B. LE PROJET CAMPE DANS UNE LOGIQUE ÉTATISTE
Le projet conforte la pensée selon laquelle l'accroissement de l'Etat est inéluctable et que l'on peut commander aussi bien à l'économie qu'aux citoyens.
1. L'accroissement inéluctable de l'Etat
a) L'accroissement des aides publiques
Il ne fait aucun doute que les récentes
déclarations d'intention du Gouvernement, s'ajoutant à la nature
intrinsèque de cette mesure qui, pour réussir à
créer des emplois, nécessite d'épouser au plus près
la diversité des situations, font que l'on s'oriente vers un
mécanisme d'aides publiques qui sera de plus en plus sophistiqué.
Quelle que soit la conviction qui anime le chef d'entreprise, il est
" rentable " de capter les aides publiques. Qui peut y
résister ? Tous les conseils d'entreprises ne manqueront pas demain
d'en faire la démonstration comme ils l'ont fait pour la loi de Robien.
Le projet de loi prévoit en effet le versement, la première
année
88(
*
)
, d'une aide
forfaitaire de 9.000 F. par salarié dès lors que la
durée du temps de travail est réduite d'au moins 10 % et que
l'entreprise augmente ses effectifs de 6 %. Prenons l'exemple d'une
entreprise employant 100 personnes. Après avoir réduit la
durée hebdomadaire du temps de travail et créé
6 emplois, elle percevra une aide de 106 x 9.000 F = 954.000 F,
soit 954.000 F : 6 = 159.000 F par emploi créé. Sans
doute plus que les salaires et charges correspondant à chacun de ces
nouveaux emplois. Du bénéfice avec l'argent des contribuables !
Ce qui fait dire à juste titre à M. Daniel Giron
89(
*
)
, président de l'Union
professionnelle artisanale, que ce dispositif est injuste car l'artisan ou le
commerçant, le patron d'une petite entreprise, percevra infiniment moins
s'il crée un seul emploi, alors même que son effectif
progresserait de 50 % pour deux salariés ou de
33,
1
/
3
% pour trois salariés. Dans la
première hypothèse, il ne reçoit que (2+1) x 9.000 F
= 27.000 F, dans la seconde (3+1) x 9.000 F = 36.000 F.
Comment nier que les petites entreprises seraient moins bien traitées
que les grandes !
Ce dispositif fondé sur l'aide publique prend des allures de machine
infernale.
b) L'accroissement des contrôles
La réduction de la durée du temps de travail
repose sur le pari que la durée effective va peu à peu s'ajuster
sur la durée légale.
En effet, soit la durée effective du travail diminue et l'effet de
partage s'enclenche, soit elle ne diminue pas, et la mesure se traduit
uniquement par une augmentation des coûts unitaires dont l'ensemble des
intervenants, praticiens comme théoriciens, s'accordent à penser
que celle-ci aura des effets néfastes sur l'emploi. Pour ce faire, il
faut être en mesure de contrôler qu'il n'y a pas inertie,
c'est-à-dire que les entreprises ne neutraliseront pas la mesure en
fraudant ou bien en se mettant en conformité nominale
avec la
règle de droit. Cela suppose, comme l'ont souligné plusieurs
personnes auditionnées par la commission d'enquête, que l'Etat se
donne les moyens de contrôler les règles de plus en plus complexes
qu'il n'a de cesse d'établir. Va-t-on mettre un inspecteur du travail
dans chaque entreprise ?
c) L'accroissement de la complexité
La complexité qui résulte d'ores et
déjà de la règle de droit, et qui ne ferait que
s'accroître encore avec la mise en place de dispositifs désireux
de "
coller
" au plus près des réalités,
a un coût. Ce coût a été sous-estimé.
S'agit-il de façon plus générale de continuer à
établir, strate après strate, des législations certes plus
subtiles, mais aussi plus complexes et partant plus difficiles à
appliquer ? Nombre de personnes auditionnées par cette commission et,
notamment M. Claude Companie, délégué au
département emploi de la confédération française de
l'encadrement (CFE-CGC), et Mlle Laurence Matthys
90(
*
)
ont souligné le fait que la
législation en matière de temps de travail des cadres
était totalement bafouée. Veut-on étendre cela au reste
des salariés, notamment dans les petites et moyennes entreprises ?