N° 72
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997
Annexe au procès-verbal de la séance du 12 novembre 1996.
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi d'habilitation relatif à l'extension et à l'adaptation à la collectivité territoriale de Mayotte des dispositions législatives du titre premier du livre VII du code de la santé publique, au statut du personnel et au financement de l' établissement public de santé territorial de Mayotte ainsi qu'à la réforme du statut de la caisse de prévoyance sociale.
Par M. Jean-Louis LORRAIN,
Sénateur.
( 1 ) Cette commission est composée de : MM. Jean-Pierre Fourcade , président ; Jacques Bimbenet, Mmes Michelle Demessine, Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Claude Huriet, Bernard Seillier, Louis Souvet, vice-présidents ; Jean Chérioux, Charles Descours, Roland Huguet, Jacques Machet, secrétaires ; François Autain, Henri Belcour, Jacques Bialski, Jean Bizet, Paul Blanc, Mme Annick Bocandé, MM. Louis Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Francis Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Philippe Darniche, Georges Dessaigne, Mme Joëlle Dusseau, MM. Guy Fischer, Alfred Foy, Serge Franchis, Mme Jacqueline, Fraysse-Cazalis, MM. Alain Gournac, André Jourdain, Pierre Lagourgue, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain, Simon Loueckhote, Jean Madelain, Michel Manet, René Marquès, Serge Mathieu, Georges Mazars, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.
Voir le numéro :
Sénat : 57 (1996-1997).
Départements et territoires d'outre-mer.
TRAVAUX DE LA COMMISSION
Réunie le jeudi 7 novembre 1996, sous la présidence de M. Louis Boyer, la commission a ensuite procédé à l'examen du rapport sur le projet de loi d'habilitation n° 57 (1996-1997) relatif à l'extension et à l'adaptation à la collectivité territoriale de Mayotte des dispositions législatives du titre 1er du livre VII du code de la santé publique, au statut du personnel et au financement de l'établissement public de santé territorial de Mayotte ainsi qu'à la réforme du statut de la caisse de prévoyance sociale.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur, a tout d'abord indiqué que le projet de loi d'habilitation visait à autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour étendre à la collectivité territoriale de Mayotte la loi hospitalière, en donnant à l'hôpital de Mayotte un statut proche du droit commun, et pour réformer l'actuelle caisse de prévoyance sociale afin d'instituer un financement des soins hospitaliers.
Il a ensuite rappelé que le recours aux ordonnances était de pratique courante depuis qu'avait été défini le statut particulier de la collectivité territoriale de Mayotte par la loi n° 76-1212 du 24 décembre 1976. Il a ajouté que cette loi avait institué un dispositif juridique souple permettant aux compétences respectives de l'Etat et de la collectivité territoriale d'évoluer sans difficulté dans le sens d'un alignement progressif sur le droit commun.
Le rapporteur a précisé que le recours à une ordonnance visait à répondre rapidement à l'engagement pris par le Premier ministre le 24 novembre 1994 devant le conseil général de Mayotte de faire évoluer le statut de la collectivité territoriale, cet engagement ayant été formalisé dans la convention de développement signée par l'Etat et la collectivité territoriale le 5 avril 1995 en application de l'article 34 de la loi du 25 juillet 1994 (dite « loi Perben »). Il a ajouté que cette procédure tenait également compte des retards de Mayotte dans le domaine de la santé qu'il était urgent de combler.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur, a ensuite présenté la situation sanitaire de Mayotte. Il a rappelé que, pour faire face à une croissance très rapide de la population (5,9 % par an), à un taux de mortalité infantile très important, à une malnutrition des enfants et à de graves pathologies infectieuses, la collectivité territoriale ne disposait que d'un seul hôpital, d'équipes médicales peu expérimentées ou en-deça des compétences exigées en métropole, ainsi que de dix-sept dispensaires. Le rapporteur a encore souligné que la collectivité n'avait pas les moyens de financer le système de soins.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur, a précisé que le champ de l'habilitation était étroitement délimité puisque le projet de loi autorisait le Gouvernement à prendre, par une ordonnance, les dispositions nécessaires pour transposer, en l'adaptant, la loi hospitalière à la collectivité territoriale, pour ériger l'hôpital en établissement public de santé et en tirer les conséquences sur le statut du personnel, et pour définir les conditions de financement de cet établissement.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur, a alors résumé les principales dispositions du projet d'ordonnance.
Il a indiqué que son titre premier étendait à Mayotte, en l'adaptant, comme le prévoyait le projet de loi d'habilitation, le titre I du livre VII du code de la santé publique, transformait l'hôpital actuel en établissement public de santé relevant de la compétence de l'Etat, mais écartait certaines dispositions relatives, notamment, aux établissements privés.
Il a ajouté que les autres dispositions de la loi hospitalière s'appliquaient sous réserve de quelques adaptations en fonction des réalités locales. Étaient ainsi précisés les liens avec le système de santé de la Réunion ainsi que les dispositifs écartés, en particulier ceux qui relevaient de l'aide sociale, encore inexistante à Mayotte.
Le rapporteur a également indiqué que le statut du personnel s'inspirait du statut général des fonctionnaires, mais l'adaptait pour permettre de maintenir le statut et l'emploi du personnel non médecin de la collectivité territoriale et pour favoriser l'accueil des personnels médicaux et non médicaux de métropole ou des départements d'outre-mer en vue d'élever le niveau de l'équipe médicale.
Enfin, il a souligné que les adaptations de la loi hospitalière visaient d'une façon générale à donner plus de souplesse qu'en métropole au fonctionnement de l'établissement public de santé.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur, a ensuite présenté le titre II du projet d'ordonnance concernant le financement de l'établissement public. Il a indiqué que celui-ci reposait essentiellement sur une dotation globale de fonctionnement et qu'en contrepartie, une cotisation santé assise sur les revenus du travail, limitée à la couverture des soins hospitaliers, devait être créée.
Le rapporteur a ensuite rappelé les conditions actuelles de fonctionnement de la caisse de prévoyance sociale et a justifié sa réforme par les nouvelles missions que le projet d'ordonnances lui confiait dans le cadre du financement du système de soins.
Enfin, le rapporteur a résumé le titre III du projet d'ordonnances qui regroupe des dispositions diverses et transitoires.
En conclusion, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur, a indiqué que le projet d'ordonnance devait être le point de départ d'une profonde évolution qui devrait permettre à Mayotte de se rapprocher du droit commun et d'améliorer considérablement sa situation sanitaire.
Il a, en conséquence, invité la commission à adopter le projet de loi d'habilitation sans modification.
M. Louis Boyer, président, a rappelé la fidélité à la France dont avaient fait preuve les Mahorais.
M. André Jourdain a demandé au rapporteur pourquoi la nouvelle cotisation sociale ne portait que sur les seuls revenus du travail.
En réponse, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur, a rappelé que l'économie mahoraise reposait essentiellement sur le troc et l'échange de services, ce qui rendait difficile la connaissance des patrimoines et des autres sources de revenus. Une discussion s'est ensuite engagée entre MM. Henri Belcour, Louis Boyer, président, et Jean-Louis Lorrain, rapporteur, sur les principales caractéristiques des sociétés mahoraises et comoriennes, notamment sur l'influence de la religion musulmane, sur le rôle des femmes et sur la volonté d'émigration d'une partie de la jeunesse mahoraise.
M. Guy Fischer a rappelé que son groupe politique était par principe défavorable à la procédure des ordonnances, mais a admis que le projet de loi d'habilitation avait pour finalité l'amélioration des conditions sanitaires de Mayotte, ce qui conduirait son groupe à ne pas manifester une forte opposition.
La commission a alors approuvé le projet de loi d'habilitation.
Mesdames, Messieurs,
Le projet de loi d'habilitation soumis à votre examen, adopté par le Conseil des ministres le 30 octobre 1996, vise, sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, à autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour étendre et adapter à la collectivité territoriale de Mayotte les dispositions du code de la santé publique sur les établissements de santé, en donnant à l'hôpital de Mayotte un statut proche du droit commun, et pour réformer l'actuelle caisse de prévoyance sociale afin d'instituer un financement des soins hospitaliers.
Ce recours aux ordonnances est de pratique courante depuis que le statut particulier de la collectivité territoriale a été défini par la loi n° 76-1212 du 24 décembre 1976 relative à l'organisation de Mayotte. L'article 10 prévoit que les lois nouvelles ne sont applicables à Mayotte que sur mention expresse, et l'article 7 autorisait le Gouvernement à prendre par ordonnance, avant le 1er juillet 1979, toutes mesures tendant à étendre et à adapter les textes intervenus dans le domaine législatif et qui n'étaient pas applicables à Mayotte. Cette habilitation générale a été réitérée par la loi du 22 décembre 1979 puis par celle du 23 décembre 1989. Cette dernière précisait d'ailleurs que le Gouvernement était autorisé à légiférer par ordonnances dans, notamment, le domaine de la santé publique, de la protection sociale et du droit du travail (article unique, 6°). Trois ordonnances ont été prises dans ce domaine : les ordonnances n os 92-570 du 25 juin 1990 et 92-1070 du 1er octobre 1992 portant toutes deux diverses dispositions législatives relatives à la santé publique et l'ordonnance n° 91-888 du 5 septembre 1991 portant extension et adaptation à la collectivité territoriale de Mayotte des titres I, II et III du code de la famille et de l'aide sociale.
Le présent projet de loi d'habilitation s'inscrit donc dans une pratique régulière qui permet aux compétences respectives de l'Etat et de la collectivité territoriale de Mayotte d'évoluer sans difficulté et avec souplesse. Cette évolution se fait dans le sens d'un alignement progressif sur le droit commun ; elle a toujours été conduite avec prudence en raison des particularismes de la société mahoraise et des tensions régionales engendrées à une certaine époque par la volonté des Mahorais de rester français.
Respecter l'engagement de l'Etat de faire évoluer le statut de Mayotte
Simple dans son objectif, le projet de loi d'habilitation vise à mettre en oeuvre un processus complexe d'adaptation de Mayotte aux normes métropolitaines en matière de santé publique.
La volonté du Gouvernement de définir le nouveau cadre juridique dès janvier 1997, afin de mettre en place les nouvelles structures tout au long de 1997, explique le recours à la procédure des ordonnances. Ce souci de rapidité vise à répondre aux engagements pris par le Premier ministre le 24 novembre 1994 devant le Conseil général de Mayotte. Il tient compte également de l'état sanitaire de la population mahoraise et des retards du système de soins de la collectivité territoriale par rapport à la métropole.
La réforme proposée se situe dans la perspective d'une éventuelle départementalisation en faveur de laquelle pourraient se prononcer, par voie de référendum, les Mahorais en vertu de la loi du 22 décembre 1979 sur les institutions de Mayotte. Elle vise à la « construire », à la préparer en tenant compte des spécificités géographiques, culturelles, sociales et économiques de la collectivité territoriale.
Votre rapporteur rappellera que la société mahoraise est de type traditionnel et se caractérise par des liens de solidarité et de réciprocité particulièrement forts. La grande majorité des Mahorais est musulmane. Il s'agit d'un Islam tempéré, où l'on observe des résurgences pré-islamiques, venues d'Afrique et de Madagascar. Cette particularité influe considérablement sur l'organisation institutionnelle et sociale.
Cependant, l'organisation sociale mahoraise est en train d'évoluer : la croissance importante de la population, l'insuffisance des ressources locales qui en découle, l'influence des médias, le particularisme qu'a toujours manifesté Mayotte par rapport aux autres îles de l'Archipel des Comores, modifient les rapports sociaux, la religion perd de son pouvoir, les hommes -et notamment les jeunes- sont plus mobiles, souvent désireux d'émigrer, et les liens de solidarité se distendent entraînant une plus grande pauvreté. Mayotte est actuellement dans une phase culturelle transitoire.
Il importe donc que les changements institutionnels et administratifs accompagnent ces changements sociaux.
Les conditions de l'évolution du statut de Mayotte ont été fixées, pour ce qui concerne le volet économique et social, par la convention de développement signée par l'Etat et la collectivité territoriale le 5 avril 1995, en application de l'article 34 de la loi du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les activités économiques dans les DOM, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte (dite « loi Perben »).
Améliorer la situation sanitaire 1 ( * )
Mais cette réforme du système de soins, et son urgence, ne sont pas seulement justifiées par des raisons institutionnelles et politiques. La situation sanitaire est, en effet, loin d'être satisfaisante et réclame des mesures de réorganisation rapides : la convention Etat-Mayotte prévoit à ce titre le changement de statut de l'hôpital et la mise en place progressive d'un système d'assurance-maladie.
Mayotte, dont la population est estimée en 1996 à 120.000 habitants, connaît une progression démographique de 5,9 % par an. Sur la base de la progression observée entre 1991 et 1996, la population atteindra 1.630.000 personnes en 2000. Le taux de natalité y est de 42,9 %o contre 12,5 %o en métropole et plus de la moitié de la population a moins de 20 ans. En outre, il y aurait plus de 20.000 clandestins généralement des Comoriens, difficilement identifiables, car il n y a pas d'état civil fiable ; de plus, la notion de résidence est difficile à instituer en raison de la matrilocalité et les communications avec les Comores sont relativement aisées. Le taux de chômage est de 50 % pour une population active de 35.000 personnes et 5.000 familles seraient en-dessous du seuil de pauvreté. Le SMIG est de 21,15 francs par mois (1994).
L'état sanitaire de la population, tout en s'étant amélioré depuis vingt ans, reflète cette situation. Le taux de mortalité infantile y est de 21 %o, trois fois celui de métropole, 13 % des enfants scolarisés sont malnutris, et de graves pathologies infectieuses sévissent dans l'île : le paludisme (1,258 cas dépistés en 1995), la lèpre (79), la tuberculose, les maladies sexuellement transmissibles et, depuis peu, le sida.
Pour faire face à cette situation, il n'y a qu'un hôpital, implanté sur deux sites, représentant au total 130 lits, et 17 dispensaires correspondant à 57 lits dont 40 lits de maternité. L'activité gynéco-obstétrique est de loin la plus importante. Quant au personnel, 30 % des médecins (sur 28) sont des volontaires de l'aide technique (VAT), et un nombre important d'infirmières et d'aides soignantes ne sont pas diplômées d'Etat. Il s'agit donc d'un personnel peu expérimenté ou en-deça des compétences exigées en métropole.
Par ailleurs, l'absence de certaines spécialités 2 ( * ) et l'insuffisance du plateau technique contraignent à de coûteuses évacuations sanitaires vers la Réunion (295 en 1995), prises en charge au titre de l'aide médicale des hôpitaux de la Réunion.
Enfin, la collectivité territoriale n'a pas les moyens de financer seule le système de santé, même défectueux, d'autant que les soins sont dispensés gratuitement à toute personne, qu'elle soit mahoraise ou de passage. Elle les aura d'autant moins que le système sera réformé et amélioré, car il sera alors encore plus coûteux. Les dépenses sanitaires et sociales en 1995 s'élèvent à 131,041 millions de francs, en progression de 37 % entre 1993 et 1995, alors que le budget de la collectivité territoriale est de 691,946 millions (en 1994).
Le champ d'habilitation
Le projet de loi d'habilitation qui vous est aujourd'hui soumis traduit donc juridiquement l'engagement de l'Etat d'assumer pleinement ses responsabilités en matière de santé, conformément à la convention du 5 avril 1995.
Il autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance, avant le 31 janvier 1997, les dispositions nécessaires pour :
- d'une part, transposer en l'adaptant la loi hospitalière (titre I du livre VII du code de la santé publique) à la collectivité territoriale de Mayotte, en érigeant l'hôpital, qui n'a actuellement pas de statut juridique défini, en établissement public de santé et en en tirant les conséquences quant au statut du personnel ;
- et, d'autre part, définir les conditions de financement de l'établissement public de santé, ce qui suppose une réforme de la caisse de prévoyance sociale et l'institution d'une cotisation sociale.
Ces objectifs sont fixés par l'article premier du projet de loi, qui précise en outre que le projet d'ordonnance sera soumis pour avis au Conseil général de Mayotte.
Le champ de l'habilitation, résumé dans le titre du projet de loi, est donc étroitement défini.
Le second article dispose que le projet de loi de ratification, accompagné de l'avis du Conseil général de Mayotte, sera déposé devant le Parlement au plus tard le 15 mars 1997.
Le projet d'ordonnance
L'avant-projet d'ordonnance, transmis à votre rapporteur par le cabinet du ministre de l'Outre-mer, comprend une quarantaine d'articles regroupés en trois titres. Il s'inspire largement des préconisations du rapport de M. Contis, inspecteur général des affaires sociales, remis en mai 1995, sur la préparation et l'application de la convention Etat-Mayotte du 5 avril 1995.
Le titre premier étend et adapte le titre I du livre VII du code de la santé publique à la collectivité territoriale de Mayotte. Il transforme l'hôpital actuel en un établissement public de santé, relevant de la compétence de l'Etat. En conséquence, la loi hospitalière, modifiée dernièrement par l'ordonnance du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée, est transposée, à l'exception cependant des dispositions relatives aux établissements privés ainsi qu'aux expérimentations et aux établissements spécifiques.
Les autres dispositions s'appliquent sous réserve de quelques adaptations en fonction des réalités locales : ainsi, il est précisé que l'agence régionale de l'hospitalisation est celle de la Réunion sous réserve d'une adaptation de la composition de sa commission exécutive lorsqu'elle intervient sur des questions relatives à Mayotte. Les missions de l'établissement relevant des établissements sociaux et médico-sociaux sont écartées, faute de régime d'aide sociale. Certaines dispositions spécifiques (centre antipoison, accueil des personnes incarcérées, communautés d'établissements, conférences sanitaires de secteur, etc.) sont également écartées, n'ayant pas matière à s'appliquer.
Par ailleurs, le statut du personnel est défini par l'ordonnance : celle-ci reprend le statut général des fonctionnaires mais l'aménage, d'une part, pour maintenir le statut et l'emploi des personnels non-médecins de la collectivité territoriale, même non titulaires d'un diplôme d'Etat et, d'autre part, pour favoriser l'accueil de personnels médicaux et non médicaux de métropole ou des départements d'outre-mer pour élever le niveau de l'équipe hospitalière. Les conditions d'exercice du droit d'expression des personnels sur leurs conditions de travail sont renvoyées au règlement intérieur. Enfin, les relations avec les dispensaires sont précisées, l'hôpital pouvant disposer d'antennes dans quelques-uns d'entre eux. D'une façon générale, les adaptations visent à donner plus de souplesse qu'en métropole au fonctionnement de l'établissement public de santé.
Le titre II concerne le financement de l'établissement public. Relevant désormais de l'Etat, l'hôpital sera financé par une dotation globale de fonctionnement. En contrepartie, le projet d'ordonnance crée une cotisation santé, assise sur les revenus du travail 3 ( * ) , limitée à la couverture des soins hospitaliers, à l'exclusion donc des soins dispensés dans le secteur libéral. Toute personne résidant à Mayotte, y compris les fonctionnaires, y sera assujettie. Son rendement est évalué à 15 millions de francs. Les soins seront totalement gratuits, sans forfait hospitalier, ni ticket modérateur.
Il faut noter que cette cotisation n'augmentera pas le taux global du prélèvement sur les revenus du travail, car son institution s'accompagnera d'une diminution concomitante des autres cotisations ; en effet, les résultats financiers de la caisse de prévoyance sociale font apparaître de larges excédents au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles (7,26 millions) ainsi que des prestations vieillesse (35,79 millions) en raison, pour ces dernières, de la jeunesse de la population. Il n'y a donc pas d'inconvénients à baisser leur taux de cotisation, ce qui se traduira par une opération neutre pour les travailleurs.
Un financement spécifique à la charge de l'Etat et de la collectivité territoriale sera prévu pour les personnes non affiliées à la CPS et démunies de ressources.
Le mécanisme de financement de l'hôpital sera donc le suivant : versement par les régimes métropolitains, par l'intermédiaire de la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion, de la dotation globale, déduction faite du produit de la cotisation sociale sur le revenu des Mahorais (dont le taux sera fixé par décret, sans doute aux environs de 2 %), subvention complémentaire de l'Etat et de la collectivité territoriale et produit des tarifications.
Pour mettre en oeuvre ce mécanisme de financement, le projet d'ordonnance réforme la caisse de prévoyance sociale afin de la rendre apte aux nouvelles missions qui lui sont assignées, et notamment celle de recevoir la dotation globale de fonctionnement : la caisse sera donc transformée en un organisme de droit privé doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière, par analogie avec les caisses de sécurité sociale propres aux départements d'outre-mer.
Actuellement, la caisse relève d'un statut provisoire dans l'attente de la mise en place, différée depuis 1976, d'un nouveau régime de protection sociale ; ce statut en confie la gestion au préfet. La caisse gère le versement de certaines prestations familiales, des rentes d'accidents du travail et de l'avantage vieillesse, selon des règles héritées de l'ancien territoire des Comores. Il n'y a pas d'assurance maladie.
La réforme de la caisse permettra en outre de clarifier certaines de ses activités annexes, qui lui ont valu quelques déboires, telles que son rôle dans le financement de constructions de logements. Elle devrait également lui permettre d'assumer des missions à caractère social, notamment en matière de planification et de contrôle des naissances.
Plus généralement, le nouveau mode de financement du système de soins, en soulageant les finances de la collectivité territoriale, permettra à celle-ci de recentrer ses interventions sur les dispensaires et les actions de proximité, et d'accompagner les actions de santé et les opérations d'investissements prioritaires relevant désormais de l'Etat : la restructuration de l'hôpital, la rénovation des locaux, la médicalisation accrue des dispensaires, la poursuite des actions d'éducation sanitaire et la lutte contre les grandes épidémies.
Enfin, le titre III regroupe des dispositions diverses et transitoires, telles que la dévolution du patrimoine de l'ancien hôpital au nouvel établissement, ou des dispositions financières provisoires, notamment pour ce qui concerne les non-assujettis à la cotisation sociale.
Le projet d'ordonnance sera donc le point de départ d'une profonde évolution, qui permettra à Mayotte de se rapprocher du droit commun et d'améliorer considérablement la situation sanitaire des différentes îles.
En outre, il répond aux engagements souscrits par le Gouvernement en 1994 et confirmés en 1995.
* 1 Les informations chiffrées sont reprises de l'étude d'impact accompagnant le projet d'ordonnance.
* 2 Le premier cardiologue vient récemment de s'installer dans l'île, il n'y a pas d'ophtalmologiste...
* 3 L'économie mahoraise est encore en grande partie fondée sur l'échange et le troc ; il n'est donc pas possible d'élargir l'assiette de la cotisation à d'autres types de revenus, notamment à ceux du patrimoine, peu connus et mouvants.