DEUXIÈME PARTIE - EXAMEN DES ARTICLES
TITRE PREMIER - DE L'ORIENTATION DE LA POLITIQUE DES PÊCHES MARITIMES, DES CULTURES MARINES ET DES ACTIVITÉS HALIO-ALIMENTAIRES
Article Premier - Les objectifs de la politique des pêches et cultures marines
Par les principes qu'il énonce, l'article premier constitue en quelque sorte « le préambule de la loi .
Le projet de loi souligne, dans le premier alinéa de cet article, que la politique des pêches maritimes et des cultures marines doit être élaborée en conformité avec la Politique commune de la pêche ainsi que dans le plus strict respect des engagements internationaux conclus par la France : on sait en effet que les accords internationaux tant bilatéraux que multilatéraux en matière de pêche sont nombreux.
Les objectifs sont ensuite précisés dans cinq alinéas.
• Le deuxième alinéa -a)-
traite de la gestion durable de la ressource qui doit s'effectuer
parallèlement au respect et à une valorisation des ressources
halieutiques tant dans la zone des 200 milles que dans les eaux ou la France
dispose de droits de pêche.
Cet alinéa insiste donc sur la nécessité pour tout un secteur de pouvoir poursuivre cette activité de pêche tout en s'engageant à respecter et à valoriser l'environnement marin. Cette exploitation durable et raisonnable peut s'effectuer, non seulement dans la zone des 200 milles marins, mais aussi dans toutes les zones où la France dispose de droits de pêche en vertu d'accords internationaux. Les droits de pêche détenus par la France sont à la fois les « droits historiques détenus par la France (c'est-à-dire les droits exercés par la France à la date du 25 janvier 1983 dans les eaux territoriales des autres États européens), ainsi que ceux obtenus en vertu d'accords de pêche conclus entre l'Union européenne et les pays tiers.
• Il est désormais largement admis, comme le
précise le
troisième alinéa -b)-
,
que c'est le marché tant national qu'international qui commande
la gestion de la ressource. La filière « Pêche maritime
et cultures marines a donc trois axes indissociables : la production, la
transformation et la commercialisation. La prise en compte de ces trois volets
est essentiel à l'élaboration d'une politique de la pêche
pour les dix ans à venir.
• La modernisation de tous les outils de la
filière est considérée comme primordiale dans le
quatrième alinéa -c)- :
celle-ci comprend
non seulement la flottille mais aussi, eu égard à l'importance de
la transformation et de la commercialisation, l'ensemble des entreprises
situées en aval de l'acte de production. Le cas notamment du mareyage
est ainsi abordé dans la suite du projet de loi.
• Le
cinquième alinéa -d)-
fait du développement des cultures marines, dont la production
tant en volume qu'en valeur n'a fait qu'augmenter ces dernières
années, un objectif essentiel de la politique de pêche et des
cultures marines. La promotion de ce secteur doit s'effectuer, cependant, selon
les termes mêmes du projet de loi, dans le respect de l'environnement
marin.
Globalement, la qualité du milieu marin dans lequel s'opèrent les activités aquacoles et conchylicoles est satisfaisante.
Ce milieu est cependant l'objet d'agressions multiples, c'est ainsi que le dinophysis, algue microscopique phytoplanctonique apparaît régulièrement et naturellement dans les eaux littorales notamment en période estivale.
La présence d'une autre algue unicellulaire, l'alexandrium minutum, est également surveillée car sa concentration peut entraîner la présence d'une toxine paralysante (PSP). Il est important que les pouvoirs publics se préoccupent activement de suivre ces agressions et d'en réduire les méfaits, soit dans le cadre de groupes de travail internes, soit en liaison avec les autres ministères concernés (Environnement, Santé, ...).
Au plan communautaire, la directive du Conseil n° 79-923 du 30 octobre 1979 relative à la qualité requise des eaux conchylicoles a été adoptée en vue notamment « de sauvegarder certaines populations conchylicoles des différentes conséquences néfastes résultant du rejet dans les eaux de mer de substances polluantes .
La France a désigné ses eaux conchylicoles, et en assure ainsi (par l'IFREMER), un suivi global.
• Le
sixième et dernier alinéa
-e)-
traite de la modernisation et du développement des
« activités diversifiées sans les préciser et
introduit la notion d'aménagement du littoral en faisant
référence à l'économie des différentes
régions littorales.
Cet aménagement est sous-entendu derrière l'ensemble des mesures proposées. La pêche et les cultures marines constituent en effet des activités économiques primordiales après le tourisme pour nombre de zones littorales tant au regard de la valeur ajoutée que de l'emploi direct et indirect qu'elles génèrent.
Cet article appelle une remarque quant à la portée purement indicative des termes employés.
Il est évident que l'on ne peut que souscrire à une pétition de principe aussi généreuse, mais il convient de s'interroger sur la portée juridique de telles affirmations.
En fait, il s'agit d'une affirmation, sans réelle portée normative, dépourvue de toute sanction administrative.
Or, l'ambition assignée à une loi est d'être appliquée longtemps : il convient qu'elle ne soit ni abrogée, ni vidée de son contenu dans les années qui suivent sa publication. La rédaction d'un texte législatif doit s'efforcer d'éviter bon nombre d'obstacles afin de répondre à cette ambition.
Les deux caractéristiques essentielles de la loi prises dans son sens générique sont, selon la doctrine, la généralité et la force obligatoire.
Formulé à l'aube du XIXe siècle, l'adage du grand Portalis « les lois sont des volontés conserve son actualité et doit guider le législateur. Il faut se garder de céder à la tentation des formules incantatoires ou déclaratives qui, trop souvent, s'insèrent au début d'un texte de loi, alors même qu'elles devraient figurer dans son préambule, voire dans son exposé des motifs. Tel est le reproche que votre commission peut formuler à l'encontre de l'article premier du projet de loi qui dispose que « la politique de la pêche maritime a pour objectif ... . Ce reproche ne vise pas le contenu du texte mais des réserves peuvent être exprimées sur la portée juridique d'une telle affirmation.
On aurait pu, par exemple, concevoir de compléter le cinquième alinéa de l'article en prenant en compte les intérêts socio-économiques de cette filière dans le cadre de la politique de protection du littoral et d'aménagement du territoire : de même, il aurait pu être fait allusion à une nécessaire politique de qualité et d'identification des produits de pêche et des cultures marines, et ce à quelque stade de la filière que l'on soit.
Cependant, compte tenu du caractère prospectif de ce texte, votre rapporteur vous propose d'adopter cet article, sans cependant céder à la tentation de l'amender
Suivant son rapporteur, votre commission vous propose, cependant, d'adopter l'article premier sans modification.
Article 2 - Création du Conseil Supérieur d'Orientation des politiques halieutique, aquacole et halio-alimentaire
L'article 2 crée un Conseil supérieur d'orientation des politiques halieutique, aquacole et halio-alimentaire dans le prolongement de l'actuelle Commission de suivi de la pêche, mise en place le 5 mars 1994 pour veiller à la mise en oeuvre des mesures décidées en février 1994. Cette commission se réunit une fois par mois en regroupant les professionnels et les administrations concernés.
Le premier alinéa instituant ce Conseil précise, d'une part, qu'il s'agit d'une instance consultative, placée auprès du ministre chargé des pêches et des cultures marines et définit, d'autre part, sa mission qui se révèle très large puisqu'il peut être consulté par le ministre sur toute question relative à l'application de la politique des pêches et des cultures marines (ressource, marché, structures, relations sociales, formation, emploi et recherche).
Le deuxième alinéa insiste sur deux objectifs de cette nouvelle instance : elle a pour rôle d'assurer la cohérence de l'ensemble des aspects des politiques des pêches et des cultures marines et de veiller à l'équilibre entre les « différents secteurs de production .
Le troisième alinéa a trait à la composition du Conseil, conçu comme une instance de dialogue régulier entre le ministre et les représentants du milieu professionnel au sens large (production, transformation, commercialisation, distribution, recherche, institutions financières...) en présence de représentants des ministères intéressés.
Le quatrième et le cinquième alinéas indiquent la participation du Comité national de la conchyliculture et du secteur d'élevages marins à ce Conseil supérieur lorsque des sujets d'intérêt commun méritent d'y être évoqués.
Le sixième et dernier alinéa prévoit un décret sur la composition et les missions du Conseil supérieur d'Orientation.
Ce Conseil supérieur d'orientation des politiques halieutique, aquacole et halio-alimentaire s'apparente au Conseil supérieur d'orientation de l'économie agricole et alimentaire instauré par la loi n° 80-502 du 4 août 1980 à l'article 4-I et qui a été modifié par l'article 2 de la loi n° 95-95 sur la modernisation de l'agriculture en date du 1er février 1995.
La spécificité de la filière des pêches maritimes et des cultures marines nécessite, semble-t-il, à juste raison, la distinction entre une instance propre à ce secteur et un organe à compétence agricole et agro-alimentaire.
Il s'agirait d'une instance qui n'est pas appelée à se substituer aux organismes existants (CNPM, FIOM, CNC...) qui ont chacune un rôle et des compétences propres et ont acquis dans leur domaine une légitimité indiscutable.
L'article 2 de ce projet de loi a pris le parti délibéré de ne pas détailler l'ensemble des missions confiées au Conseil supérieur d'orientation des politiques halieutique, aquacole et halio-alimentaire, en renvoyant cette fonction à un décret, alors que le paragraphe I de l'article 4 de la loi n° 80-502 avait précisé l'ensemble des domaines dans lesquels le Conseil examine et peut rendre des avis. Ce choix « de ne pas surcharger la loi paraît judicieux à votre rapporteur. Néanmoins, votre commission vous propose trois amendements, l'un étant de nature rédactionnelle.
Le second amendement porte sur l'inexactitude du terme « secteur de production inscrit au deuxième alinéa : compte tenu du nom que porte ce nouvel organisme (CSO des politiques halieutique, aquacole et halio-alimentaire), de la diversité de sa composition et des termes utilisés à l'article premier (« production, transformation et commercialisation ), il est plus opportun de parler des « différentes activités de la filière .
Le troisième amendement, sans atteindre le niveau de précision du texte sur le Conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire, indique les domaines d'examen de ce nouvel organisme, et ceci indépendamment des attributions qui lui seront conférées par les dispositions réglementaires ultérieures.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 2, sous réserve de trois amendements.
Article 3 - Transformation du FIOM en office de la Mer
Cet article prévoit d'instituer, par voir réglementaire, un Office des produits de la mer, destiné à se substituer au Fonds d'intervention et d'organisation des marchés des produits de la mer en l'inscrivant dans le cadre légal des offices agricoles.
Crée en 1975 sous la forme d'un établissement public industriel et commercial, le Fonds d'Intervention et d'Organisation des Marchés des produits de la pêche maritime et des cultures marines (FIOM) est, pour la France dans le secteur des produits de la mer, l'organisme correspondant du FEOGA. Il dispose pour 1996 d'un budget de 148 millions de francs dont 125 millions de francs de subventions de l'État.
Les cinq missions prioritaires du FIOM sont l'annonce anticipée des apports qui permet d'équiper les bateaux en matériel de prévision des débarquements et de mettre en place des logiciels pour le traitement des données, la mise en réseau des opérateurs de la filière consistant à faciliter les actions à distance par l'interconnexion informatique de criées, la normalisation des appellations et des tailles pour les principales espèces des pêcheries françaises sur tout le littoral, l'amélioration de la qualité et la valorisation des produits de la mer et l'aide à la modernisation et à la mise aux normes des ateliers.
Le paragraphe I de l'article 3 modifie le titre de la loi n° 82-847 du 6 octobre 1982 relative aux offices en matière agricole afin que celle-ci puisse s'appliquer aussi, pour partie, au secteur des produits de la mer.
Le paragraphe II de l'article 3 ajoute un article 12 bis à la loi précitée en indiquant qu'un décret en Conseil d'État « peut créer un office dans le secteur des produits de la mer. Le dernier alinéa du II indique que ce décret précisera les modalités selon lesquelles les avis rendus par l'office et mentionnés aux articles 3, 5 et 7 sont donnés pour le secteur des produits de la mer, allant ainsi dans le sens d'un rapprochement avec l'organisation et le fonctionnement des offices agricoles.
L'insertion d'un article 12 bis et non pas d'un nouvel article dans le titre portant sur « les dispositions diverses de la loi de 1982 est justifié principalement par deux raisons : tout d'abord, les éléments généraux concernant les offices sont au titre I de la loi de 1982 : or, seul ce titre doit être appliqué à l'OFFIMER, le reste du texte étant totalement de nature « agricole . De plus, les avis du CSO sur les offices agricoles sont évoqués dans ce seul titre. Comme l'OFFIMER renvoie au CSO « Pêche , il est logique que la disposition le concernant soit la plus proche possible des articles en cause. Ainsi, afin de montrer l'homothétie entre les offices agricoles et le futur OFFIMER, votre rapporteur souscrit totalement à ce choix de technique juridique.
La création de ce nouvel office a notamment comme conséquences :
- un rééquilibrage de la composition du conseil d'administration permettant d'obtenir une parité réelle entre l'amont et l'aval de la filière et donc une meilleure organisation de celle-ci : la filière comprend bien entendu le marin-pêcheur, l'organisation de producteurs, le mareyeur et l'ensemble du secteur de la transformation, de la distribution et de la commercialisation. Sa composition pourrait s'inspirer de celle de la Commission de suivi tout en étant de taille plus réduite de manière à faciliter le dialogue en son sein.
- la création de comités spécialisés par produits ou groupe de produits assurant un réel suivi de la ressource ;
- le rattachement du personnel au statut commun des offices ; ces personnels disposent ainsi d'un statut stable.
- le transfert de la "section sociale" qui gère les caisses de chômage-intempéries au Comité national des pêches maritimes et des élevages marins afin d'attribuer à chaque institution la pleine et entière responsabilité de ses compétences.
Le service social des pêches maritimes constitue, en effet, une direction du comité national des pêches maritimes et des élevages marins.
Il intervient dans l'ensemble des communes situées dans la circonscription des quartiers des affaires maritimes où il assure une permanence, tant en métropole qu'outre-mer, totalisant sur le littoral 35.000 heures de présence effective en 1995.
Les actions prioritaires en 1995 et 1996 ont essentiellement porté sur les problèmes financiers des familles : habitat, santé, formation et réinsertion professionnelle (bourses et prêts), loisirs (classes de découverte, colonies de vacances), situations d'urgence (aides exceptionnelles, secours aux orphelins, aux marins malades ou accidentés, aux veuves de marins disparus en mer, etc.)
La transformation du FIOM en OFFIMER permet la constitution d'un organisme à vocation économique, assurant un véritable rôle de pilotage de la filière, notamment par le dialogue interprofessionnel et un encouragement au développement d'une politique de partenariat entre l'amont et l'aval. Cet outil au service des professionnels de la pêche et des cultures marines doit permettre d'assurer rapidement la traçabilité des produits de l'amont à l'aval.
Cependant, à l'instar des dispositions portant création des offices agricoles (article premier de la loi de 1982), votre commission vous propose un amendement permettant d'inscrire dans la loi d'orientation la création de cet office de la mer et non sa simple possibilité.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 3 sous réserve d'un amendement.