Avis n° 51 Projet de loi adopté par l'Assemblée nationale relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs victimes
M. Jacques BIMBENET, Sénateur
Commission des Affaires sociales - Avis n° 51 - 1997-1998
Table des matières
- TRAVAUX DE LA COMMISSION
- EXPOSÉ GÉNÉRAL
- EXAMEN DES ARTICLES
-
TITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES AU SUIVI SOCIO-JUDICIAIRE -
Chapitre III
Dispositions modifiant le code de la santé publique-
Art. 6
(Art. L. 355-33 à L. 335-37 du code de la santé publique)
Mise en oeuvre du suivi socio-judiciaire -
Art. L. 355-33 du code de la santé publique
Désignation par le juge de l'application des peines d'un médecin coordonnateur -
Art. L. 355-34 du code de la santé publique
Communication des expertises au médecin traitant et justification du suivi du traitement -
Art. L. 355.35 du code de la santé publique
Levée de l'obligation du secret professionnel pour les médecins concourant à l'exécution du suivi socio-judiciaire -
Art. L. 355-36 du code de la santé publique
Prise en charge par l'Etat des dépenses d'intervention des médecins coordonnateurs -
Art. L. 355-37 du code de la santé publique
Renvoi à un décret en Conseil d'Etat
-
Art. 6
-
TITRE II
DISPOSITIONS AYANT POUR OBJET DE PRÉVENIR ET DE RÉPRIMER LES INFRACTIONS SEXUELLES, LES ATTEINTES À LA DIGNITÉ DE LA PERSONNE HUMAINE ET DE PROTÉGER LES MINEURS VICTIMES -
TITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES ET DE COORDINATION - AMENDEMENTS PRÉSENTÉS PAR LA COMMISSION
-
ANNEXE
AVIS DU CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MÉDECINS
N° 51
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 23 octobre 1997
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs victimes,
Par M. Jacques BIMBENET,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Jean-Pierre Fourcade,
président
; Jacques Bimbenet, Mme
Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Claude Huriet, Bernard Seillier,
Louis Souvet,
vice-présidents
; Jean Chérioux, Charles
Descours, Roland Huguet, Jacques Machet,
secrétaires
;
François Autain, Henri Belcour, Paul Blanc, Mmes Annick
Bocandé, Nicole Borvo, MM. Louis Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Francis
Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Philippe Darniche, Mme Dinah Derycke, M.
Jacques Dominati, Mme Joëlle Dusseau, MM. Alfred Foy, Serge Franchis,
Alain Gournac, André Jourdain, Jean-Pierre Lafond, Pierre Lagourgue,
Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain
,
Simon Loueckhote, Jean Madelain, Michel Manet, René Marquès,
Serge Mathieu, Georges Mazars, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin,
MM. Sosefo Makapé Papilio, André Pourny, Mme Gisèle
Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Martial Taugourdeau,
Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
202
,
228
et T.A.
9
.
Sénat
:
11
et
49
(1997-1998).
Droit pénal.
TRAVAUX DE LA COMMISSION
Réunie le jeudi 23 octobre 1997, sous la
présidence de
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
la
commission a tout d'abord procédé à
l'examen du rapport
pour avis
de
M. Jacques Bimbenet
sur le
projet de loi
n° 11
(1997-1998) relatif à la
prévention et
à la répression des infractions sexuelles
ainsi qu'à
la
protection des mineurs
victimes.
M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis
, a souligné que ce
projet de loi avait pour objet de répondre au problème angoissant
que posait la récidive de personnes appréhendées par la
justice après avoir commis des violences de nature sexuelle
dirigées en particulier contre les mineurs.
Il a précisé que l'évolution des techniques
médicales permettait d'espérer une prévention efficace
grâce à l'application simultanée de soins
psychothérapiques et médicamenteux.
Après avoir rappelé les principales caractéristiques du
tableau clinique de la pédophilie, qui est considérée par
l'Organisation mondiale de la santé (OMS) comme une maladie, il a
rappelé les dispositions du code pénal définissant et
sanctionnant les diverses infractions sexuelles.
Puis, il a fait état des statistiques diffusées par les services
de police et le ministère de la justice en précisant que
celles-ci ne permettaient sans doute pas de rendre compte de l'ensemble du
phénomène de la délinquance sexuelle.
Par ailleurs, il s'est interrogé sur l'augmentation des infractions
sexuelles constatée au cours des dix dernières années en
indiquant qu'elles pouvaient résulter d'une augmentation du nombre des
actes délictueux, d'une plus grande vigilance des autorités
judiciaires ou d'une moins grande réticence des victimes à porter
plainte.
Enfin, il a souligné que certains types d'infractions sexuelles
donnaient lieu à un taux de récidive élevé.
Après avoir évoqué les soins psychothérapiques et
les traitements antiandrogéniques qui seront appliqués aux
délinquants sexuels, il a indiqué que les traitements
médicamenteux soignaient les symptômes mais pas les causes de la
pédophilie et qu'ils pouvaient être inefficaces dans certaines
hypothèses.
Puis,
M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis
, a
présenté les dispositions du projet de loi relatives à la
peine de suivi socio-judiciaire en mettant l'accent sur les aspects
médicaux prévus dans le dispositif.
Il a montré que la séparation fonctionnelle entre un
médecin coordonnateur et un médecin traitant permettait d'assurer
un certain équilibre afin de garantir, dans certaines limites, les
principes du libre-choix du médecin par le malade, de la liberté
de choix thérapeutique du médecin traitant et du respect du
secret professionnel.
En conclusion, il a souligné que les mesures d'application du texte
devraient veiller à ce que le médecin coordonnateur, qui doit
jouer un rôle de référent, ne s'ingère pas dans les
choix du médecin traitant.
Enfin, il a appelé de ses voeux une revalorisation des expertises
psychiatriques à caractère judiciaire qui sont nécessaires
au bon fonctionnement du dispositif.
S'agissant du consentement aux soins demandé au condamné,
M. Claude Huriet
s'est demandé si le choix du terme
" accord " ne serait pas préférable dans la mesure
où la peine privative de liberté qui est prévue en cas de
refus du soin altère la liberté de choix. Constatant
l'augmentation des infractions sexuelles, il s'est interrogé sur
l'influence négative que pouvaient exercer les sollicitations
véhiculées à travers les messages suggestifs de certains
médias en particulier publicitaires.
M. François Autain
a souligné que le projet de loi
constituait un progrès mais a regretté l'absence de mesures
spécifiques pour les adultes victimes d'agression sexuelle. Il a
estimé en particulier que les femmes victimes de viol devraient
bénéficier d'une prise en charge à 100 % par la
sécurité sociale et que certaines des mesures prévues au
chapitre II du titre Ier du projet de loi relatives à la protection des
mineurs devraient être étendues aux femmes victimes de viol et
notamment les dispositions prévues en matière de prescription ou
de motivation d'un classement sans suite d'une plainte. Enfin, il s'est
interrogé sur la composition de la commission prévue à
l'article 32 bis pour la sortie d'une hospitalisation d'office.
Mme Joëlle Dusseau
a souligné l'importance des infractions
sexuelles commises à l'intérieur des familles en rappelant que le
service national d'accueil téléphonique pour l'enfance
maltraitée disposait de statistiques qui montraient que 67 % des
appels liés à une infraction sexuelle concernaient un acte
perpétré par la famille proche et mettant ainsi en
évidence l'importance de l'inceste. Elle a remarqué que le taux
de récidive des infractions sexuelles n'était pas
significativement élevé par rapport à d'autres types de
délits. Elle s'est interrogée sur les problèmes de
l'éventuelle suspension de l'autorité parentale et de
l'abrogation de l'obligation alimentaire à la demande de l'enfant
victime d'un acte d'inceste. Elle s'est prononcée en faveur de
l'extension aux frères et aux soeurs de la victime d'une agression
sexuelle de la mesure de prise en charge à 100 % par la
sécurité sociale.
En réponse
M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis
, a
souligné que si les cas de délinquance sexuelle connaissaient une
forte augmentation, cela pouvait être dû à la moindre
hésitation des victimes à porter plainte et à la plus
grande vigilance des juges en ce domaine.
M. François Autain
a souligné à cet égard
que les problèmes d'inceste au sein d'une famille n'étaient
évoqués publiquement que depuis quelques années.
M. Jean-Pierre Fourcade, président
, s'est interrogé sur
l'impact des moyens de communication modernes et a constaté que la
France avait une législation peu protectrice par rapport à
d'autres pays européens en matière de contrôle des messages
publicitaires à caractère pornographique.
Mme Joëlle Dusseau
a souligné que la délinquance
sexuelle ne pouvait pas être attribuée exclusivement à une
certaine libération des moeurs dans les médias en rappelant la
différence entre le fantasme et le passage à l'acte.
M. Claude Huriet
a estimé que l'utilité du texte serait
mise en question si, à l'issue de la peine de suivi socio-judiciaire, le
condamné se retrouvait plongé dans un environnement l'incitant
psychologiquement à récidiver.
M. André Jourdain
a considéré qu'il était
difficile de trancher entre les deux thèses qui insistent soit sur
l'environnement du délinquant soit sur le changement de comportement des
victimes.
M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis
, a souligné que le
nombre de plaintes déposées par les victimes avait nettement
augmenté au cours de ces dernières années tout en
remarquant que les cas d'inceste étaient très rarement
déclarés par les enfants.
Puis, la commission a procédé à l'examen des articles dont
elle avait souhaité plus particulièrement se saisir.
A l'article 6
(mise en oeuvre du suivi socio-judiciaire), elle a
adopté quatre amendements :
Le premier amendement (titre IX du livre III du code de la santé
publique) modifie l'intitulé du nouveau titre inséré dans
le code de la santé publique afin de viser la prévention des
infractions sexuelles pour les personnes condamnées à un suivi
socio-judiciaire.
Le deuxième amendement (article L. 355-33 du code de la santé
publique) tend à préciser que les médecins coordonnateurs
seront choisis parmi des psychiatres ou des médecins ayant suivi une
formation appropriée.
Le troisième amendement (article L. 355-34 du code de la santé
publique) précise que le médecin traitant pourra obtenir
communication, à sa demande, des expertises décidées par
le juge en cours d'exécution de la peine privative de liberté du
condamné.
Le quatrième amendement (article L. 355-35 du code de la santé
publique) prévoit que le secret médical ne pourra être
levé entre le médecin traitant et le juge d'application des
peines que pour transmettre une information relative à l'interruption du
traitement.
Puis,
à l'article 21
(prise en charge des soins dispensés
aux mineurs victimes d'infraction sexuelle), la commission a adopté un
amendement tendant à étendre la prise en charge à
100 % par la sécurité sociale pour les soins
consécutifs à des atteintes sexuelles, à l'ensemble des
mineurs de moins de 18 ans et non seulement aux mineurs de moins de 15 ans.
Enfin,
à l'article 32 bis
(sortie d'un établissement
psychiatrique d'une personne pénalement irresponsable), après un
large débat au cours duquel sont intervenus
MM. Jean-Pierre
Fourcade, président, Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis, Claude
Huriet, François Autain et Mme Joëlle Dusseau
, la
commission a adopté un amendement tendant à supprimer cet article
qui institue une nouvelle procédure de sortie des malades mentaux
hospitalisés d'office et déclarés irresponsables
pénalement de leurs actes.
Puis, la commission a émis
un avis favorable à l'adoption des
articles 6, 21 et 32 bis ainsi amendés
.
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Ce projet de loi a pour objet de répondre à l'angoissant
problème que pose à notre société la
récidive de personnes appréhendées par la justice pour
avoir commis des violences de nature sexuelle, dirigées en particulier
contre les enfants.
L'évolution des techniques médicales depuis le début des
années 70 permet d'espérer le succès d'une politique de
prévention fondée sur des dispositifs de suivi appropriés
se caractérisant notamment par l'application simultanée de soins
psychiatriques et de prescriptions médicamenteuses.
La mise au point d'un dispositif juridique cohérent a fait l'objet de
plusieurs études lancées à partir de
décembre
1993
: rapport de la
commission d'étude pour la prévention
de la récidive des criminels
installée par M. Pierre
Méhaignerie, alors Garde des Sceaux, et présidée par Mme
Marie-Elisabeth Cartier, professeur de droit pénal ; rapport de la
commission d'étude sur l'évaluation et l'expertise
psychiatrique des condamnés
mise en place le 24 novembre 1994 et
présidée par Mme Thérèse Lemperière,
professeur honoraire de psychiatrie ; rapport du groupe de travail sur le
traitement et le suivi médical des auteurs de délits et de
crimes sexuels
dont les rapporteurs étaient M. Claude Balier,
psychiatre des hôpitaux, Mme Claudine Parayre, médecin inspecteur
de la santé publique et Mme Colette Parpillon, directeur de
l'administration pénitentiaire.
Ces travaux ont débouché sur la présentation, le 29
janvier 1997, par M. Jacques Toubon, alors Garde des Sceaux, d'un
projet de
loi renforçant la prévention et la répression des
atteintes sexuelles commises sur les mineurs et les infractions portant
atteinte à la dignité de la personne
. Ce texte examiné
en commission à l'Assemblée nationale a été rendu
caduc par la dissolution de l'Assemblée nationale.
L'enjeu que représente la protection contre les actes les plus odieux
qui frappent les enfants, entériné sur le plan international par
le congrès des Nations-Unies de Stockholm (27 au 31 août 1996),
rendait impératif le dépôt d'un nouveau projet de loi de la
part du Gouvernement.
C'est pourquoi Mme Elisabeth Guigou a déposé, le 3 septembre
1997, un projet de loi
relatif à la prévention et à la
répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des
mineurs
qui reprend pour une très large part le texte
précédent.
Parce qu'elle a vocation à aborder l'ensemble des problèmes qui
concernent la famille et l'enfance et parce que ce projet de loi comprend un
volet consacré aux relations du corps médical avec la justice,
votre commission a souhaité émettre un avis sur les dispositions
de ce texte qui ont trait à la santé publique ou à la
sécurité sociale.
Avant d'examiner les aspects de ce projet de loi qui intéressent votre
commission, il convient de revenir sur la notion de délinquant sexuel et
la nature des thérapies applicables.
I. LES DIVERS ASPECTS DE LA DÉLINQUANCE SEXUELLE
Qualifiée de perversion dans le langage courant, la
pédophilie, c'est-à-dire l'attirance sexuelle envers les enfants
pré-pubères (de 13 ans ou plus jeunes) est
considérée comme un "
trouble sexuel
" du point
de vue psychiatrique.
La
Classification internationale des maladies
1(
*
)
publiée par l'Organisation mondiale de la
santé (OMS) classe la pédophilie parmi les
"
troubles de la préférence sexuelle "
: le
Manuel
diagnostique et statistique des troubles mentaux
2(
*
)
, publication de référence de
l'Association américaine de psychiatrie, distingue, au sein des troubles
sexuels, les "
dysfonctions sexuelles
" des troubles
de la
préférence sexuelle appelées
"
paraphilies
"
3(
*
)
parmi
lesquelles la pédophilie.
Il n'existe pas de tableau clinique définitif de la personnalité
des pédophiles. Le rapport du professeur Claude Balier distingue :
- les sujets très " carencés " sur le plan affectif
dont le psychisme est peu organisé et parfois assorti d'une
débilité intellectuelle ;
- les sujets fragiles dont le sentiment d'identité est mal assumé
et qui peuvent dans des situations " limites " recourir à
des
actes de violence, voire passer au meurtre dans le cadre d'une scène de
violence sexuelle ;
- les sujets stables, intelligents et organisés, souvent de mauvaise
foi, à l'origine de nombreux actes déviants mais commettant
rarement des meurtres.
Les typologies plus complexes présentées par certains psychiatres
ne semblent pas explicatives dans la mesure où elles sont trop
nombreuses et où un même pédophile peut appartenir
simultanément à plusieurs des catégories
prédéfinies.
La pédophilie correspond à un profil psychologique qui n'est pas
condamné en tant que tel par le code pénal : la pédophilie
n'est pas réprimée pour elle-même, mais pour les actes
criminels ou délictueux auxquels elle peut conduire. Ces infractions ne
concernent pas seulement les pédophiles.
La notion d'infraction sexuelle
Le fait qu'une atteinte sexuelle soit commise à l'encontre d'un mineur
de moins de quinze ans peut, selon les cas, soit être
considérée comme une circonstance aggravante en cas d'infraction
sexuelle, soit être considérée comme une infraction
à part entière.
Le nouveau code pénal en vigueur depuis le 1er mars 1994 a
modifié la terminologie en matière d'infraction sexuelle et a
renforcé l'échelle des peines applicables.
Les
agressions sexuelles
recouvrent toutes les atteintes sexuelles
commises avec "
violence, contrainte, menace et
surprise
".
L'agression sexuelle la plus grave est le viol, défini comme
"
tout acte de pénétration sexuelle quel qu'il soit
commis sur la personne d'autrui
". Il est puni de quinze ans de
réclusion criminelle au maximum. Cette peine est portée à
vingt ans en cas d'atteinte sur un mineur de moins de quinze ans (
articles
222-23 et 222-24 du code pénal
).
Les agressions sexuelles autres que le viol -commises avec violence,
contrainte, menace et surprise mais sans pénétration sexuelle
d'aucune sorte- sont passibles d'une peine maximale de
cinq années
d'emprisonnement
et de 500.000 francs d'amende (
art. 222-27
),
laquelle peut être portée à sept années
d'emprisonnement et 700.000 francs d'amende en cas d'agression commise sur un
mineur de moins de quinze ans. L'exhibitionnisme entre dans cette
catégorie. Il est puni d'un an d'emprisonnement et de 100.000 francs
d'amende (
art. 222-32
).
Les
atteintes sexuelles
ne sont pas des agressions sexuelles car elles
sont commises
" sans violence, contrainte, menace ni
surprise "
ce qui peut recouvrir l'hypothèse que le mineur soit
consentant. Elles sont punies au maximum de
deux ans d'emprisonnement
et
de 200.000 francs d'amende (
art. 227-25
) dès lors qu'elles
sont perpétrées par une personne majeure contre un mineur de
moins de quinze ans.
Enfin, la corruption de mineurs, qui correspond à l'ancienne appellation
" d'excitation de mineurs à la débauche ", est punie de
cinq ans d'emprisonnement et de 500.000 francs d'amende. Cette peine est
portée à sept ans d'emprisonnement et 700.000 francs d'amende
lorsque la corruption a porté sur un mineur de moins de quinze ans
(
art. 227-22
).
Il est à noter que le fait de fixer, d'enregistrer de transmettre et de
diffuser l'image à caractère pornographique d'un mineur est puni
d'une peine d'un an de prison et de 300.000 francs d'amende. Cette peine est
portée à cinq ans de prison et 500.000 francs d'amende
lorsqu'il s'agit de documents montrant des mineurs de moins de quinze ans.
Enfin, comme l'actualité l'a récemment rappelé, la
détention individuelle de tels documents peut être
considérée comme un recel au sens de l'article 321-1 de l'ancien
code pénal.
Enfin, suite à plusieurs graves affaires au début des
années 90, la période de sûreté
incompressible
4(
*
)
a été
portée à trente ans pour les assassinats dont la victime est un
mineur de moins de quinze ans ou lorsque
" l'assassinat est
précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou
d'actes de barbarie "
(
art. 222-26
).
Des statistiques inquiétantes à interpréter avec
prudence
Concernant les statistiques disponibles sur les infractions sexuelles qui sont
nombreuses et diversifiées, trois observations peuvent être faites.
·
Les statistiques diffusées par le ministère de
l'Intérieur et le ministère de la Justice ne présentent
que des faits criminels ou délictueux qui ont été
" mis à jour " par les institutions ; elles ne rendent pas
entièrement compte de la réalité du
phénomène.
La Direction centrale de la Police Judiciaire fait état d'environ
18.000 infractions sexuelles
constatées en 1995 qu'il s'agisse de
viols, d'attentats à la pudeur ou d'excitations de mineurs à la
débauche, sans opérer de distinction entre mineurs et majeurs.
La Direction centrale de la sécurité publique dispose de
données sur les infractions sexuelles relatives aux mineurs
5(
*
)
(viols et agressions sexuelles) qui font
apparaître en 1996 un total de
2.237
viols sur mineurs (dont 466
cas d'inceste) et
4.365
autres catégories d'agressions sexuelles
sur mineurs.
Le ministère de la Justice fait état de
8.400
condamnations pour infraction aux moeurs en 1993, dont près de 1.800
sanctionnant des infractions sexuelles commises sur des mineurs de moins de
quinze ans.
Il est difficile au-delà de ces données de mesurer l'ampleur
profonde et réelle du phénomène de la délinquance
sexuelle. Il peut être intéressant d'observer que le
service
national d'accueil téléphonique pour l'enfance
maltraitée
(SNATEM), financé par l'Etat et les
départements, qui propose un numéro vert national ayant pour but
de concourir à la mission de prévention des mauvais traitements
et de protection des mineurs maltraités, a reçu au total 960.000
appels en 1996. Sur 160.000 appels " sérieux " ayant
donné lieu à une réponse spécifique, 23.000 ont
donné lieu à une orientation au titre d'abus sexuel.
L'autre caractéristique des appels transmis au SNATEM relatifs à
des infractions sexuelles est qu'ils concernent à 67 % des actes commis
par des membres de la famille proche (père, mère, frère,
soeur, beau-père, belle-mère, grands-parents).
Ces chiffres ne peuvent être considérés comme significatifs
dans la mesure où l'appel téléphonique volontaire peut
introduire des distorsions statistiques. Il reste qu'une délinquance
sexuelle non dénoncée peut perdurer. Les cas d'inceste sont
encore plus difficiles à appréhender car les enfants sont souvent
entraînés dans une " logique du secret " par l'adulte
impliqué et craignent au demeurant qu'une éventuelle
révélation ne déstabilise gravement la cellule familiale.
·
Les statistiques révèlent une augmentation
constante du nombre d'infractions sexuelles
: le nombre de viols sur
majeurs et mineurs enregistrés par la DCPJ passe de 5.068 en 1991
à 7.350 en 1995. Selon la DCSP, le nombre de viols sur mineurs qui
était de 1.282 en 1991 est passé à 2.237 en 1996.
La France comptait 1.593 détenus pour viol et autres agressions
sexuelles sur mineurs en 1991 ; ce chiffre s'élève à 2.858
en 1996, soit 9,1 % de la population pénale.
Les causes de cette augmentation de la délinquance sexuelle,
envisagée à travers le prisme statistique de la police et de la
justice, doivent être analysées avec prudence. Deux thèses
peuvent s'affronter.
Pour certains, la hausse des infractions sexuelles constatée peut
traduire la multiplication du nombre de ces actes. Il conviendrait dès
lors de s'interroger sur les risques que ferait courir le développement
d'images, de produits ou de réseaux de communication à
caractère pornographique ainsi que sur les messages permissifs
véhiculés complaisamment par divers médias
(publicité, télévision).
Dans cette perspective, il faudrait s'interroger sur la durée
nécessaire du suivi socio-judiciaire prévue par le texte car un
délinquant sexuel, à l'issue de cette peine, courrait le risque
d'être plongé à nouveau rapidement dans un environnement
porteur de nombreuses " stimulations " de nature à
réveiller les pulsions enfouies par le traitement.
L'autre thèse voudrait que la hausse de la délinquance sexuelle
trouve son origine dans une plus grande vigilance des institutions judiciaires
et policières à l'égard de ces problèmes et surtout
à un changement d'attitude morale qui tient au fait que les victimes
portent plainte plus fréquemment qu'auparavant.
· Enfin,
il est frappant de constater
que
certaines infractions sexuelles donnent lieu à un risque de
récidive élevé en particulier quand il s'agit d'attentat
à la pudeur
.
Les données sur la récidive dépendent d'études
partielles sur échantillon qui peuvent toujours comporter une marge
d'erreur.
Selon le rapport de Mme Lemperière, il est possible de se
référer tout d'abord à une étude
réalisée par le service médico-psychologique
régional (SMPR) de Grenoble-Varces selon laquelle le taux de
récidivistes atteignait 8 % en cas de viol, 3,7 % en cas d'inceste
mais 20,4 % en cas d'attentat à la pudeur, cette dernière
catégorie était celle à laquelle appartiennent de nombreux
pédophiles.
Par ailleurs, selon diverses études réalisées au Canada,
aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et dans les pays scandinaves, le taux de
récidivistes serait de 15 % pour l'ensemble des condamnés pour
infraction sexuelle. Il semble relativement faible chez les ascendants
incestueux (moins de 10 %) et très fort chez les exhibitionnistes (20
à 40 %). Mais surtout
la probabilité de récidive
croît avec le nombre d'actes déjà commis
: faible pour
les primo-délinquants (moins de 10 %), il est plus que doublé
pour les primo-récidivistes et peut aller jusqu'à 40 à 50
% pour ceux déjà condamnés à deux reprises.
Le taux de récidive n'est pas relativement plus élevé pour
les délinquants sexuels que pour d'autres formes de délinquance ;
en revanche, il est clair que pour certaines catégories de
délinquants sexuels, le risque de récidive est
particulièrement élevé.
Ce risque élevé de récidive justifie d'autant plus la mise
en place d'un véritable suivi des délinquants sexuels et en
particulier des pédophiles.
II. LES TRAITEMENTS MÉDICAUX PROPOSÉS
S'agissant de la délinquance sexuelle, il existe deux
grands types de traitement : les thérapies psychologiques, d'une part ;
les prescriptions médicamenteuses, d'autre part. Ces traitements peuvent
gagner en efficacité si ils sont appliqués de façon
conjointe.
Les psychothérapies
Selon le professeur Lemperière, les thérapies psychiatriques
peuvent donner lieu à deux types d'approche :
- il peut s'agir tout d'abord d'aider le sujet à acquérir une
connaissance des processus inconscients qui déclencheront un passage
à l'acte. Le thérapeute peut aider ainsi la personnalité
déviante à éviter de " reproduire " les
différentes étapes qui menacent de se dérouler
irréversiblement avant une éventuelle récidive ;
- il peut s'agir également de renforcer le contrôle du sujet sur
lui-même par une mise à jour de son passé et de son
inconscient. Le patient pédophile pourrait ainsi être aidé
à lutter contre ses déficiences psychologiques afin de l'aider
à réorienter ses penchants sexuels vers des adultes.
Ces traitements psychiatriques peuvent prendre la forme d'entretiens
individuels, de psychothérapie de groupe et impliquer, le cas
échéant, la famille du sujet déviant, et notamment son
conjoint.
Concernant l'efficacité de ces traitements, il semble n'exister à
ce jour aucune statistique établissant de manière incontestable
que le taux de récidive des sujets subissant ce type de thérapie
soit significativement diminué.
Cela tient au caractère relativement récent du
développement de ce type de psychothérapie, à l'absence
d'un recul suffisant sur l'ensemble de la vie des condamnés suivis et au
caractère trop restreint des échantillons.
Les traitements médicamenteux
La sexualité masculine adulte, sur les plans des fonctions sexuelles et
de la reproduction est pour une large part dépendante de la
sécrétion testiculaire des androgènes et, en particulier,
de la testostérone.
Les prescriptions médicamenteuses à l'égard des
délinquants sexuels prennent donc la forme de traitements hormonaux
anti-androgènes. Ceux-ci auront pour effet de limiter ou de supprimer
les fantasmes sexuels déviants non désirés et donc de
réduire ou d'éliminer la tentation du passage à l'acte.
Ils ont également pour résultat de modifier certains aspects
physiologiques du comportement sexuel, et notamment de réduire
l'activité sexuelle.
Sommairement on peut distinguer deux types de produits : ceux qui ont la
propriété de réduire notablement la production de
testostérone en bloquant au niveau de l'hypophyse la
sécrétion de l'hormone qui stimule cette production dans le
testicule ; ceux qui inhibent les effets de la testostérone en raison de
leur structure moléculaire analogue, ce qui leur permet, en fonctionnant
comme une sorte de leurre, de remplacer cette hormone dans le cerveau et
l'hypophyse de l'individu.
La molécule la plus connue est l'acétate de cyprotérone
(
Androcur
) qui combine les deux effets.
Les premiers essais de ces traitements remontent aux années 70. Avec le
recul, il est possible de déterminer que des effets secondaires
indésirables
6(
*
)
peuvent survenir, mais
qu'ils ne présentent qu'un faible degré de gravité et
disparaissent avec l'interruption du traitement.
Les traitements anti-androgènes agissent rapidement après un mois
à six semaines de traitement et semblent en effet permettre à
certains individus déviants de retrouver une vie, voire une
sexualité normale.
Il reste que pour reprendre la formule de l'un des psychiatres entendus par
votre rapporteur, il serait dangereux de croire en une "
magie du
médicament
".
La première limite de la prescription de ces médicaments tient au
fait "
qu'il ne s'agit pas d'un traitement à finalité
curative mais seulement d'un traitement à finalité
symptomatique
"
7(
*
)
. En d'autres
termes,
l'effet du traitement s'achève avec son interruption et le risque est
alors élevé de voir réapparaître les conduites
sexuelles incriminées.
Ces produits inhibent l'appétence sexuelle (
libido
) mais ils ne
changent pas en profondeur les préférences sexuelles du sujet.
Par ailleurs, les traitements antihormonaux ou antiandrogéniques ont une
efficacité limitée dans un certain nombre d'hypothèses, en
particulier chez les pédophiles psychopathes qui présentent une
personnalité profondément antisociale, refusent toute forme
d'aide ou de traitement, nient les faits et ne se reconnaissent aucun sentiment
de culpabilité. Il existe ainsi historiquement des cas de
récidive grave à la suite d'une castration chirurgicale.
Les résultats sont également décevants pour les
pédophiles qui se droguent ou abusent de l'alcool, qui vivent
repliés sur eux-mêmes sans soutien amical ou familial ou encore,
qui ont fait d'un seul enfant en particulier, l'objet privilégié
de leurs pulsions déviantes.
Enfin, il n'est pas inutile de savoir qu'un pédophile sous traitement
hormonal peut annuler les effets de celui-ci en s'injectant, à l'insu de
son médecin traitant, de la testostérone.
Deux conclusions semblent s'imposer sur le plan médical.
Tout d'abord, nombreux sont les psychiatres qui soulignent que
l'efficacité d'un traitement est subordonné à
l'adhésion du sujet
: un pédophile qui nie avoir
agressé des enfants et qui persiste à se présenter comme
une victime ne pourra pas faire l'objet d'une thérapie efficace. Ceci
n'exclut pas qu'une incitation ferme à recourir à un traitement
soit proposée à ce détenu afin de l'aider à
s'engager dans un processus de prise de conscience.
En second lieu, les différentes formes de traitements
psychothérapiques ou médicamenteux ne sont pas exclusives l'une
de l'autre. Elles peuvent être utilisées de manière
conjointe et gagner apparemment en efficacité.
Il reste enfin à intégrer le traitement des agresseurs sexuels au
processus pénal, ce qui est l'objet du présent projet de loi.
III. LA PEINE DE SUIVI SOCIO-JUDICIAIRE CRÉÉE PAR LE PROJET DE LOI
Outre diverses dispositions tendant à une protection
accrue des mineurs contre la pornographie ainsi qu'à une meilleure
protection des victimes, notamment dans le domaine de la procédure
pénale, et à la création d'un fichier des empreintes
génétiques des auteurs d'infraction, ce projet de loi institue
une nouvelle peine dans le code pénal destinée aux criminels et
délinquants sexuels, appelée peine de suivi socio-judiciaire, qui
a pour objet essentiel de réduire les risques de récidive
liés à cette forme de délinquance.
Les caractéristiques de la peine de suivi socio-judiciaire
Il convient tout d'abord de souligner que la peine de suivi socio-judiciaire
viendra en complément de la peine principale de prison encourue par
l'auteur de l'agression ou de l'atteinte sexuelle. S'agissant des délits
sexuels pour lesquels les sanctions sont moins lourdes, l'Assemblée
nationale a néanmoins prévu que la peine de suivi
socio-judiciaire puisse être infligée comme mesure principale. Il
ne s'agit pas d'instituer ou de substituer une peine à une autre mais
plutôt de renforcer l'arsenal des peines à la disposition des
juges.
La nouvelle peine consiste dans l'obligation pour le condamné de se
soumettre, sous le contrôle du juge de l'application des peines ou du
comité de probation, à des mesures de surveillance et
d'assistance destinées à prévenir la récidive.
La durée du suivi socio-judiciaire sera fixée par la juridiction
de jugement : la durée maximale du suivi est de dix ans en cas de
condamnation pour crime et de cinq ans si la mesure est prononcée
à l'appui d'une condamnation pour un délit.
Les mesures de surveillance applicables à la personne condamnée
au suivi socio-judiciaire sont les suivantes :
- s'abstenir de paraître en certaines catégories de lieux et,
en particulier, les lieux accueillant habituellement des mineurs ;
- s'abstenir de fréquenter certaines personnes ou certaines
catégories de personnes et notamment des mineurs, à l'exception
de ceux qui auront été, le cas échéant,
désignés par la juridiction ;
- ne pas exercer d'activité professionnelle ou bénévole
impliquant un contact habituel avec des mineurs.
Le suivi socio-judiciaire peut également comprendre une injonction de
soins thérapeutiques.
Deux conditions sont posées dans le code pénal à cette
injonction de soins :
- l'injonction ne peut être ordonnée qu'après
une
expertise médicale
établissant que le délinquant
sexuel peut faire l'objet d'un traitement. Cette disposition permet notamment
de prendre en compte l'hypothèse d'une contre-indication médicale.
- le traitement ne peut être imposé sans
le consentement
préalable
du condamné : le projet de loi dispose à cet
égard que le président du tribunal avertit le condamné
qu'aucun traitement ne pourra être entrepris sans son consentement mais
que, s'il refuse les soins, l'emprisonnement prononcé pour non-respect
des obligations sera mis à exécution.
En effet, le projet de loi prévoit que la décision de
condamnation à un suivi socio-judiciaire fixe également la
durée maximum de l'emprisonnement encouru par le délinquant
sexuel "
en cas d'inobservation des obligations qui lui sont
imposées
".
Le refus d'accepter de se soumettre à un traitement médical est
donc assimilé à une inobservation des règles
précitées et il est directement passible d'une peine de prison
supplémentaire, infligée en plus de la peine principale, et
pouvant atteindre cinq ans.
L'incitation à se soigner qui pèse sur le condamné est
donc très forte. Ceci conduit à relativiser le débat qui a
porté sur la différence essentielle entre les deux textes
déposés respectivement par M. Jacques Toubon et
Mme Elisabeth Guigou.
Le texte déposé en janvier 1997 prévoyait en effet pour le
condamné une "
obligation
" de se soumettre à
des mesures de surveillance et d'assistance comportant notamment une injonction
de soins.
Le fait que le nouveau texte ait substitué "
l'injonction de
soins
" à "
l'obligation de soins
" ne
doit
pas conduire à sous-estimer la nature de la peine carcérale qui
pèse sur le condamné en cas de refus de respecter ses obligations
et qui est applicable dans les deux dispositifs.
La force de la sanction encourue conduit d'ailleurs à se poser un
problème sémantique : en médecine, le consentement est en
principe "
libre et éclairé
". En
l'espèce, on peut se demander si le choix du condamné est
réellement libre et l'expression "
accord du
condamné
" serait vraisemblablement plus pertinente que les
termes "
consentement du condamné
".
La mise en oeuvre de l'aspect médical de la peine de suivi
socio-judiciaire
Le dispositif proposé s'efforce de préserver, dans le respect des
limites qui s'imposent dans un cadre judiciaire, les principes de base qui
doivent s'instaurer dans une relation entre le malade et son médecin :
libre-choix du médecin par le malade ; liberté du médecin
en matière de choix thérapeutique, respect du secret
professionnel du médecin.
Cet équilibre est rendu possible grâce à la
séparation fonctionnelle entre le médecin coordonnateur et le
médecin traitant
.
Le
médecin traitant
, en relation directe et
régulière avec le patient condamné, prescrit le
traitement, en définit la nature et la périodicité et
procède aux éventuelles modifications rendues nécessaires
par l'évolution de l'état du sujet.
Le
médecin coordonnateur
a vocation à assurer les
relations avec l'institution judiciaire assurant ainsi un
" écran " entre le médecin traitant et le juge de
l'application des peines afin de garantir l'autonomie des choix
thérapeutiques du praticien traitant. Compte tenu de son
expérience, le médecin coordonnateur pourra jouer un rôle
de référent, de soutien et de conseil auprès du
médecin traitant. Enfin, le médecin coordonnateur entre en
relation avec le condamné, notamment lorsqu'il entre dans le dispositif
de suivi socio-judiciaire ou lorsqu'il a purgé sa peine et se voit
exonérer de toute obligation.
Ce dispositif présente de nombreux avantages du point de vue du respect
de la déontologie médicale.
S'agissant du
choix du thérapeute
, le condamné conserve la
liberté du choix de son médecin traitant, sous réserve de
l'accord du médecin coordonnateur, afin d'éviter toute forme
d'abus.
Concernant le
choix du traitement
, le médecin traitant conserve
une grande liberté : ni le juge de l'application des peines, ni le
médecin coordonnateur ne sont autorisés à s'ingérer
dans sa démarche thérapeutique dès lors que le patient
respecte ses obligations.
S'agissant des
relations avec les autorités judiciaires
, le
médecin traitant conserve la possibilité d'éviter tout
contact avec elles : le condamné présente directement au juge de
l'application des peines les attestations prouvant qu'il se conforme à
l'obligation de soins.
Concernant le
secret médical
, il est en principe
protégé sauf dans l'hypothèse où le condamné
ne respecte pas ses obligations ou s'il apparaît des difficultés
d'exécution du traitement laissant planer le risque probable d'un
" passage à l'acte " du condamné. Dans cette
hypothèse, le médecin traitant pourrait alerter le juge de
l'application des peines ou, s'il le souhaitait, entrer seulement en relation
avec le médecin coordonnateur.
Le bureau du Conseil national de l'ordre des médecins, réuni le
29 septembre 1997, inséré en annexe au présent avis,
a approuvé l'esprit de la loi et a estimé que le projet emportait
globalement l'adhésion tout en appelant l'attention sur l'ampleur des
difficultés que rencontrera l'application d'une telle loi qui impose de
prévoir des moyens à la mesure des ambitions affichées.
IV. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION
Votre Commission, qui a approuvé dans son ensemble les
principes qui sont à l'origine de la mise en place de la peine de suivi
socio-judiciaire, a tenu à présenter au préalable
deux
observations générales
.
Il importe tout d'abord que le médecin coordonnateur soit conçu
comme
un référent
et non pas comme un médecin
contrôleur qui pourrait intervenir sur les choix du médecin
traitant.
Par ailleurs, les objectifs du projet de loi ne pourront être atteints
que si les
expertises psychiatriques
réalisées à la
demande de la justice sont de qualité. Il est donc essentiel que le
niveau de rémunération des expertises soit revalorisé pour
garantir à terme la bonne exécution du service public.
Ensuite, votre Commission a adopté, outre deux amendements de forme,
quatre amendements
prévoyant :
- que les médecins coordonnateurs soient désignés
parmi des psychiatres ou parmi des médecins ayant suivi une formation
appropriée afin de dialoguer dans de bonnes conditions avec les
médecins traitants ;
- que le médecin traitant puisse faire part directement au juge de
l'application des peines des seuls cas d'interruption du traitement, et non pas
de simples difficultés d'exécution de celui-ci ;
- que les mineurs de quinze à dix-huit ans puissent
également être pris en charge à 100 % par la
sécurité sociale et non seulement les mineurs de moins de quinze
ans.
Votre Commission a souhaité, enfin, que l'article 32
bis
instituant une commission de sortie des malades hospitalisés d'office et
déclarés pénalement irresponsables de leurs actes soit
supprimé au profit du maintien du dispositif actuel fondé sur
l'examen séparé et concordant de deux psychiatres attestant que
le malade n'est plus dangereux ni pour lui-même ni pour autrui.
EXAMEN DES ARTICLES
Votre commission des Affaires sociales s'est saisie plus
particulièrement des dispositions du projet de loi qui modifient le code
de la santé publique ou le code de la sécurité sociale.
Sa saisine porte donc, au sein du titre premier, sur le chapitre III,
composé de l'article 6, concernant les dispositions relatives aux
personnes condamnées à un suivi socio-judiciaire comprenant une
injonction de soins. Elle s'est saisie par ailleurs, au titre II, de l'article
21 modifiant le code de la sécurité sociale et au titre III, de
l'article 32
bis
, introduit par l'Assemblée nationale en
première lecture et modifiant le code de la santé publique.
TITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES AU SUIVI
SOCIO-JUDICIAIRE
Chapitre III
Dispositions modifiant le code de la
santé publique
Ce chapitre comprend un article 6 qui insère un nouveau
titre comprenant cinq articles dans le code de la santé publique.
Il est à noter que cet article comprend deux paragraphes à la
suite d'un amendement adopté à l'Assemblée nationale.
Le
paragraphe I
comprend les dispositions modifiant le code de la
santé qui sont examinées ci-dessous.
Le
paragraphe II
, inséré par l'Assemblée nationale,
prévoit le dépôt d'un rapport au Parlement sur les
conditions d'application du présent titre dans le délai de cinq
ans à compter de la promulgation de la loi.
Art. 6
(Art. L. 355-33 à L. 335-37 du code de
la santé publique)
Mise en oeuvre du suivi socio-judiciaire
Le paragraphe I de cet article complète le livre III du
code de la santé publique consacré à la " lutte
contre les fléaux sociaux " en insérant un titre IX
nouveau intitulé " dispositions relatives aux personnes
condamnées à un suivi socio-judiciaire comprenant une injonction
de soins ".
L'ensemble de ce titre porte sur le rôle du corps médical et ses
relations avec l'institution judiciaire au cours de l'exécution de la
peine de suivi socio-judiciaire créé par ce projet de loi.
Il convient de rappeler que le titre IX comporte actuellement huit titres assez
hétérogènes dont les intitulés évoquent
chacun un domaine particulier de la lutte contre les fléaux sociaux :
lutte contre la tuberculose, lutte contre les maladies
vénériennes, lutte contre le cancer, lutte contre les maladies
mentales, lutte contre l'alcoolisme, lutte contre la toxicomanie, lutte contre
l'infection par le virus de l'immuno-déficience humaine et lutte contre
le tabagisme.
Le choix du nouvel intitulé proposé par le Gouvernement n'est pas
très heureux du point de vue de la cohérence du code puisqu'il
fait référence, non pas à un domaine de l'action publique,
mais à une procédure applicable à certains citoyens.
C'est pourquoi votre Commission a adopté
un amendement
prévoyant que le nouveau titre IX soit intitulé
"
Prévention des infractions sexuelles pour les personnes
condamnées à un suivi socio-judiciaire
" afin de
préciser le champ d'intervention de la puissance publique.
Art. L. 355-33 du code de la santé
publique
Désignation par le juge de l'application des peines d'un
médecin coordonnateur
Cet article précise les conditions dans lesquelles sont
désignés les médecins coordonnateurs
8(
*
)
ainsi
que la mission qui leur est confiée pour
la mise en oeuvre de l'injonction de soins créée par le projet de
loi.
Le premier alinéa
porte sur les
modalités de
désignation
: le médecin coordonnateur est
désigné par le juge de l'application des peines. Ce dernier le
choisit sur une liste établie par le préfet après avis du
procureur de la République.
Les quatre alinéas suivants
concernent la
mission du
médecin coordonnateur
qui est à la fois en relation avec le
condamné, le médecin traitant et le juge de l'application des
peines.
- En premier lieu, le médecin coordonnateur
invite le
condamné à choisir un médecin traitant et donne son accord
au choix effectué
.
La personne condamnée conserve ainsi le principe du
libre choix
de son médecin traitant sous réserve de l'approbation
donnée par le médecin coordonnateur. La question des
critères sur lesquels le médecin coordonnateur prendra sa
décision est abordée dans l'exposé des motifs du projet de
loi : il s'agit de vérifier que le médecin traitant
désigné dispose bien des "
compétences
nécessaires pour suivre la personne condamnée
".
- Ensuite, le médecin coordonnateur joue
un rôle de
conseil
auprès du médecin traitant si celui-ci en fait la
demande. La possibilité d'ouvrir un dialogue entre les deux praticiens
apparaît particulièrement utile s'agissant de sujets
psychologiques à la personnalité complexe. Cette disposition
confirme en outre que le médecin traitant demeure libre du choix du
traitement et des thérapeutiques employés : le médecin
coordonnateur et,
a fortiori
, le juge de l'application des peines, ne
s'ingèrent pas dans ses choix médicaux, sauf demande expresse de
sa part.
- En troisième lieu, le médecin coordonnateur est
chargé de
transmettre au juge de l'application
des peines les
éléments nécessaires au
contrôle de l'injonction
de soins
.
Cette mission peut sembler superflue dans la mesure où le projet de loi
prévoit que la personne condamnée est dans l'obligation de
justifier, auprès du juge de l'application des peines, de
l'accomplissement des obligations qui lui sont imposées, et notamment de
l'obligation de soins
9(
*
)
.
De fait, l'attestation fournie par le condamné sera très formelle
et précisera seulement que les soins ont été
régulièrement donnés à la date prévue.
Lorsque le juge de l'application des peines souhaitera savoir si l'état
psychologique du condamné est stable, en amélioration ou au
contraire en voie de dégradation, il consultera le médecin
coordonnateur qui sera habilité à lui fournir ce type
d'information.
- En dernier lieu,
à la fin de l'exécution de la peine de
suivi socio-judiciaire
, le médecin coordonnateur indique au
condamné qu'il peut poursuivre, de sa propre initiative, le traitement.
Il lui précise les modalités et la durée
nécessaires. Le médecin coordonnateur effectue cette
démarche en liaison avec le médecin traitant. Cette disposition
pourrait être utile pour les patients relevant d'un traitement
antiandrogénique car, en cas d'arrêt du traitement, les effets de
celui-ci s'estompent inéluctablement suivant une chronologie qui
dépend de la pharmacologie du produit et de ses rythmes d'administration.
L'Assemblée nationale a adopté un amendement déposé
par Mme Frédérique Bredin au nom de la commission des Lois
tendant à préciser que la liste sur laquelle le juge de
l'application des peines choisit le médecin coordonnateur comprendrait
des "
spécialistes
" et qu'elle serait, en outre,
"
mise à jour
". Le projet de loi initial faisait
seulement mention de "
praticiens
".
Mme le Garde des Sceaux s'était déclarée
défavorable à cet amendement qu'elle avait
considéré comme imprécis et s'était engagée
à ce que les médecins coordonnateurs soient choisis
"
parmi des médecins qui aient compétence en la
matière
".
Il est apparu à votre Commission que la tâche de médecin
coordonnateur sera relativement difficile à assumer. De nombreux
délinquants sexuels ont une personnalité complexe et sont
dotés d'une grande capacité de dissimulation. Or, le
médecin coordonnateur devra certainement, au début de la
procédure, jouer un rôle de conseil et de référent
auprès du médecin traitant qu'il " épaulera " en
tant que de besoin. Il est donc indispensable que le coordonnateur connaisse
bien ce type de condamné et sa personnalité.
Il serait souhaitable que cette tâche soit acquittée au moins par
des psychiatres. Cela étant, le nombre de psychiatres en exercice, qui
est aujourd'hui de 8.000 apparaît insuffisant au regard du nombre
potentiel de délinquants sexuels à suivre.
Telle est la raison pour laquelle votre Commission vous propose d'adopter
à cet article du code de la santé publique
un amendement
prévoyant la possibilité d'inscrire sur la liste, en sus des
psychiatres, des médecins ayant suivi une formation appropriée.
La nature de cette formation pourra être définie dans le
décret d'application mentionné dans le projet de loi.
Art. L. 355-34 du code de la santé
publique
Communication des expertises au médecin traitant et
justification du suivi du traitement
Cet article porte sur les documents judiciaires auxquels
accède ou que délivre le médecin traitant dans le cadre
d'une peine de suivi médico-social.
S'agissant de
l'information du médecin traitant
, cet article
prévoit que ce dernier peut obtenir, s'il en fait la demande, les
expertises réalisées au cours de l'enquête ou de
l'instruction. Il est prévu, en effet, que l'injonction de soins soit
prononcée après une double expertise médicale
10(
*
)
établissant que la personne poursuivie est
susceptible de faire l'objet d'un traitement.
Il est prévu également que le médecin traitant
accède, sur demande, aux expertises ordonnées par le juge de
l'application des peines "
en cours d'exécution du suivi
socio-judiciaire
".
Cette rédaction permet de couvrir :
- les expertises qui permettent à un juge de l'application des
peines de prononcer une injonction de soins postérieurement à la
décision de condamnation à un suivi judiciaire
(
article 763-5 du code de procédure pénale,
article 5 du projet de loi
).
- les expertises décidées " à tout moment "
du suivi socio-judiciaire par le juge de l'application des peines pour
l'informer sur l'état médical ou psychologique de la personne
condamnée (
2ème alinéa de l'article 763-6 du code
de procédure pénale, article 5 du projet de loi
).
En revanche, prise à la lettre, cette rédaction ne recouvre pas
stricto sensu
l'expertise ordonnée par le juge de l'application
des peines avant la libération du condamné lorsque celui-ci a
fait l'objet d'un mesure privative de liberté (
premier alinéa
de l'article 763-6 du code de procédure pénale,
article 5 du projet de loi
). En effet, le suivi socio-judiciaire
s'applique "
à compter du jour où la privation de
liberté a pris fin
"
11(
*
)
.
Il est important de souligner que ces documents ne peuvent être transmis
au médecin traitant que par l'intermédiaire du médecin
coordonnateur qui exerce son rôle " d'écran " ou
" d'interface " entre les autorités judiciaires et le
médecin traitant.
L'Assemblée nationale a adopté un amendement prévoyant que
le médecin traitant puisse également obtenir certaines
pièces du procès. La commission des Lois avait envisagé
l'accès à l'ensemble des pièces de la procédure
judiciaire mais le Gouvernement, compte tenu du volume des documents parfois en
cause, a préféré préciser la liste des documents
communicables. Cet amendement apparaît très utile puisqu'il semble
que, dans certains cas, les médecins en contact avec des pervers sexuels
ne disposent, pour seule source d'information sur les faits à l'origine
d'une condamnation, que des déclarations du condamné, ce qui
n'est assurément pas une garantie de parfaite neutralité !
Concernant les informations délivrées par le médecin
traitant, le deuxième alinéa de cet article dispose que le
médecin traitant délivre "
à intervalles
réguliers
" des attestations de suivi de traitement afin de
permettre au condamné de se justifier auprès du juge de
l'application des peines. Cette attestation devrait être sommaire et se
limiter à la date de la consultation.
L'expression "
à intervalles réguliers
" peut
sembler imprécise. Il s'agit de permettre d'effectuer le traitement avec
la plus grande souplesse possible, en permettant des changements de rythme
à mesure que se déroule le traitement.
Votre Commission vous propose d'adopter à cet article du code de la
santé publique
un amendement
tendant à préciser que
le droit de communication au médecin traitant concerne aussi les
expertises qui sont éventuellement réalisées lorsque le
condamné purge sa peine de prison, c'est-à-dire avant qu'il
n'entre dans la phase de suivi socio-judiciaire.
Art. L. 355.35 du code de la santé
publique
Levée de l'obligation du secret professionnel pour les
médecins concourant à l'exécution du suivi
socio-judiciaire
Cet article précise les cas dans lesquels le
médecin traitant de la personne condamnée à une peine de
suivi socio-judiciaire peut entrer en relation avec le juge de l'application
des peines, soit pour l'informer d'un risque de récidive, soit pour lui
demander d'ordonner une expertise médicale.
Le
premier alinéa
de cet article délie le médecin
traitant du respect du secret médical vis-à-vis du juge de
l'application des peines ou de l'agent du probation du traitement
12(
*
)
, en cas "
d'interruption du
traitement
" ou de "
difficultés survenues dans son
exécution
".
Le
deuxième alinéa
de cet article étend la
même possibilité de levée du secret médical au
médecin coordonnateur lorsque le médecin traitant a choisi de
s'adresser à lui pour lui communiquer les informations sur l'arrêt
du traitement ou ses difficultés d'exécution.
Le serment d'Hippocrate, sanctionné par l'article 226-13 du nouveau code
pénal, impose à tout médecin de tenir secrètes les
informations dont il est devenu dépositaire à l'égard de
son patient. Il reste que l'obligation de secret professionnel ne s'impose
comme un devoir que pour autant que le législateur n'en dispose pas
autrement.
Il n'est pas inutile de rappeler, à cet égard, que d'ores et
déjà l'article 226-14 du code pénal autorise la
personne ayant connaissance de privations ou de sévices infligés
à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n'est pas en
mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état
physique et mental, à en informer les autorités judiciaires,
médicales ou administratives. Le projet de loi inclut les atteintes
sexuelles dans la notion de sévices (
article 11
).
Par ailleurs, l'article 223-6 du code pénal sanctionne quiconque
pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou
pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre
l'intégrité corporelle de la personne et s'abstient de le faire,
de cinq ans d'emprisonnement et de 500.000 francs d'amende.
En l'espèce, la levée du secret médical à
l'initiative du médecin traitant condamné apparaît utile
car elle évite que le médecin traitant ne devienne en quelque
sorte le "
complice objectif
" du délinquant sexuel
en
étant tenu de conserver le secret sur les manquements de ce derniers
à ses obligations.
Pour ne pas porter la responsabilité morale de ce qui pourrait se passer
en cas de récidive, le médecin traitant peut ainsi disposer de la
faculté de saisir directement ou indirectement le juge de l'application
des peines, qui sera en mesure, en cas d'inobservation des obligations, de
délivrer un mandat d'amener contre le condamné voire un mandat
d'arrêt, si celui-ci est en fuite ou réside à
l'étranger.
Le fait d'étendre la levée du secret médical aux
difficultés survenues dans l'interruption du traitement apparaît
également utile, sous certaines réserves cependant.
D'une part, en cas d'interruption du traitement à l'initiative du
condamné, le médecin traitant peut être désireux
d'expliquer le contexte psychologique dans lequel est survenue cette
interruption ; d'autre part, comme l'a rappelé le docteur Carlier, lors
des auditions publiques de la commission des lois, certains sujets
déviants peuvent chercher à faire comprendre à leur
thérapeute qu'ils sont conscients d'un " risque aigu " de
récidive sollicitant ainsi, en quelque sorte, la possibilité
d'une surveillance préventive de la part des autorités
judiciaires ou policières.
La notion de "
difficulté survenue dans
l'exécution
" devrait donc être bien
interprétée comme recouvrant toutes les inquiétudes du
médecin coordonnateur relatives à un risque de passage à
l'acte de la part du condamné. Cette formulation large permet
également de recouvrir les cas où le médecin traitant
serait informé par le condamné lui-même que celui-ci ne
respecte pas les obligations qui peuvent accompagner l'injonction de soins et
notamment le fait de ne pas fréquenter de mineurs.
Le
troisième alinéa
de cet article prévoit que le
médecin traitant puisse également proposer au juge de
l'application des peines d'ordonner une expertise médicale : celle-ci
peut venir à l'appui d'une demande de relèvement de la peine de
suivi socio-judiciaire dans les conditions prévues à l'article
763-8 du code de procédure pénale ou, au contraire,
déboucher sur l'interruption du traitement qui conduira à la
réincarcération du condamné.
Cet article délie le médecin traitant du secret médical
à l'égard du juge de l'application des peines en cas
d'interruption du traitement ou de difficultés survenues dans son
exécution.
S'il est incontestable que l'arrêt du traitement est une hypothèse
grave qui justifie que l'on intervienne au plus vite pour éviter une
récidive du condamné, on peut se demander si "
les
difficultés survenues dans l'exécution du traitement
"
ne relèvent pas du colloque singulier qui doit s'établir entre le
thérapeute et le patient. Des informations à caractère
médical peuvent être communiquées à un autre
médecin, mais sans doute pas à un juge.
Votre Commission vous propose d'adopter à cet article du code de la
santé publique
un amendement
qui réserve la notion de
difficultés d'exécution au dialogue entre le médecin
traitant et le médecin coordonnateur lequel pourra intervenir
auprès du juge de l'application des peines s'il estime qu'il y a
urgence. En tout état de cause, il filtrera les informations à
communiquer en fonction de leur caractère médical.
Art. L. 355-36 du code de la santé
publique
Prise en charge par l'Etat des dépenses d'intervention des
médecins coordonnateurs
Cet article prévoit que l'Etat prendra en charge les
dépenses afférentes aux interventions des médecins
coordonnateurs.
L'étude d'impact du projet de loi estime que les médecins
coordonnateurs devraient être choisis par le ministère de la
santé principalement parmi les médecins hospitaliers. L'exercice
de leurs nouvelles fonctions devrait alors leur ouvrir droit à des
indemnités de responsabilités et de sujétions. S'il s'agit
de la nomination de médecins libéraux, des vacations devraient
être mises en place.
Il convient de rappeler que les interventions du médecin traitant
devraient être prises en charge par la sécurité sociale.
Art. L. 355-37 du code de la santé
publique
Renvoi à un décret en Conseil d'Etat
Cet article renvoie à un décret en Conseil
d'Etat les modalités d'exécution du suivi socio-judiciaire dans
le code de la santé publique.
L'exposé des motifs du projet de loi expose les aspects essentiels des
dispositions réglementaires :
- le thérapeute prescrira le traitement adapté à
l'état du condamné, en définira la nature et la
périodicité et procédera aux modifications du traitement
nécessitées par l'évolution de l'état du patient ;
- le médecin traitant pourra solliciter les conseils ou
l'intervention du médecin coordonnateur ;
- le médecin traitant devra informer le condamné des
conséquences du traitement à base de produits androgènes
et lui laisser, dans la mesure du possible, un délai de réflexion
avant le début effectif du traitement.
*
Votre Commission vous demande d'adopter l'article 6 du projet de loi modifié par les quatre amendements exposés ci-dessus.
TITRE II
DISPOSITIONS AYANT POUR OBJET DE
PRÉVENIR ET DE RÉPRIMER LES INFRACTIONS SEXUELLES, LES ATTEINTES
À LA DIGNITÉ DE LA PERSONNE HUMAINE ET DE PROTÉGER LES
MINEURS VICTIMES
Art. 21
Prise en charge à 100 % des
soins dispensés aux mineurs victimes d'infraction sexuelle
Cet article établit la liste des cas dans lesquels la
participation de l'assuré, aux soins donnés aux mineurs de moins
de quinze ans victimes d'atteinte sexuelle, peut être limitée ou
supprimée dans les conditions fixées par décret en Conseil
d'Etat. Le Gouvernement s'est engagé à ce que la prise en charge
réglementaire par l'assurance maladie couvre à 100 % les
frais au titre de l'assurance maladie.
Il est à noter qu'à l'Assemblée nationale un amendement,
déposé par la commission et étendant le
bénéfice de la gratuité des soins aux frères,
soeurs et ascendants au premier degré, n'a pas été repris
par le Gouvernement.
Votre Commission vous propose d'adopter
un amendement
qui a pour objet
de permettre la prise en charge à 100 % par la
sécurité sociale, non seulement des mineurs de quinze ans ayant
subi des sévices sexuels, mais également des mineurs entre quinze
et dix-huit ans.
Dans la mesure où le texte prévoit des soins pour les
délinquants sexuels, il n'est pas illégitime de se
préoccuper du sort de leurs victimes. Les atteintes sexuelles aux
mineurs sont suffisamment graves pour que le législateur évite de
donner le sentiment qu'il accorde plus d'importance aux violences subies par un
garçon ou une jeune fille de quinze ans qu'à celles
endurées par un jeune âgé de seize ans.
Votre Commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.
TITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES ET DE COORDINATION
Art. 32 bis
Création d'une commission
chargée de donner un avis sur la sortie définitive d'un
établissement psychiatrique d'une personne jugée
pénalement irresponsable et internée
Cet article additionnel, introduit par l'Assemblée
nationale en première lecture, modifie l'article L. 348-1 du code de la
santé publique afin de prévoir qu'il ne peut être mis fin
à l'hospitalisation d'office d'une personne reconnue pénalement
non responsable que sur l'avis conforme d'une commission composée de
deux médecins, dont un psychiatre n'appartenant pas à
l'établissement, et d'un magistrat.
Le dispositif actuel de l'article L. 348-1 précité permet de
lever la mesure d'hospitalisation d'office sur
" décisions
conformes de deux psychiatres n'appartenant pas à
l'établissement "
et choisis par le préfet, sur une
liste établie par le procureur de la République après avis
de la direction départementale de l'action sanitaire et sociale. La
décision doit résulter de
" deux examens
séparés et concordants "
établissant que
l'intéressé
" n'est plus dangereux ni pour lui-même
ni pour autrui ".
Avant de revenir sur l'origine de cet amendement, il est utile de rappeler les
conditions dans lesquelles intervient une hospitalisation d'office au titre de
l'article L. 348-1 précité.
Cette procédure concerne toutes les personnes inculpées et
incarcérées et qui ont bénéficié, au terme
de leur procès, d'un
non-lieu
, d'une
décision de
relaxe
ou d'un
acquittement
en raison de leur état mental
conformément à
l'article 122-1 du code pénal.
Cet article dispose que la personne qui était atteinte, au moment des
faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique
" ayant aboli son
discernement ou le contrôle de ses actes "
n'est pas
considérée comme pénalement responsable.
La jurisprudence applique cette disposition aux personnes en état de
démence, c'est-à-dire affectées de toutes formes
d'aliénation mentale qui entraînent des troubles ou des maladies
de l'intelligence. Il peut s'agir d'un défaut de développement
des facultés mentales (crétinisme, idiotie,
imbécillité, débilité, faiblesse d'esprit) aussi
bien que de folie (affaiblissement des facultés mentales, surexcitation
des facultés intellectuelles et affectives).
Si l'autorité judiciaire estime que la remise en liberté de la
personne en cause pourrait, compte tenu de son état mental,
" compromettre l'ordre public ou la sûreté des
personnes "
, elle avise alors immédiatement le préfet
ainsi que
la commission départementale des hospitalisations
psychiatriques
.
Pour mémoire, cette commission est composée d'un psychiatre, d'un
magistrat et de deux personnalités qualifiées
désignées l'une par le préfet, l'autre par le
président du conseil général, dont un psychiatre et un
représentant d'une organisation représentative des familles de
personnes atteintes de troubles mentaux
(article L. 332-3 du code de la
santé publique).
Seul l'un des psychiatres doit exercer dans un
établissement psychiatrique.
Cette commission, qui est informée de toute hospitalisation sans
consentement d'un malade mental, examine en tant que de besoin la situation des
personnes hospitalisées et peut proposer au président du tribunal
de grande instance d'ordonner la sortie immédiate de toute personne
hospitalisée sans son consentement.
La décision d'hospitalisation concernant un irresponsable pénal
est prise par
le préfet
seul habilité à prendre une
mesure d'hospitalisation d'office sur la base d'un certificat médical
circonstancié pris par un psychiatre qui n'exerce pas dans
l'établissement accueillant le malade
13(
*
)
.
L'article L. 348 du code de la santé publique précise que le
certificat médical doit porter sur
" l'état
actuel "
du malade, ce qui signifie que les expertises
psychiatriques
réalisées en vue du procès ne peuvent motiver la
décision d'hospitalisation d'office.
La procédure fondée sur l'avis concordant de deux psychiatres est
actuellement la seule susceptible de permettre à la personne
hospitalisée sur la base de l'article L. 348 de quitter
l'établissement psychiatrique où elle est internée.
Le dispositif proposé par cet article additionnel est issu de l'adoption
en séance publique d'un amendement, sous-amendé par le
Gouvernement, et qui avait été déposé
individuellement par Mme Frédérique Bredin, MM. Pierre
Mazeaud et Jean-Luc Warsmann. Un amendement très proche de celui des
auteurs précités avait également été
déposé par M. Philippe Douste-Blazy.
Il convient de rappeler que M. Pierre Mazeaud avait déposé sur le
bureau de l'Assemblée nationale, une proposition de loi (n° 2868)
proposant de subordonner la décision de sortie à l'avis d'une
commission composée d'un représentant de l'autorité
administrative, du médecin traitant de l'établissement où
la personne est internée et d'un magistrat désigné par le
premier président de la Cour d'appel compétente.
Le contenu de cette proposition de loi avait reçu, en mars 1997, un avis
favorable de la commission des lois constitutionnelles, de la
législation et de l'administration générale de la
République, qui avait décidé de l'intégrer en
article additionnel au projet de loi sur la répression et la
prévention des atteintes sexuelles présenté par M. Jacques
Toubon, alors Garde des Sceaux.
L'amendement déposé sur le présent projet de loi s'inspire
très largement de la proposition de loi précitée ; il a
obtenu un avis favorable du Gouvernement, sous réserve de deux
sous-amendements déposés par celui-ci et adoptés par
l'Assemblée nationale.
S'agissant de la composition de la commission, celle-ci est composée de
deux médecins, dont un psychiatre n'appartenant pas à
l'établissement, et d'un magistrat ; pour mémoire, l'amendement
de Mme Frédérique Bredin et M. Pierre Mazeaud prévoyait
" un représentant de l'autorité administrative, le
médecin traitant de l'établissement, un psychiatre n'appartenant
pas à l'établissement et un magistrat "
14(
*
)
.
Concernant la procédure, le Gouvernement a souhaité que la
commission entende, non seulement la personne internée, son
représentant, assisté éventuellement de son avocat, -comme
l'avait prévu les auteurs de l'amendement- mais également
" le médecin traitant "
. Cette formulation exclut
a
contrario
que le psychiatre traitant du malade puisse être membre de
la commission de sortie.
S'agissant du dispositif, il convient de noter que l'avis de la commission est
un avis
" conforme "
.
De manière analogue au dispositif actuel, la procédure
prévue dans cet article est la seule susceptible de s'appliquer à
la personne internée après que son irresponsabilité
pénale a été prononcée.
Par ailleurs, le dispositif proposé dans cet article rend beaucoup plus
formelle la procédure de passage devant la commission.
Tout d'abord l'intéressé, son représentant et son
médecin traitant sont obligatoirement entendus par la commission. Cette
disposition permet à l'intéressé de se défendre et
d'ouvrir un débat contradictoire. L'intéressé ou son
représentant peuvent se faire assister d'un avocat. De plus, la
commission peut faire procéder à toutes les expertises
nécessaires.
En outre, il est prévu expressément que ses
délibérations sont secrètes. Il est indiqué qu'en
cas de partage des voix, la
voix du magistrat est
prépondérante
: le magistrat acquiert ainsi un pouvoir de
décision important en cas de doute de la part de l'un des
représentants du corps médical. Si un psychiatre est favorable
à la sortie du malade et qu'un autre médecin s'abstient, la voix
du magistrat décidera de la sortie ou non de l'intéressé.
Cet article peut soulever une interrogation : la levée de la mesure
d'hospitalisation d'office va dépendre de l'avis conforme d'une
commission à laquelle appartient un magistrat alors que la personne
déclarée pénalement irresponsable en application de
l'article 122-1 du code pénal a, en droit,
bénéficié d'un non-lieu et d'un abandon des poursuites.
Il n'est pas inutile de rappeler à cet égard que le dispositif
actuel de
l'article L. 348-1 du code de la santé publique
est
issu de la
loi n° 90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et
à la protection des personnes hospitalisées en raison de leurs
troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation.
Antérieurement, sous l'empire de l'article 64 de l'ancien code
pénal et de la loi de 1838, la personne déclarée
irresponsable pénalement était considérée comme un
malade pour lequel la levée de la mesure de placement d'office
ressortissait du régime de droit commun applicable aux personnes dont
les troubles mentaux compromettent l'ordre public ou la sûreté des
personnes. La loi du 27 juin 1990 a instauré un régime
spécifique pour les personnes déclarées irresponsables
pénalement, prévoyant le recours à l'expertise
séparée et concordante de deux experts extérieurs à
l'établissement en sus de l'avis du psychiatre traitant de
l'établissement requis pour amorcer la sortie des personnes
hospitalisées d'office en droit commun.
Il convient de rappeler que l'article 4 de la loi du 27 juin 1990
précitée avait prévu la remise au Parlement d'un rapport
d'évaluation dans un délai de
" cinq ans "
à compter de sa promulgation. Ce rapport a été
préparé depuis deux ans par une commission présidée
par Mme Hélène Strohl, inspecteur général des
affaires sociales, en très large concertation avec tous les
professionnels, les usagers, les représentants des administrations et de
la justice, a, semble-t-il, été remis aux ministres de l'emploi
et de la solidarité, de la santé, de la justice et de
l'intérieur. Les conclusions de ce rapport ont reçu un
très large soutien, notamment du Comité consultatif de
santé mentale et de la conférence des présidents de
commissions médicales d'établissements.
Le dispositif de cet article ne concerne donc que les personnes
hospitalisées d'office à la suite d'une procédure
judiciaire qui ne constituent qu'une
" sous
catégorie "
de l'ensemble des personnes hospitalisées sans leur consentement en
raison de leurs troubles mentaux. La procédure de l'article
L. 348-1 susvisé concernerait environ 200 personnes par an sur les
50.000 hospitalisations d'office prononcées chaque année.
Seuls 15 % de ces 200 personnes pourraient être
considérées comme des délinquants sexuels.
L'article 32 bis prévoit que la décision de sortie
dépendra de l'avis conforme d'une commission comprenant deux
médecins, dont un psychiatre, et un magistrat, dont la voix serait
prépondérante.
Cet amendement, inspiré par les associations de victimes à la
suite de faits divers, soulève un problème au regard de la
responsabilité des psychiatres.
Ce texte introduit un magistrat dans la décision de sortie du malade
alors même que la justice a rendu un non lieu dans l'affaire qui le
concernait et qu'elle s'était en quelque sorte dessaisi du
prévenu pour le confier au secteur psychiatrique.
Face aux médecins qui siègent à la commission, le
magistrat peut faire valoir non pas un point de vue psychiatrique mais des
éléments tenant au dossier du prévenu. En d'autres termes,
la sortie du malade serait conditionnée, non pas par son état de
santé, mais par son dossier judiciaire.
Un malade qui serait considéré comme guéri par son
médecin traitant et un psychiatre, resterait en hospitalisation d'office
en raison de la gravité de faits qui lui sont reprochés.
L'hôpital psychiatrique devient alors un lieu de réclusion
déguisé. Il y a là une confusion des missions de
l'hôpital et de la prison.
En outre, le dispositif qui nous est proposé présente
des
imprécisions
.
Tout d'abord, on ne sait ni par qui ni comment seront désignés
les médecins.
Ensuite, il est indiqué que l'un des médecins doit être un
psychiatre. Cela signifie-t-il que l'autre médecin peut être
extérieur à la sphère psychiatrique ? Comment va-t-il
alors pouvoir donner un avis qualifié sur le patient ? Au
demeurant, il n'est pas indiqué si les médecins de la commission
sont habilités à expertiser le malade.
Enfin, la situation du magistrat est délicate : certes, si l'un des
praticiens s'abstient, il a voix prépondérante et peut alors
refuser ou accepter une sortie. Mais peut-il vraiment accepter la sortie si le
psychiatre de la commission s'est abstenu ?
Si les deux médecins sont favorables à la sortie, la voix du
magistrat ne compte plus et celui-ci est engagé dans un processus qu'il
n'a pas souhaité et qu'il ne pourrait pas influencer puisqu'il n'est pas
médecin lui-même.
Cet article soulève donc un problème de fond alors qu'il ne
concerne pas seulement des délinquants sexuels et que l'on ne dispose
pas encore de tous les éléments nécessaires pour
évaluer la procédure d'hospitalisation d'office.
C'est pourquoi votre Commission vous propose d'adopter
un amendement de
suppression
de cet article qui sera assorti d'une demande ferme de sa part
pour que le Gouvernement s'engage à communiquer les
éléments dont il dispose et à préparer une
étude sur cette question.
*
* *
Sous réserve de ces observations et des amendements qu'elle vous a proposés, votre Commission a émis un avis favorable à l'adoption des articles 6 et 21 du projet de loi et vous propose la suppression de l'article 32 bis .
AMENDEMENTS PRÉSENTÉS PAR LA COMMISSION
Art. 6
(Intitulé du titre IX du livre III du code
de la santé publique)
Rédiger comme suit le texte proposé par le I de
cet article pour l'intitulé du titre IX avant l'article L. 355-33
du code de la santé publique :
" Prévention des infractions sexuelles pour les personnes
condamnées à un suivi socio-judiciaire
(Article L. 355-33 du code de la santé publique)
Dans le premier alinéa du texte proposé par le I
de cet article pour l'article L. 355-33 du code de la santé
publique, remplacer le mot :
spécialistes
par les mots :
psychiatres, ou de médecins ayant suivi une formation appropriée,
(Article L. 355-34 du code de la santé publique)
Dans la seconde phrase du premier alinéa du texte
proposé par le I de cet article pour l'article L. 355-34 du code de
la santé publique, après les mots :
en cours d'exécution
insérer les mots :
de la peine privative de liberté ou
(Article L. 355-35 du code de la santé publique)
I - Après les mots " de l'interruption
du traitement ", supprimer la fin du texte proposé par le I de cet
article pour le premier alinéa de l'article L. 355-35 du code de la
santé publique.
II - Rédiger ainsi le début du texte proposé par
le I de cet article pour le deuxième alinéa du même article
du code de la santé publique :
" Il peut également informer de toutes difficultés survenues
dans l'exécution du traitement le médecin coordonnateur qui est
habilité, ...
Art. 21
Dans le texte proposé par cet article pour le dernier
alinéa (15°) de l'article L. 322-3 du code de la
sécurité sociale, supprimer les mots :
de quinze ans
Art. 32 bis
Supprimer cet article.
ANNEXE
AVIS DU CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES
MÉDECINS
A propos du projet de loi relatif à la
prévention et à la répression des infractions sexuelles
ainsi qu'à la protection des mineurs
(en date du 29 septembre 1997)
Le Bureau du Conseil national de l'Ordre des médecins
se réjouit de voir le Gouvernement se saisir enfin d'une douloureuse
question sur laquelle les médecins ont depuis longtemps attiré
l'attention, en cohérence avec une sensibilisation internationale
déjà ancienne.
Il approuve l'esprit de cette loi et est satisfait que l'expression
" peine complémentaire de suivi médico-social ",
figurant dans le projet initial, ait été remplacée par les
termes " suivi socio-judiciaire ", ce dernier comportant
des mesures
de contrôle et, le cas échéant, une injonction de soins
(qui ne peut être prononcée que si l'expert estime le traitement
possible). Les soins deviennent donc clairement une modalité
d'application d'une mesure plus générale mais ils ne constituent
pas directement une peine.
La question du consentement est désormais posée de façon
explicite. Il est précisé qu'aucun traitement ne pourra
être entrepris sans le consentement du condamné, mais que celui-ci
refuse les soins qui lui seront proposés, l'emprisonnement
prononcé par la juridiction comme sanction du suivi socio-judiciaire
pourra être ramené à exécution par le juge de
l'application des peines.
Il résulte de cet ensemble de dispositions qui doivent être
complétées par des décrets d'application que :
- la personne condamnée a en principe le libre choix du
médecin traitant, mais ce choix doit être ratifié par le
coordonnateur ;
- le médecin traitant reste libre du traitement et de ses
modalités : il ne doit pas y avoir sur ce point d'intervention ni du
juge d'application des peines, ni même du coordonnateur ;
- le médecin traitant remet directement au condamné les
" attestations de suivi du traitement " à charge pour ce
dernier de les communiquer au juge d'application des peines ;
- le médecin coordonnateur peut servir d'écran entre le
médecin traitant et le juge d'application des peines ; le médecin
traitant peut n'avoir aucun contact direct avec les autorités
judiciaires ;
- en cas d'interruption du traitement ou de difficultés dans son
exécution, le médecin traitant peut, sans être poursuivi
pour violation du secret professionnel, en avertir directement le juge ; mais
il peut choisir le médecin coordonnateur comme intermédiaire pour
cette transmission.
Ces dispositions n'appellent pas d'objection déontologique majeure.
Toutefois, quelques points restent obscurs :
1 - Sur quels critères, le médecin coordonnateur
va-t-il donner son accord au choix du médecin exprimé par la
personne condamnée (art. L. 355-12, 1°) ?
2 - Les termes de la loi (art. L. 355-34, 2ème alinéa)
laissent penser que l'attestation remise au condamné aura simplement
pour objet de confirmer que l'intéressé se présente
régulièrement à la consultation et qu'il suit son
traitement, ce qui paraît suffisant. Est-ce bien l'interprétation
retenue ?
Il faudra également préciser ce que devra faire le médecin
traitant si le patient ne se présente pas, et dans quel délai.
3 - L'étendue des relations entre médecin coordonnateur
et médecin traitant soulève des interrogations. Dans la mesure
où il incombe au condamné de remettre lui-même au juge
d'application des peines l'attestation de suivi, on ne perçoit pas
clairement quels sont les " éléments nécessaires au
contrôle de l'injonction de soin " (art. L. 355-32, 3e) que le
médecin coordonnateur devrait détenir et transmettre au juge
d'application des peines.
Si on peut admettre un certain partage du secret des informations concernant la
personne condamnée, son traitement et l'évolution de son
état entre le médecin traitant et le médecin
coordonnateur, il est indispensable d'avoir la garantie que ce dernier ne sera
tenu de transmettre au juge d'application des peines que des conclusions
" administratives " sans indiquer les raisons d'ordre
médical
qui les motivent.
En outre, il faut confirmer que le médecin coordonnateur n'est pas,
notamment par le biais du partage d'informations, dans la situation d'un
médecin contrôleur vis-à-vis du médecin traitant.
4 - On relève aussi que les expertises prévues au cours
de la procédure et du suivi socio-judiciaire seront
réalisées par un seul expert, sauf décision motivée
du juge de l'application des peines (art. 763-6 du code de procédure
pénale).
Etant donné
- les incertitudes qui existent sur les traitements, leur diversité et
leur efficacité,
- l'absence de formation des médecins à ce type de prise en
charge,
est-il raisonnable de laisser à un seul expert la mission
d'apprécier si " la personne poursuivie est susceptible de faire
l'objet d'un traitement " ?
Il paraît essentiel que ces points soient précisés pour le
bon fonctionnement de cette procédure.
A ces réserves près, le projet emporte globalement
l'adhésion. Il faut cependant appeler l'attention sur l'ampleur des
difficultés que rencontrera l'application d'une telle loi et qui impose
de prévoir des moyens à la mesure des ambitions affichées.
Le domaine concerné représente en effet en médecine un
ensemble de perturbations particulièrement complexes à identifier
et à traiter. Cela ne pourra se faire qu'en prévoyant une
formation complémentaire des médecins traitants pour les aider,
sans doute souvent en concertation avec divers autres intervenants, à
évaluer au mieux les situations individuelles, l'effet des soins
appliqués et les risques de rechutes ultérieures. Dans
l'état actuel des moyens connus, le risque de récidive peut
être réduit dans les meilleurs cas d'environ moitié, en
aucun cas annulé.
Il est donc nécessaire que soit constitué un observatoire qui
colligera auprès de tous les intervenants les observations issues de
cette expérience nouvelle, les analysera et en fera le bilan dans un
délai à déterminer.
Etant donné l'ampleur de cette sorte de délits ou crimes, leur
prévention suppose un effort justifié mais important que devra
consentir la collectivité pour protéger ses enfants.
Le Conseil national de l'Ordre des médecins ne peut néanmoins que
souhaiter le plein succès de cette entreprise et, si nécessaire,
interviendra auprès des médecins pour y contribuer.
1
OMS - CIM - 10ème version - 1994.
2
DSM-IV, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux
1994.
3
Les autres paraphilies sont le fétichisme,
le transvestisme, le voyeurisme, l'exhibitionnisme, le sadisme, etc.
4
Période pendant laquelle le détenu ne peut
bénéficier d'aucune mesure de suspension ou de fractionnement de
la peine (permission de sortir, semi-liberté, libération
conditionnelle).
5
Hors préfecture de Police de Paris.
6
Baisse de la spermatogenèse, prise de poids et
asthénie à doses élevées, gynécomastie,
diminution de la pilosité corporelle et du sébum.
7
Comité consultatif national d'éthique pour les
sciences de la vie et de la santé -avis n° 51 du 20 décembre
1996.
8
Les dictionnaires usuels mentionnent à la fois les mots
" coordonnateur " et " coordinateur ".
Le terme
" coordonnateur " est le plus ancien et remonte au XIXème
siècle ; utilisé d'abord comme adjectif (1878), puis comme nom
(av. 1892) en médecine, en parlant du système nerveux, le mot a
ensuite également été employé pour parler d'une
personne en termes administratifs ou politiques. Le mot
" coordinateur ", utilisé pour désigner une personne au
sein d'une institution ou d'une entreprise, est un anglicisme que le Petit
Robert fait remonter à 1955.
9
Article L. 763-4 du code de procédure pénale ;
article 5 du projet de loi.
10
Le mot " double " a été ajouté
à l'Assemblée nationale en première lecture
(article 131-36-1-23 du code pénal, article 1er du projet de loi).
11
Article 131-3-6-3 du code pénal, article 1er du
projet de loi.
12
Aux termes de l'article 763-1 du code de procédure
pénale (article 5 du projet de loi), le juge de l'application des peines
peut désigner le comité de probation et d'assistance aux
libérés pour veiller au respect des obligations imposées
au condamné.
13
Il existe deux procédures d'hospitalisation sans
consentement :
l'hospitalisation sur demande d'un tiers
,
c'est-à-dire soit d'un membre de la famille du malade, soit d'une
personne susceptible d'agir dans l'intérêt de celui-ci ;
l'hospitalisation d'office
sur décision du préfet pour les
personnes dont les troubles mentaux compromettent l'ordre public ou la
sûreté des personnes
14
L'amendement de M. Philippe Douste-Blazy prévoyait que la
commission était composée du médecin traitant de
l'établissement, d'un psychiatre extérieur et d'un magistrat et
que l'avis de la nouvelle commission devait " préciser que
l'intéressé n'était plus dangereux ni pour lui-même
ni pour autrui ".