B. UN MARCHÉ EN VOIE DE LIBÉRALISATION
La
libéralisation du marché du gaz au Royaume-Uni anticipe sur un
marché en voie de libéralisation conformément à la
directive " marché intérieur du gaz " approuvée
par le Parlement européen le 30 avril 1998.
Le secteur gazier britannique offre l'exemple d'une démonopolisation par
étapes avec élargissement progressif du segment concurrentiel du
marché. Il est ainsi frappant de constater que les avancées vers
plus de libéralisme ont été décidées, non en
vertu d'un plan établi à l'avance, mais au vu du bilan des
décisions prises antérieurement.
Dès 1986, British Gas a été privatisé et le
marché ouvert à la concurrence pour les clients ayant une
consommation annuelle supérieure à 25 000
" therms " par an (60 000 m
3
par an),
c'est-à-dire les industriels. Parallèlement, ont
été créés un organe de régulation,
l' "
Office of gas supply
" (OFGAS) chargé de
faire respecter les règles de concurrence, et un organe ayant pour
mission la défense des consommateurs, le "
Gas consumers
Council
".
Mais entre 1986 et 1988, British Gas a profité de sa position dominante
pour pratiquer une politique tarifaire discriminatoire. En 1988, il fut donc
décidé de publier les prix (
price-cap regulation
) et les
conditions d'accès au réseau de British Gas, et de limiter les
achats de British Gas à 90 % de la production des nouveaux champs de la
mer du Nord.
En 1991, le seuil des consommateurs éligibles fut ramené de
25 000 à 2 500 therms par an. Cela équivalait pour
British Gas à se dessaisir de 60 % du marché industriel au
profit de distributeurs indépendants.
Cependant, la position de British Gas, à la fois vendeur de gaz et
propriétaire des infrastructures de transport, constituait une entrave
à une application satisfaisante de la règle d'accès des
tiers au réseau (ATR). Les premiers opérateurs
indépendants se sont plaints des prix des services de transport et de
stockage qu'ils jugeaient opaques et discriminatoires. Les pouvoirs publics ont
alors pris la décision :
- d'ouvrir totalement le marché à la concurrence sur trois
ans (1996 à 1998) : en avril 1996, une première zone pilote
de 500 000 consommateurs domestiques a été ouverte à
la concurrence, puis une seconde zone au début de l'année
1997 ;
- de filialiser les activités de transport de British Gas, dans
" Transco " et non de les séparer complètement comme le
recommandait la
Monopolies & Mergers Commission
(MMC) ;
toutefois, en février 1997, Transco et British Gas, dont le nom est
devenu " Centrica ", ont formé deux sociétés
distinctes ;
- d'étendre le contrôle tarifaire au transport et au stockage.
Enfin, le " gas Act " de 1995 a créé trois grandes
catégories d'acteurs sur le marché : les transporteurs, les
"
shippers
" et les distributeurs. Ces derniers sont soumis
à une obligation de fourniture de l'ensemble des consommateurs qui en
font la demande. Ils doivent, en outre, fournir gratuitement des conseils en
matière d'efficacité énergétique et des prestations
spécifiques pour les client âgés, handicapés ou
malades chroniques : par exemple des contrôles spécifiques de
sécurité, de déplacement des compteurs...
Centrica est quant à lui soumis à des conditions
particulières : contrôle de ses prix et maintien de normes de
services approuvées par l'OFGAS, alors que ses concurrents sont libres
de fixer les normes de leur choix. Il fait valoir que lorsque la concurrence se
sera développée, il n'y aura plus de raisons pour qu'il soit
soumis à de telles obligations.
Aujourd'hui, le secteur industriel et commercial est libre partout dans le pays
et le marché domestique est ouvert dans le sud du pays (sauf la
région de Londres), l'Ecosse et le nord-ouest. Le reste du pays devrait
s'ouvrir par étapes au cours de l'année 1998. Début 1997,
on affirmait que près de 100 000 consommateurs avaient
délaissé Centrica pour s'approvisionner auprès d'autres
fournisseurs.
Le processus de libéralisation du secteur gazier s'est traduit par
l'entrée d'une trentaine d'opérateurs indépendants sur le
marché. Par ailleurs, les prix du gaz ont diminué de 20 % en
termes réels, ce qui représente une baisse supérieure
à celle enregistrée dans le secteur de
l'électricité. La libéralisation devrait s'accompagner
d'une baisse supplémentaire des prix de 10 %.
En revanche, Centrica a été fortement affaibli, du fait du
décalage entre les prix du marché " spot ", sur lequel
s'approvisionnaient ses concurrents (9 pence par therm en 1995), et les prix
des contrats " take or pay " qu'il avait signés dans le
passé (environ 20 pence par therm). C'est ce que l'on a appelé la
" bulle " de British Gas, définie comme la différence
entre le volume de gaz que l'ex-monopole était contractuellement tenu
d'enlever auprès des producteurs et celui qu'elle pouvait effectivement
écouler dans les conditions de prix et de marché. En outre, les
volumes de gaz représentés par ces contrats à long terme
ne correspondent plus aux parts de marché de Centrica, qui ne
détient plus qu'un tiers du marché industriel et commercial
ouvert à la concurrence.
Une telle situation a contraint Centrica à renégocier ses
contrats à long terme dès le mois de décembre 1996,
d'abord avec British Petroleum, puis avec Mobil, pour une quantité
représentant 20 % des contrats. Le 7 janvier 1998, la compagnie
annonçait qu'elle avait renégocié des contrats
représentant 110 Gm
3
, sur un total d'environ 180
Gm
3
, et que le reste de ses engagements " take or pay "
était gérable.
Le gazoduc Interconnector est supposé changer les données du
problème à partir d'octobre 1998 en permettant à Centrica
d'accéder au marché d'Europe continentale et d'écouler
ainsi ses surplus. La construction du gazoduc qui reliera Bacton, au
Royaume-Uni, à Zeebrugge, en Belgique, devrait s'achever à
l'automne 1998. On estime qu'il devrait induire une remontée des prix
anglais, tout en influant à la baisse sur les prix du Continent.
Enfin, il faut noter que la baisse des prix du gaz, liée à
l'effet conjugué des surplus de la mer du Nord et des stratégies
des opérateurs, a engendré une augmentation radicale de la
consommation de gaz en Grande-Bretagne : le décuplement de la
demande de gaz depuis 1992 résulte pour l'essentiel de la progression de
la part du gaz dans la génération électrique
(+ 81,4 % par an en moyenne), la consommation domestique n'ayant
augmenté que de 13 %.