RAPPORT N°106 - PROJET DE LOI ADOPTE PAR L'ASSEMBLEE NATIONALE autorisant l'approbation du quatrième protocole (services de télécommunications de base) annexé à l'accord général sur le commerce des services
M. Maurice LOMBARD, Sénateur
Commission des Affaires étrangères de la defense et des forces armées - Rapport n° 106 - 1997/1998
Table des matières
- I. LE CADRE DANS LEQUEL SE SITUE LE QUATRIÈME PROTOCOLE : L'ACCORD GÉNÉRAL SUR LE COMMERCE DES SERVICES (AGCS) ÉTABLIT DES RÈGLES MONDIALES CONCERNANT LES INDUSTRIES DE SERVICES
- II. GENÈSE ET CONTENU DU QUATRIÈME PROTOCOLE SUR LES SERVICES DE TÉLÉCOMMUNICATION DE BASE
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
- PROJET DE LOI
N° 106
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 26 novembre 1997.
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant l'approbation du quatrième protocole (services de télécommunications de base) annexé à l'accord général sur le commerce des services,
Par M. Maurice LOMBARD,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM. Xavier
de Villepin,
président
; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet,
François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton,
vice-présidents
; Michel Alloncle, Jean-Luc
Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë,
secrétaires
; Nicolas About, Jean Arthuis, Jean-Michel Baylet,
Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Pierre Biarnès,
Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel
Caldaguès, Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
MM. Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel
Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert
Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe
de Gaulle, Daniel Goulet
,
Jacques Habert, Marcel Henry, Roger
Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice
Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Paul
d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Régis
Ploton, André Rouvière, André Vallet.
Voir les numéros;
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
221
,
421
et T.A.
37
.
Sénat
:
103
(1997-1998).
Traités et conventions.
Mesdames, Messieurs,
Le projet de loi qui nous est soumis a pour objet d'autoriser l'approbation du
quatrième protocole annexé à l'Accord
Général sur le Commerce des services relatif aux services de
télécommunications de base.
Ce quatrième protocole s'inscrit dans le processus de
libéralisation du commerce international qui a connu sa dernière
concrétisation solennelle lors de la signature, le 14 avril 1994
à Marrakech, de l'accord portant création de l'Organisation
Mondiale du Commerce. Annexé à cet accord général
concernant le commerce des marchandises, l'accord général sur le
commerce des services a établi pour la première fois des
règles et des disciplines multilatérales pour un secteur dont la
libéralisation était jusqu'alors limitée à des
cadres géographiques et juridiques particulier, l'Union
européenne ou les trois pays de l'ALENA par exemple.
Toutefois, si des règles furent bien adoptées en 1994, les offres
de libéralisation soumises par les pays membres à cette date
furent relativement décevantes sur quatre secteurs particuliers : les
services financiers, les transports maritimes, les mouvements des personnes
physiques et les télécommunications de base. Ainsi fut-il
décidé de poursuivre les négociations dans ces
différents secteurs et après approbation des 2e et 3e protocoles
relatifs aux services financiers et au mouvement des personnes physiques, le 4e
protocole soumis à notre examen en constitue le dernier résultat.
Si, en règle générale, les négociations sur le
commerce extérieur sont conduites par la Commission des
Communautés européennes sur la base de l'article 113 du
Traité de Rome, certains domaines, notamment dans le secteur des
télécommunications de base, relèvent aussi partiellement
d'une compétence partagée entre l'Union et les Etats membres.
Ainsi, la négociation entre l'Union et les Etats membres d'une part, et
l'OMC d'autre part a-t-elle fait l'objet d'un arrangement permettant que les
positions de négociation soient décidées à
l'unanimité. A Bruxelles, d'une part, par des négociations entre
la Commission et les Etats-membres et à Genève -siège de
l'OMC-, entre la Commission et les autres membres de l'OMC d'autre part. Ainsi
l'unité de représentation communautaire a-t-elle pu être
assurée tout en préservant l'autonomie de décision des
Etats-membres.
Le dispositif final doit être impérativement accepté par
tous les membres de l'OMC avant le 30 novembre 1997, ce qui justifie la
grande célérité avec laquelle la représentation
nationale se doit d'examiner un texte dont la présentation fort
austère ne doit pas cacher l'impact économique et commercial
très considérable qu'il comporte.
Votre rapporteur rappellera tout d'abord le cadre dans lequel s'inscrit ce
quatrième protocole, à savoir l'Accord général sur
le commerce des services, avant de mesurer l'impact économique qu'il
représente pour le développement des services de
télécommunications et de préciser les résultats
positifs acquis au cours de la négociation.
I. LE CADRE DANS LEQUEL SE SITUE LE QUATRIÈME PROTOCOLE : L'ACCORD GÉNÉRAL SUR LE COMMERCE DES SERVICES (AGCS) ÉTABLIT DES RÈGLES MONDIALES CONCERNANT LES INDUSTRIES DE SERVICES
A. LA MISE EN PLACE D'UNE RÉGLEMENTATION SPÉCIFIQUE AUX SERVICES
1. Une réticence initiale
L'idée d'ouvrir une négociation sur les services
fut en 1982 une initiative des Etats-Unis. Ces négociations furent
conduites activement à partir de cette période jusqu'à une
première étape en 1986. Elles révélèrent les
approches différentes des principaux protagonistes. Les Etats-Unis, sous
l'influence de secteurs concevant déjà une stratégie
mondiale -banques et télécommunications notamment, trouvaient un
intérêt évident à une libéralisation dans des
domaines où ils avaient acquis une capacité critique leur
permettant de conquérir de nouveaux marchés dans des conditions
avantageuses. L'Union européenne eut dès l'abord une attitude
plus réservée dans la mesure où certains de ses Etats
membres, dont la France, craignaient que la libéralisation de ces
secteurs n'entraînât une nécessaire
déréglementation affectant les monopoles publics.
Mais les pays de la Communauté réalisèrent rapidement les
avantages que leurs économies pouvaient retirer d'une ouverture
équilibrée des marchés dans ces secteurs, quitte à
passer, à des rythmes différents, par une première phase
de déréglementation.
De même, les pays en développement, bien souvent consommateurs
nets de services, considéraient une libéralisation du secteur des
services comme sans intérêt pour eux. Certains d'entre eux prirent
ensuite conscience des avantages qu'ils pourraient retirer d'un positionnement
sur certains secteurs spécifiques -télécommunications en
particulier.
Un accord fut donc trouvé en 1986, créant un groupe de
négociations sur les services qui aboutit finalement à un accord
spécifique : l'Accord Général sur le Commerce des
Services, conclu les 14 et 15 avril 1994 à Marrakech et
annexé à l'accord principal.
2. Un accord final portant sur tous les secteurs de services
L'AGCS comprend un accord cadre de 29 articles et sept
annexes
dont une est relative aux télécommunications.
Le champ d'application de l'Accord général est
particulièrement vaste puisqu'il s'étend "à tous les
services de tous les secteurs", à l'exception toutefois des
"
services
fournis dans l'exercice du pouvoir gouvernemental"
,
à savoir
tout service
"qui n'est fourni ni sur une base commerciale, ni en
concurrence avec un ou plusieurs fournisseurs de services".
Ainsi
convient-il de rappeler ici que le secteur audiovisuel est bien couvert par
l'AGCS même si, en 1994, la Communauté et ses Etats-membres,
refusant de s'engager sur ce secteur, ont eu recours à la clause
d'exemption au traitement de la nation la plus favorisée.
1(
*
)
Par ailleurs, l'accord prend en compte tous les acteurs susceptibles de prendre
des "mesures" destinées à mettre en oeuvre les obligations ou les
engagements d'un membre : gouvernements ou administrations centraux,
régionaux ou locaux, ainsi que les organismes non gouvernementaux
lorsqu'ils exercent des pouvoirs délégués par les
autorités mentionnées ci-dessus.
Surtout, l'accord décrit les 4 modes de fournitures de service qu'il
reconnaît :
- la
fourniture transfrontière
lorsque le service provenant d'un
pays est consommé dans un autre (exemple du consultant transmettant ses
conclusions par fax ou par courrier) ;
- la consommation à l'étranger : quand il y a
fourniture d'un
service sur le territoire d'un pays
à l'intention d'un consommateur
d'un ou plusieurs autres pays (exemple du tourisme) ;
-
la présence commerciale
: lorsque le producteur d'un service
s'établit dans le pays où se trouve ses consommateurs ;
- fourniture de services par la
présence de personnes physiques
d'un pays sur le territoire d'un autre.
Cette typologie des modes de fournitures de services est importante puisqu'elle
figure sur les listes d'engagements des Etats et permet d'apprécier la
qualité de l'offre de libéralisation des pays membres.
B. LES PRINCIPALES RÈGLES DE L'ACCORD GÉNÉRAL SUR LES SERVICES
1. Le traitement de la nation la plus favorisée (NPF) : la clé de voûte de l'accord
Cette clause figure en tête des obligations
générales de l'accord. Elle
interdit toute discrimination par
un pays entre offreurs étrangers de services
. Ce traitement doit
être accordé immédiatement et sans condition. Cette
inconditionnalité est toutefois largement tempérée par
l'existence d'une
annexe "sur les exemptions des obligations
énoncées
" au titre du paragraphe prévoyant
précisément le traitement de la nation la plus favorisée.
Ainsi ces exemptions à la "clause NPF" doivent-elles :
- être prises une fois pour toutes avant l'entrée en vigueur du
GATS, à l'exception du secteur des télécommunications de
base où le délai courait jusqu'au printemps 1996,
- prises hors du champ des engagements spécifiques
- limitées à 10 ans,
- réexaminées régulièrement,
- applicables à des mesures existantes ou à venir pourvu que ces
dernières soient suffisamment claires.
Par ailleurs, le principe-clé d'un traitement non discriminatoire
à l'égard de tout prestataire étranger
s'accommode
également d'autres aménagements
, notamment dans le cadre de
zones frontières
(art. II § 3),
d'accords
régionaux
(article V),
de marchés publics
(article
XIII), ou de considérations liées à la
moralité
à l'ordre public et à la sécurité
(articles XIV
et XIV bis).
2. Les autres obligations générales destinées à préserver une concurrence loyale
Elles concernent les incitations :
- à la
transparence
dans toute législation ou
réglementation concernant le commerce des services (article III),
- à une
réglementation intérieure
qui soit
"raisonnable, objective et impartiale" (article VI),
- à une
gestion non discriminatoire des licences, autorisations ou
certificats
délivrés à des fournisseurs
étrangers (article VII) ;
- à une utilisation qui soit compatible avec ses obligations des
situations monopolistiques
de certains fournisseurs (article VIII) ;
- à une
gestion prudente de la pratique des subventions
(article
XV).
3. Les engagements spécifiques : la base d'appréciation des libéralisations consenties par les Etats
Ces engagements reposent sur deux notions permettant de
mesurer l'ampleur de l'offre de libéralisation proposée par
chaque Etat signataire :
-
l'accès aux marchés
(article XVI) constitue la
proscription de restrictions quantitatives
prises par un pays et visant
les services ou fournisseurs de services d'un ou plusieurs autres pays.
Lorsqu'un Etat membre fait une offre de libéralisation -un engagement-
sur un secteur quelconque de services, il lui sera dès lors interdit,
pour ce secteur et quel que soit le mode de fourniture retenu
(transfrontière, consommation à l'étranger,
présence commerciale ou mouvement de personnes physiques), de limiter :
- le nombre de fournisseurs de services (opérateurs de
télécommunications, par exemple) ;
- la valeur totale des transactions ou des avoirs ;
- la quantité de services étrangers produits (quotas...) ;
- la quantité de personnes physiques pouvant être employées
dans un secteur de services.
A ces restrictions quantitatives, l'article XVI a ajouté deux autres
interdictions :
- celle tendant à
limiter la forme juridique d'implantation
pour
un fournisseur étranger (interdire par exemple la présence
commerciale au-delà d'une succursale) ;
-
établir un plafond de participation de capital étranger
.
- le traitement national (article XVII)
Dans les secteurs inscrits dans sa liste d'engagement, chaque Etat
réservera aux producteurs étrangers le traitement national. Cela
signifie que ceux-ci devront bénéficier d'un traitement
non
moins favorable
que les producteurs nationaux.
- les engagements additionnels (article XVIII)
Cette clause permet au pays ayant inscrit des offres sur sa liste d'engagement
d'y inclure des mesures de libéralisation autres que celles relative
à l'accès aux marchés ou au traitement national. Ces
engagements supplémentaires concernent notamment les règles
relatives à la délivrance de licences ou l'établissement
de normes ou de qualifications. Ces engagements supplémentaires -qui
prennent la forme d'un complément à la liste proprement dite -ont
pour objet de donner leur cohérence aux offres de libéralisation
faites dans le cadre de la liste elle-même. Ainsi, l'offre de la
Communauté européenne comporte-t-elle -en engagements
additionnels- des définitions et des principes concernant le cadre
réglementaire pour les services de télécommunications de
base : conditions d'interconnexion entre fournisseur principal de réseau
et un autre fournisseur de réseau par exemple.
II. GENÈSE ET CONTENU DU QUATRIÈME PROTOCOLE SUR LES SERVICES DE TÉLÉCOMMUNICATION DE BASE
A. UNE DIFFICILE NÉGOCIATION
1. Un calendrier initial opportunément assoupli
Le 15 avril 1994, lors de la signature à Marrakech de
l'accord instituant l'organisation mondiale du commerce, les Ministres ont
estimé qu'en matière de services de
télécommunications, les engagements souscrits par les Etats dans
le cadre de l'AGCS étaient insuffisants. Ainsi a-t-il été
décidé de poursuivre la négociation afin d'aboutir
à des résultats plus significatifs. Pour le secteur des
télécommunications, la première échéance
fixée à cette négociation fut le 30 avril 1996. Toutefois,
à cette date, les Etats-Unis, estimant que les offres
supplémentaires obtenues pendant ces négociations
n'étaient pas assez substantielles, refusèrent de signer l'accord.
Face à cette situation de blocage, le Conseil du commerce de services de
l'OMC proposa une solution de compromis en deux temps :
- Premier temps, l'accord serait adopté : c'est le quatrième
protocole auquel ont été annexées les listes provisoires
d'engagement des Etats.
- Deuxième temps : chaque membre pourrait modifier librement entre le 15
janvier et le 15 février 1997 ses listes provisoires d'engagement
annexées à l'accord.
Cette procédure s'est révélée très
fructueuse : en effet, entre le 30 avril 1996 et le 15 février 1997 des
progrès très considérables ont été
réalisés qui ont permis, entre autre, aux Etats-Unis de reprendre
une attitude constructive. En effet, 36 des 48 pays qui avaient
déposé des offres au 30 avril 1996 ont amélioré
leurs engagements et 21 nouvelles offres ont été
présentées. Ainsi le 15 février 1997 se trouvait
parachevé l'accord du 30 avril 1996 : 55 listes d'engagements
représentant 69 pays étaient réunies soit plus de 90 % du
marché mondial des services de télécommunications.
2. Des positions convergentes des principaux pays liées à des intérêts mutuels bien compris
L'Union européenne, en ce qui la concerne, avait
déjà décidé et engagé, lors de la conclusion
de cette ultime phase de négociation multilatérale, sa propre
politique de libéralisation du secteur des
télécommunications sur son propre espace. On se rappelle que ce
processus progressif d'ouverture des marchés et des services,
officiellement acté par l'Acte Unique de 1986, a d'abord abouti en 1993
à la décision du Conseil des ministres des
télécommunications de libéraliser le commerce sur tous les
services de télécommunications à compter du ler janvier
1998, décision qui fut prolongé en 1994 par celle de
libéraliser, à la même date, la fourniture
d'infrastructures de télécommunications.
Forte de cette antériorité et consciente de ce que les
règles communautaires comprenaient déjà une ouverture
significative à la concurrence non européenne (par le biais des
investissements étrangers), l'Union a eu pour souci au cours des
négociations conduites en son nom par M. Brittan, d'obtenir -avant le
premier janvier 1998-, une ouverture multilatérale des principaux
marchés et notamment de ceux des Etats-Unis et du Japon, qui en
matière de
présence commerciale
notamment avaient
établi des plafonds limitant ces participations étrangères
au capital de leurs opérateurs.
Les Etats-Unis pour leur part, habitués à traiter le plus souvent
en ce domaine à travers des concessions bilatérales et
réciproques et assurés de toute façon de leur accès
au marché européen entendaient surtout voir les offres de leurs
principaux partenaires -en Asie notamment- substantiellement accrues. C'est
d'ailleurs la faiblesse des engagements des pays émergents d'Asie qui
avait justifié leur rejet initial de l'accord du 30 avril 1996.
Le Japon, qui redoutait de devoir conduire parallèlement la
négociation sur la libéralisation et le
démantèlement de son opérateur national NTT, a finalement
proposé d'importantes et significatives concessions, en particulier sur
la question de l'investissement étranger.
Les principaux objectifs de la France étaient l'ouverture
complète des marchés américain et japonais
représentant, avec le marché européen, 70 % du
marché mondial des services de télécommunications. Plus
précisément, la France attendait des Etats-Unis qu'ils suppriment
leurs limitations à l'investissement étranger au capital des
exploitants de réseaux radioélectriques. Il s'agissait
également d'encadrer, grâce aux obligations multilatérales
contenues dans l'AGCS, la Federal Communications Commission (FCC),
autorité américaine de régulation pour l'audiovisuel et
les télécommunications.
2(
*
)
Le souci était sensiblement le même à l'égard du
Japon qui limitait à 33 % la part des investissements étrangers
au capital des opérateurs propriétaires de leurs infrastructures.
Il s'agissait également d'obtenir des autorités japonaises la
mise en place d'un cadre réglementaire adapté à une
concurrence effective.
Les deux autres objectifs majeurs de la France étaient d'inciter les
pays en développement à engager un processus progressif
d'ouverture de leur marché et surtout conforter, dans le dispositif
final, la place de la clause de traitement de la nation la plus
favorisée.
Sur l'ensemble de ces points l'accord du 15 avril 1997 répond aux
objectifs visés.
B. UN ENJEU ÉCONOMIQUE CONSIDÉRABLE
1. Les effets attendus de la libéralisation
L'ouverture à la concurrence des réseaux de
télécommunications engendrera rapidement une véritable
révolution dans le paysage mondial des télécommunications.
Ne serait-ce qu'en Europe, la fin des situations monopolistiques,
déjà bien engagée dans certains domaines comme dans celui
des réseaux de la téléphonie mobile, sera consommée
avec l'émergence prochaine de nouveaux opérateurs dans les
secteurs de la téléphonie vocale fixe. Dans ce dernier domaine,
qui représente encore les deux tiers des activités des principaux
opérateurs actuels, s'ouvre un marché encore très
prometteur sur lequel les acteurs se multiplieront. Les technologies nouvelles
y trouveront des opportunités de développement : le câble,
internet renforceront leur place comme vecteur de son, d'images et de
données.
Cette mutation rapide se fera aussi et surtout au bénéfice du
consommateur, passant progressivement du statut d'usager à celui de
client, qui aura l'opportunité de choisir entre un nombre croissant
d'opérateurs, de services, de gestionnaires de réseaux, lesquels
devront être en mesure d'adapter en permanence la qualité et la
diversité de leur offre, qu'elle relève du
téléphone, du fax, de la transmission de données ou de
circuits privés de vidéo...
2. Un secteur économiquement essentiel
·
L'évolution du marché mondial
Le marché mondial des télécommunications, services et
équipements confondus, a représenté en 1997, 745 milliards
de dollars. La croissance annuelle moyenne du marché au cours des 7
dernières années s'est établie à 5,6 %.
A eux seuls, les services de télécommunications
représentant un chiffre d'affaires mondial de 615 milliards de dollars.
La téléphonie fixe y représente 71 %; 21,9 % revenant aux
télécommunications mobiles.
Le tableau ci-après décrit l'évolution de la part relative
des différents secteurs en 7 ans :
1991 |
1997 |
|
Téléphonie fixe |
84,7 % |
71 % |
Téléphonie mobile |
5,1 % |
21,9 % |
Transmission de données |
9 % |
7 % |
Telex, télégraphe |
1,2 % |
0,1 % |
Total |
441,2 Milliards de $ |
615,2 Milliards de $ |
Les Etats-Unis et l'Union européenne
représentent 30 % du marché mondial, suivis par le Japon (15 %).
Certains pays émergents voient également leurs parts de
marché sur la pente d'une croissance rapide (estimée annuellement
à environ 14,6 %) : le Brésil, la Chine, l'Inde ou les pays
d'Europe centrale et orientale.
Les principaux opérateurs mondiaux se classent de la façon
suivante, sur la base du chiffre d'affaires réalisé en 1996, en
milliards de dollars :
NTT |
Japon |
55,3 |
AT&T |
Etats-Unis |
49,1 |
Deutsch Telecom |
RFA |
39,2 |
France Telecom |
France |
29,7 |
British Telecom |
Grande-Bretagne |
22,9 |
Bellsouth |
Etats-Unis |
19,0 |
Telecom Italia |
Italie |
18,9 |
MCI |
Etats-Unis |
18,5 |
GTE |
Etats-I,os |
17,4 |
Telefonica |
Espagne |
15,8 |
En terme de parts de marchés, les différents services de télécommunications devraient entre 1997 et 2000 évoluer de la façon suivante, consacrant sur un marché global en forte croissance, le développement considérable des services de téléphonie mobile :
Évolution des parts de marché mondial des
différents services de télécommunications entre 1997 et
2000
1997
|
2000
|
|
Réseau téléphonique commuté |
71 % |
66,2 % |
Téléphonie mobile |
21,9 % |
27,7 % |
Autres services transmissions de données, liaisons spécialisées, télex, télégraphe |
7,1 % |
6,1 % |
·
La place du secteur
télécommunications en France
Le marché français occupe la deuxième place dans l'Union
européenne où il représente 16 % du marché
communautaire, et 4,5 % du marché mondial.
Depuis 1990, France Telecom, le principal opérateur français a
profondément évolué, à l'image du secteur dont il
est l'un des principaux acteurs mondiaux. Devenu en 1991 exploitant autonome de
droit public puis entreprise publique en 1997, il a récemment accueilli
dans son capital, avec succès, des actionnaires privés.
Sur un chiffre d'affaires total qui atteint 160 milliards de francs pour
l'ensemble des fournisseurs français de services de
télécommunications, France Telecom en réalise la part
majeure, avec 151,3 milliards de francs en 1996. La téléphonie
fixe y représente 68 %, la téléphonie mobile connaît
une croissance rapide : 7,4 % soit plus de 12 milliards de francs.
Les principaux rivaux français de l'opérateur public sont Cegetel
(filiale de la Compagnie générale des eaux) qui exploite le
réseau SFR et Bouygues Telecom qui exploite le troisième
réseau de téléphonie mobile. Il s'y ajoute de nombreux
nouveaux opérateurs apparus ces dernières années sur le
marché à la faveur du développement des communications
d'entreprises, d'Internet et des réseaux mobiles
spécialisés.
3. Les principaux acquis de la négociation
Le nombre des offres, des listes d'engagements -55 listes
représentant 69 pays- constitue à soi seul un succès
puisque les parties représentent 95 % du marché mondial du
secteur.
L'un des principaux objectifs de la négociation consistait à
obtenir un assouplissement des législations relatives à la part
d'investissements étrangers autorisée dans le capital des
opérateurs nationaux de services de télécommunications.
- Les Etats-Unis ont maintenu une limitation à 20 % de la part du
capital d'une société américaine qui serait détenue
par un opérateur étranger. Il semble que cette position ait
obéi à des raisons plus juridiques que politiques. En effet, la
suppression de cette clause aurait nécessité une modification
législative et donc l'intervention du Congrès, or le mandat de
négociation accordé au gouvernement américain était
limité aux accords n'impliquant pas de modification législative ;
Si le Japon maintient une limite à 20 % dans le capital de KDD et NTT,
il supprime le plafond à 33 % au capital des opérateurs
propriétaires d'infrastructures.
- En Europe, deux pays ont maintenu une limitation : le Portugal à
25 % pour les participations directes ou indirectes ; la France à
20 % pour les seules participations
directes
détenues par des
personnes physiques ou morales non-communautaires. En réalité,
cette disposition est une riposte "d'affichage" à la disposition
analogue imposée par les Etats-Unis. Dans les faits, cette restriction
est très largement symbolique puisqu'elle peut être
aisément contournée par l'implantation préalable de la
société non communautaire en question dans l'un des autres
États membres de l'Union.
Au demeurant, d'autres pays ont maintenu des restrictions d'ampleur et de champ
d'application divers : le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande,
l'Inde, Israël, Singapour et de nombreux pays -Amérique latine-
sauf le Chili, le Venezuela, la Colombie et l'Argentine.
- L'Union européenne avait décidé, cela fut accepté
dans le cadre des négociations de l'OMC, d'accorder un délai
supplémentaire à l'Espagne, à la Grèce, à
l'Irlande et au Portugal pour la libéralisation de leurs secteurs
téléphonie vocale et infrastructure de communication.
La brièveté du délai laissé à l'Espagne
-jusqu'au 30 novembre 1998-, ne pouvait justifier de la part des autres
partenaires non européens à la négociation un rejet du
dispositif. Pour les trois autres pays, c'est la faible importance de leurs
marché respectifs qui a permis de faire entériner un délai
plus long pour une libéralisation totale (ler juillet 1999 pour le
Portugal, ler janvier 2000 pour l'Irlande, ler janvier 2003 pour la
Grèce).
- Un débat a opposé quelque temps les Etats-Unis et l'Union
européenne quant à l'inclusion de l'audiovisuel dans la
négociation sur les services de télécommunications de
base, au motif que la technologie aboutissait à une convergence de fait
des vecteurs téléphoniques ou télévisuels.
Ainsi, les Etats-Unis ont-ils jugé opportun d'inscrire une
dérogation à la clause de la nation la plus favorisée
3(
*
)
sur la "transmission unidirectionnelle
de
services de radiodiffusion et de télédiffusion directe par
satellite"
4(
*
)
. Cette dérogation est
d'autant plus surprenante que le secteur audiovisuel n'était pas compris
dans la négociation -ce que d'ailleurs les Etats-Unis ont eux-même
reconnu. Au demeurant, la liste d'engagements de l'Union précise
dès le début que le contenu transporté n'était pas
concerné, seul le vecteur l'était :
"
Les services de télécommunications concernent la transmission
de signaux électromagnétiques (...) à l'exclusion de la
diffusion
5(
*
)
. En conséquence, les
engagements inscrits dans la présente liste ne visent pas
l'activité économique consistant à fournir un contenu par
le biais de services de télécommunications".
Les choses sont
donc claires. En réalité, cette disposition semble liée
à un litige récurrent avec le Canada, la France n'a pas
d'intérêts "offensifs" dans ce secteur.
- Enfin, les résultats et les acquis de l'accord du 30 avril 1996
nécessiteront dans certains Etats des aménagements
législatifs. Cet aménagement ne concerne ni l'Europe ni la
France. En revanche, le Japon devra modifier sa législation sur les
télécommunications pour supprimer la limitation à 33 % des
participations étrangères au capital de certains de ses
opérateurs propriétaires d'infrastructures.
Surtout, les Etats-Unis auront à remanier en profondeur les
règles de la Federal Communication Commission (FCC) qui conditionnent
aujourd'hui l'ouverture du marché américain à l'existence
d'une réciprocité. Les derniers développements à
cet égard ont de quoi inquiéter : le projet de règlement
de la FCC sur la participation de sociétés
étrangères sur le marché américain n'apparaît
guère compatible avec l'accord du 30 avril 1996. La Commission a
opportunément dénoncé certaines clauses "vagues et floues"
selon lesquelles, par exemple, les Etats-Unis (la FCC) pourraient refuser de
délivrer une licence aux opérateurs étrangers, au
prétexte qu'ils seraient
"une menace malsaine pour
l'intérêt public ou pour la compétitivité
commerciale aux Etats-Unis".
Il conviendra, le moment venu, d'user des procédures en cours à
l'OMC sur le règlement des différends.
4. Les pays et territoires d'Outre-mer ne sont pas concernés par les engagements spécifiques
La question s'est posée de l'applicabilité ou
non, aux territoires d'Outre-mer, du dispositif dont nous débattons. Il
est aujourd'hui acquis que nos Territoires d'Outre-mer ne sont pas
concernés par les listes d'engagements spécifiques
déposées à l'OMC dans le cadre de l'AGCS par l'Union
européenne et ses Etats-membres. Le Ministère des Affaires
étrangères a bien voulu transmettre à votre rapporteur les
éléments juridiques conduisant le gouvernement à conclure
à la non application de l'AGCS aux Pays et Territoires d'Outre-mer.
Il convient de rappeler que l'accord de Marrakech, dont l'AGCS constitue une
annexe, comporte schématiquement deux parties ; une première
détermine des
normes et des règles
en matière de
commerce international qui s'appliquent également et
intégralement à nos territoires et collectivités
territoriales d'Outre mer. Une seconde partie représente les
engagements
pris par la Communauté et ses Etats-membres dans le
cadre des différents accords multilatéraux annexés :
l'AGCS et ses différents protocoles.
A cet égard, la note introductive à la liste d'engagements
spécifiques de la Communauté européenne précise que
ces
"
engagements spécifiques énumérés dans la
liste (...) valent seulement pour les territoires où sont
appliqués les Traités portant constitution des Communautés
européennes
".
L'article 227 § 3 du Traité instituant
la Communauté prévoit qu'il s'applique aux pays et territoires
d'Outre-mer
pour autant que le régime d'association des PTOM en
dispose ainsi.
Or, la décision d'association, adoptée en 1991
sur le fondement de l'article 136 du Traité, et notamment sa
quatrième partie relative au
régime applicable à
l'établissement et aux services
ne prévoit pas l'application
par les PTOM des
clauses relatives aux pays tiers
contenues dans les
actes communautaires adoptés sur la base des dispositions relatives au
droit d'établissement. Elle se borne à imposer aux pays et
territoires d'Outre-mer, sous réserve de réciprocité,
l'application d'un traitement non-discriminatoire aux sociétés
des Etats membres et des différents pays et territoires.
Ainsi, comme l'indique le Ministère des affaires
étrangères,
"Tout ceci semble suggérer que le
traité ne s'applique pas aux pays et territoires d'Outre-mer dans les
domaines couverts par le GATS".
CONCLUSION
Le quatrième protocole sur les
télécommunications de base constitue un enjeu économique
considérable. Dans le même temps, il est la traduction d'une
évolution du commerce mondial que la France a toujours soutenue vers
plus de multilatéralisme et vers un respect accru des règles de
concurrence loyale et d'ouvertures équilibrées et
réciproques des marchés des services.
Ce sont là autant de raisons majeures qui incitent votre rapporteur
à recommander l'adoption du projet de loi qui nous est soumis.
EXAMEN EN COMMISSION
La commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées a examiné le présent
rapport au cours de sa séance du mercredi 26 novembre 1997.
A l'issue de l'exposé du rapporteur, le rapporteur a indiqué
à M. André Boyer que la quasi totalité des parties au
quatrième protocole avaient approuvé le dispositif avant la date
limite du 30 novembre 1997.
M. Xavier de Villepin, président, a évoqué avec le
rapporteur le contenu des deuxième et troisième protocoles
concernant respectivement les services financiers et les mouvements des
personnes physiques.
M. Maurice Lombard, rapporteur, a enfin précisé à M.
Xavier de Villepin, président, l'enjeu de la disposition, maintenue par
les Etats-Unis, tendant à limiter à 20 % la part des
participations indirectes détenues par une société
étrangère dans le capital d'un opérateur américain.
Puis la commission a approuvé le projet de loi.
PROJET DE LOI
(Texte adopté par l'Assemblée Nationale)
Article unique
Est autorisée l'approbation du quatrième protocole (Services de télécommunications de base) annexé à l'accord général sur le commerce des services, adopté à Genève le 15 avril 1997 et dont le texte est annexé à la présente loi 6( * ) .
1
Voir infra p.6 sur les clauses
d'exemption.
2
En France, c'est l'Autorité de Régulation des
Télécommunications (ART), autorité indépendante
mise en place en 1997 qui sera chargée d'instruire les demandes de
licences d'opérateurs extérieurs.
3
Voir supra p.6
4
Vidéo à la demande, TV payante, transmission directe
à domicile.
5
"La diffusion est définie comme étant la
chaîne de transmission ininterrompue nécessaire pour la
distribution au public des signaux de prorammes radiophoniques et
télévisuels, mais elle ne couvre pas les liaisons de contribution
entre les exploitants".
6
Voir le texte annexé au document n° 221 (A.N.,
11ème législature).