2. Adopter une vision " multi-prismes " de la politique énergétique
L'expérience passée nous a appris que la
politique
énergétique ne pouvait être abordée sous l'angle
unique de l'indépendance énergétique ou de la
sûreté des approvisionnements, sauf à sacrifier la
compétitivité de l'économie, les préférences
des consommateurs et, dans le cas de la France, la diversité des sources
d'énergie.
De même, une politique énergétique abandonnée au jeu
des seules forces économiques, afin d'assurer l'approvisionnement des
consommateurs au meilleur prix, est réductrice et dangereuse puisque le
marché ignore les enjeux géopolitiques (risques de rupture des
approvisionnements en provenance des zones politiquement sensibles) et
néglige le long terme (épuisement des ressources fossiles,
dégradation irréversible de la planète résultant de
leur combustion).
Bref, une politique responsable de l'énergie ne consiste pas seulement
à satisfaire les besoins de la collectivité nationale en
énergie au moindre coût et en évitant les risques de
rupture d'approvisionnement.
Il est désormais admis qu'une politique énergétique doit
s'efforcer de prendre en compte un ensemble de facteurs sensibles et
d'atteindre une série d'objectifs qui présentent la
difficulté de ne pas être compatibles entre eux : ainsi, la
libéralisation des marchés visant à garantir le meilleur
prix aux consommateurs conduira les producteurs à se porter vers les
ressources énergétiques les plus accessibles et souvent les plus
nuisibles à l'environnement. La même politique n'encouragera pas
les consommateurs à maîtriser leur consommation si
l'énergie est abondante et bon marché.
Il revient de ce fait à la puissance publique, grâce à
une vision multi-prismes, d'utiliser tous les moyens à sa disposition
pour rendre compatibles des objectifs
a priori
contradictoires
.
Ainsi, tout en organisant un marché ouvert et concurrentiel, pour
influer sur les prix de l'énergie au mieux de l'intérêt des
consommateurs, les responsables publics peuvent, par l'intermédiaire de
la fiscalité, des aides publiques ou de la réglementation,
promouvoir le développement des énergies renouvelables, taxer les
énergies polluantes ou encourager les économies d'énergie,
dans l'optique du développement durable.
Si les
hydrocarbures ou le charbon
constituent à l'heure actuelle
les énergies les plus compétitives, c'est que leur prix,
fondé sur leur relative abondance, n'intègre pas deux facteurs
fondamentaux : leur caractère polluant (externalité
négative) et leur nature épuisable.
Une solution pourrait
résulter d'une tarification incluant ces deux facteurs (éco-taxe)
qui permettrait de rééquilibrer leur prix relatif par rapport
à des ressources énergétiques moins polluantes ou
renouvelables,
ce qui constituerait une incitation au développement
de ces dernières. Il va de soi
qu'une telle politique ne peut
être menée qu'à un niveau supranational
, afin de ne pas
perturber les compétitivités relatives des différents
pays. Un État qui pratiquerait seul la vertu ne pourrait survivre
longtemps à la concurrence d'États moins scrupuleux.