avis n° 24 - Projet de loi autorisant la ratification sur la base de l'article K.3 du traité de l'Union européenne portant création d'un Office européen de police .
M. Paul MASSON
Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale
Table des matières
-
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
- I. UN INSTRUMENT DE COOPÉRATION POLICIÈRE EUROPÉENNE MARQUÉ PAR LA RECHERCHE D'UN COMPROMIS ENTRE DES CONCEPTIONS DIFFICILEMENT CONCILIABLES
- II. LA CONVENTION EUROPOL (PROJET DE LOI N° 363) SOULÈVE PLUS DE QUESTIONS QUE D'OBJECTIONS JURIDIQUES PROPREMENT DITES
- III. LE PROTOCOLE SUR LA COUR DE JUSTICE (PROJET DE LOI N° 364) INSTITUE UNE COMPÉTENCE OPTIONNELLE PRÉSERVANT LE LIBRE CHOIX DES ÉTATS MEMBRES
- IV. EN DÉPIT D'INCERTITUDES QUANT À L'EVOLUTION FUTURE D'EUROPOL, VOTRE COMMISSION DES LOIS N'A PAS CONSTATÉ D'OBSTACLE JURIDIQUE À L'ADOPTION DES DEUX PROJETS DE LOI N° 363 ET 364.
N° 24
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 9 octobre 1997
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du Règlement et
d'administration générale (1) sur :
-
le projet de loi autorisant la
ratification
de la
convention
sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union
européenne portant
création
d'un
Office
européen de police
(
ensemble une annexe et quatre
déclarations
),
-
le projet de loi autorisant la
ratification
du
protocole
établi sur la base de l'article K. 3 du
traité sur l'Union européenne concernant
l'
interprétation
,
à titre préjudiciel,
par
la
Cour de justice des Communautés
européennes
,
de la convention portant création
d'un
office européen de police
,
Par M. Paul MASSON,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Jacques Larché,
président
;
René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, Charles
Jolibois, Robert Pagès, Georges Othily,
vice-présidents
;
Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson,
secrétaires
; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert
Badinter, José Balarello, François Blaizot, André Bohl,
Christian Bonnet, Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel
Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli,
Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Jean Derian, Michel
Dreyfus-Schmidt, Michel Duffour, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault,
Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel
Millaud, Jean-Claude Peyronnet, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre
Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich, Robert-Paul Vigouroux.
Voir les numéros
:
Sénat
:
363
,
364
et
430
(1996-1997).
Traités et conventions.
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
Réunie le 9 octobre 1997 sous la présidence
de M. Jacques Larché, président, votre commission des Lois a
procédé, sur le rapport de M. Paul Masson, à l'examen pour
avis des deux projets de loi (n° 363 et 364) portant autorisation de
ratifier :
- la convention sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union
européenne portant création d'un office européen de police
(Europol)
- le protocole complémentaire concernant l'interprétation
à titre préjudiciel, par la cour de justice des
communautés européennes, de la convention portant création
d'Europol.
· Le dispositif Europol s'inscrit dans le cadre du troisième
pilier de l'Union européenne (Justice et Affaires intérieures),
fondé sur une coopération intergouvernementale où les
décisions sont prises à l'unanimité des Etats membres.
Europol est une centrale d'information chargée de recueillir et de
rediffuser auprès des polices des Etats membres des données
relatives à certaines formes de criminalité sévissant de
manière organisée sur le territoire d'au moins deux Etats membres.
A partir du réseau informatisé d'échanges d'informations,
Europol procédera en outre à des analyses et fournira aux polices
des renseignements stratégiques leur permettant d'orienter leurs
enquêtes. Europol assistera également les Etats membres dans la
formation des policiers, notamment aux méthodes de police scientifiques
et techniques.
Europol sera néanmoins dépourvue de capacités
opérationnelles et ne disposera d'aucun pouvoir hiérarchique ou
de tutelle sur les polices des Etats membres.
· La convention sur la compétence de la cour de justice,
adoptée sur la base de l'article K.3 du traité de
Maastricht, a pour objet essentiel de reconnaître aux juridictions
nationales le pouvoir de saisir cette cour par la voie de questions
préjudicielles sur l'interprétation de la convention Europol.
Pour la France, seules les juridictions suprêmes (Conseil d'Etat et Cour
de cassation) seraient admises à user de cette procédure
lorsqu'elles l'estimeront nécessaire.
· Le rapporteur a souligné que si d'un point de vue juridique,
ces deux conventions ne paraissaient pas soulever d'objection
particulière, la France devrait néanmoins demeurer très
vigilante sur les modalités concrètes de leur mise en oeuvre,
afin de prévenir toutes les dérives que peut susciter un
dispositif policier qui ne serait pas suffisamment contrôlé.
Plus globalement, la commission a estimé souhaitable que le Gouvernement
accorde une attention soutenue et vigilante à la coopération
policière européenne, et que le ministre de l'intérieur y
exerce un rôle central, tant au stade des négociations que dans la
mise en oeuvre concrète des dispositifs.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des Lois n'a
pas relevé d'obstacle juridique à l'approbation des deux projets
de loi n° 363 et 364.
Mesdames, Messieurs,
L'article K.1-9° du Traité sur l'Union européenne
inclut "
la coopération policière en vue de la
prévention et de la lutte contre le terrorisme, le trafic illicite de
drogue et d'autres formes graves de criminalité
internationale
" parmi les "
questions d'intérêt
commun
" concourant à la réalisation des objectifs de
l'Union, notamment la libre circulation des personnes.
Selon le même article, cette coopération se poursuit "
en
liaison avec l'organisation à l'échelle de l'Union d'un
système d'échanges d'informations au sein d'un Office
européen de police (Europol)
".
Les deux conventions dont le Parlement est aujourd'hui invité à
autoriser la ratification ont pour objet de concrétiser cette
stipulation.
La première convention (projet de loi n° 363) porte
création d'un Office européen de police, désigné
Europol. Sont rattachées à cet engagement européen, d'une
part une annexe énumérant différentes formes graves de
criminalité dont Europol pourrait traiter selon les procédures
prévues par la convention, d'autre part des déclarations
formulées par plusieurs Etats membres.
La seconde convention (projet de loi n° 364) -en fait, un protocole
établi sur la base de l'article K.3 du Traité sur l'Union
européenne- concerne l'interprétation à titre
préjudiciel, par la Cour de justice des Communautés
européennes, de la convention créant Europol.
I. UN INSTRUMENT DE COOPÉRATION POLICIÈRE EUROPÉENNE MARQUÉ PAR LA RECHERCHE D'UN COMPROMIS ENTRE DES CONCEPTIONS DIFFICILEMENT CONCILIABLES
Votre rapporteur a eu maintes fois l'occasion de souligner
l'importance essentielle de la coopération policière
internationale comme instrument de lutte contre une criminalité qui,
depuis longtemps, sait tirer le meilleur parti de toutes les
opportunités qu'offre la libre circulation des personnes et des capitaux.
A cet égard, il faut saluer la capacité d'adaptation des
polices -française et étrangères- car elles ont
d'elles-mêmes initié des procédures d'échange
d'informations qui, à l'expérience, ont montré leur
efficacité. Ces initiatives ont amorcé depuis une quinzaine
d'années un ensemble de réflexions intergouvernementales ou
communautaires dans le droit fil desquelles s'inscrit Europol.
L'idée d'Europol a pris forme en 1989 à la suite des travaux du
groupe informel " Trevi 3 ", compétent dans le domaine de la
lutte contre la grande criminalité et le trafic des
stupéfiants
1(
*
)
.
Deux ans plus tard, le Conseil européen des 28 et 29 juin 1991 à
Luxembourg a donné son accord à la proposition allemande de
créer une structure européenne compétente dans la lutte
contre le trafic international des drogues et le crime organisé.
Il en résultera la constitution d'un groupe de travail dit
"
groupe ad hoc Europol
" chargé de
réfléchir à la mise en place d'une Unité Drogues
Europol (UDE), dans l'attente de la conclusion d'une convention plus globale
entre Etats membres. L'UDE a d'ailleurs vocation à disparaître
lorsque débutera l'activité d'Europol, ainsi que le stipule
explicitement l'article 45 de la convention annexée au projet de loi
n° 363.
Par-delà l'accord des Etats sur le principe d'une structure de
coopération policière dans le cadre de l'Union européenne,
le Conseil de Luxembourg a cependant révélé
l'ambiguïté du projet Europol, tenant à des conceptions
fondamentalement différentes des fonctions et de l'organisation de cette
structure.
Certains Etats -les Pays-Bas, notamment- ont dès le départ
conçu Europol comme une instance devant être régie par les
mécanismes du droit communautaire, caractérisés par la
décision à la majorité et par le pouvoir d'intervention de
la Commission de Bruxelles.
D'autres -dont la France- ont au contraire toujours considéré que
les affaires intérieures, en particulier les problèmes de police,
relevaient de la souveraineté de chaque Etat et qu'en
conséquence, toutes les décisions devraient être prises,
non pas selon les règles communautaires, mais à
l'unanimité dans un cadre strictement intergouvernemental.
Dans le même temps, certains Etats -l'Allemagne fédérale,
en particulier- auraient souhaité doter Europol de compétences
opérationnelles la plaçant, vis-à-vis des Etats membres,
dans une position assez comparable à celle du BKA allemand
(Bundeskriminalamt) vis-à-vis des Länder. Cette approche, au
demeurant bien compréhensible de la part d'un Etat
fédéral, revenait à créer une sorte de " FBI
européen ".
Pour la France, en revanche, Europol doit demeurer une simple centrale
d'échange d'informations, à laquelle les polices nationales
s'adressent par l'intermédiaire de leurs officiers de liaison. Dans ce
système, chaque Etat conserve la plénitude exclusive de ses
compétences opérationnelles.
Ces logiques différentes
, dont votre rapporteur avait
déjà souligné les implications dans un rapport
d'information présenté le 15 mars 1995 au nom de la
délégation du Sénat pour l'Union européenne,
ont
rendu les négociations très difficiles
, au point que le
projet Europol, régulièrement évoqué lors des
Conseils européens depuis 1991, n'a pu être finalisé que le
26 juillet 1995.
Dans l'ensemble, la France a finalement obtenu satisfaction sur les points
essentiels
: quoiqu'intégrée dans le système
institutionnel de l'Union européenne -ainsi que le prévoyait le
Traité de Maastricht-
Europol ne disposera pas de compétences
opérationnelles et demeurera globalement soumise aux règles de la
coopération intergouvernementale.
La Commission européenne, bien qu'invitée aux travaux du Conseil
d'administration d'Europol, ne participera pas aux votes. Le Parlement
européen sera, selon le cas, informé de l'activité
d'Europol ou consulté sur d'éventuelles modifications de la
convention, mais ne sera pas associé au processus décisionnel. De
même, le contrôle des comptes d'Europol ne sera pas confié
à la Cour des comptes des communautés européennes, comme
il avait été initialement envisagé, mais à un
Comité de contrôle commun émanant de cette cour, lequel
devra présenter un rapport au Conseil selon les règles
prévues dans le cadre du troisième pilier (Titre VI du
Traité sur l'Union européenne).
Encore convient-il de souligner que ce compromis n'a été
obtenu qu'au prix de ce qu'il faut bien considérer comme un
véritable " impasse ",
puisque les négociateurs ne
sont pas parvenus à une position commune sur les compétences
susceptibles d'être reconnues à la Cour de justice des
communautés européennes.
Là encore, " l'option communautaire " -qui aurait conduit
à attribuer à la cour de Luxembourg la plénitude du
contentieux de l'interprétation et de l'application de la convention
Europol- se révélait inconciliable avec " l'option
intergouvernementale " selon laquelle ce type de litiges ne pouvait
être réglé que de commun accord entre les Etats.
Il faudra donc attendre encore une année pour que les
négociateurs parviennent à élaborer un dispositif
conçu pour préserver les compétences des Etats sans,
cependant, tenir la Cour de justice totalement à l'écart du
système Europol.
Cet accord complémentaire, désigné
"
Protocole
", a été signé à
Bruxelles le 24 juillet 1996 et figure en annexe du projet de loi
n° 364. Il instaure une compétence optionnelle de la Cour de
justice dont l'étendue est librement acceptée par les Etats
membres sur la base de déclarations annexées au protocole
lui-même.
II. LA CONVENTION EUROPOL (PROJET DE LOI N° 363) SOULÈVE PLUS DE QUESTIONS QUE D'OBJECTIONS JURIDIQUES PROPREMENT DITES
Votre rapporteur pour avis ne croit pas nécessaire de
procéder à une présentation exhaustive des structures et
des règles de fonctionnement d'Europol, telles qu'elles résultent
de la convention du 26 juillet 1995 annexée au projet de loi n°
363. Il renvoie, sur ce point, au rapport très complet
présenté au nom de la commission des Affaires
étrangères par notre excellent collègue, M. Nicolas
About.
Dans leur ensemble, ces structures et ces règles garantissent les droits
des Etats et des personnes et, comme telles, n'appellent pas d'objections
d'ordre juridique.
Mais la France devra rester vigilante sur les évolutions possibles
d'Europol, car faute d'un contrôle suffisant par les Etats membres, le
système pourrait donner lieu à certaines dérives.
A. DU POINT DE VUE JURIDIQUE, LE DISPOSITIF EUROPOL N'APPELLE PAS D'OBJECTION MAJEURE
· Europol ne sera pas une " super-police
européenne " devant se substituer aux polices des Etats membres ou
exercer sur elles une tutelle quelconque.
La mission d'Europol sera uniquement de centraliser et de diffuser aux polices
des Etats membres, par l'intermédiaire des officiers de liaison, des
informations auxquelles chacune d'entre elles donnera les suites qu'elle jugera
opportunes.
De même, la compétence d'Europol ne s'étend pas à
tous les domaines de l'activité policière, ni à toutes les
formes de criminalité ou à toutes les infractions susceptibles
d'être commises sur le territoire des Etats membres.
En effet, "
dans un premier temps
" -pour reprendre
la
formulation de l'article 2, paragraphe 2, de la convention- l'intervention
d'Europol est limitée à seulement cinq formes de
criminalité (le trafic de stupéfiants, le trafic de
matières nucléaires et radioactives, les filières
d'immigration clandestine, la traite des êtres humains et le trafic de
véhicules volés) et à la double condition ;
- que ces infractions soient le fait d'une structure ou d'une organisation
criminelle ;
- que deux Etats membres ou plus soient affectés par ces formes de
criminalité d'une manière telle qu'au vu de l'ampleur, de la
gravité et des conséquences des infractions en question, une
action commune des Etats membres s'impose.
A terme, le champ d'intervention d'Europol devrait être assez
sensiblement étendu.
L'article 2, paragraphe 2, de la Convention stipule en effet qu'au plus tard
deux ans après l'entrée en vigueur de ladite convention, Europol
sera également compétente pour les activités de
terrorisme. En outre, le Conseil, statuant à l'unanimité, pourra
faire entrer dans le champ d'intervention d'Europol tout ou partie d'une longue
liste d'infractions énumérées dans une annexe à la
Convention (homicides volontaires, coups et blessures graves,
enlèvements et prises d'otages, faits de racisme et de
xénophobie, contrefaçons et piratages de produits, faux
monnayage, criminalité informatique, trafic de substances hormonales et
autres facteurs de croissance, etc.).
D'autre part, la Convention stipule que la compétence d'Europol pour une
forme de criminalité emporte compétence pour les infractions
connexes (c'est-à-dire les infractions commises pour préparer ou
perpétrer les actes principaux ou s'en assurer l'impunité) ainsi
que pour le blanchiment de l'argent lié à ces formes de
criminalité.
L'échange d'informations entre Europol et les polices des Etats membres
s'effectuera par l'intermédiaire des officiers de liaison envoyés
auprès d'Europol par leur unité nationale, définie comme
"
seul organe de liaison entre Europol et les services nationaux
compétents
".
Dans tous les cas,
Europol ne disposant pas de compétences
opérationnelles,
l'initiative juridique et l'exercice des pouvoirs
d'enquête sur les faits signalés resteront de la seule
compétence des polices des Etats concernés, selon leur
législation praticable propre.
Sur le plan juridique, rien ne permet donc de penser que ce schéma
puisse donner lieu à des dérives de nature à
empiéter sur les prérogatives souveraines des Etats.
·
Sur le plan institutionnel, l'opinion intergouvernementale
défendue par la France a finalement prévalu.
Europol sera administrée par un Conseil d'administration composé
d'un représentant de chaque Etat membre, présidé par le
représentant de l'Etat exerçant la présidence du Conseil
des ministres et dont la plupart des décisions devront être prises
à l'unanimité.
De même, le directeur d'Europol et les directeurs adjoints seront
nommés par le Conseil statuant à l'unanimité sur avis du
Conseil d'administration.
Comme le stipule l'article 28, paragraphe 4, de la convention du
26 juillet 1995, la Commission européenne sera invitée
aux réunions du conseil d'administration mais elle ne prendra pas part
aux votes.
Là encore, ces stipulations s'inscrivent dans le schéma
général du troisième pilier de l'Union européenne.
·
Sur le plan juridique, le système de traitement informatique
des données gérées par Europol assure un niveau
satisfaisant de protection, tant pour les Etats que pour les personnes.
La convention du 26 juillet 1995 accorde une attention toute
particulière au système d'information Europol (au point de lui
consacrer 19 articles, soit près de la moitié des 42
articles de cette convention).
Le système doit enregistrer "
les données
nécessaires à l'accomplissement des fonctions
d'Europol
" (article 8, paragraphe 1). Il sera alimenté :
- d'une part, par Europol elle-même à partir d'informations
collectées auprès d'Etats non membres de l'Union
européenne ou après d'autres " instances " (pour
reprendre la terminologie de la convention) comme, notamment, Interpol ou le
Système d'Information Schengen (SIS) ;
- d'autre part, par les Etats membres par l'intermédiaire de leur
unité nationale et de leurs officiers de liaison.
Le système d'information Europol a deux finalités bien distinctes
:
- l'enregistrement de signalements (de personnes, de faits ou d'objets), dont
les unités nationales pourront prendre connaissance pour les besoins
d'une enquête déterminée ;
- l'établissement de "
fichiers d'analyse
"
créés "
dans le but d'appuyer l'enquête
criminelle
".
Ces fichiers d'analyse constituent sans doute un des aspects les plus novateurs
du système Europol, puisqu'ils ont pour fonction de détecter des
menées criminelles et d'élaborer des schémas
d'enquête à partir du recoupement informatisé des
informations très diverses introduites dans les fichiers, selon des
organigrammes préétablis par des analystes spécialement
recrutés à cet effet.
Le système d'information Europol est entouré de garanties
destinées à sauvegarder à la fois la
sécurité des Etats et celle des personnes.
D'après les indications obtenues par votre rapporteur pour avis
auprès des représentants du ministère de
l'Intérieur, il apparaît tout d'abord que les fichiers d'Europol
ne pourront pas être mis en connexion physique avec d'autres fichiers
informatiques.
D'autre part, la convention Europol comporte un ensemble de stipulations
précises en vue de concilier la nécessaire confidentialité
des informations contenues dans les fichiers (ces informations
intéressant la sécurité des Etats) et la non moins
nécessaire protection des personnes contre les risques liés
à l'enregistrement informatique de données nominatives. Sur ce
point, les formules retenues pour Europol sont assez analogues à celles
mises en oeuvre dans le Système d'information Schengen.
A cet effet, l'article 19 de la convention institue un "
droit
d'accès
" permettant à toute personne
"
d'accéder aux données la concernant ou de les faire
vérifier
". Ce droit s'exerce gratuitement, "
dans le
respect du droit de l'Etat membre auprès duquel elle le fait
valoir
".
L'article 20 stipule que si ces données sont entachées d'erreurs
ou si leur introduction ou leur stockage sont contraires aux dispositions de la
convention, Europol est tenu de les rectifier ou de les effacer.
L'article 24 de la Convention institue enfin une Autorité de
contrôle commune (ACC) chargée de surveiller l'activité
d'Europol afin de s'assurer que le stockage, le traitement et l'utilisation des
données dont dispose Europol ne portent pas atteinte au droit des
personnes. Cette autorité apparaît comme l'homologue pour Europol
de l'Autorité de contrôle établie par la Convention de
Schengen pour contrôler le Système d'information Schengen.
L'ACC se compose au maximum de deux représentants de chaque
autorité nationale -pour la France, la Commission nationale de
l'informatique et des libertés- chaque délégation
disposant d'une voix. L'ACC désigne en son sein son président
ainsi qu'un comité d'appel composé d'un membre de chaque
délégation, chargé de statuer sur les recours
formulés contre les décisions de l'Autorité commune.
Votre rapporteur a relevé que dans son rapport au nom de la commission
des Affaires étrangères, M. Nicolas About fait observer que le
droit d'accès aux fichiers d'Europol pourra être exercé
indifféremment dans n'importe quel Etat membre et que chez certains de
nos partenaires, l'accès est direct alors qu'en France, le droit
d'accès aux fichiers informatiques intéressant la
sécurité publique s'exerce de manière indirecte, par
l'intermédiaire de la CNIL (article 39 de la loi du 6 janvier 1978
relative aux fichiers, à l'informatique et aux libertés).
L'accès indirect représente une garantie pour les Etats car s'il
convient de préserver en tout état de cause la possibilité
de rectifier des données inexactes susceptibles d'atteindre aux droits
des personnes, il peut aussi se révéler nécessaire, pour
la sécurité et l'efficacité de l'enquête, de ne pas
divulguer aux demandeurs la nature et l'ampleur des informations les concernant
(les soupçons pesant sur un individu, par exemple, où les
éléments de preuve déjà réunis contre lui).
En pareil cas, il est simplement délivré à
l'intéressé un document attestant que la vérification des
données le concernant a permis de constater que les informations en
cause ne sont pas entachées d'erreur et qu'elles n'ont pas
été enregistrées en contravention avec la
législation.
De fait, l'accès direct d'un demandeur à toutes les
données informatiques le concernant n'offre pas aux Etats qui
l'admettent un niveau de sécurité équivalent même
si, en pratique, la consultation de ces données brutes par un non
spécialiste ne lui fournit qu'une indication très approximative.
Quoi qu'il en soit, interrogés à ce sujet par votre rapporteur,
les représentants du ministère de l'Intérieur n'ont pas
jugé que l'accès direct -à supposer qu'il trouve
réellement à s'exercer- pouvait constituer un réel danger
pour la sécurité des enquêtes. Ils ont par ailleurs
souligné que les droits des Etats étaient pleinement
préservés par l'article 19 de la convention, dès lors
qu'ils seraient invités avant toute communication à faire
connaître leur position, "
ce qui peut aller jusqu'à refus
de communication
".
En pareil cas, Europol notifiera au requérant
" qu'il a
procédé aux vérifications sans donner d'indications qui
puissent lui révéler s'il est ou non connu
".
Globalement, et
sur un plan juridique, l'architecture générale
et les règles de fonctionnement du système d'information Europol
ne s'exposent donc à aucune critique rédhibitoire.
B. AU DÉLÀ DU TEXTE MÊME DE LA CONVENTION, EUROPOL SUSCITE CEPENDANT PLUSIEURS INTERROGATIONS
·
La première de ces interrogations tient
à l'influence réelle que la France pourra -et voudra- exercer au
sein d'Europol.
Alors que les négociations étaient encore en cours, votre
rapporteur, dans son rapport d'information du 15 mars 1995,
précité, émettait un certain nombre d'observations et de
recommandations, non pas sur le principe même du renforcement de la
coopération policière européenne, mais sur l'insuffisante
prise en compte de cette question par les autorités françaises.
Il constatait, en particulier, que la direction de la structure provisoire
d'Europol ne comportait aucun Français, situation d'autant plus
regrettable que la France était, après l'Allemagne
fédérale, le deuxième contributeur au budget d'Europol,
avec 17,9 % des contributions. Par comparaison, avec une contribution
financière de seulement 0,2 %, le Luxembourg dispose d'un poste
d'adjoint au sein de l'équipe de direction.
Force est de reconnaître que cette situation n'a pas
évolué, si ce n'est que la contribution française a
légèrement augmenté dans l'intervalle (18,2 %).
L'équipe de direction désignée en 1995 était
composée d'un Allemand, d'un Belge, d'un Luxembourgeois, d'un Italien et
d'un Britannique, les quatre premiers analystes recrutés pour
l'élaboration du système d'information étant britanniques
ou hollandais. Désignée pour trois ans, cette équipe doit
très prochainement être renouvelée. Or, d'après les
indications recueillies par votre rapporteur, il semble que le coordinateur
allemand doive être reconduit dans ses fonctions, rien n'assurant par
ailleurs qu'un Français puisse obtenir un des quatre postes de
directeur-adjoint.
A défaut d'une vigilance de tous les instants et d'une présence
suffisante, l'influence de la France dans les instances de coopération
policière risque fort de céder le pas à d'autres Etats, en
particulier nos partenaires d'Europe du Nord qui accordent une très
grande attention à cet aspect de la construction européenne.
On note, à cet égard, l'influence décisive que les
Pays-Bas semblent d'ores-et-déjà vouloir exercer au sein
d'Europol, dont le siège est précisément établi
à La Haye.
Ce sujet a été évoqué tout récemment par
votre commission des Lois, lors de sa réunion du 1er octobre 1997,
à la suite d'une communication de notre excellent collègue, M.
Alex Türk, représentant du Sénat à la CNIL et
siégeant en cette qualité comme membre de l'Autorité de
contrôle commune Schengen ainsi qu'à l'Autorité de
contrôle provisoire d'Europol.
M. Alex Türk a ainsi indiqué que nos partenaires hollandais
insistaient pour installer l'Autorité de contrôle commune à
La Haye, donc dans la même ville que le siège d'Europol, qu'ils
revendiquaient à la fois la présidence de l'ACC et celle de son
Comité d'appel, de telle sorte qu'en définitive, l'ensemble du
système Europol passerait peu ou prou sous leur contrôle.
Cette attitude a de quoi susciter quelques inquiétudes, surtout venant
d'un pays dont la politique en matière de stupéfiants ne laisse
pas d'être préoccupante.
La question de l'influence ne se pose pas qu'en termes d'hommes mais se
retrouve aussi sur le plan des méthodes de travail d'Europol.
L'article 33 de la Convention stipule ainsi que dans ses rapports et ses
travaux, le Conseil d'administration utilise les langues officielles de l'Union
européenne. Pour autant, M. Alex Türk a dû s'élever
contre l'usage exclusif de l'anglais lors des travaux d'élaboration du
projet de Règlement intérieur de l'Autorité de
contrôle commune, travaux d'ailleurs conduits si précipitamment
qu'il a jugé nécessaire de saisir le ministre de
l'Intérieur pour l'inviter à refuser l'approbation de ce
Règlement lors de son examen par le Conseil des ministres.
Plusieurs éléments font également craindre qu'en
dépit de " l'intergouvernementalité " du dispositif
Europol, les conceptions françaises de la police et des méthodes
policières pourraient à terme être marginalisées au
profit de l'approche plus anglo-saxonne de nos partenaires d'Europe du Nord.
C'est ainsi, par exemple, que la pratique des " analyses "
empruntée au FBI américain, pourrait tôt ou tard remettre
en cause les procédés traditionnels d'enquête des policiers
français.
· En second lieu, votre rapporteur observe que
les mécanismes
de contrôle institués par la convention, satisfaisants d'un point
de vue théorique, pourraient en pratique se révéler assez
inefficaces si les Etats ne font pas preuve de toute la vigilance
nécessaire.
En pratique, la Convention aboutit en effet à une véritable
concentration des pouvoirs réels au sein d'Europol entre les mains du
directeur général. L'article 29 lui confie une
responsabilité générale d'exécution des
tâches confiées à Europol, d'administration et de gestion
du personnel, ainsi que "
d'élaboration et d'exécution
adéquate
" des décisions du conseil d'administration.
Conformément à l'article 41 de la Convention, le directeur et les
agents d'Europol jouiront des privilèges et immunités
"
nécessaires à l'accomplissement de leurs
tâches
".
Le directeur sera, certes, responsable devant le Conseil d'administration
(article 19, paragraphe 4) et pourra, s'il y a lieu, être
révoqué par le Conseil des ministres statuant à la
majorité des deux tiers des voix des Etats membres après avis du
Conseil d'administration.
Mais dans un domaine aussi technique et complexe que l'activité
policière internationale, où il est difficile d'apprécier
la portée exacte et les implications précises de chaque
décision, ne doit-on pas craindre que cette responsabilité
demeure en fait très théorique ?
Rien ne garantit que le Conseil d'administration sera en mesure d'assurer le
contrôle effectif et un suivi permanent des décisions du directeur
général et de ses adjoints, du fait de sa composition, de sa
présidence tournante et de la faible périodicité des
réunions.
·
Reste enfin à s'interroger sur l'évolution possible
d'Europol dans le cadre rénové de l'Union européenne, tel
qu'il pourrait résulter du Traité d'Amsterdam signé le 2
octobre 1997, s'il est ratifié par les Etats membres.
Selon un nouvel article K2, paragraphe 2-b, dont l'insertion dans le
Traité sur l'Union européenne est prévue par le
Traité d'Amsterdam signé par les Etats membres le 2 octobre 1997,
le Conseil devrait en effet "
arrêter
", dans les
cinq
ans suivant la date d'entrée en vigueur du traité, "
des
mesures destinées à permettre à Europol de demander aux
autorités compétentes des Etats membres de mener et de coordonner
leurs enquêtes dans des affaires précises
"
2(
*
)
.
Les termes "
demander aux Etats
", tels qu'ils
figurent dans
la version finale en français, soulèvent
d'ores-et-déjà de réelles interrogations.
Faut-il donner à ce verbe "
demander
" l'acception d'
"
inviter
" ou celle de
"
prescrire
" ?
Pour ne pas empiéter sur la souveraineté des Etats, les
"
demandes
" d'Europol devraient en effet n'avoir
que le
caractère d'une simple invitation, à laquelle les
autorités nationales compétentes seraient libres de donner ou de
ne pas donner suite.
Mais les termes "
demander aux autorités
compétentes
" pourraient aussi être entendus comme une
prescription impérative à laquelle ces autorités seraient
tenues de déférer. Si telle était la portée de
cette nouvelle stipulation, Europol se verrait reconnaître un
véritable pouvoir hiérarchique sur les polices des Etats membres,
ce qui, dans le cas de la France, poserait un sérieux problème de
constitutionnalité.
Pour sa part, votre rapporteur est enclin à croire que plusieurs de nos
partenaires européens pencheront pour cette seconde
interprétation. Si tel n'était pas le cas, on voit d'ailleurs mal
pourquoi le Traité d'Amsterdam aurait stipulé que Conseil devra
"
arrêter
" des mesures particulières pour une
demande à laquelle les Etats ne seraient pas tenus de
déférer.
Toutes ces questions demeurent néanmoins en suspens et, dans
l'immédiat, le texte soumis à l'examen du Parlement n'encourt pas
de grief constitutionnel particulier.
III. LE PROTOCOLE SUR LA COUR DE JUSTICE (PROJET DE LOI N° 364) INSTITUE UNE COMPÉTENCE OPTIONNELLE PRÉSERVANT LE LIBRE CHOIX DES ÉTATS MEMBRES
·
Le compromis sur la Cour de justice
,
nécessaire pour permettre l'entrée en vigueur du dispositif
Europol,
trouve son fondement dans un article du Traité de Maastricht
qui n'avait pas été déclaré contraire à la
Constitution par le Conseil constitutionnel.
Ainsi qu'il a été dit, l'accord sur la Convention Europol
proprement dite n'a pu être obtenu qu'au prix d'une
" impasse ", puisque, comme le rappelle l'exposé des motifs
du
projet de loi n° 363, la question de la compétence de la Cour de
justice des communautés européennes (CJCE) n'avait pu faire
l'objet d'aucun accord jusqu'en 1995.
Après une année de nouvelles négociations, les Etats
membres sont finalement parvenus à une formule de compromis dont
l'étude d'impact réalisée par le Gouvernement sur le
projet de loi n° 364 résume parfaitement la philosophie :
"
il est apparu nécessaire de prévoir une
compétence de la Cour de justice des communautés
européennes à titre préjudiciel, tout en tenant compte de
la réticence de certains Etats à confier un rôle trop
étendu à la Cour dans le domaine de la Justice et des Affaires
intérieures
".
Votre rapporteur mesure assez l'ampleur de la difficulté à
laquelle les négociateurs de ce protocole étaient
confrontés, puisque la compétence attribuée à la
CJCE, même limitée, représente en soi un début de
communautarisation dans un domaine où des Etats comme la France
entendent s'en tenir à des mécanismes intergouvernementaux.
Pour autant,
cette intervention de la CJCE dans une matière relevant
du troisième pilier a été expressément admise par
l'article K. 3 du Traité de Maastricht ratifié par la France.
En effet, selon cet article, le Conseil peut établir dans les
matières relevant du troisième pilier des conventions dont il
recommande aux Etats membres l'adoption selon leurs règles
constitutionnelles propres, ces conventions pouvant "
prévoir
que la Cour de Justice est compétente pour interpréter leurs
dispositions et pour statuer sur tout différend concernant leur
application, selon les modalités qu'elles peuvent
préciser
".
Or, dans ses deux décisions sur le Traité de Maastricht, le
Conseil constitutionnel n'a pas formulé d'objection à l'encontre
de ce dispositif, qui peut donc être regardé, en l'état,
comme non contraire à notre Constitution.
Ce préalable admis, reste à s'interroger sur la teneur du
protocole soumis à l'examen du Parlement.
·
En France, la saisine à titre préjudiciel de la Cour
de justice dans les litiges concernant Europol serait réservée
aux juridictions suprêmes.
L'accord sur une procédure de règlement des différends
entre Etats portant sur l'interprétation ou l'application de la
convention n'a semble-t-il pas posé de difficulté majeure. Tous
les Etats membres -à l'exception du Royaume-Uni- ont accepté de
s'adresser à la Cour de justice à l'expiration d'un délai
de six mois si le litige n'a pu être réglé au sein du
Conseil statuant à l'unanimité.
En revanche, le problème du règlement des litiges opposant les
personnes à Europol s'est révélé nettement plus
complexe à résoudre, dès lors qu'il supposait de
ménager une procédure de renvoi à titre préjudiciel
à une juridiction commune qui, par définition, ne pouvait
être que la Cour de justice des communautés européennes. En
d'autres termes, il convenait d'introduire un certain degré de
communautaire dans le règlement de litiges nés d'un dispositif
intergouvernemental.
La solution proposée par la Convention consiste à instituer une
" compétence optionnelle " de la Cour de Justice, dont
l'étendue est librement acceptée par les Etats membres sur la
base de déclarations annexées au protocole lui-même.
Les litiges relèveront au premier chef des juridictions
nationales
et ne seront donc pas portés à titre principal
devant la juridiction communautaire.
L'article 38, paragraphe 1, de la Convention, stipule ainsi que les Etats
membres sont responsables, conformément à leur droit national
propre, de tout dommage causé à une personne, dans lequel
interviennent des données entachées d'erreur de droit ou de fait,
stockées ou traitées à Europol. L'article 39 stipule
pareillement que les autres litiges engageant la responsabilité
(contractuelle ou non-contractuelle) d'Europol relèveront de la
compétence des juridictions nationales compétentes pour
connaître de tels litiges.
En France, la responsabilité à raison du fonctionnement
d'Europol serait donc mise en uvre selon les procédures usuelles de la
responsabilité de l'Etat,
le plus souvent devant les juridictions
administratives ou, le cas échéant, devant les juridictions
judiciaires (en cas de voie de fait, par exemple).
Pour en assurer la mise en uvre homogène dans l'ensemble des Etats
membres,
cette dévolution de compétence aux juridictions
nationales est assortie d'une faculté de renvoi à titre
préjudiciel
leur permettant, si elles sont saisies d'une
difficulté d'interprétation de la convention, de s'adresser
à la Cour de justice lorsqu'elles estimeront qu'une décision sur
ce point est nécessaire pour rendre leur jugement.
Tel est précisément l'objet essentiel de la convention
du 24 juillet 1996 et, notamment, de son article 2, paragraphe
2-
b
. Sur la base des déclarations prévues par cet
article :
- le Royaume-Uni -et lui seul- a écarté tout recours à
titre préjudiciel à quelque niveau juridictionnel que ce soit.
L'article 3, paragraphe 2, lui permettra néanmoins de déposer des
mémoires dans toutes les affaires dont la CJCE sera saisie ;
- douze Etats membres ont admis que la Cour puisse être saisie par toutes
leurs juridictions nationales ;
- la France et l'Irlande ont déclaré réserver cette
faculté aux seules juridictions dont les décisions ne sont pas
susceptibles d'un recours juridictionnel en droit interne (en clair, pour la
France, le Conseil d'Etat et la Cour de cassation).
Dans l'exposé des motifs du projet de loi n° 364, le
Gouvernement précise que "
tout en reconnaissant la
compétence à titre préjudiciel de la Cour de justice pour
assurer une plus grande cohérence dans l'interprétation de la
convention, cette option présente l'avantage d'instaurer une
régulation des questions que les juridictions nationales pourraient
être amenées à poser
".
Avec cette formule, on peut penser qu'en pratique, le nombre des recours
préjudiciels demeurera limité.
Tout d'abord, la procédure est une simple faculté ouverte aux
juridictions nationales, et non une obligation. D'autre part, le choix par la
France de réserver cette faculté au Conseil d'Etat et à la
Cour de cassation permettra à ces juridictions suprêmes d'assurer
un filtre efficace et d'éviter ainsi l'inflation des questions à
titre préjudiciel.
IV. EN DÉPIT D'INCERTITUDES QUANT À L'EVOLUTION FUTURE D'EUROPOL, VOTRE COMMISSION DES LOIS N'A PAS CONSTATÉ D'OBSTACLE JURIDIQUE À L'ADOPTION DES DEUX PROJETS DE LOI N° 363 ET 364.
Comme souvent dans le processus de la construction
européenne, les questions évoquées dans le présent
avis portent moins sur les conventions elles-mêmes que sur la
manière dont elles seront mises en uvre après leur ratification
par l'ensemble des Etats membres.
Ces questions ne paraissent d'ailleurs pas sans réponse, pour peu que le
Gouvernement français -l'actuel comme ceux qui lui succéderont-
accordent une attention plus soutenue et plus concrète au
développement de la coopération policière
européenne.
De même conviendrait-il, dans un domaine qui relève de la
souveraineté nationale, que le Parlement puisse exercer un meilleur
contrôle sur le suivi par le Gouvernement du processus de
coopération policière et, plus généralement, de
tous les actes intervenant dans le cadre du troisième pilier de l'Union
européenne.
Mais pour l'heure, le texte définitif de la Convention Europol, tel
qu'il est soumis au Sénat, répond de manière globalement
acceptable aux principales objections juridiques qui pouvaient être
opposées aux différents avant-projets soumis à la
négociation. En définitive et pour l'essentiel, la règle
de l'unanimité et le schéma gouvernemental d'Europol ont
été respectés.
Pareillement, la Convention sur la compétence de la Cour de justice
n'appelle plus de critique juridique rédhibitoire et ne devrait pas,
dans la pratique, provoquer un afflux de questions à titre
préjudiciel. Ce compromis, dont le rejet par le Parlement
français compromettrait gravement l'aboutissement du projet Europol, ne
saurait être considéré comme un mécanisme de
communautarisation rampante de la coopération policière
européenne.
*
* *
Eu égard à l'avis favorable émis par la commission des Affaires étrangères saisie au fond et sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission des Lois n'a pas relevé dans les deux conventions soumises à son examen d'obstacle juridique à l'adoption des projets de loi n° 363 et 364.
1
Le " Groupe TREVI
3 ",
créé en 1986 pour traiter les problèmes de drogue, est un
des différents groupes techniques spécialisés de
coopération policière constitués à partir de 1975
dans le cadre de Conférence des ministres de l'Intérieur et de la
Justice, " Trevi 1 " abordant les problèmes de terrorisme et
" Trevi 2 " les problèmes de matériel et de formation
des personnels de police.
2
Texte définitif présenté à la
signature des Etas membres et transmis le 26 septembre 1997 par le ministre des
Affaires étrangères à la délégation du
Sénat pour l'Union européenne