Rapport n° 433 - Projet de loi relatif au développement d'activités pour l'emploi des jeunes
M. Louis SOUVET
Commissions des Affaires sociales - Rapport n° 433 - 1996/1997
Table des matières
-
TRAVAUX DE LA COMMISSION
- I. AUDITION DE MME MARTINE AUBRY, MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ
- II. EXAMEN DU RAPPORT
-
III. LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES S'INTERROGE SUR LA LOGIQUE PROFONDE
DU TEXTE PROPOSÉ PAR LE GOUVERNEMENT
- A. UN SOPHISME ÉCONOMIQUE RISQUÉ ET COÛTEUX ?
- B. CERTAINS DES EMPLOIS ENVISAGÉS RELÈVENT EN FAIT À 100 % DU SECTEUR PRIVÉ OU À 100 % DU SECTEUR PUBLIC.
- C. D'AUTRES EMPLOIS POURRAIENT ÊTRE EFFECTIVEMENT " IMPLANTÉS " POUR UNE DURÉE LIMITÉE DANS LE SECTEUR NON-MARCHAND SUBVENTIONNÉ ALORS QUE CERTAINS AURAIENT VOCATION À RESTER DURABLEMENT DANS CET ENTRE-DEUX
- IV. LE PROJET DE LOI N'INNOVE QU'EN APPARENCE
- V. LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES PRÉCONISE QUE D'AUTRES MESURES MOINS ALÉATOIRES SOIENT EXPLORÉES OU POURSUIVIES
-
VI. LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SE PROPOSE D'AMENDER TRÈS SENSIBLEMENT
LE TEXTE POUR LE RENDRE COMPATIBLE AVEC LE FONCTIONNEMENT D'UNE ÉCONOMIE
MODERNE
- A. LES EMPLOIS JEUNES DOIVENT POUVOIR S'APPUYER SUR L'APPRENTISSAGE DANS LE SECTEUR PUBLIC
- B. LES EMPLOYEURS DOIVENT POUVOIR ASSURER L'ENCADREMENT DES JEUNES ET LE DÉVELOPPEMENT DES MÉTIERS
- C. LA MIGRATION DES ACTIVITÉS DEVENUES RENTABLES DOIT ÊTRE ORGANISÉE SANS ATTENDRE LE TERME DES CINQ ANS
- D. LES EMPLOIS RELEVANT DES MINISTÈRES DE LA JUSTICE ET DE L'EDUCATION NATIONALE DOIVENT PRENDRE LA FORME DE CONTRATS DE DROIT PUBLIC FINANCÉS À 100 % PAR L'ETAT
- E. L'APPRENTISSAGE DANS LE SECTEUR PUBLIC DOIT ÊTRE DÉVELOPPÉ
- F. PLUSIEURS AUTRES AMENDEMENTS D'ORDRE ESSENTIELLEMENT TECHNIQUE ONT ÉTÉ ADOPTÉS PAR LA COMMISSION
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EXAMEN DES ARTICLES
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Article premier
Aide à la création d'activités d'utilité sociale pour l'emploi des jeunes -
Article L. 322-4-19 nouveau du code du travail
Aide pour l'emploi des jeunes -
Art. L. 322-4-20 du code du travail
Nature et régime juridique du contrat de travail -
Article additionnel après l'article L. 322-4-20 du code du
travail
Migration accélérée des activités créées vers le secteur marchand
(Art L. 322-4-21 nouveau du code du travail) -
Article additionnel avant l'article premier bis
Aides du fonds paritaire d'intervention en faveur de l'emploi -
Article additionnel avant l'article premier bis
Information des institutions représentatives du personnel sur l'exécution des contrats emplois-consolidés -
Article premier bis
Possibilité de cumuler un contrat emploi solidarité avec un autre emploi -
Article premier ter
Obligation d'emploi de travailleurs handicapés -
Article premier quater
Information des jeunes par les missions locales et les permanences d'accueil, d'information et d'orientation -
Article premier quinquies
Aide à la création d'entreprises par les jeunes
(Art. L. 351-14 du code du travail) -
Article premier sexies
Imputation de l'aide départementale sur les crédits d'insertion du RMI
(Art. 38-1 nouveau de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988) -
Art. 2
(Art. 36 nouveau de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité)
Emplois d'adjoints de sécurité -
Article additionnel avant l'article 2 bis
Emplois d'adjoints d'éducation et d'adjoints de justice -
Art. 2 bis
Modalités d'application du dispositif emplois-jeunes dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon -
Art. 3
Rapport au Parlement -
Article additionnel après l'article 3
Développement de l'apprentissage dans le secteur public
-
Article premier
-
ANNEXE
ÉTUDE D'IMPACT - LES CONTRATS AIDÉS DANS LE SECTEUR NON MARCHAND : CES, CEC, EMPLOIS DE VILLE, CONTRATS D'INITIATIVE LOCALE
N° 433
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 1996-1997
Annexe au procès-verbal de la séance du 24 septembre 1997
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE , relatif au développement d'activités pour l' emploi des jeunes ,
Par M. Louis SOUVET,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Jean-Pierre Fourcade,
président
; Jacques Bimbenet, Mme
Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Claude Huriet, Bernard Seillier,
Louis Souvet,
vice-présidents
; Jean Chérioux, Charles
Descours, Roland Huguet, Jacques Machet,
secrétaires
;
François Autain, Henri Belcour, Paul Blanc, Mmes Annick
Bocandé, Nicole Borvo, MM. Louis Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Francis
Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Philippe Darniche, Mmes Dinah Derycke,
Joëlle Dusseau, MM. Alfred Foy, Serge Franchis, Alain Gournac,
André Jourdain, Jean-Pierre Lafond, Pierre Lagourgue, Dominique Larifla,
Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain
,
Simon Loueckhote,
Jean Madelain, Michel Manet, René Marquès, Serge Mathieu, Georges
Mazars, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM. Sosefo
Makapé Papilio, André Pourny, Mme Gisèle Printz,
MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Martial Taugourdeau, Alain
Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
200
,
206
et T.A.
3
.
Sénat
:
423
(1996-1997).
|
|
Jeunes. |
TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITION DE MME MARTINE AUBRY, MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ
Le mardi 23 septembre 1997, sous la
présidence de
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
la commission des Affaires
sociales a procédé à l
'audition
de
Mme Martine
Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité
.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité,
a
tout d'abord rappelé que le taux de chômage des jeunes
était très important en France alors que, parallèlement,
existaient de nombreux besoins non satisfaits, notamment dans le domaine de la
culture, de l'environnement, de la sécurité et de la valorisation
du patrimoine. Après avoir souligné que les Etats-Unis avaient
réussi à réduire leur niveau de chômage en
développant des activités semblables dans le secteur marchand,
elle a insisté sur la nécessaire intervention de l'Etat pour les
développer en France.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité,
a
déclaré que ce texte de loi n'avait pas pour objectif de financer
des emplois publics, ni celui de pénaliser les entreprises et les
associations qui avaient déjà pris des initiatives comparables.
Elle a tenu à préciser que les projets seraient
sélectionnés en fonction de leurs perspectives de
pérennisation et de leur capacité à faire émerger
de véritables métiers.
Le ministre de l'emploi et de la solidarité a rappelé que l'Etat
s'engageait à verser une aide représentant 80 % du montant du
salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) charges comprises. Elle
a souhaité que les projets soient discutés entre les
préfets et les maires, le financement pouvant être
complété par tout organisme qui souhaiterait participer.
Après avoir réitéré sa préférence
pour un dispositif souple, elle a néanmoins précisé que
les préfets seraient attentifs à la qualité des projets
proposés et que l'ensemble des dispositions du code du travail
s'appliquerait aux contrats de droit privé conclus dans le cadre du
dispositif.
Après son propos liminaire,
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi
et de la solidarité,
a répondu aux questions de
M. Louis
Souvet, rapporteur
, relatives à l'application du code du travail,
à la pérennisation, aux services de l'Etat, à la
formation, aux emplois villes et au cas particulier des adjoints de
sécurité.
A cette occasion, le ministre a notamment précisé que les
dispositions relatives aux institutions représentatives du personnel
s'appliqueraient aux associations ayant le nombre d'employés suffisant
et que les jeunes cotiseraient pour leur retraite à la caisse habituelle
de leur employeur ; il s'agirait par exemple de l'Institution des retraites
complémentaires des agents non titulaires de l'Etat et des
collectivités publiques (IRCANTEC) pour les collectivités locales.
Le ministre a souligné que la pérennisation serait d'autant plus
aisée que les projets auraient été bien
préparés en amont.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité,
a
cité l'exemple de Lille où un financement privé avait
déjà pris le relais de l'aide municipale pour de nombreux emplois
créés dans ces mêmes conditions.
Le ministre a également rappelé que le SMIC constituait une
rémunération minimum qui pouvait être majorée par
l'employeur ou ses partenaires pour prendre en compte les qualifications des
jeunes.
Mme Martine Aubry
a considéré que tous les jeunes
intéressés par les projets n'avaient pas forcément besoin
d'une formation, mais qu'il était toutefois possible d'y recourir pour
certains d'entre eux. Elle a en outre rappelé que le projet ne
concernait pas les jeunes ayant des difficultés d'orientation. A ce
sujet, elle a tenu à souligner que le nouveau dispositif ne devait pas
évincer l'apprentissage, ni les contrats de qualification. Elle a enfin
confirmé que les emplois villes pourraient être basculés
dans le nouveau dispositif.
A l'occasion des questions qu'ils ont alors posées au ministre, les
commissaires ont tenu à faire part d'un ensemble de
préoccupations concernant la capacité du texte proposé
à répondre à la question du chômage de
manière satisfaisante.
M. Jean Chérioux
a regretté une certaine frilosité
envers le secteur privé, et notamment que les conventions ne
prévoient pas une participation de l'usager au financement du service.
Il a souhaité que l'ensemble du secteur logement puisse
bénéficier du nouveau dispositif.
M. Roland Huguet,
tout en se satisfaisant du texte, s'est
inquiété du coût de la pérennisation. Il a
manifesté son souci que le dispositif proposé évite les
" effets d'aubaine " et a avancé l'idée d'une aide pour
la recherche des emplois. Il s'est également interrogé sur le
montant de l'aide qui pourra être imputée par le
département sur les crédits d'insertion du RMI.
Mme Joëlle Dusseau
s'est enquise du redevable des indemnités
en cas de rupture du contrat à l'initiative de l'employeur. Elle s'est
également interrogée sur la possibilité d'un cumul d'un
contrat emploi-solidarité (CES) et d'un contrat de travail à
mi-temps, ainsi que sur " l'activation " en termes d'emploi
de
certaines allocations.
M. Marcel Lesbros
a souhaité que des services répondant
à leurs besoins puissent être proposés aux anciens
combattants et s'est interrogé sur l'utilisation des crédits
d'insertion du RMI ainsi que sur la forme que pourrait prendre une aide
financière des départements aux communes pour le
développement des emplois jeunes.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
s'est interrogée sur la
capacité des petites associations à devenir de véritables
employeurs ainsi que sur les perspectives de pérennisation au terme de
cinq ans. Elle a souhaité que l'apprentissage ne soit pas
fragilisé par le nouveau dispositif. Elle s'est également
inquiétée du risque de désespérance des autres
chômeurs.
M. Alain Gournac,
considérant qu'il était impossible,
comme l'expérience l'avait montré, de mettre en place des
accompagnateurs dans les bus sans une formation d'au moins 900 heures a
insisté sur la nécessaire professionnalisation de ces emplois ;
il s'est inquiété de l'impact du dispositif sur le
bénévolat et a souhaité que les comités de pilotage
sur le terrain comprennent de véritables professionnels.
M. André Vézinhet
a insisté sur l'espoir qu'avait
fait naître le projet du Gouvernement. Il a souligné que des
emplois pouvaient être créés pour assurer la
sécurité dans les écoles et qu'un tel dispositif
permettrait des économies substantielles en mettant un terme aux
déprédations.
M. Guy Fischer
a fait observer que l'ampleur des candidatures dans les
rectorats tendait à démontrer qu'il y avait une véritable
attente de la part des jeunes. Il s'est inquiété du sort des
quartiers défavorisés et du risque d'éviction des jeunes
les plus en difficulté.
M. Paul Vergès
a fait part de sa préoccupation quant
à la situation de l'île de La Réunion en évoquant un
taux de chômage supérieur à 40 % et une forte pression
démographique.
M. Alain Vasselle
, quant à lui, s'est interrogé sur
l'ampleur des redéploiements de crédits supposés financer
les emplois jeunes, sur la précarité de ces emplois et sur les
conséquences du dispositif proposé pour la prestation
spécifique dépendance (PSD). Il s'est inquiété en
outre de la situation des petites communes rurales ainsi que des projets
d'intervention du centre national de la fonction publique territoriale et de
leurs incidences financières.
M. Georges Mazars
a souhaité avoir des précisions
concernant les dérogations accordées par le préfet sur les
emplois jeunes à mi-temps ; il s'est inquiété de la
situation spécifique des handicapés.
M. André Jourdain
a évoqué la création
d'associations à vocation économique susceptibles de créer
des emplois ; il a souligné l'importance des mesures propres à
favoriser la création et la transmission d'entreprises ; il s'est
interrogé sur l'exclusion des emplois à domicile du nouveau
dispositif.
M. Jean-Louis Lorrain
a fait part de ses inquiétudes, au
regard du dispositif proposé, quant à la place du
bénévolat, créateur de liens sociaux, et du risque de
détourner les jeunes de l'entreprise.
M. Serge Franchis
a fait part de ses réserves concernant les
conséquences du nouveau dispositif sur la formation professionnelle et
de la difficulté de déterminer les missions
" traditionnelles " des collectivités locales. Il a
également abordé la question de la réduction du temps de
travail.
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
a fait remarquer que
l'échec des politiques de l'emploi était un échec
collectif. Il a fait part de ses réserves sur le mélange
d'emplois de nature différente dans un même dispositif, les uns
relevant résolument de la fonction privée, les autres dits
" d'utilité sociale ". Il a considéré que, dans
un contexte de mondialisation, il importait d'associer étroitement les
professionnels et les entreprises à la création d'emplois
pérennes. Il a souligné l'importance, dans le cadre du dispositif
privé, de mettre en place un système largement
décentralisé.
En réponse,
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité
, a déclaré être convaincue que le
problème du chômage ne trouverait un début de solution que
par le développement d'activités émergentes
d'intérêt général. La production de biens durables,
qui avait porté la croissance d'après guerre, lui est apparue
aujourd'hui comme très insuffisante, n'intervenant
généralement plus qu'à titre de renouvellement, alors
qu'apparaissait une demande forte de biens collectifs immatériels. Elle
a estimé que la vraie question était celle des ressources
permettant d'accélérer la réponse à cette demande.
En réponse à
MM. Alain Gournac et Jean-Louis Lorrain
, elle
a souligné que ces emplois ne devaient pas fragiliser le
bénévolat mais lui apporter des moyens d'accompagnement pour
accomplir ses missions. Elle a évoqué à cette occasion la
possibilité de faire bénéficier le bénévolat
d'un statut particulier.
En réponse à
M. Jean Chérioux
, le ministre a tenu
à réaffirmer que l'objectif était bien que ces
activités rencontrent à terme une demande solvable notamment de
la part des usagers et des ménages.
En réponse à plusieurs questions de
M. Roland Huguet
,
Mme Martine Aubry
a déclaré que les crédits
d'insertion du dispositif du revenu minimum d'insertion (RMI) ne devaient
être sollicités qu'avec modération pour le nouveau
dispositif. Elle a également précisé que l'aide serait
versée pour cinq ans pour chaque poste créé en respect des
conventions et qu'elle ne s'éteindrait pas en cours de route si un jeune
était remplacé par un autre sur un même poste.
En réponse à
Mme Joëlle Dusseau
, le ministre a
confirmé que des emplois à temps partiel seraient possibles dans
certains cas.
En réponse à
M. André Jourdain
,
Mme Martine
Aubry
a déclaré qu'il ne serait pas sain d'étendre le
dispositif au travail à domicile dans la mesure où il ne
s'agissait pas d'une activité nouvelle.
En réponse à plusieurs questions, notamment de
Mme
Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Alain Gournac, André
Vézinhet et Serge Franchis
,
Mme Martine Aubry, ministre de
l'emploi et de la solidarité
, a tenu à rappeler que des
formations en tant que de besoin pourraient être organisées.
Elle a indiqué que l'idée d'une modulation de l'aide
apportée par l'Etat pour tenir compte, notamment, de la situation des
petites communes rurales n'avait pas été retenue face à la
réticence des maires eux-mêmes à l'égard de cette
formule.
En réponse à Mme Joëlle Dusseau et M. André Jourdain,
le ministre a déclaré que le contrat emploi-solidarité
devrait être recentré sur les publics en difficulté.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité,
a
partagé l'inquiétude de
M. Jean-Pierre Fourcade,
président
de la commission et de
M. Paul Vergès
sur
l'évolution de la situation à la Réunion. Elle a toutefois
considéré que les solutions envisagées devraient sortir du
simple cadre de l'assistance.
Mme Martine Aubry
a considéré, en réponse à
M. Alain Vasselle
, que les redéploiements de crédits
touchant l'ensemble des ministères financeraient bien l'essentiel du
coût du dispositif pour 1998, soit 10 milliards de francs.
S'agissant de la place du secteur marchand, évoqué par plusieurs
intervenants, elle a précisé que les entreprises privées
pourraient fort bien s'associer à des collectivités locales pour
participer au plan emploi jeunes, qu'en revanche la participation directe des
entreprises privées n'était pas apparue possible en raison des
risques de distorsion de concurrence.
En réponse à trois questions de
M. Jean-Pierre Fourcade,
président,
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité,
a considéré que les emplois prévus
à l'Education nationale ou dans la police nationale ne donnaient pas une
image exacte du dispositif et qu'il existait effectivement deux
catégories d'activités bien différentes dans les faits,
que l'ensemble de ces emplois devaient être considérés
comme des investissements pour l'avenir qui ne contredisaient en rien les
efforts à fournir pour adapter le secteur concurrentiel à la
mondialisation de l'économie et que les maires avaient un rôle
fondamental à jouer dans la mise en oeuvre du dispositif.
En réponse à
Mme Gisèle Printz
, le ministre a
précisé que ces emplois bénéficieraient du
régime spécifique de protection sociale d'Alsace-Moselle.
Concluant son propos,
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité
, consciente de l'expérience nouvelle que
constituait le dispositif proposé, a souhaité qu'il soit mis en
oeuvre avec souplesse et vigilance.
II. EXAMEN DU RAPPORT
Le mercredi 24 septembre 1997, sous la présidence de
M. Jean-Pierre Fourcade, président, la commission a
procédé à l'examen du rapport de M. Louis Souvet sur
le
projet de loi n° 423 relatif au développement
d'activités pour l'emploi des jeunes.
Après avoir cité les chiffres du chômage des jeunes -plus
de 600.000 jeunes sont inscrits comme demandeurs d'emploi et leur taux de
chômage est de 25,1 %-
M. Louis Souvet, rapporteur,
a
rappelé que l'objectif du projet de loi était de créer
350.000 emplois destinés aux jeunes dans les secteurs public et
associatif. Ces emplois devront avoir un caractère d'utilité
sociale et répondre à des besoins émergents ou non
satisfaits. Il a cependant ajouté que les élus locaux n'avaient
pas attendu le projet de loi pour créer ce type d'emplois, la liste des
22 nouveaux métiers n'étant que le recensement de ce qui avait
été fait par les collectivités territoriales
jusqu'à présent.
Le rapporteur a ensuite retracé les évolutions récentes de
la politique de l'emploi, caractérisées par une
déconcentration, voire une décentralisation des mesures, le
projet de loi ne faisant que poursuivre dans cette voie. Il a
résumé la philosophie du texte en disant que l'Etat cherchait
à inciter les collectivités locales à se transformer en
pépinières d'activités nouvelles.
M. Louis Souvet, rapporteur
, a ensuite présenté les
principales dispositions du projet de loi ; il a indiqué que l'Etat
contribuerait au financement des activités nouvelles en versant une aide
correspondant à 80 % du montant du salaire minimum interprofessionnel de
croissance (SMIC) avec les charges sociales par emploi créé, que
les bénéficiaires devraient avoir entre 18 et 25 ans et,
exceptionnellement, moins de 30 ans, les employeurs étant
obligatoirement les collectivités territoriales ou leurs groupements,
les autres personnes morales de droit public et les personnes morales de droit
privé chargées de la gestion d'un service public ; l'Etat et le
service privé marchand sont exclus du dispositif sauf, en ce qui
concerne l'Etat, dans le cadre de l'article 2 instituant les adjoints de
sécurité.
Il a précisé que l'aide de l'Etat s'élèverait en
moyenne à 92.000 F par poste et par an pour un coût de 10
milliards en 1998 et de 35 milliards par an, lorsque les emplois auront
été tous créés.
Le rapporteur a ajouté que ces emplois avaient vocation à
être professionnalisés et pérennisés. Il a
également indiqué que le projet de loi innovait en instituant un
contrat de droit privé à durée déterminée de
cinq ans, susceptible d'être rompu chaque année.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a alors présenté son analyse
du projet de loi, estimant que celui-ci était dangereux pour les
collectivités locales et susceptible de générer une
profonde désillusion chez les jeunes et au sein du corps social dans son
entier.
Il a tout d'abord souligné la grande ambiguïté du texte
quant à la nature des activités envisagées. Pour lui, les
métiers de l'environnement ou ceux qui sont liés à
l'entretien et à la maintenance des logements, relèvent à
l'évidence de la sphère privée ; cela aura pour
conséquence de concurrencer les petites entreprises du secteur
privé, notamment dans le cadre des gestions
déléguées, et d'entraîner d'importantes destructions
d'emplois.
Il a également souligné que certains de ces métiers ne lui
semblaient pas adaptés aux jeunes de moins de 26 ans sans
expérience professionnelle ni expérience humaine, et a
cité la médiation familiale, la réinsertion des
détenus ou encore la prévention de la violence. Les risques
d'échec sont donc grands.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a encore indiqué que les annonces
des différents ministères de créer des emplois jeunes
accentuaient l'ambiguïté du dispositif en laissant supposer que
l'on créait une fonction publique bis. Il a ajouté que le projet
de loi n'abordait pas les vrais problèmes de l'exclusion des jeunes du
marché du travail, liés notamment à la médiocre
qualité ou à l'inadaptation aux besoins des entreprises de la
formation initiale. Il a en outre observé que le dispositif ne
s'articulait pas avec la question de l'exclusion générale du
marché du travail, alors que ce lien aurait permis, par exemple, de
profiter de l'expérience des cadres au chômage pour encadrer ces
activités nouvelles.
Enfin, le rapporteur
a insisté sur la perte d'autonomie des
collectivités locales et sur la charge financière qui leur sera
imposée. Pour lui, le problème majeur du projet de loi est en
effet la sortie du dispositif, non organisée, et dont on voit bien que
la charge incombera aux collectivités locales contraintes à
financer elles-mêmes la pérennisation de ces emplois,
imposée par la pression sociale. Pour lui, à terme, ce dispositif
débouchera sur une augmentation de la pression fiscale, et par
conséquent, sur des destructions d'emplois.
Après avoir souligné que l'Assemblée nationale avait eu
conscience de ces problèmes mais n'avait, pour des raisons de discipline
majoritaire, pu les résoudre, le rapporteur s'est interrogé sur
la conduite à tenir à l'égard de ce texte. Il a
rejeté l'idée de recourir à une question préalable,
d'une part parce que l'annonce des emplois jeunes avait suscité de
nombreux espoirs, d'autre part parce que lui-même considérait que
la recherche d'emplois nouveaux n'était pas une solution à
rejeter a priori. En conséquence, pour lui, la seule solution
était d'amender fortement le texte afin d'en corriger les défauts
les plus criants.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a alors précisé les grandes
orientations de ses amendements.
Il a tout d'abord proposé de mieux cerner les activités à
créer en confiant un rôle de conseil et de suggestion au conseil
départemental de la formation professionnelle, de la promotion sociale
et de l'emploi. Il a souligné que cette instance interviendrait avant la
signature de la convention avec l'Etat, puis au cours de son exécution
afin d'évaluer les activités et les emplois créés
et de déterminer les conditions de leur éventuel transfert au
secteur privé. En pareille hypothèse, le préfet pourra
décider de supprimer l'aide de l'Etat et de subventionner de
façon limitée le repreneur privé.
Le rapporteur a également indiqué qu'il souhaitait donner la
possibilité aux partenaires sociaux de participer financièrement
au dispositif par l'intermédiaire du fonds paritaire d'intervention en
faveur de l'emploi. Le dispositif serait également ouvert aux cadres au
chômage ou en préretraite afin de favoriser l'encadrement des
activités.
Le rapporteur a ensuite proposé d'adosser la professionnalisation de ces
activités à un dispositif d'apprentissage au sein des
collectivités locales et des entreprises partenaires.
Enfin, pour éviter de grever trop fortement les finances des
collectivités locales et de créer une fonction publique de l'Etat
bis, le rapporteur a proposé de sortir les emplois annoncés par
le ministre de l'éducation nationale du dispositif emploi-jeunes et de
les transférer dans un dispositif analogue à celui de l'article 2
pour les agents de sécurité.
En conclusion,
M. Louis Souvet, rapporteur
a souligné que le
projet ainsi amendé confiait aux collectivités locales, avec
l'aide de l'Etat, un rôle de pépinière d'activités
nouvelles, celles-ci ayant vocation après consolidation, à migrer
vers le secteur privé marchand. Il a alors invité la commission
à adopter le projet de loi ainsi amendé.
Au cours de la discussion générale,
M. Jean-Pierre Fourcade,
président,
s'est félicité de la position du rapporteur
refusant l'alternative du tout ou rien.
M. Jean Chérioux
a approuvé l'orientation du rapport qui
consistait à organiser la migration des activités vers le secteur
marchand, tout en soulignant que cette démarche rejoignait les
déclarations du ministre du travail. Il s'est inquiété de
la création d'une fonction publique bis. Il a approuvé la mise en
place de passerelles entre différents dispositifs emploi et a
souhaité que les conventions mentionnent la possibilité de faire
payer une partie du coût de ces activités nouvelles directement
par l'usager afin de faciliter leur passage vers le secteur marchand. Il a
également proposé d'élargir la liste des employeurs
potentiels.
M. Roland Huguet
a trouvé excessives les critiques
formulées par le rapporteur à l'encontre du projet de loi, tout
en admettant que certaines améliorations pouvaient être
apportées. Il a regretté que ces critiques n'aient pas
été exposées directement au ministre qui aurait pu y
répondre.
M. Serge Franchis
s'est déclaré très favorable
à la séparation opérée entre les emplois de la
fonction publique de l'Etat et ceux qui ont vocation à migrer vers le
secteur marchand ou à rester dans la fonction publique territoriale. Il
s'est demandé pourquoi limiter les emplois de l'Etat à la police
et à l'éducation nationale. Il a également indiqué
sa préférence pour un système de type emploi-ville, plus
souple, qui permettrait, à enveloppe constante, d'embaucher davantage de
personnes et d'ouvrir ainsi le dispositif sans condition d'âge.
M. André Jourdain
a trouvé les propositions du rapporteur
satisfaisantes, mais a suggéré de souligner davantage le
caractère économique des activités à créer,
afin de favoriser leur transfert au secteur privé.
M. Alain Gournac
s'est félicité de l'approche du
rapporteur qui évitera aux jeunes certaines désillusions. Il a
approuvé le principe d'une séparation nette des emplois publics
et des emplois ayant vocation à passer dans le secteur privé et a
souhaité que l'on accentue l'aspect professionnel de ces emplois,
notamment au travers de la formation et du tutorat.
M. Guy Fischer
a rappelé que l'examen du texte à
l'Assemblée nationale avait permis de prendre en considération
certaines des préoccupations évoquées. Il a
souhaité cependant que des dispositions soient prises afin de
pérenniser les emplois liés à la police et à
l'éducation nationale. Il a évoqué la mise à jour
nécessaire des grilles de qualification, les niveaux de
rémunération et les problèmes posés par
l'articulation de ces emplois avec les statuts des personnels. Il a
également souligné l'importance des attentes de la jeunesse qui
posaient la question de la sortie des dispositifs. Enfin, il s'est
félicité du caractère novateur du projet de loi.
M. Jean Madelain
a approuvé les propositions du rapporteur qu'il
a jugées constructives et adaptées au problème
posé.
Mme Joëlle Dusseau
a rappelé que le projet de loi devait
être complété par un plan de création de 350.000
emplois jeunes dans le secteur privé. Après avoir regretté
que la commission ait une approche de l'économie qu'elle a jugée
trop traditionnelle et avoir souligné l'importance du secteur tertiaire,
elle a observé que le secteur marchand était également
aidé. Elle a déclaré partager les réserves du
rapporteur sur les embauches dans la fonction publique et sur certains
métiers qui requéraient une forte expérience humaine. Elle
a rappelé qu'aujourd'hui, pour un jeune, un contrat de cinq ans
était loin de correspondre à un emploi précaire. Elle a
contesté l'opportunité d'ouvrir le dispositif aux employeurs
privés n'appartenant pas au secteur du logement social. Elle s'est
déclarée en désaccord avec le rôle confié au
comité départemental de la formation professionnelle, de la
promotion sociale et de l'emploi (CODEF), instance qu'elle a
considérée comme inadaptée.
M. Gérard Roujas
a rappelé les espoirs que suscitait le
projet de loi et a jugé que les amendements du rapporteur n'avaient pas
pour but d'améliorer le texte, mais au contraire de le dénaturer.
M. Jean-Louis Lorrain,
après avoir rappelé l'absence de
perspectives d'avenir pour beaucoup de jeunes, s'est inquiété de
voir les rapports entre citoyens régis dans le cadre de
l'économie marchande, ce qui excluait ceux qui n'avaient pas les moyens
de recourir à ces emplois. Il a donc souhaité une grande
vigilance dans la sélection des activités. Enfin, il a
réclamé une meilleure protection des jeunes en emplois
précaires.
M. Bernard Seillier
a souhaité que les missions locales pour
l'emploi, plus proches du terrain, soient associées à
l'élaboration des avis demandés au CODEF.
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
s'est félicité
de la séparation faite entre les emplois dits publics et les emplois
jeunes. Il a manifesté le souci que les emplois créés
soient intégrés dans les meilleurs délais au secteur
marchand. Il s'est demandé si l'incitation ne pourrait pas consister en
une aide dégressive. Il a rappelé qu'en France les emplois
publics étaient beaucoup plus nombreux que dans le reste de l'Union
européenne et qu'il n'était pas opportun d'y affecter la
moitié des 700.000 emplois annoncés par le Gouvernement en faveur
des jeunes. Il a indiqué que d'après les déclarations du
ministre de l'intérieur, il n'était pas sûr que les
collectivités locales ne seraient pas amenées à financer
indirectement les emplois de sécurité dans la mesure où il
pourrait être fait appel à des emplois-jeunes, partiellement
financés par les communes, en complément des postes d'agent de
sécurité. Selon lui, cela justifiait donc pleinement de
disjoindre ces deux types d'emplois.
M. Paul Vergès
a rappelé la situation de l'emploi à
la Réunion, qu'il a qualifiée d'explosive, et a insisté
sur la spécificité de ce département d'outre-mer.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a répondu aux différents
commissaires, en précisant les orientations qu'il avait retenues dans
ses amendements et en proposant d'y intégrer certaines des suggestions
formulées.
Après avoir repoussé l'idée de recourir à une
motion de procédure conduisant à ne pas examiner le texte, la
commission a procédé à l'examen des articles.
A l'article premier
(aide à la création d'activités
d'utilité sociale pour l'emploi des jeunes), la commission a
examiné cinq amendements proposés par le rapporteur sur l'article
L. 322-4-18 à insérer dans le code du travail. Après un
long débat portant notamment sur la notion d'utilité sociale
finalement remplacée par celle d'intérêt
général, au cours duquel sont intervenus
Mme Marie-Madeleine
Dieulangard, MM. Jean Chérioux, Roland Huguet, Serge Franchis,
André Jourdain, Jean-Pierre Fourcade, président, Mme Joëlle
Dusseau, MM. Paul Blanc, Jean Madelain, Georges Mazars, Guy Fischer et Bernard
Seillier
, la commission a adopté le premier amendement, qui vise
à clarifier la liste des employeurs et des activités
concernés par le dispositif emploi-jeunes.
La commission a précisé la portée du deuxième
amendement du rapporteur, qui vise à énumérer le contenu
des conventions, afin d'une part d'y inclure la mention d'une éventuelle
participation financière de l'usager, et d'autre part de permettre au
CODEF de déléguer le soin de formuler son avis aux missions
locales pour l'emploi.
Elle a adopté sans modification les trois autres amendements
rédactionnels ou de précision.
Elle a adopté, après un débat sur la professionnalisation
des emplois au cours duquel sont intervenus
MM. Roland Huguet, Jean-Pierre
Fourcade, président, Jean Chérioux, Guy Fischer et Mme
Joëlle Dusseau,
deux amendements du rapporteur à l'article L.
322-4-19 relatifs à l'encadrement et à la possibilité de
recourir à l'apprentissage sur proposition de
M. Louis Souvet,
rapporteur
. Elle a adopté un amendement portant sur l'article
L. 322-4-20 précisant le régime juridique des contrats puis
deux amendements visant à insérer deux articles nouveaux, L.
322-4-21 et L. 322-4-22, le premier pour organiser le transfert éventuel
de l'activité vers le secteur privé en confiant un rôle
d'évaluation au CODEF, le deuxième pour permettre au
préfet de subventionner dans certaines limites l'entreprise qui aura
repris l'activité.
La commission a ensuite adopté sur proposition du rapporteur un article
additionnel avant l'article premier bis afin d'autoriser le fonds paritaire
d'intervention en faveur de l'emploi à financer les postes d'encadrement
et les postes transférés dans le secteur marchand, puis un
article additionnel avant l'article premier bis, de simple coordination.
Aux articles premier ter
(quota d'emplois réservés aux
handicapés) et
premier quinquies
(aide à la
création d'entreprise), elle a adopté un amendement
rédactionnel.
A l'article 2
relatif aux emplois d'adjoints de sécurité,
elle a porté la limite d'âge à 30 ans afin de permettre le
recrutement de personnes hautement qualifiées.
Elle a ensuite adopté sur proposition du rapporteur un article
additionnel avant l'article 2 bis autorisant l'Etat à engager des
adjoints d'éducation et, après intervention de
MM. Henri de
Raincourt, Alain Gournac, Guy Fischer, Louis Souvet, rapporteur,
Jean Pierre Fourcade, président, Serge Franchis et Alain
Vasselle,
des adjoints de justice, dans les mêmes conditions que les
adjoints de sécurité
.
Après intervention de
M. Paul Vergès
qui s'interrogeait
sur les conditions d'un recours au fonds pour l'emploi dans les
départements d'outre-mer, la commission a adopté une nouvelle
rédaction de l'article 2 bis, s'inspirant de la loi de 1988 sur le
revenu minimum d'insertion (RMI).
Enfin, la commission a adopté sur proposition du rapporteur un article
additionnel après l'article 3, dont l'objet est d'inclure dans le projet
de loi le dispositif adopté par la commission à l'occasion de
l'examen de la proposition de loi relative à la promotion de
l'apprentissage dans le secteur non industriel et commercial.
Puis, après intervention de
M. Jean-Pierre Fourcade,
président,
observant que certaines des dispositions adoptées
avaient des implications financières mais que les modifications retenues
allaient dans le sens des préoccupations du ministre de l'emploi, la
commission
a approuvé l'ensemble du projet de loi ainsi
amendé
.
Mesdames, Messieurs,
Attendu depuis le changement de majorité à l'Assemblée
nationale, le projet de loi relatif au développement d'activités
pour l'emploi des jeunes a été adopté par le conseil des
ministres le 20 août dernier, puis examiné par l'Assemblée
nationale les 15, 16 et 17 septembre ; celle-ci l'a adopté sans
bouleversements notables.
L'objectif annoncé, repris des promesses de campagne électorale,
est de créer 350.000 emplois pour répondre à des besoins
nouveaux ou non satisfaits présentant un caractère
d'utilité sociale. A cet effet, 22 métiers plus ou moins nouveaux
concernant le logement, la santé, la sécurité, la culture
ou l'environnement, ont été recensés. Ces
" vrais " emplois devront permettre à des jeunes d'entrer
dans
la vie active au sein des secteurs publics et associatifs. Les emplois auraient
vocation à être pérennisés.
Il s'agit de l'un des deux volets du plan visant à créer
700.000 emplois pour les jeunes en trois ans, le second volet, la
création de 350.000 emplois dans le secteur privé, restant pour
l'instant, en l'état des informations recueillies, à
l'état de projet.
Le projet de loi vise à répondre à l'angoisse sociale
générée par le fort taux de chômage des jeunes en
poursuivant dans la voie ouverte depuis plusieurs années d'une
délégation de la politique de l'emploi aux acteurs locaux.
Répondre à l'angoisse sociale générée par
le chômage des jeunes...
Sur les 8 millions de jeunes de 16 à 25 ans, plus de 600.000 sont au
chômage : ils représentent 20 % des chômeurs. 120.000 sont
au chômage depuis plus d'un an.
Quant à la situation des jeunes de plus de 25 ans, elle n'est
guère plus enviable. En juin 1996, 220.000 jeunes âgés de
25 à 29 ans bénéficiaient du RMI. Pour ceux qui ont un
emploi, celui-ci est le plus souvent précaire ; d'après une
enquête INSEE, le niveau de vie des moins de 25 ans a diminué de
15 % entre 1989 et 1994.
En outre, les difficultés d'accès au marché du travail
incitent les jeunes à poursuivre des études, ce qui retarde leur
entrée dans la vie active et explique pourquoi la France a un taux
d'activité des jeunes parmi les plus faibles des grands pays
industrialisés. Cette surqualification par rapport aux besoins
entraîne un allongement de la durée moyenne de chômage des
jeunes diplômés avant leur premier accès à l'emploi,
et donc une augmentation des taux de chômage.
En juin 1997, le taux de chômage des jeunes de moins de
25 ans était de 25,1 %, 22 % pour les hommes et 28,9 %
pour les femmes.
Cette situation suscite une attente forte du corps social pour que soient
prises des mesures permettant de lutter efficacement contre ce fléau.
Pour y répondre, le Gouvernement a poursuivi dans la voie, tracée
depuis quelques années, d'une délégation des instruments
de la politique de l'emploi aux acteurs les plus proches du terrain, notamment
aux élus locaux. Ceux-ci n'ont d'ailleurs pas attendu les aides du
Gouvernement en ce domaine et pour beaucoup expérimentent
déjà, depuis des années, ces nouveaux emplois de
proximité : la liste des 22 métiers proposée par le
ministre de l'emploi n'est pour partie que le recensement de ces emplois.
... En poursuivant dans la voie d'une délégation de la
politique de l'emploi
Depuis plusieurs années, l'Etat confie à d'autres,
collectivités territoriales ou partenaires sociaux, le soin de
gérer certaines actions qui relevaient jusqu'alors de sa
compétence. Il s'agit ainsi d'intervenir au plus près des
besoins, en laissant l'initiative à ceux qui ont une connaissance du
terrain ou de la réalité de l'entreprise. Les contraintes
budgétaires ne sont évidemment pas neutres, et poussent aux
transferts de financements. On citera la prise en charge partielle de
l'allocation de formation reclassement par l'UNEDIC, ainsi que le transfert de
l'inscription des demandeurs d'emploi, le financement de la préretraite
par l'UNEDIC avec l'allocation de remplacement pour l'emploi,
l'allégement du coût du travail et l'assouplissement du cadre
juridique de l'exécution du contrat de travail.
L'action gouvernementale consiste donc moins à oeuvrer directement pour
l'emploi, qu'à créer un cadre général favorable qui
facilitera la démarche des relais locaux.
Le présent projet s'inscrit pleinement dans cette démarche en
l'accentuant. Non seulement l'Etat crée un cadre favorable à
l'emploi en allégeant le coût du travail, mais il pousse en outre
à l'émulation des acteurs locaux en cherchant à
généraliser des initiatives spontanées d'élus
locaux, d'organismes publics ou d'associations.
On retrouve d'ailleurs la démarche proposée par le
Président René Monory l'année dernière d'une
politique de proximité. Mais le dispositif élaboré par le
Gouvernement souffre d'un handicap majeur : il concentre ses efforts
-volontairement ou involontairement, mais le résultat sera
celui-là- sur le secteur public, au risque de faire peser à terme
une charge insupportable sur les collectivités territoriales au premier
rang desquelles il faut placer les communes. La proposition du Président
Monory ne souffrait pas de ce vice rédhibitoire puisqu'elle
s'insérait dans le tissu économique.
Or, ce n'est là qu'une des faiblesses du projet de loi dont les
conséquences à long terme restent à établir,
notamment en matière d'augmentation des prélèvements
obligatoires. Le texte du Gouvernement avec ses défauts et ses
incohérences risque de ne pas être à la hauteur des espoirs
suscités, accentuant de ce fait encore un peu plus la détresse de
toute une partie de la jeunesse.
III. LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES S'INTERROGE SUR LA LOGIQUE PROFONDE DU TEXTE PROPOSÉ PAR LE GOUVERNEMENT
A. UN SOPHISME ÉCONOMIQUE RISQUÉ ET COÛTEUX ?
Pour résoudre le lancinant problème du
chômage des jeunes, le Gouvernement a développé une
argumentation économique sophistiquée qui ne résiste pas
complètement à un examen rigoureux.
La logique du dispositif se veut pourtant simple : pour réduire le
nombre des jeunes chômeurs de 350.000, il suffirait de créer
350.000 emplois subventionnés dans des activités nouvelles
pour lesquelles il existerait un besoin qui n'est pas satisfait par le
fonctionnement des mécanismes du marché. La simplicité du
rapprochement est séduisante, on aurait même tendance à se
demander pourquoi l'on n'y avait pas pensé plus tôt, ou pourquoi
l'on ne créerait pas tout simplement 3.000.000 d'emplois
subventionnés de la même façon pour régler la
question du chômage, mais elle n'est pas convaincante. La raison en est
simple : l'Etat n'est pas forcément le mieux à même pour
décider des besoins qui doivent être satisfaits ou des
activités qui seraient émergentes. Ce sont les consommateurs qui,
pour un revenu donné, déterminent librement les besoins qu'ils
souhaitent satisfaire, en arbitrant entre la consommation des divers biens et
services qui sont à leur disposition.
Dans le cas qui nous occupe, l'Etat décrète qu'il existe des
besoins non satisfaits et à satisfaire, c'est ici le coeur du sophisme,
car bien qu'il soit évident qu'il existe des besoins non satisfaits,
rien ne permet d'affirmer qu'il incombe à l'Etat de les satisfaire. Les
besoins non satisfaits sont en effet la raison profonde de l'existence de la
société économique.
L'idée que des besoins ne seraient pas satisfaits du fait de l'absence
d'offre correspondante de la part des entreprises est également
contestable. Si les consommateurs sont prêts à mettre le prix, on
ne voit pas pourquoi les entreprises renonceraient à un profit
assuré.
Le Gouvernement soutient également l'idée que certaines
activités seraient rentables à terme mais qu'il faudrait assurer
leur financement dans leur phase de développement. On comprend mal
pourquoi le marché ne pourrait pas permettre le développement de
telles activités, le caractère lointain de la rentabilité
n'est pas un obstacle incontournable au développement d'une
activité économique. On peut penser en fait que si l'Etat est le
seul acteur volontaire pour assurer le développement de telles
activités, c'est qu'il est prêt à prendre plus de risques
que les particuliers, ceci lui est d'autant plus facile qu'il utilise pour cela
l'argent du contribuable.
On peut penser que le Gouvernement accepte ce surcroît de risque parce
qu'il soustrait au coût de son dispositif l'ensemble des prestations qui
ne seront pas versées aux jeunes s'ils étaient restés
chômeurs. Dans ces conditions, on ne voit pas pourquoi le secteur
privé ne pourrait pas faire mieux en disposant des mêmes
avantages, c'est-à-dire une subvention égale au coût des
prestations liées à l'inactivité. On comprend bien
dès lors que le véritable problème réside dans le
coût du travail des jeunes.
Ce programme n'a donc pas principalement pour objet de pallier
d'éventuels défauts du marché ; bien au contraire, il tire
les conséquences des obstacles au bon fonctionnement du marché du
travail
. Plutôt que de rémunérer les jeunes dans
certains cas et pour une durée limitée - celle de leur
apprentissage du métier - en fonction de la valeur de marché de
leur travail, qui peut être inférieure aux minimums légaux,
l'Etat décide de faire payer le coût de cet ajustement par les
contribuables.
Comme l'a déclaré Mme le ministre, les Etats-Unis ont
déjà créer tous ces emplois " d'intérêt
général ", sans avoir recours à ces dispositifs
complexes, interventionnistes et extrêmement coûteux, en laissant
fonctionner le marché. On peut comprendre le choix politique du
Gouvernement, on ne peut pas accepter par contre qu'il mette en cause les
entreprises qui ne développeraient pas ces activités
émergentes ; si elles ne le font pas, c'est qu'on les en empêche ;
qu'on leur en donne les moyens et elles les développeront.
Après ces remarques de bon sens relatives à la philosophie
économique générale du texte, il convient maintenant
d'analyser l'économie du dispositif qui nous est présenté.
Là encore, la confusion entre les notions domine, notamment entre ce qui
doit relever du privé à 100 %, du public à 100 % et les
matières qui pourraient éventuellement transiter du secteur
non-marchand subventionné au secteur marchand.
B. CERTAINS DES EMPLOIS ENVISAGÉS RELÈVENT EN FAIT À 100 % DU SECTEUR PRIVÉ OU À 100 % DU SECTEUR PUBLIC.
1. Certains emplois évoqués relèvent en fait à 100 % du secteur privé...
Lorsque l'on analyse avec attention les multiples listes de
" nouveaux métiers " qui ont été
établies, on remarque que nombre d'entre eux existent déjà
dans le secteur privé sous un autre nom ou pourraient tout à fait
y trouver leur place moyennant une aide qui compenserait momentanément
un coût du travail trop élevé. On pense notamment
au
traitement des déchets, à l'entretien des espaces verts, à
l'initiation aux nouvelles technologies, aux agents de prévention et
d'ambiance, aux agents accompagnateurs, aux agents techniques d'entretien et de
maintenance, aux agents d'entretien polyvalents ou encore aux agents de gestion
locatives
, la liste n'étant sans doute pas complète.
La commission des affaires sociales considère que l'ensemble de ces
activités pourraient être développées directement
dans le secteur privé moyennant des aménagements concernant le
coût du travail ou, ce qui comptablement (mais pas économiquement)
revient au même, une subvention.
A défaut, la commission est prête à envisager un court
passage de ces activités dans le secteur non-marchand
subventionné comme moyen de socialiser le surcoût engendré
par le déficit de productivité de nombreux jeunes sans
expérience ; mais chacun comprendra que cette politique coûteuse
est trompeuse, injuste pour les jeunes qui ne bénéficieront pas
du dispositif et peu démocratique puisqu'elle permet d'éviter un
grand débat national sur les causes du chômage et les
mécanismes du fonctionnement du marché du travail.
La commission ne revient pas sur les emplois annoncés dans les grandes
entreprises publiques comme la SNCF et la Poste qui se substitueront pour une
large part aux emplois déjà existant ou prévus,
il
s'agit là d'un fort effet d'aubaine.
2. ... alors que d'autres relèvent en définitive à 100 % du secteur public
Après un moment d'hésitation, le Gouvernement a
finalement décidé d'exclure les emplois d'adjoints de
sécurité du dispositif initial pour leur appliquer des
dispositions particulières. Cette décision relève du bon
sens. Les fonctions de police constituent le coeur des missions de l'Etat, le
coeur de la souveraineté et la condition du respect des règles de
l'Etat de droit. Ces fonctions ne peuvent être exercées par des
agents qui ne relèveraient pas directement d'un régime de droit
public. Il apparaît comme une conséquence logique de ce qui
précède que ces emplois doivent être financés
à 100 % sur les deniers publics de l'Etat.
Dans ce cas précis, il se pose de plus des questions
particulières relatives au régime de protection des policiers qui
doit être à la hauteur des risques encourus par les personnels. A
cet égard, la commission se félicite de la
référence qui est faite à la loi du 21 janvier 1995
d'orientation et de programmation relative à la sécurité
et particulièrement à son article 20 qui assure aux personnels
une protection étendue, il va sans dire que d'autres articles comme
l'article 21 et l'article 22 relatifs aux droits des conjoints des policiers
décédés dans l'exercice de leurs fonctions doivent
également pouvoir s'appliquer.
En fait, c'est la pertinence même d'un recours à des personnels
non statutaires que la commission souhaiterait discuter. En effet, les missions
régaliennes peuvent tout à fait justifier des augmentations
d'effectifs titulaires et il ne faudrait pas que ces emplois jeunes d'adjoints
de sécurité remettent en question les plans de recrutement qui
avaient été définis à la suite de l'adoption de la
loi d'orientation et de programmation sur la sécurité de 1995.
Plus généralement, on ne voit pas pourquoi les ministères
de l'Education nationale et de la Justice pourraient avoir recours à des
personnels extérieurs sous contrats privés. Ceci serait
préoccupant dans le cadre des compétences de Justice qui doivent
impérativement demeurer au coeur des missions de l'Etat et de la
souveraineté. Les missions de l'Education nationale quant à elles
impliquent nécessairement des contacts avec les élèves qui
dans le contexte actuel commandent une vigilance rigoureuse quant aux exigences
de moralité, de déontologie et d'absence de passé
judiciaire des personnels qu'il semble plus difficile d'attendre de personnels
extérieurs recrutés rapidement que de titulaires avertis.
La commission est soucieuse de ramener les emplois manifestement publics
dans un cadre juridique de droit public. A défaut de pouvoir envisager
des recrutements de personnels titulaires, il conviendrait pour le moins de
s'inspirer du régime des adjoints de sécurité pour
créer des adjoints d'éducation et des adjoints de justice sous
contrat public.
C. D'AUTRES EMPLOIS POURRAIENT ÊTRE EFFECTIVEMENT " IMPLANTÉS " POUR UNE DURÉE LIMITÉE DANS LE SECTEUR NON-MARCHAND SUBVENTIONNÉ ALORS QUE CERTAINS AURAIENT VOCATION À RESTER DURABLEMENT DANS CET ENTRE-DEUX
1. D'autres emplois pourraient effectivement être " implantés " par le secteur non-marchand subventionné pour une durée limitée...
Le secteur non-marchand subventionné peut effectivement
jouer le rôle de
pépinières d'activités
pour
certaines activités qui ne sont pas rentables immédiatement
compte tenu des modes de fonctionnement du marché du travail. Mais pour
que cette dépense publique soit utile, il convient de prévoir des
mécanismes solides de structuration de l'offre productive des services
à travers l'encadrement et la formation, ainsi que des mécanismes
précis de transition vers le marché dès que la
rentabilité des activités sera avérée, le terme des
cinq ans mentionné dans le texte adopté par l'Assemblée
nationale apparaissant comme lointain et riche d'incertitudes.
Les emplois concernés par ce mécanisme pourraient être ceux
d'accompagnement de personnes dépendantes, d'agent de médiation,
de valorisation du patrimoine ou encore d'accueil de familles de
détenus. Cette liste est bien entendu indicative et ne fait que
reprendre des exemples évoqués depuis le mois d'août
dernier.
2. ... alors que certains auraient vocation à rester durablement dans cet entre-deux
Les emplois précédemment évoqués
sont à la frontière du public et du privé. La commission
des affaires sociales est donc toute disposée à envisager qu'ils
puissent être pérennisés pour certains dans le secteur
public à travers une intégration selon des modalités
à définir dans la fonction publique territoriale (à
travers des concours probablement). Ces emplois pourraient également
être pérennisés dans un entre-deux, un " secteur
social " en émergence depuis déjà quelques
années, mais celui-ci doit être défini de manière
restrictive.
Grosso modo, ces activités devraient répondre au critère
de l'" externalité positive ", c'est-à-dire qu'elles
doivent être examinées en fonction de leur capacité
à améliorer la situation des agents par rapport aux conditions de
l'équilibre naturel du marché. Ce cas se présente par
exemple lorsque nul n'est prêt à payer individuellement un service
par nature collectif (comme un agent de surveillance) mais que le
bien-être de chaque agent bénéficiant dudit service est
supérieur au coût qui lui aurait été imputé.
Ce raisonnement tendrait à promouvoir des mécanismes de
financement originaux pour des emplois garantissant la " paix
civile " dans certains quartiers en difficulté. Il est
évident dans ce cas précis que les habitants répugneraient
à financer un service de sécurité privé, alors que
pourtant la valeur du service rendu serait largement supérieure à
son prix. On peut ajouter que ce coût serait largement recouvré
par l'activité économique rendue ainsi possible. En effet, pour
beaucoup d'entreprises, il n'est pas question de s'installer, et donc de
créer des emplois, dans des quartiers où la paix civile n'est pas
assurée.
A cette occasion, la commission tient à encourager les initiatives d'un
établissement public comme la RATP qui a entrepris un travail de fond
pour " recoudre " le tissu social, associer les acteurs
locaux autour
de " projets de territoire " qui ne peuvent qu'améliorer les
perpectives de développement de ces quartiers urbains
considérés comme " à risque ". Dans ce cas
précis, des initiatives innovantes peuvent effectivement donner lieu
à des mécanismes de financement originaux qui associent les
acteurs publics et privés, les collectivités, les entreprises,
les organismes sociaux, les assurances et mutuelles etc.
IV. LE PROJET DE LOI N'INNOVE QU'EN APPARENCE
A. IL AJOUTE UN DISPOSITIF COÛTEUX À UNE SUITE DÉJÀ LONGUE
La démarche qui consiste à favoriser des
initiatives locales et à susciter de nouvelles activités
s'inscrit dans la logique de la politique de l'emploi suivie ces
dernières années. On constate, en effet, que l'Etat confie de
plus en plus souvent à d'autres, collectivités locales ou
partenaires sociaux, le soin de mettre en oeuvre et de gérer des actions
qui relevaient jusqu'alors de sa compétence : on citera le transfert de
l'allocation formation reclassement (AFR) ou de l'inscription des demandeurs
d'emploi sur l'UNEDIC, le financement par le secteur privé, au travers
là encore de l'UNEDIC, des préretraites avec l'allocation de
remplacement pour l'emploi (ARPE), ou l'allégement du coût du
travail et l'assouplissement -encore timide, il est vrai- du cadre juridique de
l'exécution du contrat de travail. Cette déconcentration, voire
cette décentralisation, de la politique de l'emploi a deux raisons
essentielles : se rapprocher du terrain et des réalités de
l'emploi, et alléger les contraintes pesant sur le budget de l'Etat en
les transférant à d'autres.
Le projet de loi relatif au développement d'activités pour
l'emploi des jeunes s'inscrit donc dans cette logique et la pousse encore un
peu plus loin. En fait, pour résumer la philosophie du projet, l'Etat
cherche à inciter les collectivités locales, directement ou
indirectement, par le biais de leurs établissements publics ou du monde
associatif, à se transformer en pépinière sinon
d'entreprises, du moins, d'activités nouvelles. Cette démarche se
fonde sur le constat indéniable qu'il y a des besoins, qualifiés
de nouveaux ou émergents, ou insatisfaits, considérés
comme étant d'utilité sociale. Le plus souvent, ils sont
insatisfaits parce qu'ils sont coûteux et que le marché potentiel
est insolvable.
Aussi, pour favoriser la création d'emplois correspondant à ces
activités socialement utiles, émergentes ou seulement
résurgentes- car certaines existaient et ont disparu en raison de leur
coût-, l'Etat financera ces emplois pendant cinq ans dans des conditions
fixées par décret et qui devrait correspondre à 80 %
du montant d'un SMIC avec ses charges sociales, le reste étant à
la charge d'autres intervenants... Quant aux jeunes concernés, ils
doivent avoir entre 18 et 25 ans, exceptionnellement moins de 30 ans
lorsqu'ils connaissent de graves difficultés d'insertion. Les employeurs
sont les mêmes que pour les contrats emploi-solidarité,
c'est-à-dire les collectivités territoriales et leurs
groupements, les autres personnes morales de droit public et les personnes
morales de droit privé chargées de la gestion d'un service
public. L'Etat et le secteur privé marchand ne peuvent être
employeurs, sinon pour le premier dans le cadre très spécifique
de l'article 2 du projet de loi qui crée les adjoints de
sécurité.
D'un point de vue strictement financier, l'aide de l'Etat
s'élèvera en moyenne à 92.000 F par poste et par an,
pour une montée en charge progressive qui coûtera
deux milliards en 1997, un peu plus de 10 milliards en 1998 et autour
de 35 milliards par an lorsque les 350.000 emplois seront
créés.
Ces emplois ont, d'après le ministre de l'emploi, vocation à
être pérennisés ; pour professionnaliser ces
activités l'Etat s'engage à apporter des aides et des conseils ;
enfin, pour composer avec les règles des fonctions publiques, le projet
de loi innove en instituant un contrat de droit privé à
durée déterminée de 5 ans susceptible d'être
rompu chaque année, ce qui constituera un exemple de flexibilité
que les entreprises privées envieront sans doute ! Enfin, très
classiquement, le dispositif est mis en oeuvre dans le cadre d'une convention
conclue avec l'Etat par l'employeur.
Il apparaît donc que le projet de loi, loin d'innover, vient s'ajouter
à une suite déjà longue de mesures visant à
développer l'emploi sans les remettre en cause. Simplement, le ministre
de l'emploi a fait part de son intention de réorienter certains de ces
dispositifs sur les publics les plus en difficulté.
B. SON EXAMEN À L'ASSEMBLÉE NATIONALE A RÉVÉLÉ SES FAIBLESSES SANS QU'Y SOIENT APPORTÉS LES REMÈDES
L'analyse plus approfondie du texte, au-delà des
intentions affichées, en révèle immédiatement les
faiblesses : les résultats -en dehors de l'effet statistique sur le
chômage- en sont difficilement appréciables et s'accompagnent du
risque d'une profonde désillusion des jeunes et du corps social dans son
entier et d'une prise en otage des collectivités locales.
Des risques de concurrence déloyale
Une analyse objective du dispositif proposé révèle sa
grande ambiguïté quant à la nature des activités qui
seront mises en place et ainsi subventionnées : s'agit-il
d'activités relevant de la sphère privée, du secteur
marchand des services, ou s'agit-il d'activités relevant de la
sphère publique, voire d'un secteur mixte qui, bien que privé, ne
peut survivre qu'avec des aides publiques ? A cet égard, la liste des
vingt-deux nouveaux métiers, non exhaustive a-t-il été
dit, est on ne peut plus ambiguë : certains relèvent à
l'évidence de la sphère privée, notamment les
métiers de l'environnement ou ceux liés à l'entretien et
à la maintenance des logements. Or, subventionner ces emplois, c'est
sans doute et surtout susciter une concurrence déloyale pour nombre
d'entreprises du secteur privé, notamment dans le cadre des gestions
déléguées, avec pour conséquence de graves menaces
pour l'emploi.
S'il peut paraître judicieux de faciliter la germination
d'activités nouvelles, pour reprendre l'image de la
pépinière, encore faut-il que ces activités
n'étouffent pas celles qui existent -on a évoqué le
chiffre de 100.000 destructions d'emploi-, encore faut-il aussi, en raison
du coût du dispositif, qu'elles aient quelques chances de durer,
c'est-à-dire qu'elles répondent à une demande solvable.
Des métiers inadaptés
La liste recèle aussi de graves dangers potentiels : d'abord, parce que
certains de ces métiers nouveaux ne semblent pas faits pour des jeunes
de moins de 26 ans, sans expérience professionnelle et sans
expérience humaine : médiation familiale, réinsertion
des détenus, prévention de la violence, par exemple, autant
d'activités qui nécessitent une connaissance de la nature humaine
que n'auront pas ces jeunes. D'ailleurs, de façon plus
générale, votre commission considère que, lorsqu'on
crée des activités nouvelles, il vaut mieux faire appel à
des professionnels confirmés et, inversement, que l'insertion est plus
facile dans des activités déjà rodées. Dans ces
conditions, dire que l'on va professionnaliser ces métiers ne
paraît pas suffisant. Car le résultat de cette formation se fera
sentir trop tard : l'échec sera déjà survenu, avec son
cortège de désillusions et d'amertumes. Votre commission craint
hélas que nombre de ces métiers soient sans perspectives et sans
avenir. Ce qui est grave au regard des espoirs suscités.
Cette ambiguïté est encore accentuée par les annonces
intempestives de différents ministères de créer 5.000,
3.000, ou 40.000 emplois jeunes, laissant ainsi penser que l'on est en
train de mettre en place une fonction publique bis, au rabais, lourde de
dangers de tous ordres pour les années à venir. Que dire
également des emplois envisagés à la SNCF ou à la
Poste, qui semblent, à l'évidence, être des
résurgences de métiers autrefois assurés par ces
organismes et que l'on va désormais financer sur fonds publics ?
Les véritables causes du chômage des jeunes ne sont pas
abordées
Une autre faiblesse du projet de loi est qu'il n'aborde pas les vrais
problèmes de l'exclusion des jeunes du marché du travail. Si,
à l'évidence, la conjoncture économique y est pour
beaucoup, il y a d'autres raisons : la rigidité du code du travail et
aussi, et peut-être surtout, la médiocre qualité ou
l'inadaptation aux besoins des entreprises de la formation initiale. Sans aller
jusqu'à proposer une réforme du système éducatif,
sans doute aurait-il été opportun de coordonner la
création de ces activités nouvelles avec des mesures de formation
professionnelle. Or, il n'y avait rien en ce sens dans le projet initial.
Le professionnalisme de certains demandeurs d'emploi n'est pas
utilisé
Le dispositif reste refermé sur lui-même, sans passerelles avec la
question de l'exclusion générale du marché du travail :
or, votre commission l'a déjà souligné, créer des
activités nouvelles suppose de l'expérience. Il est dommage que
le projet ne fasse pas appel à ceux qui ont cette expérience et
qui, très souvent, pour une part d'entre eux, se trouvent exclus du
marché du travail par les restructurations et les autres effets de la
compétition économique. De plus, s'engager dans cette voie aurait
permis de commencer à rationaliser et à réduire le nombre
des dispositifs emplois dont l'empilement atteint aujourd'hui des proportions
rédhibitoires. Cette simplification avait été
annoncée, mais n'a pas été réalisée.
Une grave menace sur les finances des collectivités locales
Enfin, et ce n'est pas le moindre des dangers de ce projet de loi, il fait
peser une lourde menace sur les finances des collectivités locales, qui
se verront imposer des choix qu'elles n'auraient pas faits spontanément,
et sur les finances de l'Etat. Le coût pour l'Etat est peut-être
supportable pendant les cinq ans prévus s'il est financé par des
économies. Mais pour les collectivités locales qui, au bout des
cinq ans subiront une pression sociale considérable pour maintenir ces
emplois, qu'en sera-t-il ? La sortie du dispositif est la grande inconnue.
Comment être sûr que, dans quelques années, tout cela ne
débouchera pas sur une pression fiscale accrue, avec tous les effets
négatifs que l'on sait sur l'emploi ? De plus, dès maintenant, le
projet de loi va entraîner une perte d'autonomie des collectivités
territoriales qui, si elles avaient créé ce type d'emplois -et
certaines l'ont déjà fait- l'auraient fait sur des bases beaucoup
plus saines que celles retenues par le texte. Ces activités n'auraient
été créées qu'après avoir été
financées sur le long terme, après que les élus se
seraient assurés de leur pérennité sur des bases solides,
en collaboration avec d'autres partenaires ayant pris des engagements fermes.
*
L'Assemblée nationale semble avoir eu conscience de ces défauts. Les modifications apportées au texte en témoignent. Mais, freinée par la discipline majoritaire et la volonté de ne pas gêner le Gouvernement, elle n'a pas été, loin s'en faut, au bout de sa logique. Ainsi, elle a posé le principe d'une pérennisation, mais sans en préciser ni les modalités ni les moyens, elle a parlé de formation, mais là encore sans en définir les moyens, elle a prévu l'intervention d'autres collectivités territoriales que les communes, mais de façon marginale, et surtout, elle n'a pas su éviter les risques de dérapage vers une fonction publique bis. En fait, beaucoup des amendements adoptés à l'Assemblée nationale sont des ajustements techniques, utiles certes, mais insuffisants pour corriger les défauts les plus criants du texte, comme celui par exemple de la concurrence déloyale faite au secteur privé ou celui du financement des emplois au-delà des 5 ans.
V. LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES PRÉCONISE QUE D'AUTRES MESURES MOINS ALÉATOIRES SOIENT EXPLORÉES OU POURSUIVIES
A. UNE MEILLEURE ADÉQUATION DES FORMATIONS AUX BESOINS DU MARCHÉ DU TRAVAIL RESTE UN PRÉALABLE À UNE BAISSE DURABLE DU CHÔMAGE
1. Les obstacles à l'emploi des jeunes doivent être identifiés et traités simultanément
Le plan qui nous est présenté par le ministre de
l'emploi et de la solidarité est un plan d'urgence. Derrière les
préoccupations légitimes de satisfaction de besoins collectifs
plus ou moins hypothétiques se cache en fait un souci bien réel
de trouver des débouchés pour les dizaines de milliers de jeunes
qui sortent de l'enseignement secondaire ou supérieur sans aucune
perspective, avec ou sans diplôme.
On sait que cette situation est la conséquence de la conjonction de
trois phénomènes :
-
la conjoncture économique
est le premier facteur explicatif. On
observe en effet une assez bonne concordance entre les variations de
l'activité et le taux de chômage des jeunes. La forte
récession de 1993 pourrait expliquer partiellement la forte augmentation
observée du taux de chômage des jeunes entrant sur le
marché du travail à cette époque, par exemple.
-
le diplôme et la formation
constituent le second facteur
explicatif. On sait en effet que les moins diplômés sont
près de trois fois plus exposés au chômage que les
diplômés de l'enseignement supérieur. Or, de nombreuses
études montrent que la nature de la profession exercée est assez
étroitement liée au diplôme obtenu.
- le
coût du travail
représente le troisième
facteur explicatif. Une entreprise ne peut pas en effet rémunérer
durablement un salarié davantage que sa productivité marginale,
or celle-ci est déterminée largement par son capital humain
(diplôme, formation, expérience...). L'existence d'un salaire
minimal supérieur à la valeur de marché du capital humain
d'un jeune entrant sur le marché du travail peut s'avérer une
barrière importante pour son accès à l'emploi. Le jeune se
trouve alors privé de l'opportunité d'accumuler de
l'expérience et du savoir-faire, ce qui tend à accroître
l'écart entre le salaire minimal et le salaire minimal justifié
par le marché. Dans ce cas, l'employabilité des jeunes, loin de
s'améliorer se détériore avec le temps.
L'examen des causes principales du chômage des jeunes laisse penser
que le retour de la croissance attendu pour 1998 devrait mécaniquement
améliorer la situation de l'emploi des jeunes. Une politique
déterminée d'amélioration de la structure productive de
l'économie française ne pourrait que renforcer cette tendance.
On peut faire observer que le dispositif proposé par Mme Martine Aubry
ne s'inscrit pas dans le cadre des remarques précédentes. En
effet, il s'avère un peu plus chaque jour que les candidats aux emplois
jeunes sont très majoritairement des jeunes ayant échoué
dans le cadre de leurs études, des jeunes qui s'étaient
spécialisés sur des créneaux peu porteurs ou au contraire
dans des filières encombrées.
Affecter ces jeunes sur des emplois spécialement créés
à leur intention et sans que ne soit prévu aucun dispositif de
formation pourrait être un dangereux contresens en termes de perspectives
de pérennisation. La démarche appropriée pour beaucoup
d'entre eux ne peut consister qu'à les former, la logique à
suivre doit être celle de la deuxième chance, un diplôme
spécialisé pouvant être obtenu à la clé.
Une critique importante qui peut être adressée au Gouvernement
réside dans le fait qu'on ne traite pas les racines du mal. Le plan
devrait diminuer à terme une partie du stock de jeunes chômeurs -
avec des perspectives à l'horizon de 5 ans à préciser
comme on l'a vu - mais il ne prévoit aucune disposition pour
empêcher que ce stock ne se reconstitue, ceci en particulier à
l'issue de la prochaine phase basse du cycle conjoncturel. Ce travail de fond
ne peut consister qu'en une évaluation systématique de
l'adéquation des formations et des filières aux besoins du
marché, une plus grande professionnalisation et une régulation
plus coercitive des flux d'entrées dans l'enseignement supérieur,
accompagnée d'un développement de nouvelles formations dans les
métiers d'avenir (nouvelles technologies,
télécommunications, électronique, services collectifs ...).
Le dernier point sur lequel il conviendrait d'agir serait la modulation du
coût salarial en fonction de la productivité. En clair, pour
faciliter l'accès de nombreux jeunes à l'emploi, il serait
nécessaire de réduire le coût du travail pour l'employeur.
La modulation du salaire minimal en fonction de la productivité
étant encore un sujet tabou, une réduction des charges sociales
pourrait être envisagée sur la première année qui
suit l'embauche d'un jeune.
2. La poursuite du développement des formations professionnalisées reste une priorité incontournable
Outre le diplôme, on sait que l'expérience et la
formation pratique permettent une insertion plus aisée des jeunes sur le
marché du travail, les formations par la voie de l'apprentissage et du
baccalauréat professionnel donnent à cet égard de bons
résultats. La préparation des baccalauréats comprend des
stages en entreprise qui font de cette filière une véritable
alternance sous statut scolaire ; elle permet ainsi aux jeunes de trouver un
emploi aussi rapidement que la moyenne des diplômés de
l'enseignement supérieur. Les apprentis quant à eux
reçoivent une formation en alternance dans le cadre d'un
véritable contrat de travail qui leur assure un rythme d'insertion
supérieur à celui des bacheliers.
Depuis 1993, la relance des politiques de formation en alternance et la
professionnalisation des filières universitaires était devenue la
pierre angulaire de la politique pour l'emploi des jeunes. Près de
200.000 nouveaux contrats d'apprentissage ont été signés
en 1996, dans les secteurs traditionnels d'accueil comme dans de nouveaux
secteurs où l'apprentissage est désormais parfois
sanctionné par une formation de niveau supérieur (industrie,
services aux entreprises...). Toutefois, l'apprentissage reste peu
implanté dans les secteurs de l'énergie, des activités
financières, de l'éducation, de la santé et de l'action
sociale. La commission des affaires sociales considère que la poursuite
de l'effort de développement de l'apprentissage doit demeurer l'axe des
politiques de formation des jeunes, faute de quoi on ne pourrait empêcher
la reconstitution du stock de jeunes chômeurs que s'apprête
à réduire conjoncturellement le plan emplois-jeunes.
Le développement de l'apprentissage n'est en rien contradictoire avec le
plan d'action proposé par le ministre de l'emploi ; ces deux actions
mériteraient même d'être menées de concert tant l'on
sait que l'absence de véritables projets de formation constitue le talon
d'Achille du dispositif examiné. Le ministre défend l'idée
que certaines des formations sont encore à imaginer, le rapporteur
soutient quant à lui que l'apprentissage a naturellement son rôle
à jouer.
A cet égard, le rapporteur se permet de rappeler qu'il avait
déposé le 28 novembre 1996 une proposition de loi
(n° 107) tendant à organiser le soutien financier du
dispositif de développement de l'apprentissage dans le secteur public
institué par la loi du 17 juillet 1992. Cette proposition de loi partait
d'un constat très simple : aujourd'hui, certains aspects de l'esprit
d'entreprise sont de moins en moins étrangers au secteur public, ce qui
le place en position d'acteur potentiel de la formation économique et
professionnelle. On observe également que ce même secteur public
dispose d'un savoir-faire et de certaines compétences spécifiques
qui intéressent particulièrement les entreprises.
Cette proposition de loi a été examinée par la commission
des affaires sociales du Sénat le 16 avril 1997 en même temps que
la proposition de loi n° 225 adoptée en première
lecture par l'Assemblée nationale le 6 février 1997,
déposée par le député Michel Jacquemin et relative
à la promotion de l'apprentissage dans le secteur public. Cet examen a
donné lieu à la publication du rapport n° 311 en annexe
au procès verbal de la séance du 16 avril 1997.
Le texte adopté par la commission des affaires sociales du Sénat
peu avant la dissolution de l'Assemblée nationale disposait que les
personnes morales de droit public employeurs pourraient conclure avec une autre
personne morale de droit public ou avec une entreprise des conventions
prévoyant qu'une partie de la formation pratique serait dispensée
par le partenaire. Le texte prévoyait également une aide à
l'embauche et une indemnité forfaitaire de soutien à l'effort de
formation.
On peut remarquer que ce projet présageait l'esprit du plan
emplois-jeunes du Gouvernement, à deux nuances près : le volume
des aides financières comme les effectifs n'avaient rien de commun avec
ce qui est envisagé aujourd'hui, le côté formation
était par contre au coeur de la démarche envisagée.
Autrement dit, il s'agissait de développer des filières de
formations à des métiers à la frontière du public
et du privé pour quelques milliers ou, au mieux, quelques dizaines de
milliers de jeunes, en définissant un dispositif de formation complet et
efficace alors que le plan d'aujourd'hui insiste plus sur le volume que sur la
qualité. Une question évidente pourrait consister à
s'interroger sur les possibilités de synthèse entre les deux
approches. Le dispositif proposé par la commission des affaires sociales
avait également pour avantage d'associer personnes morales de droit
public et entreprises pour la formation pratique des apprentis ; or, cette
disposition est très favorable pour encourager la migration des
activités vers le secteur marchand.
B. UNE PRÉFÉRENCE DOIT ÊTRE MARQUÉE POUR LE DÉVELOPPEMENT DES ACTIVITÉS MARCHANDES
1. Le recours à l'encadrement doit assurer la pérennité et la migration des activités vers le secteur marchand
L'encadrement est fondamental pour la réussite de tout
projet économique, il permet l'organisation en équipe, la
distribution des tâches et la gestion de l'avancée des travaux. Il
est le vecteur privilégié de la transmission des
compétences lorsqu'il prend la forme du tutorat, il devient alors
formateur et source de progrès, pour la structure comme pour les
individus qui la composent. L'absence d'encadrement est au contraire une cause
importante de l'affaiblissement des structures, de l'échec des projets
de développement économiques et des " erreurs de
pilotage ".
On peut ainsi définir les missions fondamentales de l'encadrement :
optimiser les décisions et la gestion, assurer la transmission des
savoir-faire et la meilleure organisation possible à travers
l'adaptation des structures et la recherche de solutions innovantes riches en
perpectives de développement.
Un projet de développement économique ne peut donc se passer
d'encadrement. Ceci est d'autant plus vrai qu'il aurait pour objectif
d'associer des jeunes sans expérience sur des activités nouvelles
à inventer. Un tel projet reviendrait en fait à
démultiplier les risques d'échec. Dans le cas précis du
plan présenté par le ministre de l'emploi, la
nécessité d'un recours à l'encadrement privé serait
d'autant plus importante que le personnel public d'encadrement n'est pas
forcément le mieux à même d'assurer la soutenabilité
économique de projets voués à rejoindre le secteur
marchand.
Ce besoin d'encadrement doit être examiné au regard des
capacités disponibles dans le pays, ce potentiel se répartit en
deux catégories : les salariés âgés qui partent
à la retraite sans faire bénéficier les nouvelles
générations et les projets de nouvelles activités de leur
expérience et les cadres au chômage qui pourraient être
disponibles pour lancer des projets propres à déboucher sur des
créations d'entreprises.
La commission des affaires sociales et son rapporteur sont largement
préoccupés par l'augmentation du chômage des cadres. En
mars 1986, un peu plus de 140.000 cadres étaient au chômage contre
environ 60.000 en mars 1986, soit plus du double. Il apparaît que la
plupart de ces cadres au chômage sont issus de l'entreprise, et qu'ils
occupaient des fonctions administratives ou commerciales. Cette augmentation du
chômage des cadres s'explique par une accélération des
restructurations, une augmentation du nombre de jeunes diplômés et
une insuffisance de créations de postes qualifiés. Ce
phénomène est un signe supplémentaire des
difficultés de l'économie française à créer
de nouvelles activités, de nouvelles entreprises, de nouvelles
richesses. Il traduit également un certain gâchis, humain bien
entendu comme pour l'ensemble des chômeurs, mais également
technique, professionnel.
La commission des affaires sociales considère qu'une politique active en
matière d'utilisation des compétences et des savoir-faire doit
être poursuivie et développée pour assurer et favoriser le
développement de nouvelles activités. Le projet de
développement d'emplois et d'activités nouvelles à
destination des jeunes doit pouvoir bénéficier d'un fort taux
d'encadrement propre à assurer la pérennisation d'un maximum de
projets et leurs structuration aux exigences de compétitivité du
marché. De nombreux dispositifs déjà existants pourraient
être sollicités pour assurer le financement des cadres qui
seraient embauchés pour travailler au développement des nouvelles
activités.
2. Le secteur privé doit être associé le plus possible au développement d'activités nouvelles dans le secteur public
La création d'entreprise doit être
encouragée, elle demeure le plus sûr moyen pour créer des
richesses, de la croissance et des emplois. Pour favoriser la création
d'entreprises, il convient de supprimer au maximum les formalités
administratives. Des progrès ont été
réalisés avec notamment la déclaration unique d'embauche,
mais beaucoup reste à faire. Un objectif pourrait consister à
instituer la déclaration unique de création d'entreprise, un seul
formulaire devrait permettre de faciliter la tâche à de nombreux
créateurs qui ont d'autres préoccupations que la
" paperasse ". Il serait souhaitable que toutes les
entreprises
créées par des jeunes ou par des cadres employés
travaillant sur ces activités nouvelles puissent
bénéficier à titre expérimental d'une
déclaration unique.
La discrimination entre privé et public ne peut se justifier lorsque
l'activité dont le développement est envisagée est
manifestement exercée par les deux secteurs d'activités. Le
non-respect de cette condition représenterait une rupture flagrante du
principe d'égalité comme l'exemple d'une concurrence
déloyale. On peut s'interroger par exemple sur une disposition qui
étendrait le plan emplois-jeunes au logement social géré
par des organismes publics tout en excluant les organismes privés. Plus
généralement, on pourrait s'interroger sur l'exclusion des
entreprises du champ des emplois liés à l'environnement et
à la dépollution.
La migration vers le secteur marchand des activités nouvelles rentables
qui viendraient à être créées durablement doit
être organisée pour s'assurer que le secteur non marchand ne
conserve pas indûment dans son périmètre des
activités qui seraient mieux exercées par le secteur
concurrentiel sans recours massif aux fonds publics. Pour s'assurer du respect
de ce principe de saine gestion et préparer au plus tôt la
pérennisation des activités, la commission des affaires sociales
propose qu'au terme de la deuxième année de chaque convention
signée par l'Etat, une commission établisse un bilan annuel de
l'emploi créé, de sa rentabilité, de ses perspectives et
puisse autoriser ou exiger une migration anticipée de l'emploi et du
marché correspondant vers le secteur privé, à travers le
cas échéant la création d'une entreprise. L'employeur
privé qui prendrait la suite du secteur public et non marchand devrait
pouvoir bénéficier d'une aide d'une durée proportionnelle
au reste du contrat à courir sous la forme d'une subvention ou d'un
allégement de charges.
VI. LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SE PROPOSE D'AMENDER TRÈS SENSIBLEMENT LE TEXTE POUR LE RENDRE COMPATIBLE AVEC LE FONCTIONNEMENT D'UNE ÉCONOMIE MODERNE
A. LES EMPLOIS JEUNES DOIVENT POUVOIR S'APPUYER SUR L'APPRENTISSAGE DANS LE SECTEUR PUBLIC
1. La formation doit être au coeur du dispositif, l'apprentissage doit être privilégié
La commission propose que les formations aux métiers
nouvellement créés soient réalisées principalement
par la voie de dispositifs qualifiants comme l'apprentissage.
La commission ouvre le dispositif de financement des emplois jeunes aux
apprentis du secteur public et du secteur non-marchand travaillant dans le
cadre d'une activité visée par le dispositif emplois-jeunes (pour
un montant à déterminer par décret).
La commission rétablit le texte de la proposition de MM. Jacquemin et
Souvet développant l'apprentissage dans le secteur public (aide
financière et possibilité d'une formation pratique conjointe avec
une entreprise).
2. En introduisant la formation par la voie de l'apprentissage, la commission professionnalise les emplois et les jeunes
La formation professionnalise les emplois, structure la
qualité et les standards du service rendu, elle renforce ainsi les
chances de pérennisation dans le secteur privé.
La formation donne une qualification à l'employé qui pourra
toujours être valorisée, l'apprentissage est sanctionné par
un diplôme qui constitue une garantie pour l'avenir du jeune.
Les emplois jeunes sans formation et sans apprentissage risquent de devenir un
dispositif de stockage de jeunes ayant échoué dans leurs
études et occupés sur des tâches inutiles et
coûteuses.
B. LES EMPLOYEURS DOIVENT POUVOIR ASSURER L'ENCADREMENT DES JEUNES ET LE DÉVELOPPEMENT DES MÉTIERS
1. Les jeunes doivent être encadrés afin que l'activité soit structurée
La commission ouvre le dispositif emplois-jeunes à des
postes d'encadrement, ceci sans condition d'âge, avec une aide de l'Etat
égale à 80 % du montant du SMIC, charges comprises.
La commission ouvre aux partenaires sociaux la possibilité de
compléter le financement du montant de la rémunération de
ces cadres à travers le fonds paritaire d'intervention pour l'emploi,
créé par la loi du 21 février 1996.
La commission étend aux cadres employés dans le dispositif
emploi-jeunes les aides pour la création d'entreprises et les aides
à l'ingénierie, puisqu'elle les mentionne à l'article L.
322-4-19 et que l'article premier quinquies relatif à ces aides reprend
comme bénéficiaires de ces aides les personnes visées
à l'article L. 322-4-19.
2. En introduisant l'encadrement, la commission renforce les chances de succès des projets, fait bénéficier les jeunes d'un savoir-faire et favorise une migration vers le secteur privé
L'ouverture du dispositif à certains
préretraités et à des cadres au chômage permet un
apport de compétences et de savoir-faire pour développer les
nouvelles activités.
L'encadrement permet de structurer la nouvelle offre selon les exigences en
vigueur dans le secteur privé, favorisant la migration vers le secteur
marchand.
L'encadrement permet un meilleur apprentissage de leur métier par les
jeunes.
C. LA MIGRATION DES ACTIVITÉS DEVENUES RENTABLES DOIT ÊTRE ORGANISÉE SANS ATTENDRE LE TERME DES CINQ ANS
1. Une migration anticipée des activités créées vers le secteur privé doit être organisée et accélérée dès que leur rentabilité est constatée
La commission établit une évaluation annuelle
des activités créées par les comités
départementaux de la formation professionnelle, de la promotion sociale
et de l'emploi.
A ces occasions, ces comités peuvent recommander le transfert de
l'activité au secteur marchand. Le préfet peut dans ce cas mettre
un terme à l'aide de l'Etat, la convention qui lie l'employeur peut
alors être rompue. Le préfet peut décider d'attribuer une
aide à l'entreprise qui reprend l'activité pour la durée
du contrat restant à courir par rapport aux cinq ans de
référence.
Le fonds paritaire d'intervention en faveur de l'emploi peut, là encore,
participer au financement des emplois pérennisés dans le secteur
marchand pour la durée restant à courir par rapport à la
référence de cinq ans.
2. En introduisant un dispositif de migration anticipée vers le secteur privé, la commission renforce les chances de pérennisation dans le secteur marchand.
L'introduction d'un dispositif de migration anticipée
assure la pérennisation anticipée des activités et des
emplois.
Elle permet d'économiser des fonds publics et de limiter les risques de
concurrence déloyale par le secteur non-marchand.
Par sa souplesse et sa progressivité, elle réduit les
inquiétudes quant au devenir des jeunes à l'horizon des cinq ans
qui préoccupent tous les employeurs intéressés et
notamment les collectivités territoriales.
D. LES EMPLOIS RELEVANT DES MINISTÈRES DE LA JUSTICE ET DE L'EDUCATION NATIONALE DOIVENT PRENDRE LA FORME DE CONTRATS DE DROIT PUBLIC FINANCÉS À 100 % PAR L'ETAT
En conséquence des remarques développées précédemment dans le rapport, la commission a adopté un amendement qui dispose que les jeunes employés dans les services des ministères de l'Education nationale et de la Justice le seront dans des fonctions d'adjoints d'éducation et d'adjoints de Justice bénéficiant d'un contrat de droit public , eu égard à la nature des fonctions exercées, et payés à 100 % sur des deniers publics de l'Etat . Les recrutements concerneraient les jeunes de 18 à 30 ans sans restriction supplémentaire pour les trois catégories d'adjoints de l'Administration.
E. L'APPRENTISSAGE DANS LE SECTEUR PUBLIC DOIT ÊTRE DÉVELOPPÉ
La commission reprend mot pour mot le texte qu'elle avait
adopté le 16 avril 1997 à l'occasion de l'examen par le
Sénat en première lecture du texte adopté par
l'Assemblée nationale le 6 février 1997 et relatif à la
promotion de l'apprentissage dans le secteur public.
Ce texte avait fait l'objet d'un large consensus ; il prévoyait
notamment la création au profit de l'employeur public d'une
indemnité forfaitaire à l'effort de formation.
Votre commission avait également ouvert à cette occasion la
possibilité de partenariats pour la formation pratique des apprentis
entre l'employeur public et une autre personne morale de droit public ou une
entreprise.
F. PLUSIEURS AUTRES AMENDEMENTS D'ORDRE ESSENTIELLEMENT TECHNIQUE ONT ÉTÉ ADOPTÉS PAR LA COMMISSION
La commission a souhaité clarifier et préciser
la liste des employeurs susceptibles de bénéficier du dispositif
emploi-jeunes (les sociétés d'économie mixte locales et
l'ensemble des acteurs du logement social sont maintenant mentionnés)
ainsi que le contenu des conventions. Elle prévoit également que
les entreprises pourront faire partie des groupements d'employeurs introduits
par l'Assemblée nationale.
Elle a également décidé de compléter les
matières qui doivent être traitées dans la convention en
mentionnant l'encadrement, les conditions d'une éventuelle participation
financière de l'usager, les conditions d'un éventuel transfert de
l'activité au secteur marchand.
Elle introduit également dans le texte de l'Assemblée nationale
un examen des conventions par le comité départemental de la
formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi
mentionné à l'article L. 910-1 du code du travail afin que
l'ensemble des acteurs économiques locaux puisse se prononcer sur la
pertinence et l'opportunité des projets.
Plusieurs autres amendements constituent soit des modifications mineures, soit
des précisions, corrections ou suppressions pour coordination.
* *
*
La commission des affaires sociales du Sénat, comme son
rapporteur, est bien consciente de l'espoir suscité chez les jeunes par
le dispositif gouvernemental prévoyant la création de 350.000
emplois dans le secteur non-marchand. Elle souhaiterait d'ailleurs pouvoir
partager cet enthousiasme. Elle considère toutefois qu'il lui incombe de
s'exprimer clairement sur le texte comme sur les conséquences probables
des mesures annoncées.
Or, son analyse est très sensiblement différente de celle du
Gouvernement, le texte proposé lui apparaît en effet discutable
tant sur le fond que sur la forme. La commission n'attend pas d'effets magiques
de ce dispositif pour l'emploi des jeunes, peut-être dans le meilleur cas
aura-t-il un impact légèrement positif pour l'emploi lorsque l'on
aura tenu compte des effets de substitution, des effets d'aubaine et des effets
d'éviction, mais ceci pour un coût élevé.
En tout état de cause, elle s'inquiète des conséquences
néfastes sur la croissance et sur l'emploi que pourront avoir
l'augmentation de l'impôt sur les bénéfices, l'interruption
de la réduction des taux d'imposition sur le revenu, la remise en
question des aides aux emplois familiaux... En cela, l'avenir du texte sur
l'emploi des jeunes ne peut en être apprécié
indépendamment de l'ensemble de la politique économique du
Gouvernement.
La commission a donc souhaité apporter des améliorations
décisives pour le rapprocher des dispositifs comprenant le plus de
dispositions relatives à la formation et de débouchés sur
des emplois viables à long terme.
C'est pourquoi elle vous a proposé de redéployer le texte
Gouvernemental autour de trois axes afin de donner une perspective et une
utilité véritable à un texte de circonstance.
EXAMEN DES ARTICLES
Article premier
Aide à la création
d'activités d'utilité sociale pour l'emploi des jeunes
Cet article insère trois articles nouveaux dans la
section I (Fonds national de l'emploi) du chapitre II (Fonds national de
l'emploi) du titre II (Emploi) du livre troisième (Placement et emploi)
du code du travail.
Ces articles visent à susciter la création d'activités
nouvelles, présentant un caractère d'utilité sociale,
susceptibles de répondre à des besoins émergents ou non
satisfaits, par les organismes employeurs des secteurs publics et non
marchands, qui permettraient de créer 350.000 emplois pour les jeunes.
Art. L. 322-4-18 nouveau du code du travail
Conventions relatives
à la création d'activités d'utilité sociale
Cet article, fortement amendé par l'Assemblée
nationale, comprend huit alinéas.
Le premier alinéa détermine la nature des activités
concernées, dresse la liste des employeurs potentiels, et
énumère une partie du contenu de la convention.
Dans le texte initial du projet de loi, les activités devaient
présenter un caractère d'utilité sociale, répondre
à des besoins émergents ou non satisfaits et surtout être
créatrices d'emplois. L'Assemblée nationale a tenu à
préciser les principaux domaines concernés, sans toutefois que la
liste soit limitative : il s'agit des domaines des activités sportives,
culturelles, éducatives, d'environnement ou de proximité. On
retrouve ici les vingt deux nouveaux métiers dont l'inventaire avait
été dressé par un groupe d'experts mandatés
à cet effet, et que l'on retrouve sous une présentation
systématique dans le rapport " Nouveaux services, nouveaux
emplois " daté d'août 1997 et récemment publié
par le ministère de l'emploi et de la solidarité ; ce rapport
anticipe l'adoption du dispositif par le Parlement en le présentant sous
forme de questions-réponses. Il dresse la liste des nouveaux
métiers en les regroupant dans les catégories suivantes :
éducation, famille, santé, solidarité, logement et vie des
quartiers, transports, culture, justice, sécurité et
environnement. Il convient cependant de souligner que ces listes n'ont rien
d'exhaustif, les besoins émergents ou (et non pas " et ")
non
satisfaits n'étant pas limités. En fait, elles ne sont que le
recensement de ce qui a déjà été entrepris dans
certaines collectivités territoriales. Leur publication vise à
susciter la création de ces activités par le plus grand nombre de
collectivités possibles.
Quant aux employeurs, ce sont classiquement ceux qui ont vocation à
recruter des contrats emploi solidarité ou des contrats emplois
consolidés, à savoir : les collectivités territoriales et
leurs établissements publics (explicitation par l'Assemblée
nationale de ce qui figurait de façon implicite au titre des autres
personnes morales de droit public), les autres personnes morales de droit
public, les organismes de droit privé à but non lucratif et les
personnes morales chargées de la gestion d'un service public. A cette
liste, l'Assemblée y a encore ajouté les associations
(régies par la loi de 1901 ou le droit local d'Alsace-Moselle)
regroupant des personnes appartenant aux catégories déjà
énumérées, ce qui ne correspond pas à une nouvelle
catégorie de groupements.
Par ailleurs, le texte d'origine (deuxième alinéa) excluait
totalement le recours aux emplois jeunes pour les associations de services aux
particuliers à leur domicile. L'Assemblée nationale, pensant
notamment au portage des repas, a prévu une exception lorsque
l'activité serait susceptible de favoriser le développement et
l'animation des services aux personnes répondant à des besoins
émergents ou non satisfaits.
D'une façon générale, la rédaction retenue est
suffisamment souple pour donner au préfet, appelé à se
prononcer sur les projets, une grande latitude d'appréciation. Tout
dépendra donc des décrets, des circulaires et sans doute aussi
des circonstances locales.
Les troisième et quatrième alinéas, dus en grande partie
à l'Assemblée nationale, précisent encore les conditions
dans lesquelles les personnes morales autorisées peuvent recourir
à ces activités. C'est ainsi que les personnes morales de droit
public ne peuvent créer des activités de ce type que si elles ne
les assument pas déjà. Plus particulièrement, les
collectivités territoriales et leurs établissements publics ne
peuvent créer des activités dans le cadre de ce dispositif que si
celles-ci ne relèvent pas de leurs " compétences
traditionnelles ", expression ambiguë qui a donné lieu
à de longs débats sans déboucher sur une formulation
véritablement satisfaisante. Cela signifie néanmoins que ces
collectivités ne peuvent créer des emplois relevant de leurs
compétences légales, ni des compétences non prévues
par la loi, mais incorporés de facto à leurs missions. Autrement
dit, ces activités doivent être émergentes " et "
non satisfaites.
Quant au quatrième alinéa, il a été ajouté
pour être sûr que les personnes morales de droit privé
chargé d'un service public puissent recourir au dispositif, à
condition cependant que l'activité ne soit pas déjà
assurée et qu'elle entre dans le cadre de la mission de service public.
Cela vise notamment les organismes d'HLM. Cependant, il semble que la
jurisprudence ne reconnaisse pas toujours le caractère de service public
des organismes privés d'HLM.
Le premier alinéa énumère également une partie du
contenu des conventions conclues, comme cela est généralement le
cas, entre l'employeur et l'Etat pour ouvrir droit à l'aide
accordée pour ce type d'activité. Il est précisé
que ces conventions sont pluriannuelles (le projet de décret et les
déclarations du ministre fixent la durée à cinq ans),
qu'elles prévoient l'attribution d'aides et que les projets
d'activité doivent répondre aux exigences d'un cahier des charges
établi en concertation avec les partenaires locaux
(amendement de l'Assemblée nationale afin d'organiser une
concertation à l'échelon local) ; ce cahier des charges doit
comporter les exigences requises quant à la pérennisation des
activités et aux dispositions à prévoir pour assurer la
professionnalisation des emplois. Ces notions de pérennisation et de
professionnalisation sont apparues au cours du débat à
l'Assemblée nationale, même si ces exigences n'étaient pas
absentes du discours de présentation du projet de loi. Néanmoins,
rien n'est dit sur les moyens de pérenniser et de professionnaliser les
emplois.
Ce dispositif de conventionnement est encore précisé par les
alinéas six et sept. Ceux-ci prévoient que le contenu et la
durée des conventions, les conditions dans lesquelles leur
exécution est suivie et contrôlée ainsi que les
modalités de leur dénonciation en cas de non-respect des clauses
sont déterminées par décret. Cette
énumération du contenu du décret a été
ajoutée par l'Assemblée nationale. Il est encore
précisé, toujours à la suite d'un amendement
parlementaire, que les conventions doivent comporter des objectifs de
qualification, qui supposent de recourir à la formation professionnelle,
voire au tutorat. Enfin, il est ajouté que les régions et
d'autres personnes morales peuvent participer à la formation, ce qui
ouvre le partenariat, d'ailleurs non prohibé, avec d'autres
collectivités locales ou avec les entreprises.
Ces précisions, intégrées dans l'article de façon
quelque peu désordonnée, souffrent d'une certaine
imprécision quant aux moyens à mettre en oeuvre.
Enfin, le cinquième alinéa prévoit une information des
institutions représentatives du personnel de l'organisme employeur et un
rapport annuel sur l'exécution de la convention. Pour lever
l'ambiguïté sur la question de savoir si les comités
techniques paritaires sont des institutions représentatives du
personnel, l'Assemblée a ajouté une référence
à ces comités et a, en outre, précisé que
l'information de ces instances et le rapport annuel portaient aussi sur les
emplois consolidés et les emplois-villes en incluant une
référence à l'article L. 322-4-8-1 du code du travail.
La simple lecture de ce commentaire révèle un certain
désordre dans l'organisation de l'article. C'est la raison pour
laquelle, afin de retrouver une présentation plus cohérente,
votre commission vous propose six amendements. Ceux-ci visent aussi à
préciser certains points et à corriger le dispositif
gouvernemental pour faciliter, ainsi que cela a été dit, le
transfert des activités dans le secteur marchand.
Le premier
amendement
vise à clarifier et à
préciser la liste des employeurs susceptibles de
bénéficier du dispositif emploi-jeunes : les
sociétés d'économie mixte et les organismes d'HLM (qu'ils
soient publics ou privés) sont donc expressément
mentionnés.
Il est en outre spécifié que les entreprises privées
peuvent se regrouper, dans le cadre d'associations, avec les autres employeurs
énumérés à l'article pour créer des
activités correspondant aux exigences du projet de loi.
Par ailleurs, les conventions devant répondre aux exigences d'un cahier
des charges, l'amendement vise également d'une part à fixer par
décret ce cahier des charges à l'échelon national, d'autre
part à prévoir une consultation de toutes les parties
intéressées -des secteurs publics et privés- à
l'occasion de son élaboration au travers du conseil national de la
formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi (cf. art.
L.910-1 du code du travail) chargé d'assister le comité
interministériel de la formation professionnelle et de la position
sociale.
La consultation des partenaires locaux se fera (cf. amendement suivant) lors de
l'élaboration de la convention elle-même.
Enfin, la notion d'utilité sociale, peu explicite, a été
remplacée par la notion d'intérêt général,
mieux cernée par la jurisprudence.
Le deuxième
amendement
vise à énumérer le
contenu des conventions. Il reprend et précise des dispositions figurant
de façon éparse dans le texte de l'Assemblée nationale. Il
ajoute que les conventions précisent les conditions d'une
éventuelle participation financière de l'usager à
l'activité, afin de faciliter le passage de celle-ci au secteur
privé.
Mais surtout il introduit une consultation, préalable à la
signature de la convention, du comité départemental de la
formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi (CODEF),
lui-même assisté, aux termes de l'article L. 910-1 du code du
travail, du conseil départemental de la formation professionnelle, de la
promotion sociale et de l'emploi afin que toutes les parties
intéressées -élus locaux et nationaux et partenaires
sociaux- puissent se prononcer sur le caractère novateur et
émergent des activités projetées. Il s'agit ainsi
d'éviter tout risque de concurrence avec le secteur privé, ou de
mettre en place des activités de service public déjà
assurées.
Le CODEF sera ainsi mieux à même de se prononcer sur les
conditions de pérennisation de l'activité et de son
éventuel transfert au secteur privé, rôle qui lui est
confié par un amendement créant un article L. 322-4-21
proposé ci-après.
Enfin, il est précisé que le CODEF peut déléguer le
soin de rendre son avis aux missions locales pour l'emploi, si elles existent,
pour se rapprocher au mieux des bassins d'emploi.
Le troisième
amendement
qui re-rédige le troisième
alinéa est rédactionnel.
Le quatrième
amendement
, portant sur la fin du quatrième
alinéa, propose une rédaction juridiquement plus précise :
le caractère " traditionnel " des compétences reste
flou ; il semble préférable de parler de compétences pures
et simples d'une part, que l'on interprétera comme les
compétences légales, et de métiers relevant de la fonction
publique territoriale d'autre part, qui incorpore les missions que la
collectivité assume spontanément.
Le cinquième
amendement
est de coordination. Le membre de phrase
supprimé concerne les emplois consolidés. Plutôt que d'y
faire référence dans ce texte, il semble préférable
d'insérer cette procédure d'information des instances
représentatives du personnel dans l'article L. 322-4-8-1 du code du
travail qui traite des emplois consolidés. Ce sera fait par un
amendement ultérieur et, par coordination, il est proposé de
supprimer ici la mention de cette procédure.
Enfin, le dernier
amendement
est de simple conséquence : il
supprime des dispositions réintroduites plus haut.
Votre commission vous propose
d'adopter cet article ainsi amendé
.
Article L. 322-4-19 nouveau du code du travail
Aide
pour l'emploi des jeunes
L'article L. 322-4-19 nouveau détermine à
travers ses sept alinéas les modalités de l'aide de l'Etat.
Il précise que les aides de l'Etat sont attribuées aux employeurs
en application des conventions pluriannuelles conclues pour l'embauche de
jeunes âgés de 18 à moins de 26 ans lors de leur embauche,
ces jeunes pouvant être titulaires d'un CES ou d'un CEC (les
emplois-ville pour les jeunes sont considérés comme des CEC).
L'article étend le bénéfice de la mesure aux personnes de
moins de 30 ans qui ne peuvent justifier des références de
travail nécessaires pour pouvoir bénéficier des
allocations d'assurance chômage prévues à l'article
L. 351-3 du code du travail soit 122 jours au moins d'affiliation au cours
des 8 mois qui précèdent la fin du contrat de travail (art.
27 du règlement annexé à la convention d'assurance
chômage du 1er janvier 1997).
Cette condition d'activité est appréciée à compter
de la fin d'activité et à l'exclusion des périodes de
travail accomplies en exécution des contrats d'apprentissage (art. L.
115-1), des CES (L. 322-4-7), des CEC qui comprennent dans ce cas précis
les emplois ville à destination des jeunes (L. 322-4-8-1) et des
contrats de qualification (L. 981-1), d'adaptation (L. 981-6) et
d'orientation (L. 981-7) comme celles des contrats de travail conclus avec une
entreprise d'insertion (L. 322-4-16).
Le deuxième alinéa prévoit que pour chacun des postes de
travail ainsi créé, l'Etat verse à l'organisme employeur
une aide forfaitaire dont le montant et la durée sont fixés par
décret. Il est précisé que l'organisme peut verser une
rémunération supérieure. L'article prévoit
également que l'Etat peut prendre en charge tout ou partie des
coûts d'étude des projets de création d'activités
nouvelles.
Le troisième alinéa précise que ces aides ne donnent lieu
à aucune charge fiscale ou parafiscale.
Le quatrième alinéa exclut le cumul, pour un même poste de
travail avec une autre aide de l'Etat à l'emploi, avec une
exonération totale ou partielle des cotisations patronales de
sécurité sociale ou avec l'application de taux
spécifiques, d'assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations de
sécurité sociale.
Le cinquième alinéa prévoit que les aides ne peuvent
être accordées lorsque l'embauche est en rapport avec la fin du
contrat de travail d'un salarié quelqu'en soit le motif, ceci pour
éviter des effets de substitution.
Le sixième alinéa dispose que le décret mentionné
au 2ème alinéa du présent article précise les
conditions d'attribution et de versement des aides de l'Etat.
Le septième alinéa prévoit quant à lui que
l'employeur peut recevoir, pour la part de financement restant à sa
charge, des cofinancements provenant notamment des collectivités
territoriales, des établissements publics locaux ou territoriaux ainsi
que de toute autre personne morale de droit public ou de droit privé.
L'exposé général du rapport développe largement les
raisons qui ont motivé l'extension par la commission du dispositif aux
postes d'encadrement et à l'apprentissage, cette extension constitue
d'ailleurs un de ses apports importants au texte du Gouvernement.
En conséquence, votre commission des affaires sociales a
décidé d'ouvrir le bénéfice de ces aides à
des postes d'encadrement des emplois jeunes dans les mêmes conditions
financières mais sans conditions d'âge.
Votre commission des Affaires sociales a également décidé
d'ouvrir le bénéfice de cette aide forfaitaire aux employeurs qui
choisiraient de former leurs jeunes à ces métiers nouveaux par la
voie de l'apprentissage.
Elle vous propose donc
deux
amendements
et vous demande
d'adopter cet article ainsi modifié
.
Art. L. 322-4-20 du code du travail
Nature et
régime juridique du contrat de travail
En trois paragraphes et onze alinéas, cet article
introduit un dispositif quelque peu novateur dans le droit du travail, le
contrat à durée déterminée de cinq ans susceptible
d'être rompu chaque année.
Le
paragraphe I
fixe la nature du contrat de travail. Il s'agit d'un
contrat de droit privé dont les caractéristiques sont
étroitement liées à la convention. Ils ne peuvent
être conclus qu'
en vertu
de la convention prévue à
l'article L. 322-4-18. S'agissant d'un contrat à finalité
d'insertion, ou relevant de la politique de l'emploi, il est
précisé qu'il doit être conclu par écrit, même
si cette précision à visée protectrice n'a plus
guère d'intérêt aujourd'hui, puisqu'en vertu des textes
européens tous les contrats de travail doivent désormais
être conclus par écrit.
Il est encore précisé, au même alinéa, que le
contrat est conclu pour la durée légale ou la durée
collective inférieure applicable à l'organisme employeur. Cette
disposition a donné lieu à un long débat à
l'Assemblée nationale pour tenter de faire bénéficier ces
contrats d'une réduction du temps de travail à 35 ou 32 heures,
ce qui sans doute aurait été peu pédagogique au moment
où l'on crée des emplois nouveaux susceptibles d'être
transféré au secteur privé et destiné à des
jeunes n'ayant généralement jamais travaillé.
L'Assemblée nationale, passant outre au voeu du Gouvernement de faire
simple, a encore prévu que ces contrats puissent être à
temps partiel, d'une durée au moins égale à un mi-temps :
il s'agit néanmoins d'une dérogation exceptionnelle, lorsque
l'emploi à temps plein n'est pas possible, par exemple dans une petite
collectivité locale, ou une petite association. Enfin, le même
alinéa précise encore, de façon malencontreuse, que ces
emplois doivent figurer dans les grilles de classification des conventions
collectives nationales de la fonction publique ou accords d'entreprises
lorsqu'ils existent. Problème de virgule ou non, le dispositif reste peu
clair et peu compatible en l'état avec des activités
émergentes qui ne peuvent être reconnues par les conventions
collectives ou les statuts des fonctions publiques.
Le deuxième alinéa dispose que ces contrats peuvent être
à durée indéterminée ou à durée
déterminée en application de l'article L. 122-2 qui fait
référence aux contrats à durée
déterminée conclus pour favoriser l'emploi ; ce qui rattache
clairement le dispositif emplois-jeunes à la politique de l'emploi.
Toutefois, cette liberté de choix est immédiatement restreinte
pour les personnes morales de droit public, à l'exclusion des
établissements publics à caractère industriel et
commercial, dont les personnels ne relèvent pas d'un statut de droit
public : celles-ci ne peuvent conclure que des contrats à durée
déterminée. Il s'agit, par cette interdiction, de ne pas
contourner les règles régissant les recrutements dans les
fonctions publiques, afin de ne pas tomber sous le coup d'une
inconstitutionnalité, à laquelle on n'est d'ailleurs pas
sûr que le projet de loi échappera puisque les emplois liés
aux missions de l'Etat, même sous forme de CDD, ne
bénéficient pas des garanties offertes par les concours.
Enfin, le troisième alinéa dispose que les services de l'Etat ne
peuvent recourir, pour les mêmes raisons que précédemment,
à ce type d'emploi, interdiction d'ailleurs immédiatement
contredite, sous la fiction juridique de la personnalité morale
indépendante des établissements d'enseignement, par les propos du
ministre de l'Education nationale annonçant un plan de recrutement de
40.000 jeunes.
De ce dispositif, il ressort que ces contrats sont régis par le code du
travail, c'est-à-dire que le contentieux relèvera des
Prud'hommes, que les conventions et accords collectifs lorsqu'ils existeront
s'appliqueront, de même que les mécanismes de
représentation des salariés, que l'inspection du travail aura
vocation à intervenir ou encore que ces emplois seront assujettis aux
prélèvements de droit commun, y compris aux cotisations de
chômage et donc ouvriront droit, au terme des cinq ans, aux allocations
de chômage. Sur ce point, un doute demeure : les collectivités
locales devront-elles cotiser pour l'ensemble de leurs emplois contractuels de
droit privé, ou seulement pour cette seule catégorie d'emploi
(comme cela est déjà prévu pour les CES, les CEC et le
contrat d'apprentissage) ? Une autre solution consisterait à ne pas
cotiser, mais alors la collectivité devrait elle-même verser les
éventuelles allocations de chômage. La logique voudrait cependant
que les collectivités locales puissent cotiser pour ces seuls emplois,
dont la parenté avec les CES et les CEC (dont les emplois-ville) est
renforcée par le basculement possible de ces dispositifs dans les
emplois-jeunes. Le point est d'importance pour garantir le succès du
dispositif.
Par ailleurs, une certaine ambiguïté demeure quant à la
définition du champ d'application du code du travail ; dans une grande
collectivité territoriale, on voit mal cinquante jeunes embauchés
dans le cadre du présent texte réclamer la création d'un
comité d'entreprise ; leur représentation se fera sûrement
par l'intermédiaire des structures existantes. Des ajustements seront
donc nécessaires qui, au travers de l'expérience des CES, ne
semblent pas poser de problèmes particuliers.
Sur ce paragraphe, votre commission vous propose
trois
amendements
.
Le premier, qui réécrit les deuxième et troisième
phrases du premier alinéa, est essentiellement d'ordre
rédactionnel. Il précise aussi, pour ne pas entrer dans le
débat de la réduction du temps de travail, sans cependant en
exclure la possibilité, que la durée du travail est celle
habituellement pratiquée dans l'organisme employeur. Ces emplois ne se
singulariseront donc pas par rapport aux autres emplois et il n'y aura pas de
problème d'horaires en cas de transfert de l'activité vers le
secteur privé.
Le deuxième amendement est de coordination avec le troisième : il
supprime une disposition reprise dans un alinéa ajouté
après le premier alinéa. Le troisième amendement se
justifie par le fait qu'il paraît difficile d'imposer un niveau de
rémunération aux employeurs alors qu'il s'agit d'une
activité émergente souvent expérimentale. Cette
intégration aux grilles de classification doit se faire
spontanément, et au plus tard lors de la pérennisation de
l'activité. L'amendement a donc pour conséquence d'inviter les
partenaires sociaux à négocier les avenants nécessaires,
lorsque les conventions n'y font pas référence.
Pour ce qui concerne une éventuelle pérennisation de l'emploi
dans la fonction publique territoriale, la question de la classification est
résolue par le niveau du concours. Il n'est donc pas nécessaire
d'y faire ici référence.
Le
paragraphe II
de l'article L. 322-4-20 précise le
régime juridique des contrats à durée
déterminée mentionnés au I.
Leur durée, aux termes du premier alinéa, est de soixante mois,
soit cinq ans, c'est-à-dire la durée annoncée de l'aide de
l'Etat.
Le deuxième alinéa précise que la période d'essai
est d'un mois, renouvelable une fois (amendement de l'Assemblée
nationale).
Mais la novation la plus intéressante, qui attirera sans doute
l'attention des entreprises du secteur privé, est la possibilité,
dérogatoire du droit commun du CDD, prévue au troisième
alinéa, de rompre ce contrat chaque année, à sa date
anniversaire, à l'initiative du salarié, moyennant un
préavis de deux semaines, ou à celle d'employeur, s'il justifie
d'une cause réelle et sérieuse. La question est évidemment
de savoir ce qu'il faut entendre par cause réelle et sérieuse. Il
peut s'agir naturellement d'une cause liée à la personne du
salarié (il ne s'agit cependant pas de la faute lourde, plutôt
d'une insuffisance ou d'une inaptitude) mais plus probablement à
l'activité, à son intérêt ou à son
succès. La jurisprudence en la matière est abondante et
l'interprétation finale reposera sur le juge du contrat.
En cas de rupture de contrat telle que prévue ci-dessus, la
procédure de licenciement des articles L. 122-6 (mode de
calcul des délais-congés) et L. 122-14 (procédure
d'information du salarié qui peut se faire assister lors de l'entretien)
du code du travail s'applique. Le quatrième alinéa, où
figurent ces précisions, fixe également la procédure de
notification de la rupture, par lettre recommandée avec accusé de
réception, qui s'inspire de façon succincte de celle de
l'article L. 122-14-1. Il précise également le point de
départ des délais-congés.
Le cinquième alinéa, totalement réécrit par
l'Assemblée nationale, précise le mode de calcul de
l'indemnité perçue par le salarié en cas de rupture de son
contrat pour cause réelle et sérieuse. Il s'agit de
l'indemnité de précarité définie à
l'article L. 122-3-4, calculée sur le base d'un taux minimum
de 6 % et fonction de la rémunération perçue. Il a
cependant été précisé par l'Assemblée
nationale que l'indemnité ne pouvait dépasser un montant
équivalent aux dix-huit derniers mois de salaire. En revanche, aucune
indemnité n'est due, contrairement aux contrats à durée
déterminée de droit commun, au terme normal du contrat, ce qui
est logique puisqu'il s'agit d'un contrat intervenant dans le cadre de la
politique de l'emploi.
Par ailleurs (alinéa 6), l'Assemblée nationale a
précisé qu'en cas de rupture avant terme, quelle qu'en soit la
cause, l'employeur pouvait procéder à une nouvelle embauche pour
la durée restant à courir de la convention, et donc de l'aide.
Enfin, le septième alinéa prévoit qu'en cas de
méconnaissance par l'employeur des dispositions relatives à la
rupture du contrat et, ajout de l'Assemblée nationale, si la rupture du
contrat intervient à la suite de la dénonciation par le
préfet de la convention pour non-respect des clauses, le salarié
a droit à des dommages et intérêts. Ceux-ci ne sont pas
calculés comme le prévoit l'article L. 122-3-8 pour les
contrats à durée déterminée de droit commun sur la
base du temps restant à courir, mais en fonction du préjudice
subi, ce qui sera peut-être difficile à déterminer.
Le
paragraphe III
, ajouté par l'Assemblée nationale,
prévoit de permettre une suspension du contrat à la demande du
salarié, avec l'accord de l'employeur, pour effectuer une période
d'essai chez un autre employeur en réponse à une offre d'emploi
non aidée. La rupture du contrat emploi-jeune est de droit sans
préavis en cas d'embauche.
Votre commission vous propose sur ce point un
amendement
visant à
supprimer l'accord de l'employeur. En effet, l'accord de l'employeur rend
inutile cette disposition puisque les deux parties peuvent toujours
décider d'un commun accord de suspendre un contrat.
Votre commission vous demande
d'adopter cet article ainsi modifié.
Article additionnel après
l'article L. 322-4-20 du code du travail
Migration
accélérée des activités créées vers
le secteur marchand
(Art L. 322-4-21 nouveau du code du travail)
Cet article additionnel est composé de deux
alinéas ; il a pour objectif d'organiser une migration anticipée
des activités développées dans le cadre du secteur
non-marchand vers le secteur marchand dès que l'activité semble
viable au regard des exigences du secteur privé.
Le premier alinéa prévoit que les comités
départementaux de la formation professionnelle, de la promotion sociale
et de l'emploi (CODEF) mentionnés à l'article L. 910-1 du code du
travail procèdent chaque année à une évaluation des
emplois créés dans le cadre des conventions mentionnées
à l'article L. 322-4-18 et se prononcent sur l'opportunité d'un
transfert de l'activité au secteur marchand.
Il s'agit en fait de faire basculer les activités du secteur
non-marchand vers le secteur marchand dès que possible et sans attendre
le terme des cinq ans comme prévu initialement. Cette migration
anticipée répond au souci de favoriser une pérennisation
dans le secteur privé, le secteur non marchand se voyant ainsi confier
une simple fonction de " pépinière d'activité ".
Ce mécanisme d'évaluation annuelle présente
également l'avantage de réduire l'incertitude sur la sortie du
dispositif au terme des cinq ans.
Le second alinéa prévoit que les CODEF peuvent recommander au
préfet un transfert de l'activité au secteur marchand. Cette
recommandation laisse la possibilité au préfet de mettre un terme
à l'aide de l'Etat prévu à l'article L. 322-4-18.
La suppression de l'aide permet d'encourager fortement le transfert de
l'activité au secteur marchand.
Votre commission vous demande de bien vouloir
adopter le présent
article additionnel
.
Article additionnel après l'article L. 322-4-20 du code du
travail
Aide de l'Etat aux entreprises ayant repris des activités
développées dans le secteur non-marchand
(Art. L. 322-4-22
nouveau du code du travail)
Cet article additionnel au code du travail prévoit que
lorsque l'activité est transférée au secteur marchand en
application du mécanisme de l'article précédent, le
préfet peut attribuer à l'entreprise "repreneuse" une aide pour
la durée restant à courir dans le cadre des cinq ans.
Cette aide a pour objectif de permettre une migration de l'activité vers
le secteur privé le plus tôt possible, alors même que la
rentabilité du projet serait encore fragile. Son montant, fixé
par décret, serait sans doute inférieur à l'aide
accordée à l'emploi-jeune. Cette disposition permettrait donc
d'économiser des fonds publics et de lutter contre la concurrence
déloyale pratiquée par certaines associations à l'encontre
des entreprises.
Votre commission vous demande de bien vouloir
adopter le présent
article additionnel
.
Article additionnel avant l'article premier bis
Aides
du fonds paritaire d'intervention en faveur de l'emploi
Votre commission a prévu une possibilité de
participation du fonds paritaire d'intervention en faveur de l'emploi
prévu par les articles 1 et 2 de la loi n° 96-126 du 21
février 1996 au financement des postes d'encadrement pour que les
salaires proposés à ces cadres soient plus en rapport avec leurs
qualifications, cette aide est limitée aux personnels recrutés
précédemment bénéficiaires de l'allocation de
remplacement pour l'emploi (ARPE).
Il s'agit de favoriser l'utilisation des compétences de ces travailleurs
expérimentés au service de la structuration de ces nouvelles
activités en fonction des critères d'exigence du secteur
privé. Cette disposition a également pour objectif d'assurer une
meilleure formation des jeunes à travers un véritable encadrement.
Le second alinéa prévoit que ce même fonds pourrait aider
financièrement les entreprises qui auraient repris avant le terme des
cinq ans, les activités développées dans le secteur non
marchand. Cette aide aurait pour objet d'asseoir le développement de ces
activités dans le secteur privé alors que leur rentabilité
pourrait être encore fragile.
Votre commission vous propose
d'adopter cet article additionnel ainsi que
l'ensemble de l'article premier du projet de loi.
Article additionnel avant l'article premier
bis
Information des institutions représentatives du personnel sur
l'exécution des contrats emplois-consolidés
Cet article reprend une disposition supprimée à
l'article L. 322-4-18 du code du travail examiné ci-dessus.
Il s'agit de prévoir une information des instances
représentatives du personnel sur l'exécution des conventions
conclues pour les contrats emplois-consolidés. Cette disposition avait
été introduite par l'Assemblée nationale, à
l'article L. 322-4-18 sur les emplois jeunes. Il est préférable
de la faire figurer, par analogie avec ce qui est fait pour les CES, dans
l'article traitant des emplois consolidés, c'est-à-dire l'article
L. 322-4-8-1 du code du travail.
Votre commission vous propose
d'adopter en conséquence un amendement
créant cet article additionnel.
Article premier bis
Possibilité de cumuler un
contrat emploi solidarité avec un autre emploi
Cet article additionnel a été
inséré dans le projet de loi par un amendement proposé par
la commission saisie au fond à l'Assemblée nationale, avec
l'accord du Gouvernement. Il répond à une demande ancienne de
nombreux organismes qui se consacrent à l'insertion et vise à
autoriser le cumul d'un CES, contrat à mi-temps, avec une autre
activité rémunérée dès lors que l'employeur
n'est pas le même et relève du secteur privé défini
par l'obligation d'assurance contre la privation d'emploi (art. L. 351-4 et
L. 351-12, 3° et 4°). Une disposition analogue devait figurer
dans le projet de loi de lutte contre l'exclusion dont l'examen a
été abandonné à la suite de la dissolution de
l'Assemblée nationale.
Les arguments retenus sont de plusieurs ordres. Il s'agit de faciliter
l'insertion de la personne dans un emploi marchand, d'éviter que le
temps libre ne soit consacré à travailler au noir (le temps libre
devait à l'origine du CES être consacré à une
formation, rarement suivie dans les faits), d'éviter aussi, l'argument
est nouveau, de voir la plupart des CES basculer dans les emplois-jeunes. Un
débat s'est instauré à l'Assemblée nationale pour
savoir si seuls les jeunes devaient bénéficier de cette
possibilité et qu'elle devrait être la durée de ce cumul.
Le texte final concerne tous les bénéficiaires et la
durée, fixée par décret, doit être limitée,
le ministre ayant indiqué sa préférence pour trois mois,
justifiée par son intention de réserver les CES aux personnes les
plus en difficulté, qui ne pourraient donc véritablement tirer
profit de ce cumul qu'en fin de parcours.
Le cumul d'un CES avec un emploi jeune est interdit par le texte.
Votre commission approuve cette démarche et vous demande
d'adopter
l'article sans modification.
Article premier ter
Obligation d'emploi de
travailleurs handicapés
L'article premier ter a pour objet d'appliquer
expressément l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés
pour un minimum de 6 % des effectifs aux employeurs partie prenante au
dispositif emplois-jeunes.
Cette obligation était déjà prévue, Mme Martine
Aubry ayant précisé que " l'ensemble du code du travail
s'applique aux emplois-jeunes ". Toutefois, M. Rogemont avait tenu
à faire adopter son amendement par la commission des affaires
familiales. En séance, M. Rogemont ayant retiré son amendement
devant les explications du ministre, celui-ci a été repris par
M. René Couanau avant d'être adopté par
l'Assemblée nationale.
Votre commission a adopté un
amendement
ayant pour objet de
réparer une erreur matérielle dans la référence au
code du travail (art L. 322-4-19 au lieu de L. 322-4-1).
Votre commission vous propose
d'adopter cet article ainsi modifié.
Article premier quater
Information des jeunes par les
missions locales et les permanences d'accueil, d'information et
d'orientation
Le présent article a pour objet de permettre aux
employeurs du dispositif " emplois-jeunes " de recourir aux
missions
locales pour l'emploi et aux permanences d'accueil, d'information et
d'orientation. Cette précision n'était pas juridiquement
nécessaire, de nombreux députés l'ont d'ailleurs
considéré comme inutile ; elle a pour objectif de donner toute
leur place à des structures spécialisées dans l'insertion
des jeunes. Le rapporteur s'est rallié à cet amendement
extérieur à la commission des affaires familiales après
que le ministre s'en fut remis à la sagesse de l'Assemblée.
Votre commission vous propose
d'adopter cet article sans modification
.
Article premier quinquies
Aide à la
création d'entreprises par les jeunes
(Art. L. 351-14 du code du
travail)
Cet article additionnel, inséré dans le projet
de loi à la suite de l'adoption d'un amendement du Gouvernement
inspiré par la commission saisie au fond, vise à faciliter la
création d'entreprise par les jeunes. Il reprend des dispositions
existantes résultant de la suppression progressive de l'aide aux
chômeurs créateurs et repreneurs d'entreprise (ACCRE) et
prévoyant pour les demandeurs d'emploi indemnisés, ou non
indemnisés mais inscrits six mois à l'ANPE, ou encore les
bénéficiaires du RMI, le maintien de l'affiliation à la
sécurité sociale et l'exonération de cotisations
prévus aux articles L. 161-1 et L. 161-1-1 du code de la
sécurité sociale.
Il est donc proposé par le
paragraphe I
de cet article d'ouvrir
le bénéfice de l'aide aux jeunes remplissant les mêmes
conditions que pour bénéficier du dispositif emplois-jeunes ou
à ceux qui sortiraient du dispositif à la suite de la rupture de
leur contrat.
Le
paragraphe II
prévoit que les jeunes puissent
bénéficier d'une aide de l'Etat qui pourrait prendre la forme
d'une avance remboursable.
Le
paragraphe IV
prévoit que l'aide de l'Etat puisse
également porter sur des actions de suivi et d'accompagnement,
organisées avant et après la création ou la reprise de
l'entreprise et pendant trois ans.
Le Gouvernement tire ainsi les leçons de l'étude récente
de la DARES (août 1997) montrant que les aides de l'Etat favorisaient un
investissement personnel plus important dans la préparation du projet.
Les
paragraphes III et V
sont de coordination.
Votre commission constate que ce dispositif va dans le sens du transfert des
activités vers le secteur marchand qu'elle-même préconise.
En conséquence, sous réserve d'un
amendement
rédactionnel qui corrige en outre une erreur matérielle, elle
vous demande
d'adopter cet article ainsi modifié
.
Article premier sexies
Imputation de l'aide
départementale sur les crédits d'insertion du RMI
(Art. 38-1
nouveau de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988)
Sur proposition du Gouvernement, l'Assemblée nationale
a adopté un article additionnel permettant aux départements
d'imputer sur les crédits d'insertion du RMI l'aide qu'ils apportent
à la création d'emplois-jeunes au profit de
bénéficiaires du RMI.
Cette aide est limitée à un an et ne peut excéder le
cinquième de l'aide forfaitaire de l'Etat soit un peu plus de 18.000
francs, ce qui d'après le ministre, correspond à ce qui est
versé en moyenne (3.800 francs par an) par le département pendant
cinq ans pour l'insertion d'un bénéficiaire. Cette aide peut
naturellement être inférieure. L'article n'exclut pas non plus que
le département puisse intervenir autrement que par des aides
imputées sur les crédits d'insertion du RMI.
Votre commission vous propose
d'adopter cet article sans modification.
Votre commission vous propose
d'adopter cet article.
Art. 2
(Art. 36 nouveau de la loi n° 95-73 du 21
janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la
sécurité)
Emplois d'adjoints de sécurité
Cet article est relatif au volet du dispositif des
" emplois-jeunes " consacré aux emplois de
sécurité relevant des missions régaliennes de l'Etat. En
insérant un article 36 nouveau dans la loi n° 95-73 du 21 janvier
1995 d'orientation et de programmation relative à la
sécurité, il constitue une disposition dérogatoire au
principe posé à l'article premier, selon lequel les contrats de
travail afférents aux " emplois-jeunes " ne peuvent être
conclus par les services de l'Etat.
L'exposé des motifs du projet de loi souligne en effet que la
sécurité quotidienne des citoyens est de la responsabilité
de l'Etat et qu'il lui appartient donc de prendre en charge directement
certaines activités présentant des caractères
spécifiques qui ne sauraient être confiées à
d'autres employeurs.
Le premier alinéa de l'article 36 nouveau de la loi du 21 janvier 1995
prévoit en conséquence que l'Etat peut recruter des jeunes
âgés de dix-huit à moins de vingt-six ans pour
développer des activités répondant à des besoins
non satisfaits dans le domaine de la sécurité. Les personnes
ainsi recrutées ont la qualité d'agents contractuels de droit
public et la durée de leur contrat est de cinq ans au plus, sans
possibilité de renouvellement. Ils exercent des missions
d'" adjoints de sécurité " auprès des
fonctionnaires des services actifs de la police nationale.
Le deuxième alinéa du même article dispose que ces adjoints
de sécurité, leurs conjoints et leurs enfants
bénéficient de la protection juridique de l'Etat accordée
par l'article 20 de la loi du 21 janvier 1995 aux fonctionnaires de la police
nationale lorsqu'ils subissent, à l'occasion ou du fait de leurs
missions ou de leurs fonctions, un préjudice corporel, matériel
ou moral, ou sont victimes de menaces, violences, voies de fait, injures,
diffamations ou outrages, et lorsqu'ils sont poursuivis par un tiers pour faute
de service (protection prévue par l'article 11 de la loi n° 83-634
du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires).
Le troisième alinéa prévoit enfin qu'un décret en
Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent
article et définit notamment les missions des adjoints de
sécurité ainsi que les conditions d'évaluation des
activités concernées.
L'exposé des motifs précise par ailleurs que ces
activités, initiées ou soutenues par l'Etat à travers la
mise en place des emplois de proximité, devront faire l'objet d'une
articulation étroite avec les contrats locaux de sécurité,
signés entre le préfet et le maire, qui seront l'outil
privilégié de la mise en oeuvre du partenariat entre l'Etat et
les acteurs locaux.
La commission des affaires sociales du Sénat a décidé de
repousser par
amendement
la limite d'âge pour l'embauche des
adjoints de sécurité de moins de 26 ans à 30 ans, sans
autre condition restrictive, afin de permettre aux services de police de
recruter des collaborateurs qualifiés dans les domaines de la police
scientifique et de l'informatique qui auraient pu être exclus par une
limite d'âge à 26 ans.
Votre commission vous propose
d'adopter cet article ainsi amendé.
Article additionnel avant l'article 2 bis
Emplois
d'adjoints d'éducation et d'adjoints de justice
Cet article additionnel qui crée les emplois d'adjoints
d'éducation et d'adjoints de justice comprend deux alinéas
La commission a décider de s'inspirer du régime des adjoints de
sécurité pour créer des adjoints d'éducation et des
adjoints de justice recrutés par des contrats de droit public et
rémunérés à 100 % par le budget
général de l'Etat.
La commission aurait préférer que des besoins en effectifs dans
ces administrations soient pourvus par des redéploiements de personnels
titulaires à l'intérieur des ministères ou entre
ministères, voire par des recrutements de titulaires. Elle ne peut en
tout état de cause cautionner le fait que des emplois qui participent
à des missions aux coeur de la responsabilité de l'Etat, comme
l'éducation et la justice, soient exercées par des agents qui ne
relèveraient pas du droit public. Par conséquent, elle propose
d'adopter la solution moyenne du contrat de droit public de cinq ans non
renouvelable financé à 100 % par l'Etat.
Cette formule a l'avantage de limiter le mélange des genres
opéré par le projet de loi. La commission considère en
effet que les emplois relatifs à l'éducation dans des structures
de droit public ne sont ni une activité émergente, ni un besoin
non satisfait mais seulement la conséquence d'une évolution des
besoins du service public de l'Education nationale. Les mêmes remarques
s'appliquent avec d'autant plus d'acuité pour les emplois dans le
domaine de la justice.
Ces jeunes pourraient être âgés de dix-huit à trente
ans lors de leur embauche sans exigence particulière d'absence
d'activités professionnelles antérieures.
Le second alinéa de l'article prévoit qu'un décret en
Conseil d'Etat fixe les modalités d'application et définit
notamment les missions des adjoints d'éducation et des adjoints de
justice, ainsi que les conditions d'évaluation des activités
concernées.
Votre commission vous propose
d'adopter cet article additionnel
.
Art. 2 bis
Modalités d'application du
dispositif emplois-jeunes dans les départements d'outre-mer et à
Saint-Pierre-et-Miquelon
Cet article, adopté par l'Assemblée nationale,
à l'initiative de M. Tamaya, député de La
Réunion, tend à prévoir des mesures spécifiques
pour l'application de la présente loi.
La référence au taux de chômage vise sans doute à
inciter à proportionner l'aide à l'ampleur des difficultés
de l'emploi. Cette aide pourrait transiter par le fonds pour l'emploi dans les
départements d'outre-mer et la collectivité territoriale de
Saint-Pierre-et-Miquelon, créé par la loi n° 94-638 du
25 juillet 1994, dite loi " Perben ". Une enveloppe de
300 millions a déjà été annoncée par le
ministre.
Toutefois, votre commission vous propose un
amendement
qui reprend une
rédaction inspirée de la rédaction de l'article 51 de la
loi du 1er décembre 1988 relative au RMI, qui ne préjuge pas
de la façon dont les mesures spécifiques seront prises et
appliquées.
Elle vous demande
d'adopter cet article ainsi modifié
.
Art. 3
Rapport au Parlement
Cet article prévoit la présentation au
Parlement, avant le 31 décembre 1998, d'un rapport au Gouvernement
dressant le bilan de l'application de la loi et analysant ses effets sur
l'emploi des jeunes et sa contribution à la satisfaction des besoins
à couvrir.
Sur proposition de sa commission, l'Assemblée nationale a adopté
à cet article plusieurs amendements ayant pour objet :
- de préciser que le rapport devrait analyser les effets de la loi
sur l'emploi et non pas seulement sur l'emploi des jeunes ; qu'il devait
évaluer également l'impact du dispositif sur la création
d'entreprises par les jeunes ;
- de préciser que le rapport devra permettre de vérifier que
les emplois créés en application de la loi résultent
d'initiatives locales dans la proportion d'au moins trois quarts ;
- de prévoir que le Gouvernement devra présenter au
Parlement avant le 31 décembre 1998 un ensemble de dispositions de
nature à encourager les jeunes à s'orienter vers les
métiers.
Votre commission vous propose
d'adopter cet article sans modification.
Article additionnel après l'article
3
Développement de l'apprentissage dans le secteur public
Votre commission des affaires sociales a introduit par
amendement un article additionnel qui reprend mot pour mot le texte qu'elle
avait adopté le 16 avril 1997 après l'examen de la proposition de
loi adoptée par l'Assemblée nationale relative à la
promotion de l'apprentissage dans le secteur public.
Il s'agissait en particulier de développer ce mode de formation
très qualifiant par la création d'une indemnité
forfaitaire d'aide à la formation dont le montant serait fixé par
un décret ; le principe de cette aide avait été
adopté à l'unanimité par votre commission.
Ce texte permettait également qu'une partie de la formation pratique
soit assurée en partenariat avec une entreprise ou une autre personne
morale de droit public. Cette dernière disposition serait tout à
fait utile dans le cadre de l'apprentissage aux nouveaux métiers
prévus par le texte du gouvernement pour favoriser une migration de
l'activité vers le secteur privé.
Votre commission vous propose
d'adopter cet article additionnel
.
*
Sous réserve de ses observations et de ses amendements, votre commission des affaires sociales vous propose d'adopter le présent projet de loi.
ANNEXE
ÉTUDE D'IMPACT
1°)
Situation actuelle
Deux chiffres permettent de mener l'importance des difficultés
d'accès à l'emploi des jeunes :
- 670.000 jeunes entrent chaque année sur le marché du
travail,
- le nombre des demandeurs d'emploi de moins de 25 ans, avoisine les
600.000 (données corrigées des variations saisonnières).
Les politiques d'insertion engagées à leur intention par les
pouvoirs publics reposent sur les dispositifs suivants :
Dans le secteur marchand :
- des mesures associant embauche et formation :
. l'apprentissage
. les contrats d'insertion en alternance (contrat de qualification,
contrat d'adaptation, contrat d'orientation)
- des mesures visant l'accès direct à l'emploi
. le contrat initiative emploi (CIE)
Dans le secteur non marchand :
- des contrats aidés ayant pour objectif l'insertion des publics en
difficulté
. les contrats emploi solidarité (CES)
. les contrats emploi consolidés (CEC)
. les emplois ville.
Le tableau joint en annexe récapitule des différents
éléments relatifs aux dispositifs d'insertion dans le secteur non
marchand (descriptif de la mesure, public jeune visé, niveau d'aide pour
l'employeur, nombre de jeunes concernés en 1996, ...).
2°)
Problèmes rencontrés
Malgré des résultats positifs (le nombre de jeunes demandeurs
d'emploi a, en tendance, significativement diminué depuis le niveau
maximal atteint en 1984), plusieurs éléments montrent une
détérioration dans la période récente des
conditions d'entrée dans la vie active :
* une augmentation de la proportion des jeunes sans emploi plusieurs mois
ou plusieurs années après leur sortie du système
éducatif (cette évolution touche notamment les jeunes
diplômés, dont les chances d'accéder à un emploi
restant cependant supérieures à celles des jeunes sortis sans
qualification du système scolaire),
* une plus grande précarité des emplois offerts aux jeunes
(80 % des embauches de jeunes se font sur des contrats à
durée déterminée dont la moyenne est de quelques mois) ;
* une diminution continue du nombre de jeunes actifs occupés :
à peine plus d'un jeune sur quatre est actif aujourd'hui, contre
près d'un jeune sur deux il y a vingt ans, une évolution qui
place la France loin derrière l'Allemagne (52 %) ou le Royaume-Uni (63
%).
3°)
Motifs à l'origine du projet de loi et dispositif
proposé
Ces éléments sont la conséquence d'un contexte
économique et social marqué par une insuffisance des
créations d'emploi.
Le projet de loi retient donc pour objectif d'engager un programme ambitieux de
création d'emplois supplémentaires pour les jeunes :
3.1 - En développant des activités répondant à
des besoins non satisfaits ou émergents :
L'option prise est de répondre aux besoins que le marché et les
services publics ne satisfont pas.
Il est ainsi prévu d'apporter une aide forfaitaire, correspondant
à 80 % du SMIC, pour le développement de ces nouvelles
activités créatrices d'emploi pour les jeunes. Le recensement des
besoins, des activités et des emplois correspondants a été
confié à des personnalités qualifiées, associant
les différents ministères intéressés.
Les grands domaines de création et de développement
d'activité sont : les services aux personnes, les activités
liées à l'environnement et au traitement des déchets, les
activités liées au développement culturel et aux nouvelles
technologies de communication, les activités liées à la
justice et au monde judiciaire, les activités liées à la
sécurité et la prévention de la délinquance, les
activités liées à l'éducation nationale et
périscolaires liées au temps de l'enfant, les activités
liées aux logements, les activités liées à la
jeunesse et aux sports, les activités liées au transport, etc.
3.2 - Dans le domaine de la sécurité, en complétant les
activités développées dans le cadre
précédent avec les acteurs locaux par le recrutement d'adjoints
de sécurité auprès de la police nationale
Le recrutement par la police nationale de ces jeunes adjoints de
sécurité, pour mettre en oeuvre des activités de
sécurité qui ne peuvent être réalisées en
faisant appel aux employeurs éligibles au dispositif
général, s'inscrit dans le cadre d'ensemble de la création
de 35.000 emplois de proximité pour la sécurité. Comme les
emplois pris en charge en partenariat avec des collectivités locales et
des associations, ces emplois d'adjoints de sécurité au sein de
la police nationale permettront de développer la sécurité
des lieux publics, les relations avec la population et notamment avec les
victimes, et la prévention de la délinquance au sens large.
Ces activités seront définies dans le cadre des futurs Contrats
locaux de sécurité.
4°)
Impact des modifications législatives
proposées
4.1 - Emploi
Le projet de loi a pour objectif direct et immédiat la création
d'emplois nouveaux et supplémentaires, l'objectif étant à
terme de 350.000 emplois dans le secteur non-marchand. Les créations
attendues à ce stade, pour 1997 et 1998, sont les suivantes :
Mesure |
1997 |
1998 |
Développement d'activités pour l'emploi des jeunes |
50.000 |
100.000 |
Ces prévisions correspondent à ces
créations nettes d'emploi. En effet, les options retenues dans le projet
de loi, et les conditions prévues pour sa mise en oeuvre (cahier des
charges, examen des projets de développement d'activités
nouvelles pour les jeunes, après réponse aux appels d'offre, par
des commissions dans lesquelles les organisations professionnelles sont
représentées), font obstacle à une substitution à
des emplois existants.
4.2 - Insertion des jeunes
Les effets positifs du dispositif sur l'insertion professionnelle des jeunes
devraient être constatés sans délais. Il convient de plus
de souligner :
* le caractère durable des emplois ainsi créés ;
l'aide de l'Etat, apportée pour une durée de cinq ans, assure aux
jeunes une situation stable sur cette période ;
* l'inscription de cette mesure dans une logique de professionnalisation
et de qualification, ce qui favorisera la pérennisation des
activités, et renforcera, en tout état de cause, les
possibilités d'insertion ultérieure des jeunes dans le secteur
marchand.
La mesure n'est pas ciblée sur les seuls jeunes en grande
difficulté. Le risque d'une concurrence ou d'un effet d'éviction
vis-à-vis de ce public devra être limité :
* les dispositifs actuels d'aide à l'emploi non marchand seront
maintenus : ils sont en effet le support le plus adapté pour des
périodes d'activités plus courtes entrant dans le cadre de
parcours d'insertion ;
* l'intervention des agences locales pour l'emploi et des missions locales
dans le processus de recrutement leur permettra d'orienter vers les embauches
suscitées par le dispositif les jeunes qu'elles accueillent ;
* les jeunes actuellement en CES pourront être embauchés dans
le cadre de nouveau dispositif.
4.3 - Incidences financières
Le coût budgétaire du projet de loi, comprenant la participation
de l'Etat pour la rémunération et des aides à
l'ingénierie des projets, est estimé à :
Mesure |
1997 |
1998 |
Développement d'activités pour l'emploi des jeunes |
2 milliards de francs (Décret d'avance) |
Chiffrage définitif à arrêter dans le projet de loi de finances |
à quoi il convient d'ajouter les crédits
consacrés par la police nationale aux adjoints de sécurité.
4.4 - Incidences administratives
*
Le projet de loi prévoit une évaluation du dispositif,
après un an de mise en oeuvre. Les résultats de cette
évaluation devraient permettre d'apprécier l'opportunité
d'une simplification des dispositifs d'aide à l'emploi non marchand
(maintien ou non des emplois ville en particulier).
* La mise en place de ces activités pour les jeunes s'inscrira dans
une logique administrative différente des méthodes retenues
jusqu'à présent pour les contrats aidés : la
démarche d'appel à projet. Elle s'appuiera sur la
négociation et la formalisation avec les partenaires locaux des projets
ayant les incidences les plus significatives en terme d'emploi des jeunes.
Le niveau local (bassin d'emploi, arrondissement, agglomération, ...)
sera retenu pour l'animation du programme, et pour la détection des
activités et des porteurs de projets.
Les différentes composantes du service public de l'emploi (services
déconcentrés du travail, de l'emploi et de la formation
professionnelle, ANPE, AFPA) interviendront sous l'autorité du
préfet.
Les décrets d'application prévoiront les procédures de
contrôle des conventions entre l'Etat et les employeurs.
Les programmes de formations proposés aux agents des services
déconcentrés comportent des actions centrées sur ces
nouvelles méthodes d'intervention administratives (conduites de projet,
...), qui pourront être renforcées.
Les interrelations avec ce mode d'intervention administrative et la
globalisation des crédits devront être recherchées.
LES CONTRATS AIDÉS DANS LE SECTEUR NON MARCHAND : CES, CEC, EMPLOIS DE VILLE, CONTRATS D'INITIATIVE LOCALE
|
Contrat emploi-solidarité
|
Contrat emploi-consolidé
|
Emploi de ville
|
Contrat d'initiative locale
|
Employeurs |
- Collectivités territoriales
|
|||
Activités |
Développement d'activités correspondant à des besoins collectifs non satisfaits |
|||
Publics |
- Chômeurs de longue
durée
|
Personnes sortant de CES et qui
à l'entrée en
CES étaient publics prioritaires :
|
Jeunes âgés de 18 à moins de 26 ans résidant dans les grands ensembles et quartiers d'habitat dégradés rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi et ayant au plus achevé un second cycle de l'enseignement secondaire général, technologie ou professionnel (niveau bac) |
- bénéficiaires
du RMI
|
Accès direct |
Oui |
Non : passage préalable par un CES obligatoire |
Oui |
Oui |
Durée du contrat |
3 à 12 mois, renouvelables pour les publics prioritaires jusqu'à 24 mois |
CDD d'un an renouvelable jusqu'à 5 ans ou CDI |
Idem |
|
Durée du travail |
Fixée par le décret, 20 heures par semaine |
Non fixée par le décret, au minimum 16 heures par semaine |
Au minimum 30 heures |
|
Taux de prise en charge par l'Etat |
- 85 % (CLD, Rmistes,
handicapés)
|
- dégressif : de
60 % à 20 % sur
5 ans
|
Selon le choix de
l'employeur :
|
Constant : 50 % sur 5 ans |
Assiette de prise en charge |
- pour les taux de 65 ou
85 %, calcul sur la
rémunération seule
|
Calcul sur le coût
afférent à l'embauche
(**) pour une rémunération plafonnée à 120 %
du SMIC et 30 heures hebdomadaires
|
Idem |
|
Exonérations |
Exonération de toutes les charges patronales sauf assurance-chômage |
Exonérations de toutes les charges patronales sauf assurance-chômage, retraite complémentaire, FNAL, versement transport |
Idem |
|
Aide à la formation |
Financement de 22 F par heure de formation dans la limite de 400 heures |
Financement de
22 F
par heure de formation dans la limite
de 400 heures par bénéficiaire
|
Idem |
|
Volume |
570.000 entrées arbitrées pour 1996 (500.000 en 1997) |
20.000 entrées nouvelles budgétées en 1996 (s'ajoutant aux renouvellements de conventions signées les années précédentes) |
25.000 entrées nouvelles par an pendant 4 ans, y compris 1996 |
60.000 entrées par an pour atteindre 300.000 contrats en 5 ans ? |
*) La prise en charge couvre alors le
montant de la rémunération et de l'assurance-chômage, seule
charge due par l'employeur.
(**) Soit le montant de la rémunération auquel
s'ajoutent les charges sociales non exonérées restant dues par
l'employeur (assurance-chômage, FNAL, retraite complémentaire,
versement transports).