2. Une information tronquée
Depuis qu'il a annoncé sa décision de réduire la durée légale hebdomadaire du travail à 35 heures, le Gouvernement a commis au moins deux omissions regrettables. L'une vis-à-vis de l'ensemble des Français, consistant à dissimuler l'ampleur des efforts qu'ils devront consentir afin que cette décision aboutisse à créer des emplois. L'autre vis-à-vis du Parlement concernant le coût de la mesure pour les finances publiques qui reste une des grandes incertitudes.
a) Le débat occulté sur l'ampleur des efforts
Il semble tout à fait clair, à ce stade de la
réflexion, que, pour créer des emplois, la réduction de la
durée du travail exigera des efforts considérables pour tous et
notamment pour les salariés.
Citons encore ce propos important, puisqu'il émane de la personne qui a
dirigé l'étude sur laquelle le Premier ministre s'est
appuyé pour dire aux Français que la réduction du travail
allait créer des emplois. Pour M. Gilbert Cette
86(
*
)
: "
Le message
principal de
l'étude
qui a été réalisée par la
Banque de France
est
que les conditions de réussite d'une
réduction du temps de travail sont simples, elles sont partagées
d'ailleurs par tous les gens qui ont l'habitude de faire ce type
d'évaluation, c'est que les coûts de production unitaires des
entreprises n'augmentent pas.
C'est tout.
Et le fait que les
coûts de production unitaires des entreprises n'augmentent pas
nécessite, inévitablement, une contribution salariale au
financement de la réduction du temps de travail. Et ce résultat
là est avancé comme le résultat essentiel dans
l'étude qui a été réalisée par mon service
à la Banque de France. C'est ce résultat-là que nous avons
voulu mettre en avant, valoriser
. "
En d'autres termes, les 35 heures, si l'on reprend l'expression de
M. Vincent Bronze
87(
*
)
, chef
d'une entreprise ayant mis en place la réduction du temps de travail,
"
c'est la galère
" assurée pour tous, aux
salariés la modération salariale, aux entreprises la
nécessité de revoir leur système de production, à
l'Etat d'assurer le financement, à tous de négocier.
b) Le débat dissimulé sur le coût pour les finances publiques
Le lundi 5 janvier 1998, au matin, le président de la
commission d'enquête, M. Alain Gournac, le rapporteur, M. Jean Arthuis,
le secrétaire M. Denis Badré, accompagnés des
administrateurs membres du secrétariat de la commission, se sont rendus
au ministère de l'économie et des finances afin de se faire
communiquer conformément au deuxième alinéa du paragraphe
II de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative
au fonctionnement des assemblées parlementaires, pour y recueillir,
conformément à la
mission
assignée à la
commission d'enquête par la
résolution n° 159
votée par le Sénat
, en application de l'article 11 de son
règlement, le jeudi 11 décembre 1997, tous les
"
éléments d'information sur les conséquences
financières, économiques et sociales de la décision de
réduire à trente-cinq heures la durée hebdomadaire du
travail.
"
Dans les jours qui suivirent le 5 janvier, les services du ministère de
l'économie et des finances remirent, concernant la direction de la
prévision, certaines études, mais pas l'ensemble de celles
demandées par la délégation.
Aucune note n'émanant de la direction du budget, ni même
"
la main courante
" de ces notes, ne furent remises
à
la commission d'enquête.
De la même façon, aucune des notes émanant de la direction
des relations du travail ne lui a été communiquée.
En revanche, la totalité des notes prévues par la DARES, dont bon
nombre étaient au demeurant déjà publiées dans des
revues diverses, lui ont été fournies.
Le rapporteur de la proposition de la résolution ayant
créé la présente commission d'enquête, M. Philippe
Marini, indiquait pour motiver son avis favorable à une telle
création que "
la représentation nationale a le droit de
savoir, et même le devoir de connaître
". Telle est bien
la question. Car si même les commissions d'enquête du Parlement ne
sont pas en mesure d'accéder aux vraies informations, alors qui est
vraiment en mesure de connaître la vérité ?