenance à un même ensemble économique.

Enfin, l'influence dominante est présumée établie dans les conditions reprises de l'article 3 de la directive exposée ci-dessus ; en cas de conflit, si plusieurs entreprises satisfont à un ou plusieurs des critères mentionnés, la primauté est accordée au critère de nomination de plus de la moitié des membres des organes de direction, d'administration ou de surveillance. L'entreprise qui répond à ce critère est considérée comme l'entreprise dominante.

Toutes ces entreprises doivent avoir leur siège social en France.

Le paragraphe III reprend pour partie les dispositions de l'article L. 439-1 relative à l'inclusion dans le comité de groupe d'une entreprise à la demande du comité d'entreprise d'une entreprise sur laquelle s'exerce une influence dominante. La procédure de demande, ainsi que celle de retrait en cas de cessation des relations restent les mêmes qu'aujourd'hui, si ce n'est que le chef d'entreprise sollicité « fait droit » à la demande dans un délai de trois mois alors qu'actuellement il doit motiver sa décision et ne peut rejeter la demande lorsque l'appartenance à un même ensemble économique a créé des liens complexes que l'article énumère (administrateurs communs, comptes consolidés, etc.).

Si les relations de dépendance apparaissent alors que le comité de groupe est déjà constitué, l'inclusion des nouveaux représentants des salariés se fait à l'occasion du renouvellement de celui-ci.

Le paragraphe IV, qui prévoit la compétence du tribunal de grande instance du siège de l'entreprise dominante en cas de litige, est la reprise à l'identique d'une disposition de l'article L. 439-1.

Le paragraphe V exclut du dispositif, en ne les considérant pas comme dominantes, les entreprises intervenant au titre de sociétés d'assurance ou d'établissement de crédit ou au titre d'opérations de participation financière (points a et c du paragraphe 5 de l'article 3 du règlement CEE n° 4064/89 du conseil du 21 décembre 1989). Cette exclusion est justifiée par le caractère purement financier des relations entre ces entreprises et les entreprises « contrôlées ».

L'ensemble de cet article, reprise harmonisée avec la directive de l'actuel article L. 439-1, adopté sans amendement par l'Assemblée nationale malgré un long débat portant sur la réécriture alinéa par alinéa de l'article, n'appelle pas de remarques particulières de la part de votre commission. Aussi, vous propose-t-elle de l'adopter sans modification.

Art. 2 - Dispositions transitoires applicables aux comités de groupe

Depuis 1982, de nombreuses entreprises ont déjà mis en place des comités de groupe ; ces groupes répondent à la définition actuelle de la notion d'entreprise dominante et pourraient être déstabilisés par l'application de nouveaux critères, plus larges. Afin d'éviter une remise en cause du comité de groupe, le présent article dispose que les nouveaux critères ne peuvent avoir pour effet de modifier la composition du comité de groupe avant le premier renouvellement. La seule exception, qui reprend le droit actuel, est la demande d'inclusion formulée par un comité d'entreprise d'une entreprise contrôlée ou sous influence dominante.

Cet article a été adopté sans débat et sans modification par l'Assemblée nationale. N'ayant pas davantage d'objection à formuler, votre commission vous propose de l'adopter également sans modification.

Art. 3 (Chapitre X nouveau du titre III du livre IV du code du travail) - Comité d'entreprise européen ou procédure d'information et de consultation dans les entreprises de dimension communautaire

Le présent article 3 ajoute un chapitre X composé de dix-neuf articles au titre III (Les comités d'entreprise) du livre IV (Les groupements professionnels, la représentation (...) des salariés) du code du travail.

Section 1 - Champ d'application

Art. L. 439-6 nouveau du code du travail - Droits des salariés à l'information et à la consultation à l'échelon européen et définition

Cet article transpose dans le code du travail une partie des dispositions des articles premier et 2 de la directive du 22 septembre 1994.

Le premier alinéa pose le principe du droit des salariés à une information et à une consultation à l'échelon européen, et en assure la garantie en prévoyant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure d'information, d'échange de vues et de dialogue dans les entreprises ou groupes d'entreprises de dimension communautaire. En mentionnant une procédure d'échange de vues et de dialogue, la rédaction donne un sens précis au mot « consultation », très différent de l'acception générale retenue dans le code du travail qui l'associe à un avis, voire à un avis conforme dans le cadre d'une procédure fixée par les textes ou la jurisprudence. Ce sens est explicitement confirmé au quatrième alinéa ci-dessous : « ... le terme de consultation s'entend comme l'organisation d'un échange de vues et l'établissement d'un dialogue ». C'était là l'un des points sensibles lors des consultations en vue de la transposition.

Le deuxième alinéa précise la notion d'entreprise de dimension communautaire. Il est tout d'abord fait référence à la définition de l'entreprise de l'article L. 439-1 du code du travail, réécrit à l'article premier ci-dessus ; il est ensuite précisé que l'entreprise doit employer au moins mille salariés dans les États membres de la Communauté européenne participant à l'accord sur la politique sociale annexée au Traité de Maastricht, c'est-à-dire les Quinze moins la Grande-Bretagne, ainsi que dans les États membres de l'Espace économique européen non membres de la Communauté européenne, soit l'Islande, le Liechtenstein et la Norvège. L'entreprise doit en outre comporter au moins un établissement employant au minimum 150 salariés dans au moins deux de ces États. Contrairement au comité de groupe, il y a ici des critères d'effectifs.

Le troisième alinéa définit la notion de groupe d'entreprises de dimension communautaire. Là encore, il est fait renvoi à la définition du groupe d'entreprises telle qu'elle figure au II de l'article L. 439-1. Le groupe doit employer au moins mille salariés et comporter au moins un établissement de 150 personnes au minimum dans au moins deux des États mentionnés à l'alinéa précédent.

Les cinquième, sixième, septième et huitième alinéas déterminent le champ d'application du code du travail français en matière de comité d'entreprise européen ou pour la procédure d'information et de consultation. Doivent appliquer le droit français :

- les entreprises ou les groupes d'entreprises de dimension communautaire dont le siège social ou celui de l'entreprise dominante est situé en France ;

- les entreprises ou les groupes dont le siège social ou celui de l'entreprise dominante est situé dans un pays n'appliquant pas la directive mais qui ont désigné en France un représentant pour l'application de ces dispositions,

- ou qui, n'ayant désigné nulle part de représentant, au sein des États concernés, emploient en France, dans l'un de leurs établissements ou de l'une des entreprises du groupe, le plus grand nombre de salariés.

Ces deux derniers dispositifs font application des règles de territorialité habituelles en ce domaine et pourraient notamment conduire à inclure dans le champ de la directive les entreprises transnationales britanniques.

Cet article n'appelle pas de commentaires particuliers, aussi votre commission vous propose-t-elle de l'adopter sans modification, comme l'a fait l'Assemblée nationale après avoir rejeté plusieurs amendements tendant à élargir le champ et le contenu de la consultation et à articuler le comité d'entreprise européen avec les autres instances de représentation du personnel différemment des solutions retenues par le projet de loi dans les articles examinés ci-après.

Section 2
Groupe spécial de négociation

Art. L. 439-7 nouveau du code du travail - Constitution du groupe spécial de négociation

L'article 5 de la directive détermine la procédure devant aboutir à l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure d'information et de consultation.

L'initiative d'entamer la négociation revient à la direction centrale, spontanément ou à la demande écrite d'au moins cent travailleurs, ou de leurs représentants, relevant d'au moins deux entreprises ou établissements situés dans au moins deux États membres différents.

Pour mener ces négociations est mis en place un groupe spécial de négociation constitué de membres élus ou désignés dans des conditions fixées par les États membres eux-mêmes. Il peut être tenu compte des seuils d'effectifs habituellement retenus par les législations nationales pour la constitution des instances représentatives du personnel.

L'article L. 439-7 reprend ces dispositions et les transpose en faisant application du droit français dans les limites autorisées par le texte.

Les autres dispositions de l'article 5 de la directive, qui définissent la tâche du groupe spécial de négociation, sa marge de manoeuvre, les possibilités de recours ultérieurs si la procédure est interrompue, enfin les modalités de prise en charge des dépenses, seront transposées aux articles L. 439-8, L. 439-18 et L. 439-19 examinés ci-après.

Le premier alinéa de l'article L. 439-7 confie la responsabilité de mettre en place le groupe spécial de négociation au chef d'entreprise ou de l'entreprise dominante du groupe de dimension communautaire et renvoie la composition du groupe à l'article L. 439-18 ci-après. Il fixe également l'objectif à atteindre : conclure un accord destiné à mettre en oeuvre le droit à l'information et à la consultation énoncé à l'article L. 439-6.

Le deuxième alinéa fixe le seuil d'effectifs à partir duquel la procédure doit être engagée : les seuils d'effectifs mentionnés à l'article L. 439-6, c'est-à-dire 1.000 salariés dont au moins 150 dans au moins deux pays différents, doivent avoir été atteints en moyenne pendant deux ans. Le calcul s'effectue suivant le droit applicable au lieu de la localisation de l'entreprise ou de l'établissement. En France, les modalités de calcul sont fixées par l'article L. 431-2 du code du travail (modalités de prise en compte des contrats à durée déterminée, des travailleurs à temps partiel, etc.). Une information sur les effectifs doit être fournie, à leur demande, aux représentants des salariés, qui seront ainsi à même le cas échéant, de formuler une demande de constitution d'un groupe de négociation.

Cette demande est prévue par le troisième alinéa qui transpose la procédure fixée par la directive au cas où le chef d'entreprise ne prendrait pas l'initiative qui lui incombe de réunir le groupe de négociation (cf. le 2ème alinéa ci-dessus).

Constatant que cet article transpose fidèlement la directive, votre commission vous propose de l'adopter sans modification, comme l'a fait l'Assemblée nationale.

Art. L. 439-8 nouveau du code du travail
Missions et modalités de fonctionnement du groupe spécial de négociation

Cet article poursuit la transposition de l'article 5 de la directive.

Il reprend dans son premier alinéa presque littéralement (la référence à la direction générale est remplacée par celle de chef d'entreprise ou son représentant) la rédaction du point 3 de l'article 5 qui fixe la mission du groupe spécial de négociation : celui-ci, dans un accord écrit, doit déterminer les entreprises ou établissements concernés, la composition, les attributions et la durée du mandat du ou des comités d'entreprises européens, ou fixer les modalités de mise en oeuvre d'une procédure d'information, d'échanges de vue et de dialogue.

Le deuxième alinéa fixe la procédure de convocation du groupe spécial de négociation par l'intermédiaire des directions locales d'entreprises ou de groupes d'entreprises chargées de transmettre l'information aux représentants des salariés ; cette convocation incombe au chef d'entreprise de l'entreprise dominante ou à son représentant.

Le troisième alinéa applique les dispositions du code du travail relatives à la représentation du personnel au groupe spécial de négociation : temps passé en réunion considéré comme du temps de travail payé à échéance normale (cf. art. L. 434-1) et mise à la charge de l'entreprise ou de l'entreprise dominante des dépenses nécessaires à la bonne exécution de la mission du groupe spécial de négociation (cf. art. L. 434-8). Mais, alors que pour le comité d'entreprise, les règles relatives aux heures de délégation et aux financements sont déterminées précisément par le code du travail, pour le comité d'entreprise européen, ces règles sont renvoyées à la négociation au sein du groupe spécial dans des conditions déterminées à l'article L. 439-9 examiné ci-après.

Enfin, le dernier alinéa dispose que pour les besoins des négociations, le groupe spécial de négociation peut être assisté d'experts de son choix. L'alinéa précise en outre qu'il revient à l'entreprise ou à l'entreprise dominante de prendre en charge les frais afférents à l'intervention d'un expert ; cette limitation est autorisée expressément par la directive.

La prise en charge des frais d'expertise a toujours constitué en droit français (cf. art. L. 434-6) une source de difficulté. Les demandes d'expertise formulées par les représentants du personnel étant parfois jugées excessives par les chefs d'entreprise appelés à les financer, le code du travail prévoit que les désaccords sur la nécessité du recours à un expert et les litiges sur la rémunération sont de la compétence du président du tribunal de grande instance statuant en urgence, en la forme des référés (art. R. 434-2).

Aucune procédure de ce type n'est ici proposée.

Néanmoins, les risques de dérive paraissent limités : d'abord il est prévu que l'entreprise ne prenne en charge qu'un seul expert, solution retenue par la plupart des pays concernés à l'exception des Pays-Bas et de la Suède ; ensuite, bien qu'aucune limitation budgétaire ne soit fixée par le projet pour le recours à un expert, le Gouvernement considère que la dépense devrait rester dans la limite du « raisonnable » et du « nécessaire » dans la mesure où il ne s'agit pas de recourir à un expert-comptable ou à un expert technique, mais plutôt à un spécialiste syndical susceptible d'aider à la négociation. Plusieurs transpositions, notamment en Allemagne ou en Norvège, ouvrent la possibilité de régler les questions liées au recours à un expert par la voie contractuelle.

L'Assemblée nationale a repoussé de nombreux amendements visant à mettre dans la loi ce que la directive et le projet de loi renvoient à la négociation, avant d'adopter l'article dans sa rédaction d'origine.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. L. 439-9 nouveau du code du travail - Contenu de l'accord instituant le comité d'entreprise européen

Cet article transpose une partie de l'article 6 de la directive. Il dispose que l'objectif de la négociation est de parvenir à un accord qui détermine :

- les entreprises et les établissements concernés ;

- la composition du comité d'entreprise européen, le nombre de ses membres, la répartition des sièges et la durée du mandat ;

- les attributions du comité d'entreprise européen et les modalités d'information et de dialogue ;

- le lien, la fréquence et la durée des réunions ;

- les moyens matériels et financiers alloués au comité ;

- la durée de l'accord et la procédure de renégociation.

A l'intérieur de ce cadre, la négociation reste libre et pourrait en théorie aboutir à des accords très différents d'une entreprise à l'autre, ou d'un groupe d'entreprises de dimensions communautaires à un autre.

L'Assemblée nationale a adopté tel quel cet article, après avoir repoussé plusieurs amendements tendant à encadrer davantage la négociation et à lui fixer des objectifs précis.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. L. 439-10 nouveau du code du travail - Contenu de l'accord instituant une ou plusieurs procédures d'information et de consultation

Cet article transpose la deuxième partie de l'article 6 de la directive ; plutôt que d'instituer un comité d'entreprise européen, le chef d'entreprise ou son représentant et le groupe spécial de négociation peuvent décider, par accord, d'instituer une ou plusieurs procédures d'information et d'échange de vue et de dialogue. Il s'agit donc de la seconde branche d'une alternative, expressément prévue par le premier alinéa.

Le second alinéa dispose que l'accord doit prévoir les modalités de réunion des représentants des salariés pour procéder à un échange de vues au sujet des informations qui leur sont communiquées. Contrairement aux dispositions relatives au comité d'entreprise européen où rien n'est dit sur l'objet des échanges susceptibles d'avoir lieu 5 ( * ) , le texte, repris de la directive, prévoit que ces informations doivent notamment porter sur « les questions transnationales affectant considérablement les intérêts des salariés ». La rédaction reste cependant suffisamment vague pour laisser aux représentants des salariés un champ d'échange de vues relativement ouvert. On notera cependant que l'annexe (point 3) fait figurer, au titre des circonstances affectant considérablement les intérêts des salariés, les délocalisations, les fermetures d'entreprises ou d'établissements ou encore les licenciements.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification, deux amendements à caractère coercitif ayant été repoussés sans débat.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. L. 439-11 nouveau du code du travail - Régime des décisions du groupe spécial de négociation et fin de sa mission

Le premier alinéa dispose que la décision de conclure un accord est prise par le groupe spécial de négociation à la majorité de ses membres. Il s'agit là de la reprise de l'article 6-5 de la directive. Il faut entendre ici la majorité des membres qui le composent.

Le deuxième alinéa prévoit, en revanche, une majorité qualifiée de deux tiers des voix (il s'agit ici des voix exprimées des membres présents ou représentés) pour prendre la décision de ne pas ouvrir de négociation ou de mettre fin aux négociations en cours. Cette décision écarte l'application des dispositions de l'article L. 439-12 ci-après qui prévoit, en cas d'absence d'accord du fait du chef d'entreprise ou en raison de la longueur déraisonnable des négociations, l'institution obligatoire d'un comité d'entreprise européen (cf. prescriptions subsidiaires visées à l'article 7 de la directive).

Aucune explication particulière n'a été donnée sur les différences de majorité constatées entre les deux alinéas : le projet de loi ne fait que reprendre le texte de la directive. Il semble néanmoins logique que l'adoption de l'accord réclame une majorité absolue, alors que les voix en faveur de la décision de ne pas négocier ou d'annuler les négociations bénéficient des absences non représentées, l'indifférence venant conforter le statu quo.

Aux termes du troisième alinéa , le refus du groupe spécial de négociation de conclure un accord met fin à son existence et aucune nouvelle demande de constitution d'un groupe spécial de négociation ne peut être déposée avant un délai de deux ans, sauf si les parties concernées fixent un délai plus court. La mise en oeuvre d'une procédure d'information, d'échange de vues et de dialogue met également fin à l'existence du groupe.

L'Assemblée nationale, après avoir repoussé deux amendements tendant à rendre plus contraignant le refus de signer un accord, a adopté cet article sans modification.

Votre commission vous demande de l'adopter de même.

Section 3 - Comité d'entreprise européen mis en place en l'absence d'accord

Art. L. 439-12 nouveau du code du travail - Procédure de mise en place d'un comité d'entreprise européen à titre subsidiaire

Cet article transpose l'article 7 de la directive et son annexe relatifs aux prescriptions subsidiaires ; celles-ci doivent être arrêtées par la législation des États membres et satisfaire aux dispositions de l'annexe.

L'institution d'un comité d'entreprise européen à titre subsidiaire est prévue par l'article L. 439-12 dans deux hypothèses énoncées au premier alinéa :

- lorsque le chef de l'entreprise ou de l'entreprise dominante de dimension communautaire refuse la mise en place d'un groupe spécial de négociation ou l'ouverture de négociation (sous entendu, une fois le groupe constitué) dans un délai de six mois à compter de la demande prévue au troisième alinéa de l'article L. 439-7 ;

- lorsque le groupe spécial de négociation, sans se prononcer formellement contre la signature d'un accord, n'a pas conclu d'accord dans les trois ans qui suivent la réception de la demande ou de l'initiative prise par le chef d'entreprise.

L'article 7 de la directive prévoit une troisième hypothèse : lorsque la direction centrale et le groupe le décident. Cette hypothèse, entrant dans le cadre d'un accord, n'a pas à être mentionnée ici puisqu'elle relève de l'article L. 439-9.

Le deuxième alinéa dispose que le comité d'entreprise européen doit être constitué dans les six mois qui suivent l'expiration des délais de six mois ou de trois ans mentionnés ci-dessus.

Pour la directive, ces prescriptions subsidiaires visent à réaliser l'objectif fixé à l'article premier, à savoir améliorer le droit à l'information et à la consultation des salariés.

Après avoir repoussé divers amendements tendant à renforcer la procédure de mise en place du comité, l'Assemblée nationale a adopté cet article dans son texte d'origine.

Votre commission vous demande également de l'adopter sans modification.

Art. L. 439-13 nouveau du code du travail - Composition du comité d'entreprise européen en l'absence d'accord

Cet article, adopté sans débat par l'Assemblée nationale, transpose en droit français le 1.b) de l'annexe. Toutefois, la solution retenue pour le code du travail est quelque peu différente. En effet, alors que la directive prévoit que le comité européen d'entreprise est composé des seuls travailleurs de l'entreprise ou du groupe d'entreprises, élus ou désignés en leur sein par les représentants des travailleurs ou, à défaut, par l'ensemble des travailleurs, le projet de loi, reprenant la composition du comité d'entreprise français ou du comité de groupe, intègre le chef d'entreprise ou le chef de l'entreprise dominante dans le comité ; celui-ci peut en outre se faire assister de deux personnes de son choix, ayant voix consultative.

L'article, transposant le 1.a) de l'annexe, précise en outre que le comité d'entreprise européen a compétence sur les questions qui concernent soit l'ensemble de l'entreprise ou du groupe d'entreprises de dimension communautaire, soit au moins deux établissements ou entreprises du groupe situés dans deux des États parties à la directive.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. L. 439-14 nouveau du code du travail - Modalités de fonctionnement du comité d'entreprise européen

Aux termes du 4 de l'annexe, les États membres peuvent fixer les règles concernant la présidence des réunions d'information et de consultation. En application de ces dispositions, le projet de loi, dans les deux premiers alinéas de l'article, aligne le régime du comité d'entreprise européen sur celui du comité d'entreprise : il confie la présidence du comité au chef de l'entreprise ou de l'entreprise dominante ou à son représentant ; il confère la personnalité juridique au comité et prévoit l'élection, à la majorité des voix, d'un secrétaire parmi les membres (cf. art. L. 434-2 du code du travail), ainsi que d'un bureau de trois membres lorsque le comité comprend au moins dix représentants des salariés (ce dernier point transpose la notion de comité restreint mentionné au 1.c) de l'annexe).

Le troisième alinéa fixe le rythme des réunions à une par an, sur convocation de son président et sur la base d'un rapport établi par celui-ci ; le rapport retrace l'évolution des activités de l'entreprise ou du groupe, ainsi que ses perspectives. Les chefs d'entreprises dominées ou d'établissements en sont informés. Il s'agit de la transposition du 2 de l'annexe.

Le quatrième alinéa dispose que la délégation du personnel au comité informe les représentants du personnel des établissements ou des entreprises dominées, ou, à défaut, l'ensemble des salariés, de la teneur et des résultats des travaux. Ces communications doivent respecter les dispositions relatives au secret professionnel et à l'obligation de discrétion, ce qui constitue une reprise de la règle fixée à l'article L. 432-7.

Le cinquième alinéa concerne la procédure de convocation : l'ordre du jour est arrêté par le président et le secrétaire et communiqué aux membres du comité quinze jours au moins avant la réunion. A défaut d'accord sur le contenu, l'initiative en revient au seul président et l'ordre du jour est communiqué aux membres dix jours au moins avant la date de la réunion. Il s'agit, là encore, de la reprise des dispositions habituelles. Les modalités de mise en oeuvre sont donc les mêmes.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans le modifier. Elle a dû pour cela repousser de nombreux amendements ayant notamment pour objet de renforcer les pouvoirs du comité et de multiplier les réunions.

Votre commission vous propose d'adopter l'article sans modification.

Art. L. 439-15 nouveau du code du travail - Attributions du comité d'entreprise européen

Cet article transpose presque mot pour mot les points 2 ( 2 e alinéa) et 3 de l'annexe à l'article 7 de la directive.

Le premier alinéa dresse une liste minimale et non limitative des sujets devant faire l'objet de la réunion : structure de l'entreprise ou du groupe d'entreprises, situation économique et financière, évolution probable des activités, production et ventes, situation et évolution probable de l'emploi, investissements, changements substantiels concernant l'organisation, introduction de nouvelles méthodes de travail ou de nouveaux procédés de production, transferts de production, fusions, réduction de la taille ou fermeture d'entreprises, d'établissements ou de parties importantes de ceux-ci et licenciements collectifs.

Le deuxième alinéa pose le principe de droit à l'information du bureau ou, à défaut, du comité en cas de circonstances exceptionnelles affectant considérablement les intérêts des salariés, notamment en cas de délocalisation, de fermeture d'entreprises ou d'établissements, ou encore de licenciements collectifs.

Le bureau peut également se réunir, à sa demande, avec le chef d'entreprise ou son représentant, ou avec tout autre responsable à un niveau de direction plus approprié doté d'un pouvoir de décision, afin d'être informé et de procéder à un échange de vues et à un dialogue sur les mesures affectant considérablement les intérêts des salariés. Les membres du comité désignés ou élus par les entreprises ou les établissements concernés ont le droit d'y assister. L'alinéa précise que cette réunion doit avoir lieu dans les « meilleurs délais 6 ( * ) », sur la base d'un rapport établi par le responsable mentionné ci-dessus. Un avis peut-être émis à l'issue de la réunion ou d'un délai raisonnable, mais la réunion ne doit pas porter atteinte aux prérogatives du chef d'entreprise : l'avis n'est donc pas conforme. Il s'agit donc d'un échange de vues a posteriori, les mesures affectant considérablement les intérêts des salariés ayant déjà pu être arrêtées.

Enfin, le troisième alinéa prévoit que les représentants des salariés participant à cette réunion peuvent se réunir, au préalable, hors la présence des représentants de la direction.

Cet article a fait l'objet d'un long débat à l'Assemblée nationale au cours duquel de nombreux amendements, tendant notamment à préciser le texte et à situer la réunion avant que les mesures ne soient adoptées par la direction, ont été présentés et repoussés.

Tout en observant que la rédaction de cet article, presqu'intégralement reprise de la directive, est loin d'être parfaite, mais résulte de compromis débouchant sur un équilibre accepté par les partenaires sociaux, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. L. 439-16 du code du travail - Modalités de fonctionnement du comité d'entreprise européen

Cet article transpose les dispositions des points 6 et 7 de l'annexe à l'article 7 de la directive.

Le premier alinéa prévoit la possibilité pour le comité d'entreprise européen, de se faire assister d'experts dans la mesure où cela est nécessaire à l'accomplissement de ses tâches. Toutefois, comme pour le groupe spécial de négociation (cf. art. L. 439-8 ci-dessus) l'entreprise ou l'entreprise dominante du groupe n'a à prendre en charge que les frais afférents à l'intervention d'un seul expert.

Le deuxième alinéa concerne les dépenses de fonctionnement du comité d'entreprise européen. Il est spécifié qu'elles sont supportées par l'entreprise ou l'entreprise dominante, chargée de doter les membres du comité de moyens matériels et financiers nécessaires à l'accomplissement de leur mission. Au titre de ces dépenses, le texte cite expressément, à moins qu'il n'en ait été convenu autrement, les frais d'organisation des réunions et d'interprétariat ainsi que les frais de séjour et de déplacement des membres du comité et du bureau.

Le troisième alinéa dispose, comme le fait l'article L. 434-1 pour les membres du comité d'entreprise français, que le temps passé en réunion par les membres du comité européen est considéré comme temps de travail et payé à échéance normale. En cas de difficultés, les solutions traditionnelles du droit français seront appliquées. Ainsi, les éventuels délais de route ne seront pas nécessairement payés par l'employeur comme des heures de travail, mais ils pourront être imputés sur les crédits d'heures.

Le quatrième alinéa concerne plus particulièrement les heures de délégation du secrétaire et des membres du bureau. Ceux-ci peuvent disposer individuellement d'un crédit d'heures, rémunérées comme du temps de travail et payé à l'échéance normale, qui ne peut excéder, sauf circonstances exceptionnelles, 120 heures, durée inférieure à celle allouée aux membres des comités d'entreprises français (contingent limité à 20 heures par mois).

En cas de contestation par l'employeur de l'usage du temps ainsi alloué, il lui appartiendra de saisir la juridiction compétente qui sera, pour les entreprises de droit français, le conseil des prud'hommes. En conséquence, la jurisprudence de la Cour de cassation aura à s'appliquer, notamment pour la charge de la preuve et pour l'obligation de paiement préalable à toute contestation (cf. art. L. 431-1).

Il est aussi précisé que le temps consacré aux réunions du comité et du bureau n'est pas déduit des 120 heures. C'est là également la reprise d'une disposition traditionnelle en droit français.

Enfin, le dernier alinéa précise que les documents communiqués aux représentants des salariés comportent au moins une version française. Cette disposition favorable à la francophonie sous-entend que les documents peuvent être fournis dans les langues des membres du comité, la « langue de travail » étant le français.

L'Assemblée nationale a longuement débattu de cet article. Elle a repoussé tous les amendements tendant à étendre la prise en charge d'experts ainsi que le champ des dépenses devant être assumées par l'entreprise. Elle a, en revanche, adopté un amendement précisant que le crédit de 120 heures s'entendait individuellement, et non comme un crédit collectif à se répartir. Cette précision ne fait que reprendre l'interprétation habituelle de l'article L. 434-1, la Cour de cassation exigeant une disposition expresse affirmant le caractère collectif du crédit d'heures (par exemple, dans le cas de la commission économique).

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. L. 439-17 nouveau du code du travail - Règlement intérieur et ouverture éventuelle de nouvelles négociations

Cet article transpose les points 1-c) et 1-f) de l'annexe à l'article 7 de la directive.

Le premier alinéa dispose que le comité d'entreprise européen adopte un règlement intérieur qui fixe ses modalités de fonctionnement.

Le deuxième alinéa concerne l'adaptation du comité d'entreprise européen aux changements intervenus dans la structure ou la dimension de l'entreprise ou du groupe d'entreprises de dimension communautaire. Il est ainsi précisé que le règlement intérieur peut organiser la prise en compte de leurs répercussions. Un examen de ces changements peut être organisé à l'occasion de la réunion annuelle du comité, susceptible de déboucher en cas d'accord avec le chef d'entreprise ou son représentant, sur une modification de la composition du comité.

Le troisième alinéa aborde un tout autre sujet : il institue une possibilité de retour dans le droit commun conventionnel du comité d'entreprise européen créé par la loi à titre subsidiaire en l'absence d'accord. Ainsi, quatre ans après son institution, le comité examine s'il convient de renouveler ses membres, la structure légale étant maintenue, ou d'engager des négociations en vue de la conclusion de l'accord portant sur la création d'un comité purement conventionnel ou sur une ou plusieurs procédures d'information et de consultation.

S'il opte pour des négociations, les membres du comité forment le groupe spécial de négociation et sont habilités à passer l'accord. Il appartient au chef d'entreprise ou à son représentant de convoquer une réunion afin d'entamer les négociations dans un délai de six mois suivant le terme des quatre ans. Toutefois, le comité d'entreprise européen reste en fonction tant qu'il n'a pas été renouvelé ou remplacé.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans débat.

Votre commission vous propose de l'adopter modifié cependant par un amendement rédactionnel portant sur l'expression « le renouveler » dans le dernier alinéa, quelque peu ambiguë.

Section 4 - Répartition des sièges au groupe spécial de négociation et au comité d'entreprise européen mis en place en l'absence d'accord

Art. L. 439-18 nouveau du code du travail - Règle de répartition des sièges

Cet article transpose l'article 5.2. b) et c) de la directive du 22 septembre 1994 et du point 1. d) de l'annexe à l'article 7. Ces dispositions imposent d'assurer :

- d'une part, la représentation par un membre de chaque État membre dans lequel l'entreprise ou le groupe d'entreprises de dimension communautaire compte un ou plusieurs établissements ou une ou plusieurs entreprises ;

- d'autre part, une représentation, par des membres supplémentaires, proportionnelle au nombre de travailleurs occupés dans les établissements ou les entreprises comme prévu par la législation de l'État membre sur le territoire duquel la direction centrale est située.

L'article L. 439-18 adapte ces principes, qu'il s'agisse du groupe spécial de négociation ou du comité d'entreprise européen, de la façon suivante :

- un membre au titre de chacun des États membres concernés par la présence d'une entreprise ou d'un établissement ;

- des membres supplémentaires répartis proportionnellement aux effectifs :

. un pour l'État où se trouvent au moins 20 % des effectifs totaux de l'entreprise ou du groupe ;

. deux pour l'État où se trouvent au moins 30 % des effectifs ;

. trois pour 40 % des effectifs ;

. quatre pour 50 % ;

. cinq pour 60 % ;

. six pour 80 %.

Le nombre de représentants a été fixé suffisamment haut pour tenir compte du pluralisme syndical et permettre une représentation des éventuelles minorités. L'Allemagne a procédé de même.

Il est en outre spécifié que le nombre de représentants du personnel au comité d'entreprise européen constitué en l'absence d'accord ne peut être inférieur à trois ni supérieur à trente (cf. 1. c) de l'annexe).

En revanche, la limitation à dix-sept membres au maximum du groupe spécial de négociation posée par le 2. b) de l'article 5 n'a pas été retenue par le projet de loi car trop restrictive au regard des intérêts de représentativité des États et des effectifs d'une part, et du respect du pluralisme syndical d'autre part. La loi ne fixe donc aucune limite. La France est le seul pays à prévoir des dispositions aussi favorables à la représentation syndicale.

Enfin, le dernier alinéa va au-delà des exigences de la directive en permettant au chef d'entreprise ou à son représentant et aux représentants des salariés de décider d'associer aux travaux du groupe spécial de négociation ou du comité d'entreprise européen des salariés de l'entreprise ou du groupe employés dans d'autres États que les États parties à la directive. Ces salariés n'ont toutefois pas le droit de vote.

Cet article a été adopté sans modification par l'Assemblée nationale, tous les amendements, concernant notamment l'augmentation du nombre des représentants des salariés afin d'assurer une prise en compte encore plus poussée du pluralisme syndical ainsi que la représentation des structures syndicales européennes, ayant été rejetés.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Section 5 - Dispositions communes

Art. L. 439-19 nouveau du code du travail - Désignation des représentants des salariés par les organisations syndicales

La directive, tant dans son article 5 (groupe spécial de négociation) que dans l'annexe (comité d'entreprise européen en l'absence d'accord), dispose que les représentants des salariés sont élus ou désignés par les représentants des travailleurs ou, à défaut, par les travailleurs eux-mêmes. Il revient aux États membres de décider quelle procédure sera retenue.

Dans la mesure où l'ensemble du dispositif repose sur la négociation d'accords, il a paru opportun d'opter pour la désignation des représentants des salariés par les organisations syndicales, auxquelles l'article L. 132-2 confie cette responsabilité. Plus précisément, c'est la procédure de désignation des représentants du personnel dans les comités de groupe, déterminée à l'article L. 439-3, qui a été retenue.

Ainsi, le premier alinéa confie la désignation des représentants des salariés pour le groupe spécial de négociation ou le comité d'entreprise européen aux organisations syndicales ; celles-ci les choisissent parmi leurs élus aux comités d'entreprise ou d'établissement, ou parmi leurs représentants syndicaux dans l'entreprise ou le groupe, sur la base des résultats des dernières élections. Cela concerne tout autant les instances françaises que les instances créées à l'étranger et auxquelles participent des salariés d'entreprises ou d'établissements situés en France.

Le deuxième alinéa reprend les dispositions du comité de groupe pour ce qui est de la répartition des sièges entre les organisations syndicales, proportionnellement au nombre d'élus obtenu dans les collèges. C'est le système de la représentation proportionnelle au plus fort reste qui est appliqué. Ces dispositions ne concernent que les entreprises ou les établissements implantés en France.

Enfin, le dernier alinéa , en application du principe de territorialité, dispose que les représentants des entreprises ou établissements situés hors de France au groupe spécial de négociation ou au comité d'entreprise européen institué en France sont élus ou désignés selon les règles ou les usages en vigueur dans leur État.

Après avoir repoussé un amendement relatif à la représentativité des organisations syndicales, l'Assemblée nationale a adopté cet article, modifié par un amendement de précision du rapporteur.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. L. 439-20 nouveau du code du travail - Conditions de désignation des représentants des salariés en l'absence d'organisations syndicales

Lorsqu'il n'existe pas d'organisations syndicales dans l'entreprise ou le groupe d'entreprises de dimension communautaire dont le siège social de l'entreprise dominante est implanté en France, il est fait application pour la désignation des représentants des salariés dans le groupe spécial de négociation ou au comité d'entreprise européen de la procédure des articles L. 433-2 à L. 433-11 du code du travail prévue pour les élections au comité d'entreprise : collèges électoraux, possibilité de voter pour des listes autres que celles présentées par les organisations syndicales qui, en l'occurrence, ne sont pas représentées dans l'entreprise.

Il en est de même lorsqu'il s'agit de désigner des représentants des salariés d'entreprises ou d'établissements d'au moins cinquante salariés situés en France, sans représentation syndicale, pour participer a un comité d'entreprise européen ou à une procédure d'information, d'échange de vues et de dialogue dans un autre État où s'applique la directive.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans débat.

Votre commission vous propose de l'adopter sans modification.

Art. L. 439-21 nouveau du code du travail - Secret professionnel et obligation de discrétion

Cet article transpose l'article 8-1 de la directive qui précise que les membres du groupe spécial de négociation ou du comité d'entreprise européen, ainsi que les experts, ne sont pas autorisés à révéler à des tiers les informations qui leur ont été communiquées à titre confidentiel. Il en est de même pour les salariés participants à une procédure d'information et de consultation.

L'article L. 439-21 renvoie en conséquence, pour ces mêmes personnes, aux dispositions de l'article L. 432-7 relatif au secret professionnel pour toutes les questions relatives aux procédés de fabrication et à une obligation de discrétion à l'égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par le chef d'entreprise ou son représentant, auxquels sont tenus les membres du comité d'entreprise et les délégués syndicaux.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification, ainsi que l'a fait l'Assemblée nationale.

Art. L. 439-22 nouveau du code du travail - Suppression du comité d'entreprise européen

Cet article ouvre la possibilité, au cas où l'effectif des salariés est devenu inférieur aux seuils fixés à l'article L. 439-6, de supprimer le comité d'entreprise européen soit par accord entre le chef d'entreprise de l'entreprise dominante et les membres du comité, soit, à défaut d'accord, sur autorisation du directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle ou de l'autorité qui en tient lieu : cette autorisation n'est cependant pas systématique et ne peut être donnée que si la baisse d'effectif est importante et durable. Ces dispositions reprennent en grande partie l'article L. 431-3 relatif à la suppression du comité d'entreprise.

Cet article a été adopté sans débat pour l'Assemblée nationale.

Votre commission vous propose de l'adopter sans modification.

Art. L. 439-23 nouveau du code du travail - Protection des représentants des salariés

Cet article transpose l'article 10 de la directive qui renvoie la protection des représentants des travailleurs dans le cadre des instances et procédures prévues par la directive aux dispositions prévues pour la protection des représentants des travailleurs par la législation et la pratique nationale de leur pays d'emploi.

En conséquence, le présent article fait application de la protection spéciale prévue au chapitre VI (Conditions de licenciement des représentants du personnel) du titre III (Les comités d'entreprises) du livre IV (Les groupements professionnels, la représentation des salariés ...) du code du travail.

En outre, il est précisé que l'exercice du droit d'initiative laissé à tout salarié prévu à l'article L. 439-7 pour la demande de constitution d'un groupe spécial de négociation ne peut entraîner ni sanction ni licenciement. Toute décision ou acte contraire est nul de plein droit.

Votre commission vous propose, comme l'Assemblée nationale, d'adopter cet article sans modification.

Art. L. 439-24 nouveau du code du travail - Conséquences de la mise en place du comité d'entreprise européen sur le comité de groupe

L'article L. 439-1 du code du travail, inséré par la loi du 28 octobre 1982, a institué le comité de groupe. L'hypothèse traitée par le présent article est la coexistence de ce comité de groupe et du nouveau comité d'entreprise européen. Il s'agit là d'un point particulièrement controversé lors des débats préparatoires à la directive, puis à l'occasion des consultations en vue de sa transposition en droit français.

Pour les syndicats, les deux instances devaient cohabiter, du moins pendant un certain temps, afin de permettre une transition en douceur ; ils reconnaissaient cependant le caractère redondant de cette situation.

Pour les employeurs, en revanche, ce caractère redondant était rédhibitoire, car il se traduisait par un alourdissement considérable de la charge globale de fonctionnement des différentes instances, ainsi que des procédures.

Le projet de loi se situe à mi-chemin des deux positions ; le compromis élaboré, abondamment commenté par le ministre du travail à l'Assemblée nationale, renvoie la solution à un accord conventionnel, non obligatoire, soit au sein du groupe spécial de négociation, soit au sein du groupe. Toutefois, l'entrée en vigueur des dispositions relatives au comité de groupe est subordonnée à l'accord de ce dernier ; autrement dit, aucune décision le concernant ne peut être prise sans son aval.

Quant au contenu de l'accord, ce peut être un simple aménagement des conditions de fonctionnement du comité de groupe ou, plus radicalement, sa suppression. Dans cette dernière hypothèse, l'article prévoit que les dispositions de l'article L. 439-2, qui précise les compétences et les conditions d'information du comité de groupe, sont applicables au comité d'entreprise européen. Celui-ci pourra ainsi se faire assister par un expert-comptable, rémunéré par l'entreprise dominante, pour l'examen des comptes consolidés du groupe en France.

L'Assemblée nationale a repoussé deux amendements de suppression de cet article, qu'elle a adopté sans modification.

La rédaction de cet article laisse cependant planer une ambiguïté, car elle semble signifier que le comité de groupe peut s'opposer à la création du comité d'entreprise européen, puisqu'il est dit que l'entrée en vigueur de l'accord (lequel ? On pourrait supposer qu'il s'agit de l'accord créant le comité européen) est subordonnée à un vote favorable du comité de groupe : or, en fait, le vote favorable ne concerne que les dispositions concernant le comité de groupe. Un amendement de précision paraît donc nécessaire.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Elle vous demande, en conséquence, d'adopter l'ensemble de l'article 3 ainsi modifié.

Art. 4 - Art. L. 483-1-2 nouveau du code du travail - Délit d'entrave relatif au groupe spécial de négociation, au comité d'entreprise européen et à la procédure d'information, d'échange de vues et de dialogue

Cet article insère dans le code du travail un article L. 483-1-2 nouveau dans le chapitre III du titre huitième du livre IV, qui traite des pénalités en cas d'entrave apporté à la constitution et au fonctionnement des comités d'entreprise. L'article synthétise les différents manquements susceptibles de caractériser le délit d'entrave à la constitution, à la nomination des membres et au fonctionnement des différentes instances et procédures. Sont expressément visés les articles L. 439-7, L. 439-8 et L. 439-12 qui concernent le groupe spécial de négociation et le comité d'entreprise européen créé en l'absence d'accord. Les dispositions conventionnelles concernant le comité d'entreprise européen, ne pouvant expressément être visées, sont cependant concernées par les dispositions de cet article, rédigé de façon très large (notamment ...).

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

Votre commission vous propose de l'adopter de même.

Art. 5 - Dispositions transitoires

Cet article, qui résulte de négociations délicates avec les partenaires sociaux, prend en considération la situation des entreprises ou groupes d'entreprises de dimension communautaire qui ont déjà ou auront conclu au moment de l'entrée en vigueur de la loi des accords instituant des instances ou des modalités d'information et de consultation, à l'échelon communautaire, en anticipant sur la directive.

Ces entreprises ou groupes d'entreprises de dimension communautaire n'auront pas à faire application du chapitre X du livre IV du titre III du code du travail relatif au comité d'entreprise européen et à la procédure d'information et de consultation dans les entreprises de dimension communautaire, inséré par l'article 3 ci-dessus. Ces accords spontanés pourront en outre être reconduits par les parties signataires lorsqu'ils arriveront à expiration. Cette possibilité de ne pas faire application des dispositifs du présent texte, conforme à l'approche conventionnelle qui inspire la directive, est toutefois assortie d'une condition : l'accord doit s'appliquer à l'ensemble des salariés, c'est-à-dire recouvrir le même champ que si les dispositions de la loi s'étaient appliquées.

Ces dispositions transposent l'article 13 de la directive.

Par ailleurs, l'article précise que les dispositions relatives aux aménagements à apporter au comité de groupe, voire à sa suppression, s'appliquent au comité d'entreprise européen créé avant la date de promulgation (cf. art. L. 439-24 ci-dessus).

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification après avoir rejeté plusieurs amendements tendant notamment à supprimer une large part de la liberté conventionnelle laissée aux parties signataires.

Cependant, un amendement de coordination est aujourd'hui nécessaire. Il sera en effet proposé de supprimer l'article 7, visé par le présent article. Cet article est rendu inutile par le fait que la promulgation de la loi interviendra après le 22 septembre 1996, date à laquelle la directive est applicable. Mais il faut néanmoins mentionner dans le présent article la date d'application directe de la directive, le 22 septembre 1996, car les accords conclus postérieurement ne peuvent plus bénéficier de l'exception qu'il prévoit : ils doivent être conformes à la directive.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Art. 6 - Transposition dans la loi de certaines dispositions de l'accord national interprofessionnel du 31 octobre 1995 relatif à la politique contractuelle

Cet article, longuement examiné par l'Assemblée nationale, avant qu'elle le réécrive totalement sans cependant en modifier l'esprit, transpose dans la loi certaines dispositions de l'accord national interprofessionnel du 31 octobre 1995 relatif à la politique contractuelle afin de faciliter le développement de la négociation d'entreprise en l'absence de délégués syndicaux et de renforcer l'effectivité de la représentation collective du personnel dans les petites et moyennes entreprises.

Cet article résulte de l'insertion sous forme de lettre rectificative d'un projet de loi, adopté par le Conseil des ministres le 13 mai 1996, relatif au développement de la négociation collective dans le projet relatif à l'information et à la consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire.

Le texte initial de l'article 6, s'inspirant du précédent de la loi n° 78-49 du 19 janvier 1978 relative à la mensualisation et à la procédure conventionnelle, comportait en annexe l'accord du 31 octobre 1995 relatif à la politique contractuelle et y faisait référence. L'article autorisait donc à déroger aux articles du code du travail relatifs aux mécanismes de la négociation collective, pour permettre l'application des dispositions prévues par l'accord, mais celles-ci n'étaient pas reprises dans la loi. Néanmoins, pour ce qui concerne l'objectif d'amélioration du dialogue social au sein des petites entreprises, il était prévu que les dispositions des accords de branche qui seraient contraires à la loi feraient l'objet d'une autorisation législative.

Pour le Gouvernement, cette solution avait le mérite de la simplicité et respectait ainsi scrupuleusement l'accord des signataires.

Pour l'Assemblée nationale, en revanche, cette procédure méconnaissait la répartition des compétences entre le législateur et les partenaires sociaux. La démarche n'aurait pas consisté, en effet, à renvoyer comme en 1978 à des mesures d'application fixées par les partenaires sociaux, mais à déléguer à ces derniers une parcelle de pouvoir législatif. Une telle délégation n'a pas paru acceptable à l'Assemblée -et peut-être même aurait-elle été inconstitutionnelle !- qui, afin de lever toute ambiguïté, a, sur une initiative de M. Jean-Yves Chamard et de sa commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, préféré reprendre dans la loi les stipulations de l'accord qui viennent ainsi non déroger à la loi, mais la compléter dans certaines hypothèses.

Votre commission approuve pleinement cette démarche qui préserve les prérogatives du législateur sans négliger pour autant la volonté des partenaires sociaux. Le ministre l'a lui-même accepté en s'en remettant à la sagesse de l'Assemblée.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale reprend intégralement l'amendement de la commission. Plusieurs sous-amendements, notamment pour exclure du nouveau dispositif les entreprises de moins de onze salariés, ont été ou retirés ou supprimés.

Le paragraphe I dispose, dans son premier alinéa, que pour atteindre l'objectif de l'accord du 31 octobre 1996 de réintégrer les entreprises dépourvues de délégués syndicaux dans le champ de la négociation d'entreprise, des accords de branche pourront déroger aux articles L. 132-2, L. 139-19 et L. 132-20 du code du travail. Ces articles réservent le monopole de la négociation aux organisations syndicales et aux délégués syndicaux, et fixent dans le cas de négociations au sein de l'entreprise ou de l'établissement la composition de la délégation (cf. point 2-3 de l'accord). Toutefois, la dérogation au monopole syndical est tempérée par le fait qu'il est précisé que le rôle des organisations syndicales est préservé : les dispositifs dérogatoires devront en effet être négociés au niveau de la branche selon la procédure traditionnelle et les mesures d'application prises dans le cadre de ces nouveaux modes de négociations devront être ratifiées par la branche (cf. ci-dessous). Enfin, reprenant les dispositions du point 2-5 de l'accord, le texte précise que ces dispositions sont expérimentales.

Le second alinéa, toujours en application du point 2-5, fixe une date au-delà de laquelle ces accords dérogatoires ne peuvent plus être conclus (le 31 octobre 1998) et dispose que leur durée ne peut excéder trois ans.

Les paragraphes II et III, introduits par l'Assemblée nationale, déterminent les deux procédures susceptibles d'être retenues par la négociation de branche pour permettre de négocier des accords d'entreprise en l'absence de délégués syndicaux ou de délégués du personnel faisant fonction de délégué syndical dans les entreprises de moins de cinquante salariés (application de l'article L. 412-11). Les deux paragraphes poursuivent la transposition du point 2-5 de l'accord.

Le paragraphe II ouvre la possibilité aux accords de branche de prévoir que la mise en oeuvre des mesures d'application, pour certains thèmes qu'ils auront à déterminer, sera négociée par les représentants élus du personnel. Toutefois, les textes ainsi négociés devront être validés par une commission paritaire de branche (constituée à cet effet par l'accord de branche), ce qui redonne aux syndicats leur rôle traditionnel, puis déposés, comme tout accord (cf. art. L. 132-10), auprès des services du ministère chargé du travail (DDTEFP), avant de pouvoir acquérir leur qualité d'accords collectifs du travail.

Le paragraphe III ouvre aux accords de branche une seconde possibilité, plus proche de la solution traditionnelle, fondée sur le mandat : dans ces mêmes entreprises dépourvues de délégués syndicaux ou de délégués du personnel en faisant office, une ou plusieurs organisations syndicales représentatives peuvent expressément mandater un ou plusieurs salariés pour une négociation déterminée. Le mandat engageant le mandant (le syndicat), il n'y a pas lieu de prévoir de procédures de validation spécifiques des accords autre que celles de droit commun. Ce mode de négociation reprend une jurisprudence de la Cour de cassation du 25 janvier 1995, mais la conditionne à l'accord de branche.

Le second alinéa de ce paragraphe renvoie aux accords de branche la fixation des modalités de protection de ces salariés et les conditions d'exercice de leur mandat. Le texte suggère d'ailleurs de faire application de la procédure générale de protection contre les licenciements des délégués syndicaux de l'article L. 412-18. L'autorisation de licencier à obtenir de l'inspection du travail concerne tant le salarié en cours de mandat que le salarié dont le mandat a expiré, pendant une durée qu'il revient à l'accord de branche de fixer. Cet alinéa est repris du texte initial du projet de loi.

Le paragraphe IV reprend une disposition de l'accord d'octobre 1995 laissant aux accords de branche le soin de fixer le seuil d'effectif en deçà duquel la formule de négociation retenue sera applicable.

Le paragraphe V reprend le deuxième alinéa du texte initial du projet de loi. Il transpose le point 2-2 de l'accord qui vise à rechercher les moyens de développer et de renforcer le dialogue social dans les petites et moyennes entreprises. Il apparaît en effet que les conditions de fonctionnement de ce dialogue social ne sont pas nécessairement adaptées à ce type d'entreprises, le code du travail ne distinguant pas toujours entre les grandes et les petites entreprises. Les branches, en revanche, connaissent mieux les sujétions des entreprises qui les composent. Il est donc proposé de leur confier le soin de chercher à lever les obstacles au fonctionnement du dialogue social en complétant ou en adaptant les règles, ainsi qu'en simplifiant et en améliorant la cohérence des dispositifs existants.

Toutefois, contrairement à la négociation d'entreprise, l'accord ne propose aucune solution et laisse aux branches l'entière liberté de décider des moyens à mettre en oeuvre. Ce faisant, certaines clauses retenues par ces accords de branche pourraient être dérogatoires au droit existant. Une intervention législative serait alors nécessaire. Pour la faciliter, le texte prévoit que le Gouvernement informera le Parlement de la conclusion de ces accords, sur la base du suivi régulier de l'accord par les parties signataires prévu au point 2-5. Les organisations professionnelles et syndicales représentatives au niveau interprofessionnel seront consultées.

Le paragraphe VI, qui reprend le texte original, fixe un dernier verrou en instituant un droit d'opposition des organisations syndicales représentatives de la branche non signataires aux différents accords prévus par le présent article. Ce droit s'inspire du droit d'opposition prévu à l'article L. 132-26 du code du travail. L'opposition devra être notifiée dans les quinze jours de la signature aux signataires. Elle ne sera prise en considération que si les organisations opposantes sont majoritaires dans la branche, en application des critères habituels (une voix par organisation). En cas d'opposition, les textes ne peuvent entrer en vigueur.

Enfin le paragraphe VII prévoit qu'un rapport du Gouvernement sur l'application du présent article devra être présenté au Parlement avant le 31 décembre 1998. Ce rapport, comme les rapports intermédiaires prévus au paragraphe V, devra faire l'objet d'une consultation préalable des organisations professionnelles et syndicales représentatives au niveau interprofessionnel.

Votre commission approuve l'ensemble de ces dispositifs qui devrait favoriser le dialogue social au sein de l'entreprise en lui apportant toute la souplesse et toutes les garanties nécessaires.

Elle vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 7 - Entrée en vigueur de certaines dispositions

L'article 14 de la directive du 22 septembre 1994 prévoit une application de la directive par les États membres au plus tard le 22 septembre 1996. C'est cette date que reprend le présent article pour les articles premier à cinq transposant la directive, l'article 6 s'appliquant dès la promulgation de la loi.

L'examen du présent projet par le Sénat ayant été repoussé au mois d'octobre en raison de l'importance du nombre des textes inscrits à l'ordre du jour de la fin de la dernière session, la question se pose de savoir si cet article a encore son utilité. On peut en effet concevoir que l'ensemble du texte s'applique à compter de la promulgation de la loi.

Une question se pose cependant puisque certaines dispositions de la directive peuvent être mises en oeuvre en France à compter du 22 septembre 1996, date d'application de la directive, à la suite d'une initiative prise dans un autre État membre ; il pourrait en être ainsi, par exemple, si l'entreprise dominante n'était pas située en France et si une entreprise dominée située en France, devait, selon les règles françaises, désigner des représentants au groupe spécial de négociation (cf. art. L. 439-19 et L. 439-20). L'absence de texte retarderait la procédure, alors que la France s'est engagée à prendre toutes les dispositions législatives ou conventionnelles nécessaires pour le 22 septembre 1996. Certes, le retard ne sera sans doute pas important, mais il aurait été sage d'éviter tout blocage potentiel en validant rétroactivement les décisions et les actes qui seraient intervenus au cours de cette période. Naturellement, en application du principe de non-rétroactivité de la loi pénale, la rétroactivité n'aurait pas concerné l'article 4.

Toutefois, les informations recueillies par votre rapporteur sur l'état d'avancement des transpositions tendent à montrer que cette situation ne se produira pas. En effet, au 15 septembre dernier :

- trois États avaient transposé la directive : le Danemark, l'Irlande, la Suède ;

- trois États arrivaient presque au terme de la transposition : la Belgique, l'Islande, la Finlande ; dans ces trois États les partenaires sociaux ont signé un accord de transposition, une loi devant cependant être adoptée dans les prochaines semaines pour finaliser la transposition (notamment pour prévoir des sanctions pénales) ;

- neuf États avaient déposé un projet de loi sur les bureaux de leur Parlement, l'examen devant avoir lieu dans les semaines qui viennent : outre la France, l'Autriche, la Finlande, la RFA, le Liechtenstein, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal, l'Espagne, sont dans ce cas ;

- seuls deux États sont dans une situation plus problématique : l'Italie, où les partenaires sociaux n'ont pu conclure un accord, un projet de loi est en cours d'élaboration par le Gouvernement, et la Grèce dont le projet de loi n'a, à la connaissance de la Commission européenne, pas encore été élaboré.

Ainsi, quinze des dix-sept États concernés, dont la France, devraient avoir transposé la directive avant la fin de l'année 1996. Mais seuls trois d'entre eux ont pu respecter la date du 22 septembre 1996 prévue par la directive.

Dans ces conditions, des dispositions à caractère rétroactif justifiées par la volonté de respecter les engagements de la France ne présentent que peu d'intérêt, car en tout état de cause l'application de la directive sera bloquée ailleurs.

Votre rapporteur souligne en outre qu'à défaut d'être supprimé, l'article devrait être amendé afin de ne pas donner aux dispositions pénales de l'article 4 un effet rétroactif.

Votre commission vous propose donc un amendement visant à supprimer l'article 7.

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* *

En conséquence et sous réserve de ses observations et des amendements qu'elle vous soumet, la commission des Affaires sociales vous demande d'adopter le présent projet de loi.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Le mardi 24 septembre 1996, sous la présidence de M. Bernard Seillier, vice-président, la commission a procédé aux auditions sur le projet de loi n° 411 (1995-1996) adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'information et à la consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire, ainsi qu'au développement de la négociation collective.

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de MM. Daniel Giron, président, et Pierre Burban, secrétaire général de l'Union professionnelle artisanale (UPA).

M. Daniel Giron a tout d'abord indiqué que les seules divergences de l'UPA sur le projet de loi concernaient l'article 6 relatif au développement de la négociation collective dans les petites entreprises. Son organisation souhaiterait en effet que les entreprises artisanales de moins de dix salariés ne soient pas concernées, comme d'ailleurs cela avait été prévu au début des négociations ayant conduit à l'accord interprofessionnel du 31 octobre 1995.

Malheureusement, l'accord ne fait plus la distinction entre les entreprises de moins de dix salariés et les autres. Ces obligations nouvelles de négociation heurtent les artisans qui souffrent déjà de supporter des contraintes administratives trop importantes.

Le président de l'UPA a observé qu'il était paradoxal de vouloir encourager la création d'emplois dans ce secteur, qui constitue un gisement potentiel très important (48 % des entreprises artisanales n'ont pas de salariés), et parallèlement d'augmenter les contraintes des employeurs au risque de susciter leurs réticences.

Il a en outre relevé que l'article 6 pouvait conduire l'épouse salariée du chef d'entreprise à être déléguée des salariés. Il a par ailleurs observé que la négociation de branche, qui conditionne la mise en oeuvre des nouvelles procédures de négociation, ne pouvait être équilibrée car le plus souvent les chefs d'entreprise n'étaient pas en position de négocier et de s'y faire entendre. C'est la raison pour laquelle l'UPA avait souhaité l'adoption d'un amendement excluant les entreprises de moins de dix salariés ; cet amendement avait reçu l'accord du ministre, mais n'avait pas été accepté par l'Assemblée nationale. Le président de l'UPA a donc souhaité que cet amendement soit voté par le Sénat.

En réponse à M. Louis Souvet, rapporteur , qui souhaitait davantage de précisions sur les raisons de l'opposition de l'UPA à l'accord du 31 octobre 1995, M. Daniel Giron a indiqué que l'inclusion des entreprises de moins de dix salariés dans l'accord résultait de l'interprétation d'une seule organisation syndicale, alors qu'il aurait pu être interprété comme excluant les très petites entreprises.

M. Lucien Neuwirth, questeur , a souhaité que la loi ne crée pas de nouveaux obstacles à l'embauche et s'est déclaré intéressé par l'amendement de l'UPA.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a souhaité connaître les raisons des craintes des artisans vis-à-vis de la négociation d'entreprise.

En réponse, M. Daniel Giron a déclaré que son organisation n'était pas hostile aux négociations de branche, voire même à des négociations au sein de commissions paritaires locales. En revanche, elle constatait que les chefs d'entreprises eux-mêmes étaient très réticents à toute forme de négociation au sein de l'entreprise.

M. Jean Chérioux a souhaité que soit pris en considération le caractère spécifique de l'entreprise artisanale et a souhaité en conséquence que la réforme n'y soit pas imposée.

M. André Jourdain a abondé dans le sens des propos de M. Daniel Giron et s'est interrogé sur le point de savoir si le paragraphe IV de l'article 6, qui permet aux accords de branche de fixer un seuil d'effectifs, ne répondait pas à ses inquiétudes.

En réponse à M. Jean Madelain qui s'inquiétait des possibles effets de seuils de cette disposition, M. Daniel Giron a fait observer que ceux-ci étaient plutôt d'ordre financier.

Puis, en réponse à M. Bernard Seillier, président, M. Daniel Giron a indiqué que les négociations au sein des branches de l'artisanat étaient nombreuses. M. Pierre Burban a cependant précisé qu'il voyait mal les branches du secteur de l'artisanat abdiquer une partie de leur champ de négociation pour le déléguer à la négociation d'entreprise.

La commission a ensuite entendu MM. Bernard Boisson, directeur général chargé des affaires sociales, et Dominique Tellier, directeur de la réglementation du travail au Conseil national du patronat français (CNPF).

M. Bernard Boisson a tout d'abord indiqué que son organisation n'avait pas d'observations particulières à formuler sur la partie du projet de loi transposant la directive européenne du 22 septembre 1994 dès lors que le terme « consultation » avait été précisément défini comme un échange de vues et un dialogue. Il a souhaité que ne soit pas changé l'économie générale du texte tout en indiquant qu'il souhaiterait voir préciser, au cours du débat au Sénat, que les crédits d'expertise feraient l'objet d'un accord préalable entre les représentants des salariés et la direction de l'entreprise.

Puis, M. Bernard Boisson a indiqué que son organisation attachait une très grande importance à l'accord du 31 octobre 1995 qui ouvre de nouvelles perspectives aux entreprises de petite taille. Il a rappelé que 50 % des effectifs salariés travaillaient dans des entreprises de moins de 50 personnes. L'accord devrait donc permettre aux petites entreprises de s'adapter aux évolutions des conditions de production, en permettant notamment de recourir à de nouvelles formes d'aménagement du temps de travail. Il devrait également permettre de développer le rôle des instances représentatives.

M. Bernard Boisson a observé que, malgré une négociation longue et difficile, un texte équilibré avait pu être conclu, ajoutant que toute modification risquait de compromettre son application.

Il a également prévenu que la tâche des branches serait malaisée, car il leur faudrait se projeter dans les cinq à dix ans à venir pour imaginer comment pourraient évoluer les rapports sociaux.

Il a rappelé que l'accord offrait aux petites entreprises deux nouveaux modes de négociation : le chef d'entreprise pourrait négocier soit avec des représentants élus du personnel, l'accord étant ensuite validé par une commission paritaire de branche, soit avec un salarié de l'entreprise mandaté par une ou plusieurs organisations syndicales.

Il a souligné avec vigueur que ce dispositif, conditionné par des accords de branche, était expérimental et limité à trois ans et devrait être conduit avec la plus grande prudence, son objectif restant la modification progressive des conditions du dialogue social.

En réponse à M. Louis Souvet, rapporteur , qui l'interrogeait sur les raisons de l'application anticipée de la directive européenne par certaines entreprises et sur les inquiétudes suscitées par l'article 6 chez les inspecteurs du travail, M. Bernard Boisson a indiqué que la directive avait laissé aux entreprises un temps relativement long pour mettre en place le comité d'entreprise européen. C'est pourquoi certaines entreprises, dans la mesure où elles connaissaient le texte, avaient anticipé sur sa date d'application.

M. Dominique Tellier a précisé que plusieurs accords créant un comité d'entreprise européen étaient antérieurs à la directive, certaines entreprises ayant ressenti le besoin de disposer d'une telle instance depuis de nombreuses années.

M. Bernard Boisson a ensuite rappelé que l'accord du 31 octobre 1995 constituait une approche prospective et politique du problème de la représentation des salariés et de la négociation au sein des petites entreprises. Il a indiqué qu'un accord avait pu être trouvé parce que l'acceptation du dispositif sur la négociation d'entreprise était conditionnée par la reconnaissance du rôle des syndicats dans la négociation contractuelle par le patronat, ce que celui-ci n'avait jamais jusqu'à présent officiellement admis.

M. Guy Fischer a fait part de son inquiétude de voir la norme juridique éclatée ou appliquée avec une trop grande souplesse. Il a également souhaité des précisions sur la façon dont serait exercé le droit d'opposition.

En réponse, M. Bernard Boisson a rappelé que l'ensemble du mécanisme reposait sur une négociation de branche préalable, cette dernière étant ensuite appelée à suivre l'application des accords d'entreprise négociés dans ce nouveau cadre juridique.

L'homogénéité globale des accords, grâce à une interaction des différents niveaux, devrait donc être préservée, tout en permettant de prendre en compte les problèmes spécifiques à chaque entreprise. Il a rappelé que trois options étaient envisageables pour favoriser le développement de la négociation d'entreprise : demander une nouvelle réglementation ; ne discuter qu'en choisissant ses interlocuteurs ; ou, -ce qui avait été la position retenue-, réaffirmer le monopole syndical dans les négociations tout en recherchant le moyen de négocier lorsqu'il n'y a pas de délégués syndicaux dans l'entreprise. Cette solution a également le mérite de renforcer le rôle des instances élues.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard s'est inquiétée d'un bouleversement possible du code du travail, avec la complicité du législateur, grâce à ces nouveaux dispositifs. Pour elle, le fait de favoriser la négociation d'entreprise lorsqu'il n'y a pas de représentation syndicale conduit à affaiblir davantage les syndicats. Cela permettra au patronat de choisir ses interlocuteurs. Les négociations seront en outre déséquilibrées, faute d'une véritable formation des salariés face à la complexité des questions soulevées. Mme Marie-Madeleine Dieulangard a alors souhaité savoir si d'autres solutions n'auraient pu être envisagées pour pallier l'absence de représentation syndicale dans les entreprises. Elle a également observé que le contrôle syndical a posteriori risquait d'être totalement inopérant dans la mesure où l'accord passé au sein de l'entreprise serait considéré par les signataires comme définitivement acquis. Elle s'est en outre inquiétée des conditions d'exercice du droit d'opposition à l'accord de branche, rappelant que la majorité des voix ne refléterait pas nécessairement la représentativité des syndicats.

En réponse, M. Bernard Boisson a fait observer que le chef d'entreprise ne choisirait pas les négociateurs qu'il aurait en face de lui puisque ceux-ci seraient des représentants élus. Il a souligné que les dispositifs de négociation prévus par l'accord du 31 octobre 1995 n'étaient en l'état pas applicables puisque les syndicats devraient signer au préalable un accord de branche qui déterminerait notamment le seuil d'effectifs en deçà duquel l'accord s'appliquerait, ainsi que les domaines susceptibles de faire l'objet de négociation.

Il a également rappelé le droit d'opposition des syndicats non signataires. Enfin, il a souhaité que la mise en oeuvre de cet accord ne soit pas suspecté a priori.

M. Jean Chérioux, tout en saluant la volonté du CNPF de développer le dialogue au sein de l'entreprise, s'est inquiété des conditions de son exercice au sein des petites entreprises.

Puis, la commission a procédé à l'audition de M. Roland Metz, de Mme Michèle Doussineau et de M. Pascal Rennes, collaborateurs, respectivement, au département « garanties collectives », au secteur « droits et libertés » et au secteur « comité d'entreprise », de la Confédération générale du travail (CGT).

A titre liminaire, M. Roland Metz, collaborateur au département « garanties collectives » de la CGT, a souhaité préciser que son organisation plaçait à part l'article 6 du présent projet de loi, car elle considérait que le Gouvernement avait « greffé in extremis » celui-ci par lettre rectificative. Il a également estimé que ce projet de loi était d'une portée considérable, concernant tant l'architecture de la garantie collective que la représentation des salariés. Il a regretté que seule une sous-commission ait été saisie plutôt que la commission nationale de la négociation collective tout entière.

M. Roland Metz a déclaré que cet article n'avait pas de rapport avec le reste du texte et que son organisation manifestait, outre les réserves précitées sur la procédure suivie, une opposition de fond reposant sur trois types de critiques.

Tout d'abord, M. Roland Metz a estimé que l'article 6 du projet de loi ne favorisait pas, comme cela était avancé, la négociation collective. Reprenant le contenu de l'article L. 131-1 du code du travail sur la négociation collective, ainsi que celui des articles L. 132-4 et L. 132-23 du même code, il a rappelé que le principe de l'accord collectif était qu'il devait être plus favorable que la situation existante. Or, selon lui, dans le cadre de l'article 6, il n'y avait pas amélioration, mais seulement mise en oeuvre de mesures. Il a regretté également que l'accord de branche puisse, du fait de l'article 6, prévoir des dérogations aux garanties existantes alors que jusqu'à présent cela était du ressort de la loi.

Par ailleurs, quelle que soit la forme retenue, M. Roland Metz a déploré le fait que, désormais, compte tenu de ces nouvelles dispositions, il appartiendrait à un salarié isolé de conclure un accord collectif alors qu'il ne disposerait pas, selon son syndicat, des moyens notamment d'expertise, pour ce faire.

Il a déclaré que la CGT, qui souhaitait le maintien du monopole syndical, souhaitait le retrait de cet article du texte. Il a également souligné le fait que le salarié habilité à signer un accord collectif ne bénéficierait pas d'une protection légale. Il a rappelé que, selon son organisation, il existait d'autres moyens pour développer la négociation collective.

Ensuite, M. Roland Metz a porté une deuxième critique à l'article 6 du projet de loi, selon laquelle celui-ci privait de garanties essentielles les salariés et serait source d'insécurité juridique et de contentieux.

Enfin, troisième critique, M. Roland Metz a considéré que l'article 6 du projet de loi désarticulait le système de représentation des salariés, quelle que soit la taille de l'entreprise, et remettait en cause tout le livre IV du code du travail sur la représentation et l'information des salariés. Il a conclu son propos en demandant à la commission le retrait de l'article 6 du projet de loi, retrait qui lui semblait non seulement légitime sur un plan juridique, mais également sur un plan humain.

Ensuite, Mme Michèle Doussineau s'est exprimée sur les autres articles du texte. Elle s'est félicitée de la modification de l'article L. 439-1 du code du travail (comité de groupe) mais n'a pas approuvé les dispositions contenues dans l'article 4 autorisant la fusion du comité de groupe français avec le comité d'entreprise européen. Elle a, en effet, estimé que le comité de groupe français ne correspondait pas au droit européen. En conséquence, elle a simplement souhaité des aménagements pour permettre la coexistence des deux instances.

Mme Michèle Doussineau a, ensuite, souligné les ambiguïtés du titre X et la lourdeur de la procédure de consultation. Elle s'est inquiétée de la possibilité laissée par le texte de négocier la création d'un ou plusieurs comités d'entreprise européens, même si elle a reconnu qu'il existait dans certains pays des comités d'entreprise regroupant plusieurs structures. Elle a estimé qu'en cas d'échec de la négociation, le temps laissé avant de créer un comité d'entreprise européen sur une base légale et non plus contractuelle était trop long. Elle a également évoqué la question de la proportionnalité de la représentation, ainsi que celle des droits des membres du comité d'entreprise européen. Elle a souhaité, à cet égard, que leur soient octroyées 120 heures de délégation. Elle s'est interrogée, enfin, sur la légitimité des représentants des salariés dans l'entreprise et sur la manière dont ils pourraient intervenir s'ils n'étaient pas membres du comité d'entreprise.

En conclusion, Mme Michèle Doussineau a déclaré, s'agissant de la première partie du projet de loi, en approuver l'économie générale sous réserve des modifications qu'elle avait mentionnées.

La commission a alors entendu M. Claude Companie, délégué national au département travail emploi de la Confédération générale des cadres (CGC) et Mme Monique Vinzant, chef du service juridique de la même organisation.

M. Claude Companie a d'abord prié M. Bernard Seillier, président, de bien vouloir excuser M. Jean-Louis Walter, secrétaire national chargé du département travail, emploi de la CGC.

Puis, évoquant la partie du projet de loi qui transpose la directive européenne, il a indiqué que le texte adopté par l'Assemblée nationale convenait à son organisation. Il a rappelé que ce projet de loi s'inscrivait dans une évolution de la société qui résultait elle-même d'une évolution de l'Europe.

M. Claude Companie a ensuite indiqué que la CGC, signataire de l'accord du 31 octobre 1995, n'apportait aucune critique à l'article 6 du projet de loi qui lui donne une base légale.

M. Louis Souvet, rapporteur, a constaté que la première partie du projet de loi transposant la directive européenne convenait à peu près à toutes les organisations syndicales. Il a remarqué, qu'en revanche, la deuxième partie faisait l'objet de critiques dont certaines n'étaient pas sans fondement. Il a demandé aux représentants de la CGC leur opinion sur le fait qu'une organisation syndicale majoritaire puisse être mise en minorité dans le cadre de l'application des dispositions du projet de loi, en raison du mode de décompte des voix retenu.

Mme Monique Vinzant a reconnu que cela pouvait présenter des inconvénients, mais qu'en l'absence de projet de loi, une organisation syndicale majoritaire pouvait bloquer tout processus conventionnel et qu'il y avait alors un risque de vacuité. Reconnaissant que les dispositions du projet de loi n'étaient pas parfaites, elle a estimé qu'il fallait choisir entre plusieurs inconvénients et que ces derniers avaient été pesés lors de la négociation qui a abouti à l'accord du 31 octobre 1995.

M. Claude Companie a rappelé que l'enjeu du projet de loi était de favoriser le dialogue social dans les petites et moyennes entreprises, en prolongement des accords de branche.

M. Jean Madelain lui a demandé quelle serait la position de sa Confédération sur un amendement qui exclurait les entreprises de moins de dix salariés du champ d'application du projet de loi.

M. Claude Companie a estimé qu'un tel amendement ne serait pas gênant. Il a toutefois rappelé que cette question devrait être réexaminée en fonction des pratiques « d'externalisation ».

M. Louis Souvet, rapporteur, a observé que dans les entreprises dont l'effectif était inférieur à dix salariés il n'y avait pas beaucoup de cadres.

Revenant sur le comité d'entreprise européen, M. Claude Companie a indiqué qu'il constituerait une instance de dialogue et d'échange de vues dont la nature dépendrait de ce que voudraient en faire les entreprises. Il a insisté sur la nécessité d'un suivi qui pourrait être réalisé par la Direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES).

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a demandé aux représentants de la CGC s'ils ne craignaient pas qu'avec l'adoption de ce projet de loi, on assiste à la multiplication d'accords collectifs prévoyant des conditions de travail moins favorables pour les salariés.

Mme Monique Vinzant a reconnu que ce risque existait.

M. Guy Fischer a estimé que l'issue probable d'accords dérogatoires concernant les salaires et l'aménagement du temps de travail serait des conditions de travail plus défavorables pour les salariés.

Mme Monique Vinzant a rappelé que ce n'était pas dans cette optique que sa confédération avait signé l'accord interprofessionnel, mais que le risque souligné par M. Guy Fischer existait. Elle a indiqué que sa confédération effectuerait un travail de suivi approfondi au niveau des branches.

M. Claude Companie a rappelé que toute expérimentation comportait des risques d'effets pervers, mais qu'il croyait beaucoup au rôle d'arbitre reconnu aux branches professionnelles.

M. Jean Madelain a estimé qu'il fallait faire confiance aux négociateurs dans l'entreprise, qui n'étaient de surcroît jamais obligés de signer un accord.

M. Guy Fischer a indiqué que le chantage à l'emploi pouvait constituer une forte incitation à conclure des accords dérogatoires.

Mme Monique Vinzant a rappelé qu'un délégué syndical prenait toujours contact avec son organisation avant de signer un accord dérogatoire.

M. Claude Companie s'est, en conclusion, prononcé pour un droit à l'expérimentation, assorti d'un bilan.

Ensuite, la commission a auditionné M. Gérard Sauty, responsable du service Europe sociale et M. Michel Charbonnier, chargé des affaires juridiques à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC).

A titre liminaire, M. Gérard Sauty a fait part du voeu de la CFTC que la construction européenne soit aussi une construction sociale. Il a ensuite exposé deux réserves de la CFTC sur les dispositions du projet de loi.

La première réserve a trait au risque d'exclusion d'une partie des organisations syndicales qui découle, d'une part, du fait que le modèle choisi est celui du comité de groupe français et, d'autre part, des conditions de la négociation, le groupe spécial de négociation décidant à des majorités variables suivant les décisions à prendre.

La deuxième réserve concerne la protection contre le licenciement des salariés qui négocient. A cet égard, M. Michel Charbonnier a estimé que les termes « pourront prévoir », à l'article 6 devraient être remplacés par « devront prévoir » afin que la nécessaire protection des salariés ne soit pas occultée lors des négociations.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a rappelé que, de plus en plus souvent, l'enjeu de la négociation collective dans l'entreprise n'était plus de favoriser de nouvelles avancées sociales mais le maintien de l'emploi. Elle a demandé aux représentants de la CFTC s'ils ne craignaient pas que les salariés soient soumis à une sorte de chantage à l'emploi dans les négociations d'entreprises.

M. Gérard Sauty a reconnu que de telles pressions existaient, mais il a indiqué que l'enjeu du projet de loi était de favoriser la négociation dans des petites entreprises où, actuellement, les salariés ne bénéficiaient d'aucun accord collectif. Il a rappelé que, très sagement, le projet de loi avait prévu que la mise en oeuvre de ses dispositions ferait l'objet d'un suivi et d'un bilan.

Évoquant la protection contre le licenciement des salariés négociateurs, M. André Jourdain a demandé aux représentants de la CFTC si les termes « pourront prévoir » étaient prévus par l'accord de 1995.

M. Gérard Sauty a répondu positivement. Il a fait part de sa crainte que les branches disent qu'une protection existe, mais qu'elle ne s'applique pas dans les faits.

M. Guy Fisher lui a demandé s'il n'avait pas le sentiment que l'on se dirigeait vers une déréglementation et un démantèlement du droit du travail.

M. Gérard Sauty a rappelé que l'accord prévoyait un garde-fou, à savoir la priorité de la négociation de branche.

Puis, la commission a procédé à l'audition de M. Robert Santune, secrétaire confédéral chargé du secteur juridique de la Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO) et de Mme Michèle Biaggi, secrétaire confédéral chargé du secteur négociation collective de ce syndicat.

M. Robert Santune s'est interrogé sur la régularité de l'article 6 du projet de loi dans la mesure où l'accord du 31 octobre 1995 n'avait pas été signé par toutes les centrales syndicales. Il a également manifesté la crainte que les salariés appelés à négocier soient sollicités par l'employeur lui-même, ce qui ne pourrait naturellement garantir leur indépendance. Ces observations expliquent que la CGT-FO n'ait pas signé l'accord.

S'agissant de la transposition de la directive, il a souhaité en premier lieu que, compte tenu de la grande diversité du syndicalisme dans notre pays, toutes les organisations syndicales de l'entreprise puissent participer au comité spécial de négociation, à l'instar de ce qui existe déjà pour les comités de groupe. Il a demandé par ailleurs que les comités de groupe puissent continuer à coexister avec les comités d'entreprises européens.

Revenant sur l'article 6, Mme Michèle Biaggi s'est interrogée sur l'isolement des salariés appelés à négocier au sein des entreprises, et sur leur sort ultérieur, car, même mandatés par un syndicat, ils ne pourraient bénéficier de la protection qu'offre celui-ci à ses délégués.

M. Louis Souvet, rapporteur, s'est interrogé sur les moyens de rendre les organisations syndicales plus présentes dans les petites et moyennes entreprises conformément à l'objectif poursuivi par l'article 6.

M. Robert Santune a souligné que même si un syndicat n'était pas officiellement représenté dans une petite ou moyenne entreprise, il pouvait compter des adhérents dans cette entreprise, ceux-ci ne souhaitant pas prendre de responsabilités, même minimes, en raison du risque de sanctions de la part de leur employeur.

Il a rappelé que son organisation proposait que la négociation n'ait pas lieu dans la petite ou moyenne entreprise mais à l'échelon de la branche professionnelle dans un cadre départemental, mais qu'elle n'avait jamais été entendue.

Il a remarqué par ailleurs que dans les petites entreprises, le chef d'entreprise, déjà fortement sollicité, était peu disponible pour se former à la négociation de conventions collectives, les textes étant d'un accès très difficile.

En réponse à Mme Marie-Madeleine Dieulangard, M. Robert Santune a indiqué qu'il existait déjà des dispositifs de négociation au niveau territorial.

Mme Michèle Biaggi a souhaité, pour améliorer la représentation des syndicats, que le seuil de cinquante salariés au-dessus duquel le délégué syndical est obligatoire, soit abaissé et que des informations sur les unions syndicales départementales soient diffusées dans chaque entreprise.

La commission a poursuivi ses travaux par l'audition de représentants de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), Mme Christine Reffet, secrétaire confédérale au département de l'activité revendicative et MM. Gabriel Coin et Michel Marti, respectivement responsable du service juridique et secrétaire confédéral au département international-Europe.

Après que M. Michel Marty a fait part du voeu de la CFDT que le projet de loi en discussion entre rapidement en vigueur, Mme Christine Reffet a rappelé quels avaient été les objectifs de la CFDT dans la négociation qui a conduit à l'accord du 31 octobre 1995. Il s'agissait de reconnaître et d'articuler les différents niveaux de négociation ainsi que de développer la négociation collective afin d'en favoriser l'accès à tous les salariés, quelle que soit la taille de leur entreprise. Elle a indiqué qu'actuellement, seul un salarié sur cinq bénéficiait d'un accord d'entreprise et que les deux tiers des salariés travaillaient dans des petites ou moyennes entreprises, dans lesquelles la négociation collective était peu ou pas développée. Il existait donc de grandes inégalités entre salariés.

Mme Christine Raffet a précisé que la négociation de l'accord avait comporté trois thèmes, la reconnaissance des partenaires sociaux, l'amélioration de la représentation dans les petites et moyennes entreprises et la possibilité d'expérimenter de nouvelles formes de négociation dans ces entreprises.

Elle a souligné que la CFDT ne voulait pas remettre en cause la législation actuelle sur la négociation collective, mais privilégier l'expérimentation afin que tous les salariés puissent bénéficier des effets d'une telle négociation. Cette expérimentation sera maîtrisée par les partenaires sociaux, avec des garanties au niveau des branches : toutes les entreprises ne sont pas concernées, les thèmes de la négociation sont limités par la branche et cette dernière bénéficie d'un droit d'opposition. En outre, l'expérimentation se déroulera pendant une durée limitée à trois ans.

Mme Christine Raffet a enfin souligné la nécessité que les salariés mandatés pour négocier bénéficient d'une protection contre le licenciement.

M. Louis Souvet, rapporteur, a remercié la représentante de la CFDT pour la clarté de son exposé. Il a fait part d'un entretien avec des représentants de l'inspection du travail qui ne partagent pas le point de vue exprimé par la CFDT.

Mme Christine Raffet a indiqué que les décisions prises par la CFDT en la matière l'avaient été conformément aux procédures prévues par les statuts de la confédération. Comprenant le souci des inspecteurs du travail d'éviter toute remise en cause du droit de la négociation collective, elle a cependant rappelé que le projet de loi ne prévoyait qu'une expérimentation contrôlée.

M. Guy Fisher lui a demandé si l'on entrait pas dans une phase de déréglementation et si les auteurs de l'accord avaient inventé un nouvelle sorte de droit d'opposition en faveur des branches.

M. Louis Souvet, rapporteur, a indiqué que les inspecteurs du travail qu'il avait rencontrés craignaient que le système mis en place par l'accord de 1995 et le projet de loi en discussion ne puissent fonctionner à cause des multiples contentieux dont il serait l'origine.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard s'est inquiétée des régressions des conditions de travail que pourraient induire de tels accords dérogatoires, et de la portée de l'éventuelle opposition des branches une fois qu'ils seraient entrés en application.

Répondant aux orateurs, M. Gabriel Coin a constaté que toutes les personnes qui étaient opposées à l'accord de 1995 et aux dispositions du projet de loi raisonnaient comme si les salariés des petites et moyennes entreprises étaient sur un pied d'égalité avec ceux des grandes entreprises. Il a estimé que le projet de loi ne supprimerait rien, mais qu'il rétablirait au contraire une certaine égalité entre salariés.

En tant que responsable juridique, il a observé que la majorité des contentieux surgissait dans des petites et moyennes entreprises dans lesquelles le salarié était seul face à l'employeur, et ne concernaient donc pas la négociation collective.

Il a rappelé que le droit d'opposition prévu par l'accord n'était pas d'un type nouveau, mais qu'il s'inspirait au contraire de celui qui existait déjà dans le code du travail.

En conclusion, il a témoigné de la préférence marquée de son organisation pour les expérimentations maîtrisées par les partenaires sociaux plutôt que pour de grands bouleversements dont on ne mesure jamais les conséquences.

M. Bernard Seillier, président, a évoqué la question de la protection des salariés négociateurs contre le licenciement. Il a interrogé les représentants de la CFDT sur la nécessité de l'imposer, comme le souhaiterait la CFTC.

M. Gabriel Coin a indiqué que les dispositions de l'accord avaient été introduites volontairement : il y a toujours protection des salariés négociateurs, mais les partenaires sociaux ont le choix entre la protection légale et une protection conventionnelle.

La commission a ensuite entendu deux représentants de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), M. Pierre Gilson, vice-président, chargé des affaires sociales, et M. Georges Tissé, directeur des affaires sociales.

M. Pierre Gilson a précisé que ce texte n'appelait pas beaucoup de commentaires de la part de la CGPME qui en était à l'origine. Il a souligné son urgence dans la mesure où 98 % des entreprises françaises ont moins de 50 salariés et sont donc concernées.

Après avoir rappelé le contenu de l'article 6 du projet de loi, il a regretté que sa portée ait été amoindrie par rapport à l'accord du 31 octobre 1995. Même s'il ne s'agit que d'une expérimentation, il a émis la crainte que seules les petites et moyennes entreprises les plus tenaces en bénéficient tant les obstacles paraissaient importants, alors que les enjeux étaient la compétitivité des entreprises concernées. Il a estimé que les mesures liées à la réduction du temps de travail seraient sans doute plus efficaces si la loi permettait de négocier directement au niveau des entreprises sans passer par la branche.

M. Georges Tissé a toutefois insisté sur le fait que l'article 6 reprenait bien les termes de l'accord du 31 octobre 1995 et qu'il n'appelait pas d'observations particulières.

Puis, M. Louis Souvet, rapporteur, les a interrogés sur les raisons des réserves émises par le président de la CGPME quant à l'accord du 31 octobre 1995.

M. Guy Fischer s'est inquiété des conséquences de la trop grande souplesse de négociation ainsi donnée aux entreprises.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a évoqué la capacité des petites entreprises à créer des emplois et a reconnu la faiblesse du nombre de salariés couverts par des accords d'entreprise, mais s'est interrogée sur les conséquences du dispositif pour les entreprises visées.

M. Jean Madelain a souhaité que se développe la négociation au niveau des branches professionnelles et qu'elle soit encouragée.

M. André Jourdain a suggéré d'exclure du dispositif les entreprises ayant moins d'un certain nombre de salariés afin de tenir compte des réserves de l'UPA.

MM. Pierre Gilson et Georges Tissé ont notamment apporté les précisions suivantes :

- la représentation syndicale dans les PME-PMI ne se heurte pas à l'hostilité de leur direction mais est souvent assez mal adaptée à l'évolution des entreprises quelquefois uniquement composées de cadres ou de personnel provenant de très grands groupes ;

- les entreprises de moins de cinquante salariés ont créé près de 100.000 emplois par an depuis quinze ans. Il convient donc de les aider, notamment en allégeant les formalités administratives. C'est pourquoi la CGPME encourage les formations d'adjoint au chef d'entreprise au sein des PME-PMI afin de décharger ce dernier ;

- les mesures d'aménagement du temps de travail n'étaient jusqu'à présent pas accessibles à toutes les entreprises. L'accord du 31 octobre 1995 a le mérite de donner à la majorité des PME la possibilité de moduler le temps de travail et même d'aller au-delà ;

- le projet de loi est un dispositif a minima, qui va dans le bon sens, même si les objections des artisans sont compréhensibles.

Présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, président - La commission a alors procédé à l'examen du rapport de M. Louis Souvet sur le projet de loi n° 411 (1995-1996) adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'information et à la consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire, ainsi qu'au développement de la négociation collective.

Après avoir rappelé que le projet de loi regroupait deux textes distincts et de nature différente, le premier transposant la directive européenne du 22 septembre 1994 et le second transposant une partie de l'accord interprofessionnel du 31 octobre 1995, M. Louis Souvet, rapporteur, a souligné que la marge du législateur était relativement étroite dans la mesure où des modifications de fond apparaîtraient comme contraires au texte européen ou à la volonté des partenaires sociaux et où les modifications de forme risquaient d'être interprétées comme des modifications de fond.

Abordant la transposition de la directive du 22 septembre 1994, le rapporteur a rappelé que celle-ci venait après une longue série de démarches non abouties en raison des réticences britanniques et de la diversité des systèmes européens de représentation. Il a également rappelé que les entreprises transnationales elles-mêmes avaient ressenti le besoin de mettre en place des procédures ou des instances d'information et de dialogue, afin notamment de favoriser une certaine cohérence de leur politique locale et de préparer les esprits aux mutations et aux décisions.

M. Louis Souvet, rapporteur, a indiqué que 1.152 entreprises dans 25 pays d'Europe seraient concernées par le projet de loi, dans 17 pays appartenant à l'Union européenne et à l'Espace économique européen.

Le rapporteur a ensuite souligné que la directive, en instituant un droit à l'information et à la consultation des salariés dans les entreprises multinationales, entendait néanmoins laisser aux partenaires sociaux et aux États signataires une grande liberté de mise en oeuvre.

C'est ainsi qu'un choix était offert entre le comité d'entreprise européen et une procédure d'information et de consultation des salariés. Il peut également être décidé de ne pas appliquer la directive. Toutefois, en cas d'opposition du chef d'entreprise ou de retard important dans les négociations, le texte prévoit l'institution obligatoire d'un comité d'entreprise européen dont il définit les conditions de mise en oeuvre, la composition et l'objet.

Le rapporteur a ensuite résumé le champ d'application de la directive ; celle-ci s'adresse aux entreprises ou aux groupes d'entreprises de dimension communautaire occupant au moins 1.000 travailleurs dans les États membres et au moins 150 salariés par État dans au moins deux États membres différents.

Il a indiqué qu'à cette occasion étaient définies les notions d'entreprise qui exerce le contrôle, dite entreprise dominante, et d'entreprise contrôlée.

Il a également souligné que des entreprises ou des établissements relevant des pays non signataires pouvaient être concernés, s'ils possédaient des établissements répondant aux critères sur les territoires de l'un des pays signataires.

M. Louis Souvet, rapporteur, a ensuite rappelé que la création d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure d'information et de consultation devait être négociée au sein d'un groupe spécial de négociation et que l'accord devait déterminer les conditions de mise en oeuvre de ces instances ou procédures, notamment en se référant au droit existant dans chaque État. Le rapporteur a ensuite résumé les principales dispositions de la directive concernant le comité d'entreprise européen institué en l'absence d'accord.

Puis, M. Louis Souvet, rapporteur, a rapidement présenté le projet de loi en soulignant que celui-ci restait fidèle à l'esprit de la directive en privilégiant l'accord des partenaires sociaux chaque fois que cela était possible et en reprenant les solutions traditionnelles du droit du travail en matière de représentation des salariés et d'instances représentatives. Le projet de loi prévoit également une harmonisation de la définition de l'entreprise dominante dans les comités de groupe avec celle retenue par la directive, des sanctions pénales en cas d'entrave du chef d'entreprise ainsi que des dispositions transitoires, notamment pour valider les accords passés avant la date d'application de la directive.

Le rapporteur a ensuite indiqué que l'Assemblée nationale n'avait pas modifié le texte sur le fond et que lui-même ne le proposerait pas. En revanche, il a indiqué qu'il suggérerait quelques amendements rédactionnels ou de coordination.

Intervenant ensuite sur l'article 6, M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé que ce texte visait à prendre les dispositions législatives nécessaires à l'application des orientations définies en matière de négociation collective d'entreprise par l'accord national interprofessionnel du 31 octobre 1995 sur la politique contractuelle.

Le rapporteur a rappelé que l'objectif était de relancer le dialogue social dans les petites entreprises ne disposant pas de représentation syndicale, sur la base de trois thèmes de négociation : la reconnaissance réciproque des interlocuteurs syndicaux et patronaux, la recherche des conditions d'une amélioration de la représentation du personnel dans les entreprises pour tenter de pallier les carences en ce domaine et, enfin, le développement de la négociation collective dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux.

Le rapporteur a cependant précisé que, s'agissant de dispositions novatrices, les dispositifs étaient expérimentaux, limités dans le temps et encadrés par des accords de branche ; il revient en effet à la branche d'autoriser les nouveaux modes de négociation, de fixer les thèmes susceptibles d'y être abordés et de valider les accords ainsi négociés. Par ailleurs, un droit d'opposition est institué au niveau de la branche en faveur des organisations non signataires.

M. Louis Souvet, rapporteur, a alors indiqué que le projet de loi reprenait intégralement le contenu de l'accord et qu'il prévoyait une information régulière du Parlement.

Il a ensuite rappelé que l'Assemblée nationale avait réécrit cet article pour incorporer au texte les nouveaux dispositifs plutôt que de renvoyer à l'accord. Elle avait en effet considéré qu'il comportait une atteinte aux pouvoirs du législateur. Elle n'a cependant rien modifié quant au fond.

M. Louis Souvet, rapporteur, a alors proposé à la commission d'adopter cet article sans modification. Néanmoins, il a fait part de certaines interrogations que lui inspirait le texte, concernant notamment l'exercice du droit d'opposition et les conditions de vote au sein de la commission paritaire.

Il a également relevé les difficultés qu'éprouverait l'inspection du travail pour contrôler ces accords si ceux-ci devaient se multiplier de façon importante. Il a indiqué qu'il attirerait l'attention du ministre sur ces quelques difficultés.

M. Bernard Seillier s'est déclaré en accord avec les positions du rapporteur et a souligné la nécessité de conduire l'expérimentation à son terme, le caractère expérimental du dispositif lui semblant apporter suffisamment de garanties.

M. Louis Souvet, rapporteur, a indiqué que les auditions auxquelles lui-même et la commission avaient procédé montraient bien que le texte était l'aboutissement de compromis équilibrés.

M. Jean Chérioux a souhaité que la question des petites entreprises artisanales soit posée au ministre.

M. Guy Fischer a indiqué que son groupe déposerait des amendements. Il a reconnu que la négociation sociale se trouvait actuellement dans une période charnière et s'est inquiété du risque d'éclatement de la norme juridique. Selon lui, le droit d'opposition est mal défini alors que les accords dérogatoires, notamment sur les salaires et les congés, pourraient se multiplier. Il a manifesté sa crainte que ces accords, dans les cinq ou dix ans à venir, ne conduisent à une dégradation des droits des salariés.

M. Bernard Seillier a souligné que l'article 6 constituait une petite révolution culturelle. Pour lui il ne s'agit pas de déréglementer mais de confier aux partenaires sociaux l'élaboration de leur propre régime de protection.

M. Jean Madelain a observé que l'article 6 prévoyait de nombreuses dispositions qui constituaient autant de garanties. Il a ensuite indiqué que rien ne prouvait que ce texte génère de nombreux accords.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, constatant que le texte résultait d'un accord interprofessionnel négocié par des syndicats responsables et représentatifs et que le projet de loi y restait fidèle, a souhaité que l'expérience soit menée à son terme sans en modifier les conditions et qu'un bilan en soit tiré.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard et M. Guy Fischer ont observé que la CFDT seule en était le principal artisan.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a indiqué que de nombreuses entreprises, notamment dans le secteur tertiaire, pouvaient être intéressées par ce type d'accord. Par ailleurs, ces accords permettront d'encourager la représentation des salariés dans les entreprises où elle n'existe pas, ce qui constitue, selon lui, une avancée importante.

M. Bernard Seillier, tout en reconnaissant la qualité de l'argumentation de la CGT, a constaté que cette organisation s'en tenait au statu quo.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard s'est inquiétée d'un probable déséquilibre de la négociation au sein des entreprises, le rapport de forces étant défavorable aux salariés.

M. Louis Souvet, rapporteur, a observé que dans beaucoup de petites entreprises les patrons n'étaient pas mieux préparés que les salariés à ce type de négociation.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard s'est déclarée sceptique à propos de l'intervention a posteriori de la commission paritaire de branche, car elle ne pourrait pas remettre en cause les accords déjà signés.

M. Jacques Bimbenet a objecté que les rapports entre les chefs d'entreprise et les salariés n'étaient pas nécessairement antagonistes.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a rappelé que la négociation se ferait souvent sous la pression d'une menace de licenciement. Elle a suggéré que les négociations se passent non au sein de l'entreprise, mais au sein d'instances territoriales proches de l'entreprise.

La commission a ensuite adopté deux amendements rédactionnels à l'article 3 portant sur les articles L. 439-17 et L. 439-24-1 insérés dans le code du travail, un amendement de coordination à l'article 5 et un amendement de suppression de l'article 7, tous deux rendus nécessaires par le fait que la promulgation de la loi interviendrait après le 22 septembre 1996, date à laquelle la directive est devenue applicable.

La commission a ensuite adopté le projet de loi ainsi modifié.

* 1 A condition cependant que soient respectés certains principes fondamentaux, ce que le Parlement se réserve de vérifier.

* 2 Accor (1994), Alcatel Alsthom (1996), Assurances Générales de France (1994), Axa (1996), Banque Nationale de Paris (1996), Bouygues (1995), Bull (1992), Carrier Europe (1996), Crédit Lyonnais (1994), Compagnie Générale des Eaux (1993), Danone (procédure de dialogue depuis 1986, accord formalisé en 1996), Elf-Aquitaine (accord en 1991 renégocié en 1994), Esso-SAF (1995), Framatome (1996), GAN (1996), Henkel France (1996), Lafarge-Coppée (1994), L'Oréal (1996), Lyonnaise des Eaux (1995), Péchiney (1992), Peugeot (1996), Primagaz (1996), Renault (1993), Rhône-Poulenc (1990), Saint-Gobain (1992), Schneider (1993), Thomson CE (dialogue depuis 1985, accord en 1992), Thomson CSF (1992), Union des Assurances de Paris (1996), Usinor-Sacilor (1994), les consortium franco-allemands : Airbus industrie (1992), Europipe (1991) et Eurocopter (1992) ; le groupe franco-italien Eridania Béghin-Say (1995).

* 3 L' accord a été signé par le CNPF, la CGPM, la CFDT, la CFTC et la CGC.

* 4 L'accord et sa transposition dans la loi ne semblent pas devoir poser de problèmes constitutionnels sur ce point, puisque le préambule de la Constitution du 7 octobre 1946 confie la détermination collective des conditions de travail aux travailleurs eux-mêmes qui s'expriment par l'intermédiaire de leurs délégués. Il n'y a donc pas, sur la base de ce texte, de monopole syndical ; il ne semble pas non plus que l'on puisse le justifier par un principe fondamental puisque la loi déroge déjà, en plusieurs occasions (participation et intéressement, prévoyance) à ce « monopole » en matière de négociation collective. Le monopole syndical s'explique par la volonté du législateur de préserver, sur le fondement de la représentativité syndicale, la cohérence et l'homogénéité du droit social ; en dérogeant à ce monopole dans le cas précis des petites entreprises sans représentation syndicale, l'accord et le projet de loi ne remettent pas en cause ce souci d'homogénéité puisque ces dérogations sont étroitement encadrées par l'accord de branche. Le projet de loi va donc plus loin que le droit positif actuel tel qu'il résulte de la récente jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. soc., 25 janvier 1995, Comité français contre la faim) puisque le recours à un mandataire doit être autorisé par l'accord de branche, alors que la Cour de cassation ne l'exige pas.

* 5 La différence de traitement entre le CEE et la procédure d'information et de consultation vient de ce que l'on peut définir le CEE par sa structure, alors que seul son objet permet de définir la procédure. Mais il est évident que le CEE s'intéressera aux mêmes informations, comme cela est d'ailleurs expressément prévu pour le CEE créé en l'absence d'accord par l'annexe à l'article 7 de la directive.

* 6 Cette expression imprécise, fruit d'un difficile compromis, vise à souligner que la réunion n'a pas obligatoirement de caractère préalable.

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