Accord-cadre de coopération entre la Communauté européenne et la République du Chili
M. Daniel GOULET, Sénateur
COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES, DE LA DEFENSE ET DES FORCES ARMEES - RAPPORT N° 354 - 1997/1998
Table des matières
- I. LE CHILI AUJOURD'HUI - LES PERFORMANCES ÉCONOMIQUES D'UNE DÉMOCRATIE RESTAURÉE
- II. LE CONTEXTE DE L'ACCORD-CADRE DU 21 JUIN 1996
- III. LE DISPOSITIF GÉNÉRAL DE L'ACCORD-CADRE
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
- PROJET DE LOI
-
ANNEXE -
ETUDE D'IMPACT33 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.
N° 354
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 25 mars 1998
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant la ratification de l' accord-cadre de coopération destiné à préparer, comme objectif final, une association à caractère politique et économique entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République du Chili , d'autre part (ensemble une annexe),
Par M. Daniel GOULET,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton, vice-présidents ; Michel Alloncle, Jean-Luc Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë, secrétaires ; Nicolas About, Jean Arthuis, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Jacques Bellanger, Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Charles-Henri de Cossé-Brissac, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, André Gaspard, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Jacques Habert, Marcel Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, André Rouvière, André Vallet.
Voir le numéro
:
Sénat
:
259
(1997-1998)
|
Traités et conventions. |
Mesdames, Messieurs,
L'accord-cadre de coopération, signé le 21 juin 1996 à
Florence entre le Chili et l'Union européenne, aura, comme son
intitulé le laisse entendre, un caractère provisoire : il a pour
mission de définir des méthodes et des objectifs en vue d'une
grande ambition : l'établissement, à terme, d'une association
à caractère politique et économique entre le Chili et
l'Union européenne.
La conclusion de cet accord traduit l'importance que revêt, pour
l'Europe, l'Amérique latine en général et le Chili en
particulier. Ce pays s'implique de plus en plus désormais dans les
structures commerciales régionales : ainsi est-il associé au
Mercosur (le Marché commun sud-américain) qui représente
un ensemble économique et commercial essentiel pour l'avenir du
continent. L'Union européenne a passé, en décembre 1995,
un accord inter-régional avec le Mercosur, qui présente
d'ailleurs des caractéristiques comparables avec celui que nous
examinons concernant le Chili.
L'Union européenne est un partenaire commercial privilégié
du Chili. Les échanges entre les deux parties se développent
rapidement, permettant au Chili d'obtenir avec l'Europe un excédent
commercial substantiel.
I. LE CHILI AUJOURD'HUI - LES PERFORMANCES ÉCONOMIQUES D'UNE DÉMOCRATIE RESTAURÉE
A. LE CHILI : LE RETOUR PROGRESSIF À LA DÉMOCRATIE
Le coup d'état du 11 septembre 1973 contre le
Président Salvador Allende, à partir duquel l'armée
chilienne suspendit toute activité politique dans le pays, ouvrit une
ère de dictature politique impitoyable et sur le plan économique,
de libéralisme intégral. Les conséquences sociales du
modèle économique retenu ont abouti, en 1982 et 1983, à
une vive contestation politique, en dépit du contrôle total dont
la vie politique était l'objet de la part du pouvoir du
général Pinochet.
Celui-ci décida, en janvier 1987, la levée de l'état de
siège et autorisa, en mars de la même année, les partis non
communistes. Après avoir accueilli des civils au sein de son
gouvernement, le général Pinochet organisa un
référendum le 5 octobre 1988. La majorité de "non" (55 %)
contraignit le pouvoir en place à l'organisation d'élections et
des réformes institutionnelles furent approuvées par
référendum.
L'accession de Patricio Aylwin à la tête de l'Etat chilien permit
de restaurer le rôle du pouvoir législatif, de rétablir la
liberté d'expression et d'étendre la démocratie à
l'échelon local. Cela étant, la libéralisation
institutionnelle s'est heurtée aux "lois d'amarrage" voulues par le
précédent régime : inamovibilité des commandants en
chef, privilèges budgétaires de l'armée, domination des
militaires au Conseil de sécurité nationale etc.
Succédant en 1993 au Président Aylwin, M. Eduardo Frei a
donné la priorité au développement et à la lutte
contre la pauvreté, sans pouvoir faire évoluer le dossier des
questions institutionnelles, en raison d'une opposition constante du
Sénat. Le gouvernement demeure donc en conflit avec une partie de
l'armée qui, tout en respectant le jeu institutionnel,
bénéficie d'une véritable autonomie que le
général Pinochet entend maintenir. Celui-ci a quitté le 10
mars dernier le commandement en chef de l'armée pour devenir
sénateur à vie.
La vie politique ne va pas aujourd'hui sans tensions ; la "concertation des
partis pour la démocratie", la coalition au pouvoir, regroupe le Parti
socialiste et le Parti pour la démocratie qui en constituent l' "aile
gauche", aux côtés de la Démocratie chrétienne et du
Parti radical socialiste. Cette cohabitation au sein de la coalition est
parfois malaisée. La "droite", qui constitue l'essentiel de
l'opposition
avec l'UDI (Union démocratique indépendante) a progressé
aux dernières élections législatives de 1997 : sans mettre
en péril la coalition gouvernementale, elle permet au Sénat de
s'opposer aux réformes institutionnelles souhaitées par le
Président Frei.
La vie politique se ressent également d'une situation sociale
précaire : salaires faibles et forts écarts de
rémunérations, législation sociale minimale n'offrant
guère de protection aux salariés, chute de la dépense
sociale affectant notamment la santé et l'éducation, secteurs
dans lesquels le Président Frei entend investir en priorité et
où les conflits sociaux se développent depuis deux ans.
B. UNE ÉCONOMIE DYNAMIQUE
La politique de libéralisme économique
initiée aux débuts de la dictature, si elle a eu un prix social
et politique très élevé, a abouti à des
résultats significatifs, en privilégiant la réduction de
l'inflation, la diversification des exportations et la concurrence
internationale. La part du secteur public dans le produit national est
passée en vingt ans de 70 à 30 %. La dépendance à
l'égard du cuivre est passée en dix ans de 75 à 50 % des
exportations, et l'inflation de 500 % à 10 %. Elle s'est établie
à 6,5 % en 1997. Le chômage est passé de 16,7 % en 1983
à moins de 6 % en 1997 et le budget est excédentaire depuis neuf
ans. Dans le même temps la dette a été réduite, la
monnaie réévaluée alors que l'excédent commercial
et des paiements était maintenu.
La croissance chilienne (environ 6 % en 1997), bénéficie de forts
investissements liés à une épargne nationale abondante qui
représente aujourd'hui 25 % du PIB, ainsi que de l'amélioration
de la productivité et de la demande interne. Surtout, les richesses
naturelles du Chili sont importantes et variées : minerais au nord,
agriculture an centre , sylviculture au sud. Des gisements pétroliers
sont exploités le long des côtes et les ressources de la
pêche sont considérables. Si le cuivre ne représente plus
que le tiers des exportations chiliennes, le reste est
précisément constitué par les produits agricoles ou
dérivés de la mer (cellulose, farine de poisson).
Le tableau ci-après résume l'évolution sur cinq ans des
principales données économiques internes.
|
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
PIB (mds $) |
30,4 |
34,4 |
42,8 |
45,7 |
52,2 |
67,4 |
71,9 |
79,0 |
PIB/habitant ($) |
2 311 |
2 572 |
3 147 |
3 306 |
3 732 |
4 735 |
4 984 |
5 401 |
Taux de croissance PIB |
3,3 |
7,3 |
11 |
6,3 |
4,2 |
8,5 |
7,2 |
5,6 |
Croissance population % |
1,6 |
1,6 |
1,6 |
1,6 |
1,3 |
1,7 |
1,4 |
1,4 |
Taux inflation (moyenne) |
26,0 |
21,8 |
15,4 |
12,7 |
11,4 |
8,2 |
7,4 |
6,0 |
Solde public/PIB |
|
1,2 |
1,8 |
0,8 |
1,2 |
2,8 |
1,2 |
|
Dette liens/PIB |
|
1,8 |
2,2 |
2,4 |
2,1 |
1,9 |
|
|
Investissement brut/PIB |
26,3 |
24,5 |
26,8 |
28,8 |
26,8 |
27,4 |
27,7 |
28,0 |
Epargne nationale/PIB |
24,5 |
24,8 |
25,2 |
24,2 |
25,6 |
27,6 |
24 |
24,5 |
Sources : Fonds Monétaire International, Banque Mondiale, Banque Centrale
C. UNE DIPLOMATIE D'OUVERTURE
La recherche de nouveaux marchés constitue,
après la phase de réinsertion du Chili dans la communauté
internationale au sortir de seize années de dictature, la
priorité de la politique étrangère chilienne.
En Amérique latine, le Chili a resserré et amélioré
ses relations politiques et commerciales, y compris avec des partenaires
auxquels l'opposent parfois des contentieux anciens : Argentine, Bolivie,
Pérou, Cuba. Sur le plan commercial, le marché
latino-américain est essentiel pour le Chili. Passé une phase
d'accords bilatéraux avec chacun des pays du sous-continent, le Chili
s'est tourné progressivement vers les blocs commerciaux
constitués notamment par le Mercosur -auquel le lie un accord
d'association- et par l'Alena auquel le Chili n'est pas partie mais dont les
dispositions inspirent largement un accord conclu avec le Canada. De même
le Chili a-t-il conclu un accord avec le G3 (Colombie, Mexique, Venezuela) avec
lequel les barrières tarifaires seront éliminées en 1998.
Il est enfin en négociation pour la conclusion d'un accord-cadre avec
les pays de l'isthme centraméricain.
L'Union européenne constitue une des priorités de la politique
commerciale et de la diplomatie chiliennes : c'est dans cet esprit qu'a
été conclu en 1996 le présent accord soumis à notre
examen. Il convient en effet de rappeler que l'Union européenne absorbe
26 % des exportations chiliennes mais ne représente que 2 % des
importations de ce pays. L'Union européenne est aujourd'hui le
deuxième partenaire commercial du Chili, derrière la zone
Asie-Pacifique mais devant les Etats-Unis.
II. LE CONTEXTE DE L'ACCORD-CADRE DU 21 JUIN 1996
A. L'INSTAURATION D'UN PARTENARIAT AMBITIEUX ENTRE L'UNION EUROPÉENNE ET L'AMÉRIQUE LATINE
Au début des années 1980, la communauté a
engagé une coopération ambitieuse à l'égard de
l'Amérique latine. Dès 1981 et afin d'élargir l'aide
communautaire au développement au-delà du cercle des pays ACP ou
du pourtour méditerranéen, la communauté a adopté
un cadre de coopération et de moyens financiers en faveur des pays
d'Amérique latine et d'Asie. Cette démarche a été
facilitée par l'accession, en 1985, du Portugal et de l'Espagne à
la communauté européenne, pays traditionnellement tournés,
pour des raisons évidentes, vers le sous-continent américain.
Cette coopération a été engagée en premier lieu
à l'égard de
l'Amérique centrale
à travers
le
"dialogue de San José",
dans le cadre duquel l'Union
européenne a signé en 1985 un accord de coopération,
élargi en accord de "troisième génération" en 1993,
et qui a contribué, par une aide substantielle, au processus de paix et
de démocratisation des pays de la zone ; de même avec les pays du
Pacte andin
-Bolivie, Colombie, Equateur, Pérou, Venezuela- la
communauté a signé en 1983 un accord de coopération non
préférentiel, également élargi, en 1993, à
un accord de troisième génération.
L'Union européenne a mis en place un système de
préférences commerciales spécifiques avec ces pays,
lié à la lutte contre la drogue et destiné à
développer les cultures de substitution.
Enfin, avec
l'Amérique du sud, le Mexique, le Panama et le
Guatemala
, l'Union européenne a institutionnalisé ses
relations dans le cadre du
"groupe de Rio"
sous la forme d'une
conférence annuelle.
A ce jour de nombreux accords-cadres de coopération ont
été conclus : avec le Chili (20 décembre 1990), mais
aussi avec le Paraguay (1992) ; les accords existants ont été
renouvelés et renforcés avec l'Argentine (1990), le Mexique
(1991), le Brésil et l'Uruguay (1992), l'Amérique centrale et le
Pacte andin (1993). Ces accords de troisième génération
s'appuient sur la démocratie et le respect des droits de l'homme et
élargissent le champ d'application initial à de nouveaux domaines
-industrie, services, énergie, normalisation, sciences et technologie,
environnement et lutte contre la drogue. L'ouverture commerciale
réciproque est fondée sur la clause de la nation la plus
favorisée mais la Communauté propose par ailleurs aux pays
d'Amérique latine les avantages liés au système des
préférences généralisées.
B. LES ACQUIS DE L'AIDE COMMUNAUTAIRE AU CHILI
Le précédent accord-cadre du 20 décembre
1990 conclu entre la Communauté européenne et le Chili a
été l'occasion de développer d'ambitieux projets de
coopération qui ont joué un rôle significatif pour asseoir
une démocratie renaissante.
Avant 1990, la coopération européenne avait transité
exclusivement par les organisations non gouvernementales. Ainsi, entre 1977 et
1990, plus de 500 actions ont été cofinancées, à
hauteur de 32 millions d'écus avec les ONG chiliennes et
européennes.
La part de l'Union européenne dans les contributions non remboursables
est évaluée ainsi qu'il suit :
Union européenne (Communauté et Etats membres) |
65,7 % |
Japon |
15,5 % |
Organisations internationales |
5,1 % |
Etats-Unis |
6,1 % |
Cette aide non remboursable est dirigée tant vers les
projets classiques de développement rural qu'au profit d'actions de
soutien institutionnel, de projets d'éducation et de formation, de
coopération scientifique et technique.
Depuis 1990, la coopération européenne à l'égard du
Chili a représenté 151 millions d'écus, dont 22 millions
au titre de l'année 1997.
III. LE DISPOSITIF GÉNÉRAL DE L'ACCORD-CADRE
L'accord-cadre du 21 juin 1996 est le premier
élément d'un schéma en deux étapes, devant
conduire, à terme, à une "association à caractère
politique et économique" entre l'Union et ses Etats-membres d'une part
et le Chili d'autre part. Une première phase consiste à poser les
bases d'une coopération commerciale et économique
préparant une future libéralisation des échanges ; une
seconde phase établira cette libéralisation progressive et
réciproque des échanges.
Dans cette perspective, l'accord entend préparer les mécanismes
de libéralisation progressive, en se fondant sur la coopération
euro-chilienne. Celle-ci permet le renforcement des liens économiques et
sert d'appui à la dynamique de rapprochement commercial. Ce nouvel
accord est l'occasion d'étendre la coopération actuelle,
déjà très active, à de nouveaux domaines tels que
les investissements, les services, la propriété intellectuelle,
les douanes, les marchés publics, l'information et les
télécommunications...
La coopération européenne à l'égard du Chili,
établie en accord avec les objectifs du gouvernement chilien portera
à l'avenir sur les thèmes centraux suivants :
- l'appui institutionnel au processus de modernisation de l'Etat chilien
- la coopération économique en vue de faciliter la
réalisation de l'objectif final de l'association politique et
économique
- la lutte contre la pauvreté.
Le nouvel accord servira donc de cadre privilégié pour conduire
ces axes de coopération. Il est structuré autour de quatre
thèmes : l'instauration d'un dialogue politique entre l'Union et le
Chili ; la coopération commerciale ; la coopération
économique ; les autres domaines de coopération.
A. L'INSTAURATION D'UN DIALOGUE POLITIQUE
Comme il est désormais de tradition dans les accords
européens dits de nouvelle génération,
"les parties
conviennent d'entamer un dialogue politique régulier sur des questions
bilatérales et internationales d'intérêt commun".
En l'occurrence, les modalités pratiques et les objectifs
particuliers du dialogue euro-chilien sont précisés dans la
"déclaration commune concernant le dialogue politique" annexée au
présent accord ; cette déclaration précise notamment que
ce "dialogue politique renforcé" est destiné à
"garantir une concertation plus étroite sur des questions
d'intérêt commun".
Les mécanismes prévus par la déclaration commune sont
habituels : ils reposent sur des réunions régulières
à quatre niveaux : le Président chilien et "les plus hautes
autorités" de l'Union européenne ; les ministres des affaires
étrangères ; les ministres compétents ; les hauts
fonctionnaires.
La même déclaration commune a par ailleurs prévu
l'entrée en vigueur immédiate (dès la signature) des
dispositions relatives au dialogue politique, par anticipation sur les
ratifications définitives. De fait, ce dialogue a pu être
engagé dès la VIIe réunion ministérielle
institutionnalisée Union européenne-groupe de Rio, tenue à
Noordwijk en avril 1997, à l'occasion de laquelle le ministre chilien
des affaires étrangères a rencontré la "Troïka"
européenne. De même, en février 1998, en marge du VIIIe
sommet Union européenne-groupe de Rio, tenu à Panama, le Chili,
associé au mécanisme de consultation politique du Mercosur a
participé au dialogue avec l'Union européenne aux
côtés du Brésil, de l'Argentine, de l'Uruguay et du
Paraguay. Ces formes de dialogue politique, tenues à l'occasion d'autres
rencontres régionales sont au demeurant prévues par la
déclaration commune qui précise que ce dialogue politique peut se
nouer
"conjointement avec d'autres interlocuteurs de la région ou
(...) en marge d'autres dialogues politiques déjà
établis".
B. LE COEUR DE L'ACCORD : LA PRÉPARATION DE LA LIBÉRALISATION COMMERCIALE
L'article 4 de l'accord définit les objectifs de la
coopération commerciale : promouvoir l'accroissement et la
diversification des échanges entre le Chili et l'Union, préparer
la libéralisation progressive et réciproque des échanges
afin, dans le futur, de pouvoir établir une association politique et
économique qui respecte les règles de l'OMC et qui "tienne compte
de la sensibilité de certains produits".
C'est pour atteindre ces objectifs qu'est institué un "dialogue
économique et commercial" et une coopération commerciale dont les
domaines seront en particulier : l'accès au marché et la
libéralisation commerciale, les barrières douanières et
non-douanières, la structure tarifaire des parties, la
compatibilité des échanges avec les normes de l'OMC,
l'identification des réductions douanières possibles, la
détermination des produits sensibles et des produits prioritaires pour
les parties, la coopération et l'échange d'informations en
matière de services (transports, assurances et services financiers), le
contrôle des pratiques restrictives à la concurrence, enfin les
normes d'origine.
Cette coopération commerciale s'adosse sur un flux d'échanges
commerciaux euro-chilien qui, depuis 1992, a connu une croissance très
significative : + 70 % en ce qui concerne les importations de produits
européens par le Chili, + 25 % s'agissant des importations de produits
chiliens par l'Union. Comme le rappelle le tableau ci-après, la
croissance annuelle des échanges s'établit à 9,2 %.
Echanges de biens Union européenne/Chili (en millions
d'écus)
|
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
Croissance annuelle (moyenne) |
Importations UE du Chili |
2585 |
2188 |
2541 |
3175 |
3155 |
5,1 % |
Exportations UE vers le Chili |
1565 |
1860 |
2062 |
2390 |
2739 |
15 % |
Total |
4150 |
4048 |
4603 |
5565 |
5894 |
9,2 % |
Balance |
-1020 |
-328 |
-479 |
-785 |
-416 |
|
Le Chili exporte essentiellement vers l'Union
européenne du cuivre (35 %), des fruits et légumes (13 %),
(notamment raisins, pommes et poires), du papier et les produits de la
forêt (10 %) ainsi que des produits de la pêche. Ses importations
en provenance de l'Union européenne concernent surtout des produits
manufacturés, des machines électriques ou mécaniques (33
%), des automobiles et des matériels de transport (11 %).
Les droits de douane chiliens se situent encore à un niveau relativement
élevé (11 %), alors que le taux moyen de l'Union
européenne pour les produits manufacturés se situe à 3,5
%. D'où l'intérêt que représente, pour l'Europe la
libéralisation des échanges industriels. A l'avenir cependant, la
difficulté concernera la libéralisation du secteur agricole. En
effet, le secteur des fruits et légumes est actuellement exclu des
avantages consentis au Chili par l'Union européenne dans le cadre du
système des préférences généralisées.
Ainsi le taux moyen des droits communautaires pour ce secteur est d'environ
10 % (19 % pour les raisins).
Enfin, les échanges dans le secteur des services sont potentiellement
très porteurs pour l'Union, même si ce secteur ne
représente que 59 % du PIB chilien contre 64 % dans l'Union
européenne. Les secteurs de la distribution, du tourisme, du transport
aérien, de la banque et des assurances sont particulièrement
attractifs.
L'accord prévoit par ailleurs le développement de la
coopération dans des domaines sensibles pour la libéralisation
des échanges :
- la normalisation, l'accréditation, la certification, la
métrologie et l'évaluation de conformité ;
- les douanes;
- l'importation temporaire des marchandises,
- les statistiques,
- la propriété intellectuelle,
- les marchés publics.
Dans le cadre de l'entrée en vigueur anticipée des dispositions
relatives à la libéralisation commerciale, la sous-commission
commerciale mixte
1(
*
)
et les groupes de travail
créés en son sein ont déjà commencé leurs
activités, en se réunissant à trois reprises en 1997. A
cette occasion, il a été décidé de définir
et de coordonner les études à réaliser pour l'analyse de
la situation actuelle des échanges entre l'Union et le Chili (phase de
"photographie"). Dans le même esprit, des négociations ont
été engagées afin de conclure prochainement des accords
sectoriels spécifiques, notamment dans le domaine de l'assistance
mutuelle en matière douanière.
C. LA COOPÉRATION ÉCONOMIQUE
Celle-ci sera renforcée et étendue
"en
stimulant des synergies productives, en créant de nouvelles
opportunités et en promouvant leur compétitivité".
Cette coopération sera menée
"sur une base aussi large que
possible, sans exclure aucun secteur a priori, compte tenu des priorités
respectives des parties, de leur intérêt mutuel et de leurs
compétences propres".
Un accent particulier est mis dans les
domaines des services, des investissements, de la coopération
scientifique, technologique, industrielle et agricole. Par ailleurs,
"le
développement social et (...) la promotion des droits sociaux
fondamentaux"
tiendront une place particulière dans les actions
entreprises dans le cadre de cette coopération. Enfin, une attention
prioritaire doit être accordée à la création de
"liens et de réseaux économiques et sociaux entre les
entreprises"
, dans les domaines des investissements, du commerce, des
technologies, des systèmes d'information ou la communication. Cette
formule de coopération entre entreprises est habituelle dans les accords
de coopération conclus par l'Union européenne. Leur objectif est
de multiplier les possibilités d'échanges entre les entreprises
des deux parties dans les domaines évoqués ci-dessus. Les outils
privilégiés de cette coopération sont notamment l'ECIP
(European Investment Partners) et le programme AL-INVEST, auxquels la
Communauté a déjà consacré plus d'un million
d'écus.
L'accord recense neuf secteurs de coopération économique :
- l'industrie et les entreprises ;
- les services -en conformité avec les dispositions de l'Accord
général sur le commerce des services conclu dans le cadre de
l'OMC ;
- la promotion des investissements ;
- les sciences et techniques :
- l'énergie ;
- les transports ;
- l'information et les télécommunications ;
- l'environnement ;
- le secteur agricole et rural, dans le cadre duquel un accord sanitaire et
phytosanitaire devrait d'ailleurs être prochainement conclu.
D. LES AUTRES DOMAINES DE COOPÉRATION
L'accord réaffirme l'importance du maintien de la
coopération dans le domaine du
développement social
, du
fonctionnement de
l'administration publique, de l'information
et de la
communication, de la
formation et de l'intégration
régionale
(article 22). La coopération s'étend
également à la protection des consommateurs et au secteur de la
pêche maritime. Surtout, l'accord entend intensifier la
coopération en matière de
lutte contre la drogue
. En
effet, le Chili est confronté depuis cinq ans à des
problèmes liés au trafic et à la consommation de
stupéfiants, ainsi qu'au blanchiment d'argent qui peut
représenter jusqu'à 1 milliard de dollars par an. Le Chili
produit par ailleurs beaucoup de produits "précurseurs" de
stupéfiants, exportés ensuite vers le Pérou et la Bolivie.
Dans le cadre de cette coopération, un accord Union
européenne-Chili a d'ores et déjà été conclu
sur les "précurseurs de drogue".
E. LE CADRE INSTITUTIONNEL
Afin de superviser l'application de l'accord, celui-ci
institue un "
Conseil conjoint
" qui se réunit au niveau
ministériel à intervalles réguliers et chaque fois que les
circonstances l'exigent. Il est composé d'une part de membres du Conseil
de l'Union et de la Commission européenne et d'autre part de
représentants du Chili.
Dans l'accomplissement de se tâches, le Conseil est assisté par
une "
commission mixte
", composée d'une part de
représentants du Conseil de l'Union et de la Commission
européenne, et de représentants du Chili d'autre part.
Cette commission mixte est chargée de
"stimuler les relations
commerciales"
et de débattre sur tout sujet concernant la
libéralisation commerciale.
Enfin, l'accord met en place une "
sous-commission commerciale
mixte
".
Chargée d'assurer la réalisation des objectifs de
libéralisation commerciale, elle est composée de
représentants européens et de représentants chiliens.
Une
clause évolutive
de l'accord prévoit enfin (article
40) la possibilité pour les parties de conclure des accords relatifs
à des secteurs ou activités spécifiques.
*
* *
CONCLUSION
On ne peut contester l'intérêt majeur que
constituera une libéralisation significative des échanges entre
deux des ensembles commerciaux parmi les plus dynamiques et prometteurs de la
planète. Après l'accord entre l'Union européenne et le
Mercosur, celui conclu avec le Chili souligne un peu plus l'utilité de
l'implication européenne en Amérique latine.
Pour ces raisons, votre rapporteur invite la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées
à adopter le projet de loi.
EXAMEN EN COMMISSION
Votre commission des Affaires étrangères, de la
Défense et des Forces armées a examiné le présent
rapport lors de sa réunion du mercredi 25 mars 1998.
A l'issue de l'exposé du rapporteur, un débat s'est ouvert entre
les commissaires.
Après que le rapporteur eut précisé à M.
André Boyer les principaux secteurs d'implantation des entreprises
françaises, M. Xavier de Villepin, président, a estimé que
le Chili constituait l'un des meilleurs "risques" en Amérique latine,
du
fait notamment de son économie performante. Le rapporteur a enfin
souligné l'intérêt, pour la France et pour l'Europe, de se
positionner sur le marché d'un pays soucieux de contrebalancer le
partenariat nord-américain.
La commission a alors, suivant l'avis de son rapporteur, approuvé le
projet de loi qui lui était soumis.
PROJET DE LOI
(Texte présenté par le Gouvernement)
Article unique
Est autorisée la ratification de l'accord-cadre de coopération destiné à préparer, comme objectif final, une association à caractère politique et économique entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République du Chili, d'autre part (ensemble une annexe), fait à Florence le 21 juin 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi 2( * ) .
ANNEXE -
ETUDE D'IMPACT3(
*
)
1. Etat de droit et situation de fait existants et leurs
insuffisances
La Communauté européenne et le Chili ont signé en
décembre 1990 un accord-cadre de coopération (dit de "3ème
génération"), fondant la coopération sur le respect de la
démocratie et des droits de l'homme.
Par ailleurs, en tant que membre du Groupe de Rio, dont les relations avec l'UE
ont été institutionnalisées par la Déclaration de
Rome (décembre 1990), le Chili participe aux conférences
ministérielles annuelles entre ces deux régions.
En 1994, il s'est engagé dans une stratégie offensive en vue
d'établir des relations privilégiées avec les ensembles
régionaux susceptibles de l'intéresser : l'ALENA, le MERCOSUR,
l'APEC (le Chili est le seul pays d'Amérique latine à en
être membre), et l'Union européenne à qui les
autorités chiliennes ont fait connaître leur souhait d'approfondir
leurs liens, en inscrivant les relations économiques dans le contexte
plus large des relations politiques, sociales et culturelles.
Au sein de l'UE, l'évolution politique et économique du Chili a
suscité une réflexion sur la nécessité de renforcer
les relations par un nouvel accord plus ambitieux, sur la base des principes de
réciprocité et de communauté d'intérêts, en
tenant compte à la fois de l'intégration régionale en
Amérique latine, en particulier dans le cadre du Mercosur, et des
spécificités du Chili : bonnes performances économiques,
ouverture de l'économie chilienne, fondée notamment sur un tarif
douanier inférieur à celui des pays du Mercosur.
La Communauté est devenue un partenaire essentiel du Chili, avec un
commerce en forte expansion et structurellement excédentaire pour ce
dernier : en 1996, les exportations européennes vers le Chili se
sont montées à 2 937 Mécus, les importations du
Chili, à 3 155 Mécus.
Le nouvel accord doit avoir un caractère transitoire dans la perspective
de l'objectif final d'une association politique et économique. C'est
pourquoi il ne prévoit pas de concessions commerciales mais des
dispositions établissant les objectifs et les méthodes de travail
nécessaires pour préparer la future libéralisation des
échanges commerciaux.
2. Bénéfices escomptés
- sur l'emploi
: difficilement quantifiables, ces bénéfices
seront sans doute réels dans la mesure où l'accord vise à
accroître et diversifier les échanges dans tous les domaines,
notamment en améliorant les conditions d'accès aux marchés
et en encourageant les investissements ;
-
sur l'intérêt général
: l'objectif final
d'une association à caractère politique et économique est
le plus ambitieux que l'UE se soit assigné avec un Etat tiers
considéré individuellement, le seul précédent
comparable étant l'accord interrégional entre l'UE et le Mercosur
signé en décembre 1995. D'une portée politique
exceptionnelle, cet accord revêt en même temps une importance
pratique, dans la mesure où il établit un cadre contractuel
définissant l'objectif final et le programme de travail ainsi que les
instruments opérationnels pour permettre le passage à
l'"étape constitutive" de l'association entre l'UE et le Chili.
Le champ couvert par l'accord est aussi large qu'il est possible :
- institution d'un dialogue politique régulier,
- dialogue économique et commercial devant aboutir à la
négociation d'une libéralisation très poussée des
échanges entre l'UE et le Chili, ce dialogue devant être
étendu aux relations des parties avec les pays tiers. Ce point
revêt un intérêt particulier compte tenu du dynamisme et de
la diversification des pôles d'intérêt de la politique
économique extérieure du Chili ;
- renforcement et extension de la coopération dans un très grand
nombre de secteurs, y compris dans les domaines des services et des
marchés publics, et permettant d'entreprendre des programmes et des
projets d'intérêt commun entre l'UE et le Chili, notamment en
matière scientifique et technologique.
-
incidences financières
: l'accord ne comporte pas de
dispositions autres que des références très
générales à la nécessité de fournir les
moyens adéquats (ceux-ci seront prélevés sur les lignes du
budget de la CE consacrées aux pays en voie de développement
d'Asie et d'Amérique latine -PVD-ALA), et d'encourager la BEI à
intensifier son action au Chili.
-
simplification des formalités administratives
: sans objet.
-
complexité de l'ordonnancement juridique
: l'accord entrera en
vigueur le premier jour du mois suivant celui au cours duquel les parties se
seront notifié l'accomplissement des formalités
nécessaires à cet effet. Il se substituera alors à
l'accord-cadre signé le 20 septembre 1990.
L'application provisoire des dispositions de compétence communautaire en
matière commerciale, permettant notamment la tenue de la commission
mixte et de la sous-commission commerciale, a été convenue par un
échange de lettres en même temps que l'accord.
Dans un second temps, lorsque seront achevés les travaux des organes mis
en place par l'accord en vue de préparer la libéralisation des
échanges, sera négocié un nouvel accord créant une
association à caractère politique et économique UE/Chili,
sur la base d'un mandat de négociation de la Commission qui aura
été approuvé par le Conseil.
1
Voir infra, le dispositif institutionnel
de l'accord.
2
Voir le texte annexé au document Sénat n° 259
(1997-1998).
3
Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des
parlementaires.