3. Promouvoir le véhicule électrique
Les
véhicules standards capables de transporter 4 à 5 personnes sur
autoroute à 130 km/h ne sont pas conçus pour la conduite en ville
qui véhicule en moyenne 1,25 passager à très faible
vitesse, à grand renfort d'énergie inutile.
A l'inverse, le véhicule électrique est non seulement silencieux
et non polluant, mais aussi économe et simple d'utilisation. Ses
performances de vitesse et d'accélération sont comparables
à celles d'un véhicule moyen dans les zones urbaines. Son
autonomie est certes très faible (autour de 100 km), mais rappelons
que 80 % des trajets interurbains sont inférieurs à 50 km
par jour.
Il est, en conséquence, pour le moins surprenant que les constructeurs
aient tenté par leurs recherches de rapprocher le véhicule
électrique d'un véhicule banal plutôt que de tirer profit
des avantages du véhicule électrique comme véhicule
" spécifiquement urbain ".
Il revient alors à la puissance publique de
faire converger toute une
série d'avantages fiscaux
(vignette, TIPP, fiscalité de la
location),
tarifaires
(stationnement),
et réglementaires
(stationnement, autorisation de circuler, normes de sécurité)
pour permettre la segmentation du marché entre véhicules
" banalisés " et véhicules spécifiquement
urbains que le marché n'opère pas
spontanément.
a) Des encouragements à prodiguer
Le
précédent Gouvernement avait tenté d'encourager l'usage du
véhicule électrique dans le coeur des villes et demandé
aux collectivités publiques de montrer l'exemple.
Un accord-cadre signé en avril 1995 entre l'Etat, les constructeurs
automobiles et Electricité de France prévoyait ainsi que
10 % des nouveaux véhicules urbains des services de
l'administration devraient être électriques (soit au moins 1.000
véhicules). Le même accord-cadre prévoyait d'accorder une
prime de 5.000 F à chaque particulier pour l'achat d'un
véhicule électrique, EDF étant chargé de verser au
constructeur une somme de 10.000 F par véhicule vendu. L'objectif
de cet accord-cadre était de porter le parc de véhicules
électriques à 100.000 unités en l'an 2000.
Outre ces primes, les acquéreurs de véhicules électriques
bénéficient d'un certain nombre d'avantages
récapitulés dans l'encadré ci-après.
LES AIDES AUX VÉHICULES ÉLECTRIQUES
Le
dispositif de prime à l'achat institué en avril 1995 a
été reconduit jusqu'à fin 1998. Pour les deux roues,
les particuliers reçoivent une aide de 2.000 F.
Par ailleurs, la loi de finances pour 1995 a permis un amortissement
accéléré sur douze mois des véhicules
électriques. La loi sur l'air de décembre 1996 a étendu
cette mesure aux accumulateurs nécessaires au fonctionnement des
véhicules électriques et faisant l'objet d'une facturation
distincte (
voir infra
). Elle a également exonéré
les entreprises de taxe sur les véhicules de société.
A ces aides s'ajoutent, dans nombre de villes, la gratuité du
stationnement (en aérien) ainsi que de la recharge des batteries en parc
de stationnement et une réduction, voire une exonération, de la
" vignette ".
Quant aux collectivités, pour chaque véhicule électrique
acheté, elles reçoivent de l'ADEME des primes de 2.000 à
16.000 F par véhicule selon la charge utile, ainsi que 2.000 F
par deux-roues.
En dépit de ces dispositifs, le nombre de véhicules
électriques n'atteint que 3.200 unités en France aujourd'hui,
dont 1 150 chez EDF, la seule entreprise qui a converti 2 % de son
parc automobile à la propulsion électrique.
Entre juillet 1995 et juin 1997, l'administration publique n'a acquis que 150
véhicules électriques sur 1.800. Il reste donc à en mettre
en service 850 autres d'ici l'an 2000, soit près de 300 par an. Quant
aux particuliers, ils n'ont acquis que 2 % des véhicules
électriques mis en circulation.
Il semble, en effet, que le dispositif de la prime ait été
lancé alors que l'appareil industriel n'était pas encore
prêt et que les constructeurs automobiles étaient mobilisés
sur la vente de véhicules thermiques encouragée par les primes
" à la casse ". Ils n'ont en conséquence guère
investi en information et en promotion.
Pour expliquer le faible empressement des collectivités locales, on
évoque leur recours préférentiel à l'achat de
véhicules d'occasion pour constituer leur parc automobile.
Aujourd'hui,
un effort de relance du véhicule électrique
est
d'autant plus
urgent
que l'annonce par Toyota du lancement de la
fabrication de sa voiture électrique hybride " Prius ",
à la cadence de 2.000 véhicules par mois, montre que la France a
pris du retard. Or, nul ne sait quel modèle sortira de l'usine de
Valenciennes...
Il convient dès lors de
mobiliser tous les moyens pour faire
connaître aux Français les avantages du véhicule
électrique
: sa souplesse d'utilisation, son caractère
quasi-indestructible (un moteur électrique est prévu pour tourner
pendant 1 million de kilomètres), le faible coût de son emploi...
Le véhicule électrique serait ainsi susceptible de se positionner
sur le créneau de la deuxième ou de la troisième voiture
ainsi que sur celui des très petits véhicules de liaison.
Le véhicule électrique pourrait aussi investir le créneau
des petites livraisons urbaines (soit un potentiel de 40 à 100.000
véhicules) ainsi que les véhicules de transport collectif.
Il revient à l'Etat et aux collectivités territoriales de
compenser son coût
(une Peugeot 106 coûte près de
90.000 F et il faut compter 600 F de location mensuelle pour les
batteries)
par des incitations fiscales adéquates
(stationnement
gratuit, exonération de vignette et de carte grise...).
En octobre 1997, a été inaugurée à
Saint-Quentin-en-Yvelines la première expérience mondiale de
voitures électriques en libre-service avec un système de recharge
par induction développé par EDF (Praxitèle). La Rochelle a
suivi en lançant un système de voitures électriques en
libre-service avec 50 véhicules accessibles grâce à une
carte magnétique, disponibles 24 heures sur 24. EDF va créer une
filiale de location de véhicules électriques destinés aux
entreprises ou aux collectivités locales. Elle compte mettre en location
4.000 véhicules sur trois ans, sur l'ensemble de la France. Ces
véhicules seraient ensuite revendus à un tarif attractif au grand
public.
Les collectivités territoriales devraient, en outre, s'inspirer de
l'exemple de la Communauté urbaine de Bordeaux qui affichera 75
véhicules électriques fin 1998. La Rochelle va également
mettre en place un service de livraison de marchandises par véhicules
électriques, l'objectif étant à court terme de n'avoir que
des véhicules de livraison à propulsion électrique dans le
centre-ville.
Enfin, il convient de
multiplier les bornes de rechargement
.
Actuellement, 160 prises de recharge pour les véhicules
électriques sont disponibles dans Paris. En 1997, 430 points de recharge
ont été installés par EDF dans 22 villes.
Mais il ne suffit pas de montrer l'exemple et de compenser par des aides le
surcoût d'un véhicule électrique par rapport aux
véhicules thermiques,
il convient également d'en
améliorer les performances et d'en diminuer le coût. C'est le
rôle des constructeurs.
b) Une technologie à perfectionner
Si les
batteries au plomb semblent faire partie de la préhistoire du
véhicule électrique, il a fallu 1985 pour voir utilisée la
batterie Nickel-cadmium deux fois plus puissante que le plomb
(55-60 Wh/k), mais aussi trois fois plus cher (4.000 F/kWh contre
1.300 F pour le plomb). Placées sous le capot ou dans le coffre,
elles augmentent le poids du véhicule de plus de 200 kilos.
En 1997, a commencé une production pilote de batteries nickel-hydrure de
métal qui ont une puissance de 65 à 70 Wh/k, ce qui,
à poids égal, donne une autonomie supérieure de 30 %,
soit 120 km. La génération suivante, c'est la batterie au
lithium-ion qui recèle 120-140 Wh/k, soit deux fois plus de puissance
que le nickel-hydrure de métal, ce qui porterait l'autonomie du
véhicule à 200 km. Le coût de revient du lithium-ion
n'est en outre que de 1.000 F/kWh.
EDF a ainsi noué une collaboration avec Bolloré Technologies pour
développer les batteries lithium-polymère, cinq fois moins
lourdes et deux fois moins volumineuses que les batteries au plomb. Ce type de
batteries pourrait constituer une rupture technologique pour le stockage
d'énergie.
Outre les véhicules hybrides essence-batteries, la combinaison de
batteries conventionnelles et de piles à combustible rechargeables
à l'hydrogène semble être la solution avancée pour
répondre aux divers problèmes soulevés par les
véhicules électriques : le manque d'infrastructures,
l'autonomie et le prix. La pile à combustible permettrait en effet une
autonomie de 400 km.
LA PILE À COMBUSTIBLE
Le
principe de la pile à combustible est connu depuis 150 ans. C'est un
convertisseur électrochimique qui fait appel à la réaction
inverse de l'électrolyse. De l'oxygène et de l'hydrogène
gazeux mis en présence produisent de l'électricité. Le
sous-produit de cette réaction est de l'eau.
Dans l'automobile, les constructeurs travaillent sur la technologie PEMFC
(Proton Exchange Membrane Fuel Cell). Cette solution fait appel à des
composants actuellement très chers. La membrane qui joue le rôle
d'électrolyte solide est en Nafion et coûte actuellement environ
40.000 F selon le CEA. Les plaques anodes et cathodes sont en graphite
à 5.000 F pièce.
Selon les estimations du CEA, diverses améliorations pourraient faire
baisser le prix d'une pile à combustible d'un facteur 100, la faisant
alors passer sous la barre des 10.000 francs, objectif jugé
" raisonnable " par l'industrie automobile.
Ford, Toyota et Mercedes ont récemment affiché leur
intérêt pour la pile à combustible. Ford et Mercedes ont
ainsi signé un accord avec le canadien Ballard, pionnier de cette
technique et constructeur en 1993 du premier bus propulsé par une pile
à combustible. Avec 420 millions de dollars injectés, Ford est le
premier contributeur d'un programme qui pourrait déboucher sur la
commercialisation d'un premier modèle vers 2004.
En France, un premier projet, cofinancé par l'ADEME, a regroupé
PSA, Renault et le CEA. Deux programmes européens ont été
lancés récemment : Fever avec notamment Renault et l'italien
De Nora qui fournira les piles à combustible, et un autre dirigé
par PSA avec le CEA et Hydro Gen. Les deux Français visent la
réalisation de démonstrateurs roulants avant l'an 2000.
Néanmoins,
nombre de problèmes devront être
réglés avant de voir cette technologie mise sur le
marché
, et en particulier le choix de la source d'hydrogène.