Politique énergétique de la France
REVOL (Henri)
RAPPORT 439 (97-98), 2ème partie - COMMISSION D'ENQUETE
Table des matières
-
CHAPITRE III -
LA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE FRANÇAISE
EN EST UNE ILLUSTRATION -
TITRE II -
QUELLE POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE
POUR LA FRANCE DE DEMAIN ? -
CHAPITRE I -
S'ADAPTER À L'ÉVOLUTION DES CONTRAINTES- I. IL SERAIT " SUICIDAIRE " DE REMETTRE EN CAUSE LES AXIOMES ACTUELS
- II. LES PRINCIPES DEVANT GUIDER NOTRE POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE
-
CHAPITRE III -
SUSCITER DE NOUVELLES OPPORTUNITÉS- I. METTRE EN OEUVRE DES TECHNOLOGIES JUSQU'ICI TROP NÉGLIGÉES
- II. DÉVELOPPER NOS SAVOIR-FAIRE EN MATIÈRE D'ÉNERGIES RENOUVELABLES
-
CHAPITRE IV -
CONSOLIDER NOS ACQUIS DANS LE NUCLÉAIRE-
I. LA FILIÈRE NUCLÉAIRE DOIT RESTER UN FER DE LANCE DE
L'INDUSTRIE FRANÇAISE
- A. LA FILIÈRE NUCLÉAIRE FRANÇAISE : UN RÔLE ÉCONOMIQUE ET SOCIAL D'IMPORTANCE
- B. SES COMPÉTITEURS POURSUIVENT LEURS AVANCÉES
- C. IL ÉTAIT UNE FOIS... SUPERPHÉNIX
- D. ... ET QUE LE NUCLÉAIRE EST PROMIS À UN AVENIR CERTAIN SUR LA PLANÈTE
- II. DÉVELOPPER LA COOPÉRATION INTERNATIONALE
- III. PRÉPARER LE NUCLÉAIRE DU FUTUR
-
IV. GÉRER L'AVAL DU CYCLE
- A. LE RETRAITEMENT-RECYCLAGE : CONFORTONS CETTE SOLUTION POUR LA GESTION DES COMBUSTIBLES USÉS
-
B. POURSUIVONS ACTIVEMENT LES VOIES DE RECHERCHE POUR LE TRAITEMENT DES
DÉCHETS HAUTEMENT RADIOACTIFS ET À VIE LONGUE FIXÉES PAR
LOI DE 1991
- 1. Trois axes de recherche complémentaires pour le rendez-vous de 2006
- 2. Une décision voyante et inopportune en termes de recherche sur la transmutation : l'arrêt de Superphénix
- 3. Une non-décision voyante : l'implantation de laboratoires en vue d'étudier le stockage souterrain des déchets ultimes
- 4. Une solution d'attente et complémentaire sûre : le stockage en surface ou sub-surface
- V. LE TEMPS DE L'OPACITÉ EST RÉVOLU
-
I. LA FILIÈRE NUCLÉAIRE DOIT RESTER UN FER DE LANCE DE
L'INDUSTRIE FRANÇAISE
-
CHAPITRE V -
PRÉPARONS LA TRANSPOSITION
DES DIRECTIVES " ÉLECTRICITÉ " ET " GAZ NATUREL " EN DROIT FRANÇAIS- I. L'ÉLECTRICITÉ : UN SECTEUR EN MUTATION RAPIDE
- II. ORGANISONS DES RÈGLES DU JEU PERMETTANT DE CONCILIER SERVICE PUBLIC AMBITIEUX AVEC TRANSPARENCE ET RÉALITÉ DE LA CONCURRENCE
-
III. DONNONS À EDF TOUTES LES CHANCES DE RÉUSSIR DANS UNE
COMPÉTITION LOYALE
- A. NOTRE " GÉANT " NATIONAL DISPOSE DE NOMBREUX ATOUTS À VALORISER
- B. EDF DOIT EXERCER LA CONCURRENCE DANS DES CONDITIONS ÉQUITABLES ET TRANSPARENTES
- C. ÉLARGIR LE PRINCIPE DE SPÉCIALITÉ D'EDF
- IV. PRÉPARONS L'AVENIR
- V. REGAIN D'INTÉRÊT POUR LE GAZ
-
CHAPITRE VI -
ADAPTER NOTRE POLITIQUE PÉTROLIÈRE -
LES PROPOSITIONS DETAILLÉES
DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE - CONCLUSION
- EXPLICATIONS DE VOTE DES SÉNATEURS SOCIALISTES, MEMBRES DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE
-
EXPLICATIONS DE VOTE DU COMMISSAIRE APPARTENANT AU GROUPE COMMUNISTE,
RÉPUBLICAIN ET CITOYEN,
MEMBRE DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE -
ANNEXE 1 -
LISTE DES PERSONNALITÉS OFFICIELLEMENT ENTENDUES LORS DES AUDITIONS, ENTRETIENS ET RENCONTRES RÉALISÉS POUR LA PRÉPARATION
DU RAPPORT DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE
ET CONTRIBUTIONS ÉCRITES -
ANNEXE N° 2 -
CONSOMMATION ÉNERGÉTIQUE MONDIALE -
ANNEXE N° 3 -
PRODUCTION MONDIALE D'ÉNERGIE
ET D'ÉLECTRICITÉ PAR SOURCE -
ANNEXE N° 4 -
RAPPORT 1997 DE LA DIRECTION DU GAZ,
DE L'ÉLECTRICITÉ ET DU CHARBON SUR LES COÛTS
DE RÉFÉRENCE DE LA PRODUCTION ÉLECTRIQUE -
ANNEXE N° 5 -
BILAN D'EXPLOITATION DE SUPERPHÉNIX -
ANNEXE N° 6 -
COÛT DE L'ARRÊT DE SUPERPHÉNIX -
ANNEXE N° 7 -
IMPACT DU RETRAITEMENT DU COMBUSTIBLE USÉ SUR LA RADIOTOXICITÉ -
ANNEXE N 8 -
IMPACT DU FONCTIONNEMENT DE L'USINE DE RETRAITEMENT DE LA HAGUE SUR L'ENVIRONNEMENT -
ANNEXE N° 9 -
SONDAGE SUR L'AVENIR DU SERVICE PUBLIC
DE L'ÉLECTRICITÉ ET DU GAZ -
LA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE DE LA FRANCE :
PASSION OU RAISON ?
CHAPITRE III -
LA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE
FRANÇAISE
EN EST UNE ILLUSTRATION
I. ELLE A TOUJOURS OCCUPÉ UNE PLACE STRATÉGIQUE DANS LA POLITIQUE DE LA NATION
A. LES CONTRAINTES ET LEUR ÉVOLUTION
La France ne dispose pas d'abondantes ressources énergétiques ; au contraire, elle a dû assurer en permanence la difficile adéquation de ressources insuffisantes ou inadaptées à des besoins énergétiques qui croissaient en fonction de l'évolution économique.
1. Des ressources rares ou difficilement accessibles
En
dépit de sa surface, plus importante que celle des pays voisins et plus
que doublée par la zone maritime sur laquelle s'exerce sa
souveraineté économique, notre pays est dépourvu de
ressources fossiles significatives.
Ce déficit de ressources naturelles explique en grande partie le retard
que nous avons pris au XIXe siècle sur des pays voisins mieux pourvus
tels que la Grande-Bretagne ou l'Allemagne.
En ce qui concerne le
charbon
, trois bassins principaux
(Nord-Pas-de-Calais, Lorraine, Centre-Midi) ont été
exploités de façon intensive. Cependant, même si les
réserves prouvées sont estimées à 150 millions
de tonnes équivalent charbon, les conditions d'extraction sont telles
que l'exploitation des mines est gravement déficitaire.
En matière de
pétrole,
nous sommes moins bien pourvus
encore malgré l'étendue de nos bassins sédimentaires.
Quant aux forages off-shore effectués sur notre plateau continental, ils
n'ont donné aucun résultat. Nos ressources, se limitent donc aux
quelques gisements mis à jour dans le Sud-Ouest et la Région
parisienne, dont la capacité pourrait nous assurer quatre mois de
consommation...
Quant au
gaz
, il a été largement utilisé au XIXe
siècle sous la forme du gaz de houille, mais il a été
remplacé par le gaz naturel, issu du sud-ouest de la France mais que
nous possédons en quantité limitée.
Jusqu'au début du XXe siècle, le gaz obtenu par distillation du
charbon fut largement utilisé pour l'éclairage des villes et
habitations ainsi que pour les usages domestiques. Toutefois, ce gaz, hautement
toxique en raison de la présence d'oxyde de carbone et d'une
capacité thermique médiocre fut supplanté par les gaz de
pétrole (butane et propane) puis par le gaz naturel. En ce qui concerne
ce dernier, malgré l'espoir suscité un temps par la
découverte du gisement de Lacq, notre potentiel est extrêmement
limité et l'obsolescence du gisement bien réelle.
Ce
constat de pauvreté
en énergies fossiles a
été notamment dressé par le groupe
Énergie 2010 du Commissariat Général du Plan qui
notait : "
La France importe aujourd'hui la quasi-totalité du
pétrole, les neuf dixièmes du gaz et la moitié du charbon
qu'elle consomme.
La situation s'est d'ailleurs dégradée
depuis 1973, tant pour le gaz que pour le charbon, dont les productions
nationales ont chuté de moitié en quinze ans. "
1(
*
)
Les ressources du sous-sol français prouvées au 01/01/1993 |
||
|
en unités |
en millions de tep (2( * )) |
Pétrole brut
|
20 Mt
|
20
|
Gaz
naturel épuré
|
28
milliards de m
3
|
> 480 Mtep (6( * )) |
Source : Observatoire de l'énergie |
Ces
ressources s'épuisent vite : l'Observatoire de l'énergie
évaluait, au
l
er
janvier 1998
, nos réserves de
gaz
à
14,4 milliards de m
3
et nos
réserves de pétrole à
14,6 millions de tonnes
.
Elles sont à comparer à la consommation nationale
d'énergie primaire qui s'est élevée en 1997 à
237 millions de tep.
2. Des besoins croissants
Or, pendant que les rares ressources naturelles dont disposaient notre pays allaient en s'épuisant, le développement économique et le contexte international contraignaient la France à se procurer ou à produire des quantités croissantes d'énergie. Après que la révolution industrielle du XIXe siècle eut révélé le handicap charbonnier français, la première guerre mondiale mit en lumière le rôle vital du pétrole pour la défense et donc l'indépendance nationale ; après la deuxième guerre mondiale, la période de la reconstruction, puis celle des années de prospérité économique accrurent fortement nos besoins énergétiques et notre consommation s'orienta vers le pétrole, peu cher et largement disponible au Moyen-Orient. Or, cette solution à notre pauvreté en énergies fossiles fut balayée par la crise de 1973 ; en effet, l'embargo sur le pétrole du Moyen-Orient à destination des pays jugés favorables à Israël avait épargné la France mais le brutal relèvement des prix du brut décidé par l'OPEP nous toucha directement car nous étions alors, de tous les pays industrialisés, l'un des plus gros importateurs de pétrole en provenance du Moyen-Orient.
B. LA " SOLUTION FRANÇAISE " : UNE POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE VOLONTARISTE
1. Une intervention constante de l'Etat
La
réponse à ces contraintes a été la mise en place
progressive d'une politique énergétique volontariste, sous-tendue
par la participation croissante des pouvoirs publics. Trois grandes
étapes marquent ce processus.
•
Après la première guerre mondiale,
les
gouvernants comprirent que pour assurer l'indépendance et le
développement de la France, il était indispensable
d'acquérir le contrôle de gisements se trouvant à
l'étranger
et de disposer de moyens de raffinage à la mesure
de nos besoins, au lieu de continuer à importer des produits
raffinés des États-Unis ou de Grande-Bretagne. Ces
préoccupations conduisirent le Gouvernement français à
conclure avec le Royaume-Uni le pacte de San Remo (1920) grâce auquel la
participation allemande (23,7 %) aux gisements mésopotamiens de la
Turkish Petroleum Company fut dévolue à la France.
La gestion de cette part de production fut confiée à la Compagnie
française des Pétroles, l'État participant au capital de
celle-ci à hauteur de 36 %. Puis en 1930 fut créée
une filiale de la CFP, la Compagnie française de Raffinage,
également à participation étatique.
État actionnaire
mais également
État
régulateur :
choisissant une voie originale à une
époque dominée par le principe de la libre concurrence, les
pouvoirs publics décidèrent de soumettre le secteur
pétrolier français à un régime particulier,
défini par la loi du 30 mars 1928, qui institua un régime de
monopole délégué en disposant que toute entreprise
désirant importer du pétrole brut devait bénéficier
d'une autorisation préalable octroyée par décret pris en
Conseil des ministres après avis du Conseil d'État.
Ces mesures ont accru notre indépendance et contribué
efficacement au développement d'un indispensable outil de raffinage.
•
Après la deuxième guerre mondiale,
le secteur
énergétique français se trouva profondément
modifié par les mesures de nationalisation et de regroupement qui
affectèrent une partie importante des entreprises productrices. Trois
grandes entreprises furent créées en 1946 :
Électricité de France (EDF), Gaz de France (GDF) et Charbonnages
de France.
Cette politique de regroupement et de mise sous tutelle des entreprises
productrices d'énergie donnait à l'État la
possibilité d'orienter efficacement la politique
énergétique
du pays. Il ne s'agit pas ici de juger du
bien-fondé des nationalisations mais de constater que, pendant la
période de reconstruction, puis pendant les années de fort
développement économique qui ont suivi, seul l'État
pouvait, à travers une grande entreprise telle qu'EDF, mener à
bien les énormes investissements rendus nécessaires par la
croissance exponentielle de la demande d'électricité.
Par ailleurs la loi de nationalisation de 1946, tout en conférant
à EDF un monopole quasi-absolu qui lui permettait d'être la
courroie de transmission de la politique énergétique nationale,
n'excluait pas totalement
les acteurs locaux du système : les
régies de distribution électrique
qui existaient avant 1946
ont été maintenues, dans leur périmètre d'origine.
Elles gèrent aujourd'hui encore la fourniture
d'électricité à environ 5 % des communes
françaises.
Un autre volet de cette politique énergétique volontariste fut la
valorisation de l'une de nos ressources naturelles non fossiles, notre
réseau de fleuves et de rivières,
l'État a ainsi pu
programmer la construction massive de barrages
qui nous permettent encore
aujourd'hui de bénéficier d'un apport d'énergie
hydroélectrique non négligeable et ne dépendant pas de
pays étrangers.
Enfin, dès la Libération,
le général de Gaulle
veilla à ce que la France puisse reprendre ses recherches sur
l'atome
. Sous l'impulsion de Maurice Schumann, alors ministre chargé
des questions atomiques, et qui fut un visionnaire en ce domaine, Raoul Dautry
et Frédéric Joliot-Curie préparèrent un projet
d'ordonnance qui allait aboutir à la création du Commissariat
à l'énergie atomique (CEA) le 18 octobre 1945. Cet organisme
bénéficiait d'un statut original puisque placé directement
sous l'autorité du Président du Conseil, il était
cependant doté de la personnalité civile et jouissait de
l'autonomie financière. C'est dire que, dès l'origine, il avait
semblé impératif de placer l'énergie nucléaire sous
le contrôle de l'Etat. Quelques années plus tard, Félix
Gaillard présentait un plan quinquennal doté d'un budget de
40 milliards de francs, ayant pour objectif la production d'une
cinquantaine de kilos de plutonium et se traduisant par la construction des
premiers réacteurs nucléaires à Marcoule. Il concluait son
exposé par cette affirmation : "
Il dépend de nous
aujourd'hui que la France reste un grand pays moderne dans dix ans ".
Pour la première fois en 1952, l'atome faisait l'objet d'un débat
à l'Assemblée nationale et
en 1955 les premières
études d'un programme français d'énergie nucléaire
pour les vingt années à venir étaient lancées.
•
Après la guerre du Kippour,
en 1973, et l'envolée
des cours du pétrole, les pouvoirs publics, soucieux d'affranchir la
nation de la " tutelle " pétrolière
décidèrent de développer une énergie de
substitution dont nous ayons la maîtrise.
Ils choisirent la voie de l'énergie nucléaire, mise en place
depuis la fin de la seconde guerre mondiale, avec le vote de lois-programmes
établissant des plans quinquennaux de développement de
l'énergie atomique, en 1952 et 1957, la construction des premiers
réacteurs au graphite et le choix en 1969 de la filière des
réacteurs à eau pressurisée.
Ainsi, début 1974, EDF fut autorisée à engager,
l'année même, la construction de six tranches nucléaires de
900 MW et, en 1975, de sept tranches de même puissance. Puis EDF
reçut l'autorisation de mettre en chantier, pour les années 1976
et 1977, des installations d'une puissance totale de 12 000 MW. Et le
mouvement se poursuivit, pour doter la France d'un parc
électronucléaire de taille respectable.
Parallèlement, dès le début de 1974, les pouvoirs publics
mettaient en place un considérable programme d'économie
d'énergie (qui représentait une véritable rupture avec le
passé) en créant l'Agence pour les Économies
d'Énergie (AEE) et définissaient dans le cadre du VIIe Plan un
objectif de 45 millions de TEP d'économies. Les mesures prises
furent soit à portée immédiate soit à effet
différé (actions de caractère structurel telles que le
financement de recherches visant à permettre d'économiser
l'énergie et les subventions ou incitations fiscales aux investissements
répondant au même objet). Le chiffre global des économies
d'énergie atteignit 24 millions de TEP en 1980.
Les objectifs constants de cette politique énergétique, qui a
consacré le rôle des pouvoirs publics ont été la
recherche de l'indépendance nationale et la volonté de soutenir
l'expansion économique. Les résultats ont été
à la hauteur des ambitions.
2. Une grande continuité qui a donné des résultats à la hauteur de nos ambitions
La politique énergétique engagée au lendemain du premier choc pétrolier, en 1973-1974, à la suite de la guerre du Kippour, a été, malgré quelques infléchissements, poursuivie avec une continuité à laquelle elle doit ses résultats.
a) Malgré quelques infléchissements à terme coûteux...
En 1981,
la politique énergétique fut modifiée sur deux points.
Le
programme nucléaire
en cours prévoyait le lancement de
neufs tranches, chiffre que le Gouvernement ramena à quatre pour
finalement le porter à six pour les années 1982 et 1983 ;
Dans le domaine du
charbon
, le Gouvernement voulut renverser la tendance
à la réduction de la cadence d'extraction opérée
lors des deux décennies précédentes et porter de 20
à 30 millions de tonnes la production nationale à l'horizon
1990. Cette rupture avec la politique de réduction graduelle de la
production menée depuis 1960 conduisit à
l'embauche, entre
1981 et 1984, de 10 000 mineurs
. Les conséquences
financières de cette décision pèsent très lourd
dans le bilan des Charbonnages de France :
L'entreprise doit rémunérer aujourd'hui 12 000 mineurs,
issus pour l'essentiel des recrutements de la période 1981-1984. Son
endettement actuel (32,5 milliards de francs) va malheureusement augmenter
jusqu'en 2005, terme de l'exploitation.
À cette date, en tenant compte des retraites à verser aux
mineurs, l'
endettement
final sera d'environ cent milliards de
francs
, aucun mode de financement n'étant aujourd'hui prévu
pour couvrir cette dette.
Cependant,
les choix essentiels
(développer la production
domestique d'énergie, principalement grâce au programme
électronucléaire, promouvoir les économies
d'énergie et diversifier les approvisionnements extérieurs)
n'ont pas fait l'objet d'une véritable remise en cause depuis
1973
et ont produit des résultats probants
b) Une continuité qui a donné des résultats probants
Sur la
période le bilan énergétique de la France a connu une
évolution remarquable :
une amélioration de l'ordre de 20 % de notre
efficacité énergétique,
une production domestique d'énergie multipliée par 2,5
surtout grâce au nucléaire,
un taux d'indépendance extérieur de près de
50 % (contre 22,5 % en 1973), une électricité qui est
aujourd'hui d'origine nationale à plus de 90 %,
un bilan énergétique nettement plus diversifié avec
une énergie dominante, le pétrole, ramenée de 70 %
à environ 40 % de la consommation,
des approvisionnements extérieurs plus diversifiés tant sur
le plan géographique (avec, pour le pétrole, une part du Moyen
Orient ramenée des trois-quarts à moins de la moitié), que
par type d'énergie primaire (avec une forte décrue des
importations pétrolière (83 MT/an au lieu de 135 MT/an)
et une augmentation très importante des importations gazières qui
ont quadruplé depuis 1973.
Le tableau ci-après illustre cette amélioration de notre bilan
énergétique :
Extraits du bilan
énergétique provisoire de 1997
établi
|
|||||||||||||||||||
Structure de la consommation d'énergie primaire (corrigée du climat) |
|||||||||||||||||||
en % |
1973 |
1980 |
1990 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
TCAM 96-98 |
TCAM 73-97 |
||||||||||
- Charbon
|
15,2
|
15,8
|
8,9
|
6,3
|
6,4
|
6,6
|
5,8
|
-12,0
|
-3,9
|
||||||||||
Total |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
|
|
||||||||||
TCAM (taux de croissance annuel moyen) en %. |
|||||||||||||||||||
Production d'énergie primaire |
|||||||||||||||||||
En Mtep |
1973 |
1980 |
1990 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
TCAM 96-97 |
TCAM 73-97 |
||||||||||
- Charbon
|
17,3
|
13,1
|
7,7
|
5,4
|
5,1
|
5,0
|
4,2
|
-16,5
|
-5,7
|
||||||||||
Total production |
41,7 |
54,3 |
100,5 |
114,0 |
116,0 |
118,3 |
115,7 |
-2,2 |
+4,3 |
||||||||||
Taux
d'indépendance
|
22,5% |
27,4% |
47,8% |
51,2% |
51,0% |
50,0% |
49,6% |
-0,4pt |
- |
||||||||||
TCAM (taux de croissance annuel moyen) en %. |
Bien
qu'elle ne porte que sur des quantités faibles, la production
d'énergies fossiles subit une chute sévère, de -12 %
pour le gaz à -17 % pour le charbon, reflétant
le
caractère inéluctable de l'épuisement des réserves
nationales
.
La production d'électricité primaire (hydraulique et
nucléaire) brute a été de 463 TWh, dont 15 % pour
l'hydraulique et 85 % pour le nucléaire.
L'électricité primaire a ainsi représenté 89 %
de la production nationale totale et la seule électricité
nucléaire 76 %
. La contribution des énergies fossiles se
dégrade sensiblement en 1997, avec des baisses qui dépassent
12 %.
Si les résultats sont satisfaisants, ils ne doivent en aucun cas
autoriser un relâchement de la politique énergétique
française. En effet, tant dans le domaine de la sobriété
énergétique (que le faible coût de l'énergie a
conduit à négliger), que dans celui de l'indépendance
énergétique (notre taux d'indépendance vient de passer
symboliquement en dessous du niveau de 50 % qui avait été
atteint en 1993), on peut constater que
notre conduite doit être
dictée par le sens de l'effort et non celui du confort
.
La politique énergétique est aujourd'hui confrontée de
nouveaux défis :
défi environnemental
, tout d'abord,
puisqu'elle devra tenir compte des engagements internationaux pris à
Kyoto sur la réduction des gaz à effet de serre ;
défi européen
ensuite, car il faudra tirer les
conséquences de l'ouverture du marché européen de
l'énergie à la concurrence ;
défi
nucléaire
, enfin, à l'heure où le problème du
renouvellement du parc est posé et que de nombreux pays se
détournent de ce secteur.
II. LES DÉFIS ACTUELS
A. LE DÉFI ENVIRONNEMENTAL
Le défi environnemental peut être qualifié de " global ", en ce sens qu'il recouvre à la fois une dimension spatiale (il concerne l'ensemble de la planète) et temporelle (il touche aussi les générations futures). Nouveau paramètre de l'équation énergétique, il constitue sans doute un des principaux éléments que notre politique en ce domaine devra prendre en considération, ceci en concertation avec nos partenaires européens.
1. Les risques
La
France est apparue au sommet de Kyoto comme un pays vertueux : elle est,
parmi les pays de l'OCDE, un de ceux qui émet le plus bas taux de CO2
par habitant, essentiellement grâce à une large utilisation de
l'énergie nucléaire et de l'hydraulique pour la production
d'électricité.
Le risque environnemental ne doit pourtant pas être
négligé, car malgré nos performances, le bilan tant en
matière de pollution atmosphérique qu'en termes d'émission
de gaz à effet de serre s'est dégradé au cours des
dernières années.
Une pollution atmosphérique préoccupante
Celle-ci se manifeste tout d'abord par des pics de pollution qui frappent
l'opinion publique. Ainsi, à Lyon, en janvier 1997, les autorités
ont interdit la circulation des poids lourds après trois jours
consécutifs de pollution au dioxyde d'azote de niveau 3 (à
partir de 400 microgrammes/m
3
d'air) ; à Paris, le
niveau 2 a été atteint le 10 mars et le
19 septembre 1997 et, le 1er octobre, le niveau 3 ayant
été dépassé, le système de circulation
alternée prévu par la loi sur la qualité de l'air du
30 décembre 1996 a été mis en place, dans la
capitale et dans 22 communes limitrophes.
Toutefois,
le
vrai problème ne réside pas dans ces pics
de pollution, mais dans l'exposition des individus à celle-ci tout au
long de leur vie.
Dans ce domaine, on constate malheureusement que si certaines formes de
pollution ont diminué, d'autres se sont transformées ou ont
augmenté. Ainsi, on rejette globalement moins de poussières dans
l'atmosphère mais celles qui sont émises par le secteur des
transports sont plus nombreuses ; de plus, elles ont changé de
nature et les poussières issues des trains du début du
siècle étaient différentes de celles qui proviennent d'un
moteur diesel et dont la dimension (0,2 u) leur permet de s'infiltrer dans
le système respiratoire.
Un rapport récent du ministère de l'environnement indiquait que
la qualité de l'air s'était améliorée depuis 1991,
mais que les mesures variaient fortement en fonction des polluants : dans
les agglomérations de plus de 100.000 habitants, la présence
de plomb dans l'air, issu des carburants, est passée d'une moyenne
annuelle maximale de 0,71 microgramme par mètre cube d'air en
1991 à 0,28 microgramme en 1996. Quant au dioxyde de soufre, qui
constituait un polluant majeur il y a trente ans, et qui a
été visé avec succès par la taxe sur la pollution
atmosphérique, ses émissions ont été
réduites de 20 % sur l'ensemble du territoire.
En revanche,
les émissions de dioxyde d'azote et de monoxyde d'azote
sont en hausse et sont dues, pour les trois-quarts
selon Airparif (le
réseau de surveillance de la qualité de l'air en Ile-de-France),
à la circulation automobile
et proviennent notamment des voitures
fonctionnant au diesel ou à l'essence sans pot catalytique.
Enfin,
la diffusion de dioxyde de carbone ou gaz carbonique
(CO
2
), polluant classé parmi les gaz à effet de serre,
a augmenté de 2 % alors qu'on la pensait stabilisée.
TABLEAU SUR LES PARTICULES DANGEREUSES
Les
transports et les activités industrielles et agricoles sont à
l'origine de l'émission de polluants rejetés dans l'air :
•
Le dioxyde d'azote (NO
2
)
: puissant irritant des
voies pulmonaires, il aggrave les symptômes des personnes atteintes de
maladies respiratoires. 6 000 tonnes sont produites annuellement par le
transport routier, soit douze fois moins que par le secteur agricole et
forestier. Le seuil d'alerte (niveau 3) est atteint à partir de 400
microgrammes par mètre cube d'air. Les oxydes d'azote (NOX) contribuent
également à la formation d'ozone.
•
L'ozone (O
3
)
: formé à partir de divers
polluants atmosphériques (composés organiques volatils,
hydrocarbures, solvants et oxydes d'azote) sous l'influence des rayons
solaires, il occasionne des difficultés respiratoires notamment chez les
enfants, les personnes âgées et les asthmatiques. A long terme, il
peut provoquer une altération chronique des fonctions pulmonaires.
L'ozone affecte également les végétaux. Le seuil d'alerte
de niveau 3 est atteint à 360 microgrammes par mètre cube.
• Le dioxyde de soufre (SO
2
)
: il peut occasionner des
broncho-constrictions et des essoufflements chez les asthmatiques. Il
provoquerait chaque année le "décès
prématuré" de 215 personnes hospitalisées dans les grandes
villes. 150 000 tonnes par an sont émises par les transports routiers,
soit la moitié de ce qui est produit par les secteurs de
l'énergie et de l'industrie de transformation. Le niveau 3 est atteint
à 600 microgrammes par mètre cube d'air.
•
Le monoxyde de carbone (CO)
: ce gaz peut aggraver les angines
de poitrine et d'autres maladies coronariennes, altérer certaines
fonctions du système nerveux et présenter un risque pour le
développement du foetus. 5,2 millions de tonnes sont attribuées
à la circulation routière, soit 46 % de la production nationale.
•
Le dioxyde de carbone (CO
2
)
: 118 millions de tonnes
sont rejetées chaque année sur les routes, soit le tiers de la
production française tous secteurs confondus. Classé parmi les
gaz à effet de serre, il contribuerait au réchauffement du climat.
•
Les particules
: les plus nocives sont d'une dimension
inférieure à 10 microns, ce qui leur permet de s'infiltrer dans
le système respiratoire. Produites entre 50 et 80 % par les
véhicules automobiles, elles occasionnent des atteintes pulmonaires,
particulièrement chez les enfants. Des études américaines
montrent que l'exposition prolongée peut réduire
l'espérance de vie et entraîner des risques de cancer. En France,
elles seraient chaque année responsables de 870 morts
prématurées chez des malades cardiaques ou insuffisants
respiratoires. En zone urbaine, 90 % des émissions attribuables aux
transports seraient issues de véhicules à moteur Diesel.
Source : Corinair-1994, Erpurs - AQMD-Californie.
Etude citée par "Le Monde" du 2 octobre 1997.
L'émission de gaz à effet de serre
Le rayonnement solaire est absorbé par la terre qui renvoie à son
tour de la chaleur vers l'atmosphère, mais une partie de ce rayonnement
thermique peut être piégée par certains gaz contenus dans
la partie basse de l'atmosphère, la troposphère : vapeur d'eau,
gaz carbonique, méthane, oxydes d'azote, ozone, fluoro carbures. Cet
" effet de serre " entraîne un réchauffement de la terre
qui est, à l'origine, bénéfique puisqu'il permet
d'élever la température globale moyenne de notre planète
de - 18° C à + 15° C. Toutefois,
l'activité humaine a provoqué une forte et rapide augmentation de
la concentration de gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Ainsi
pour le gaz carbonique, cette concentration est passée de 280 ppm
(parties par millions) à 360 ppm en un siècle, alors que
pour les 200.000 ans précédents, elle avait varié
dans une fourchette de 170 ppm à 280 ppm.
L'accroissement de ce gaz dans l'atmosphère tient principalement
à deux causes : la combustion brutale des substances fossiles, charbon
et hydrocarbures gazeux et liquides (le pétrole) et la
déforestation non compensée par le reboisement.
Les
émissions totales de CO
2
liées à
l'activité humaine sont évaluées à environ
7,1 milliards de tonnes de carbone par an dont 5,5 milliards
proviennent de l'utilisation d'énergies à base de combustibles
fossiles et 1,6 milliard de la déforestation
.
Selon les rapports du GIEC (Groupe intergouvernemental sur l'évolution
du climat), la température de notre planète
s'élèverait de 2° C d'ici 2100 si la concentration des
gaz à effet de serre doublait. Cette hypothèse est optimiste car,
si les émissions de gaz à effet de serre continuaient à
progresser de 10 à 20 % par décennie, leur concentration
pourrait tripler, voire quadrupler au cours du prochain siècle. Le GIEC
estime qu'une augmentation de la température de 2° C
entraînerait une élévation du niveau moyen des
océans de 50 cm et aurait des conséquences très
variables selon les régions du monde. Il prévoit une
intensification du cycle hydrologique entraînant des sécheresses
ou des inondations accrues, une modification de certains courants marins, une
plus grande vulnérabilité de la santé humaine et la
disparition de terres habitées ou cultivées.
Même si l'on peut espérer que ces prévisions seront
tempérées par des phénomènes naturels encore mal
connus et qu'il faut étudier très sérieusement
(rétroaction des océans, courants marins, comportement des nuages
et de la glace, effet parasite des aérosols, gaz, poussières ou
cendres qui refroidissent l'atmosphère...),
l'attitude à
adopter devant l'accroissement de la concentration des gaz à effet de
serre va au-delà du principe de précaution et débouche sur
la nécessité d'une stricte réglementation des
émissions polluantes.
2. Les contraintes nationales et internationales
La
vigilance de l'opinion publique
Selon une enquête menée en 1996
8(
*
)
,
la lutte contre la pollution de l'air est, pour plus d'un Français sur
deux (54 %, soit huit points de plus que l'année
précédente), l'action que l'Etat doit mener en priorité
dans le domaine de la protection de l'environnement. Quant aux Parisiens,
62 % d'entre eux placent la pollution en tête de leurs
préoccupations
9(
*
)
.
De plus, 95 % des Français sont conscients des risques que la
pollution atmosphérique présente pour la santé et, parmi
eux, 72 % y voient un danger qu'ils qualifient d'important : 45 % de
nos concitoyens déclarent qu'eux-mêmes ou une personne de leur
proche entourage ont subi des troubles liés à ces
phénomènes
10(
*
)
.
Par ailleurs, dans le domaine des mesures à prendre pour lutter contre
cette nuisance, même si les comportements personnels ont tendance
à évoluer dans le bon sens, l'action de l'Etat et la contrainte
réglementaire semblent indispensables afin de l'emporter sur la pratique
individuelle spontanée.
La loi du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation
rationnelle de l'énergie
Ce texte a précisément mis en place un cadre d'action pour les
pouvoirs publics en organisant la surveillance de la qualité de l'air,
en prévoyant des plans régionaux pour la qualité de l'air,
des plans de protection de l'atmosphère, des plans de
déplacements urbains et en revalorisant le concept de maîtrise de
l'énergie.
Des délais ont été prévus pour la
réalisation de ces objectifs : il est indispensable de les respecter.
Des décrets en Conseil d'Etat doivent définir des mesures visant
à réduire la consommation d'énergie et à limiter
les sources d'émission de substances polluantes nocives pour la
santé humaine et l'environnement : il est indispensable de les
faire paraître rapidement.
Les choix européens
Ils concernent le domaine des transports mais, de façon plus
générale, l'amélioration de la qualité de l'air.
En ce qui concerne les
transports
, le programme " Auto-oil "
doit aboutir en juin 1998.
LE PROGRAMME AUTO-OIL SUR LES CARBURANTS
Le
projet de directive, qui vise à réduire à l'horizon 2010
les concentrations de polluants dans l'air en milieu urbain de 60 à
70 %, fait l'objet de surenchères de la part du Parlement
européen. Ainsi, le texte élaboré par la Commission sur la
base du programme Auto-Oil
11(
*
)
qui
définissait les orientations les plus économiques (elles
n'auraient coûté que 12 milliards d'euros à l'Union
européenne), a été repoussé en première
lecture par le Parlement au motif qu'il manquait d'ambition. Le Conseil des
ministres a alors proposé un texte de compromis qui représente
une dépense de 20 milliards d'euros, dont 15 % environ pour la
France.
Mais le Parlement s'est prononcé pour des normes plus
sévères et obligatoires aussi bien pour 2000 que pour 2005
(alors que le texte du Conseil ne prévoit que des valeurs limites
indicatives pour 2005). Il s'agirait notamment de porter la teneur maximale
autorisée en soufre de 400-500 parties pour millions (ppm) à 150
ppm pour l'essence et 200 ppm pour le gazole en 2000, et 30 ppm pour l'essence
et 50 ppm pour le gazole en 2005 (la position commune du Conseil
prévoyait uniquement 350 ppm pour le gazole à compter du
1
er
janvier 2000). Il s'agirait également de ramener à
1 % v/v (valeur par volume) la teneur en benzène dans les essences
(contre 5 % aujourd'hui) et à 35 % v/v la valeur limite obligatoire
des composés aromatiques (contre 42 % dans la proposition du
Conseil). Enfin, le Parlement a voté l'interdiction au 1
er
janvier 2000 de la commercialisation de l'essence plombée.
Le surcoût par rapport au projet du Conseil serait de l'ordre de 30
milliards d'euros, portant le coût global du durcissement envisagé
à 50 milliards d'euros. Un compromis final devrait être
trouvé d'ici juin 1998
, en comité de conciliation avec le
Conseil des ministres.
De plus, le Parlement européen a demandé à la Commission
européenne d'élaborer d'ici fin 1998
une directive
réglementant les émissions spécifiques de gaz
carbonique
et rendant obligatoire à partir de 2005 une consommation
de 5 litres/100 km pour les véhicules neufs de la gamme
moyenne (4,5 litres pour le diesel). Ces valeurs devraient être
fixées à 3 litres pour 2010.
En ce qui concerne la
qualité de l'air
, les ministres de
l'environnement européens ont accepté en mars 1998, à
l'unanimité, la proposition de la Commission europénne d'imposer
des valeurs limites calquées sur la recommandation de l'Organisation
mondiale de la santé pour les émissions de certaines polluants,
nocifs pour la santé et l'environnement. Ces valeurs limites concernent
le dioxyde de soufre (SO
2
), et le plomb (la date butoir étant
fixée à 2005), ainsi que le dioxyde d'azote (NO
2
),
l'oxyde nitrique (NO) et les particules (la date butoir étant
fixée à 2010).
Les engagements internationaux de baisse des rejets de gaz à effet
de serre
.
La situation des pays industriels est préoccupante :
Un Français émet en moyenne par an 6,1 tonnes de
CO
2
contre près de 9 tonnes pour un Japonais et
près de 20 tonnes pour un habitant des Etats-Unis.
Pourtant, malgré ses faibles émissions, la France n'est pas en
situation confortable dans les négociations internationales
. Le
sommet de Kyoto a fixé un taux global de réduction des
émissions des six gaz à effet de serre de 5,2 % entre
2008 et 2012 par rapport à 1990, soit une diminution de 7 % pour
les Etats-Unis, 6 % pour la Japon et 8 % pour la " bulle "
que constituent les 15 pays de l'Union européenne.
Or, la France avait déjà un faible niveau d'émission de
gaz carbonique en 1990, compte tenu des éléments
énoncés plus haut, et les efforts qu'elle devra consentir seront,
de ce fait, plus coûteux que pour d'autres pays. En effet, son bas taux
d'émissions provenant du recours massif à l'énergie
nucléaire,
l'effort devra porter principalement sur le secteur des
transports
, ce qui implique des décisions politiques
délicates.
Par ailleurs, l'Union européenne redéfinira, vraisemblablement en
juin 1998, les normes respectives pour chacun des Etats membres correspondant
au nouvel objectif global (soit une diminution de 8 % alors que celle qui
avait été prévue par le Conseil en mars 1997 était
de 10 %). Dans ce contexte,
la France, même si son taux
d'accroissement autorisé d'émission de gaz à effet de
serre reste fixé à zéro, sera
défavorisée
par le fait que
l'accord de Kyoto porte sur
six gaz à effet de serre et ne prend en compte les
" puits " de carbone (forêts) que de façon
limitée.
Or, lorsque notre pays s'était engagé
à ne pas rejeter plus de gaz en 2010 qu'en 1990, les hypothèses
étaient différentes (prise en compte de seulement
trois gaz : le gaz carbonique, le méthane et l'oxyde nitreux,
mais de l'ensemble des puits).
Il convient donc de bien mesurer et de ne pas
minimiser les efforts qui s'avéreront nécessaires.
B. LE DÉFI EUROPÉEN
La
définition de la politique énergétique s'inscrit de plus
en plus dans un cadre dont les contours sont tracés à Bruxelles.
C'est pourquoi le deuxième paramètre exogène qui
influencera sensiblement le paysage énergétique français
de demain réside dans la
politique européenne de
libéralisation progressive des secteurs de l'électricité
et du gaz.
Réussir cette adaptation tout en veillant à ce que l'Union
européenne ne sombre pas dans une dépendance
énergétique extérieure excessive : tel
peut-être schématiquement présenté le défi
européen que la France devra contribué à
relever.
1. L'intégration à une Europe en dépendance énergétique croissante
A
l'heure actuelle, l'Union européenne se procure près de la
moitié de son énergie auprès de pays tiers (48 %).
Faute de mesures appropriées, cette dépendance pourrait
atteindre, d'ici 2020, près de 70 % de la consommation totale
d'énergie, soit 70 % pour le gaz naturel, 80 % pour le charbon
et 90 % pour le pétrole, selon les estimations de la Commission
européenne
12(
*
)
.
Ces dernières reposent sur une
étude
que la direction
générale de l'énergie (DG XVII) a
réalisée, au printemps 1996, intitulée :
"
Europe de l'énergie en 2020
", dans laquelle elle a
adopté une approche basée sur des scénarios qui
reflètent l'incertitude régnant sur le secteur de
l'énergie à l'heure actuelle.
Au nombre de quatre, ces scénarios concluent tous à une
augmentation de la dépendance à l'égard des importations
de l'ordre de 70 % de la consommation brute d'ici à 2020.
Les perspectives tracées par cette étude s'avèrent
très instructives et méritent d'être brièvement
présentées.
Trois scénarios supposent que le réchauffement de la
planète sera prouvé d'ici à 2005. Un quatrième
scénario, celui dit de la " sagesse traditionnelle "
évalue les conséquences de la poursuite des politiques actuelles.
Dans le scénario dit " champ de bataille ", le monde revient
à l'isolationnisme, aux grands blocs et au protectionnisme. Dans le
scénario dit " hypermarché ", les thèmes
prédominants sont les tendances du marché, le libéralisme
et la liberté du commerce, les gouvernements et les gestionnaires
publics intervenant au minimum. Dans le scénario " forum ", le
processus d'intégration globale se déroule dans le cadre de
structures internationales animées par le consensus et la
coopération et dans lesquelles la gestion ainsi que l'intervention
publiques jouent un rôle marquant.
L'étude révèle une dépendance croissante du
consommateur européen par rapport aux importations, ceci quelque soit le
scénario, et par rapport à l'énergie fournie en
réseau. En effet, la
consommation
d'énergie primaire
augmenterait de l'ordre de 0,7 à 0,9 % par an, cette
évolution modérée étant due à une
amélioration de l'intensité énergétique de l'ordre
de 1,1 à 1,8 % par an.
Parallèlement,
la production européenne
d'énergie
13(
*
)
semble devoir
diminuer de l'ordre d'un cinquième d'ici l'an 2020
.
En effet, si la production d'énergies renouvelables devrait augmenter,
celle de combustibles solides devrait en revanche diminuer fortement, pour se
situer à 40 % des niveaux actuels dans l'hypothèse la plus
optimiste et à 10 % à peine de ceux-ci dans une
hypothèse pessimiste. La production de pétrole ne devrait pas
connaître de diminution notable d'ici l'an 2000, mais elle baisserait par
la suite. La production de gaz, quant à elle, devrait atteindre un
sommet à la même époque ou un peu plus tard, avec un taux
de diminution en 2020 cependant plus lent.
La combinaison de ces deux facteurs -augmentation de la demande, diminution
de la production- expliquerait cette dépendance croissante par rapport
aux pays tiers.
La dépendance maximum, de 71 % en l'an 2000, est atteinte avec le
scénario " hypermarché ". Alors, la demande de gaz
naturel augmenterait fortement (+ 3 % par an en moyenne) et la part
du nucléaire serait bien moindre qu'aujourd'hui.
Dans le scénario " sagesse traditionnelle ", la
dépendance serait de l'ordre de 68 %. C'est dans ce scénario
que l'énergie nucléaire connaîtrait la croissance la moins
élevée (+ 0,5 % par an), au fur et à mesure de
l'arrivée à maturité puis du déclin du secteur
nucléaire, les énergies renouvelables étant, quant
à elles, multipliées par trois.
La dépendance s'élèverait à 61 % environ dans
le scénario " champ de bataille " et d'environ 55 % dans
le scénario " forum ". Dans cette dernière
hypothèse, la société européenne investirait dans
de nouvelles technologies nucléaires, dans le but de résoudre le
problème des émissions européennes de CO
2
.
Parallèlement, les énergies renouvelables enregistreraient une
croissance de 5 % par an, pour quadrupler d'ici 2020.
Il faut souligner que seul ce dernier scénario permet de réduire
les émissions de CO
2
: de - 10 % en 2020,
contre + 40 % dans " champ de bataille ", + 15 %
dans " sagesse traditionnelle " et + 18 % dans
" hypermarché ".
On voit donc émerger au travers de cette étude toute la
difficulté qu'aura l'Union européenne -et elle ne sera pas la
seule...- à concilier défi environnemental et
préoccupations en termes de compétitivité
économique, de sécurité des approvisionnements et de la
fourniture de l'énergie.
Notons que le scénario " forum " semble permettre à la
fois d'atteindre une moindre dépendance à l'égard des
tiers et de satisfaire aux engagements souscrits à Kyoto. Mais
consensus, coopération et action publique collective
prévaudront-ils à l'heure où l'impératif mondial de
compétitivité favorise l'émergence d'une tendance à
la libéralisation des secteurs énergétiques ?
Celle-ci se traduit par le projet d'intégration progressive des
marchés énergétiques des Etats-membres de l'Union
européenne.
2. La réalisation du marché intérieur de l'énergie
a) Un enjeu de compétitivité
L'intégration des marchés européens de
l'énergie vise avant tout à accroître la
compétitivité des entreprises du vieux continent, outre qu'elle
tend à mieux répondre aux besoins des consommateurs et peut
contribuer à diversifier les ressources énergétiques
européennes en permettant une grande flexibilité dans leur
accès et favoriser l'initiative industrielle.
Dans un contexte de globalisation croissante des marchés, on ne peut
ignorer, en effet, que les industries européennes payent leur
énergie plus cher que leurs homologues américaines. La Commission
européenne estime, par exemple, que les compagnies européennes du
secteur chimique payent leur énergie près de 1,5 fois plus cher
que leurs concurrents d'Outre-Atlantique.
Alors que l'Union européenne ne dispose pas de compétence
spécifique dans le secteur énergétique -à
l'exception de celles que lui confèrent les traités CECA et
EURATOM-, ce constat a incité la Commission européenne à
proposer aux Etats-membres de faire évoluer le secteur vers un
marché de l'énergie plus intégré, plus
libéralisé et plus concurrentiel.
En outre, cette démarche a été
encouragée par un
double mouvement d'ordre économique et juridique
:
-
au plan économique
, l'organisation traditionnelle des
industries de réseaux sous une forme généralement
monopolistique et intégrée verticalement -allant de la production
à la distribution et à la vente au consommateur final- a
été remise en question dès les années 1980, aux
États-Unis puis en Grande-Bretagne, avec l'objectif essentiel
d'introduire la concurrence partout où cela est possible, de
façon à inciter davantage au progrès technique, à
la baisse des prix et, de ce fait à la satisfaction du
consommateur ;
14(
*
)
-
au plan juridique
, en l'absence de politique commune de
l'énergie la Commission européenne s'est appuyée sur les
règles de concurrence et sur les dispositions de l'Acte unique
européen relatives au marché intérieur pour
réaliser le marché intérieur de
l'électricité et du gaz.
b) Analyse comparative des principales caractéristiques des directives concernant le marché intérieur de l'électricité et du gaz naturel
Trois
directives ont été adoptées au cours d'une première
étape consensuelle :
- en 1990, une directive sur la transparence des prix de vente de
l'électricité et du gaz au consommateur final industriel, qui
impose aux Etats membres de prendre les mesures nécessaires pour que les
entreprises concernées communiquent à l'Office statistique des
Communautés européennes, les prix et les conditions de vente aux
consommateurs industriels, les systèmes de prix en vigueur, ainsi que la
définition des différentes catégories de consommateurs ;
- en 1990 et 1991, deux directives sur le transit de
l'électricité et du gaz sur les grands réseaux, qui
imposent une obligation de circulation de l'énergie entre les
gestionnaires des réseaux de transport.
Après huit années de négociations parfois laborieuses,
voire conflictuelles, deux nouvelles directives ont été
récemment adoptées :
- la directive sur le marché intérieur de
l'électricité, le 19 décembre 1996 ;
- la directive sur le marché intérieur du gaz, le 11
mai 1998.
On rappellera les caractéristiques principales de ces deux directives,
sachant qu'elles comportent de nombreux points communs -la deuxième
ayant été partiellement calquée sur la première-
mais aussi certaines spécificité que l'on précisera au fur
et à mesure.
Champ d'application des directives
Ces directives susmentionnées établissent des règles
communes aux Etats membres pour :
- la production, le transport et la distribution
d'électricité ;
- le transport (par des gazoducs à haute pression), la distribution
(le transport de gaz par réseaux locaux ou régionaux), la
fourniture (la livraison et/ou la vente de gaz à des clients) et le
stockage de gaz naturel, y compris de gaz naturel liquéfié.
Notons que la production de gaz n'est pas visée dans la mesure où
elle est d'ores et déjà soumise à la concurrence.
Règles générales d'organisation des secteurs
concernés
Dans les deux cas, conformément aux dispositions du Traité de
Rome, en particulier à celles de son article 90-2, les Etats
peuvent imposer aux entreprises concernées des
obligations de service
public
, qui peuvent porter sur la sécurité
d'approvisionnement, la régularité, la qualité et le prix
des fournitures et sur la protection de l'environnement. Elles doivent
être clairement définies, transparentes, non discriminatoires et
contrôlables. Afin d'assurer l'accomplissement de ces obligations de
service public, les États peuvent introduire une
planification
à long terme
, en prenant en compte, s'agissant du gaz, la
possibilité pour des tiers de rechercher un accès au
réseau.
Lorsque les États décident d'instituer un régime
d'autorisation -plutôt que d'appel d'offres- pour la construction de
nouvelles installations de production d'électricité ou pour la
construction ou l'exploitation d'installations gazières, ils doivent le
faire sur la base de critères objectifs et non discriminatoires. Ils
peuvent, cependant, ne pas appliquer ces dispositions à la distribution
de gaz lorsque cela s'avère nécessaire à l'exercice des
missions de service public.
Exploitation du réseau de transport d'énergie
- Pour
l'électricité
, les Etats membres doivent
désigner un gestionnaire du réseau, à qui sera
confiée la responsabilité de l'exploitation, de l'entretien et,
le cas échéant, du développement du réseau de
transport dans une zone donnée, ainsi que des interconnexions avec
d'autres réseaux, pour garantir la sécurité
d'approvisionnement. Il devra s'abstenir de toute discrimination entre les
utilisateurs du réseau.
Le gestionnaire de réseau, lorsqu'il appelle les installations de
production, peut se voir imposer par l'État membre un certain
ordre
de priorité
:
* en faveur des installations utilisant des sources d'énergies
renouvelables ou des déchets qui produisent de façon
combinée de la chaleur et de l'électricité ;
* pour des raisons de sécurité, en faveur des installations
utilisant des sources nationales d'énergie primaire, ceci dans une
proportion maximum de 15 % de la quantité totale d'énergie
primaire nécessaire à la production d'électricité.
- S'agissant du
gaz
, toute entreprise de transport et/ou de
stockage a l'obligation d'exploiter, d'entretenir et de développer ses
installations de manière
" sûre, efficace,
économique et en prenant en compte l'environnement
".
Elle doit s'abstenir de toute discrimination entre utilisateurs de ses
installations et fournir aux autres entreprises gazières des
informations suffisantes pour permettre un bon fonctionnement du réseau
interconnecté. Elle préserve la confidentialité des
informations commercialement sensibles obtenues au cours de l'exécution
de ces prestations et interdit leur exploitation abusive.
Exploitation du réseau de distribution
On retrouve ici les mêmes spécificités que pour le
réseau de transport :
- avec un gestionnaire du réseau de distribution de
l'électricité ;
- et des entreprises de distribution de gaz soumises aux mêmes
obligations que celles imposées aux entreprises de transport.
Dans les deux cas, les États peuvent obliger les entreprises
concernées à alimenter les clients situés dans une zone
donnée et réglementer les tarifs de telles fournitures afin de
garantir l'égalité de traitement des clients concernés.
Obligation de dissociation comptable et de transparence de la
comptabilité
La volonté exprimée est d'éviter les discriminations,
subventions croisées et distorsions de concurrence.
Les directives prévoient que les entreprises électriques ou
gazières intégrées doivent tenir dans leur
compatibilité interne des comptes séparés pour la
production, le transport, la distribution, le stockage (de gaz) et, le cas
échéant les activités autres. Par contre, en cas
d'accès au réseau réglementé et lorsque le
transport et la distribution font l'objet d'une tarification commune, les
comptes de ces deux activités peuvent être agrégés.
Si l'exploitation du réseau de transport d'électricité est
confiée à une entreprise intégrée, cette
activité de gestionnaire de réseau devra être
indépendante, au moins sur le plan de la gestion, des autres
activités de cette opérateur non liées au réseau de
transport.
Organisation de l'accès au réseau
Cette organisation revêt deux types de modalités, dont le choix
appartient à chaque État membre
et qui doivent être mis
en oeuvre selon des critères objectifs, transparents et non
discriminatoires :
- accès négocié au réseau ou formule de
l'acheteur unique, pour l'électricité ;
- accès négocié au réseau ou accès
réglementé, pour le gaz.
L'accès réglementé
permet aux entreprises
concernées et aux clients éligibles de négocier au cas par
cas la fourniture d'énergie sur la base d'accords commerciaux
volontaires.
Dans la formule de
l'acheteur unique
, les États membres
désignent un acheteur unique d'électricité à
l'intérieur du territoire couvert par le gestionnaire de réseau,
celui-ci étant tenu d'acheter l'électricité qui a fait
l'objet d'un contrat entre un client éligible et un producteur
situé à l'intérieur (producteurs indépendants) ou
à l'extérieur du territoire susvisé, et servant en quelque
sorte d'intermédiaire obligé.
Le droit d'accès au réseau fait l'objet d'une
rémunération à son profit, dont le niveau doit être
publié.
Quant à
l'accès négocié
au réseau de
gaz, il s'effectue sur la base de tarifs et/ou autres clauses publiés et
applicables à tous.
Les entreprises peuvent refuser l'accès à leur réseau en
cas d'absence de capacité ou, s'agissant du gaz lorsque cet accès
les empêcherait d'accomplir leurs obligations de service public ou en cas
de graves difficultés économiques et financières
liées à des contrats avec clauses de " take or
pay "
15(
*
)
, sous réserve du respect
de certains critères et procédures. Ce refus doit être
dûment motivé.
Définition des clients éligibles
Les gros consommateurs, dits " consommateurs éligibles ",
auront le droit -sous certaines conditions- de quitter leurs fournisseurs
monopolistiques traditionnels et d'utiliser les réseaux de transport de
ces derniers, s'ils trouvent des fournisseurs à meilleur prix.
La détermination des critères de définition des clients
éligibles relève du respect du principe de subsidiarité,
mais la liberté des Etats-membres n'en est pas moins encadrée
:
- d'une part, les consommateurs finaux d'électricité
consommant plus de 10 gigawatts/heure par an sont automatiquement
éligibles, de même que les producteurs d'électricité
à partir de gaz ;
- d'autre part, en raison de l'"
éligibilité
partielle des distributeurs d'électricité
", en vertu de
laquelle ces derniers, s'ils ne sont pas déjà
désignés comme clients éligibles, ont la capacité
juridique de passer des contrats pour le volume d'électricité
consommé par leurs clients désignés comme éligibles
dans leur réseau de distribution, en vue d'approvisionner ces
derniers ;
- enfin et surtout, les Etats-membres doivent assurer une ouverture
significative et progressive du marché.
Vers une ouverture progressive et significative du marché
Pour le marché de l'électricité, cette ouverture est
organisée sur six ans.
Dans un premier temps, la part de la consommation nationale
représentée par les clients auxquels sera reconnu le statut
d'" éligible " doit être au moins égale à
la part de la consommation communautaire représentée par les
clients dont la consommation est supérieure à 40 Gwh par an.
Trois ans après l'officialisation de la directive, ce seuil passera
à 20 Gwh par an, et six ans après, il sera de 9 Gwh par an.
Le tableau ci-dessous permet de prendre la mesure de
l'enjeu de cette
ouverture pour notre secteur électrique
:
Si la part de marché assurée à EDF reste de 70 %
d'ici six ans, l'entreprise publique est confrontée au
défi
d'une concurrence concernant un quart de son marché dès l'an
prochain et près d'un tiers de ce dernier en 2003.
Quand ? |
Sont éligibles ceux qui consomment plus de : |
Part de marché concernée en France (en volume) |
Nombre de clients éligibles en France |
Au plus tard au 19 février 1999 |
40 Gwh |
25 % |
400 |
A partir de février 2000 |
20 Gwh |
28 % |
800 |
A partir de février 2003 |
9 Gwh |
plus de 30 % |
3.000 |
En
outre, il faut avoir conscience que les Etats membres n'en resteront sans doute
pas là.
La directive confie, en effet, à la Commission
européenne le soin
" d'examiner en temps utile la
possibilité d'une nouvelle ouverture du marché, qui deviendrait
effective neuf ans après l'entrée en vigueur de la
directive ".
Cela revient à dire qu'
à compter de
2006, la libéralisation du marché électrique pourrait
connaître une nouvelle étape
. Sachant qu'un certain nombre
d'Etats membres ont anticipé, ou sont sur le point de le faire,
l'application des différentes phases prévues par la directive, on
peut penser qu'il s'agit là plus d'une proche probabilité que
d'une simple éventualité.
En outre, une forte pression s'exercera inéluctablement à la
baisse rapide des seuils, dans la mesure, où, à l'heure actuelle,
le prix de l'électricité pour un industriel de taille importante
varie de 0,13 à 0,30 F/kwh selon les pays et les régions.
Le mercredi 1er avril dernier, les ministres du G8, réunis à
Moscou, se sont d'ailleurs engagés à promouvoir dans les vingt
prochaines années des marchés de l'énergie ouverts et
concurrentiels, jugeant qu'il s'agissait là du meilleur moyen de
satisfaire les besoins des consommateurs.
Pour le marché du gaz, l'ouverture à la concurrence est
organisée sur dix ans.
Les clients industriels consommant plus de 25 millions de m
3
par an et par site, seuil ramené à 15 millions de
m
3
par an après cinq ans et à 5 millions de
m
3
par an après dix ans, outre -on l'a dit- les producteurs
d'électricité à partir de gaz, (quelle que soit leur
consommation annuelle), ont accès au réseau.
S'agissant des producteurs d'électricité, il faut préciser
que, dans le but de garantir l'équilibre de leur marché de
l'électricité, les Etats membres peuvent indiquer un seuil
d'éligibilité qui ne peut être supérieur à
celui, susmentionné, applicable aux clients finals.
L'ouverture du marché doit être égale au minimum
à 20 % de la consommation nationale annuelle de gaz à la
date d'entrée en vigueur de la directive, 28 % après cinq
ans et 33 % après dix ans.
La directive prévoit
cependant que si cette définition conduit à une ouverture
immédiate supérieure à 30 % (38 % après
cinq ans, 43 % après dix ans), les Etats concernés peuvent
modifier son application de façon à réduire l'ouverture de
leur marché à cette valeur.
Sur cette base,
l'enjeu de cette ouverture à la concurrence pour
notre secteur gazier peut être appréhendé comme suit
:
Quand ? |
Sont éligibles ceux qui consomment plus de : |
Part de marché concernée en France (en volume) |
Nombre de clients éligibles en France |
Au plus tard en février 2000 |
25 millions de m 3 |
20 % |
100 |
A partir de février 2003 |
15 m de m 3 |
28 % |
300 |
A partir de février 2008 |
5 m de m 3 |
33 % |
700 |
L'ouverture à la concurrence du secteur gazier sera
donc un
peu plus étalée dans le temps (dix ans, contre cinq pour
l'électricité), un peu plus tardive (puisqu'elle a
été adoptée après la directive sur
l'électricité et sera transposée en droit national
après cette dernière), un peu moins importante au début
(20 %, contre 25 %), mais tout autant à terme,
c'est-à-dire en 2008. N'oublions pas, en outre,
qu'il s'agit
là de l'ouverture minimale du marché
, l'application des
critères d'éligibilité pouvant entraîner un
degré de concurrence supérieur à ces chiffres.
Enfin, ici aussi, la Commission européenne est chargée
d'établir un
rapport
sur le marché intérieur du gaz
et sur la mise en oeuvre de la directive, dans le but de permettre au Conseil
et au Parlement européen d'adopter des dispositions de nature à
améliorer ce marché et qui deviendraient effectives dix ans
après l'entrée en vigueur de la directive.
Désignation d'une autorité de régulation
indépendante
L'une et l'autre des directives prévoient que chaque Etat membre doit
désigner une autorité compétente,
indépendante
des parties
, pour régler les litiges relatifs aux contrats, aux
négociations et au refus d'accès au réseau, sans
préjudice des droits d'appel prévus par le droit communautaire.
Ils doivent instaurer des mécanismes conformes au Traité contre
tout abus de position dominante, en particulier au détriment des
consommateurs, et tout comportement prédateur.
*
* *
Une
telle mise à plat en termes comparatifs des principales dispositions des
directives sur le marché intérieur de l'électricité
et du gaz naturel était nécessaire pour permettre d'en
appréhender les contours et les enjeux, et de prendre ainsi la mesure du
défi européen que notre politique énergétique doit
prendre en considération.
Les Gouvernements français successifs ont oeuvré, avec une
continuité qui mérite d'être saluée, pour que
l'ouverture du marché de l'électricité et du gaz soit
progressive et néanmoins réelle, qu'elle permette une large
application du principe de subsidiarité, reconnaissant les missions de
service public des opérateurs du secteur et respectant les organisations
électriques et gazières présentes dans chaque pays, en
particulier en France.
Il n'en reste pas moins que l'évolution et l'intégration du
marché entraînent une dépendance accrue par rapport aux
choix énergétiques effectués par chacun des Etats membres.
Il nous faut en avoir conscience, et faire preuve d'une extrême vigilance
dans les négociations éventuelles et
ultérieures.
C. LE DÉFI NUCLÉAIRE
C'est
dans ce contexte de libéralisation progressive que la France abordera
une phase stratégique de sa politique énergétique,
à savoir la
décision concernant le renouvellement
éventuel de son parc nucléaire
à l'horizon 2020. D'ici
là, l'industrie nucléaire risque de vivre des années
difficiles que d'aucuns n'hésitent pas à qualifier de
véritable " traversée du désert ".
En dépit de cette période critique, si un certain nombre de
conditions sont réunies, l'énergie nucléaire continuera
d'apparaître comme une alternative incontournable aux énergies
fossiles.
1. La problématique du renouvellement du parc nucléaire français
Le parc
de 58 réacteurs nucléaires de la filière à eau
pressurisée (d'une capacité totale de
60.000 Mégawatts) permet de satisfaire 82 % de la consommation
française d'électricité.
Ce parc présente deux caractéristiques majeures (il est jeune et
largement dimensionné) qui emportent des conséquences quant
à la place future qu'occupera l'énergie d'origine
nucléaire dans le paysage énergétique français
à l'échéance de son renouvellement et à l'avenir de
l'industrie concernée.
a) Un parc relativement jeune et largement dimensionné
La
construction des centrales nucléaires françaises a
été engagée voici une vingtaine d'années sur la
base d'une hypothèse prudente d'une durée de vie de 25 ans.
La bonne tenue technique et la disponibilité du parc semblent permettre
désormais d'envisager la prolongation de sa durée de vie et de la
porter au minimum à 40 ans, sous réserve cependant que les
autorités de sûreté autorisent leur exploitation
au-delà de 30 ans, autorisation qui ne saurait être
donnée qu'au cas par cas, et de période en période. Cette
tendance est d'ailleurs partagée par d'autres pays : c'est ainsi que les
Etats-Unis viseraient une durée de vie de 40 à 60 ans
pour leurs centrales et le Japon, de 40 à 70 ans.
La date à laquelle les décisions lourdes concernant le
renouvellement ou le remplacement du parc électronucléaire risque
donc d'être repoussée. Mais,
il ne faut pas
pour autant
tarder à arrêter une décision de principe concernant ce
renouvellement.
Alors que viennent d'être couplées au réseau les centrales
de dernière génération de Chooz et de Civaux, les besoins
de nouveaux équipements lourds, en France, apparaissent pour le moment
inexistants jusqu'à cet horizon de 2020.
En effet, notre parc nucléaire est largement dimensionné. Cette
situation s'explique par deux raisons principales : d'une part, la
croissance de la consommation d'électricité s'est
avérée plus modeste que prévu et, d'autre part, la
disponibilité du parc a nettement dépassé les
prévisions (elle s'élève, en effet, à 82,6 %
en 1997, contre 73 % il y a 10 ans).
L'ouverture de la production d'électricité à la
concurrence, les perspectives de développement de la production par des
opérateurs autres qu'EDF, notamment par le biais de la
cogénération entraînera, en outre, l'installation de
nouvelles capacités de production.
Mais à l'inverse, elle renforcera les opportunités pour EDF
d'exporter son électricité chez nos partenaires européens.
Il faudra, pour ce faire, que des solutions soient trouvées afin que ses
exportations ne soient pas handicapées par la limitation des
capacités de transport.
L'horizon des premiers besoins de nouveaux équipements de production
d'électricité " en base " (plus
de 6.400 heures)
risque de
se trouver pratiquement
confondu avec celui du renouvellement du parc nucléaire existant,
à savoir probablement 2020
.
Il nous faut cependant assurer la continuité de la filière
nucléaire et ne pas laisser s'installer la " traversée du
désert " que les industries voient se profiler à
l'horizon.
b) Le risque d'une " traversée du désert "
A
l'échéance de 2020, un certain nombre d'incertitudes
obscurcissent l'horizon
:
-
Au plan économique,
l'énergie nucléaire
sera-t-elle toujours compétitive ? On peut le penser pour les
usages dits de " base ". Mais, qu'en sera-t-il pour les usages dits
de " semi-base " ? Tout dépendra de l'évolution
des coûts relatifs des différentes énergies et des tensions
éventuelles concernant les approvisionnements en énergies
fossiles.
-
Au plan politique et social,
la question suivante est
fondamentale : quel sera le degré d'acceptation sociale de
l'énergie nucléaire dans 20 ans ?
- Ceci est largement lié aux
questions environnementales
:
comment réduire les émissions des gaz provoquant l'effet de serre
? Saura-t-on poursuivre l'amélioration de la sûreté des
installations et gérer l'aval du cycle nucléaire, en particulier
les déchets ?
Toutes ces interrogations amènent à penser qu'à
défaut de pouvoir prévoir avec certitude les modalités du
renouvellement du parc nucléaire, nous devons préparer ce
dernier. Le préparer signifie nous donner les moyens d'être
prêts à apporter les solutions les plus crédibles aux
questions énergétiques qui se poseront dans les termes de demain.
Dans cette perspective, la prise en compte de l'enjeu industriel apparaît
fondamentale.
Recevant peu de commandes, les constructeurs ne risquent-ils pas, en effet,
d'éprouver de grandes difficultés à maintenir la
compétence de leurs chercheurs, de leurs bureaux d'études et de
l'ensemble de leurs équipes, ainsi que leurs moyens de production
spécifiques ?
Pendant cette période, l'enjeu sera donc de :
- préserver les compétences industrielles ;
- maintenir la sûreté des installations existantes ;
- préparer le réacteur du futur, qui doit être
à la fois compétitif et sûr ;
- améliorer la gestion des déchets nucléaires.
On étudiera, ci-après
16(
*
)
,
comment on pourrait satisfaire à ces objectifs essentiels.
2. L'énergie nucléaire, comme alternative incontournable aux énergies fossiles sur la planète
La
France ne sera pas isolée dans ses choix et elle pourra contribuer
à valoriser les atouts du nucléaire dans une politique de
développement durable de la planète.
Le secteur nucléaire français n'est pas le seul à
être confronté à des
difficultés
majeures
17(
*
)
.
Il s'avère cependant indispensable que l'option nucléaire
reste ouverte.
C'est d'ailleurs ce que conclut le rapport qu'un groupe
d'experts indépendants a rendu, en janvier 1998, au
Secrétaire général de l'OCDE sur
"
l'énergie nucléaire à l'OCDE : pour une
démarche intégrée
" :
"
L'option nucléaire est un atout indéniable pour les
pays de l'OCDE, qui leur permettra d'affronter un avenir incertain. La prudence
veut que cette technologie reste une option réaliste et qu'elle fasse
partie intégrante des débats sur une politique
énergétique durable "
Encore faut-il, comme le souligne le Commissariat Général du
Plan, que les problèmes de sûreté, d'acceptabilité
et de compétitivité puissent être résolus.
Par ailleurs, si la capacité nucléaire se réduisait d'ici
2020 dans la zone OCDE, ce déclin devrait être compensé par
les accroissements de capacités attendus en
Asie
et dans les
pays de l'Est
.
Il faut, en outre, avoir conscience que, sur la planète,
tant
l'explosion des besoins énergétiques
18(
*
)
que les contraintes environnementales rendront
inéluctablement nécessaire le recours à l'option
nucléaire
.
Ce recours sera d'ailleurs facilité par le fait que les réserves
mondiales d'uranium sont abondantes et relativement bien distribuées
à travers le monde (près de 30 % en Asie-Océanie,
24 % dans l'ex-URSS, 21 % en Afrique et près de 18 % en
Amérique du Nord).
Le défi concernant l'avenir de l'énergie nucléaire
concerne l'ensemble de la planète, ceci d'autant plus que les risques
qui sont liés à ce type d'énergie sont globaux. Il se
décline de façon spécifique en France, dans la mesure
où notre pays est celui où l'énergie nucléaire joue
le plus grand rôle dans la production d'électricité,
assurant ainsi une indépendance énergétique que sa quasi
absence de matières premières ne lui aurait pas permis
d'atteindre autrement.
TITRE II -
QUELLE POLITIQUE
ÉNERGÉTIQUE
POUR LA FRANCE DE DEMAIN ?
CHAPITRE I -
S'ADAPTER À L'ÉVOLUTION
DES CONTRAINTES
I. IL SERAIT " SUICIDAIRE " DE REMETTRE EN CAUSE LES AXIOMES ACTUELS
Les
fondements de notre politique énergétique expliquent sa
réussite. C'est pourquoi notre pays ne saurait renoncer aux principes
qui ont inspiré cette politique.
L'ouverture à la concurrence du marché énergétique
est une réalité mondiale. Loin de condamner la conduite d'une
politique énergétique au plan national, elle la rend au moins
aussi nécessaire.
A. NE RENONÇONS PAS AUX AMBITIONS DE LA NATION
Le
contexte juridique et économique a beaucoup évolué depuis
que les pouvoirs publics ont organisé le secteur
énergétique de façon à satisfaire les besoins de la
reconstruction, après guerre, puis à faire face au défi du
choc pétrolier, en 1974.
Certes, on pourrait considérer qu'à de nouvelles contraintes
correspondent de nouveaux objectifs tant en termes environnementaux,
qu'économiques et sociaux.
Mais l'enjeu central reste le même. Il s'agit toujours de permettre aux
entreprises -mais aussi à l'ensemble des citoyens d'accéder
à l'énergie la plus sûre et la plus compétitive
possible.
Aussi, les impératifs d'hier : l'indépendance
énergétique de la Nation et son excellence technologique,
demeurent.
1. L'indépendance énergétique doit rester prioritaire.
L'indépendance énergétique de notre pays
n'est
d'ailleurs que relative. Elle ne s'élève, en tout état de
cause, qu'à 49,60 %. Elle n'est, en outre, jamais acquise. Bien au
contraire, l'Union européenne sera en situation de dépendance
énergétique croissante d'ici 2020.
Elle demande, en définitive, une vigilance et un effort sans
relâche.
C'est pourquoi votre Commission d'enquête n'adhère pas au discours
de ceux qui sont tentés d'extrapoler la situation actuelle -qui reste
satisfaisante- et jugent que l'on peut désormais largement
s'exonérer des contraintes qu'imposerait une telle
priorité.
2. L'excellence technologique demeure impérative
Les
industries nucléaire, pétrolière et gazière
constituent des pôles d'excellence majeurs pour la France. Prenons donc
les mesures nécessaires pour qu'ils le demeurent demain.
Pour ce faire, il faut poursuivre nos efforts de recherche-développement
dans ce secteur, en prenant de plus en plus en considération les
impératifs environnementaux. Dans cette perspective, les nouvelles
technologies permettant d'économiser l'énergie, de produire une
énergie plus sûre et moins polluante ou concernant les
énergies renouvelables doivent être développées non
seulement au profit de notre territoire, mais aussi en vue de conquérir
des marchés étrangers. Elles peuvent, en effet, constituer un
formidable vecteur d'exportations.
B. MAINTENONS UNE POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE NATIONALE
D'aucuns
-surtout chez nos partenaires européens d'ailleurs- défendent
l'idée que l'on pourrait s'affranchir de toute politique
énergétique nationale dans la mesure où l'ouverture
croissante du secteur à la concurrence et la montée en puissance
de l'Europe en ce domaine la rendrait désormais inutile.
Votre commission d'enquête ne souscrit pas à une telle
démarche et estime que l'on ne peut faire confiance aux seules forces du
marché ou s'en remettre à la seule politique européenne
pour ce qui concerne un secteur aussi fondamental et stratégique que
l'énergie.
1. On ne peut faire confiance aux seules forces du marché
La
libéralisation des marchés électrique et gazier
-après celle plus ancienne des secteurs du pétrole et du charbon-
devrait faciliter l'accès à certaines ressources en mobilisant de
nouveaux acteurs, permettre des réductions de coût et une
amélioration du service rendu aux consommateurs.
Elle pourrait cependant inciter les opérateurs à
privilégier les investissements ayant des temps de retour très
courts et,
a contrario
, les décourager de réaliser les
investissements lourds nécessaires au développement du secteur
-telles que des centrales nucléaires- ou certains projets plus modestes
mettant en oeuvre des technologies aujourd'hui non rentables -dans le domaine
des énergies renouvelables, par exemple.
C'est pourquoi, il apparaît indispensable que les pouvoirs publics
continuent à fixer les objectifs à atteindre et s'assurent
notamment que les moyens mis en oeuvre garantiront la sécurité
d'approvisionnement.
C'est aux pouvoirs publics qu'il appartient de déterminer les
règles du jeu et de prévoir les modalités de la
régulation du marché
19(
*
)
, en
s'assurant de la réalité et de la loyauté de la
concurrence qui s'y exerce.
2. On ne peut s'en remettre à la seule politique européenne
Les
institutions européennes modèlent aujourd'hui largement
l'environnement juridique et économique du secteur, que ce soit par le
biais des directives de libéralisation des marchés de
l'électricité et du gaz naturel, par l'édiction de
règles concernant les carburants ou les moteurs automobiles, par les
programmes de recherche mis en oeuvre ou par les relations bilatérales
(avec les pays de l'Est, par exemple) ou multilatérales (comme lors du
sommet de Kyoto).
Elles ne disposent cependant pas de compétences spécifiques en
matière de politique énergétique. Ceci nuit à la
définition d'une politique globale et favorise la mise en oeuvre de
mesures résultant de points de vue spécifiques (concurrence,
environnement, etc.)
On ne peut cependant le regretter tout à fait, car cela résulte
du souhait légitime des Etats membres de conserver la maîtrise de
cet aspect stratégique de leur politique économique. En outre,
ceux-ci connaissent des situations extrêmement variées tant en
termes de ressources que d'organisation du secteur et affichent des
intérêts parfois divergents de ceux de leurs partenaires. C'est
ainsi, par exemple, que les Etats membres producteurs de pétrole et de
gaz ont défendu des positions très différentes de celles
des pays consommateurs à l'occasion des négociations sur les
directives sur le marché intérieur de l'électricité
et du gaz.
Aussi, convient-il à la France de mener sa stratégie propre,
tout en contribuant autant que possible à l'harmonisation des politiques
européennes en ce domaine.
II. LES PRINCIPES DEVANT GUIDER NOTRE POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE
A. UNE POLITIQUE ORIENTÉE VERS LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
Le
concept de " développement durable ", mis à l'honneur
depuis le début des années 1990, est fondé sur la prise en
compte de l'avenir des générations futures. Il défend
l'idée, qu'il est nécessaire d'exprimer, selon laquelle
l'économie doit être développée au
bénéfice des générations présentes sans que
le coût pour les générations futures en soit inacceptable.
Deux attitudes s'opposent à cet égard : celle des
maximalistes pour lesquels, partout où c'est possible, la protection de
l'environnement doit primer ; et celle des économistes pour
lesquels cette primauté est valable tant que la préférence
des individus pour la croissance reste inférieure à celle qu'ils
ont pour la sauvegarde de leur environnement.
Votre commission d'enquête a intégré ces deux positions en
recherchant, dans une attitude responsable et réaliste, la position
moyenne consistant à encourager les agents économiques à
prendre en compte les conséquences de leurs actions sur des
tiers
20(
*
)
et l'environnement par le biais d'une
juste tarification, et, ainsi, à adopter des comportements dont le
coût est pris en charge sans compromettre le développement et le
profit.
1. " Ne pas faire payer à nos petits-enfants notre confort d'aujourd'hui "
La
politique énergétique doit
préserver l'avenir des
générations futures.
C'est une des préoccupations
majeures des jeunes, comme en témoigne
l'article 3,
relatif
à l'environnement, de la Charte du jeune citoyen de l'an 2000
adoptée par trois cents adolescents réunis au Sénat le 28
mars dernier dans le cadre de
l'opération
" Sénateurs-Juniors
".
"
La planète est en danger ! Contre les
pollueurs, il faut envisager soit des sanctions plus lourdes, soit des mesures
réellement incitatrices. Une des priorités de la recherche doit
porter sur les énergies nouvelles. Des moyens conséquents doivent
être attribués à ces recherches. Il faut développer
la prévention et l'information surtout chez les jeunes. Des mesures
donnant la priorité aux énergies non polluantes pourraient
être adoptées : avantages fiscaux pour les utilisateurs,
circulation alternée, développement des équipements pour
les deux roues en ville. Mais le plus grand enjeu nous paraît être
celui du nucléaire et de la gestion des déchets. Il est
absolument nécessaire, dès maintenant, de faire des choix pour
l'avenir. Cela impose un débat national dans lequel les jeunes doivent
avoir leur mot à dire. "
Une politique énergétique orientée vers le
développement durable doit s'appliquer à mettre en oeuvre trois
principes :
- la préservation de l'environnement ;
- la conservation du stock de ressources énergétiques ;
- la satisfaction des besoins de mise à niveau et de
développement des pays.
Il s'agit non seulement de promouvoir les modes de production
énergétiques les moins polluants, mais également de
réserver l'utilisation des ressources fossiles aux seuls usages pour
lesquels il n'y a pas d'alternative afin de prolonger leur durée de vie
au profit des générations futures.
Ces
principes
ont l'avantage d'être
parfaitement
compatibles
puisqu'une utilisation plus modérée des
hydrocarbures ou du charbon à des fins de combustion pour produire de
l'énergie a pour corollaire une moindre émission de gaz
carbonique.
Enfin, la protection de l'environnement passe nécessairement par un
effort soutenu en faveur des énergies renouvelables et par un maintien
de la filière nucléaire, seules sources d'énergie non
polluantes susceptibles de venir remplacer les centrales thermiques
traditionnelles. A cet égard, une gestion optimale des déchets
nucléaires issus de cette filière doit pouvoir préserver
la planète pour les générations futures
21(
*
)
.
Le principe de conservation des ressources énergétiques
épuisables peut, quant à lui, être mis en oeuvre à
travers quatre types d'actions :
-
la gestion rationnelle des ressources énergétiques
fossiles
: il s'agit de préserver le pétrole pour des usages
essentiels comme la pétrochimie, les installations mobiles ou le secteur
des transports, et le charbon pour la carbochimie ;
-
l'accroissement de l'efficacité
énergétique
: il s'agit de faire en sorte que notre
consommation énergétique augmente moins vite que le produit
intérieur brut. Un tel objectif peut être atteint à travers
une meilleure gestion de l'énergie et une maîtrise de la
consommation ;
-
le développement des carburants de substitution
: de
nombreuses alternatives au pétrole existent pour propulser les
véhicules (électricité, gaz naturel, gaz de pétrole
liquéfié, biocarburants). Il convient de continuer les
recherches dans ces domaines ;
-
la promotion d'une politique des transports moins
" énergivore
" : il convient ainsi de redonner la
place qui leur incombent aux transports ferroviaire et maritime par une
tarification adéquate (prise en compte des externalités positives
de ces deux modes et, inversement, incorporation des externalités
négatives résultant des transports routiers dans le prix de ces
derniers par une politique fiscale appropriée) et d'encourager
l'utilisation des transports collectifs par tous les moyens et notamment par
une politique tarifaire incitative.
2. Ouvrir l'éventail des possibles afin de préserver l'avenir
Essentiellement axée vers la recherche de
l'indépendance énergétique, la politique
énergétique menée jusqu'à présent a eu
paradoxalement pour effet de rendre la France dépendante d'une seule
source de production de l'électricité et d'encourager les usages
d'une électricité produite en abondance et accessible à
bas prix là où d'autres sources énergétiques
auraient dû garder la primeur (chauffage, notamment). La France a, en
effet, fait le choix d'une solution portée par un seul acteur
centralisé, EDF, pour exorciser le risque de pénurie
énergétique, alors que les autres pays ont une opinion
mobilisée en faveur de la recherche de solutions
décentralisées. Même la Suède qui a fait un choix
similaire à celui de la France, a limité à 50 % la
part de l'électricité produite par le nucléaire.
L'existence du programme nucléaire - qui est un beau succès
de la politique industrielle et énergétique
française - a aussi eu,
selon le Commissariat
Général du Plan dans son rapport d'évaluation de la
politique de maîtrise de l'énergie
conduite de 1973 à
1993
22(
*
)
, certains effets négatifs :
-
un effet d'éviction : l'ampleur des investissements
consacrés au nucléaire a sans doute freiné les
décisions publiques d'investissements en faveur du développement
d'autres sources énergétiques (énergies renouvelables
notamment) et de la maîtrise de la consommation ;
- un effet de surcapacité de production d'électricité qui
a durablement réduit l'intérêt économique qu'il peut
y avoir à optimiser les modes de production électrique sur le
territoire et à économiser l'électricité ;
cette surcapacité a, en outre, encouragé les usages
" concurrentiels " de l'électricité (chauffage, eau
chaude) ;
- un effet démobilisateur de l'opinion publique qui a été
convaincue de ce que notre pays dispose ainsi d'une énergie
centralisée, propre et abondante : elle a été moins
sensibilisée à la maîtrise de l'énergie que dans les
pays qui n'ont pas voulu du nucléaire.
Selon le Commissariat Général du Plan, ces effets
, qui ont
contribué à réduire l'éventail des sources
énergétiques en France,
ont été accentués
par la politique de péréquation des tarifs progressivement mise
en place par EDF, sans intervention du législateur, dans les
années soixante en France métropolitaine, puis étendue en
1975 dans les départements d'outre-mer
. Une semblable
péréquation tarifaire, qui n'existe dans aucun pays dans lesquels
la commission d'enquête a eu l'occasion de se déplacer, a eu pour
résultat de faire disparaître des niches géographiques
où des énergies renouvelables auraient pu fournir de
l'énergie thermique moins coûteuse que l'électricité
(solaire thermique et bois, notamment) si elles ne subissaient pas la
concurrence d'une électricité subventionnée.
Selon M. Michel Colombier, membre de l'International Consulting on
Energy
23(
*
)
:" Il apparaît ainsi
qu'un client souscrivant un abonnement EDF de 12 kVA pour une utilisation
étendue au chauffage et à l'eau chaude bénéficie
par le biais de la péréquation tarifaire d'une
subvention de
1 800 à 2 000 francs par an
. Cette
péréquation dissimule aux yeux des clients d'EDF, comme à
ceux des décideurs, les coûts effectifs de la desserte
électrique rurale et l'intérêt qu'il pourrait y avoir
à envisager une réorientation des politiques
énergétiques en milieu rural. Elle engendre la situation
paradoxale dans laquelle on constate une consommation basse tension de
l'électricité des habitants ruraux supérieure d'environ
30 % à celle des urbains, ce qui s'explique en partie par la
pénétration plus forte du chauffage électrique à la
campagne qu'à la ville. "
Or, les énergies concurrentes, notamment le bois ou le solaire,
devraient trouver en milieu rural un terrain naturel d'expression et des
conditions économiques favorables à leur développement. Le
développement du gaz pourrait aussi être encouragé :
GPL (gaz de propane liquéfié) dans les communes isolées,
et gaz naturel dans les communes rurales où le réseau
s'étend parfois aujourd'hui et où il est paradoxal de voir
s'affronter en concurrence l'électricité et le gaz quand le
réseau gazier doit être amorti, alors que le réseau
électrique nécessite d'être renforcé.
Dans les départements d'outre-mer, en Corse et, plus marginalement, en
métropole, les technologies décentralisées de production
d'électricité (photovoltaïque, éolien, petits
générateurs) se révèlent également
très rapidement rentables, en alternative avec l'établissement de
nouveaux réseaux de distribution d'électricité dans les
zones les plus périphériques.
Pour l'instance d'évaluation de la politique de maîtrise de
l'énergie précitée, "
une telle conception d'un
service public égalitaire de l'électricité est peu
légitime pour les usages non spécifiques de
l'électricité
24(
*
)
et s'exerce au
détriment des zones géographiques auxquelles elle entend
bénéficier : si au nom de la solidarité nationale il
est légitime de compenser le handicap que subissent certaines zones dans
leur approvisionnement énergétique, il est indûment
coûteux d'apporter cette compensation en privilégiant une
énergie (l'électricité) qui comporte moins de valeur
ajoutée locale que ses concurrentes dans le domaine des énergies
renouvelables
".
Au total, ouvrir l'éventail des possibles ne signifie pas uniquement,
comme le déclare le ministre de l'industrie,
garder toutes les
options ouvertes
(nucléaire, gaz utilisé en " cycle
combiné ", charbon)
afin de disposer du maximum de
possibilités quand les choix stratégiques seront à
formuler.
Cela implique également de
traiter les questions
liées à la distorsion tarifaire induite par la
péréquation et l'uniformité de la politique commerciale
d'EDF sur le territoire afinde
:
Développer des moyens de production électrique
décentralisés lorsque ceux-ci peuvent contribuer au bilan
énergétique dans de bonnes conditions économiques.
Votre commission d'enquête approuve l'initiative du Fonds d'amortissement
des charges d'électrification (FACE) consistant à réserver
sur son budget une enveloppe (100 MF en novembre 1994)
spécifiquement dédiée au financement d'opérations
de maîtrise de la demande d'électricité ou
d'électrification décentralisée à partir de sources
renouvelables, en alternative aux interventions classiques sur le
réseau. Il est ainsi proposé aux collectivités de
promouvoir et de financer des opérations innovantes dès lors que
celles-ci se révèlent moins coûteuses que la réponse
" classique " par le biais d'un développement du
réseau. Il convient toutefois que cette action soit relayée par
EDF.
De promouvoir les sources d'énergie thermique (géothermie,
gaz naturel, GPL, cogénération, photovoltaïque...) qui
peuvent être mis en oeuvre de manière décentralisée
On peut approuver à cet égard l'obligation faite à Gaz de
France de desservir, dans un délai de trois ans, les communes qui seront
inscrites au plan de desserte gazière institué par l'article 35
du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et
financier voté par le Sénat le 7 mai dernier.
De mettre en place une politique du logement qui préserve le
choix des Français en matière énergétique
(conduites de cheminées, disponibilité du gaz)
Il faut néanmoins être conscient
que les sources
d'énergie alternatives ne peuvent, à horizon visible, se
substituer en quantité à l'électricité d'origine
nucléaire
, les clients d'EDF ayant fait des choix
d'équipements consommateurs d'électricité
(électroménager, chauffage, eau chaude...) qui
génèrent une saturation des capacités sur le départ
basse tension qui les alimente et qu'il serait délicat et coûteux
de remettre en cause. Il semble dès lors nécessaire d'adopter une
démarche qui chercherait à accompagner les clients EDF au fur
et à mesure de leurs choix d'équipement
(construction neuve,
rénovation, achat d'appareils électriques...) et les inciterait
à opter pour des solutions individuellement et collectivement plus
satisfaisantes. Il appartient à EDF de valoriser les opportunités
offertes par le changement technique et de répondre aux besoins
diversifiés des territoires et des consommateurs, dans l'esprit d'un
service public attentif à la fois à la satisfaction des clients
et à la prise en compte des externalités négatives
attachées à l'exercice de son activité.
B. UNE POLITIQUE ÉQUILIBRÉE
1. Répondre simultanément aux exigences du court et du long termes
a) Tenir compte des contingences du marché et de l'évolution des coûts relatifs des énergies
La
politique énergétique française ne peut pas ignorer
- au prétexte qu'elle aurait choisi la filière
nucléaire comme instrument principal de ses buts -, les conditions
économiques de rentabilité des équipements.
Il
convient
en particulier
de tenir compte des coûts relatifs des
énergies avant de prendre toute décision nous engageant pour
l'avenir.
A cet égard, l'étude réalisée par la Direction du
gaz, de l'électricité et du charbon (DIGEC) du ministère
de l'industrie, tous les trois ans, sur les coûts de
référence de la production électrique donne des
indications précieuses sur les coûts comparés de production
de l'électricité.
La dernière étude réalisée en 1997
25(
*
)
révèle ainsi que,
si la
plupart des filières de production d'électricité ont vu
leurs coûts de production diminuer,
le nucléaire reste
aujourd'hui un choix solide pour la production d'électricité de
base
26(
*
)
, même si cette
filière peut être concurrencée par les cycles
combinés au gaz si les prix se maintiennent à un niveau
durablement bas. Le nucléaire présente ainsi l'avantage
d'être moins dépendant des fluctuations du marché.
Néanmoins, l'étude fait valoir que le maintien de la
compétitivité de la filière du nucléaire sur le
long terme dépendra non seulement des améliorations que pourront
apporter les réacteurs du futur, mais aussi de la capacité de
l'opérateur à mettre en oeuvre un programme comportant un nombre
suffisant de tranches avec une cadence d'engagement régulière.
L'étude indique, par ailleurs, que
le cycle combiné au gaz
ressort clairement comme le moyen de production le plus compétitif pour
la " semi-base
", c'est-à-dire pour des durées
d'utilisation annuelle moyennes. Elle souligne cependant que si cette
filière devait acquérir une place non négligeable dans le
cycle de production, ce qui est probable, cela risquerait d'engendrer des
contraintes de stockage du gaz.
En tout état de cause, le renforcement de la position des cycles
combinés sur la semi-base se ferait
au détriment du
charbon
, bien que la filière du " lit fluidisé
circulant "
27(
*
)
puisse conserver un
intérêt en termes de diversification du parc de production et pour
se prémunir contre une hausse du prix du gaz. En dessous des
durées de fonctionnement justifiant l'appel aux cycles combinés
au gaz, l'étude précise que les moyens de production les plus
compétitifs sont les turbines à combustion au gaz ou bien, pour
la pointe proprement dite, au fioul domestique.
Enfin, l'étude considère que
la production
décentralisée d'électricité constitue une
diversification intéressante du parc de production
. Elle approuve la
cogénération, pourvu qu'existent des besoins de chaleur à
proximité, mais relève que le développement des turbines
à vapeur à contre-pression fonctionnant au charbon - qui
présentent une excellente compétitivité pour un
fonctionnement en base - est limité par le nombre de sites capables
d'absorber de la vapeur en quantité. En outre, les turbines à gaz
fonctionnant en cogénération sont compétitives en base et
en semi-base à partir d'une certaine taille, alors que les installations
plus petites ne conservent un intérêt que par l'économie du
coût de transport et de distribution de l'électricité
qu'elles permettent de réaliser. Il apparaît enfin que les
aérogénérateurs peuvent devenir compétitifs
à l'horizon 2005 sur des sites très bien ventés.
Il convient toutefois de nuancer les résultats de
cette
étude
en précisant
qu'elle ne prend pas en compte
l'ensemble des coûts sociaux et environnementaux
(" externalités
"), qui, bien que difficilement
quantifiables, sont particulièrement importants. Ainsi, outre qu'il
contribue à la sécurité des approvisionnements, le
nucléaire présente un intérêt majeur en termes de
réduction des émissions de polluants atmosphériques et de
lutte contre l'effet de serre et constitue un facteur de stabilité des
coûts. A l'inverse, il convient de prendre en compte l'impact
environnemental en termes d'économies de pylônes induit par la
mise en oeuvre de moyens de production décentralisés.
Il est essentiel que cette étude constitue le document de base
à partir duquel pourront être effectués les choix de
l'avenir en matière d'équipements
énergétiques
.
b) Donner la priorité à la recherche
Pour
pouvoir mettre à profit les observations de l'étude de la DIGEC,
il convient de poursuivre les efforts de recherche afin de préserver la
compétitivité de la filière nucléaire dans le futur
et les compétences de nos chercheurs.
Plus généralement, afin de maintenir toutes les options ouvertes
et de diversifier nos modes de production, il nous faut poursuivre les
recherches parallèlement dans les autres secteurs, en particulier pour
développer les technologies respectueuses de l'environnement.
2. Adopter une vision " multi-prismes " de la politique énergétique
L'expérience passée nous a appris que la
politique
énergétique ne pouvait être abordée sous l'angle
unique de l'indépendance énergétique ou de la
sûreté des approvisionnements, sauf à sacrifier la
compétitivité de l'économie, les préférences
des consommateurs et, dans le cas de la France, la diversité des sources
d'énergie.
De même, une politique énergétique abandonnée au jeu
des seules forces économiques, afin d'assurer
CHAPITRE III -
SUSCITER DE NOUVELLES
OPPORTUNITÉS
La politique énergétique de la France de demain devra nécessairement prendre en compte les plus récentes technologies en développant notamment la cogénération ou la filière technologique favorisant l'utilisation propre du charbon et s'impliquer davantage dans le secteur des énergies renouvelables. Ces deux objectifs se situent dans le cadre du respect de l'environnement et de l'utilisation optimale de l'énergie.
I. METTRE EN OEUVRE DES TECHNOLOGIES JUSQU'ICI TROP NÉGLIGÉES
Il serait souhaitable que soient développées en France la cogénération ou des technologies visant à produire du charbon propre ou à diminuer les émissions de gaz carbonique.
A. LA COGÉNÉRATION
Contrairement à la production classique
d'électricité qui disperse l'énergie thermique dans l'air
ou dans l'eau, la cogénération est conçue pour valoriser
et redistribuer cette énergie. Elle permet de
produire
simultanément de l'électricité et de la chaleur (ou du
froid) et d'optimiser les coûts d'installation et les rendements
énergétiques
dans les réseaux urbains comme sur les
sites industriels. Si le concept n'est pas nouveau, la technique
présente aujourd'hui un intérêt accru et un
élargissement considérable de ses possibilités
d'application, du fait des développements intervenus dans le domaine des
moteurs et des turbines à gaz.
La cogénération fait appel à trois types
d'équipements :
- les turbines à combustible et plus particulièrement
à gaz : les turbines à gaz sont des réacteurs d'avion
légèrement modifiés et bénéficient donc des
progrès accomplis dans le secteur de l'aéronautique ; la
chaleur qu'elles produisent prend couramment la forme de vapeur et parfois la
forme d'air chaud permettant de sécher directement des produits (papier,
briques, tuiles, lessives, panneaux de bois...) ;
- les turbines à vapeur sont utilisées dans le secteur
industriel, les usines d'incinération d'ordures ménagères
et les cycles combinés ;
- les moteurs à combustion consomment du gaz et/ou du fioul et,
plus rarement, des biocarburants. Leur rendement est inférieur à
celui des turbines mais leurs conditions d'utilisation, plus souples,
expliquent leur prédominance parmi les unités de production de
petite taille.
La cogénération, tout particulièrement lorsqu'elle fait
appel à des
cycles combinés -associant en série une
turbine à gaz et une turbine à vapeur
-, permet d'atteindre un
rendement énergétique global (électrique et thermique) de
75 à 85 %.
Par ailleurs, du point de vue environnemental, la combustion du gaz naturel ne
produit pas de poussières et ne provoque aucun rejet d'oxydes de soufre
ou d'acide chlorhydrique.
Notre pays n'a pas encore véritablement exploité les avantages
de la cogénération
, bien qu'il soit doté de tous les
outils nécessaires : réseaux de chaleur et de froid, centrales
thermiques traditionnelles pouvant être converties en centrales de
cogénération, usines d'incinération de déchets
urbains.
Aujourd'hui,
l'électricité produite par
cogénération représente en France moins de 1,5 %
contre 30 % aux Pays-Bas.
On peut cependant constater, avec satisfaction, que cette tendance
s'inverse : les projets de cogénération au gaz naturel ont
fortement augmenté en 1997 : 580 mégawatts (MW) (contre
200 MW en 1996 et 150 MW en 1995). La production devrait atteindre
rapidement 1 500 MW, soit plus que l'équivalent d'une tranche
nucléaire.
Plusieurs facteurs se sont combinés depuis quelques années pour
favoriser le développement de la cogénération :
- des mesures fiscales : amortissement accéléré
sur les douze premiers mois d'exploitation ; réduction de la taxe
professionnelle ; exonération de la taxe de consommation sur le gaz
naturel (TCGN) sur les quantités de gaz consommées au cours des
cinq premières années ;
- l'assouplissement des modalités de financement des
investissements entraînant des économies d'énergie
(crédit-bail dans les hôpitaux sous certaines conditions) ;
- les mesures prises par Gaz de France : refonte tarifaire,
création de Finergaz qui offre aux clients potentiels un service global
pour la réalisation d'unités de cogénération ;
- l'obligation de rachat par EDF de l'électricité produite
par des installations industrielles, la fixation d'une base tarifaire
indexée sur le prix du gaz dans le cadre d'un contrat de douze ans et la
réduction des pénalités exigées en cas de
défaillance.
Notons cependant qu'il ne convient pas de " subventionner " des
installations de cogénération dont le seul but est de produire de
la chaleur (serres) tout en bénéficiant des tarifs
élevés de rachat de leur électricité.
Cette réserve étant faite, il convient de favoriser en France la
progression de la cogénération " utile " et l'on peut
suggérer en ce domaine deux pistes de développement
technologique :
- la
trigénération
, c'est-à-dire l'association
de deux techniques : la cogénération et la production de froid.
De récentes études ont en effet montré qu'en France des
installations de trigénération fonctionnant de
4 500 heures à 7 000 heures étaient
effectivement rentables dans de nombreuses activités tertiaires et
industrielles et particulièrement pour les industries
aérospatiales, les industries de l'électronique et le
" grand tertiaire " (aéroports, salles
d'informatique...) ;
- le
recours
, parallèlement au gaz naturel, à des
sources d'énergies dites de récupération : les
déchets urbains
traités dans les usines d'incinération
(gisement considérable d'énergie renouvelable) ainsi que les
résidus pétroliers
(le projet d'installation en
Seine-Maritime d'une importante unité de cogénération
produisant vapeur et électricité à partir de
résidus pétroliers devrait commencer à se
concrétiser à la fin de cette année dans le cadre d'un
contrat entre EDF et un groupe pétrolier).
Ces développements technologiques pourraient être utiles
à notre pays, d'une part, en améliorant et en rationalisant sa
production d'énergie, et, d'autre part, en lui permettant d'offrir sur
le marché international des produits sophistiqués dans le secteur
de la cogénération, où la demande est destinée
à croître fortement.
B. LES TECHNOLOGIES POUR L'UTILISATION PROPRE DU CHARBON
Le
charbon est un combustible disponible en grande quantité et à
long terme, peu cher et dont les gisements se situent près des
régions en développement dont la consommation d'énergie va
fortement croître (en Chine, par exemple). Toutefois, compte tenu des
émissions de gaz à effet de serre (CO
2
) et des
pollutions locales (dioxyde de soufre, oxyde d'azote, cendres,
poussières) que sa combustion génère, le
développement des techniques permettant son utilisation dans de
véritables conditions de propreté et d'efficacité est
indispensable.
Trois solutions techniques sont envisageables :
-
Le charbon pulvérisé avec traitement des fumées
(le charbon, très finement broyé est séché
avant d'être injecté dans la chaudière). Cette technique
permet de construire des unités de grande puissance (900 MW voire
1 300 MW), dont les émissions de dioxyde de soufre et d'oxyde
d'azote sont bien maîtrisées depuis quelques années.
Les progrès technologiques à réaliser dans cette
filière sont l'amélioration du rendement thermique, qui doit
dépasser le niveau de 45 %, l'optimisation des installations
utilisant des charbons de qualité inégale, et
l'élimination ou la ventilation des cendres
.
La France peut faire partie des nations qui participeront à ces
recherches. Elle dispose, à cet effet, du Groupe V de la Centrale
de Provence, d'une puissance de 600 MW, où a été
installé un système de désulfuration primaire (par ajout
de calcaire dans le charbon et injection de chaux dans la chaudière) qui
permet de capter 60 % des émissions de dioxyde de soufre.
Lorsque les centrales ne possèdent pas ce système de
désulfuration primaire, ce qui est le cas de la plupart d'entre elles,
on peut y installer des unités de traitement des fumées
après combustion
. Celles-ci sont indispensables pour réduire
les émissions polluantes et offrent l'avantage de pouvoir être
installées sur la plupart des centrales existantes ayant l'espace
nécessaire pour les accueillir. Les progrès à
réaliser dans ce domaine sont la
diminution des coûts par
l'effet de série et la réduction de l'encombrement de ces
systèmes
.
-
La combustion propre par la filière du lit fluidisé
circulant
(cf. encadré) a donné lieu à des
applications industrielles dont le rendement atteint 45 %
(240 unités, souvent de petite taille, existent dans quinze pays).
Cependant en 1996, la plus grande puissance atteinte grâce à ce
procédé n'était que de 250 MW, les constructeurs
espérant atteindre le seuil de 600 MW en l'an 2000.
Il convient donc d'améliorer encore cette technique afin
d'
accroître
la puissance et le rendement des installations
car la réduction des émissions de gaz carbonique passe d'abord,
dans le cas de ces centrales, par cette amélioration du rendement.
PRINCIPE GÉNÉRAL DU LIT FLUIDISÉ CIRCULANT
Dans une
chaudière à lit fluidisé circulant, le charbon
concassé et le calcaire nécessaire à la
désulfuration sont injectés dans le foyer. La combustion et la
désulfuration s'effectuent au sein d'une masse de fines particules de
cendres fortement agitées à basse température (850°C).
Ces particules (solides) sont maintenues en suspension par un courant ascendant
d'air soufflé au bas du foyer. La densité du lit est forte en bas
de foyer et décroît rapidement dans la hauteur.
Des cyclones séparent les fumées des particules chaudes qui sont
alors recyclées via des siphons fluidisés vers le foyer.
Les fumées traversent une série d'échangeurs
conventionnels, les réchauffeurs d'air puis le
dépoussiéreur, avant d'être évacuées vers la
cheminée.
Un foyer LFC est, au régime optimum de fluidisation, un excellent
réacteur chimique. En effet le régime de fluidisation facilite
les échanges gaz/solide avec de longs temps de séjour.
Ceci assure une combinaison efficace des combustibles, de l'air et du calcaire,
permettant une très forte désulfuration. L'émission des
NOx est limitée du fait de la température modérée
et de la combustion étagée.
Source : Société Nationale d'Électricité et de
Thermique
En
France
, la tranche IV de la centrale de Provence, de 250 MW
est équipée de
la plus puissante chaudière à lit
fluidisé circulant du monde
. Les efforts des constructeurs ont
porté sur la puissance de cette centrale et sur le respect de
l'environnement. Les émissions de dioxyde de soufre sont réduites
de 95 % et celles d'oxyde d'azote de 60 %, et sont inférieures
aux normes européennes.
En ce qui concerne les futurs développements de cette filière, il
convient de signaler que des progrès décisifs peuvent provenir de
la technique du
lit fluidisé circulant sous pression
qui doit
encore être perfectionnée.
-
La combustion propre par gazéification du charbon
intégrée à un cycle combiné (GICC). Cette technique
innovante offre un rendement énergétique pouvant atteindre
45 % en utilisant une grande variété de combustible :
quasiment tous les charbons (même les plus mauvais), la biomasse, les
déchets pétroliers... Les centrales GICC permettent d'abaisser le
taux des émissions polluantes à un niveau situé
très en-deçà des normes actuelles. Mais la technique
restant complexe et le coût de construction des installations
élevé, des progrès techniques sont indispensables.
Enfin, lorsque l'on évoque les filières du charbon propre, il
convient d'évoquer l'association du
charbon à la biomasse
.
Elle permet de valoriser des déchets agricoles ou urbains dans des
installations dont le rapport entre le gaz carbonique émis et
l'énergie produite peut, en moyenne annuelle, être
inférieur à celui des centrales à cycle combiné au
gaz. Cette technologie est très prometteuse pour certains pays du Tiers
Monde et la France a largement contribué à son
développement. Cette voie est à approfondir.
LES CENTRALES BAGASSE/CHARBON
L'exemple de la centrale du Gol, à la Réunion,
qui a
reçu, en septembre 1997, le prix du jury des Trophées
Technologies Économes et Propres :
La centrale du Gol fournit, par transformation de la vapeur, du courant au
réseau électrique général de l'île de la
Réunion et, d'autre part, elle produit l'énergie (vapeur et
électricité) dont la sucrerie voisine a besoin. Le système
de cogénération optimise l'utilisation de la bagasse qui est un
sous-produit résultant du traitement de la canne à sucre, d'un
pouvoir calorifique supérieur à celui de nombreux lignites.
Grâce à l'utilisation d'un deuxième combustible, le
charbon, la centrale fonctionne toute l'année et non plus seulement
pendant la campagne sucrière. Ce procédé permet de
rentabiliser les investissements et de répondre à la consommation
d'électricité, toujours en hausse, de l'île de la
Réunion. La centrale de Bois-Rouge mise en service en 1992 et la
centrale du Gol produisent 45 % des besoins en électricité
de la Réunion. Pour l'environnement, le double système de
dépoussiérage dont est dotée la centrale du Gol limite
considérablement les fumées et cendres volantes qui
étaient rejetées dans l'atmosphère par les anciennes
sucreries.
Une centrale bagasse/charbon
est en construction à la
Guadeloupe
, qui constituera une vitrine pour les autres îles des
Caraïbes et certains pays d'Amérique latine. Le Gouvernement cubain
a commandé deux études de faisabilité pour l'implantation
de centrales de ce type qui seraient financées l'une par la
Communauté européenne, l'autre par les Nations Unies. À
l'
île
Maurice
, un projet de centrale bagasse/charbon est en
train de se concrétiser : il représente une commande de
210 millions de francs pour l'industrie française. D'autres projets
sont à l'étude, notamment au Nicaragua, aux Philippines et en
Inde.
Si l'amélioration des techniques de production de
l'électricité évoquées ci-dessus est prioritaire
dans le domaine de l'industrie charbonnière, on ne peut négliger,
à plus long terme, d'explorer la voie de la
conversion du charbon en
carburant
. Cela permettrait d'exploiter soit les gisements très
éloignés des marchés soit les charbons pauvres et les
lignites.
La transformation du charbon en gaz, notamment pour alimenter un réseau
urbain a été utilisée par les pays industrialisés
avant l'arrivée du gaz naturel mais présente des
inconvénients (particulièrement le danger que constitue la
présence d'oxyde de carbone dans ce type de gaz). Quant à la
conversion du charbon en méthane, tentée par les
États-Unis pour l'exploitation de la lignite dans le Dakota du Nord,
elle semble peu intéressante compte tenu des coûts
d'investissement élevés qu'elle génère.
En revanche, la production de combustibles liquides pourrait prendre une place
significative. Selon le Conseil Mondial de l'Énergie, 500 millions
de tonnes de charbon pourraient être consommées à cet effet
avant 2050. Les recherches menées aux États-Unis et en Allemagne
et les usines de démonstration qui ont été construites ont
montré la faisabilité technique de cette conversion mais aussi
son coût... Actuellement, seul le Japon poursuit un effort significatif
dans ce domaine.
Les moyens d'utiliser de façon exhaustive les réserves de
charbon ne seront, en tout état de cause, applicables que si leur
technologie progresse suffisamment pour améliorer leur rendement afin de
diminuer les émissions de gaz carbonique qui leur sont associées.
C. LA CAPTURE ET LE STOCKAGE DU GAZ CARBONIQUE
La lutte
contre l'effet de serre suppose une réduction des émissions de
gaz carbonique, notamment grâce à un moindre recours aux
combustibles fossiles. Cette politique volontariste devrait s'accompagner d'une
démarche scientifique visant à explorer toutes les voies
d'élimination technique du gaz carbonique :
• Certains chercheurs ont envisagé son injection au fond des
océans (qui contiennent cinquante fois plus de gaz carbonique que
l'atmosphère) ;
• D'autres proposent de le renvoyer dans les profondeurs de la
Terre : les gisements de gaz naturel contiennent des proportions
importantes de gaz carbonique et le remplissage des gisements
épuisés n'aurait, selon eux, pas d'effet écologique. La
séparation du dioxyde de carbone du gaz naturel et sa réinjection
dans une formation naturelle souterraine est déjà mise en oeuvre
par la compagnie norvégienne Statoil. Cette technique sera
également utilisée pour l'exploitation du gigantesque champ de
gaz naturel de l'île de Natuna en Indonésie.
• En ce qui concerne le charbon, une technique originale a
été étudiée par des chercheurs de
l'Université d'Utrecht : l'addition d'oxygène au charbon
forme un gaz de synthèse qui peut, sous pression et en présence
de vapeur d'eau, produire, d'une part, de l'hydrogène, qui serait le
combustible de centrales électriques, et, d'autre part, du gaz
carbonique qui serait capturé et séquestré sous terre.
Actuellement, la " décarbonisation " des combustibles fossiles
se heurte à deux difficultés : le danger que constitue la
manipulation de grandes quantités de gaz carbonique (qui peut provoquer
des asphyxies) et le coût de cette technologie (le surcoût est
estimé à 30 %).
Mais il paraît essentiel,
pour élargir la palette des
instruments de lutte contre l'effet de serre
et pour prendre en compte la
vraisemblable utilisation massive du charbon par la Chine et l'Inde au cours du
prochain siècle, de compléter les recherches menées dans
cette direction afin de rendre moins dangereuse et moins coûteuse la
technique de décarbonisation
.
II. DÉVELOPPER NOS SAVOIR-FAIRE EN MATIÈRE D'ÉNERGIES RENOUVELABLES
Le
Gouvernement a décidé le 2 février dernier de relancer la
politique en faveur des énergies renouvelables. Même si la France
est le premier producteur européen d'énergies renouvelables,
grâce à ses ressources en hydroélectricité et en
bois, celles-ci n'occupent en effet aujourd'hui, hors hydraulique, qu'une place
marginale dans notre bilan énergétique.
Votre commission d'enquête souscrit à cet objectif, car
les
énergies renouvelables présentent un intérêt non
négligeable
, non seulement sur le plan économique, mais du
point de vue des enjeux de protection de l'environnement et
d'aménagement du territoire.
De plus, cette orientation est conforme à nos engagements
européens, puisque la Commission européenne souhaite faire passer
la part des énergies renouvelables de 6 à 12% du bilan
énergétique des Etats membres.
La France peut espérer qu'en participant à ce plan, elle
bénéficiera d'un
cadre de coopération entre les divers
membres de l'Union
permettant de diffuser les politiques et
expériences réussies au niveau national et local et de
développer des savoirs communs.
Par ailleurs, elle pourrait obtenir des
aides communautaires
pour des
projets intéressants mais trop coûteux pour être
supportés par un seul État.
Votre commission d'enquête insiste cependant sur la
nécessité de veiller à ce que des choix judicieux soient
opérés dans ce domaine et que des objectifs réalistes
soient fixés, afin que les investissements engagés demeurent
compétitifs.
A. L'INTÉRÊT DES ÉNERGIES RENOUVELABLES :
Le contexte actuel marqué par le chômage et la prise de conscience des risques liés à l'effet de serre est particulièrement porteur pour les énergies renouvelables qui présentent un triple intérêt : environnement, économique et en termes d'aménagement du territoire.
1. Sur le plan de la protection de l'environnement
Il
serait illusoire de considérer que les énergies renouvelables ne
présentent aucun risque pour l'environnement. La déforestation
due à une utilisation accrue du bois, les inconvénients de
certains barrages hydroélectriques, l'esthétique parfois
contestable d'installations solaires, la dégradation des paysages et le
bruit imputables aux éoliennes constituent autant d'effets
négatifs qui freinent leur développement. Toutefois, il est
incontestable que
le recours à celles-ci
, qui s'inscrit dans un
objectif de respect des générations futures puisqu'il permet de
conserver des réserves d'énergies fossiles, est
globalement
favorable à l'environnement
.
C'est en effet un élément de lutte contre l'émission des
gaz à effet de serre qui sont essentiellement issus des combustibles
fossiles, et contre la pollution atmosphérique. Ainsi le
vice-président américain Al Gore a récemment
rappelé, en annonçant qu'une entreprise ou un particulier
recourant à l'énergie solaire bénéficierait d'un
allégement fiscal (2 000 dollars pour un système
à cellule voltaïques et 1 000 dollars pour un
système de chauffage d'eau) qu'installer un million de toits solaires
équivaut à supprimer de la circulation
850 000 véhicules
28(
*
)
.
À cette lutte indirecte contre la pollution atmosphérique
s'ajoute les effets directs du recours aux biocarburants.
2. Sur le plan économique
Les
énergies renouvelables sont coûteuses car elles supposent d'une
part, des investissements de base importants (ainsi, pour l'énergie
solaire le coût global se répartit entre 90 % pour
l'investissement et 10 % pour le fonctionnement alors que pour un
système diesel le ratio est plus proche de 50 %-50 %), et,
d'autre part, des efforts de recherche indispensables pour améliorer les
technologies actuelles et accroître leur rentabilité future.
Cependant, les avantages économiques que l'on peut escompter ne sont pas
négligeables pour valoriser nos ressources, en termes de
créations d'emplois ou en vue de l'exportation de
technologies.
a) Elles permettent de valoriser les ressources nationales
Si l'on
considère la
filière bois,
on constate que le prix du bois
est inférieur aux 17 centimes environ du fioul ou du gaz : en
France, le bois est un combustible abondant et peu cher voire, parfois, presque
gratuit. En effet, l'origine du bois-énergie est la suivante :
- 62 % : forêts (rondins de bois, mais aussi
résidus de l'exploitation forestière : houppiers et
branchages) ;
- 20 % : déchets de l'industrie du bois et de la
pâte à papier ;
- 11 % : bois de rebut (palettes, cageots, caisses, bois de
démolition) ;
- 7 % : déchets de bois de l'agriculture (piquets,
poteaux...)
29(
*
)
.
De même, les
expériences géothermiques
menées
en 1997 dans le Bas-Rhin, dont les résultats sont jugés
encourageants, se fondent sur les caractéristiques des roches de cette
région et profitent d'une caractéristique locale très
particulière, qualifiée d'" anomalie thermique " (la
température souterraine y augmente de 6°C tous les
100 mètres au lieu de 3°C).
On peut enfin remarquer que, si la France dispose d'une
énergie
hydraulique
non négligeable,
c'est le fruit d'une politique délibérée de construction
de nombreux barrages sur les fleuves et rivières français,
menée jusqu'en 1960.
b) Elles peuvent être créatrices d'emplois
Le Livre
blanc que la Commission des Communautés européennes a
consacré à ce sujet indique que l'énergie éolienne
a déjà créé plus de 30 000 emplois en
Europe, que la biomasse a la particularité de créer de nombreux
emplois dans la production de matières premières et que
l'énergie photovoltaïque est à l'origine de nombreux emplois
d'exploitation et d'entretien (puisque les installations photovoltaïques
sont petites et dispersées).
La Commission fait également référence à
l'étude TERES II qui a dégagé des estimations
détaillées concernant l'emploi net, c'est-à-dire tenant
compte des pertes d'emplois dans d'autres secteurs
énergétiques : pour 2010 les prévisions
s'établissent à 500 000 emplois directement
créés dans le secteur des énergies renouvelables et
indirectement dans les secteurs qui approvisionnent celui-ci. Certaines
études sectorielles font état de chiffres beaucoup plus
élevés (900 000) mais il convient de faire preuve de
prudence.
En France, on évalue à environ un millier le nombre d'emplois qui
pourraient être créés chez les fabricants, les
équipementiers et les exploitants dans le cadre du programme Eole
2005.
c) Elles offrent des opportunités à l'exportation
Les
énergies renouvelables permettent de développer des
technologies aisément exportables
. Les experts affirment en effet
que les pays en voie de développement ne pourront adopter les
mêmes stratégies énergétiques que celles que nous
avons suivies, sauf à envisager des désastres écologiques
dont nous serions tous les victimes.
Notre expertise économique et technique va donc être
sollicitée pour leur apporter une aide sous forme de transferts de
technologies en vue de leur épargner les étapes les plus
polluantes du développement industriel.
Les énergies renouvelables répondent particulièrement bien
à cette nouvelle exigence.
Ainsi l'énergie solaire est-elle adaptée aux besoins
d'électrification des pays en voie de développement dont la
population est souvent dispersée dans un milieu rural de faible
densité et offre, par conséquent, des opportunités
d'exportation très intéressantes.
À titre d'exemple, on peut citer le chiffre d'affaires
(12,5 millions de francs) réalisé en 1997 par un seul
établissement du groupe d'énergie finlandais Neste, produisant
des modules solaires destinés au Tiers Monde.
On peut aussi rappeler que la Tunisie installera 1 million de
mètres carrés de capteurs solaires sur son territoire d'ici 2010
et que Total Énergie prospecte les marchés africains et
brésiliens tandis que son bureau d'études Trans-Énergie va
répondre à un appel d'offres pour un projet de concession de
fourniture d'électricité en Argentine.
QUELQUES PROGRAMMES D'ÉLECTRIFICATION RURALE
DÉCENTRALISÉE
PHOTOVOLTAÏQUE DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
30(
*
)
Inde :
programme 1 000 systèmes de pompage de l'Indian Renewable Development
Agency.
Inde : projet APAS de 741 systèmes de pompage, 317 petites centrales
photovoltaïques, 11 430 systèmes pour l'éclairage
et la TV, 28 900 systèmes de fourniture
d'électricité domestique, 2 920 systèmes
d'éclairage public.
Indonésie : projet BANPRES de 3 000 systèmes
d'éclairage domestique.
Indonésie : projet OVERVIEW de la Banque Mondiale en cours de
préparation, objectif de 100 à 150 000 systèmes
vendus en quatre ans sur une base commerciale.
Kenya : 30 000 systèmes photovoltaïques
d'éclairage installés sur une base purement commerciale.
Maroc : programme pilote PPER de 200 centres ruraux (centrales pour
recharge de batteries, kits individuels et mini réseaux locaux).
Mexique : programme PRONASOL de 24 000 systèmes
d'éclairage individuels.
Pays sahéliens : programme PRS de 830 pompes solaires et
540 systèmes communautaires.
Zimbabwe : programme de 90 000 systèmes d'éclairage.
L'intérêt économique des énergies renouvelables est
donc indéniable.
Sans parler de rentabilité des
énergies renouvelables, qui restent globalement coûteuses pour la
collectivité, il semble que l'on puisse aujourd'hui fonder quelques
espoirs sur le développement de certaines d'entre elles
, sous
certaines conditions.
Ainsi de 1993 à 1997, le chiffre d'affaires réalisé en
France par les entreprises des secteurs éolien, photovoltaïque et
solaire thermique est passé de 200 à plus de 600 millions de
francs
31(
*
)
. Certaines entreprises
françaises sont très bien placées dans ce secteur :
Total Énergie est le premier ensemblier international de modules
voltaïques et, selon son président, " le photovoltaïque
est une activité désormais mature, une source d'énergie
viable dans de nombreux cas et économiquement
justifiée " ; Vergnet est le leader mondial de l'éolien
de petite et moyenne puissance ; Giordano a contribué aux
progrès technologiques majeurs du solaire thermique et estime à
20 % la progression annuelle de son marché.
On peut également apprécier la rentabilité actuelle ou
future de ce secteur économique en observant
l'intérêt
qu'y portent certains grands groupes
: Royal Dutch Shell a
décidé de consacrer à leur développement
3 milliards de francs en cinq ans afin de prendre 10 % du
marché mondial de l'énergie solaire, estimé à
1 milliard de dollars. Selon la SIR (Shell International Renewables)
créée en octobre 1997 et regroupant le solaire, la biomasse et
les plantations forestières, les énergies renouvelables
pourraient représenter, en 2020, 15 % du marché mondial de
l'énergie. British Petroleum, par le biais de BP Solar vise un chiffre
d'affaires de 1 milliard de dollars dans le solaire en 2007, en comptant
notamment sur le fait que, selon la loi néerlandaise, toute construction
neuve doit présenter une variante solaire.
Le tableau ci-après illustre le développement de ces
énergies.
Énergie solaire thermique |
|
Énergie éolienne |
|
Énergie photovoltaïque |
Puissance totale
installée :
|
|
Puissance totale installée
dans le monde :
|
|
Puissance totale installée
dans le monde :
|
Coût
d'installation :
|
|
Coût
d'installation :
|
|
Coût
d'installation :
|
|
|
Coût de
production :
|
|
Coût de
production :
|
|
|
Encombrement au sol :
|
|
Encombrement au sol :
|
Rendement : 35 à 40 % |
|
Rendement : 15 à 35 % |
|
Rendement : 5 à 15 % |
Source : L'Usine nouvelle - N° 2638. Avril 1998 |
3. Sur le plan de l'aménagement du territoire
Les
énergies renouvelables peuvent offrir des opportunités de
développement d'énergie décentralisée. Elles
constituent la ressource idéale pour les territoires et les sites
isolés.
Le dernier Conseil interministériel d'aménagement du territoire
(CIADT)
a
confirmé ce
principe en décidant
qu'au travers de
schémas de services collectifs énergie
serait favorisée la production décentralisée utilisant de
préférence les énergies renouvelables, si elles se
révélaient moins coûteuses qu'une énergie
alternative fournie au même point.
Il est certain que l'énergie solaire ou éolienne facilitent la
décentralisation en dissociant l'apport d'énergie de l'extension
du réseau de lignes électriques, source de dépenses et de
déperdition d'énergie.
En outre, les expériences déjà menées dans ce
domaine montrent que des projets de ce type peuvent être
intéressants pour les collectivités locales.
B. LA NÉCESSITÉ D'OBÉIR À DES RÈGLES PRÉCISES
Cependant, si la France choisit de développer les énergies renouvelables, ce choix devra être précédé d'une réflexion visant à préciser les types d'énergies renouvelables les mieux adaptés, la façon dont elles seront dédiées aux divers besoins, les moyens de soutien à utiliser et les voies à explorer pour améliorer leur technologie.
1. Un choix judicieux et des cibles précises
Les énergies renouvelables regroupent toutes les énergies tirées du soleil, du vent, de l'eau (centrales hydrauliques, usines marémotrices) des végétaux (bois, carburants verts, biogaz), ou de la chaleur de la terre (géothermie). Un ensemble disparate dans lequel l'hydroélectricité et le chauffage au bois occupent une place prépondérante tandis que l'usage du solaire, de l'éolien ou de la géothermie reste négligeable.
a) L'énergie éolienne
La
France dispose d'un fort potentiel d'énergie éolienne, compte
tenu d'une situation géographique particulièrement favorable
(côtes de la Manche et de la Mer du Nord, Golfe du Lion...). Le
ministère de l'industrie a lancé en 1996 le programme Eole 2005,
visant à porter le parc éolien français de 4 MW à
un niveau compris entre 250 et 500 MW.
L'énergie éolienne peut être utilisée pour le
pompage de l'eau et pour la production d'électricité. Cette
dernière utilisation peut se révéler intéressante
pour les sites éloignés de tout réseau de distribution,
compte tenu du coût d'extension du réseau. Il s'agit alors
d'aérogénérateurs domestiques (" petites
éoliennes ") qui peuvent fournir au maximum 25 kw pour des
besoins individuels.
Les coûts de stockage en batterie et de transformation sont assez
élevés et portent à 60-80 centimes le
kilowatt/heure ; toutefois cette solution est compétitive par
rapport au prix de l'électricité fournie par les groupes
électrogènes diesel fonctionnant au fioul.
On peut donc les
recommander pour les sites isolés des réseaux
(2 500
à 3 000 sur le territoire hexagonal),
pour la Corse ou les
départements et territoires d'outre-mer.
Lorsque les besoins sont relativement importants, il est
préférable d'avoir recours à des systèmes hybrides
associant une éolienne, une installation solaire photovoltaïque et
un groupe diesel. Ces systèmes sont intéressants à partir
de quelques centaines de watts, c'est-à-dire pour des petits
réseaux collectifs (la centrale mixte de l'île de la
Désirade, en Guadeloupe, produit 35 % de
l'électricité de l'île).
Il existe aussi des éoliennes de grande puissance, regroupées
dans des " fermes ", et raccordées au réseau. La France
en compte quatorze (neufs aérogénérateurs de 300 kw
à Dunkerque, une éolienne de 200 kw et quatre de 500 kw
dans l'Aude). Ce potentiel devrait nettement s'accroître à l'issue
du plan Éole 2005.
Toutefois
, même si le coût de cette énergie se situe
maintenant entre 30 et 50 centimes/kWh (30 centimes étant le
seuil de rentabilité),
on ne peut raisonnablement compter sur un
réel développement
d'une production centralisée
d'électricité "propre" en France,
tant que n'auront pas
été réduites les nuisances sonores et visuelles des
éoliennes
.
b) L'énergie solaire
La
filière thermique se compose essentiellement du chauffage solaire passif
qui permet de chauffer des habitations, des piscines et de produire de l'eau
chaude (particulièrement l'eau chaude sanitaire en habitat collectif).
La France était, en 1990, le pays d'Europe ayant le plus grand nombre
d'installations collectives
(hôpitaux, casernes, maisons de
retraite...). Il convient d'encourager les responsables des
collectivités locales à choisir cette solution car si le prix de
l'investissement de base (capteurs solaires et chaudière d'appoint au
bois) est supérieur à celui d'une chaudière au fioul, le
coût de fonctionnement est largement inférieur.
De plus, on peut envisager d'organiser une
campagne d'information
afin
de sensibiliser les responsables de collectivités locales à
l'intérêt du chauffage solaire pour les piscines.
La
filière photovoltaïque
mérite une attention
particulière. L'effet photovoltaïque, découvert par le
physicien Becquerel en 1839, permet la conversion directe du rayonnement
solaire en électricité : des cellules photovoltaïques
(photopiles) produisent un courant continu
32(
*
)
lorsqu'elles sont éclairées par la lumière du
soleil ; elles font appel à des matériaux semi-conducteurs
tels que le silicium.
La croissance des installations photovoltaïques dans le monde a
été en moyenne de 23 % par an de 1980 à 1995, ce qui
montre l'intérêt suscité par ce type d'énergie qui
offre trois principales voies d'utilisation :
- les petits appareils (montres, calculettes,
téléphones...) ;
- l'alimentation en électricité d'habitations, de villages,
d'équipements publics ou professionnels éloignés de tout
réseau de distribution (monuments isolés, arrêts de
ramassage scolaire, balises lumineuses, bouées maritimes, relais de
télécommunications...). Ce marché est en pleine
expansion ;
- la production d'électricité raccordée à un
réseau de distribution, soit par des toits ou murs photovoltaïques,
soit par des centrales électriques photovoltaïques.
En France, c'est le deuxième type d'utilisation
(générateurs photovoltaïque autonomes) qui est le mieux
adapté à notre économie et notre territoire.
À l'instar de l'énergie éolienne, et éventuellement
en se combinant avec elle, l'énergie photovoltaïque peut permettre
d'électrifier des sites isolés
: en effet, le
coût d'investissement du générateur photovoltaïque est
très inférieur à celui du raccordement au réseau
électrique
.
Le coût d'un km de ligne électrique
varie de 100 000 à 250 000 F et le prix du kilowatt
solaire a été divisé par vingt-cinq en vingt ans (de
100 dollars en 1975, le prix du watt photovoltaïque est passé
à 4 dollars). Les expériences menées dans l'Aude et dans
le Gard montrent que cette solution permet de revitaliser des zones rurales
désertées quelques décennies plus tôt.
Par ailleurs, les générateurs photovoltaïques autonomes ont
un marché potentiel mondial gigantesque pour l'électrification
des habitations non raccordables au réseau dans les pays en
développement (2 milliards d'hommes).
c) L'énergie hydraulique
En France, la " grande " hydraulique est presque totalement exploitée. En revanche, on peut envisager le développement de la " petite " hydraulique , grâce à des minicentrales : celles-ci sont techniquement performantes et permettent, en outre, aux entreprises françaises de prendre des parts de marché à l'exportation.
d) La géothermie
La géothermie -qui compte une cinquantaine d'installations en France représentant 200 000 logements en France - est hautement tributaire des incitations et garanties offertes par la puissance publique. Elle a été relativement marginalisée lorsque les cours du pétrole sont revenus dans une fourchette raisonnable, mais elle demeure une activité rentable lorsqu'elle est utilisée convenablement par des donneurs d'ordre compétents et intéressés à son succès. De plus, il convient de ne pas négliger les opportunités récemment découvertes des roches chaudes sèches (RCS).
e) La biomasse
Elle
représente le tiers de la production d'énergies renouvelables en
France et fait l'objet de quatre programmes : le plan bois-énergie,
le programme bois-déchet, la production d'électricité
à base de biomasse et le programme biogaz.
La
filière bois
produit 4 % de l'énergie
consommée
(près de 9 millions de tep), faisant de notre
pays le quatrième consommateur de ois-énergie en Europe. 7,2
millions de logements individuels sont équipés d'appareils de
chauffage au bois et 350 chaufferies collectives au bois sont installées
pour l'alimentation, directe ou en réseau, d'ensembles immobiliers ou
d'équipement publics.
Le bois est un combustible favorable à l'environnement. Pour l'ensemble
de la filière (approvisionnement, transformation et brûlage du
combustible), l'utilisation de bois contribue à l'effet de serre, pour
une même quantité produite :
- douze à quinze fois moins que le charbon ;
- sept à douze fois moins que les filières fioul ou gaz
naturel ;
- deux à quatre fois moins que la filière
électricité
33(
*
)
.
De plus cette filière utilise
nos ressources naturelles et valorise
les déchets forestiers
(cette valorisation facilite la gestion des
forêts en abaissant le coût des éclaircies et celui de la
conversion des taillis en futaies).
C'est pourquoi il serait utile de
réactiver le plan
énergie-bois lancé en 1994, de créer des filières
structurées d'approvisionnement en bois.
Cette filière est, en effet, défavorisée par rapport au
pétrole au gaz ou à l'électricité : le
succès, en Corse, de la société d'économie mixte
" Corse bois énergie " réunissant la région et
Elf est exemplaire.
Dans le cadre de la revalorisation de la filière bois,
on peut
s'interroger sur le bien-fondé de l'augmentation de la TVA (de
5,5 % à 20,6 %) sur les abonnements
énergétiques
, qui a beaucoup pénalisé les
réseaux de chaleur où l'abonnement représente la
moitié du prix.
En revanche, on peut se féliciter qu'au moment même où le
Sénat s'inquiétait de ce problème
34(
*
)
, les pouvoirs publics aient fait paraître une
instruction permettant l'application du taux réduit de TVA à tout
le bois de chauffage, et non au seul bois de chauffage " à usage
domestique ". Cette mesure favorise l'utilisation du bois pour le
chauffage des maisons de retraite, hôpitaux, résidences
universitaires et autres bâtiments publics qui étaient
pénalisés par une TVA élevée et non
récupérable.
On peut également se féliciter de ce que la loi de
décembre 1996 sur la qualité de l'air et l'utilisation
rationnelle de l'énergie ait prévu de rétablir
l'obligation de munir d'un conduit de fumée les logements nouvellement
construits, qui avait été abandonnée dans les
années soixante, ce qui empêchait les propriétaires de
maisons chauffées électriquement de basculer vers d'autres formes
de chauffage, soit à titre principal, soit même seulement en
appoint. Il importe désormais que les décrets d'application
soient publiés dans les meilleurs délais, faute de quoi cette
décision restera sans effet...
Enfin, on peut noter que la filière bois est en voie de modernisation
car on voit apparaître de nouveaux produits (plaquettes, sciures
compactées) et de nouvelles techniques de boisement, tels les taillis
à courte rotation (il s'agit de saules ou de peupliers
récoltés au bout de cinq à sept ans, permettant un fort
rendement de dix à treize tonnes de bois sec à l'hectare).
Le projet complémentaire visant à la valorisation
énergétique de déchets de la filière bois et des
résidus de l'exploitation des forêts, lancé au début
de l'année 1998, mérite lui aussi d'être soutenu.
La
biomasse moderne
présente le plus grand potentiel
probable d'énergie, selon l'analyse du Conseil mondial de
l'Énergie
35(
*
)
. Elle comprend les
résidus de culture (paille, rafles du maïs), les déchets
d'élevage, les déchets urbains et les déchets
agro-alimentaires (bagasse de la canne à sucre, liqueurs noires des
usines de pâtes à papier...). La récupération et le
traitement des déchets permet d'obtenir du biogaz, pour une
réaction de fermentation qui se produit dans un digesteur en milieu
anaérobie.
Le
biogaz
est utilisable à proximité de l'endroit
où il est produit mais il nécessite une épuration.
C'est une énergie de proximité non négligeable.
En
France, on dispose de trois millions de tonnes de déchets
agro-alimentaires qui ne sont pas valorisés
. De plus les
déchets de décharges et boues d'épuration pourraient
fournir 350 000 tep/an.
f) Les biocarburants
L'éthanol a été produit dès le
début des années 1980 aux États-Unis (à partir du
maïs) et au Brésil (à partir de la canne à sucre). En
Europe, la production des biocarburants a commencé au début des
années quatre vingt-dix, pour offrir un nouveau débouché
à l'agriculture et a pris deux directions principales :
- l'incorporation des esters d'huiles végétales (EMHV) dans
les gazoles à des taux variant de 5 à 100 % suivant les
orientations prises dans les différents pays. La France a choisi
d'incorporer l'ester à des taux réduits tandis que l'Allemagne et
l'Autriche l'incorporent au taux de 100 % dans des véhicules
adaptés ;
- l'incorporation d'ETBE (éthyl tertio butyl éther), obtenu
à partir d'éthanol et permettant d'oxygéner les essences
sans plomb.
En France, la production de biocarburants a été suscitée
par la " jachère stérile " imposée par la
politique agricole commune ; elle a été
particulièrement favorisée par des avantages fiscaux.
Dans l'état actuel, le coût des biocarburants est trois fois plus
élevé que celui des carburants d'origine fossile. Une
amélioration de la compétitivité pourrait venir d'un
accroissement de taille des unités de production (effet
d'échelle) et par un soutien de la recherche. Les États-Unis ont
ainsi réussi à diviser par deux le prix de revient de
l'éthanol en moins de dix ans.
En France, on peut notamment constater des progrès de
productivité :
L'amélioration de la compétitivité de la
filière biocarburants constitue un enjeu important, car la loi sur la
qualité de l'air prévoit l'incorporation obligatoire, pour les
véhicules des services de l'État et des collectivités
territoriales -notamment pour les flottes captives- d'un minimum
d'oxygène dans les carburants, ouvrant la voie à l'utilisation de
quantités significatives d'ETBE et d'EMHV.
Là encore, comme pour la filière bois, il importe que les
décrets d'application de la loi du 30 décembre 1996 soient
publiés dans les meilleurs délais.
2. Mettre en place des financements adaptés
a) La concurrence du secteur électrique
Les
énergies renouvelables subissent la forte concurrence de
l'électricité distribuée par le réseau national
dans les zones rurales. Ces mécanismes de financement de
l'électrification rurale ont longtemps privilégié le
renforcement des réseaux au détriment du recours à la
production décentralisée d'électricité dans des
sites où celle-ci était pourtant moins coûteuse.
Il conviendrait, au contraire,
d'exploiter systématiquement les
niches de rentabilité des énergies renouvelables
en faisant
en sorte de placer les promoteurs de ces énergies et le Fonds
d'amortissement des charges d'électrification (FACE) en situation de
coopération et non de concurrence.
Un pas a été fait dans cette direction lorsqu'en 1995 EDF et
l'ADEME ont ajouté au budget traditionnel du FACE
(1 505 millions de francs par an pour le renforcement des
réseaux) une enveloppe de 100 millions de francs par an
destinée à subventionner la production
décentralisée d'électricité quand elle
s'avère moins coûteuse que l'extension du réseau. Il
paraît indispensable d'amplifier cette politique et,
parallèlement, de
simplifier la procédure administrative de
demande de fonds au FACE
. Celle-ci est en effet si lourde qu'un particulier
doit attendre au minimum un an et parfois deux ans avant d'obtenir l'aide lui
permettant de mettre en place son installation électrique. Ces
délais sont de nature à décourager de nombreuses
initiatives.
b) La péréquation des tarifs
On ne
peut à ce sujet qu'approuver les termes du récent rapport
d'évaluation de la maîtrise de l'énergie du Commissariat
Général du Plan :
"
Si l'on peut admettre que la solidarité nationale s'exprime
par la prise en charge des surcoûts d'approvisionnement en énergie
de certaines zones où cet approvisionnement est plus coûteux, il
n'y a aucune raison pour que la subvention accordée privilégie
les usages thermiques (non spécifiques) de l'électricité
par rapport à d'autres solutions moins coûteuses et notamment par
rapport aux énergies renouvelables
. "
c) Le choix des modes les plus pertinents d'incitation au développement des énergies renouvelables
Plutôt que des subventions ponctuelles à
l'investissement, votre commission d'enquête considère que la
fixation d'un tarif d'achat favorable aux énergies renouvelables est une
solution efficace.
Ce tarif peut être établi à l'avance et s'appliquer
à toutes les réalisations. Mais il peut également
être attribué, projet par projet, à l'issue d'un appel
à propositions concernant une puissance installée globale
déterminée. Chaque projet doit comporter un tarif de rachat qui
sera appliqué si la proposition est retenue. C'est le système
utilisé en Grande-Bretagne dans le cadre de la NFFO (Non Fossil Fuel
Obligation)
et c'est également celui qu'a choisi EDF pour le
programme Éole 2005.
3. Promouvoir la recherche technologique
Développer les énergies renouvelables suppose
que des
moyens importants en recherche et développement soient donnés
à ce secteur. A titre de comparaison, il convient de noter que les
Etats-Unis ont consacré en 1995 un budget deux fois plus
élevé aux énergies renouvelables que celui consacré
au nucléaire.
De nombreuses pistes peuvent, en effet, être explorées :
- l'amélioration de la filière bois par des systèmes
de postcombustion et de catalyse (qui détruisent une bonne part des gaz
imbrûlés mais qui sont encore coûteux et fragiles) ;
l'adjonction aux chaudières d'un système d'alimentation
forcée en air, le " turbo ", actuellement limitée par
des problèmes de corrosion ; l'association des appareils de
combustion du bois à un système de stockage de chaleur (principe
de l'hydro-accumulation) ;
- les recherches dans le domaine de la
géothermie
RCS
(roches chaudes sèches) ;
- les progrès des éoliennes : amélioration du
profil et du revêtement des pales, diminution du bruit
aérodynamique, possibilité de tourner à une vitesse
variable, et surtout
développement des techniques d'installation des
éoliennes off-shore
;
- le renforcement de la résistance des capteurs solaires aux hautes
températures et hautes pressions (actuellement expérimenté
dans la centrale solaire de Rehovot, en Israël) ;
- la combinaison des énergies renouvelables et des énergies
fossiles ;
- l'énergie marémotrice ;
- en ce qui concerne la biomasse :
le développement de l'épuration du biogaz permettant de le mettre
aux normes du gaz naturel ;
la combinaison de la cogénération et du recours à la
biomasse ; l'amélioration des techniques de
gazéification ;
l'amélioration de la rentabilité des biocarburants et la
recherche de solutions permettant de cultiver les produits agricoles
d'où sont issus les biocarburants avec un respect accru de
l'environnement (recherche à mener notamment au sein de
l'AGRICE)
38(
*
)
.
Il apparaît donc qu'en France
les
énergies renouvelables
peuvent constituer des énergies d'appoint mais aussi permettre, dans
certaines zones rurales isolées, une production
décentralisée de chaleur et d'électricité, plus
rentable qu'un raccordement au réseau national.
En Corse et, plus
encore, dans les départements d'outre-mer, elles peuvent trouver de
véritables niches de rentabilité.
Il est indéniable que
l'existence d'une entreprise monopolistique a
été jusqu'à présent peu favorable au
développement de petits projets locaux
. Force est de constater que
dans les communes
où l'électricité est
distribuée par des régies locales, de petites unités ont
vu le jour qui se sont avérées parfaitement
compétitives
.
Votre commission souhaite que ces
expériences se développent, car elles répondent aux
aspirations légitimes des collectivités locales d'intervention
dans le domaine énergétique
. Elle estime que la
décentralisation dans ce domaine permet de rechercher la meilleure
utilisation des énergies primaires, ce qui n'est pas le cas actuellement
dès lors que l'aspect commercial prend le pas sur l'aspect service
public (chaleur issue de la cogénération ou issue de
l'incinération des déchets ménagers concurrencée
par le gaz, production de chalaur et d'électricité à
partir du gaz freinée par la concurrence avec
l'électricité fournie par EDF ....).
Par ailleurs, les technologies d'exploitation des énergies
renouvelables, qui sont en constante amélioration et que les industries
françaises maîtrisent assez bien, peuvent donner lieu à
d'importantes exportations. Il convient, dans cette optique, que la France
offre une " vitrine " des produits qu'elle propose.
Votre commission d'enquête souhaite donc que l'effort soit
poursuivi.
Elle se félicite à cet égard de la
décision prise par le Gouvernement d'assurer un financement
pérenne à l'ADEME
en vue de stimuler l'innovation et la
recherche dans ce domaine. Elle considère que le
rôle de
conseil
de cet établissement
devra être
renforcé
, notamment auprès des collectivités locales
et estime indispensable que ses missions soient clairement redéfinies.
Votre commission d'enquête estime cependant qu'il faut demeurer
réaliste. Ne rêvons pas ! Quels que soient les progrès
accomplis, il
est clair que les énergies renouvelables ne pourront
représenter qu'une part très limitée du bilan
énergétique
et qu'elles ne sauraient, en France,
constituer une alternative à l'utilisation de l'énergie
nucléaire, comme certains le préconisent.
CHAPITRE IV -
CONSOLIDER NOS ACQUIS DANS LE
NUCLÉAIRE
La
commission d'enquête en est convaincue : la maîtrise de
l'énergie doit impérativement redevenir une priorité de
façon à desserrer l'étau des contraintes ; les
énergies renouvelables méritent d'être
développées, mais il ne faut cependant pas cacher que, d'ici
2020, elles ne représenteront qu'un très faible pourcentage de
notre bilan énergétique. Au total, ni les unes et ni les autres
ne sauraient à elles seules nous permettre de répondre aux
défis énergétiques d'aujourd'hui et de demain.
Les fondements de notre politique -en tout cas dans un horizon de temps
à échelle humaine- resteront centrés sur les
énergies classiques que sont les énergies fossiles et
l'énergie nucléaire.
Il apparaît donc essentiel que la France continue à consolider ses
acquis dans ces secteurs. C'est une garantie essentielle de la
pérennité et de la sécurité tant de son
développement économique que du bien-être de ses citoyens.
Eu égard à l'évolution des contraintes et du paysage
énergétique mondial, ceci suppose d'abord que notre pays se donne
les moyens d'une politique nucléaire ambitieuse.
La France occupe une situation éminente dans un certain nombre de
secteurs de haute technologie. Avec des domaines d'excellence tels que
l'aéronautique, l'espace et la construction ferroviaire,
l'industrie
nucléaire constitue l'un des fers de lance de notre industrie.
Elle
participe à la compétitivité de notre économie,
tant sur le marché domestique que sur les marchés
extérieurs.
Mais, on le sait, en France comme ailleurs, le nucléaire ne peut
avoir d'avenir et l'opinion publique ne saurait l'accepter qu'à deux
conditions :
- que la technologie soit à la fois sûre et
compétitive ;
- et que soit maîtrisée la gestion de l'aval du cycle
nucléaire, notamment le sort des déchets
radioactifs.
I. LA FILIÈRE NUCLÉAIRE DOIT RESTER UN FER DE LANCE DE L'INDUSTRIE FRANÇAISE
La
filière nucléaire française représente un secteur
de haute technologie qui occupe une place essentielle dans notre
économie.
Il ne faudrait cependant pas croire, au motif qu'un certain nombre de pays
industrialisés ont ralenti, voire stoppé, leurs programmes
électronucléaires pour des raisons économiques ou
politiques, que l'énergie nucléaire serait inéluctablement
sans avenir et la France, le seul pays à persévérer dans
une voie que certains assimilent -à tort- à une impasse.
En réalité, ne nous y trompons pas : nos compétiteurs
poursuivent leurs avancées, notamment en direction des marchés
extérieurs, même lorsque leur marché intérieur leur
est interdit.
Or, dans le même temps, le Gouvernement français -au cours du
Conseil interministériel du 2 février 1998- a
adopté certaines mesures qui pourraient remettre en cause la
cohérence de la filière nucléaire et gravement handicaper
l'avenir de l'industrie électronucléaire française.
Est-ce raisonnable, alors qu'il y a tout lieu de penser que le nucléaire
est indispensable et qu'il paraît promis à un avenir
certain ?
A. LA FILIÈRE NUCLÉAIRE FRANÇAISE : UN RÔLE ÉCONOMIQUE ET SOCIAL D'IMPORTANCE
Secteur
de très haute technologie, la filière
électronucléaire exerce, en France, un rôle essentiel tant
au plan économique qu'en termes d'emplois.
Il est aujourd'hui assez largement connu qu'elle est à l'origine de
30 % de l'énergie primaire et de plus de 80 % de
l'électricité (82 % en 1997) produites en France.
On connaît moins, en revanche, l'ampleur de ses investissements
(800 milliards de francs depuis 20 ans), l'importance de sa
recherche, de sa valeur ajoutée (104 milliards de francs en 1994),
du chiffre d'affaires de ses entreprises (environ 205 milliards de francs
au total) ou le poids de ses exportations dans notre balance commerciale
(32 milliards de francs en 1996). Enfin, et ce n'est pas le moindre, son
rôle dans l'emploi est majeur : en effet, environ
100.000 personnes travaillent directement dans le secteur
nucléaire
et ce dernier fournit, en outre,
100.000 emplois
indirects
.
Performante, l'industrie nucléaire française n'en est pas moins
confrontée à une concurrence croissante sur les marchés
tiers.
B. SES COMPÉTITEURS POURSUIVENT LEURS AVANCÉES
Les concurrents de la France dans le domaine nucléaire poursuivent, en effet, leurs avancées technologiques et commerciales.
1. La concurrence concernant les centrales nucléaires
a) La concurrence mondiale : état des lieux
Différents types de centrales nucléaires sont
proposés par les constructeurs mondiaux (Framatome, Siemens, ABB,
Westinghouse, B & W, General Electric, Mitsubishi, etc...).
En fait, le marché des centrales électronucléaires dans
le monde
comporte deux parties :
- le marché principal qui concerne les pays acceptant les
règles internationales de contrôle des matières
nucléaires ;
- le marché plus restreint qui concerne des pays s'affranchissant
de ces règles, tels que l'Inde, le Pakistan, l'Iran... Sur ce
deuxième marché, seules la Russie et la Chine se
présentent comme fournisseurs.
Sur le marché principal, les offres concurrentes de la nôtre sont
pour l'essentiel des offres américano-japonaises. Les fournisseurs
américains se sont associés aux constructeurs japonais
-appuyés sur un marché domestique porteur- pour continuer
d'enrichir leur savoir-faire à la faveur de l'expérience de
construction et d'exploitation dans ce pays. Ces fournisseurs sont :
- Westinghouse, allié à Mitsubishi, pour les modèles
à eau pressurisée, en particulier le modèle AP 600
qui ne bénéficie pas encore de référence.
Westinghouse est fortement présent en Corée et au Japon où
il a vendu respectivement 6 et 2 tranches ;
- General Electric, allié à Hitachi et Toshiba, pour les
modèles à eau bouillante. L'ABWR de 1.300 MW (Advanced BWR)
bénéficie désormais d'une référence au Japon
avec deux tranches en exploitation et environ 10 tranches en perspective.
S'y ajoutent 2 tranches à Taïwan (en plus des 4 tranches
déjà en service) et 2 tranches en service en Corée.
Ajoutons que le groupe américano-européen Combustion
Engineering-ABB, allié aux Coréens pour le modèle à
eau pressurisée, a vendu deux tranches en Corée.
Pour être exhaustif, il convient de citer :
- les centrales à eau lourde canadiennes CANDU, qui ont
été vendues en Corée (2 tranches) en Roumanie et en
Chine (2 tranches) ;
- les centrales à eau pressurisée russes de 1.000 MW du
modèle VVER 1000-AES 91 (2 tranches) vendues récemment en
Chine et du modèle 640 MW en développement.
b) L'attrait du marché chinois
Qu'en
est-il du marché chinois, qui figure aujourd'hui parmi les
marchés les plus attractifs en ce domaine ?
Une délégation de votre commission d'enquête s'est rendue
en Chine pour en étudier les perspectives d'évolution.
Voici très brièvement les
principales conclusions
qui
ressortent de ses nombreux entretiens à Pékin :
-
La consommation d'énergie en Chine est en forte
croissance
. Aujourd'hui, environ 20 % de la demande
d'électricité demeure insatisfaite en Chine. C'est dire
l'importance des besoins et du marché potentiel
. L'explosion
économique du pays ne peut qu'amplifier cette situation, qu'il faut
considérer à l'aune de sa situation démographique
(1,2 milliard de personnes).
Le neuvième plan quinquennal chinois (1996-2000) prévoit
l'augmentation de la capacité énergétique
installée
de 20.000 MW par an,
pour atteindre
300.000 MW en l'an 2000.
-
Les Chinois envisagent de faire évoluer leur bilan
énergétique progressivement
.
A l'heure actuelle, leur production d'énergie électrique est
d'origine thermique (charbon) à hauteur de 81 %, hydraulique pour
18 % et
nucléaire
pour seulement 1 %.
On peut penser que le charbon continuera à contribuer à
l'essentiel de leur production d'électricité, tant en raison de
sa disponibilité (il s'agit de leur principale ressource) que de son
faible prix et de la dépendance culturelle de la Chine à son
égard. La part de l'hydroélectricité devrait augmenter et
pourrait passer à 20 % en 2000, puis 30 % en 2010 grâce
à l'existence d'un énorme potentiel (dont seul 10 % est
aujourd'hui exploité).
Enfin,
les Chinois confirment leur volonté de poursuivre dans la voie
nucléaire
, à l'aide de transferts de technologie et d'accords
de fabrication locale de plus en plus poussés.
La part du nucléaire devrait probablement atteindre 3 % d'ici
dix ans. Cela est peu en valeur relative, mais considérable en valeur
absolue dans un marché d'une telle taille et en forte expansion. D'ici
2010, le parc nucléaire chinois pourrait ainsi atteindre une vingtaine
de centrales.
A plus long terme, des programmes nucléaires plus ambitieux pourraient
d'ailleurs être conduits si l'on considère l'impressionnant
décollage économique des régions
côtières
39(
*
)
et la prise de
conscience croissante par les décideurs des défis
environnementaux, liée certes aux négociations internationales
concernant l'effet de serre mais aussi, et surtout, à la
réalité de la pollution atmosphérique dans les villes
chinoises. Celle-ci résulte de la forte croissance du parc automobile et
de l'utilisation non contrôlée du charbon dans le secteur
domestique et dans l'industrie.
Dans ce contexte, comment la concurrence mondiale se présente-t-elle
?
La délégation n'a pu que se réjouir de l'excellent accueil
que lui ont réservé l'ensemble des personnalités qu'elle a
pu rencontrer en Chine et leur souhait exprimé de poursuivre une
coopération avec la France dans différents domaines :
nucléaire, charbon, secteur pétrolier, maîtrise de
l'énergie, énergies renouvelables...
S'agissant du secteur nucléaire
40(
*
)
,
elle a pu constater que la Chine était convaincue de
l'intérêt de séries standard de centrales du même
modèle mais que, dans le même temps, la forte croissance de ce
pays aux immenses besoins, nécessitait le recours à toutes les
lignes de crédit disponibles dans le monde pour s'équiper en
unités de production d'électricité.
C'est ainsi que, malgré la satisfaction retirée de la fourniture
française pour Daya Bay (deux tranches) et la construction en cours des
deux tranches de Ling Ao, la Chine a récemment acheté deux
tranches russes (VVER 1000 -AES 91) et deux tranches canadiennes (CANDU).
A la faveur de la normalisation des relations sino-américaines, le
puissant lobbying des fournisseurs américano-japonais
précités représente une menace importante pour l'offre
française. Dans ce paysage, il ne faut pas oublier l'offre Combustion
Engineering-ABB (allié avec le coréen KEPCO) et la poursuite
éventuelle des contrats avec les Russes et les Canadiens.
Enfin, Siemens est présent en Chine. Compétiteur vigoureux de
l'offre française pour les premières centrales importées
par ce pays dans les années 80, son accord avec Framatome pour
créer la filiale commune NPI a sans doute facilité l'extension
à Ling Ao de l'offre EDF/Framatome/Gec-Alsthom.
Ainsi, le marché chinois a beau être potentiellement immense,
le nombre des fournisseurs, même s'il a été réduit
par les regroupements, reste important et constitue une concurrence redoutable
pour l'offre française.
Dans ce contexte fortement concurrentiel,
la France
bénéficie
d'atouts certains
(qualité de sa
technologie, effet de série, prix...). Mais
son succès
commercial en Chine semble dépendre de deux facteurs essentiels
:
- sa capacité à élaborer des propositions de
financement satisfaisantes,
dans la mesure où ce critère est
devenu majeur ;
- la crédibilité de l'ensemble de la filière
nucléaire française, gage de la confiance que lui portent les
Chinois. Sur ce point, votre délégation a été
frappée par les réactions de l'ensemble de ses interlocuteurs
chinois à la suite de la décision du gouvernement français
de fermer le réacteur Superphénix
: incompréhension
sur son principe même, interrogation quant à ses motifs
réels, instillation d'un doute profond sur l'avenir de l'ensemble de la
filière nucléaire française et, par là-même,
sur l'opportunité de continuer à recourir à cette
dernière.
A titre d'exemple, citons M. Qitao Huang, responsable de l'Administration
nationale de la sûreté nucléaire : "
j'estime que
la filière à neutrons rapides est indispensable pour obtenir la
transmutation des déchets et pour notre développement
électronucléaire. Certains cependant s'y opposent, en raison de
l'abandon de Superphénix par le Gouvernement français
".
Inutile de dire que les Russes tentent de s'engrouffrer dans la brèche
et n'ont pas manqué de rappeler aux Chinois qu'ils disposaient de deux
réacteurs à neutrons rapides en fonctionnement...
2. Les activités se rattachant à l'aval du cycle
L'aval
du cycle proprement dit est une activité où les industriels
intervenant sont parfois liés aux fournisseurs de centrales
nucléaires. Les opérateurs utilisant les services de ces
industriels agissent à partir de directives ou sous le contrôle
des pouvoirs publics.
A l'heure actuelle, on peut distinguer deux principaux types d'activités
se rattachant à l'aval du cycle :
- l'entreposage des combustibles usés en attente de stockage
(Etats-Unis, Suède, Allemagne). Sur ce marché, des
sociétés spécialisées commercialisent des
conteneurs ou emballages de transport dont l'utilisation a été
étendue à un entreposage d'attente, dans des sites
sélectionnés ;
- le retraitement de ces combustibles, afin d'en diminuer
l'activité et le volume, suivi de la vitrification des déchets
ultimes et de leur stockage.
Cette activité ne concerne pratiquement que deux pays avec des
opérateurs spécialisés offrant mondialement leurs
services: la France avec COGEMA, la Grande-Bretagne avec BNFL. Le Japon, avec
PNC qui exploitait l'usine de Tokaï-Mura récemment
arrêtée, apparaît loin de déboucher sur une offre
industrielle significative.
Au total, seuls quelques grands pays hautement industrialisés
maîtrisent la technologie nucléaire. Mais leur concurrence est
réelle : non seulement leurs opérateurs occupent leur
marché intérieur, mais encore, alors que ce dernier est à
maturité, voire en décroissance pour les raisons
déjà évoquées, leur concurrence s'avère de
plus en plus vive sur les marchés extérieurs.
Dans un tel contexte, n'est-ce pas un paradoxe saisissant de constater qu'alors
que la France bénéficie de multiples atouts
41(
*
)
, des discours et des décisions de nature
à les compromettre se développent ?
Cette attitude, même émanant d'une composante minoritaire du
Gouvernement, a trouvé un écho qui a inspiré certaines
décisions gouvernementales récentes.
C. IL ÉTAIT UNE FOIS... SUPERPHÉNIX
1. La genèse de Superphénix
a) Les postulats
Revenons un petit quart de siècle en arrière. Nous sommes, en
1974, en pleine crise internationnale. Le prix du pétrole a
flambé : il a plus que quintuplé. Les tensions sur le
marché de l'énergie incitent la France -et un certain nombre
d'autres pays- à lancer un programme électro-nucléaire
ambitieux. Ces évolutions font même craindre une pénurie
d'uranium. La filière à neutrons rapides apparaît alors
comme un moyen de tirer parti de tout l'uranium naturel (alors que les
réacteurs nucléaires ordinaires n'en utilisent que
0,7 %...). Le temps semble presser. Aussi, la France décide-t-elle
de franchir un saut technologique très ambitieux, sans doute
risqué : passer d'un seul coup des 250 mégawatts du
réacteur de recherche sur cette filière, Phénix aux
1.200 mégawatts de Superphénix. Rappelons que nos
concurrents japonais ou russes se contentent respectivement de 280 et
600 mégawatts.
Avec le recul -mais la critique n'est-elle pas plus facile
a posteriori
que lorsqu'on se trouve au pied du mur, face à l'urgence
créée par une situation critique ?-, on constate que cette
décision reposait sur des
postulats aujourd'hui
erronés
:
- la pénurie d'uranium, alors évoquée, n'est pas
survenue ;
- nous ne sommes pas dans une situation où la rareté et la
cherté du pétrole rendraient la surgénération
concurrentielle.
Mais replaçons nous dans le contexte de l'époque. Encore en
janvier 1984, Laurent Fabius, alors ministre de l'Industrie, ne tenait-il pas
des propos plus qu'encourageants devant ses collègues européens,
déclarant que le surgénérateur était
"
parmi les technologies en gestation, l'une des plus prometteuses en
termes d'indépendance
"
42(
*
)
?
b) Le coût
Par
ailleurs, le
coût
de construction et de fonctionnement de
Superphénix a dépassé les estimations initiales. Dans son
rapport de janvier 1997, la Cour des Comptes l'a évalué
à 60 milliards de francs répartis entre les partenaires du
consortium européen NERSA
43(
*
)
à
concurrence de 51 % pour EDF, 33 % pour l'électricien italien
ENEL et 16 % pour le consortium SBK, qui regroupe les électriciens
allemands RWE, néerlandais SEP et belge Electrabel. En
réalité, compte tenu de la valeur de l'électricité
fournie au réseau par le réacteur, les dépenses
s'élèveraient, selon elle, à 40,5 milliards de francs.
Le coût d'investissement de Superphénix serait environ deux fois
et demi celui d'une centrale nucléaire à eau de même
puissance, ceci étant surtout dû au caractère
" prototype " de l'installation, préalable indispensable au
lancement d'une série.
c) Les difficultés de fonctionnement
Superphénix a, par ailleurs, subi un certain nombre de
difficultés de fonctionnement. Mais, quel prototype n'en a
pas ?
Le saut technologique réalisé -et les
extrapolations qu'il a rendu nécessaires pour passer directement du
stade de la recherche à celui du prototype industriel- n'expliquent-ils
pas une grande partie des incidents enregistrés ? Quels ensembles
industriels n'en ont pas connus, que ce soit en Grande-Bretagne ou au Japon,
par exemple.
Aussi, même s'il convient de reconnaître le caractère
quelque peu excessif de ce saut, on ne saurait pour autant adhérer au
discours de certains qui ramènent l'histoire du réacteur à
une succession de déboires. Certes, deux problèmes ont
affecté la partie nucléaire de la centrale ou ses annexes, au
cours de ses premières années de fonctionnement. L'un comme
l'autre ont nécessité des actions correctrices prolongées.
L'un a concerné le barillet
44(
*
)
(en
raison d'une difficulté liée au choix de l'acier dont il
était composé), l'autre était dû à un
défaut d'étanchéité de deux membranes en
série sur le compresseur d'un circuit d'argon auxiliaire.
Si la centrale de Creys-Malville a connu d'autres dysfonctionnements, il faut
souligner que
la plupart n'eurent rien à voir avec la partie
nucléaire de l'installation et, surtout, qu'à aucun moment les
incidents survenus n'ont mis en question sa sûreté.
Enfin, on oublie trop souvent que l'interruption du réacteur de plus de
quatre ans -de 1990 à 1994- est essentiellement due à des raisons
strictement politiques et administratives
, épisode que
M. Georges Vendryes, dans son ouvrage "
Superphénix
pourquoi
? " n'hésite pas à qualifier de
"
véritable imbroglio politico-administratif
".
La création de Superphénix avait été
autorisée par un décret de 1977. A la suite du premier incident
mentionné ci-dessus, MM. Michel Rocard, alors Premier
ministre, et René Fauroux, ministre de l'Industrie, avaient dû
modifier ce décret en 1989. Ce nouveau décret a été
annulé par le Conseil d'État pour vice de forme en 1991. Le
Gouvernement tergiversa longtemps avant de modifier ce décret, pour des
raisons largement politiques et électorales. Une nouvelle enquête
publique fut lancée, à l'issue de laquelle le rapport de la
commission d'enquête recommandait le redémarrage de la centrale.
Le 11 juillet 1994, le Gouvernement de
M. Édouard Balladur signait un nouveau décret
d'autorisation. Ce dernier fut cependant annulé par le Conseil
d'État, le 28 février 1997, au motif que la nouvelle
mission confiée à Superphénix -consistant à tenter
d'en faire un destructeur de plutonium, c'est-à-dire un
sousgénérateur plutôt qu'un surgénérateur-
aurait justifié une nouvelle enquête publique.
Au total, le
bilan global du fonctionnement
45(
*
)
de Superphénix établi par
M. Georges Vendryes dans l'ouvrage précité est
éclairant et permet d'accéder à une vision plus objective
de la réalité :
" En onze ans, du 1er janvier 1986 au
31 décembre 1996, le temps a été réparti
globalement de la façon suivante :
- pendant 53 mois, soit près de quatre ans et demi au total,
la centrale a connu une exploitation normale, comportant des périodes de
fonctionnement avec production d'électricité à des niveaux
de puissance variables, des périodes d'entretien programmé et
-c'est un prototype- des périodes d'essai ;
- pendant 25 mois, soit un peu plus de deux ans au total, la centrale
a été hors d'état de fonctionner par suite des travaux de
réparation dont j'ai décrit plus haut l'essentiel ;
- enfin, pendant 54 mois, soit quatre ans et demi au total, la
centrale, quoique techniquement en état de fonctionner, a
été clouée au sol par l'absence d'autorisation de
fonctionner du fait de procédures en cours.
On voit à quel point il serait abusif d'attribuer uniquement à
des problèmes techniques, comme beaucoup n'ont que trop tendance
à le faire, le très médiocre taux de fonctionnement moyen
qu'a connu Superphénix jusqu'à aujourd'hui ".
2. L'arrêt de Superphénix : une décision grave pour la France
a) Une décision prise sans concertation
C'est
dans ce contexte que le Premier ministre, M. Lionel Jospin
annonçait le 19 juin 1997
46(
*
)
que "
Superphénix serait abandonné
". Le
2 février dernier, le Gouvernement confirmait que la centrale ne
redémarrerait pas, ceci
sans concertation
aucune
:
-
ni avec le Parlement
: n'aurait-il pourtant pas dû
être amené à se prononcer sur une telle décision,
lui qui, en 1972, avait débattu de la création de la
société NERSA et qui vote depuis des années les
crédits de recherche et de développement de la filière des
réacteurs à neutrons rapides ?
-
ni avec la société exploitante responsable et nos
partenaires étrangers
. Une concertation avec eux sur l'arrêt
éventuel de la centrale ne s'imposait-elle pas, alors que la
collaboration s'était déroulée dans un excellent climat,
avec une répartition des tâches et des financements
arrêtée en commun ?
Le Gouvernement n'en continue pas moins d'affirmer la nécessité
de poursuivre la coopération avec nos partenaires européens dans
le secteur nucléaire... Mais un tel souhait ne risque-t-il pas de rester
un voeu pieux au vu du peu de cas qui leur a été
réservé dans ce malheureux dossier ?
Les collectivités locales
concernées n'ont pas
été consultées non plus, alors que l'économie
locale souffrira de l'arrêt du réacteur. Certes un
médiateur, M. Aubert, a mis au point un programme d'accompagnement
économique en faveur des entreprises et des personnes prestataires de la
centrale, ainsi que du bassin d'emplois ? Qui financera ce plan d'un
montant de 200 millions de francs ? Le contribuable, et à
nouveau EDF, seront sollicités.
b) Une décision sans fondement autre qu'électoraliste
La
sûreté de Superphénix n'a, à aucun moment,
été mise en cause
La Direction de la Sûreté des Installations Nucléaires
(DSIN) a toujours, à l'issue des diverses procédures
administratives de contrôle, autorisé le redémarrage de la
centrale et déclaré que cette dernière présentait
le même degré de sûreté que les réacteurs de
série du parc nucléaire français. Le rapport établi
par la Cour des comptes sur les comptes de la société NERSA a
d'ailleurs rappelé ce point.
Les détracteurs de Superphénix n'ont au demeurant jamais
allégué un tel argument pour demander sa fermeture. Il
n'empêche, des interrogations sur ce point ont pu naître dans
certains esprits, tant en France qu'à l'étranger, entretenant des
peurs irrationnelles bien connues dans ce domaine et des doutes sur la
fiabilité de l'ensemble de la filière.
L'argument financier ne tient pas
L'argument financier mis en avant par les opposants à
Superphénix
ne peut, en aucun cas, justifier l'arrêt
prématuré du réacteur
: celui-ci serait un
gouffre financier, un véritable " puits sans fond ".
Sur ce point, le rapport précité de la Cour des Comptes de 1996
sur le coût de Superphénix fait référence. Il
évalue ce coût à environ
60 milliards de
francs
en cas d'arrêt de l'exploitation du réacteur au
31 décembre 2000.
Cette évaluation couvre
cependant
non seulement le coût de combustion et des premières
charges de combustible et le coût de fonctionnement, mais
aussi les
charges futures de la post-exploitation
, du retraitement du combustible,
des charges financières et
du démantèlement
.
Ceci est peu
connu
.
En réalité, le
coût de construction
de
Superphénix s'est élevé à
moins de
30 milliards, dont seulement la moitié à la charge
d'EDF
47(
*
)
.
Par ailleurs, comme le relève justement le très
intéressant rapport présenté, en octobre dernier, par le
groupe de travail des sénateurs Républicains et
Indépendants sur la filière du nucléaire civil
48(
*
)
:
"
La Cour conclut ainsi à un bilan défavorable de la
surgénération sur le plan financier. Il convient de noter qu'elle
ne nuance pas cette conclusion en fonction des objectifs à atteindre. La
seule nuance qu'elle prend en compte est le fait que Superphénix est un
prototype
. Nous regrettons pour notre part que certains des propos
liminaires tenus par la Cour aient été perdus de vue par certains
opposants, selon lesquels, d'une part, les calculs doivent être
interprétés avec prudence, et d'autre part,
le bilan ne tient
pas compte des retombées en termes de recherche.
Plus important, sur l'évaluation du coût de la centrale, la Cour
précisait bien que la méthode utilisée (coût
comptable) " ne saurait être utilisée pour fonder
d'éventuelles décisions relatives à la poursuite ou
à l'arrêt "
.
Par ailleurs, beaucoup estiment -contrairement au Gouvernement- que la
poursuite de l'exploitation de Superphénix aurait permis
d'atteindre
l'équilibre financier
, les dépenses de fonctionnement
étant payées par la vente de l'électricité produite
dans des conditions normales d'exploitation, ce qui était le cas en 1996
et l'aurait probablement été dans l'avenir, le réacteur
ayant atteint le stade de la maturité.
Soulignons qu'un coeur et demi est prêt à l'emploi. En effet,
seule la moitié du coeur actuel a été consommée et
un autre coeur est approvisionné et payé. Au total, c'est ainsi
l'éclairage d'une ville telle que Lyon qui pourrait être
assuré pendant quinze ans si l'on brûlait ce coeur et demi comme
la simple logique l'imposerait
49(
*
)
.
Le ministère de l'Industrie a, à cet égard, fort
pertinemment souligné dans sa réponse à la Cour des
Comptes que : "
la poursuite de l'exploitation jusqu'en 2000 a
très peu d'incidence sur le bilan comptable établi par la Cour,
alors qu'elle permet la réalisation d'un programme de recherches auquel
s'attachent des enjeux majeurs
".
Car là est bien le problème : que des choix scientifiques
majeurs, engageant l'avenir de notre pays soient contrariés par des
considérations, en définitive, purement
politiciennes.
c) Une décision coûteuse pour EDF
On ne
manque pas d'affirmer que nos partenaires de NERSA seront
dédommagés. Il est vrai que l'opérateur public EDF prendra
en charge les conséquences financières de cette décision
hâtive.
Mais, n'est-ce pas contradictoire de lui imposer aujourd'hui cette charge, tout
en l'incitant à être compétitif ?
Ainsi que le titrait
Le Monde
du 5 mars dernier :
"
EDF supportera seule l'arrêt de
Superphénix
". Elle paiera, en effet, la part de ses
partenaires dans la post-exploitation et le démantèlement de la
centrale.
Le
surcoût
à la
charge de
l'entreprise est estimé à
5 milliards de francs
,
puisqu'elle n'aurait dû supporter que 51 % du coût des travaux
liés à l'arrêt de la centrale, qui est évalué
au total à 10 milliards de francs pour la post-exploitation et le
démantèlement. Il convient d'ajouter 2,7 milliards de francs
pour le retraitement du combustible qui devraient seuls être
partagés entre EDF et ses partenaires de la NERSA.
Aussi, le coût total de la mise à l'arrêt
définitif de Superphénix est estimé à
12,2 milliards de francs, dont 90 % à la charge d'EDF, soit
10,9 milliards de francs.
Ces chiffres sont ceux avancés par le Gouvernement, à qui notre
commission d'enquête a demandé une évaluation de l'impact
financier de cette fermeture. Celle-ci figure en annexe au présent
rapport. Elle est du plus haut intérêt dans la mesure où
elle met, en outre, en lumière d'autres conséquences moins
connues de l'arrêt anticipé du réacteur. Il s'agit,
notamment, du
coût de la liquidation de la société
NERSA, qui devrait être supporté par EDF à concurrence de
3,3 milliards de francs. Au total, le coût de l'arrêt
prématuré de Superphénix s'élèverait pour
EDF à 14,2 milliards de francs
.
Certains avancent le contre-argument selon lequel une bonne partie des
dépenses concernées auraient dû être
inéluctablement engagées dans quelques années. C'est
oublier le
coût de l'anticipation de ces dépenses
, qui est
réel et s'ajoute au fait que la répartition de ces
dernières entre les partenaires de NERSA aurait été
différente.
L'évaluation du Gouvernement ne cache pas, par ailleurs, le fait que,
selon EDF, "
une prolongation de la période d'exploitation de la
centrale lui aurait permis de mieux préparer la post-exploitation et
donc de réduire son coût. EDF estime ainsi que
différer
l'arrêt de la production de 2 à 3 ans aurait
vraisemblablement réduit les dépenses de
post-exploitation
".
Dans tous les cas, aucun de ces chiffres ne comprend les
dépenses
liées à la mise en oeuvre du plan de soutien à
l'économie locale
susmentionné, décidé par le
Gouvernement afin de tenter de compenser, pour la région de
Creys-Malville, les pertes financières et d'emplois qu'entraînera
la fermeture du réacteur, soit
200 millions de francs
qui
seront, on l'a dit, partiellement supportés par EDF.
Le Gouvernement a enfin la prudence de souligner que les chiffres qu'il
avance ainsi sont susceptibles d'évoluer "
en fonction des
négociations avec les partenaires et des résultats des
études techniques en cours sur les modalités pratiques de la mise
à l'arrêt définitif du réacteur
".
Cette prudence apparaît bien nécessaire quand on sait que certains
partenaires européens ont fait savoir à votre commission
d'enquête qu'ils avaient
l'intention d'entreprendre une action en
dommages et intérêts contre l'Etat français.
L'essentiel de ces dépenses a certes été
provisionné par EDF. Mais n'est-il pas paradoxal, dans un contexte
d'ouverture partielle du marché de l'électricité à
la concurrence, d'attendre de l'établissement public des efforts de
productivité et, dans le même temps, de lui imposer des charges
supplémentaires au gré de décisions qui peuvent
apparaître erratiques ?
Au total, alors que l'arrêt de Superphénix ne s'imposait ni
pour des raisons de sûreté, ni pour des raisons
financières, ni pour des raisons de recherche -on verra ce point
ultérieurement-, le Gouvernement n'a-t-il pas purement et simplement
honoré un engagement électoral pris sans étude
préalable de l'ensemble des éléments du dossier ?
Comment expliquer autrement une telle décision, alors que comme l'expose
fort bien M. Georges Vendryes : "
le simple bon sens dicte la
marche à suivre : puisque l'investissement est fait, puisque le
combustible est disponible, et puisque les dépenses d'exploitation
peuvent être équilibrées par les fournitures
d'électricité, dépensons le plus tard possible les sommes
inéluctables que nécessiteront la mise à l'arrêt
définitif et le démantèlement de la centrale
".
Rappelons que si la décision de fermer la centrale de Creys-Malville a
été unanimement critiquée par les experts et par les
parlementaires de l'opposition, elle l'a également été -et
parfois plus sévèrement encore- par la plupart des syndicats
concernés et par des parlementaires de la majorité
gouvernementale.
3. Vers une remise en cause insidieuse du choix nucléaire ?
C'est au
cours du deuxième semestre 1998 que devrait être
adopté un premier décret de mise à l'arrêt
définitif de Superphénix, visant les opérations de
déchargement du coeur usé et de vidange du sodium.
D'ici un an et demi environ, cette décision s'avérera
irréversible :
le coeur aura été
déchargé ; une partie des équipes aura
été dispersée et mobilisée sur d'autres projets.
Cette décision ne risque-t-elle pas de constituer le premier pas vers
une remise en cause plus fondamentale du dispositif nucléaire civil
français ? Les écologistes n'ont-ils pas déjà
déclaré qu'ils ne s'arrêteraient pas là ?
Certes, le Gouvernement a annoncé que la France remplirait "
les
engagements pris à la Conférence de Kyoto, tout en stabilisant le
nucléaire
"
50(
*
)
. Mais que
recouvre cette notion de " stabilisation " ?
D'aucuns craignent que derrière la décision d'arrêter
Superphénix se dissimule la volonté de certains de remettre en
cause le retraitement et, à terme, d'arrêter le programme
nucléaire français.
Cette inquiétude est d'ailleurs partagée à
l'étranger. C'est ainsi que les interlocuteurs tant chinois que japonais
ont fait part de leurs interrogations à votre commission d'enquête
sur les causes et conséquences réelles de cette décision.
Celle-ci pourrait avoir un impact négatif sur les exportations de notre
industrie nucléaire à l'étranger.
Cette crainte vient d'ailleurs de se trouver confirmée par la
récente déclaration du ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement, Mme Dominique Voynet
51(
*
)
, selon laquelle "
Le sens de l'accord
Verts/95 est d'offrir des marges de manoeuvre pour qu'en 2005, lorsqu'il
faudra décider du remplacement de vieilles centrales, on puisse
décider de s'en passer ".
Les attaques permanentes contre le centre de retraitement de la COGEMA,
à La Hague, n'illustrent-elles d'ailleurs pas ce risque ? Prenons
garde à l'impact des discours des " marchands de peur ".
Prenons garde également à ne pas inquiéter indûment
l'opinion publique, alors que l'on sait bien que l'avenir de l'énergie
nucléaire et de notre technologie -non seulement en France, mais aussi
à l'étranger- pourrait être condamné si elle lui
devenait défavorable.
Une telle situation serait très dommageable quand on sait que la
planète devra nécessairement avoir recours à cette
énergie à plus ou moins long terme.
D. ... ET QUE LE NUCLÉAIRE EST PROMIS À UN AVENIR CERTAIN SUR LA PLANÈTE
1. Le développement de l'énergie nucléaire a été freiné dans un certain nombre de pays52( * )
Toutefois, aucun pays n'a arrêté de centrale
jusqu'à présent.
Tout comme la Belgique, la Finlande,
l'Espagne ou la Suisse, ils en poursuivent l'exploitation, preuve que
l'énergie nucléaire est nécessaire à leur bilan
énergétique.
Qui plus est, il y a tout lieu de penser qu'après cette
période de ralentissement, nombre de pays industrialisés, mais
aussi de pays en développement devront recourir à
l'énergie nucléaire
.
2. Les scénarios avancés par le Commissariat Général du Plan
Dans les
vingt prochaines années, le pétrole devrait rester le combustible
dominant dans le monde (40 %), le charbon continuer à reculer en
raison de ses nuisances pour l'environnement et le gaz devrait maintenir ses
positions. Le récent rapport du Commissariat général du
Plan
53(
*
)
qui avance ces données retient,
en outre, trois scénarios possibles pour l'évolution du
nucléaire civil dans le monde. Tenant compte du climat d'incertitude,
ceux-ci évoquent :
- l'abandon du nucléaire ;
- un nouvel essor de ce type d'énergie, qui suppose des
progrès en matière de sûreté, d'acceptabilité
par l'opinion publique et de compétitivité économique par
rapport aux autres sources de production d'électricité ;
- un développement du nucléaire, différencié
entre zones géographiques qui
" passerait par l'Asie car cette
énergie serait la seule susceptible de répondre à la forte
demande de nouvelles centrales à grande capacité dans cette
zone ".
C'est ce troisième scénario qui est jugé
le plus probable
54(
*
)
.
Alors que l'énergie nucléaire représente aujourd'hui
6 % de la consommation primaire d'énergie dans le monde et
22 % de la production mondiale d'électricité, on voit mal
comment l'on pourrait s'en passer.
Il y a donc tout lieu de penser que
le nucléaire sera
inéluctable pour la planète, surtout si l'on veut la
préserver de l'effet de serre
. La principale réserve à
cette perspective réside dans le niveau relatif des prix des autres
sources d'énergie dans 20 ans et plus. Mais peut-on raisonnablement
penser qu'avec une économie mondiale devant assurer, d'ici 2010, la
satisfaction des besoins de 8 à 10 milliards de consommateurs, le
prix des énergies fossiles ne tendra pas à
croître ?
3. Une nécessité pour répondre aux défis climatiques
Ainsi
que le rappelle le Commissariat général du Plan dans son rapport
" Énergie 2010-2020 "
55(
*
)
:
"
L'absence d'émissions de gaz à effet de serre est un
point fort de l'énergie nucléaire, en comparaison avec les
énergies fossiles. Plus généralement, les rejets chimiques
et radioactifs des installations nucléaires en fonctionnement normal
sont très limités vis-à-vis de ceux des installations
industrielles traditionnelles
".
C'est pourquoi,
notamment dans le but de respecter les engagements pris
à Kyoto
56(
*
)
, nombre de pays pourraient
se tourner à nouveau vers l'énergie nucléaire
.
A cet égard, n'est-il pas intéressant de constater que des
responsables politiques
américains
de divers horizons ont
récemment multiplié leurs déclarations en faveur d'une
relance du nucléaire, d'un réexamen de l'embargo Carter sur le
retraitement et du recyclage du plutonium issu du démantèlement
des armes sous forme de combustible " Mox " ?
De même, n'est-il pas révélateur que 55 % des
Suédois
s'opposent aujourd'hui à la fermeture partielle de
la centrale de Barsebäck qui vient d'ailleurs d'être
abandonnée.
Le
Japon
, quant à lui, exploite le troisième parc
nucléaire du monde et il en poursuit l'extension dans le but de produire
ainsi 75 % de son électricité. La Corée et
Taïwan exploitent et construisent des centrales. La
Chine
,
malgré ses énormes réserves de charbon, affiche certaines
ambitions nucléaires et l'on a exposé précédemment
les potentialités que représente ce marché pour les
industriels du secteur.
Par ailleurs, il y a tout lieu de penser que les pays de
l'Est
et la
Russie continueront à avoir recours à l'énergie
nucléaire. A l'heure actuelle, seules leurs difficultés
financières freinent le remplacement des centrales les plus anciennes.
Dans un certain nombre de
pays en développement
, ce sont à
la fois le manque de ressources financières et les mesures
destinées à lutter contre la prolifération
nucléaire qui font obstacle au développement d'un parc de
centrales. On peut cependant penser que leur développement progressif
les incitera à se mettre en situation de pouvoir profiter d'une
énergie peu polluante, rendue d'ailleurs nécessaire par leur
tendance à l'urbanisation galopante.
Au total, la commission d'enquête ne peut que faire siennes les
conclusions du rapport de janvier 1998 d'experts indépendants au
Secrétaire général de l'OCDE intitulé :
" L'énergie nucléaire à l'OCDE " :
"
Compte tenu du rôle important que joue actuellement
l'énergie nucléaire comme source d'électricité
d'origine non fossile et du fait que le recours à ce type de sources
sera probablement nécessaire dans l'avenir, la prudence veut que les
pays membres de l'OCDE prennent les mesures nécessaires pour que cette
technologie reste une option réaliste et pour que l'énergie
nucléaire fasse partie intégrante du débat sur les
politiques énergétiques durables
".
Pour cela, il paraît impératif de développer la
coopération internationale.
II. DÉVELOPPER LA COOPÉRATION INTERNATIONALE
Dans ce secteur où les problèmes de sûreté sont globaux et les investissements, notamment en matière de recherche, sont d'un montant très élevé, le renforcement de la coopération internationale apparaît prioritaire.
A. EN MATIÈRE DE SÛRETÉ
On le
sait, l'attitude du public à l'égard de l'énergie
nucléaire dépend de la sûreté de cette
dernière, où qu'elle soit utilisée, et de l'existence
d'une réglementation fondée sur une communauté de vue
concernant les besoins en matière de sûreté.
Ceci est d'autant plus fondamental que l'énergie nucléaire se
développe à l'heure actuelle en grande partie dans des pays,
comme la Chine, n'ayant pas participé dès le début aux
activités internationales qui ont permis aux pays occidentaux de fonder
leur savoir-faire technologique et de bâtir un consensus sur la
manière de parvenir à de hauts niveaux de sûreté.
Or,
la sûreté constitue l'exigence première et
absolue
.
Dans ce contexte, il faut se féliciter de la mise en oeuvre de la Charte
européenne de l'énergie, à l'égard des pays de
l'Est et de la Russie.
Les pays occidentaux se doivent de promouvoir, dans les pays en
développement, une culture de sûreté qui leur fait parfois
défaut. On se souvient que de cette lacune est né l'accident de
Tchernobyl... Les pays concernés doivent intégrer cette
donnée fondamentale, sans céder pour autant aux sirènes du
chantage financier à l'égard des pays occidentaux...
On peut se féliciter
, à cet égard,
que la
Commission européenne vienne de décider de renforcer ses
efforts
pour relever les normes de sûreté nucléaire
dans les pays d'Europe centrale et orientale (PECO) et les nouveaux Etats
indépendants (NEI)
de l'ex-Union soviétique, dans le but
d'amener la sûreté de leur secteur nucléaire à un
niveau comparable avec celui de l'Union européenne.
Il ne s'agit pas de débloquer de nouveaux fonds puisque ces actions ont
été dotées de 623 millions d'écus depuis 1990,
mais de mieux mettre en avant cet objectif dans le cadre aussi bien du
processus d'élargissement de l'Union européenne que des accords
de coopération, notamment pour la gestion des déchets
nucléaires en Russie.
En ce qui concerne les PECO, l'objectif est de prendre des mesures pour assurer
la sûreté des réacteurs de conception occidentale (un en
Roumanie et un en Slovénie), ainsi que la "
remise à
niveau ou la fermeture dans les plus brefs délais
" des
47 réacteurs de conception soviétique restants.
On ne peut qu'adhérer à cette démarche, tout en soulignant
cependant la nécessité pour ces pays de poursuivre une
diversification de leurs sources d'énergie. L'énergie
nucléaire peut y conserver une place de choix, à la condition
absolue du respect des normes de sûreté. Dans ce domaine, la plus
grande fermeté est nécessaire lorsque l'on sait que les Russes
viennent de restaurer le réacteur de Kursk 1
57(
*
)
sans respecter les engagements pris en vertu de
l'accord de juin 1995, qui exige que tout redémarrage de
réacteur soit précédé d'une évaluation de
sûreté en profondeur.
A cet égard, il faut se féliciter de la tenue, à Moscou,
en mars dernier, d'une Conférence ministérielle sur
l'énergie consacrée au développement du secteur
énergétique au XXIe siècle et à la
sûreté nucléaire dans le cadre de G8
58(
*
)
.
B. EN MATIÈRE DE RECHERCHE
Qui dit
sûreté dit aussi recherche. La dimension internationale
marquée de ce problème et l'ampleur des financements qui lui sont
liés exigent une coopération internationale au plan technologique
et financier.
Comme l'affirme le rapport précité de l'OCDE : "
Le
maintien d'un niveau de savoir-faire pertinent et de bases stables assurant
à long terme la maîtrise de la sûreté
nucléaire et du stockage des déchets sont des tâches que de
nombreux pays ont en commun. Les travaux seront moins coûteux pour chaque
participant et les résultats seront plus convaincants si ces
activités sont menées conjointement. Il convient donc de traiter
les aspects à long terme de l'énergie nucléaire dans un
contexte international structuré
. ".
Ceci apparaît d'autant plus fondamental que l'innovation technologique
constitue un enjeu majeur de compétitivité entre filières
et entre opérateurs.
Dans cette perspective, on peut regretter que le ministre français de la
recherche, M. Claude Allègre, n'ait pas obtenu le maintien, en
termes réels, des crédits d'Euratom dans le cadre de l'accord sur
le cinquième programme-cadre de recherche et de développement
européen, qui couvrira la période 1998-2002.
Les fonds destinés à la fusion et la fission y sont fixés
respectivement à 792 et 187 millions d'écus et les
crédits affectés à l'énergie non nucléaire
devraient rester plafonnés à 1 milliard d'écus pour
cinq ans.
III. PRÉPARER LE NUCLÉAIRE DU FUTUR
Le
fait que des centaines de centrales depuis deux décennies aient
fonctionné sans incident grave démontre la maturité de la
technique nucléaire.
La catastrophe de Tchernobyl a cependant
occulté cette réalité, ainsi que l'affirme le rapport du
Commissariat général du Plan : " Énergie
2010-2020 "
59(
*
)
.
Le nucléaire reste cependant une technologie jeune, qui peut et doit
encore progresser. Dans cette perspective, les efforts de recherche doivent
être poursuivis sur les nouvelles générations de centrales,
qui devront satisfaire à des exigences toujours plus fortes en termes de
sûreté, d'impact sur l'environnement et de
compétitivité.
Afin de se préparer au renouvellement du parc nucléaire
français, et de laisser ouverte la voie nucléaire d'ici à
cette échéance, à savoir probablement 2020
60(
*
)
, la France doit s'attacher à développer
les filières du réacteur du futur. Tel est l'objet des recherches
sur le réacteur à eau pressurisé et sur le réacteur
hybride.
Elle doit également s'inscrire dans le plus long terme et s'attacher
à étudier la possibilité de construire un réacteur
totalement " propre ", c'est-à-dire ne produisant pratiquement
ni actinides, ni produits de fission. Dans cette perspective, la fusion
nucléaire pourrait apparaître comme une solution très
séduisante pour un terme cependant encore très
lointain.
A. LES FILIÈRES DU RÉACTEUR DU FUTUR
Il
apparaît fondamental que la continuité et la
pérennité de la filière nucléaire soient
assurées. Dans cette perspective, il est important de poursuivre les
réflexions en tenant compte du calendrier de mise en oeuvre des
nouvelles technologies.
S'agissant des réacteurs à eau, l'avenir semble tracé
jusque vers 2050
, avec notamment le
REP 2000
, prochain standard
de centrales nucléaires d'EDF destiné à succéder
à l'actuel palier N4 (c'est-à-dire le dernier palier de centrales
construites) et qui devrait être
équipé de l'îlot
nucléaire franco-allemand EPR
(European Pressurized Water Reactor).
C'est probablement au-delà de cette date, que les
réacteurs
hybrides
pourraient trouver tout leur intérêt.
1. Le projet franco-allemand : le réacteur EPR
a) Un modèle de coopération franco-allemande dont la pérennité suscite cependant quelques inquiétudes
Le
projet EPR est un
projet franco-allemand
de développement d'un
îlot nucléaire susceptible de prendre le relais des centrales en
cours d'exploitation. Il est mené en partenariat entre Framatome,
Siemens, Nuclear Power International (NPI), EDF et les électriciens
allemands.
Il a démarré en
1992
par une phase de réflexion
conjointe sur les principales orientations techniques de sûreté
des futurs réacteurs à eau sous pression. En 1995, on est
entré dans la phase de définition technique du prototype ; depuis
mi-1997, la phase dite d'optimisation a pris le relais, tendant à
augmenter la puissance de tranche et à diminuer les coûts tant
d'investissement que d'exploitation, ceci dans le respect des objectifs et des
contraintes de sûreté. L'avant-projet détaillé de
l'EPR devrait être terminé à la fin de cette année,
les études de réalisation pouvant
alors
débuter
en 1999
.
Cette coopération franco-allemande s'est avérée jusqu'ici
très fructueuse et s'est déroulée de façon
très satisfaisante, en respectant notamment les délais et les
coûts prévisionnels
.
Les coûts d'ingénierie des constructeurs, estimés à
750 millions de francs pour la phase de développement du projet,
sont partagés à égalité entre les partenaires
français et allemands, la part française étant
partagée entre EDF et Framatome dans un rapport 2/3-1/3. En France, la
recherche et développement est effectuée principalement par le
CEA, dans le cadre d'accords de collaboration tripartite avec les partenaires
industriels EDF et Framatome.
En Allemagne, elle est principalement effectuée par le Centre de
recherche de Karlsruhe (FZK) en collaboration avec les partenaires industriels
Siemens et les électriciens allemands et par divers laboratoires
universitaires et industriels dans le cadre d'un groupement de recherche AGIK
(Arbeits-Gruppe-Innovative-Kerntechnik).
Un accord de coopération entre le CEA et FZK permet d'harmoniser les
actions de recherche et développement dans les deux pays.
Par ailleurs, il existe de nombreuses coopérations internationales aux
niveaux européen et mondial, principalement dans le domaine de la
sûreté.
Le coût de la phase d'optimisation est estimé à
344 millions de francs, également partagés à
égalité entre les partenaires allemands et français avec
la même répartition que dans la phase précédente
entre EDF (2/3) et Framatome (1/3) pour la part française.
Récemment,
des tensions
ont quelque peu troublé la
sérénité de la coopération franco-allemande
concernant le projet de réacteur EPR. Elles ont conduit certains
à s'inquiéter de la pérennité de celle-ci.
Après les préoccupations manifestées par Siemens à
l'occasion du projet de fusion entre Framatome et Gec-Alsthom
évoqué un temps, c'est aujourd'hui l'alliance de Siemens avec le
britannique BNFL -à l'automne prochain- qui suscite des interrogations
en France. BNFL est, en effet, concurrent des Français dans la
fourniture des combustibles et des services de retraitement.
Siemens assure vouloir poursuivre la coopération et s'estime convaincu
que son rapprochement avec BNFL ne risque en aucune manière de nous
pénaliser sur l'EPR. Il n'en reste pas moins que si Siemens et Framatome
font alliance en Turquie et en Europe de l'Est, ils restent concurrents sur le
plus grand marché potentiel : la Chine.
b) Un premier impératif : l'EPR doit être la " Rolls " de la sûreté
Le
projet EPR est qualifié d'" évolutionnaire ", en ce
sens qu'il s'inscrit dans la continuité des réacteurs N4
français et Konvoi allemand, dont il retient les meilleures options.
Au-delà et pour la première fois, il intègre des objectifs
de radio-protection et des hypothèses d'accidents graves dès la
conception du réacteur, impliquant la fusion du coeur.
D'une façon générale,
les exigences en termes de
sûreté sont très élevées
. Il s'agit de
répondre à une double préoccupation :
- d'une part, réduire encore les risques d'incidents ou d'accidents
en améliorant la fiabilité des systèmes et
matériels ;
- d'autre part, favoriser la sûreté en exploitation en
facilitant les opérations d'exploitation courante, conduite et
entretien, et en rendant encore plus performants les moyens et la
facilité de diagnostic en situations incidentelles ou accidentelles.
Rappelons que les autorités de sûreté françaises
devront approuver le concept de l'EPR, la DSIN devant notamment élaborer
un " rapport préliminaire de sûreté ", avant que
le Gouvernement puisse prendre un éventuel décret d'autorisation
de création d'une centrale de ce type.
c) Un second impératif : la " surcompétitivité " économique
La
compétitivité constitue le second impératif majeur du
futur réacteur EPR, et pourra être obtenue grâce à
une amélioration à la fois des performances et de la
disponibilité.
Au stade actuel des recherches, on peut se féliciter des
résultats prometteurs obtenus en ce qui concerne le coût du
kilowatt/heure (kWh) attendu des futures centrales nucléaires
intégrant un îlot nucléaire de conception EPR. Les
études montrent que l'utilisation judicieuse du retour
d'expérience des tranches existantes, la confrontation des
expériences allemandes et françaises et l'intégration
dès la conception de l'objectif d'optimisation économique
globale, devraient permettre d'obtenir une réduction significative du
coût du kWh, y compris en acceptant certains coûts d'investissement
supplémentaires liés à la poursuite de
l'amélioration de la sûreté.
Il faut avoir conscience qu'eu égard au surcoût
d'investissement d'une centrale nucléaire par rapport à des
centrales classiques concurrentes (au charbon et au gaz), le choix -tant en
France qu'à l'étranger- du nucléaire ne pourra se
justifier que si le kilowatt/heure nucléaire s'avère
surcompétitif par rapport aux autres technologies.
D'après nombre de personnes auditionnées par la commission
d'enquête, on peut penser que tel sera le cas.
A cet égard, les électriciens français et allemands
estiment que le projet comporte encore des marges significatives
d'amélioration de sa compétitivité économique, qui
pourraient être dégagées lors de sa phase d'optimisation.
A l'heure actuelle, on évalue à seulement 17 centimes le
coût de production du kilowatt/heure qui serait produit par la
technologie de l'EPR et ses concepteurs s'emploient à abaisser encore ce
seuil
61(
*
)
.
Dans ces conditions, il reste à éclaircir les conditions dans
lesquelles pourra être mis en service le réacteur EPR.
d) Le problème du calendrier de mise en oeuvre du réacteur EPR
Si le
réacteur EPR satisfait aux exigences en termes de sûreté et
de compétitivité, dans quelles conditions pourra-t-il, s'il
recueille également l'acceptation du public, être mis en service ?
A cet égard, il semble que deux calendriers puissent être
envisagés :
L'hypothèse " au plus tôt "
: avec le lancement
d'une première réalisation dans le prolongement de la phase
d'optimisation du projet. Selon le CEA, ceci impliquerait qu'une
décision soit prise vers 2000, conduisant à un début de
construction vers 2002, pour un démarrage à l'horizon 2008. La
DSIN, dans cette hypothèse, envisagerait plutôt une mise en
service en 2009
62(
*
)
.
Cette première réalisation, qui jouerait le rôle d'un
démonstrateur a la faveur de Framatome, dans la mesure où elle
permettrait de valider la conception du réacteur, d'établir la
compétitivité future du palier et d'assurer le retour
d'expérience. Elle permettrait également plus facilement au
constructeur d'entretenir son savoir-faire.
En outre, elle faciliterait les exportations de centrales fonctionnant avec un
réacteur EPR à l'étranger. Enfin, cette hypothèse
est considérée par le CEA comme étant celle qui
permettrait le mieux de maintenir l'option nucléaire ouverte à
l'horizon 2010.
Un tel calendrier ne pourrait cependant se heurter à la situation du
nucléaire dans les deux pays concepteurs : forte opposition à
l'heure actuelle de l'opinion publique et volonté de diversification
énergétique en Allemagne ; relative jeunesse du parc
nucléaire et surcapacité de production
d'électricité en France
63(
*
)
.
La construction d'une pré-série pose également le
problème du financement. En effet, on ne bénéficierait pas
dans ce cas de l'effet d'économies d'échelle permis par le
lancement d'une série.
L'hypothèse " au plus tard "
entraînerait le
lancement de la première réalisation directement dans le cadre
d'un palier, dans l'objectif de remplacer les réacteurs du palier
900 MW qui seront arrêtés à partir de 2017, dans
l'hypothèse actuellement envisagée d'une durée de vie de
quarante ans.
Dans ces conditions, le choix du calendrier de lancement d'une centrale
fonctionnant avec le réacteur EPR apparaît à certains
prématuré.
Il convient, en tout état de cause,
d'attendre l'agrément du projet EPR par l'autorité de tutelle
(qui devrait se prononcer, en principe, fin 1999). Dans le respect des
prescriptions de ce dernier,
il conviendra cependant de prendre position
assez rapidement, les facteurs de nature à conditionner l'arbitrage
étant les suivants
:
- conditions de sûreté, de compétitivité et
d'impact sur l'environnement d'une telle centrale ;
-
durée de vie des centrales actuelles
, qui dépend
à la fois de leur degré d'usure, de leur niveau global de
sûreté, de leur compétitivité
économique
64(
*
)
et de la décision
politique de fermeture ;
- conditions du maintien de l'outil industriel et des savoir-faire des
constructeurs ;
- nécessité d'exporter cette technologie, ce qui pourrait
être rendu plus difficile en l'absence d'une sorte de
" vitrine " européenne.
C'est pourquoi votre commission d'enquête se prononce en faveur de la
première hypothèse, c'est-à-dire du lancement au plus
tôt d'un réacteur EPR, et estime que la France pourrait proposer
un site pour l'accueillir celui-ci.
L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
technologiques vient d'ailleurs de se prononcer, par la voix de notre
collègue député Claude Birraux, pour le lancement d'un
réacteur de ce type, dès 2003,
"
sinon, le tissu
scientifique et industriel se délitera, et le coût
nécessaire à la reconstitution des compétences serait
prohibitif
.
2. Les réacteurs hybrides
a) L'intérêt du concept de réacteur hybride
L'intérêt renouvelé, depuis la fin des
années 1980, pour le concept de réacteur hybride
65(
*
)
tient certes au rôle que ce dernier pourrait
jouer pour la production d'énergie, mais surtout à la
réflexion sur les concepts innovants concernant la transmutation des
déchets à vie longue.
Ce concept a été repris par une équipe américaine
de Los Alamos, avec comme objectif premier la destruction sous haut flux
neutronique des déchets radioactifs. Les Japonais ont suivi avec le
projet Omega mais le sujet a surtout été popularisé
à partir de 1993 par le professeur Carlo Rubbia, qui anime les travaux
d'une équipe du CERN. Les projets successifs du professeur Rubbia ont
balayé des concepts assez différents les uns des autres et leurs
objectifs ont un peu évolué. Ainsi qu'il a été dit
à votre commission d'enquête à l'occasion des contacts
qu'il a eu avec l'équipe du prix Nobel, après avoir surtout mis
en avant les qualités de sûreté, voire de
non-prolifération de son réacteur hybride (ou
" Amplificateur d'Energie ", dans sa version la plus récente),
le Pr Rubbia souligne aujourd'hui qu'il est particulièrement bien
adapté à la transmutation des déchets radioactifs à
vie longue.
S'agissant de l'aspect sûreté
de ce type de
réacteur, il n'est possible que de donner un avis à
caractère très général, car la sûreté
ne peut s'apprécier réellement qu'au stade d'un avant-projet
détaillé. Selon le CEA, le fait que le milieu multiplicateur soit
sous-critique, à condition qu'il le reste, localement, en toutes
circonstances,
éliminerait la classe d'accidents dits " de
réactivité ".
C'est un accident de ce type qui a
provoqué la catastrophe de Tchernobyl, mais il faut relever que cette
classe d'accident ne contribue que très faiblement au risque total dans
les réacteurs à eau (qui constituent l'essentiel des parcs
nucléaires occidentaux).
La contribution principale au risque serait
l'interruption de
refroidissement du coeur après arrêt du réacteur, alors que
subsiste une puissance résiduelle
dégagée par les
désintégrations radioactives des produits de fission.
Pour la
transmutation des déchets radioactifs
, il vaut mieux que
le coeur du réacteur hybride soit à neutrons rapides. Tel est le
cas de l'Amplificateur d'Énergie du Pr. Rubbia. Du bilan des
études réalisées, il résulte -selon EDF- que les
systèmes hybrides présentent a priori des avantages non
décisifs toutefois, pour l'incinération spécifique des
actinides mineurs.
Selon le CEA, on conçoit mal pourquoi on ferait l'effort
considérable de développer ces systèmes très
complexes, sans avoir clairement identifié un
" créneau " où ils auraient des chances de se
révéler significativement supérieurs aux réacteurs
" critiques " modernes, REP ou réacteurs à neutrons
rapides. Aujourd'hui, il ne semble pas que ce créneau puisse être
la production économique et sûre d'électricité.
En revanche, toujours selon le CEA, les réacteurs hybrides seraient
particulièrement bien adaptés, de par leurs
caractéristiques neutroniques, au créneau de la transmutation des
déchets radioactifs à vie longue, surtout dans les
scénarios où l'on choisirait de concentrer le maximum de
déchets dans un minimum de réacteurs
incinérateurs.
b) Vers une installation expérimentale
En
France, les études sur les réacteurs hybrides en sont
au stade
de la recherche " amont ".
Depuis le 1er janvier 1996, toutes les études engagées par
l'Institut de Physique Nucléaire de Grenoble, le CERN, le CEA, le CNRS
et EDF sont désormais coordonnées au sein du groupement de
recherches GEDEON, dont le sigle (Gestion des Déchets par des Options
Nouvelles) indique bien l'objectif directeur. Initialement créé
par le CEA, le CNRS et EDF, il a accueilli Framatome an début 1998 et
l'ANDRA est représentée au Conseil de Groupement.
Il semble que les résultats obtenus aujourd'hui soient suffisamment
encourageants et que le concept ait acquis aujourd'hui une certaine
crédibilité technologique pour que les études
correspondantes soient approfondies et que soit envisagée, si leurs
conclusions en confirmaient l'intérêt, la réalisation d'une
installation expérimentale.
Il apparaît cependant clairement que si une machine de
démonstration était construite, ce ne pourrait être que
dans un cadre plurinational européen et avec une contribution
financière de l'Union européenne.
On peut penser que la convergence plurinationale sur un démonstrateur
unique amènera à écarter beaucoup d'options dans le
très large éventail de ce qui apparaît conceptuellement
possible, ne serait-ce que pour des questions de calendrier.
Il sera donc
important de continuer à mener en parallèle des actions de
recherche et développement sur les plus prometteuses des options
écartées
.
La construction d'une installation de démonstrateur apparaît
comme une étape indispensable aux yeux de bien des experts.
Elle
permettrait notamment de qualifier les performances d'une telle machine
d'incinération pour des actinides mineurs, ce qui doit être
logiquement la finalité effective d'une telle installation pour
répondre à la loi du 31 décembre 1991,
même si on dépasse évidemment son horizon.
Ce n'est
,
en effet,
au plus tôt qu'en 2006
, c'est-à-dire à
l'échéance posée par la loi,
qu'il pourrait être
envisagé de commencer à construire un tel
" démonstrateur
"
.
Cet objectif, fondamental, s'inscrit alors dans une démarche de
recherche et développement à long terme, du ressort des
organismes de recherche. Dès lors, ne pourrait-on envisager que la
Commission européenne la cautionne et la finance pour partie ?
N'est-il pas, par ailleurs, nécessaire de passer de collaborations
bilatérales avec nos homologues européens, japonais,
américains et russes, sur le thème des réacteurs hybrides,
à une coopération réellement plurinationale ?
Celle-ci n'est-elle pas, en effet, un préalable à la mise en
place, le moment venu, d'une structure destinée à mener
l'avant-projet, le projet, puis la réalisation éventuelle d'un
" démonstrateur " ?
S'agissant du concept de réacteur hybride, votre commission
d'enquête estime nécessaire le lancement d'un démonstrateur
expérimental d'une taille significative
.
Il pourrait, par exemple, être monté sur une installation d'une
puissance thermique d'une centaine de mégawatts alimentée par une
accélération fournissant un faisceau de 3 à 5 MW.
L'installation pourrait servir d'outil d'irradiation de combustibles innovants
à base d'actinides mineurs et de cibles de produits de fission à
vie longue, qui pourraient dans une deuxième phase être
utilisés dans le coeur sous-critique.
B. QUID DE LA FUSION NUCLÉAIRE, L'ÉNERGIE DES ÉTOILES ?
La
fusion thermo-nucléaire apparaît comme une énergie ayant un
potentiel intéressant tant du point de vue des ressources
66(
*
)
, que de la sûreté et des
déchets
, puisqu'elle ne produit pas de résidus radioactifs,
sauf du tritium, qui est certes un gaz radioactif mais de courte
période. De plus, dans la mesure où le choix des matériaux
de construction est plus large (puisque la radioactivité est moins
forte), la dangerosité des bombardements de neutrons lors de la
réaction de fusion peut être atténuée avec un choix
de matériau adéquat. Aussi, la fusion nucléaire
produit-elle moins de déchets et est-elle moins polluante que la
réaction de fission.
Cependant, ce type de réaction n'est
pas encore
maîtrisé
par les chercheurs et nécessite une ultra
haute température pour se réaliser.
D'après les
experts, son développement s'inscrit donc dans le très long
terme, probablement à l'échéance de 2050.
Si l'objectif paraît aussi ambitieux que lointain, est-il pour autant
hors de portée ? Certainement pas et, si l'on en croit la revue
scientifique
Science
67(
*
)
, les Japonais
s'en rapprocheraient. Ayant récemment inauguré le plus gros
réacteur du monde destiné à expérimenter le concept
de la fusion nucléaire, ils consacreraient à ces recherches
250 millions de dollars par an...
Pour avoir des chances d'aboutir sur une énergie véritablement
" révolutionnaire ", les programmes de recherche dans le
domaine de la fusion doivent donc être poursuivis.
Précisons qu'en Europe, les recherches sont organisées,
structurées et étroitement coordonnées autour du programme
Euratom, qui a notamment conduit à la réalisation du programme
JET (Joint European Torus), installé en Grande-Bretagne et aujourd'hui
fer de lance du programme européen. Il faut noter que le réacteur
Tore Supra, installé à Cadarache, a réalisé il y a
deux ans, une expérimentation de deux minutes.
Il s'agit là d'un programme unique de coordination des recherches dans
l'Union européenne. Celles-ci font également l'objet d'une
collaboration internationale définie par l'accord ITER-EDA. Cet accord
regroupe les Etats-Unis, le Japon, la Russie et l'Union européenne,
auxquels se sont joints le Canada et la Suisse. Il se donne pour mission la
définition détaillée, pour juillet 1998, du tokamak ITER
(International Thermonuclear Experimental Reactor). Une prolongation de trois
ans de la phase EDA (Engineering Design Activities) est envisagée et
doit être discutée entre les partenaires au cours du premier
semestre 1998.
L'Europe est à la pointe sur les recherches en fusion, tant au plan
scientifique que technologique. Il paraît important de valoriser cette
position par une attitude forte dans la préparation de la prochaine
étape.
Le terme des recherches est long, mais il convient de noter les échelles
de temps nécessaires à chaque étape : JET a
été décidé à la fin des années 1970
et a produit 16 MW de fusion pendant une seconde fin 1997. La prochaine
étape expérimentale portera pleinement ses fruits environ vingt
années après la décision de construction. Une certaine
stabilité est donc nécessaire à la conduite d'un tel
programme.
IV. GÉRER L'AVAL DU CYCLE
Après un séjour de trois à quatre
années
dans le coeur d'un réacteur nucléaire, le combustible usé
et ses déchets doivent faire l'objet d'une gestion particulière.
C'est ce que l'on appelle la fin du cycle ou l'aval du cycle. Ce moment du
processus de production nucléaire, particulièrement
délicat en raison des inquiétudes qu'il suscite, doit être
géré d'une façon acceptée par l'opinion, dans un
cadre législatif strictement établi.
Les détracteurs de l'industrie nucléaire accusent cette
dernière de fuite en avant, au motif que le problème de ces
déchets radioactifs ne se trouve pas totalement réglé
aujourd'hui.
Il ne faut cependant oublier que le retraitement et le recyclage des
combustibles usés apportent d'ores et déjà une
réponse partielle à ce problème. Encore convient-il de ne
pas remettre en cause insidieusement cette filière.
Des recherches intensives sont, par ailleurs, menées afin de permettre
aux pouvoirs publics de prendre les décisions les plus adéquates,
sur des bases scientifiques incontestables.
Les
grandes orientations relatives aux recherches sur les déchets
radioactifs à haute activité et à vie longue ont
été fixées par la loi n° 91-1381 du
30 décembre 1991.
Celle-ci prévoit des recherches sur :
- des solutions permettant la séparation et la transmutation des
éléments radioactifs à vie longue présents dans ces
déchets ;
- des possibilités de stockage réversible ou
irréversible dans les formations géologiques profondes, notamment
grâce à la réalisation de laboratoires souterrains ;
- des procédés de conditionnement et d'entreposage de longue
durée en surface de ces déchets.
Il sera sans doute nécessaire de recourir à ces trois
solutions qui ne sont pas exclusives les unes des autres, mais
complémentaires. Dans cette perspective, l'arrêt de
Superphénix apparaît comme une grave erreur, que le
redémarrage de Phénix ne saurait compenser.
A. LE RETRAITEMENT-RECYCLAGE : CONFORTONS CETTE SOLUTION POUR LA GESTION DES COMBUSTIBLES USÉS
1. Une solution respectueuse de l'environnement
Votre
commission d'enquête est convaincue que la préservation du milieu
naturel et des intérêts des générations futures
passe, à la fois, par la réduction des rejets toxiques, la
diminution du volume des déchets ultimes à stocker et la
récupération des matières valorisables pour recyclage.
Or, le retraitement-recyclage satisfait cet objectif de protection de
l'environnement. Il permet tout à la fois de recycler environ 95 %
du contenu du combustible usé, d'économiser des ressources
énergétiques naturelles
68(
*
)
et de
diminuer le volume des déchets en les conditionnant de manière
optimale et en réduisant leur toxicité.
Avec le retraitement-recyclage, on peut diviser par quatre le volume des
déchets ultimes à stocker et par dix leur radiotoxicité.
Le développement de l'électronucléaire et le retraitement
apparaissent difficilement dissociables.
Dès le début de la production industrielle
d'électricité nucléaire, la solution du
retraitement-recyclage est apparue comme la plus raisonnable pour gérer
les combustibles usés.
La France n'a pas été la seule à opérer ce
choix
. La Grande-Bretagne, le Japon, la Russie ont clairement pris cette
option. D'autres pays, dont le parc de centrales est insuffisant pour justifier
l'implantation d'une usine de retraitement sur leur territoire, recourent aux
services de pays étrangers.
C'est ainsi que l'usine de la COGEMA
à La Hague a conclu un certain nombre de contrats de retraitement avec
des électriciens étrangers,
qui récupèrent
ensuite leurs déchets.
Ceci contribue à l'équilibre de
nos échanges extérieurs à hauteur de 7 milliards de
francs par an.
Les Japonais sont également conscients de l'enjeu économique du
retraitement. Un récent rapport, réalisé pour le compte de
leurs électriciens, de l'Agence pour les ressources naturelles et
l'énergie et de l'Agence pour la science et la technologie, d'une part,
qualifie le combustible usé de " ressource de combustible
recyclable " et, d'autre part, le considère comme une source
d'énergie de valeur pour l'avenir, notamment lorsque l'équilibre
entre l'offre et la demande d'uranium se " tendra ".
Cependant, l'usine de La Hague fait l'objet, depuis quelques mois, d'attaques
répétées.
2. Le risque d'une mise en cause insidieuse de la filière du retraitement
a) Controverse autour de La Hague
Une
controverse s'est développée depuis le début de
l'été 1997, sur les risques que susciteraient les
installations de La Hague.
• Certains mettent en avant l'impact des
rejets
de ses
installations sur l'environnement. Celui-ci est cependant
en constante
diminution
et ne représente par exemple sur le site de La Hague, que
moins de 0,02 millisievert (mSv)
69(
*
)
dans
l'environnement immédiat du site, alors que les instances
internationales ont fixé par précaution le seuil
réglementaire à 1 millisievert
70(
*
)
.
Comme l'a rappelé le professeur Georges Charpak devant votre commission
d'enquête,
cet impact représente moins de 1 % de l'impact
de la radioactivité naturelle en France
(2,4 mSv). Il est
négligeable devant les fluctuations géographiques de cette
radioactivité naturelle (en France : de 1 à 6 mSv). Il est
enfin du même ordre de grandeur que l'impact radiologique d'une centrale
de 1.000 mégawatts brûlant du charbon, du seul fait des
radioéléments naturels contenus dans le charbon.
La thèse défendue par Jean-François Viel et par Dominique
Pobel, impliqués avec leurs collègues de l'INSERM depuis 1990
dans la surveillance du site, était qu'on ne pouvait exclure, en 1995,
à partir de l'étude descriptive des statistiques
géographiques, un excès de leucémies infantiles au
voisinage de La Hague. L'étude, bien que statistiquement non
significative, montrait dans le canton de Beaumont-La Hague un excès de
leucémies de quatre cas observés pour 1,4 attendu dans
la tranche d'âge de 0 à 24 ans entre 1978 et 1993.
Or, outre que cet écart peut être attribué au
hasard
71(
*
)
,
il n'a jamais été
prouvé que ces leucémies résultaient d'une exposition aux
radiations ionisantes émanant de la centrale de La Hague
. On sait en
effet que les radiations ionisantes sont cause de leucémies, mais pas
aux doses auxquelles sont exposées les populations au voisinage des
centrales fonctionnant normalement. Telles étaient les conclusions du
rapport du professeur Spira remis aux ministres de l'environnement et de la
santé en octobre 1997 et recommandant la poursuite des travaux
amorcés par MM. Viel et Pobel.
La controverse n'a cependant pas été inutile,
dans la
mesure où elle a permis de mettre en évidence certaines
vérités et de remédier à certains
dysfonctionnements.
Elle a permis de clarifier une situation
perturbée
, même si les conséquences sur
l'économie touristique de cette région ont pu avoir de
manière temporaire une incidence fâcheuse.
Ainsi,
des situations anormales ont été corrigées
,
comme celle pouvant conduire éventuellement à l'exposition du
public par un séjour à proximité du tuyau évacuant
les effluents liquides au cours de marées de forts coefficients.
Un
contrôle indépendant de l'exploitant a pu être
réalisé
au lieu même de rejet et à 1,7 km
en mer, montrant le caractère très limité de
l'accumulation des éléments radioactifs dans les sédiments
et constatant le faible impact sur la faune locale éventuellement
destinée à la consommation de l'homme.
Plus généralement, le problème de l'indépendance du
réseau de prélèvements pour les fins du contrôle
réglementaire a été soulevé
et a
été retenue la nécessité de mettre en place une
organisation spécifique
, offrant au public la garantie
nécessaire de séparation du contrôleur et du
contrôlé, quand bien même la bonne foi et la
technicité de l'exploitant ne peuvent être mises en question.
L'actualité récente vient de nous fournir une nouvelle
illustration de la
nécessité d'introduire davantage de
rationalité, mais aussi peut-être de transparence
, dans ce
type d'information, avec les problèmes de mesure de la contamination
résiduelle des emballages de combustibles usés acheminés
l'an dernier depuis des centrales nucléaires jusqu'au centre de
retraitement de La Hague.
b) Le transport ferroviaire des combustibles usés
Chaque
année, environ 200 conteneurs de combustibles irradiés quittent
les centrales nucléaires d'EDF à destination de l'usine de
retraitement de la COGEMA à La Hague. Ces conteneurs sont presque tous
transportés par rail jusqu'au terminal ferroviaire de Valognes, dans la
Manche.
Or, comme l'a confirmé le directeur de la sûreté des
installations nucléaires (DSIN), depuis le début des
années 1990 au moins il a été constaté par la
COGEMA à l'arrivée à Valognes, une contamination
surfacique d'un pourcentage important de ces conteneurs et/ou wagons de
transport. Ainsi, en 1997, 35 % des convois utilisés par EDF
présentaient une contamination surfacique, en au moins un point, sur les
150 points de contrôle, supérieure à la limite
réglementaire. Celle-ci est fixée à 4 becquerels par
cm² (norme internationale correspondant à un seuil de
propreté qui est très inférieur à tout seuil
sanitaire).
La COGEMA a régulièrement informé EDF de cette situation,
mais l'établissement public semble avoir fait preuve de
négligence en ce domaine.
Ceci est très regrettable
,
et, comme l'indiquait
72(
*
)
notre collègue
Jean-François Le Grand, président du conseil
général de la Manche : "
A chaque fois que vous ne
dites pas quelque chose et que quelqu'un d'autre le découvre, il y a
immédiatement suspicion ".
Cette suspicion a un impact négatif, tant sur les entreprises
concernées que sur l'économie touristique de la région,
alors que les conséquences sanitaires de cette contamination
résiduelle des emballages
de combustibles usés
semblent
inexistantes
, comme l'affirme le rapport remis au Gouvernement le
13 mai dernier par M. LACOSTE, directeur de la DSIN.
"
Au plan sanitaire, il ressort des premières investigations que
le non-respect de la norme de 4
becquerels par cm² ne semble
pas avoir eu de conséquences car
les réglementations
sanitaires sont respectées tant pour les travailleurs de COGEMA à
Valognes que pour le public ;
- pour les travailleurs de COGEMA, la dose maximale atteinte a
été de 3,85 mSv/an à comparer à une norme de
20 mSv/an ;
- pour le public, la dernière estimation très majorante
calculée par l'IPSN est de 0,003 mSv/h à
2 mètres du convoi, à comparer avec une norme de
0,1 mSv/h ;
-
les doses susceptibles d'avoir été reçues par le
personnel de la
SNCF restent à préciser.
Elles doivent a
priori être nettement inférieures à celles du personnel de
COGEMA.
"
En dépit de l'absence de risque sanitaire, il ne conviendrait pas moins
de remédier à cette situation qui a été entretenue
par l'absence de rigueur et de clarté dans le comportement des
exploitants, par les divergences de méthodes de calcul pour les
contrôles effectués respectivement par EDF -au départ des
convois- et par la COGEMA -à leur arrivée- et, sans doute,
par
l'absence d'un contrôle réel exercé au nom de
l'État.
Depuis juin 1997, la situation s'est cependant
améliorée : le contrôle de la sûreté du
transport des matières radioactives et fissiles à usage civil a
été confié à la DSIN et le pourcentage de
conteneurs contaminés est descendu à environ 15 % en 1998.
Dans ce contexte, votre commission d'enquête souhaite que le
Gouvernement veille à ce que l'opinion publique soit informée
dans la transparence, et non manipulée comme d'aucuns tentent de le
faire.
Prenons donc garde aux conséquences désastreuses d'une
déstabilisation de la filière nucléaire, entretenant les
peurs irrationnelles qu'inspire une énergie qui reste marquée
dans la mémoire collective par la tragédie d'Hiroshima.
*
* *
Le
retraitement-recyclage contribue significativement à une gestion
rationnelle et maîtrisée de la France et de la planète. Il
présente incontestablement des avantages spécifiques en termes
d'économies de la fin du cycle, par une gestion rigoureuse et
optimisée des déchets ultimes.
Votre commission d'enquête souhaite, par conséquent, que l'option
du retraitement soit confortée.
Celui-ci ne permet cependant pas d'éliminer ces derniers. Aussi
convient-il de poursuivre activement les recherches permettant de traiter le
sort de ces déchets.
B. POURSUIVONS ACTIVEMENT LES VOIES DE RECHERCHE POUR LE TRAITEMENT DES DÉCHETS HAUTEMENT RADIOACTIFS ET À VIE LONGUE FIXÉES PAR LOI DE 1991
1. Trois axes de recherche complémentaires pour le rendez-vous de 2006
Le
Gouvernement a souhaité que soient établies des propositions
stratégiques pour l'aval du cycle du combustible nucléaire,
à la suite des remarques faites tant par l'Office parlementaire des
choix scientifiques et technologiques que par la Commission nationale
d'évaluation. Il convient, en effet, d'expliciter de manière
claire et cohérente la stratégie poursuivie à long terme
sur l'aval du cycle nucléaire.
Un rapport de juin 1997 effectue la synthèse des travaux
menés en ce sens sous l'égide d'un comité de pilotage
composé des représentants des administrations concernées
et de l'Office parlementaire précité, et coprésidé
par M. Claude Mandil, directeur général de
l'énergie et des matières premières, et
M. Philippe Vesseron, directeur de la prévention des
pollutions et des risques.
Ses conclusions sont extrêmement intéressantes et méritent
d'être brièvement rappelées.
Propositions d'orientations stratégiques pour l'aval du cycle du rapport Mandil-Vesseron
Pour
l'essentiel, ce rapport conclut qu'il convient de maintenir au maximum la
flexibilité actuelle afin de ne pas compromettre dès maintenant
certaines options qui pourraient s'avérer pertinentes au-delà de
2006.
Le maintien de la flexibilité de la stratégie actuelle, qui
laisse ouvertes pour l'avenir toutes les voies possibles, suppose que
:
les travaux de recherche menés dans le cadre de la loi du
30 décembre 1991 continuent d'être conduits à un
rythme soutenu, et en couvrant de manière équilibrée les
trois axes de recherches prévus par la loi :
séparation/transmutation des déchets radioactifs à vie
longue ; étude des possibilités de stockage réversible et
irréversible en profondeur ; conditionnement et entreposage en
surface de longue durée ;
les décisions concernant la disponibilité des outils
nécessaires à ces recherches soient telles que le rendez-vous de
2006 fixé par la loi du 30 décembre 1991 soit tenu.
Les travaux de recherches prévus par la loi, qui concernent toutes les
techniques de l'aval du cycle, dépendent bien entendu de la
disponibilité des outils de recherches et de développement
correspondants. Ils sont donc liés aux autorisations concernant les
laboratoires souterrains de recherches pour l'étude des
possibilités de stockage en profondeur, à la poursuite du
fonctionnement ou à la disponibilité de réacteurs et de
dispositifs permettant de réaliser des expérimentations sur la
transmutation des déchets à vie longue, à la mise en
service et à l'exploitation des laboratoires pour les
expérimentations de séparation ou de conditionnement des
déchets à vie longue ;
l'aval du cycle continue de faire l'objet d'une veille prenant en
compte les différents aspects du dossier.
Il s'agit :
- des aspects économiques, avec le suivi de l'évolution des
ressources en matières premières énergétiques ;
- des aspects techniques, en nouant en tant que de besoin des
coopérations avec nos partenaires étrangers, que ce soit dans le
domaine industriel ou dans le domaine de la sûreté ;
- des aspects internationaux, avec le suivi des stratégies
nationales adoptées par les autres pays ;
- des aspects réglementaires, qui concernent entre autres la
sûreté, les normes en matière de radioprotection pour les
travailleurs et pour le public, les rejets et les transports, voire la
non-prolifération ;
- des aspects sûreté et évaluation de l'impact sur
l'environnement en ce qui concerne les méthodologies d'évaluation
des risques à des horizons temporels très différents, de
manière à mieux préciser les impacts respectifs des
actinides et des produits de fission sur l'environnement.
Dans le cadre de cette veille sur l'aval du cycle, une attention
particulière devra être prêtée à la
comparaison détaillée entre les multiples solutions disponibles,
en tenant compte de l'ensemble des critères pertinents, et au vu des
résultats obtenus dans le cadre des recherches conduites au titre de la
loi du 30 décembre 1991 ;
et, enfin, que la stratégie actuelle puisse continuer de se
développer jusqu'en 2006 en optimisant les performances du parc
actuel.
Cette optimisation passe par l'autorisation de charger en combustible MOX les
douze réacteurs de 900 MW (ceux-ci ne sont pas encore
autorisés à le faire), par l'extension des capacités
d'entreposage de l'uranium issu du retraitement, et par l'augmentation des taux
d'irradiation du combustible, sous réserve bien entendu d'une analyse de
sûreté préalable.
2. Une décision voyante et inopportune en termes de recherche sur la transmutation : l'arrêt de Superphénix
a) Phénix et Superphénix ne sont pas substituables : ils sont complémentaires
La
technologie des neutrons rapides permet, entre autres, l'incinération
d'éléments radioactifs : l'énergie et le flux des neutrons
produits y sont suffisamment importants pour casser ou transmuter des noyaux
lourds ou des produits de fission, transformant ainsi les
éléments radioactifs à vie longue en
éléments à vie plus courte, voire en
éléments stables. A la clé : moins de déchets
à gérer à long terme...
C'est pourquoi, les recherches utilisant des neutrons rapides se sont
imposées comme pouvant répondre à la loi
précitée du 30 décembre 1991. En vertu de cette
dernière, on l'a dit, la France doit mener d'ici à 2006 toutes
les recherches possibles pour permettre au Parlement de prendre une
décision sur le sort des déchets à vie longue produits par
les réacteurs classiques.
Précurseur du réacteur de taille industrielle Superphénix,
Phénix est désormais le seul réacteur français
à utiliser des neutrons rapides. On attend de ce réacteur la
poursuite, au moins pour partie, de deux programmes en cours :
- CAPRA (consommation accrue de plutonium dans les réacteurs
rapides) qui concerne l'incinération du plutonium, principal
élément radiotoxique à vie longue issu des
réacteurs de type REP actuels ;
- une partie du programme SPIN (séparation, incinération)
qui concerne la transmutation des actinides mineurs et des produits de fission
à vie longue, la séparation étant du ressort de la chimie.
Si Phénix présente certains avantages liés à la
souplesse que permet un instrument de recherche de petite taille, les limites
qu'il imposera aux recherches sont telles qu'il apparaît comme
complémentaire et non substituable à Superphénix en termes
de recherches sur la transmutation.
Il est intéressant, à cet égard, de rappeler quelques
passages du rapport remis au Premier ministre par le ministre de la Recherche,
le 17 décembre 1992 :
" Phénix
est flexible avec ses cycles courts de
trois mois qui permettent un suivi fin des évolutions sous irradiation,
en particulier :
- validation des paramètres neutroniques des actinides,
- comportement métallurgique et mécanique
d'échantillons de combustibles à base d'actinides.
Ce réacteur présente
par contre les
inconvénients suivants :
- il risque d'atteindre sa fin de vie dans quelques années,
- il n'est pas représentatif des conditions d'incinération
d'un réacteur industriel,
- il ne permet pas de qualification du procédé
d'incinération à une échelle significative,
- il ne permet pas d'atteindre des taux d'incinération
élevés.
[...]
Par contre,
Superphénix autorise
:
- la validation globale et à une échelle
préindustrielle de l'incinération d'actinides ;
- la destruction d'une quantité notable d'actinides mineurs (de
l'ordre d'une centaine de kilogrammes par an) ;
- l'expérimentation à une échelle
préindustrielle de l'incinération du
neptunium ".
b) Même " relifté ", rien ne garantit que Phénix pourra fonctionner dans des conditions satisfaisantes
Le
réacteur Phénix a démarré en 1973.
Depuis 1990,
il a connu quelques faiblesses
: des anomalies conduisant à des
baisses rapides de réactivité dans le coeur, toujours
inexpliquées, ou la découverte de fissures sur les tuyauteries
des circuits secondaires de sodium. Durant les huit dernières
années, le réacteur Phénix n'a donc guère
tourné que pour des campagnes très courtes et à
caractère expérimental.
Il a été décidé de faire subir une
cure de
rajeunissement
à ce réacteur déjà ancien. Cette
opération est estimée à
600 millions de
francs
, dont 350 millions ont d'ores et déjà
été engagés. Elle vise à la fois au contrôle
et à la rénovation de Phénix, ainsi qu'à la
création de nouveaux dispositifs, dans le détail desquels il
n'appartient pas au présent rapport de rentrer.
Il faut toutefois préciser que
l'autorisation de reprise du
fonctionnement en puissance de Phénix, accordée par
DSIN
73(
*
)
, est assortie d'un certain nombre de
conditions.
D'abord, le niveau de puissance du réacteur
doit être
limité aux deux-tiers de sa puissance nominale pendant le 50ème
cycle, qui devrait durer entre six et huit mois, puis à une puissance
encore indéterminée pour les éventuels cycles suivants.
Ensuite, s'agissant les modalités et de la durée de
fonctionnement de Phénix,
les expérimentations menées
pendant le 50ème cycle sont destinées à préparer le
programme de recherche à mener d'ici à 2004. Il faut cependant
relever que ce cycle se voit repoussé de quelques semaines en raison
d'une erreur sans gravité.
A l'issue de ce cycle, l'arrêt du réacteur, déjà
prévu pour la visite décennale, devra permettre de
contrôler les structures internes du réacteur ainsi que de
réaliser des travaux de remise à niveau sismique des
bâtiments. Cet arrêt est prévu pour une durée d'un an.
Les cycles de fonctionnement suivants, jusqu'en 2004, pourront avoir lieu soit
à pleine puissance, soit à puissance toujours réduite aux
deux-tiers, suivant la façon dont aura été conduite la
rénovation des circuits secondaires.
Enfin
, deux années sont prévues pour
exploiter les
résultats des recherches
qui auront pu être effectuées,
dans le but de soumettre des conclusions au Parlement pour 2006.
Il faut cependant souligner que les conditions de réalisation de
chacun des prochains cycles de fonctionnement de Phénix seront soumises
à l'accord préalable de la DSIN.
Or, rien ne garantit aujourd'hui que les contrôles et les travaux de
rénovation prévus seront suffisamment concluants pour que ces
autorisations soient accordées en l'an 2000.
c) Revenons sur cette grave erreur tant qu'il en est encore temps
Votre
commission d'enquête ne peut donc que constater, pour le déplorer,
que le Gouvernement:
- abandonne un réacteur pouvant aujourd'hui fonctionner dans des
conditions économiques et de sûreté satisfaisantes ;
- tente de lui substituer un réacteur plus ancien, moins
performant, n'autorisant pas les mêmes recherches et, au demeurant, sans
garantie quant à son fonctionnement supposé jusqu'en 2004.
La décision de fermer Superphénix n'est pas encore
irréversible. Elle le sera d'ici un an environ,
quand les
opérations de mise à l'arrêt auront progressé et que
les équipes compétentes auront été
dispersées.
Dans ce contexte, et en conclusion logique de tous les arguments qu'elle a
avancés, votre commission d'enquête se prononce clairement en
faveur du retrait de cette décision.
A tout le moins, le respect de la démocratie supposerait qu'un
débat -suivi d'un vote- soit organisé au sein des
assemblées parlementaires.
Il apparaît, en effet, normal que
la représentation nationale puisse, en toute connaissance de cause,
juger du sort qu'il convient de réserver à ce puissant outil de
recherche.
3. Une non-décision voyante : l'implantation de laboratoires en vue d'étudier le stockage souterrain des déchets ultimes
a) Ne différons pas davantage l'implantation de laboratoires souterrains
En
l'absence de certitude quant à notre capacité future de
transmuter les déchets à vie très longue en déchets
à vie courte, il faut étudier la possibilité de stocker
les déchets hautement radioactifs et à vie longue dans des
formations géologiques profondes (probablement entre 400 et
600 mètres de profondeur).
L'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) a
procédé aux investigations nécessaires.
Les conseils
généraux des sites pressentis se sont prononcés
favorablement à l'implantation d'un tel laboratoire sur leur territoire,
de même que la très large majorité des communes
concernées
. La commission d'enquête publique a donné un
avis favorable à celle-ci.
Dans un rapport du 10 avril 1996, la DSIN a conclu qu'aucun des trois
sites ne présentait de caractère rédhibitoire du point de
vue de la sûreté pour permettre l'installation et l'exploitation
d'un laboratoire souterrain.
En outre, dans un rapport adressé le 1er décembre 1997
au ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement et au
secrétaire d'Etat à l'industrie, la DSIN estime qu'il existe une
obligation de résultat dans ce domaine, le Gouvernement devant
être, en 2006 au plus tard, en position de faire des propositions au
Parlement sur la faisabilité d'un stockage géologique profond,
réversible ou irréversible.
Elle rappelle que dans un stockage souterrain le système de confinement
est constitué de trois barrières : les colis de déchets,
les barrières ouvragées et la barrière géologique,
aux fonctions complémentaires, même si la barrière
géologique assure un rôle essentiel en particulier à long
terme. Or, pour le moment, les résultats dont nous disposons portent
uniquement sur la barrière géologique ; un concept global du
stockage, avec l'ensemble de ces barrières et son analyse de
sûreté n'ont pas été étudiés.
A cet égard, il est intéressant de noter que la nature est plus
riche d'enseignements qu'on ne le croit, comme le montre le site de stockage
naturel d'
Oklo
au Gabon.
En effet, les chercheurs ont découvert, en 1972, que des
phénomènes de fission nucléaire avaient eu lieu
naturellement il y a 2 000 millions d'années à Oklo au
Gabon. Non seulement la nature a fait fonctionner, cinq cents ans durant, dans
les couches sédimentaires d'un gisement d'uranium, une série de
piles atomiques spontanées, mais en plus, elle a su confiner les
déchets nucléaires de ces " réacteurs
nucléaires naturels " dans la roche. Aucun signe à la
surface n'indique la présence de déchets radioactifs en
profondeur.
La DSIN indique, par ailleurs, que tous les pays disposant d'une industrie
nucléaire mènent des études sur ce type de stockage ; pour
certains d'entre eux, il constitue même la seule option possible. Des
laboratoires souterrains ont déjà été
installés dans certains pays.
74(
*
)
Aussi y-a-t-il lieu d'entreprendre les recherches au plan opérationnel,
trois sites étant envisagés pour ce faire : dans la Vienne, dans
l'Est (Haute-Marne et Meuse) et dans le Gard.
On attend cependant toujours la décision du Gouvernement sur ce
point.
Le journal
Libération
75(
*
)
s'est
interrogé dans les termes suivants : "
l'enfouissement a
même semblé remis en question. Deux ministres,
Ségolène Royal et Claude Allègre, n'ont-ils pas
renouvelé leur opposition au stockage profond ?
".
Votre commission d'enquête souhaite que le Gouvernement, qui dispose
aujourd'hui de tous les éléments d'information
nécessaires, autorise rapidement l'implantation et l'exploitation d'au
moins deux laboratoires souterrains, dans des milieux géologiques
différents : granitique et argileux.
b) La question de la réversibilité d'un éventuel stockage : la décision ne presse pas.
Il ne
s'agit pas pour l'instant de décider d'implanter d'éventuels
stockages souterrains, cette décision appartenant au législateur
de 2006.
Il s'agit encore moins de débattre aujourd'hui du caractère
réversible ou non de ces éventuels stockages. Une telle
décision apparaît très largement
prématurée
: si un site de stockage est
créé, il pourra accueillir des déchets pendant au minimum
une cinquantaine d'années.
Le jour venu, il conviendra en tout état de cause de concilier les
impératifs de sûreté des déchets stockés dans
le site et de l'accès potentiel à ceux-ci. D'ici là, on
pourra prendre en compte les progrès de la science et l'évolution
de l'attitude de l'opinion publique.
Deux députés viennent d'exprimer leur souhait que la loi de
1991 soit modifiée de façon à ne retenir que l'option du
stockage réversible. Votre commission d'enquête juge que ce serait
une erreur de limiter ainsi les choix possibles pour l'avenir. Tout en
considérant l'intérêt de la réversibilité,
elle estime, au contraire, qu'au stade des recherches, toutes les options
doivent être sérieusement étudiées.
4. Une solution d'attente et complémentaire sûre : le stockage en surface ou sub-surface
Le
stockage aujourd'hui réalisé en surface des déchets est
parfaitement sûr, et les puits de La Hague devraient permettre
d'accueillir les verres contenant les produits de fission qui seront produits
d'ici à 2010. De même, il est possible de stocker le combustible
irradié non retraité.
Techniquement, l'entreposage de longue durée pourra continuer d'adopter
les technologies actuelles (verres et piscines), prendre la forme de nouveaux
bâtiments, éventuellement peu enterrés, ou encore passer
par la fabrication de nouveaux conteneurs.
Votre commission d'enquête estime qu'il convient donc de poursuivre
les recherches concernant l'entreposage longue durée.
Celui-ci ne peut cependant constituer qu'une solution d'attente -permettant
à la fois d'avancer les recherches sur les autres voies et de
réduire la toxicité des déchets- pour des déchets
dont certains seront dangereux pendant 10.000 ans, voire 100.000 ans
pour le plutonium ou l'américium.
Donnons nous les moyens de gérer les déchets à court,
moyen, et long terme et évitons toute démagogie en ce
domaine
. Car, comme l'a dit Maurice Allègre, ancien président
de l'ANDRA : "
Autour du vocable " déchets
radioactifs ", il est facile, en exploitant le laxisme dont ont fait
preuve certains pays à l'égard de ce type de déchets et en
spéculant sur la complexité des phénomènes en jeu,
de faire naître des sentiments de méfiance, voire de peur
irraisonnée. Une telle diabolisation des déchets
nucléaires serait tout aussi inadmissible qu'une présentation
lénifiante des problèmes qu'ils posent ".
V. LE TEMPS DE L'OPACITÉ EST RÉVOLU
L'avenir du secteur nucléaire souffre aujourd'hui des doutes, justifiés ou non, qui pèsent tant sur la transparence de l'information communiquée à nos concitoyens que sur la réalité et l'indépendance du contrôle effectué en matière de sûreté et de radioprotection. On en a eu des illustrations récentes avec les attaques contre l'usine de retraitement de La Hague et les modalités du transport ferroviaire de combustibles usés, évoqués ci-dessus.
A. ORGANISONS UN DIALOGUE TRANSPARENT ET CONTRADICTOIRE
Le
dialogue existe insuffisamment aujourd'hui en matière d'informations sur
le secteur nucléaire.
Les efforts de chacun sont réels et
louables, mais leurs résultats aboutissent plus à une
confrontation qu'à un réel dialogue, transparent et
constructif,
avec :
- d'un côté, ceux que d'aucuns qualifient
péjorativement de " nucléocrates " -en fait, les
professionnels du secteur- qui, après des années de certitudes
parfois excessives, ont bien du mal à communiquer informations et
explications à des médias trop souvent en quête de
sensationnel et d'événementiel ;
- et de l'autre, des associations de défense de l'environnement et
des bureaux d'études ou laboratoires indépendants toujours
convaincus de défendre " la bonne cause ", mais parfois
figés dans leurs propres préjugés.
N'est-il pas temps de sortir de cette agitation stérile pour entrer dans
l'ère du débat constructif ? Votre commission
d'enquête pense que telle est l'aspiration des Français. En outre,
il en va de la crédibilité et de la survie du secteur
nucléaire.
Pour Jean-François Viel,
l'utilisation de la science qui consiste
à prendre en compte l'évaluation du risque dans la
prévision politique est encore extrêmement peu répandue en
France contrairement aux Etats-Unis,
où il existe une
véritable culture de l'évaluation du risque. Il revient ainsi
à l'Agence de protection de l'environnement (EPA) d'évaluer les
risques et de donner des arguments aux décideurs pour prendre une
décision ou s'abstenir de la prendre sans attendre vingt ou trente ans.
C'est pourquoi
votre commission d'enquête propose
:
- un
débat
sur la politique
énergétique
. 72 % des Français le
réclament, selon un sondage SOFRES. Le Parlement aura
impérativement à y prendre une part centrale ;
- l'instauration d'une culture de l'évaluation et de la gestion
des risques, fondée sur l'impartialité et la raison, en
:
.
informant mieux les Français sur l'ensemble des risques et
incidents concernant toutes les sources d'énergie ainsi que les autres
industries,
chimiques notamment ;
.
créant un organisme
chargé de recueillir des
données contradictoires
en ce domaine et de remettre un
rapport
annuel
au Gouvernement et au Parlement.
B. RESTAURONS LA CONFIANCE DES FRANÇAIS DANS LEURS INSTANCES DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE
Sans
vouloir préjuger des conclusions de la mission que le Premier ministre a
confiée à notre collègue député,
M. Le Déaut, le 6 mars 1998, sur le contrôle
par l'État du nucléaire en France, votre commission
d'enquête souhaiterait formuler quelques propositions :
Il convient, tout d'abord, d'affirmer avec force que
la sûreté
nucléaire est assurée dans notre pays et que l'on ne saurait
mettre en cause systématiquement les instances
qui en ont la
responsabilité.
Ceci ne veut cependant pas dire que le système ne peut pas être
amélioré
en vue de bénéficier d'une totale
confiance des Français, un peu ébranlée ces derniers temps.
On ne saurait ainsi nier que les responsabilités en la matière
sont sans doute trop dispersées entre les différents organes de
contrôle de la sûreté, certains d'entre eux manquant en
outre de moyens.
Par ailleurs, le rapport précité du directeur de la
sûreté des installations nucléaires a
révélé des failles -heureusement sans conséquences
en termes de santé publique- dans la chaîne du transport
ferroviaire des combustibles usés.
Enfin, comment ne pas exiger la même vigilance et la même
transparence en matière de
radioactivité
médicale
? On a vu
76(
*
)
que
cette dernière avait des conséquences bien plus sérieuses,
car plus effectives que potentielles, pour la santé publique que la
radioactivité issue de la filière électronucléaire.
Votre commission d'enquête estime que quatre mesures doivent
être prises à cet égard :
- réviser l'organisation du
contrôle de
sûreté et de radioprotection
,
en mettant fin à son
éclatement
entre différents organismes et en
élargissant son indépendance ;
- réexaminer
la sûreté sur la totalité de la
filière nucléaire, et en particulier sur l'ensemble de la
chaîne du transport
de combustibles usés ;
-
étendre le champ d'application
de l'échelle
internationale des événements nucléaires (échelle
INES, qui va de 1 à 7) au transport des matières
radioactives ;
-
demander au ministère de la santé davantage de
vigilance, de transparence et d'information en matière de
radioactivité médicale.
CHAPITRE V -
PRÉPARONS LA TRANSPOSITION
DES DIRECTIVES " ÉLECTRICITÉ " ET " GAZ
NATUREL " EN DROIT FRANÇAIS
Précisons d'emblée que les développements
qui
suivent se situent dans la perspective de la transposition prochaine de la
directive sur le marché intérieur de l'électricité
en droit national
77(
*
)
.
Bien que présentant un certain nombre de spécificité, la
directive concernant le marché intérieur du gaz naturel s'en
inspire largement. C'est pourquoi,
les principes qui sous-tendent les propos
du présent rapport sur l'électricité valent largement pour
le gaz.
Votre commission d'enquête estime que la transposition de la directive
sur le marché intérieur du gaz naturel devrait obéir aux
mêmes exigences et poursuivre les mêmes objectifs que ceux qu'elle
expose ci-après pour la directive sur l'électricité.
Cette dernière ne fait en définitive qu'accompagner
l'évolution rapide -pour ne pas dire la mutation- que connaît le
secteur électrique dans le monde et en Europe.
Il convient d'avoir ce constat à l'esprit pour fixer les nouvelles
règles du jeu qui s'appliqueront à l'ensemble des acteurs du
secteur, en particulier à l'opérateur public.
Dans cette perspective, plusieurs exigences s'imposent : il s'agit de
définir un service public ambitieux, de donner à
l'opérateur public -Electricité de France- toutes les chances de
réussir dans la compétition, de garantir la loyauté et
l'effectivité de la concurrence et de préparer l'avenir
78(
*
)
.
I. L'ÉLECTRICITÉ : UN SECTEUR EN MUTATION RAPIDE
A. GARDONS-NOUS DE SOUS-ESTIMER CETTE RÉALITÉ
Les
évolutions technologiques (cogénération, etc...) dans le
secteur de l'électricité se révèlent moins connues
aux yeux de nos concitoyens que celles du secteur des
télécommunications par exemple. Elles n'en sont pas moins
réelles.
De même, le fait que la France se félicite d'avoir obtenu une
ouverture progressive et maîtrisée du marché
79(
*
)
ne doit pas l'amener à considérer que
notre pays pourra se contenter de quelques modestes aménagements de son
système d'organisation et de régulation.
Sous-estimer la réalité de la concurrence mondiale actuelle et
à venir, " endormir " les acteurs principaux en leur laissant
entendre que rien -ou si peu- changera, serait faire preuve d'un manque de
lucidité qui, très rapidement, jouerait au détriment de
l'opérateur public : EDF et, en définitive, de
l'intérêt national.
Ces attitudes dangereuses pour l'avenir sont-elles à craindre ? A cet
égard, on ne peut nier que certaines déclarations ou
récentes initiatives du Gouvernement
80(
*
)
inquiètent de nombreux spécialistes du secteur,
l'opérateur public lui-même, et jusques les syndicats...
Le mardi 21 avril dernier, les cinq fédérations
syndicales CGT, CFDT, CGT-FO, CFE-CGC et CFTC ont, en effet, diffusé un
communiqué de presse par lequel elles "
dénoncent
l'accélération du processus de transcription de la directive
européenne de l'électricité imposé par le
Gouvernement qui empêche tout débat constructif et
démocratique
.
Elles rappellent les dangers pour
l'entreprise :
- de la sous-estimation délibérée des effets de la
concurrence et des mécanismes du marché ;
- de la centralisation de tout le pouvoir dans les mains du ministre
chargé de l'énergie ;
- de la préparation d'une concurrence déloyale qui organise
la mort programmée d'EDF
".
"
L'accélération
du processus de transposition de la
directive
" ainsi dénoncé résulte
probablement du
caractère tardif
de ce dernier, ouvert seulement
quelques mois avant la date-butoir prévue par la directive, alors que
celle-ci a été adoptée le
19 décembre 1996.
De même, ce n'est que le 13 mars dernier que le Gouvernement a saisi
le Conseil de la Concurrence afin de lui demander son avis sur les
modalités d'établissement et de mise en oeuvre des règles
du jeu en matière de concurrence dans le secteur, lui laissant seulement
quelques semaines pour se prononcer sur un sujet éminemment complexe...
Il faut toutefois se féliciter de certaines des modalités
d'organisation du débat : Livre Blanc du Gouvernement paru en
février 1998, suivi d'un débat à Bercy le
26 mars dernier, de la nomination de notre collègue
député, M. Dumont, chargé par le Gouvernement de
procéder à une large consultation sur cet important dossier, et
de la demande d'avis du Conseil économique et social sur la future
organisation électrique française, du Conseil de la Concurrence
et du Conseil supérieur de l'électricité et du gaz.
Votre Commission d'enquête forme le voeu que cette tardive mais active
mobilisation des parties prenantes permettra d'aboutir à des solutions
satisfaisantes pour tout le monde.
Elle souhaite apporter ici sa contribution à ce stade de leur
élaboration.
B. LE SECTEUR ÉLECTRIQUE N'ÉCHAPPE PLUS À LA CONCURRENCE INTERNATIONALE
Le marché de l'électricité est devenu mondial comme de nombreux autres marchés, bien que plus récemment. La concurrence multiforme, exercée par un nombre restreint de groupes puissants et diversifiés, qui en résulte en est encore au stade émergent, mais elle n'en est pas moins promise à être rapidement vive.
1. Les facteurs d'accélération de la concurrence
On peut
en dénombrer
quatre principaux
:
-
l'évolution contrastée des marchés de
l'électricité
(saturation des pays développés,
forts besoins des pays en voie de développement) appelle un
repositionnement des acteurs à une échelle mondiale, pour
réaliser des économies d'échelle ; par là
même, elle leur impose le développement d'une offre
compétitive ;
- dans ce contexte, les pouvoirs publics de nombreux pays
développent des
politiques introduisant des éléments de
concurrence
et le recours tant à des opérateurs
internationaux qu'à des capitaux privés ;
-
à l'amont, la mondialisation des équipementiers, le
faible prix des énergies fossiles, les nouvelles technologies
(comme
celles des équipements au gaz, aux moindres effets de taille, la
cogénération) ont rendu possible et souhaitable une concurrence
à la production ;
-
à l'aval, les attentes des clients évoluent
sensiblement :
les industriels gros consommateurs
d'électricité, soumis à une concurrence internationale de
plus en plus contraignante, exigent des prix plus compétitifs. Par
ailleurs, pour l'ensemble des clients et depuis une dizaine d'années, on
assiste à un déplacement de la demande de kilowatts/heure
" bruts " vers davantage de services et de valeur ajoutée
(optimisation énergétique, confort thermique, etc...) ainsi qu'au
croisement de cette demande avec celle d'autres services publics (gaz, eau,
télécommunications...).
2. Les formes de la concurrence : internationalisation des offres et concentration des acteurs
L'internationalisation des opérateurs est la première
caractéristique de la nouvelle donne électrique
.
S'appuyant sur une réussite industrielle et commerciale et un
savoir-faire développés sur leur territoire national, dans un
cadre régulé,
les électriciens des pays
industrialisés tentent de valoriser leurs compétences dans
d'autres pays. Pour ce faire, ils recourent à une grande
variété de moyens juridiques, ceci tant au niveau de la
production que du transport et de la distribution
.
C'est ainsi, par exemple, que nombreux sont ceux -dont EDF d'ailleurs- qui
cherchent à construire et/ou exploiter des centrales (en Chine, dans les
pays de l'Est ou en Amérique latine...) ou à reprendre des
compagnies de transport ou de distribution pour en améliorer la gestion
(les exemples sont nombreux qu'il s'agisse des régies italiennes de
Turin, de Milan, des " Stadtwerke " de Berlin ou de la distribution
de l'électricité de Rio ou de Buenos Aires...).
La mise en concurrence des opérateurs internationaux par de nombreux
pays en développement prend des formes juridiques et financières
très variées : de la privatisation de compagnies existantes
(comme au Brésil, par exemple) aux joint ventures, avec de nombreuses
variantes contractuelles (à la production, par exemple : centrales
clés en main ou transfert partiel de technologie, ce qui est de plus en
plus le cas, l'exemple de la Chine le prouve).
Par ailleurs, en aval, le client final commence à pouvoir exercer
directement la mise en concurrence du fait de l'assouplissement de la
réglementation. Ceci laisse présager une forte évolution
des offres dans plusieurs directions : prix adaptés aux
spécificités du client ; fourniture multi-sites pour un
même client à une échelle nationale ou multinationale ;
fourniture multi-fluides voire multi-services ; ventes à terme et
couverture de risques... C'est ainsi que le métallurgiste Arbed demande
une offre groupée pour ses six sites européens et que le
distributeur britannique Northern vend un service de gestion
énergétique multi-sites à des chaînes
d'hôtels-restaurants.
Dans ce contexte, tout laisse penser
qu'apparaîtront des
marchés complexes d'énergies et de services,
avec des acteurs
disposant :
- de portefeuilles larges et diversifiés d'actifs et de
compétences : un parc de centrales dans leur zone historique, d'autres
parcs ou centrales en Europe, des contrats d'approvisionnement
d'électricité ou de gaz, des filiales d'exploitation et de
services ;
- et, en regard, de portefeuilles de clientèle, eux-mêmes
larges et diversifiés : un éventuel marché captif sur leur
zone historique, des entités de distribution, de gros clients
industriels disposant d'une implantation multi-sites au niveau européen.
Au total, le marché de l'électricité s'internationalise
et se complexifie. Il nous faut en prendre conscience et en tenir compte au
moment où nous sommes amenés à fixer des nouvelles
règles pour l'organisation du secteur électrique
français.
Cette évolution du marché s'accompagne d'une forte
concentration des acteurs du secteur
Ce nouveau contexte incite nécessairement les opérateurs à
conquérir de nouveaux marchés pour atteindre une taille critique,
tout en s'engageant dans de nouveaux métiers afin de se diversifier.
Pour ce faire, ils mènent des opérations de concentration et
nouent des partenariats.
La situation est encore -on l'a vu
81(
*
)
-
très hétérogène,
mais ces
phénomènes sont extrêmement rapides.
Certains opérateurs sont historiquement puissants et diversifiés,
tels que les groupes allemands Veba, Viag ou RWE. D'autres opéraient
auparavant dans un contexte très fragmenté, mais -c'est le cas
aux Etats-Unis- se voient aujourd'hui autorisés par les pouvoirs publics
à développer et diversifier leurs activités. Enfin, on
observe la constitution de groupes privés d'un poids considérable
intervenant dans de multiples secteurs, comme le nouveau groupe Suez-Lyonnaise,
qui contrôle l'opérateur belge Tractebel.
Le secteur est donc en voie de recomposition.
Des entreprises performantes de taille moyenne pourront occuper notamment des
" niches ". Mais, le secteur sera structurera autour de groupes
industriels puissants, disposant d'une palette de compétences
étendue et intervenant sur la plupart des maillons de la chaîne
technique de l'électricité.
Conscients de cette mutation du secteur et de ses enjeux, les pays
européens -dont le processus de transposition est, en règle
générale plus avancé qu'en France- mettent en place des
règles du jeu destinées à favoriser la
compétitivité de leurs opérateurs.
C. NOS PARTENAIRES EUROPÉENS TENDENT À LIBÉRALISER PLUS LARGEMENT LEUR MARCHÉ TOUT EN FAVORISANT LA COMPÉTITIVITÉ DE LEURS OPÉRATEURS
1. Une tendance à une assez large ouverture du marché à la concurrence
Nos
voisins européens ont déjà, pour certains,
procédé à une libéralisation et à une assez
large ouverture de leur marché électrique à la concurrence
ou projettent de le faire dans des délais plus brefs et avec des seuils
d'ouverture plus bas que ne l'impose la directive
82(
*
)
.
On rappellera
83(
*
)
brièvement que la
Grande-Bretagne est l'un des précurseurs de ce mouvement. Elle vient
certes de repousser de six mois l'ouverture totale du marché, qui
permettra à l'ensemble des consommateurs de choisir leur fournisseur.
Mais le schéma n'est pas remis en cause, seule la complexité des
systèmes informatiques à mettre en place expliquant ce report.
L'Allemagne vient, quant à elle, de décider une ouverture
théorique de son marché de 100 %
84(
*
)
. 95 % du marché danois pourraient
être prochainement ouvert à la concurrence, tandis que 62 %
du marché néerlandais le seraient en 2002. La Belgique projette
d'atteindre un seuil d'ouverture d'environ 50 % en 2006. L'Espagne
accompagne ce mouvement et prévoit que la concurrence pourra
accéder à 38 % du marché en 2002 (seuil de 5 Gwh
à cette date, puis de 1 Gwh en 2004).
En définitive, l'ouverture moyenne du marché électrique
de l'Union européenne atteindra 60 % dès l'année
prochaine, alors que la directive n'impose qu'un seuil de 25 % dans un
premier temps.
2. La tentation de favoriser la compétitivité des opérateurs nationaux
Cette
tentation est légitime et partagée. Elle prend cependant des
formes variées : offensives dans certains cas, défensives dans
d'autres
.
Là où le secteur est fragmenté, la concentration va bon
train.
Les
Pays-Bas
ont l'ambition de regrouper leurs quatre
opérateurs dominants en un seul, afin de lui donner une chance dans la
restructuration du secteur électrique européen. En
Espagne
, où la recomposition du secteur électrique est
engagée depuis dix ans, deux opérateurs (Endesa et Iberdrola)
dominent le marché, dont ils détiennent 80 %.
Là où le producteur est déjà de bonne taille
mais un peu faible au plan du contrôle de la distribution, le
régulateur lui permet de se concentrer
. C'est ainsi qu'en
Suède, Vattenfall, l'opérateur public qui détient
50 % du marché national de la production et plus de la
moitié des réseaux régionaux, s'est constitué une
part de marché de 15 % de la distribution en peu de temps
grâce à des rachats ; Sydkraft -deuxième producteur avec
23 % de parts de marché- fait de même, sachant que l'aval de
la filière est très morcelé.
Par ailleurs, un certain nombre d'Etats membres favorisent les alliances
dans le secteur de l'énergie ou dans d'autres secteurs, dans une
perspective de diversification des opérateurs.
Si c'est depuis longtemps le cas en
Allemagne
-où les
électriciens font partie de groupes puissants et largement
diversifiés-, on a pu observer ce mouvement récemment dans
d'autres pays. C'est ainsi qu'en
Italie
, tandis que l'on continue
à évoquer diverses hypothèses de restructuration de la
compagnie nationale ENEL. Cette dernière a établi des
partenariats avec le gazier Enron et l'électricien américain
Entergy et a constitué avec Deutsche Telekom et France
Télécom une co-entreprise destinée à briguer la
troisième licence de téléphonie mobile ainsi qu'une
entrée dans la téléphonie fixe. En
Espagne
, ENDESA,
compagnie à actionnaire dominant public déjà fortement
implantée en Amérique latine, se développe fortement dans
les secteurs de l'eau, des télécommunications, du gaz et du
traitement des déchets.
Dans cet environnement en voie de recomposition accélérée,
l'effectivité de l'ouverture à la concurrence sera
sans
doute progressive et
parfois freinée par certaines modalités
de nature à favoriser les opérateurs historiques
.
C'est ainsi, par exemple, que les compagnies allemandes de distribution (les
" Stadtwerke ") garderont la possibilité d'être
" acheteur unique " jusqu'en 2006.
Certains pays, lorsque leurs compagnies nationales se trouvent mal
placées en termes de compétitivité, ont recours à
la faculté ouverte par la directive de faire prendre en charge par
l'ensemble des acteurs ou des consommateurs ce qu'on appelle les
" coûts échoués ", c'est-à-dire le
coût des engagements passés généralement
imposés par les pouvoirs publics et mettant la compagnie en situation
inégalitaire face à ses concurrents. L'Espagne et l'Italie
chiffrent, l'une et l'autre, à rien de moins que 80 milliards de
francs le montant des coûts de ce type à récupérer
sur 10 ans...
II. ORGANISONS DES RÈGLES DU JEU PERMETTANT DE CONCILIER SERVICE PUBLIC AMBITIEUX AVEC TRANSPARENCE ET RÉALITÉ DE LA CONCURRENCE
La
directive européenne
85(
*
)
représente un point d'équilibre entre deux exigences divergentes :
- d'une part, la volonté d'introduire la concurrence, en amont (au
stade la production) et partiellement en aval (libre-choix de leurs
fournisseurs par les clients éligibles
86(
*
)
), pour adapter l'appareil de production et de
distribution européen à la nouvelle donne
énergétique mondiale,
- et, d'autre part, la nécessité de prendre en compte des
" missions d'intérêt économique
général ", c'est-à-dire de missions de service
public, afin d'assurer la satisfaction d'objectifs de politiques publiques
pouvant difficilement être atteints par la voie du marché.
La loi transposant cette directive en France aura donc à définir
un système de régulation garantissant le respect de cet
équilibre et assurer une articulation cohérente entre ces deux
exigences.
Il conviendra, dans cette perspective, de préciser les rôles
respectifs des pouvoirs publics et de la future autorité de
régulation, en cohérence avec ceux des autorités
aujourd'hui en charge du droit de la concurrence en France.
A. AUX POUVOIRS PUBLICS, LA DÉFINITION DES MISSIONS DE SERVICE PUBLIC, DES CRITÈRES D'ÉLIGIBILITÉ ET DE LA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE
1. La définition des missions de service public
L'article 3 de la directive permet aux Etats membres qui
le
souhaitent "
d'imposer aux entreprises du secteur de
l'électricité des obligations de service public, dans
l'intérêt économique général, qui peuvent
porter sur la sécurité, y compris la sécurité
d'approvisionnement, la régularité, la qualité et les prix
de la fourniture, ainsi que la protection de l'environnement
".
Chaque état de l'Union dispose en conséquence d'une grande
latitude pour déterminer le champ et l'étendue des missions de
service public ou d'intérêt général qu'il entend
fixer aux opérateurs présents sur son territoire.
Cette latitude est cependant encadrée. Les régimes juridiques des
obligations de service public diffèrent selon la nature de ses
obligations.
Les obligations qui relèvent
du service public de
l'électricité stricto sensu
-le " coeur " du
service public- seront, en France, à la charge d'EDF (et, le cas
échéant, des distributeurs non nationalisés).
Ces obligations consistent essentiellement à assurer la connexion de
tout consommateur à un réseau de qualité, la
continuité de la fourniture d'électricité, ceci au
meilleur coût, dans le cadre de la péréquation tarifaire.
Sont également visés, le secours et le raccordement des clients
éligibles en cas de défaillance de leur fournisseur, le service
de transport et de distribution, EDF ayant vocation à être
désignée comme le gestionnaire unique du réseau.
En contrepartie de ces obligations, l'opérateur pourra se voir
accorder des droits exclusifs ou spéciaux, tels que le monopole -sur
tout ou partie du territoire national- du transport, de la
distribution
87(
*
)
et de la fourniture de
l'électricité aux consommateurs non éligibles
88(
*
)
.
Pour l'application de ce régime, il suffit
89(
*
)
que la loi charge explicitement l'opérateur de
la gestion d'un service d'intérêt économique
général, définisse la "
mission
particulière
" qui en résulte et montre que les droits
exclusifs accordés sont nécessaires pour permettre
l'accomplissement de cette mission "
dans des conditions
économiques acceptables
".
Par ailleurs,
des obligations spécifiques -hors champ du
service public électrique au sens strict- pourront également
être imposées à l'opérateur historique
.
A titre d'exemple, on peut citer la satisfaction d'objectifs concernant la
politique énergétique, la protection de l'environnement ou
l'aménagement du territoire.
Le monopole ne pourra servir de support au financement de ces obligations. En
revanche, leur charge pourrait être répartie équitablement
entre l'ensemble des consommateurs, " captifs " comme
éligibles.
Est ainsi permise la constitution d'un
fonds
de financement
alimenté par un prélèvement
perçu sur l'ensemble des factures. Cette solution semble
préférable, car plus transparente en termes de concurrence,
à celle qui consisterait à imputer ces charges sur le prix du
transport de l'électricité.
Des analogies peuvent être effectuées avec les règles
posées par la directive postale dans le domaine de l'aménagement
du territoire, par exemple
90(
*
)
. Le
surcoût de la densité du réseau postal peut ainsi
être financé par un fonds de compensation de cette nature.
S'agissant du secteur électrique, pourraient être englobés
dans ce dispositif les coûts liés à la
péréquation tarifaire en faveur de la Corse et des
départements d'outre-mer, le soutien au plan charbonnier national,
l'obligation d'achat de l'électricité provenant de la
cogénération
91(
*
)
et des
énergies renouvelables...
Il apparaît, en effet, normal que les producteurs indépendants et
les consommateurs éligibles participent au financement de certaines
missions d'intérêt général.
Il sera essentiel de fixer précisément les limites de ces deux
catégories de missions et de définir de manière
transparente le surcoût résultant pour l'opérateur de sa
contribution à des politiques publiques spécifiques exorbitantes
du service public électrique stricto sensu.
2. La détermination des critères d'éligibilité
Les
pouvoirs publics devront, dans le cadre de la loi de transposition,
définir les critères que devront remplir les clients dits
" éligibles ", c'est-à-dire autorisés à
choisir leur fournisseur.
Dès lors, plusieurs choix s'ouvrent à eux :
- Faut-il calculer le pourcentage d'ouverture du marché à la
concurrence en termes de consommation par site ou par client ? Dans son
Livre Blanc, le Gouvernement penche pour un seuil d'éligibilité
fondé sur la consommation d'électricité par site. Cette
solution introduirait cependant des distorsions de concurrence, comme le
souligne le rapport du Conseil de la concurrence, dans on avis du 28 avril
1998, que votre commission d'enquête a demandé au Gouvernement de
lui communiquer.
En tout état de cause, la prise en compte du degré de
dépendance des entreprises vis à vis de
l'électricité permettrait de traiter de façon
équitable des entreprises en concurrence sur les mêmes
marchés.
- Les grossistes (ou revendeurs) doivent-ils être éligibles,
au risque d'entraîner rapidement une ouverture du marché plus
importante que ne l'impose la directive ?
- Surtout, les
régies municipales
-qui représentent
environ 5 % de la distribution d'électricité-
doivent-elles être éligibles ? Nombre d'élus locaux le
souhaitent.
Rappelons que l'organisation actuelle du système électrique
français associe l'Etat et les collectivités locales pour assurer
le service public de l'électricité, les communes étant les
autorités organisatrices de la desserte en énergie
électrique sur le territoire.
Au total la transposition de la directive en droit interne doit être
l'occasion de confirmer et de renforcer les compétences des
collectivités locales et les missions de service public qui leur
incombent en la matière.
Il conviendra sans doute de tenir compte des situations différentes qui
prévalent selon la taille des régies.
Si les grosses
régies peuvent avoir les moyens de rechercher le fournisseur le plus
compétitif, les petites régies pourraient, quant à elles,
continuer à bénéficier des tarifs issus de la
péréquation tarifaire effectuée par EDF.
L'éligibilité des régies, au moins les plus grosses
d'entre elles, aurait en outre pour avantage - en vertu du principe de
réciprocité - de permettre à EDF de proposer ses services
aux collectivités ou compagnies régionales
étrangères, telles que les " Stadtwerke " allemandes.
La possibilité offerte aux régies de choisir leur fournisseur
devrait cependant leur être spécifique et ne pas entraîner
d'augmentation du seuil d'ouverture du marché à la
concurrence.
3. La définition et la mise en oeuvre de la politique énergétique
a) Pour une planification à long terme
Il
appartient,
on l'a dit
92(
*
)
, aux
pouvoirs publics de fixer les objectifs de la politique
énergétique et de définir les conditions d'organisation et
de fonctionnement du secteur énergétique.
Les pouvoirs publics français devront, dans cette optique et comme la
directive les y autorise, mettre en oeuvre une planification à long
terme.
La sécurité des approvisionnements restant un impératif
absolu, il leur faudra avoir une claire vision du bilan
énergétique souhaitable pour la France à l'horizon de dix,
vingt ans et plus. Il conviendrait également qu'ils fixent les
règles du jeu permettant de satisfaire ces objectifs dans le cadre d'une
programmation à long terme dont les contours devront évoluer en
fonction des mutations technologiques, des impératifs environnementaux,
du prix comparé des différentes sources d'énergie,
etc...
b) Pour une loi d'orientation énergétique
Tous les
acteurs économiques et sociaux appellent aujourd'hui à un
débat démocratique sur la politique énergétique de
la France. Ce voeu n'est pas nouveau, mais il est resté lettre morte
depuis les forums organisés au niveau national et dans les
régions à l'occasion du rapport Souviron de 1994 sur
" l'énergie et l'environnement ". Il a été de
nouveau formulé avec insistance en réaction à la
décision unilatérale du Gouvernement de fermer
Superphénix. Un
débat au Parlement, suivi d'un vote
,
donnerait assurément un gage de transparence et de démocratie
à des choix d'importance qui engagent l'avenir.
Mais, au-delà, votre commission d'enquête propose que, à
l'instar d'autres secteurs
93(
*
)
, le domaine
énergétique fasse l'objet d'une loi d'orientation quinquennale,
destinée à fixer le cadre de la politique à mener. Elle
définirait notamment la programmation à long terme des
investissements de production d'électricité. Elle pourrait, pour
ce faire, s'appuyer sur des quotas par combustibles, de façon à
atteindre l'équilibre recherché entre les sources
d'énergie primaire.
Il reviendrait ainsi aux pouvoirs publics de décider des
modalités de renouvellement du parc nucléaire, comme de l'ampleur
des efforts à consentir en faveur des énergies renouvelables.
Sur cette base, le Gouvernement serait habilité à accorder ou
à refuser aux producteurs des autorisations de construction
d'installations de façon claire, transparente et non discriminatoire. Il
pourrait également lancer des appels d'offres en cas de carence des
offres concernant des créneaux non compétititifs mais dont le
développement serait souhaitable (protection de l'environnement,
indépendance nationale...).
La loi d'orientation, que votre commission d'enquête appelle de ses
voeux, déterminerait aussi le contenu et les conditions de financement
de certaines missions d'intérêt général, la
définition des productions relevant du régime d'obligation
d'achat...
Une telle loi ne pourrait-elle, par ailleurs, donner une cohérence aux
schémas de services collectifs de l'énergie que le Gouvernement
semble envisager
94(
*
)
? On voit mal, en effet,
aujourd'hui ce que recouvre tant ce concept que son contenu et surtout comment
le Gouvernement envisage de les articuler avec la planification
évoquée ci-dessus.
B. À UNE AUTORITÉ ADMINISTRATIVE INDÉPENDANTE, LA RÉGULATION TECHNIQUE ET LE CONTRÔLE DU RESPECT DES RÈGLES DU JEU
1. Pour une autorité de régulation indépendante des parties et de l'administration
La
directive, on l'a vu, impose aux Etats membres de confier le règlement
des litiges nés de l'application des nouvelles règles du jeu
à une autorité compétente, indépendante des
parties. Les Etats doivent également créer des mécanismes
appropriés et efficaces de régulation, de contrôle et de
transparence afin d'éviter tout abus de position dominante et tout
comportement prédateur.
Dès lors se pose la question de l'organisation à mettre en place
pour satisfaire à ces obligations. Les grandes règles
étant fixées par les pouvoirs publics, qui devra assurer
la
fonction de régulation
?
Il s'agira de régler -dans le cadre qu'auront fixé la loi et ses
décrets d'application- les questions relatives à l'accès
aux réseaux, à la gestion du système électrique
ainsi qu'au contrôle de l'action de l'opérateur sur le
marché libre du kilowattheure et sur les marchés de services,
toutes questions cruciales pour un développement satisfaisant de la
concurrence.
Le Gouvernement
, dans son Livre Blanc,
envisage que cette fonction
continue à être assurée directement
par l'Etat
,
une direction du ministère chargé de l'industrie -distincte de
celle chargée de la tutelle d'EDF- pouvant s'en voir
spécifiquement confier la mission.
Une telle solution semble
peu souhaitable
.
En effet,
comme le souligne l'avis précité du Conseil de la
concurrence : " le processus de régulation de
l'opérateur français se réduit [....] pour l'instant, dans
les faits, à un tête à tête assez peu transparent
entre les pouvoirs publics et lui. Or, pareil face-à-face apparaît
aujourd'hui inadéquat, tant la demande de débat public sur la
politique énergétique est forte, tandis que les
collectivités locales sont désireuses de s'impliquer dans le
contrôle des sociétés de distribution et que
l'arrivée de nouveaux acteurs paraît indispensable. "
En outre, les compétences requises pour traiter ces aspects seront
particulièrement larges et, toujours selon le Conseil de la concurrence,
elles devront :
" être mobilisées au
bénéfice égal de tous les intervenants sur le
marché, donc sans subir l'influence de l'administration de tutelle qui
est aussi " actionnaire " de l'opérateur public. "
Or, concentrer ces compétences au sein d'une administration ne
risque-t-il pas d'inciter les opérateurs autres qu'EDF -voire les
institutions européennes elles-mêmes- à douter de la
transparence et de l'impartialité d'un Etat actionnaire et
traditionnellement tuteur de l'établissement public ?
"
L'indépendance des parties
" exigée par la
directive serait-elle réellement assurée ?
EDF n'aurait-elle pas elle-même tout à gagner à voir une
autorité de régulation indépendante de
l'administration, mais adossée à l'Etat
, s'assurer du respect
des règles du jeu et régler les litiges qui ne manqueront pas de
surgir ?
Différentes formules possibles sont possibles: direction du
ministère, section spécialisée du Conseil de la
Concurrence, autorité administrative autonome, mais cette
dernière solution est " naturellement porteuse de symboles et de
dispositions qui crédibilisent l'idée de concentration de
l'expertise et le souci d'indépendance vis-à-vis de la tutelle de
l'opérateur, notamment aux yeux de la Commission européenne et de
la Cour de Justice. Son choix est de nature à limiter les contentieux de
régulateur auprès de Bruxelles et donc les transferts indus de
responsabilités ".
On dispose d'ailleurs d'une référence récente dans le
secteur des industries de réseaux avec l'Autorité de
Régulation des Télécommunications (ART)
95(
*
)
, dont on pourrait utilement s'inspirer. Cette
dernière semble fonctionner dans des conditions globalement
satisfaisantes, même si sa jeunesse et la nécessité de
forger une doctrine ont suscité quelques critiques.
Votre commission d'enquête souhaite que soit créée une
autorité de régulation indépendante à la fois des
opérateurs et de l'administration, mais liée à l'Etat.
Une telle instance devrait être dotée d'un
pouvoir de
sanction
, gage de l'efficacité de ses décisions.
Cette indépendance des parties et de l'administration ne doit cependant
pas être synonyme d'indépendance totale à l'égard
des pouvoirs publics.
Votre commission d'enquête souhaite que cette autorité de
régulation soit amenée à rendre compte de ses
activités chaque année devant le Parlement.
Elle juge, en outre, indispensable de coordonner l'action des pouvoirs publics,
de l'autorité de régulation et du Conseil de la Concurrence et de
prévoir, par ailleurs, une possibilité d'appel devant les
juridictions de droit commun des décisions de cette autorité.
Là encore, le schéma retenu pour l'ART pourrait utilement
guider le travail du législateur.
Il faut souligner que le Conseil de la concurrence, estime lui aussi
nécessaire que la régulation du secteur soit confiée
à une autorité indépendante.
2. Pour une autorité de régulation commune à l'électricité et au gaz
La
Grande-Bretagne a choisi de confier la régulation du marché de
l'électricité et du gaz à deux autorités
indépendantes distinctes : respectivement l'OFFER et l'OFGAS. Les
inconvénients de cette formule semblent cependant susciter la
volonté des autorités britanniques de procéder à la
fusion de ces deux instances.
Ces deux marchés sont, en effet, liés et
votre commission
d'enquête souhaite que l'autorité qui pourrait être
créée ait, à terme, également vocation à
assurer la régulation du marché du gaz.
III. DONNONS À EDF TOUTES LES CHANCES DE RÉUSSIR DANS UNE COMPÉTITION LOYALE
Nouvelle
donne énergétique oblige, notre opérateur public -qui
exercera ses activités à la fois sous monopole et hors monopole-
devra être en mesure de se confronter à armes égales avec
ses compétiteurs, français et étrangers.
EDF dispose de nombreux atouts pour s'imposer dans la bataille qui s'annonce.
Encore convient-il qu'elle ne soit pas entravée à l'excès
pour les valoriser et puisse, par conséquent, exercer pleinement ses
activités d'opérateur industriel.
A. NOTRE " GÉANT " NATIONAL DISPOSE DE NOMBREUX ATOUTS À VALORISER
1. Un beau jeu d'atouts humains et commerciaux
EDF est
le
premier électricien mondial
en termes de production en volume,
de chiffre d'affaires (plus de 186 milliards de francs en 1997), ainsi
qu'en nombre d'employés (près de 117.000).
Ses tarifs restent parmi les plus compétitifs, à preuve :
elle exporte une part non négligeable de sa production, contribuant de
façon décisive à notre excédent commercial.
Ses agents constituent l'une de ses principales richesses. Ils disposent d'une
compétence largement reconnue, sont animés d'une légitime
fierté professionnelle et se montrent attachés tant à leur
métier qu'au service public.
La qualité du service fourni est appréciée des
consommateurs : 93 % des Français estiment EDF
efficace
96(
*
)
.
Son équipe dirigeante apparaît consciente des défis qui
s'annoncent. Elle a introduit un processus de planification stratégique,
des réformes de structures et d'organisation, qui ont permis à la
fois une plus grande responsabilisation des agents et des gains de
productivité.
Ces améliorations de la productivité ont permis à EDF de
réduire progressivement, mais sensiblement, ses tarifs. Au total, sur
les quatre années du contrat d'entreprise (1997-2000), ces baisses
tarifaires atteindront 14 %. Pour 1999 et 2000, elles devraient être
en moyenne de 2,2 % par an. Elles représentent une diminution de
13,6 milliards de francs des factures de ses clients en 1998, par rapport
à celles de 1996.
Déjà soumise à la concurrence de l'énergie de
substitution qu'est le gaz, EDF a donc pour partie anticipé
l'introduction de la concurrence sur son coeur de métier et
réagit positivement à cet aiguillon, ceci au plus grand
bénéfice des consommateurs.
Ses efforts devront cependant être poursuivis, d'autant plus que,
d'après l'Union des industries utilisatrices d'énergie (UNIDEN),
l'avantage concurrentiel d'EDF a tendance à se réduire, notamment
à l'égard des clients industriels gros consommateurs
d'énergie, compte tendu de l'évolution des offres de ses
compétiteurs.
2. Une nécessaire mobilisation de l'entreprise
Forte de
ses atouts, l'entreprise -et ses personnels- n'en doivent pas moins se
mobiliser afin de s'adapter à la nouvelle donne.
La puissance d'EDF mérite d'être relativisée
.
En effet,
elle n'arrive plus en tête des classements quand on la
compare aux opérateurs diversifiés (multi-énergies et
multi-services) qui sont ses futurs concurrents.
C'est ainsi, par exemple,
que les compagnies privées allemandes VEBA et RWE réalisent des
chiffres d'affaires globaux supérieurs respectivement de 32 % et
16 % au sien. De même,
EDF n'arrive plus qu'au 51e rang en
termes de bénéfice réalisé
.
En outre, ce classement n'intègre pas les multinationales telles que les
compagnies françaises des eaux. Le groupe Suez Lyonnaise des Eaux, par
exemple, réalise un chiffre d'affaires global de 190 milliards de
francs dont 40 % dans le secteur énergétique. Les
activités dans ce dernier concernent à la fois la production
d'électricité, le transport de gaz, les réseaux de chaleur
et la cogénération. Il a, notamment, développé un
parc de centrales nucléaires en Belgique.
Les Français attendent d'elle qu'elle améliore encore ses
performances.
D'après le sondage précité, les Français ne sont
plus que 41 % à estimer l'opérateur public compétent
et 35 % à le juger à l'écoute des clients.
Les Français sont, par ailleurs, conscients des modifications
qu'introduira la concurrence. Ils jugent majoritairement qu'elle aura des
conséquences positives sur les prix (73 %) et sur la qualité
(66 %).
Face aux attentes du public, EDF ne devra donc pas s'endormir sur ses lauriers
-car ce sont les lauriers tressés hier dans le cadre de son monopole-,
au moment où ses concurrents européens s'engagent
résolument sur des dynamiques d'évolution et de baisses de prix
importantes.
B. EDF DOIT EXERCER LA CONCURRENCE DANS DES CONDITIONS ÉQUITABLES ET TRANSPARENTES
Il
convient de concilier l'existence d'un acteur public dominant devant allier
efficacité industrielle et service rendu au public, avec le
développement d'une concurrence réelle et loyale à
l'échelle européenne, assortie de garanties envers l'ensemble des
acteurs du marché.
Ces garanties concernent l'équilibre des droits et obligations des
producteurs, la régulation des prix pratiqués par EDF, les
règles applicables au gestionnaire de réseau et l'accès
aux infrastructures de transport et de distribution.
1. L'organisation de la production
a) Autorisations ou appels d'offres ?
L'ouverture à la concurrence d'une partie de la production
d'électricité implique que des procédures clairement
définies encadrent les conditions de lancement des nouveaux moyens de
production.
Pour ce faire, la directive " électricité " laisse aux
Etats membres le
choix entre la procédure d'autorisations et celle
des appels d'offres pour développer le parc de production.
Ces deux types de procédures se distinguent sur les deux points
suivants :
- l'initiative
: pour l'autorisation, elle appartient au producteur
lui-même ; pour l'appel d'offres, elle relève des pouvoirs
publics ;
-
la plus ou moins grande lourdeur du processus
: dans le cadre
assez souple de l'autorisation, le producteur doit seulement satisfaire un
certain nombre de critères fixés par les pouvoirs publics, mais
sa demande peut être encadrée par le jeu d'une programmation
à long terme incluant, par exemple, le choix d'un équilibre
déterminé entre les énergies primaires ; la
procédure de l'appel d'offres, beaucoup plus lourde et complexe, est
entièrement gérée par les pouvoirs publics.
Le
Gouvernement
semble envisager d'appliquer le système des
appels d'offres à EDF et de soumettre au système des
autorisations : les auto-producteurs et les producteurs
indépendants qui souhaiteront vendre leur électricité
à des clients éligibles (ou à EDF dans le cadre de
l'obligation d'achat).
Ce choix semble contestable pour les principales raisons suivantes :
- le recours aux appels d'offres apparaît nécessaire à
une mise en concurrence des producteurs quand le marché aval
(c'est-à-dire celui des clients finaux) n'est pas ouvert, dans la mesure
où il est naturellement associé à la planification
à long terme des moyens de production ainsi qu'au contrôle des
coûts. Mais, l'introduction de la liberté de choix du fournisseur
-dont disposeront les clients éligibles- introduira une composante
d'incertitudes et de volatilité qui pourrait remettre en cause le lien
entre planification des besoins, planification énergétique et
appels d'offres. Ce point apparaît d'autant plus important que les seuils
d'éligibilité ne seront sans doute pas intangibles
97(
*
)
dans le temps ;
- à l'inverse, avec l'ouverture à la concurrence, les
électriciens devront assurer le risque de marché et pouvoir
disposer de toute la responsabilité industrielle nécessaire
à sa maîtrise. Dans ce contexte,
est-il souhaitable que
l'Etat
impose à EDF à la fois le moment et la nature des
investissements à réaliser, au risque de la mettre en situation
d'inégalité avec ses concurrents ?
Ces arguments conduisent votre commission d'enquête à
considérer qu'il conviendrait d'appliquer également à EDF
le régime de l'autorisation,
qui permet en tout état de cause
à l'Etat d'imposer le respect de certains critères.
Un
système mixte
, qui limiterait les appels d'offres aux clients
captifs d'EDF lui semble tout à fait
inadapté
, dans la
mesure où il entraînerait une séparation du marché
de l'électricité en deux marchés distincts (l'un pour les
clients éligibles, l'autre pour les clients non éligibles) et,
par conséquent, un découplage des prix entre ces deux
marchés. EDF risquerait alors de ne plus pouvoir gérer de
manière intégrée les différents moyens de
production de son parc, dans la mesure où le fait de substituer un moyen
de production issu de la procédure d'appel d'offres par un moyen issu de
celle de l'autorisation, serait considéré comme une subvention
croisée entre catégories de clientèle, ce qu'interdit bien
sûr la directive.
Dès lors, se pose
le problème de la fourniture de
l'électricité au moindre coût à tous les
consommateurs.
La concurrence devra alors jouer pleinement son rôle en obligeant EDF
à recourir à des moyens de production compétitifs. En
outre, l'autorité de régulation contrôlera ses tarifs et
devra s'assurer que l'entreprise assure bien la fourniture de ses clients au
moindre coût, sans subventions croisées au détriment des
clients non-éligibles, et assure la rentabilité de ses
investissements.
En revanche, les pouvoirs publics pourraient recourir au système
des
appels d'offres en cas de carence de l'initiative des
producteurs
.
Telle est d'ailleurs la position défendue par le Conseil de la
concurrence.
Si, en application du régime de l'autorisation à l'ensemble des
opérateurs, les pouvoirs publics estiment que les objectifs
définis dans le cadre de la planification à long terme des moyens
de production n'ont pas été atteints -s'agissant, par exemple de
la proportion d'énergie nucléaire ou d'électricité
produite par des éoliennes, des installations solaires ou de la
biomasse-, ils auront la possibilité de lancer des appels d'offres pour
y remédier.
Encore faut-il que le système n'ait pas été biaisé
par d'autres mécanismes, tel que celui de l'obligation d'achat par EDF
de l'électricité de certains producteurs
indépendants.
b) La nécessité de restreindre l'obligation d'achat par EDF de l'électricité de certains producteurs indépendants
QU'EST-CE QUE L'OBLIGATION D'ACHAT ?
La loi
de nationalisation de l'électricité et du gaz du
8 avril 1946 a laissé la possibilité d'un
développement de moyens de production d'électricité par
des producteurs indépendants, notamment lorsque la puissance de l'outil
de production est inférieure à 8 MW.
Dans ce cadre, le décret du 20 mai 1955 prévoit
l'obligation pour EDF de passer des contrats d'achat pour
l'électricité produite par les producteurs autonomes. Une
modification a été apportée à ce décret en
décembre 1994 pour que cette obligation :
- soit dorénavant permanente pour les installations utilisant des
techniques de cogénération ou celles utilisant des
énergies renouvelables ou des déchets,
- et puisse, pour les autres installations, être suspendue par
arrêté du Ministre chargé de l'énergie, lorsqu'il
est constaté que les moyens de production existants sont suffisants pour
faire face à la demande dans des conditions économiques
satisfaisantes de production, transport et distribution.
C'est dans ce contexte que le Ministre de l'industrie a levé, le
23 janvier 1995, l'obligation pour EDF de passer de nouveaux contrats
(hors donc le cas des installations qui utilisent des énergies
renouvelables -petite hydroélectricité, énergie
éolienne, solaire...- des déchets ou des techniques de
cogénération).
Un tel dispositif n'est pas sans entraîner certains effets pervers
.
Il impose en fait à l'établissement public d'acheter une
électricité dont le pays n'a en réalité pas besoin,
mais pouvant présenter un intérêt en termes de
diversification des sources de production, d'environnement, d'efficacité
énergétique ou de décentralisation des modes de
production. Cependant, il emporte comme inconvénient majeur la
création de rentes de situation, dans la mesure où
il revient
à faire subventionner par EDF des installations, le cas
échéant, non rentables.
Les enjeux financiers de ce dispositif ne sont pas négligeables, puisque
cette obligation d'achat coûterait environ 2 milliards de francs
par an à EDF.
Cette obligation d'achat a, de plus, été étendue par les
pouvoirs publics à des installations de cogénération de
plus de 8 MW, dans des conditions très avantageuses pour le
producteur. L'opérateur public achète cette
électricité à un prix supérieur d'environ un tiers
au prix du marché.
Or, on ne voit plus ce qui justifierait son maintien alors que les centrales
de cogénération de taille grande ou moyenne sont devenues
aujourd'hui rentables, grâce à l'amélioration des
technologies concernées. Cela n'a plus de sens de les subventionner,
dès lors que les producteurs n'auront bientôt plus à passer
sous les " fourches caudines " du monopole.
Des pays, tels que les Etats-Unis ou l'Italie, qui avaient mis en place une
obligation d'achat du même type ont d'ailleurs décidé de la
lever.
Votre commission d'enquête propose, par conséquent, que
l'obligation d'achat soit levée lorsque les technologies arrivent
à maturité et s'avèrent compétitives. Tel semble
être aujourd'hui le cas pour la cogénération de grande
taille. Tel pourrait être le cas demain pour certains types
d'énergies renouvelables.
2. Les garanties concernant la transparence
a) La régulation des prix pratiqués par EDF
Le
régulateur devra, on l'a dit, contrôler les tarifs
pratiqués par l'opérateur public à l'égard de ses
clients " captifs ", c'est-à-dire non éligibles. Ces
tarifs devront être publics et refléter les coûts de
fourniture de l'électricité. EDF devrait, en revanche, pouvoir
négocier ses prix avec les clients éligibles, à l'instar
de ses compétiteurs.
Il importe toutefois de
garantir l'absence de toute subvention
croisée entre ces deux catégories de clients
.
L'opérateur public doit bien évidemment se voir interdire -comme
l'impose d'ailleurs la directive- toute possibilité de s'appuyer sur sa
part de marché sous monopole pour conquérir des clients hors du
périmètre de ce monopole dans des conditions déloyales.
A cet effet, ses charges fixes devront être équitablement
réparties entre clients éligibles et clients non
éligibles, dans le respect des règles fixées et
approuvées par le législateur.
b) L'accès au réseau de transport
Le
Gouvernement prévoit de confier la
gestion du réseau de
transport
à l'opérateur public, ce dernier devant cependant
garantir qu'il gère de façon réellement autonome cette
fonction essentielle de la nouvelle organisation électrique, en tout
état de cause indépendamment de ses activités de
production et de distribution.
Le Conseil de la concurrence juge ces précautions insuffisantes. Votre
commission d'enquête ne peut que souscrire à son avis,
selon
lequel la création d'un établissement public distinct d'EDF et
totalement autonome sur le plan de la gestion donnerait la meilleure garantie
d'indépendance du gestionnaire du réseau de transport.
Les modalités de
tarification de l'accès au réseau
devront donner toutes les garanties de transparence. Les prix du transport
devront être régulés, transparents et publics.
Ils devront naturellement refléter les coûts directement
associés au transport. Mais, au-delà, la question se pose de
savoir s'il
convient
de leur imputer des "
coûts
échoués
"
98(
*
)
.
Sans doute faut-il répartir certains de ces coûts sur l'ensemble
des clients. Mais leur imputation directe sur la facture des consommateurs
semble préférable à leur prise en compte au stade du prix
de transport.
Dans tous les cas, les pouvoirs publics français devront
impérativement veiller à ce que, dans l'ensemble des Etats
membres, le calcul d'éventuels " coûts
échoués " n'en fasse pas un instrument destiné
à remettre à niveau les " mauvais ". Il ne s'agit pas,
comme certains pourraient y être tentés
99(
*
)
, d'effacer toutes les erreurs du passé, au
risque de nuire réellement à la loyauté de la concurrence.
Votre commission d'enquête estime que les pouvoirs publics doivent
être vigilants sur ce point et adopter des règles concernant les
" coûts échoués " cohérentes avec celles
retenues par les autres pays européens.
3. Une séparation comptable aux résultats incontestables
La
transparence ne pourra être acquise qu'au prix d'une séparation
comptable des différentes activités d'EDF, le caractère
intégré de l'entreprise ne devant pas être remis en cause.
Il lui faudra donc rapidement être en mesure d'établir un bilan et
un compte de résultats pour chacune de ses activités et
élaborer des règles incontestables d'imputation de ses charges et
recettes.
Telle est la condition sine qua non pour garantir la transparence de son
activité et l'absence de subventions croisées entre les
activités de transport, distribution et celles concernant la production
ou d'autres secteurs.
C. ÉLARGIR LE PRINCIPE DE SPÉCIALITÉ D'EDF
En vertu
du principe de spécialité applicable aux établissements
publics industriels et commerciaux, EDF ne peut exercer d'autres
activités que celles liées à son coeur de métier.
Ainsi, l'article 46 de la loi du 8 avril 1946 sur la
nationalisation de l'électricité et du gaz lui interdit
d'intervenir " au-delà du compteur ", c'est-à-dire sur
les installations intérieures. De même, EDF n'est-elle pas
habilitée à élargir la panoplie de ses activités
pour y intégrer des prestations de services complémentaires
à la fourniture d'énergie.
Peut-on continuer à cantonner EDF dans ses métiers de base,
alors que ses concurrents seront, pour certains, des intégrateurs de
services à même de répondre à l'évolution des
technologies
100(
*
)
et de la demande des
clients
101(
*
)
?
Votre commission d'enquête ne le croit pas. Elle juge nécessaire
d'élargir le principe de spécialité d'EDF, de façon
à lui permettre d'adapter son offre vers une offre multi-services. Les
textes à prendre devront cependant imposer à EDF de respecter le
tissu industriel existant et d'associer les PMI au développement de ses
nouvelles activités.
En outre, comme l'indique le Conseil de la concurrence dans son avis
précité,
les interventions d'EDF sur les marchés
concurrentiels devront être encadrées par des règles tenant
compte des situations spécifiques de concurrence de chacun d'ente
eux.
Plus précisément, les mécanismes par lesquels
l'opérateur affecte ses coûts entre marché libre et
marché captif du kWh devront être
spécifiés.
IV. PRÉPARONS L'AVENIR
EDF doit rester un opérateur public au service du pays. Elle doit néanmoins faire évoluer ses modes de gestion. Si le statut de ses personnels doit être préservé, comment ne pas s'interroger cependant sur son coût ? Comment ne pas s'interroger sur son adaptation à un contexte de concurrence ? Comment ne pas s'interroger enfin sur l'évolution des charges de retraites qui en découlent pour l'opérateur ?
A. QUELLE ÉVOLUTION POUR L'ÉTABLISSEMENT PUBLIC ?
1. EDF : un opérateur public à mettre " sous tension "
Votre
commission d'enquête estime qu'on ne saurait en aucun cas remettre en
cause le caractère public d'EDF, ceci en raison d'impératifs tant
d'indépendance énergétique que de sûreté
nucléaire.
Mais, la transposition de la directive " électricité "
doit être l'occasion de faire évoluer notre opérateur
historique et le secteur électrique dans son ensemble.
Il ne nous suffit pas d'accompagner les évolutions, mais si possible de
les anticiper en menant une stratégie résolument offensive.
Protéger EDF, c'est la mettre sous tension
.
La frilosité et le comportement " trop souvent "
défensif adopté par la France pour défendre ses
entreprises publiques se sont généralement retournés
contre ces dernières. Ils ne leur ont pas permis de se préparer
correctement et rapidement à la réalité du marché.
L'exemple du transport aérien en est une illustration.
2. La nécessité d'entrer dans une logique de gouvernement d'entreprise
Les
médias ont largement évoqué, ces derniers mois, les
regrettables dysfonctionnements qui se sont fait jour aux niveaux les plus
élevés de l'entreprise.
Au-delà, d'aucuns dénoncent l'absence de véritable
contrôle de l'établissement public par son actionnaire, l'Etat. Ce
dernier est-il d'ailleurs le mieux à même de concevoir une
stratégie industrielle ? Il est permis d'en douter.
A l'inverse, le contrôle exercé par Conseil d'administration
est-il effectif et efficace ?
L'existence de tels doutes amène votre commission d'enquête
à souhaiter que le projet de loi destiné à transposer la
directive soit aussi l'occasion de revoir les modes de gestion et de
contrôle de l'entreprise.
Ne pourrait-on, par exemple, s'inspirer des organes de direction d'une
société anonyme, avec un directoire et un conseil de
surveillance ?
3. Vers une société anonyme à capitaux publics ?
Des
évolutions positives peuvent certes être entreprises dans le cadre
de l'établissement public : élargissement du principe de
spécialité -on l'a vu-, amélioration des modes de gestion
et de contrôle.
Mais, comme l'exprime le Conseil de la concurrence, dans son avis
précité : " du point de vue de la concurrence
l opérateur français apparaît lié plus que tout
autre opérateur européen aux pouvoirs publics du fait de son
statut d'EPIC. [...]. Sa stratégie est contrôlée
directement par l'Etat en sa qualité " d'actionnaire unique ",
jusqu'à présent avec des moyens modestes et sur un mode largement
administratif.
Dans ces conditions, pourquoi ne pas envisager
la transformation de
l'établissement public en société anonyme à
capitaux publics ?
Une telle structure juridique aurait pour
avantage
de permettre à
l'opérateur public de contracter des alliances industrielles et de
créer plus facilement des filiales. Elle permettrait aussi de mieux
associer ses personnels à son projet, en leur accordant une fraction de
son capital.
Elle apparaît peut-être d'un intérêt encore plus grand
pour
Gaz de France
, pour qui les alliances internationales sont encore
plus urgentes et indispensables. Celles-ci rendront sans doute
même
nécessaire l'ouverture minoritaire du capital de GDF.
Pour les deux entreprises publiques, elle serait un moyen de faciliter leur
nécessaire développement international.
B. COMMENT PERMETTRE LA PRÉSERVATION DU STATUT DES PERSONNELS ?
1. Le poids des charges de retraites sera difficilement supportable pour l'entreprise
Le
Gouvernement affirme que le statut des personnels d'EDF sera
préservé. Votre commission d'enquête partage ce souhait.
C'est pourquoi, elle s'inquiète du fait que le Gouvernement ne semble
pas, pour l'instant, se préoccuper du poids croissant des charges de
retraites, qui sera vite difficilement supportable pour l'entreprise.
Rappelons que les retraites de ses agents sont réglées par le
régime spécial des industries électriques et
gazières
102(
*
)
. EDF a versé
à ce régime, au titre de la contribution patronale,
13 milliards de francs en 1998. Cette somme se montera à
22,6 milliards de francs en 2020. La dérive est
régulière, mais enregistrera une accélération
à partir de 2015-2020, en raison des nombreux départs en retraite
correspondants aux embauches réalisées dans les
années 1980.
Dès aujourd'hui, cette charge des cotisations retraites
représente 50 % de la masse salariale, alors qu'elle est
inférieure à 25 % dans le secteur privé. Elle
atteindrait 100 % de cette dernière en 2020 !
Dès lors, comment EDF pourra-t-elle rester compétitive, si aucune
mesure n'était prise ?
2. On voit mal comment le statut pourrait être étendu à l'ensemble des acteurs du secteur
Ces
charges de retraites expliqueraient la moitié du surcoût de la
main d'oeuvre d'EDF, évalué à 50 % par rapport
à celui de ses éventuels concurrents,
selon des études
internes à l'entreprise citées par " Le
Monde "
103(
*
)
.
Pourra-t-on imaginer pour EDF un dispositif similaire à celui
appliqué à France Télécom, avec le paiement d'une
soulte par ce dernier, en contrepartie d'une prise en charge par l'Etat de la
dérive des retraites ? Il faut toutefois relever, à cet
égard, que les agents d'EDF n'ont pas le statut de fonctionnaires,
à l'instar des télécommunicants.
Ce surcoût s'expliquerait pour le reste essentiellement par la
générosité des oeuvres sociales d'EDF -qui
représenteraient 8 % de sa masse salariale, contre 2,5 % au plus
par les autres entreprises- et le mode de calcul des heures
supplémentaires
1
.
On voit mal, dans ces conditions, comment ses futurs concurrents pourraient
accepter que leur soit étendu le statut d'EDF, comme semble l'envisager
le Gouvernement...
On voit mal comment nos partenaires européens, qui ont le marché
mondial en ligne de mire, pourraient s'enthousiasmer à l'idée
d'une telle extension à leurs opérateurs.
On voit encore plus mal les Américains ou les Asiatiques s'engager dans
cette voie...
En bref, pourquoi ceux qui bénéficient d'un avantage de
compétitivité le transformeraient-ils en handicap ?
Il n'appartient pas à votre commission d'enquête d'apporter
aujourd'hui une solution à ces graves problèmes. Il lui
appartient, en revanche, de
tirer la sonnette d'alarme.
V. REGAIN D'INTÉRÊT POUR LE GAZ
A. LE RÔLE DU GAZ DANS LA GÉNÉRATION ÉLECTRIQUE
Le gaz
naturel représentait 13,8 % du bilan énergétique de
la France en 1995. 26,3 millions de tep ont été
consommées à hauteur de 61 % par les secteurs
résidentiel et tertiaire et de 38 % par l'industrie.
Pour l'avenir, le Gouvernement prévoit que
le développement de
la consommation
(2,5 à 3 % de croissance par an)
devrait
relever pour l'essentiel des débouchés traditionnels. Trois
nouveaux marchés
sont également évoqués :
la climatisation au gaz naturel, la cogénération au gaz naturel
pour laquelle 1 300 MW constituent la puissance envisagée
à la fin de 1999, et le gaz naturel pour véhicules (GNV).
Dans ces conditions, le gaz naturel continuerait donc à être
quasiment absent de la génération électrique, sauf par le
biais de la cogénération.
C'est dans ce contexte qu'il convient de rappeler les conclusions de
l'étude de la Direction du gaz, de l'électricité et du
charbon (DIGEC) sur les coûts de référence de
l'électricité
104(
*
)
et les
observations de Pierre Terzian, auteur d'un rapport sur le gaz naturel
rédigé à la demande du Commissariat Général
du Plan
105(
*
)
.
Selon cette étude de la DIGEC réalisée en 1997, le cycle
combiné au gaz ressort clairement comme le moyen de production le plus
compétitif pour la production d'électricité en semi-base.
Aussi Pierre Terzian s'interroge-t-il sur l'opportunité, à
l'avenir, de miser sur le nucléaire autant qu'on l'a fait par le
passé. Il demande en particulier : "
Peut-on concevoir que
le premier électricien du monde (EDF) ne dispose pas d'une
expérience industrielle dans le gaz aussi, alors que dans le monde
entier, la convergence gaz-électricité est
flagrante ?
"
Il observe que la France dispose de deux atouts considérables pour
jouer un rôle important dans le secteur gazier de demain :
- une position solide dans le stockage du gaz, résultant d'un effort
considérable d'investissement ;
- une position géographique lui permettant de jouer un rôle de
transit gazier plus important qu'aujourd'hui : le gazoduc Norfra, qui
achemine 6 Gm
3
/an de gaz norvégien vers la Suisse, via
Dunkerque, met ainsi la France au coeur des routes gazières ; GDF
va recevoir, à Montoir de Bretagne, 3,5 Gm
3
/an de gaz
naturel liquide achetés par la compagnie italienne, Enel auprès
de la Compagnie nigérianne, NLNG ; enfin, l'artère des Hauts
de France doit amener dès 1998 le gaz norvégien de Dunkerque
à la région parisienne.
Ces arguments plaident pour un accroissement de la part du gaz dans la
génération électrique de demain.
Il s'agit également de se prémunir contre l'affaiblissement du
poids de Gaz de France dans la négociation des contrats
d'approvisionnement. Pierre Terzian écrit, en
effet, : "
On doit se demander si la position de
négociation de la France dans la recherche d'approvisionnements gaziers
ne sera pas affectée, demain, par l'absence de consommation
gazière dans son secteur électrique
. "
B. UN POINT D'ACTUALITÉ : LA DESSERTE GAZIÈRE
S'il est, on l'a dit, prématuré d'évoquer la transposition de la directive " gaz ", l'article 35 du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier que le Sénat vient d'adopter le 7 mai dernier, fournit l'occasion de faire le point sur un sujet d'importance : le problème de la desserte des communes en gaz naturel.
1. La nécessité de répondre à l'accusation d'abus de position dominante de GDF
Cet
article a pour objet de permettre aux communes non desservies en gaz de faire
appel à l'opérateur de leur choix.
Il fait suite à une mise en demeure, le 9 juin 1995, de la
Commission européenne qui a relevé un
abus de position
dominante
de la part de Gaz de France dès lors que
l'établissement public s'oppose, au nom du monopole de distribution qui
lui a été confié par la loi du 9 avril 1946,
à l'intervention d'autres distributeurs dans les zones non encore
desservies, alors même qu'il n'envisage pas lui-même d'assurer la
desserte de ces zones.
Rappelons que l'article 3 de la loi de nationalisation du
8 avril 1946 a confié à Gaz de France le monopole de la
desserte en gaz naturel du territoire.
Certes, ce monopole n'est pas absolu dans la mesure où cette loi
autorisait le maintien en activité des services locaux existants,
exploités sous forme de régies, de sociétés
d'économie mixte dans lesquelles les collectivités
détenaient plus de la majorité du capital ou bien de SICAE
(Sociétés d'intérêt collectif agricole pour
l'électricité), ou de coopératives d'usagers.
On recensait 17 distributeurs de gaz naturel non nationalisés qui
desservaient 174 communes, à la fin de 1997.
Mais,
ces derniers n'étant pas autorisés à
s'étendre
, Gaz de France se trouve de fait en position
quasi-monopolistique.
Or, contrairement à d'autres entreprises de service public,
Gaz de
France n'est pas tenu de desservir la totalité du territoire
.
Aux termes d'une circulaire du 2 octobre 1985, tout projet de
desserte nouvelle doit, en effet, être précédé d'une
étude technico-économique faisant ressortir
l'intérêt et la rentabilité de l'opération
projetée. Deux circulaires ultérieures ont fixé le seuil
minimal de rentabilité des investissements à 0,3.
En conséquence, les communes dont le raccordement au réseau ne
permettrait pas à Gaz de France de satisfaire ce
critère de
rentabilité
ne peuvent prétendre être desservies par
l'opérateur public. Comme elles ne peuvent pas non plus être
desservies par les sociétés d'économie mixte et
régies non nationalisées, l'accès au gaz naturel leur est
interdit.
L'article 35 du projet de loi précité, dont le principe
avait été annoncé en décembre 1997 pendant les
négociations communautaires sur l'ouverture du marché du gaz,
vise donc à exaucer la demande de la Commission européenne en
tentant de remédier à un problème majeur posé par
le monopole de Gaz de France.
On comprend l'intérêt stratégique d'une telle
démarche : en prenant les devants alors que la Commission
s'apprêtait à utiliser les moyens que lui accorde
l'article 90, paragraphe 3, du Traité, le gouvernement
français a pu obtenir que le maintien de son système actuel de
distribution qui repose sur le principe de service public soit approuvé
dans le projet de directive sur l'ouverture du marché gaz, au titre du
principe de subsidiarité
106(
*
)
.
2. Une timide brèche dans le monopole de distribution de GDF
L'article 35 du projet de loi précité prévoit
l'établissement par les services de l'Etat d'un
plan de desserte
gazière
. Ce plan comprendrait deux volets.
Dans un
premier volet
, seraient inscrites les communes non encore
desservies qui souhaitent être alimentées en gaz naturel ;
elles devraient
impérativement être desservies par Gaz de
France dans un délai maximum de trois ans
107(
*
)
. Gaz de France se trouverait ainsi incité
à accélérer l'extension de son réseau, ce qu'aucune
obligation légale ne l'obligeait à faire jusqu'à
présent.
Dans un
deuxième volet
, figureraient les communes connexes
à des communes déjà desservies par une régie
existante qui manifestent leur souhait d'être desservies par ces
mêmes régies ou SEM.
Le texte précise cependant que ne peuvent figurer au plan, parmi les
communes qui en font la demande, que les communes dont la desserte donne lieu
à des investissements pour lesquels la rentabilité est au moins
égale à un taux fixé par décret.
Pourront choisir de s'adresser au secteur libre, les communes -ou groupements
de communes- qui ne disposent pas d'un réseau public de gaz et qui ne
figurent pas dans le plan, ou dont les travaux de desserte prévus
n'auront pas été engagés dans le délai de
trois ans par GDF.
Le projet de loi initial a cependant été modifié par
l'Assemblée nationale, de telle façon que
les
opérateurs privés n'auront pour clients potentiels que les
communes pour lesquelles la desserte en gaz
n'est pas
rentable,
ce
qui n'était pas la volonté exprimée par le Gouvernement.
En outre, les députés ont réservé la
possibilité d'intervenir comme opérateurs aux seules
entreprises dans lesquelles au moins 30 % du capital est
détenu
, directement ou indirectement,
par l'Etat ou des
établissements publics
.
Le Sénat a, quant à lui, prévu que les
collectivités territoriales
pourraient figurer au nombre des
actionnaires détenant 30 % du capital des nouveaux
opérateurs.
La brèche ainsi autorisée dans le monopole de distribution de
GDF est, on le voit, de portée modeste.
En outre, cette disposition interdit à des
sociétés
gazières étrangères
qui posséderaient des
canalisations à proximité de nos frontières de desservir
les communes frontalières, sauf à créer des filiales
détenues à 30 % par l'Etat, une collectivité locale,
ou un établissement public français. Or, la Commission
européenne fait clairement référence, dans sa lettre de
mise en demeure, à la possibilité pour les communes proches des
frontières de recevoir des fournitures de gaz en provenance d'autres
Etats membres. Elle considère notamment qu'en limitant la distribution
du gaz sur le territoire national, GDF entrave le développement du
commerce entre Etats membres.
Aussi, sera-t-il sans doute nécessaire de réexaminer ce
problème de la desserte gazière à l'occasion de la
transposition de la directive concernant le marché intérieur du
gaz naturel.
CHAPITRE VI -
ADAPTER NOTRE POLITIQUE
PÉTROLIÈRE
Le
secteur du raffinage en Europe se caractérise par d'importantes
surcapacités de production évaluées à
10 %
108(
*
)
, les restructurations latentes
depuis plusieurs années ayant été différées
compte tenu des coûts élevés de fermeture de raffineries
(de l'ordre de 550 millions de francs pour une usine de 6,5 Mt/an).
Dans le contexte de marges chroniquement faibles que ces surcapacités
induisent, des investissements considérables à rentabilité
incertaine vont être requis pour suivre l'évolution du
marché pétrolier, tant en quantité qu'en qualité,
avec le souci constant d'une poursuite de l'amélioration de
l'environnement.
L'industrie du raffinage française est, en outre, confrontée
à la concurrence agressive des grandes et moyennes surfaces pour la
distribution et à la forte demande de gazole résultant d'une
fiscalité indûment attractive, demande que son outil de production
ne peut satisfaire.
Or, le raffinage français représente 20 000 emplois (directs
et induits) et assure une valeur ajoutée de 12 milliards de francs par
an. Au-delà de la sécurité de l'approvisionnement en
produits pétroliers qu'il contribue à assurer, ce secteur
représente un savoir-faire qui permet à la France d'être
bien placée dans l'exportation de technologies.
Dans ces conditions, votre commission d'enquête considère qu'il
appartient à la puissance publique de prendre les mesures fiscales
nécessaires au maintien d'une industrie du raffinage
compétitive
.
Or, non seulement la loi de finances n'a
réduit qu'à la marge le différentiel de taxation entre
l'essence et le gazole, mais elle a de surcroît supprimé un
dispositif essentiel pour atténuer l'incidence des variations des cours
du pétrole dans les résultats imposables des raffineurs, la
" provision pour fluctuation des cours ".
I. SAUVEGARDER NOTRE INDUSTRIE DU RAFFINAGE
A. LA VULNÉRABILITÉ DU RAFFINAGE FRANÇAIS
Dans la
compétition qui va s'engager entre les sites de raffinage, la
plate-forme française est particulièrement vulnérable en
raison des handicaps qui altèrent sa
compétitivité
109(
*
)
:
- frais de fabrication les plus élevés d'Europe dus
notamment à des surcoûts spécifiques français de
l'ordre de 13 F/tonne (obligation de pavillon, frais portuaires, taxe
professionnelle, coûts salariaux) ;
- demande excessive de gazole favorisée par la fiscalité, et
excédents d'essence : en 1997, la France a produit 3 Mt d'essence
en excédent (20 % de la production française) et a dû
importer 8 Mt de gazole au prix fort (18 % des besoins), le
surcoût étant estimé à 200 millions de francs ;
- faible demande de fioul lourd du fait du développement de
l'énergie nucléaire ;
- faibles marges de raffinage : sur la base d'un coût de
raffinage de 100 en moyenne en Europe, l'indice atteint 111 dans
l'Hexagone ;
- concurrence du réseau de distribution des grandes et moyennes
surfaces (GMS) qui pèse fortement sur la marge de distribution des
pétroliers (coût estimé à 700 millions de francs par
an).
Le tableau ci-après retrace les marges de transport-distribution des
raffineurs français comparées à celles des raffineurs de
plusieurs pays de l'Union européenne.
- suppression de la provision pour fluctuation des cours : comme
indiqué dans l'encadré ci-après, la provision pour
fluctuation des cours permettait d'atténuer les conséquences
fiscales des plus ou moins-values latentes enregistrées sur les stocks
de pétrole des compagnies de raffinage ; sa suppression risque donc
de fragiliser ces dernières face à la concurrence de compagnies
européennes qui ne pâtissent pas de la variation des cours compte
tenu de l'utilisation de méthodes de comptabilisation des stocks
différentes (méthode dite du " dernier entré, premier
sorti ", ou LIFO).
A défaut donc de réformer la législation comptable,
votre commission d'enquête souhaite que soit introduit rapidement en
France un nouveau système de lissage des plus ou moins-values sur stocks.
LE PROBLÈME DE LA VARIATION DES COURS DU PÉTROLE
Les
industries qui transforment des matières premières acquises sur
les marchés internationaux ou le territoire national sont
exposées aux fluctuations permanentes des cours de ces matières
qui affectent le coût de renouvellement des stocks nécessaires
à leur exploitation.
Or, bien que les stocks de ces entreprises doivent être renouvelés
à un volume constant ou croissant, la différence entre la valeur
comptabilisée du stock à la clôture d'un exercice et la
valeur du même stock à l'ouverture de l'exercice fait partie
intégrante du résultat imposable. Le profit sur stock ainsi
constaté est soumis à imposition alors même qu'il est
affecté d'une obligation de réemploi et ne constitue donc pas un
profit disponible susceptible d'être distribué aux actionnaires.
Dans de nombreux pays, cette difficulté est résolue par la
valorisation des stocks selon la méthode " dernier entré,
premier sorti " (DEPS ou LIFO) : les stocks étant
consommés à une valeur proche de leur coût de remplacement,
l'augmentation de la valeur des stocks ne touche pas le stock comptable tant
que le stock outil reste stable. Cette méthode permet donc de
neutraliser la quasi-totalité des variations de prix affectant les
stocks de base indispensables à la poursuite de l'exploitation.
Cette méthode, bien que prévue par la 4
ème
directive comptable européenne, n'est jusqu'à présent pas
admise par la législation fiscale française, qui,
conformément à la législation comptable, prévoit
l'évaluation des stocks selon le prix d'acquisition historique. Les
produits sont en effet réputés vendus dans l'ordre chronologique
de leur comptabilisation. Sans mécanisme correcteur, les entreprises
françaises paieraient donc d'avantage d'impôt que leurs
concurrentes tenant leur comptabilité en LIFO.
Pour éviter que ces règles restrictives compromettent
l'activité des entreprises qui transforment en France des
matières premières dont les prix sont soumis aux variations des
cours internationaux, la législation française permettait depuis
1948 à ces entreprises de constituer, en franchise d'impôt, une
provision pour fluctuation de cours
(PFC) représentative de la
dérive des coûts d'un stock de base strictement défini.
Le principe était simple : lorsque les cours augmentaient, les
entreprises provisionnaient, puis elles réintégraient ces
provisions lorsque les cours baissaient. Ainsi, elles pouvaient effacer de
l'assiette imposable des profits sur stocks en période de hausse des
cours (profits seulement latents puisque non réalisés) et
réduire leurs pertes en période de baisse.
La loi de finances pour 1998 a supprimé ce dispositif et a contraint les
entreprises qui en bénéficiaient à
réintégrer dans leurs résultats les provisions
constatées sur une période de trois ans (la loi de finances
prévoit cependant une franchise de 60 millions de francs pour
éviter de pénaliser les petites entreprises de transformation des
matières premières). Cette mesure devrait se traduire par une
charge de plus de 3 milliards de francs d'impôt pour l'industrie
française du raffinage
déjà handicapée par
rapport à ses concurrents et confrontée à des besoins
d'investissements massifs. Elle laisse en outre non résolu le
problème de l'enrichissement sans cause résultant de l'impact de
la variation des cours internationaux du pétrole sur le stock de base
des raffineurs. Or, une loi du 31 décembre 1992 rend obligatoire la
constitution de stocks stratégiques afin d'assurer la
sécurité de l'approvisionnement énergétique
français.
La commission des finances du Sénat observait fort justement dans son
rapport sur la loi de finances pour 1998 que "
sans un mécanisme
d'effet équivalent à la PFC, la France serait le seul pays
d'Europe à faire payer à ses entreprises le coût de
l'enrichissement sans cause. Il en résulterait une dégradation de
la compétitivité des entreprises françaises de
transformation des matières, une chute des investissements, des
licenciements et des délocalisations
".
Le taux de rendement des capitaux employés dans le secteur du raffinage
ne ressort ainsi qu'à 4,4 %, contre 20 % pour l'industrie
pharmaceutique, 17 % pour l'exploration-production de pétrole ou
12 % pour la chimie.
B. LE POIDS DES CONTRAINTES ENVIRONNEMENTALES
Les
contraintes sur la qualité des produits vont rester le facteur
déterminant dans la politique d'investissements des compagnies de
raffinage européennes. Pour satisfaire la teneur maximale
autorisée en soufre de 500 parties par million (ppm) dans le gazole, la
capacité totale d'hydrotraitement et d'hydrodésulfuration en
Europe a augmenté d'environ 15 % sur les trois dernières
années.
Or, les directives européennes fixant les nouvelles normes 2000 sur
les émissions des véhicules automobiles et les
caractéristiques des carburants devraient être beaucoup plus
sévères
110(
*
)
.
Le raffinage français va donc devoir accroître son effort
d'investissement à l'horizon 2000-2005 pour se mettre en
conformité avec ces nouvelles réglementations
. Sur la base
des efforts déjà prévus à l'échelle de
l'Europe, la part des investissements incombant au raffinage français
est évaluée à :
- 13 milliards de francs de 1997 à 2010 pour l'amélioration
de la qualité de l'air dans les villes (après 19 milliards entre
1991 et 1997), soit l'équivalent de 1 milliard de francs par
raffinerie ;
- la même somme
111(
*
)
pour la
protection accrue des écosystèmes sensibles (contre les pluies
acides) par de nouvelles réductions des émissions de soufre et
d'oxydes d'azote (soit 1 milliard de francs par raffinerie).
Le coût de la maîtrise des émissions de dioxyde de carbone
(CO
2
), faisant suite aux engagements européens pris à
la Conférence de Kyoto n'a pas été estimé, mais il
risque d'être élevé pour le raffinage.
La mise en oeuvre de l'ensemble de ces contraintes sur le soufre demandera une
restructuration complète de l'outil de raffinage avec la construction
d'unités de conversion profonde et de nouvelles unités de
raffinage à l'hydrogène (hydrocraquage ou
hydrodésulfuration poussée). Cela induira nécessairement
une reconfiguration du raffinage français avec vraisemblablement des
stratégies d'alliance, la définition de sites de taille
internationale, notamment par le biais d'accords locaux de coopération
commerciale.
Il faut espérer que l'industrie du raffinage mette à profit cette
restructuration pour développer ses capacités de production en
essences " reformulées ". Enrichies en composants
oxygénés inoffensifs, les carburants reformulés
permettraient en effet de réduire les émissions de monoxyde de
carbone (CO), d'hydrocarbures imbrûlés (HC), de composés
organiques volatils (COV) et de benzène.
Largement utilisés aux Etats-Unis et dans les pays nordiques
112(
*
)
, ces carburants présentent, en outre,
l'avantage d'avoir un impact immédiat sur les émissions de
l'intégralité du parc automobile, alors qu'il faudrait attendre
au moins dix ans pour voir les effets d'une substitution de véhicules
plus propres au parc automobile actuel.
II. LE PROBLÈME DE LA DISTRIBUTION DE CARBURANT
A. LA DIMINUTION DU NOMBRE DE STATIONS-SERVICE
On
comptait 47.500 stations-service dans l'Hexagone fin 1975 et 34.600 en 1985. Il
n'en subsistait plus que
17.514
fin 1997. L'an dernier, encore 450
points de vente ont disparu. 70 000 emplois ont ainsi été perdus
notamment en zones rurales ou au coeur des villes,
une station-service
classique utilisant cinq fois plus de personnel qu'une station de grande
surface par m
3
de carburant vendu
.
Ce phénomène a essentiellement affecté les
détaillants - qu'il s'agisse des distributeurs du réseau des
compagnies pétrolières ou des distributeurs
indépendants - dont la part de marché a diminué de 80
à 53 % depuis 1985, tandis que celles des grandes et moyennes
surfaces (GMS) s'accroissait de 20 à 47 % au cours de la même
période. La part de marché de ces dernières est
estimée par l'UFIP à 51,1 % en 1997.
Ces fermetures résultent donc en partie de la concurrence des GMS qui
utilisent les carburants comme produits d'appel, allant même
jusqu'à pratiquer des prix de vente qui ne couvrent pas l'ensemble des
coûts de distribution de ces produits. En 1972, un arrêté
tentait d'en limiter les débordements mais, par la suite, la
réglementation s'est efforcée de légaliser
a
posteriori
les remises sans cesse croissantes accordées par les
GMS.
Ainsi, de 1975 à 1980, avec un rabais autorisé de 6 centimes par
litre, le nombre de stations classiques a diminué de 14 % et celui
des stations des GMS a augmenté de 51 %. De 1980 à 1985, les
rabais autorisés sont passés progressivement de 10 c/l
à 17 c/l : les évolutions respectives ont
été de - 26 % et + 50 %. De 1985 à 1990,
dans un contexte concurrentiel exacerbé par des pratiques alors devenues
légales (la liberté des prix est intervenue en 1985), les
évolutions ont été de - 30 % et + 67 %.
Enfin, de 1990 à 1995, les évolutions ont été de
- 30 % et + 5 %, la quasi-totalité des
supermarchés ayant été équipés de pompes
avant 1990.
Il faut noter également que les grandes surfaces, qui s'approvisionnent
auprès des raffineurs, bénéficient de la baisse des prix
des produits raffinés résultant du déséquilibre
créé par le poids du gazole. En effet, alors que les raffineries
françaises ne disposent pas de l'outil de raffinage suffisant pour faire
face à l'accroissement de la demande de gazole, elles sont
obligées d'exporter les quantités de supercarburants qu'elles
raffinent en excédent.
En conséquence, les centrales d'achat des grandes surfaces sont en
mesure, dans le climat actuel de très forte concurrence et de bas prix
du pétrole, d'obtenir des prix base exportation de la part des
raffineurs puisque ces derniers n'ont pas d'alternative et qu'à
l'exportation ils supporteraient des frais de logistique
supplémentaires. Ces bas prix au stade du raffinage entraînent des
prix finaux déprimés au niveau de l'ensemble de la distribution
d'essence.
Certes les pouvoirs publics ont tenté de remédier à ce
phénomène de " raréfaction " de la desserte du
territoire en carburants
.
La loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au
développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat
prévoit ainsi l'obtention d'une autorisation spéciale pour
l'implantation de stations-service et l'extension de la taxe sur les surfaces
commerciales de la grande distribution aux surfaces de leurs stations de vente
de carburant au profit du Comité Professionnel de la Distribution des
Carburants (CPDC). Cet organisme est chargé de distribuer des aides
destinées à favoriser la maintien d'un nombre suffisant de points
de vente en zone rurale.
Mais, outre que cette loi est sans effet sur le réseau actuel, ses
textes d'application n'ont pas encore été publiés. Enfin,
les 60 millions de francs que devrait rapporter la taxe sur les surfaces de
vente de carburants ne représente que 20 000 F par an par
détaillant, ce qui paraît insuffisant pour assurer sa survie.
Les professionnels regrettent en conséquence que leurs propositions
visant à modifier le régime d'interdiction de la revente à
perte
113(
*
)
ou à étendre le
régime législatif des prix abusivement bas à la vente des
carburants n'aient pas été acceptées par le Gouvernement,
en dépit d'un avis favorable du Parlement. Ils font valoir que
l'obligation d'intégrer l'ensemble des coûts de distribution
dans les prix de vente aurait permis
, à un coût modique pour
les consommateurs (hausse moyenne de 3 c/l pour l'ensemble de la distribution
pétrolière),
de faire cesser la pratique des prix
prédateurs et contribué au sauvetage des petites stations
situées dans la zone d'influence des grandes et moyennes surfaces.
Au total, le nombre de points de vente devrait continuer à
décroître au cours des prochaines années, bien que plus
lentement. Il faut espérer que les Français, qui se disent de
moins en moins prêts à faire un détour pour payer moins
cher leur essence
114(
*
)
, agissent en
conséquence.
Il est important d'observer que les futures normes imposées aux
stations-service en matière environnementales seront beaucoup plus
faciles à amortir pour des stations des GMS qui vendent plus d'un
million de litres par mois, que pour les stations du réseau traditionnel
qui écoulent en moyenne 150 000 à 200 000 litres par
mois.
B. LE MARCHÉ PÉTROLIER FRANÇAIS DE GROS
Le
marché pétrolier de gros se caractérise également
par une concurrence sévère entre trois types d'acteurs : les
filiales des grandes et moyennes surfaces, les raffineurs-distributeurs et
leurs filiales, et les indépendants traditionnels.
Les dix dernières années ont été marquées
par la forte croissance des GMS sur le marché des supers et du gazole,
ainsi que la reprise par les raffineurs-distributeurs de nombreux
indépendants, souvent parmi les plus gros. Les filiales des GMS ont
ainsi gagné 27 points de parts de marché sur le marché de
gros des carburants-auto en dix ans, pour atteindre 39 %, au détriment
en premier lieu des indépendants traditionnels et des
raffineurs-distributeurs (44,2 %). S'agissant des seules ventes de super sans
plomb, les filiales des GMS assurent l'approvisionnement de 37,5 % du
marché.
S'agissant du fioul domestique, les raffineurs-distributeurs ont porté
leur part à 79,1 % du marché, au détriment des
indépendants traditionnels qui tombent à 19,4 % sur un
marché dont ils détenaient 33 % environ il y a dix ans.
Le créneau des fiouls lourds est le seul créneau sur lequel les
indépendants traditionnels progressent.
III. RÉVISER LA FISCALITÉ PÉTROLIÈRE
Il
n'entre pas dans les intentions de votre commission d'enquête
d'intervenir dans la polémique sur les avantages et inconvénients
supposés des moteurs diesel par rapport aux moteurs à essence.
Elle constate simplement qu'en raison d'un traitement fiscal
privilégié des possesseurs de véhicules diesel et du
gazole, la pénétration des véhicules diesel sur le
marché français excède largement les besoins des
conducteurs qui réalisent un nombre important de kilomètres. En
outre, la demande de gazole moteur anormalement élevée qui en
résulte ne peut être satisfaite par le raffinage
français.
Un rééquilibrage de la taxation entre les
différents carburants semble dès lors justifié, à
condition qu'il soit effectué prudemment et qu'il soit programmé
sur le long terme.
A. L'ÉCART DE TAXATION ENTRE LES DIFFÉRENTS CARBURANTS ROUTIERS DÉSTABILISE LE RAFFINAGE
Le
différentiel de taxe intérieure sur les produits
pétroliers (TIPP) entre le super sans plomb et le gazole est aujourd'hui
d'environ 1,43 franc par litre. Ainsi, alors que le prix hors taxes d'un
litre de gazole est sensiblement égal à celui d'un litre de
supercarburant sans plomb (1,21 franc contre 1,25 franc), la TIPP est de
2,41 francs dans un cas contre 3,84 francs dans l'autre. La Finlande mise
à part, il s'agit de l'
écart le plus important au sein de
l'Union européenne
(l'écart de prix TTC est de près de
1,8 franc par litre en faveur du gazole).
Il convient de préciser toutefois que le gazole n'est pas moins
taxé en France que dans les autres pays de l'Union européenne. Ce
sont les autres carburants routiers (supercarburants) qui le sont davantage. La
TIPP représente ainsi 61 % du prix TTC du supercarburant sans plomb
95, contre 54 % du prix TTC du gazole.
Le tableau ci-après illustre les écarts de taxation (toutes taxes
comprises) entre supercarburant sans plomb et gazole dans plusieurs pays de
l'Union européenne :
Ce différentiel a conduit à un
taux de
diésélisation du parc
de véhicules français qui
reste aujourd'hui
inégalé
dans le monde, même si
certains pays ont fait connaître leur volonté d'accroître
leur parc de véhicules diesel. La part du diesel dans l'ensemble du parc
automobile français est ainsi de 38,1 %. Pour les voitures
particulières, elle est de 30,8 % au 1
er
janvier 1998,
en hausse de 1,5 point par rapport à 1996. La motorisation diesel
concerne 39 % des immatriculations nouvelles. Elle est en
légère baisse.
A titre de comparaison, la part de marché des véhicules diesel
est de 14,6 % en Allemagne, de 10,3 % en Italie et de 22 % en Europe.
Le graphique ci-après illustre la très forte croissance de la
demande de gazole qui résulte de l'avantage accordé à ce
carburant en France, pour les seuls véhicules particuliers. Il montre
a contrario
l'infléchissement de la consommation d'essence.
Or, les
inconvénients des particules en suspension
émises
par les véhicules diesel sur la qualité de l'air sont
avérés par de nombreuses études convergentes.
De plus, la déformation de la structure de consommation des carburants
sous l'effet de la fiscalité fait diverger de plus en plus lourdement la
demande par rapport aux possibilités de l'outil de raffinage
français. Il en résulte des surcoûts d'import et d'export
et des besoins d'investissement lourds pour ajuster les schémas de
raffinage qui fragilisent le raffinage français par rapport aux autres
pays européens.
Le rapport sur l'utilisation du gazole transmis par le Gouvernement de
M. Alain Juppé au Parlement en septembre 1996, en application de la
loi de finances pour 1996, indique à cet égard :
" L'industrie du raffinage ne peut que séparer dans certaines
proportions les produits pétroliers préexistant dans les
pétroles bruts mais on ne sait pas transformer de l'essence en gazole et
inversement. Tant que la demande de produits se trouve dans la plage de
flexibilité de l'industrie du raffinage, il n'y a pas de problème
particuliers. Mais, dès qu'on sort de la plage de flexibilité de
l'industrie, les raffineries ne peuvent pas adapter leur production à la
demande. C'est ce qui se passe en France du fait du développement rapide
du marché du gazole. "
En outre, les investissements pour améliorer la qualité du gazole
seront particulièrement élevés en France, vu l'importance
de la demande par comparaison avec les autres pays européens.
Par ailleurs, le développement du carburant le moins taxé (le
gazole) au détriment du plus taxé (le super) altère
significativement les recettes de l'Etat. Une réduction de
l'écart actuel au niveau de l'écart moyen constaté dans
l'Union européenne (0,92 franc par litre) générerait un
supplément de recettes de l'ordre de 14 milliards de francs et de 39
milliards de francs en cas d'alignement des fiscalités appliquées
au gazole et au supercarburant sans plomb. Pour tenir compte de l'impact que ne
manquerait pas d'avoir un rééquilibrage de la fiscalité
sur la structure du parc automobile français, il n'est pas
irréaliste d'estimer à
7 milliards de francs la perte de
recettes fiscales réelle résultant de l'écart de
fiscalité
.
Enfin,
les raisons qui justifiaient le maintien d'une fiscalité plus
favorable pour le gazole ont disparu
: en effet, non seulement les
progrès réalisés par la motorisation diesel ont
considérablement accru leurs performances, mais le souci de
préserver l'indépendance énergétique de la France
en privilégiant les véhicules les plus économes
apparaît paradoxal dès lors qu'il a pour conséquence
d'accroître les importations françaises.
Tous ces éléments plaident pour une réduction de
l'écart de taxation entre l'essence et le gazole. Pour autant, il ne
faut pas sous-estimer les obstacles à un tel
rééquilibrage.
B. LE RÉÉQUILIBRAGE DOIT ÊTRE PRUDENT ET PROGRESSIF
Il
convient, en premier lieu, de
préserver les ménages d'une
hausse excessive de la fiscalité
applicable à un carburant
que les pouvoirs publics les ont encouragé, du moins implicitement,
à consommer.
Un tel souci doit conduire à ce que toute réforme de la
fiscalité soit annoncée longtemps à l'avance et
programmée sur une période suffisamment longue pour permettre aux
agents économiques d'opérer leurs arbitrages. Il implique, en
outre, que la réforme soit opérée à recettes
globales constantes : il faut donc se livrer à l'exercice
délicat consistant à compenser par une baisse de la TIPP pesant
sur les supercarburants, la hausse de la TIPP pesant sur le gazole, pour que
l'impact de la réforme sur le volume total des recettes de TIPP soit
neutre.
Il convient, en second lieu, de
ne pas déstabiliser l'industrie
automobile française qui a adapté son outil de production
à la structure domestique de la demande.
C'est ainsi qu'en 1995, une voiture sur trois produite par les constructeurs
français était un véhicule diesel, contre une sur cinq
pour les constructeurs allemands et une sur dix pour les constructeurs
italiens. Cette proportion est même supérieure à 40 %
pour PSA Peugeot-Citroën, premier producteur mondial de voitures
particulières diesel. Il ne faudrait donc pas mettre en péril une
industrie qui représente 313 000 emplois et sacrifier notre avance
dans le domaine de la maîtrise de la technologie du diesel.
Néanmoins,
le reflux des véhicules diesel sur le marché
domestique
en cas de rééquilibrage de la fiscalité
française - qui ne saurait être, comme nous l'avons vu, que
très progressif -
pourrait être aisément
compensé par la conquête de parts de marché à
l'exportation
si certains pays s'engagent résolument dans la voie du
diesel.
Or, aux Etats-Unis, où le diesel est inexistant, le vice
président Al Gore a récemment exprimé un vif
intérêt pour le diesel. L'Italie s'est également
donnée pour objectif de porter la part du diesel de 10 à
40 % du parc d'ici 2005. Enfin, le gouvernement allemand a modifié
ses dispositions fiscales afin d'accroître la diffusion du diesel.
Dès lors, rien n'empêche le rééquilibrage de la
fiscalité des carburants vers plus de neutralité, sans oublier
qu'
il ne s'agit pas ici de condamner le diesel mais de concentrer son usage
entre les mains des conducteurs qui réalisent un nombre important de
kilomètres
, ce qui devrait aboutir à réduire le taux
de diésélisation du parc à 25 % environ.
Le relèvement de 8 centimes de la TIPP pesant sur les carburants
routiers dans la dernière loi de finances a certes réduit
l'écart en valeur relative entre les supercarburants et le gazole, mais
il l'a maintenu en valeur absolue. Or, c'est l'écart en valeur absolue
qui est significatif pour le consommateur et non l'écart en valeur
relative.
Votre commission d'enquête appelle donc à une action plus
résolue des pouvoirs publics vers un alignement de l'écart de
TIPP entre le gazole et le supercarburant sur l'écart moyen
européen
(0,92 francs par litre au lieu de 1,43 francs
aujourd'hui). Cet alignement devrait être
programmé sur une
période de 5 à 10 ans
.
C'est également ce que préconise la mission d'information commune
de l'Assemblée nationale sur la situation et les perspectives de
l'industrie automobile en France et en Europe
115(
*
)
.
Parallèlement, des solutions devront être trouvées pour que
la compétitivité du secteur des transports routiers et du secteur
automobile n'en souffrent pas.
C. LE MODE DE CALCUL DE LA PUISSANCE FISCALE DES VÉHICULES A ÉTÉ RÉFORMÉ DANS LE SENS D'UNE PLUS GRANDE NEUTRALITÉ
L'attractivité des véhicules diesel était
encore accrue jusqu'à présent par une
fiscalité du
véhicule
(vignette, carte grise, taxe sur les véhicules de
société)
plus favorable pour les véhicules diesel
,
compte tenu du mode de calcul de la puissance administrative des
véhicules sur laquelle cette fiscalité repose.
En effet, la formule mathématique permettant de déterminer la
puissance fiscale des véhicules (qui prenait en compte la
cylindrée du véhicule et la démultiplication de la
transmission), se trouvait affectée d'un coefficient égal
à 1 pour les moteurs à essence et 0,7 pour les moteurs diesel, ce
qui revenait à accorder un
abattement de puissance d'un tiers
à ces derniers.
En conséquence, un véhicule diesel ayant une cylindrée de
15 ou 30 % supérieure à celle d'un véhicule à
essence pouvait avoir une puissance fiscale inférieure de 20 à 30
% de celle de ce dernier. Cela se traduisait par des écarts de 1
à 2 chevaux pour les véhicules du bas de la gamme, de 2 à
3 chevaux en milieu de gamme et de 3 à 5 chevaux fiscaux pour le haut de
gamme.
Le Gouvernement vient d'y mettre un terme en proposant, à
l'initiative du Sénat, une formule de calcul plus neutre, prenant en
compte la puissance réelle des véhicules et les émissions
de dioxyde de carbone
116(
*
)
.
Une telle réforme, qui devrait rester globalement neutre pour les
finances des collectivités territoriales, demeure favorable aux
véhicules diesel compte tenu de la prise en compte au numérateur
de la nouvelle formule, des émissions de dioxyde de carbone
(CO
2
) que les moteurs diesel produisent en moins grande
quantité que les moteurs à essence. Il faut saluer cette
innovation : elle marque le souci de la France de lutter contre l'effet de
serre.
On peut néanmoins regretter que d'autres émissions polluantes
comme le dioxyde d'azote (NOX) ou les particules fines, dont les moteurs diesel
sont de gros producteurs, ne soient pas concernées.
LES PROPOSITIONS DETAILLÉES
DE LA COMMISSION
D'ENQUÊTE
REDONNER UNE PRIORITÉ À LA MAÎTRISE DE L'ÉNERGIE
1-1 Cibler les actions sectorielles les plus efficaces
Dans l'industrie
, il faut encourager la mise en oeuvre des prises de
décisions, notamment par le biais d'expertises et d'incitations fiscales.
Dans l'habitat
, il convient :
- d'optimiser la consommation d'énergie dans les logements
(amélioration des performances techniques, travaux d'isolation,
séparation des différents types de consommation, ...) ;
- de rendre obligatoires certaines normes d'efficacité
énergétique, plutôt que d'imposer une performance globale
minimale, en laissant au maître d'ouvrage le choix des moyens ;
- de contrôler le respect de la réglementation
thermique.
Dans le secteur tertiaire
, votre commission d'enquête
propose :
- d'harmoniser les exigences sur celles des logements individuels ;
- de faire des bâtiments publics des exemples ;
- d'introduire, dans les règles applicables aux
marchés publics, l'obligation de retenir l'offre dont le coût
global (investissement + exploitation) est le plus faible ;
- de s'assurer du respect de la réglementation.
Dans le secteur des transports
:
- de promouvoir des véhicules et des modes de transport
économes en énergie ;
- d'améliorer les conditions d'utilisation des
véhicules ;
- d'encourager les carburants alternatifs ;
- de rétablir les conditions d'une concurrence équitable
en mettant à la charge des usagers des transports les
" externalités " (en termes d'impact sur l'environnement, par
exemple) ;
- d'intégrer le facteur énergétique dans la
décision publique, notamment quand elle a trait à l'urbanisation.
1-2
Encourager les citoyens à participer à
la politique d'économies d'énergie
, au travers d'une
amélioration des actions d'information, de conseil et d'incitation.
1-3 Conforter les missions de maîtrise de l'énergie de
l'ADEME et assurer la pérennité de ses moyens.
Ceci implique que la maîtrise de l'énergie redevienne le coeur
des activités de l'ADEME, et que lui soient donnés les moyens
correspondants.
DÉVELOPPER LA DIVERSIFICATION DES ÉNERGIES EN METTANT EN
OEUVRE DES TECHNOLOGIES JUSQU'ICI TROP NÉGLIGÉES
2-1
Développer la cogénération
" utile "
Ceci devrait se faire, en particulier, par la trigénération
(association de la cogénération et de la production de froid) et
le recours à des sources d'énergies de récupération
(déchets urbains, résidus pétroliers).
En revanche, il conviendrait de supprimer l'obligation d'achat par EDF de
l'électricité produite par des installations rentables.
2-2
Encourager les technologies favorisant l'utilisation
propre du charbon
(charbon pulvérisé avec traitement des
fumées, filière du lit fluidisé circulant,
gazéification) etc..
SOUTENIR NOTRE INDUSTRIE PÉTROLIÈRE
- il est nécessaire de prendre les mesures fiscales
nécessaires au maintien d'une
industrie du raffinage
compétitive
;
- et d'aller vers
un alignement des taxes applicables au gazole et
aux supercarburants.
DÉVELOPPER NOTRE SAVOIR-FAIRE EN MATIÈRE D'ÉNERGIES
RENOUVELABLES
Les énergies renouvelables méritent d'être
encouragées
sous certaines conditions, comme énergie
d'appoint ou dans le cadre de projets décentralisés auxquels les
collectivités locales doivent être si possible associées,
même si
elles ne
représentent qu'une part
limitée de notre bilan énergétique.
4-1
Recourir aux énergies renouvelables, soit en
exploitant les niches de rentabilité, soit en développant des
technologies susceptibles d'être compétitives à
terme
- pour l'énergie
éolienne :
cibler
précisément le marché potentiel, à savoir petites
éoliennes pour des sites éloignés du réseau, petits
réseaux collectifs en cas d'insularité et technologies à
valoriser à l'export ;
- pour l'énergie
solaire :
développer la
filière photovoltaïque pour électrifier des sites
isolés et exporter notre savoir-faire ;
- poursuivre le développement de la "
petite
"
hydraulique
;
- encourager la production de
biomasse :
réactiver le
plan
énergie-bois
et créer des filières
structurées d'approvisionnement en bois ; au travers du
biogaz
,
valoriser nos 3 millions de tonnes de déchets
agro-alimentaires ;
- pour les
biocarburants :
continuer à favoriser leur
production; soutenir la recherche en vue d'améliorer leur
compétitivité ; publier les décrets d'application des
dispositions de la loi sur l'air et sur l'utilisation rationnelle de
l'énergie du 30 décembre 1996.
4-2
Mettre en place des financements adaptés
- il s'agit d'organiser la coopération entre les promoteurs
d'énergies renouvelables et le Fonds d'amortissement des charges
d'électrification (FACE) ;
- si des subventions à l'investissement et l'obligation d'achat
par EDF de l'électricité ainsi produite sont nécessaires
en phase de lancement d'une technologie, elles doivent être suspendues
dès lors que celle-ci atteint maturité et rentabilité.
CONSOLIDER NOS ACQUIS DANS LE NUCLÉAIRE POUR ASSURER L'AVENIR
5-1 Dépassionner le débat sur le nucléaire en
améliorant l'information
-
mieux informer
les Français sur l'ensemble des risques
et incidents concernant les diverses sources d'énergie ainsi que les
autres industries, chimiques notamment ;
-
créer un organisme
chargé de recueillir les
données contradictoires
en ce domaine et de remettre chaque
année un
rapport public
au Gouvernement et au Parlement.
5-2 Améliorer la transparence du secteur et la
crédibilité de la sûreté :
- organiser
un contrôle de sûreté et de
radioprotection moins " éclaté "
entre
différents organismes
et plus indépendant
;
- réexaminer la
sûreté sur l'ensemble de la
filière et en particulier sur la chaîne du transport
de
combustibles usés ;
-
étendre
le champ d'application de
l'échelle
internationale des événements nucléaires
(échelle INES, qui va de 1 à 7)
au transport
des
matières radioactives.
5-3
Développer la coopération internationale
en
matière de sûreté et de recherche
5-4
Améliorer la gestion de l'aval du cycle
Il est nécessaire de
poursuivre
conjointement
les
recherches
concernant les trois axes définis par la loi du
30 décembre 1991, car ils sont
complémentaires
.
Il convient de
conforter le choix du
retraitement
des
combustibles usés, qui permet de diviser par quatre le volume des
déchets ultimes à stocker et par dix leur
radiotoxicité ;
En ce qui concerne la
fermeture
de
Superphénix : revenir sur cette grave erreur
qui a pour
conséquences de :
- dilapider un savoir-faire considérable et des moyens
techniques nécessaires pour garantir l'avenir de la filière des
neutrons rapides ;
- se priver d'un outil de recherche de taille industrielle sur la
transmutation des déchets hautement radioactifs et à vie longue.
Ce réacteur apparaît indispensable car
Phénix et
Superphénix sont complémentaires et non substituables
; en
outre, rien ne garantit aujourd'hui que Phénix, même
" relifté " sera autorisé par les autorités de
sûreté à mener l'ensemble des programmes de recherche que
le Gouvernement souhaite lui voir mener.
A tout le moins, organisons un
débat
,
suivi d'un vote
,
au sein des assemblées parlementaires.
En tout état de cause, le Gouvernement doit rapidement
autoriser l'implantation et l'exploitation d'au moins
deux laboratoires
souterrains
, afin que soient poursuivies les recherches sur le stockage des
déchets ultimes en zone géologique profonde, en s'attachant
à maintenir ouverte l'option de la
réversibilité
;
Il faut poursuivre parallèlement les recherches concernant
l'entreposage
de longue durée en surface.
5-5
Préparer le nucléaire du futur :
- construire au plus tôt un prototype du
réacteur
franco-allemand
EPR
(European Pressurized Reactor) et proposer un site
pour l'accueillir ;
- lancer un démonstrateur expérimental permettant de
valider la technologie des
réacteurs
hybrides
;
- poursuivre activement les programmes de recherche, engagés dans
le cadre européen, dans le domaine de la
fusion nucléaire
.
TRANSPOSONS AVEC LUCIDITÉ ET RÉALISME LES DIRECTIVES
EUROPÉENNES " ÉLECTRICITÉ " ET " GAZ
NATUREL " EN DROIT FRANÇAIS
6-1
Il appartient aux pouvoirs publics de
définir :
-
les missions de service public
, celles qui relèvent du
service public de l'électricité
stricto sensu
devant
être financées par le monopole, les obligations résultant
d'autres politiques publiques relevant d'un fonds alimenté par
l'ensemble des consommateurs ;
-
les critères d'éligibilité
, les
régies
municipales de distribution d'électricité
devant être éligibles - c'est-à-dire pouvoir choisir leur
fournisseur - sans pour autant que cela n'entraîne d'augmentation du
seuil d'ouverture du marché à la concurrence ;
-
la politique énergétique
, par le biais d'une
loi d'orientation énergétique quinquennale,
en fixant les
objectifs et les moyens en termes d'organisation et de fonctionnement du
secteur, ceci dans le cadre d'une planification à long terme.
Il convient cependant de distinguer clairement les différentes
missions de l'Etat (autorité de tutelle et actionnaire).
6-2
Il appartient à une autorité
administrative indépendante des opérateurs et de l'administration
d'assurer la régulation technique et le contrôle du respect des
règles du jeu
sur le mode de l'autorité de
régulation des télécommunications (ART) :
- cette autorité devra être
commune
à
l'électricité et au gaz ;
- elle devra
rendre compte de ses activités
chaque
année
devant le Parlement
;
- ses activités devront être
coordonnées
avec
l'action des pouvoirs publics et du Conseil de la concurrence ;
- il devra pouvoir être fait
appel de ses décisions
devant les juridictions de droit commun.
6-3
La concurrence doit s'exercer dans des conditions
équitables et transparentes
Pour l'organisation de la production, appliquer la procédure
de l'autorisation
pour le lancement de nouveaux moyens de production,
à
l'ensemble des opérateurs
, y compris EDF, et
recourir à la procédure d'appel d'offres en cas de carence de
l'initiative des producteurs (pour développer les énergies
renouvelables, par exemple).
Pour garantir la transparence :
- il importe de garantir l'absence de subvention croisée entre
clients " captifs " et clients " éligibles " ;
- les tarifs appliqués à l'accès au réseau de
transport pour les clients éligibles devront être
régulés, transparents et publics ;
- EDF - dont le caractère intégré ne devra pas
être remis en cause - devra cependant opérer une
séparation comptable de ses différentes activités, dont
les résultats devront être incontestables.
Pour donner à EDF toutes les chances de réussir dans
une compétition loyale :
- il convient de
lever l'obligation d'achat
par EDF dans les
conditions précisées ci-dessus ;
- les règles concernant les "
coûts
échoués
" doivent être cohérentes avec
celles retenues par les autres pays voisins ;
- il apparaît nécessaire d'
élargir le principe
de spécialité d'EDF
de façon à lui permettre de
proposer une offre multiservices, à l'instar de ses concurrents, en
imposant cependant à l'opérateur public de respecter le tissu
industriel existant et d'associer les PMI au développement de ses
nouvelles activités.
6-4
Mettre EDF " sous tension "
- l
e caractère public d'EDF ne saurait être remis en
cause
, pour des motifs tant d'indépendance énergétique
que de sûreté nucléaire ;
- il faut toutefois revoir les modes de gestion et de contrôle de
l'établissement public et le faire
entrer dans une logique de
gouvernement d'entreprise
;
- on pourrait aussi
envisager sa transformation en
société anonyme à capitaux publics
, ce qui aurait pour
triple avantage de faciliter la création de filiales, les alliances
industrielles et l'association des personnels à ses projets.
6-5
Chercher les moyens de préserver le statut des
personnels
- le Gouvernement doit se préoccuper du
poids croissant des
charges de retraites
qui deviendra vite insupportable pour l'entreprise
(50 % de la masse salariale aujourd'hui, 100 % en 2020, contre moins
de 25 % pour les concurrents privés !) ;
- il
ne faut pas se faire d'illusion sur la possibilité
d'étendre ce statut à l'ensemble des acteurs
du secteur, dans
la mesure où son surcoût par rapport au statut du secteur
privé serait évalué à 50 %...
6-6 Le gaz
- les principes qui sous-tendent les propositions de la commission pour
la
transposition
de la directive " électricité "
valent également pour la directive " gaz naturel ", en tenant
cependant compte des spécificités du secteur ;
- il convient de permettre, sous certaines conditions, aux communes que GDF
ne peut desservir, de faire appel à un autre fournisseur. Il importe
ainsi de répondre à l'accusation d'abus de position dominante
faite à GDF ;
- GDF pourrait être transformé en une
société anonyme dont le capital pourrait être
partiellement ouvert.
CONCLUSION
La commission d'enquête tient à remercier tous ceux qui, lors de ses auditions et de ses déplacements, tant en France qu'à l'étranger, ou au travers de leurs observations écrites, ont contribué au bon déroulement de ses travaux.
*
* *
Réunie le jeudi 14 mai 1998 sous la
présidence de
M. Jacques Valade, Président, la commission d'enquête a
adopté le rapport présenté par M. Henri Revol,
rapporteur.
Les explications de vote des commissaires appartenant au groupe socialiste
ainsi qu'au groupe communiste, républicain et citoyen, qui se sont
abstenus, sont reproduites ci-après.
EXPLICATIONS DE VOTE DES SÉNATEURS SOCIALISTES, MEMBRES DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE
Le 19
novembre dernier, le Sénat décidait la création d'une
commission d'enquête " chargée de recueillir tous les
éléments relatifs aux conditions d'élaboration de la
politique énergétique en France et aux conséquences
économiques, sociales et financières des choix
effectués ".
Compte tenu du sujet retenu mais aussi du contexte, les parlementaires
socialistes se sont interrogés sur le bien fondé de la
création de cette commission d'enquête. Ils remarquent que la
majorité sénatoriale n'a souhaité la création
d'aucune commission d'enquête durant toute la précédente
législature et les a multipliées alors que le Gouvernement issu
des élections législatives de mai 1997 n'était en place
que depuis six mois à peine. Il leur aurait paru par ailleurs plus
opportun de confier cette mission à l'office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques et technologiques qui dispose d'une
expertise en ces domaines ou encore à une mission d'information, s'il
s'agissait de mener une réflexion prospective sur l'avenir de notre
politique énergétique.
La question énergétique est un sujet trop important pour le
dynamisme de nos entreprises, pour l'emploi mais aussi pour la qualité
de vie de l'ensemble de nos concitoyens et à l'échelle
planétaire, pour l'équilibre de notre écosystème,
pour n'être traitée qu'en vertu de l'opportunité politique,
voire politicienne. Elle nécessite une réflexion approfondie.
Elle nécessite du temps, ce que ne permet pas toujours une commission
d'enquête puisque ses travaux sont limités à six mois :
à l'échelle " nucléaire ", un tel délai
est infinitésimal...
Ils regrettent que la majorité sénatoriale ait pris
essentiellement prétexte de l'annonce par le Premier Ministre de la
fermeture du surgénérateur Superphénix pour demander la
création de cette commission d'enquête. Ils rappellent que ce
choix, annoncé lors de sa déclaration de politique
générale, a été approuvé par scrutin public
à l'Assemblée nationale le 19 juin dernier et qu'il ne remet
nullement en cause le rôle central du nucléaire dans la politique
énergétique de la France, comme d'ailleurs l'ont confirmé
l'ensemble des ministres, mais aussi les différents experts entendus par
la Commission.
Dans de telles conditions, les sénateurs socialistes membres de la
commission d'enquête ont décidé de ne pas prendre part au
vote, bien qu'ayant participé activement à ses réunions.
Ils ont apprécié la qualité des travaux ainsi que des
personnes entendues.
Les sénateurs socialistes estiment que la politique
énergétique menée par la France depuis le premier choc
pétrolier de 1973 se caractérise par une grande continuité
qui, globalement a donné des résultats plutôt satisfaisants
:
- L'objectif d'indépendance énergétique a
été atteint : le taux d'indépendance est passé de
22 % en 1973 à 50 % aujourd'hui ;
- Notre approvisionnement énergétique s'est diversifiée :
le pétrole qui représentait 70 % de nos sources d'énergie
en 1973 n'en représente plus que 40 % actuellement ;
- Le recours au nucléaire pour la production d'électricité
a permis d'asseoir notre indépendance énergétique et
d'être parmi les pays les moins émetteurs de dioxyde de carbone
(trois fois moins que les Etats-Unis par habitants).
A l'heure où il s'agit de réfléchir à l'avenir de
notre politique énergétique, ce bilan mérite d'être
nuancé : en effet, la politique de maîtrise de l'énergie
s'est, au fil du temps, relâchée ; la question de l'aval du cycle
nucléaire n'a pas été résolue : et enfin, les
besoins en matière de transport qui ont été toujours
croisants ont maintenu une forte dépendance de notre pays à
l'égard de l'extérieur -à hauteur de 95 % pour notre
approvisionnement en pétrole-, alors même que cette énergie
ne connaissait pratiquement aucune autre alternative.
Par ailleurs, les sénateurs socialistes remarquent que de nouvelles
préoccupations ont vu le jour :
- Il s'agit en premier lieu de la nécessaire prise en compte des
critères environnementaux par la promotion de la notion de
développement durable dans le cadre de la définition de la
politique énergétique. On entend par développement
durable, toute politique qui consiste, tout en assurant nos besoins, à
veiller à ne pas compromettre ceux des générations
futures. Il est à noter que ce concept, qui a été
formalisé au niveau mondial lors du Sommet de la Terre à Rio en
1992, a été au centre des préoccupations du
législateur lorsqu'à la suite des travaux des
députés socialistes Christian Bataille et Jean-Yves Le
Déaut, il a adopté la loi du 30 décembre 1991 relative aux
recherches sur la gestion des déchets radioactifs.
- Il s'agit enfin de la nécessité de construire l'Europe de
l'énergie et dans ce cadre, de conforter tout en le modernisant, notre
service public de l'énergie.
Les sénateurs socialistes estiment que l'énergie nucléaire
doit rester le pilier de l'approvisionnement énergétique
français. Cependant, ils remarquent que ce poids central dans notre
bilan énergétique n'est pas sans poser quelques interrogations
sur le long terme.
Cette filière est aujourd'hui arrivée à maturité.
La période d'équipement intense est terminée. Se posent
à l'échéance 2010 deux grandes questions : le
traitement de l'aval du cycle nucléaire c'est-à-dire la gestion
du combustible nucléaire usé et de ses déchets à
haute activité et à vie longue et le renouvellement du parc. Et
plus fondamentalement, se pose une autre question pour l'avenir de la
filière nucléaire : son acceptation par la population, en
France mais aussi à l'étranger, ce qui implique que le
contrôle, la sûreté et la sécurité de ce
secteur soient assurés de manière lisible par tous et selon les
principes démocratiques.
Les sénateurs socialistes souscrivent sans aucune réserve aux
nouvelles orientations en matière de politique nucléaire telles
que définies par le Premier Ministre le 2 février dernier.
Il s'agit tout d'abord dans le souci de l'efficacité économique
et l'application du principe de précaution de diversifier nos ressources
en énergie. Ceci passe par la relance de la politique d'utilisation
rationnelle de l'énergie et le développement des énergies
renouvelables. Celles-ci constituent un enjeu important : elles assurent
déjà 40.000 à 50.000 emplois (18.000 pour
l'électricité hydraulique et 25.000 pour le bois-combustible),
contribuent à équilibrer la balance des paiements (30 Mtep
économisent 20 MDF d'importations), à notre
indépendance énergétique et alimentent une filière
industrielle.
Il s'agit enfin pour ce qui est de la filière nucléaire, de la
maîtrise de l'aval du cycle et enfin de l'indépendance et de la
pluralité de l'expertise en ce domaine. Le Premier Ministre a
annoncé des mesures allant dans ce sens. Il a rappelé
l'attachement du Gouvernement à l'application stricte de la loi de 1991
sur la gestion des déchets radioactifs et a confirmé que chacun
des trois axes de recherche définis par la loi -la séparation et
la transmutation des éléments à vie longue ; le
stockage réversible ou non en couche géologique profonde ;
l'entreposage de longue durée en surface- sera poursuivi pour qu'aux
termes de la loi, le Parlement puisse prendre les décisions qui lui
incombent.
Quant au renouvellement du parc nucléaire, des études sont
actuellement en cours, avec le réacteur franco-allemand, l'EPR,
l'European pressurized Reactor.
S'agissant du surgénérateur Superphénix, les
sénateurs socialistes rappellent que l'objet initial de ce programme
lancé dans les années 1970 était de produire de
l'électricité et de valider la faisabilité de
réacteurs surgénérateurs susceptibles de produire
davantage de matière fissiles que d'en consommer et ce dans la
perspective d'une tension sur le marché de l'uranium naturel et de
pénurie d'énergie. Le contexte a aujourd'hui changé :
le parc de centrales classiques suffit à subvenir à nos besoins
en matière d'électricité et le prix de l'uranium est
resté modéré. La surgénération est devenue
moins intéressante et surtout trop coûteuse, comme l'a clairement
démontré un rapport de la Cour des Comptes. Il est des
expériences technologiques qu'il faut savoir suspendre, dès lors
que leur intérêt économique, scientifique et industriel
n'est plus avéré, même si les recherches dans le domaine
des réacteurs à neutrons rapides doivent être poursuivies
pour l'avenir.
Par ailleurs, ils indiquent que la fermeture de Superphénix ne remettra
nullement en cause la recherche en matière de transmutation. Le
redémarrage de Phénix jusqu'en 2004, plus souple que
Superphénix pour l'expérimentation du fait de la
brièveté du cycle et conçu dès le départ
à des fins de recherche, devrait permettre de respecter les termes de la
loi de 1991.
S'agissant enfin des modalités de fermeture de la centrale de
Creys-Malville, ils considèrent que la vigilance des parlementaires doit
bien entendu s'exercer aussi bien sur le volet technique de la fermeture de la
centrale que sur les modalités économiques, sociales et
financières d'accompagnement de cette décision. Mais là
encore, le Premier Ministre à pris des engagements clairs.
Il est aussi un autre domaine stratégique pour mener à bien notre
politique de maîtrise de l'énergie, de sécurité
d'approvisionnement et respecter nos engagement sen matière de lutte
contre l'effet de serre, c'est celui des transports.
La progression de la consommation énergétique liée au
transport devrait s'accroître de 1,6 % en moyenne d'ici 2010
(+ 1,7 % pour la route ; + 2,2 % pour l'aérien)
et les émissions de gaz à effet de serre de 10 à 15 %
durant la même période. 40 % de ces gaz auraient ainsi
pour origine les transports. Par ailleurs, même si la France produit
aujourd'hui 50 % de l'énergie qu'elle consomme, le secteur des
transports dépend pour 95 % du pétrole importé. C'est dire
l'enjeu de mener une politique ambitieuse dans le secteur des transports pour
tout à la fois maîtriser notre consommation d'énergie,
assurer notre indépendance énergétique et respecter les
engagements que nous avons souscrits à Kyoto en matière de lutte
contre l'effet de serre.
Ainsi, même s'il apparaît opportun de travailler à
l'amélioration des carburants, des performances des véhicules et
de la réglementation technique pour lutter contre cette
évolution, cela n'est pas suffisant.
Il faut désormais promouvoir une autre politique des transports, moins
axée sur le tout routier, plus harmonieuse, pour une meilleure
qualité de vie, une plus grande efficacité économique et
un développement équilibré et durable des territoires.
C'est d'ailleurs l'un des engagements du Gouvernement.
La priorité accordée au transport ferroviaire dans le budget du
Ministère des transports pour la loi de finances pour 1998, doit
être soutenue pour les années à venir. L'effort
budgétaire en faveur du transport ferroviaire a été
incontestable. Au total, les concours publics au secteur ferroviaire ont
progressé en 1998 de près de 2,5 MDF, soit une augmentation
en terme de moyens engagés de près de 8 %. Des ressources
supplémentaires en faveur du transport ferroviaire et du transport
combiné ont aussi été mobilisées sur le FITTVN
(1,635 MDF), soit une augmentation de 33 % par rapport aux crédits
mobilisés l'année dernière. Une politique de
coopération entre les réseaux ferroviaires est en train de
naître. Et le développement des transports collectifs en zone
urbaine est encouragé dans le cadre de l'établissement des plans
de déplacement urbain.
Par ailleurs, dans le cadre de la révision prochaine de la loi
d'orientation pour l'aménagement et le développement du
territoire, les schémas sectoriels seront aussi modifiés pour
mieux prendre en compte la demande des usagers. Ils s'inscriront dans le cadre
des schémas de services. Les schémas de transports -au nombre de
cinq actuellement : schéma directeur routier national,
schéma directeur des voies navigables, schéma du réseau
ferroviaire, schéma des infrastructures aéroportuaires et
schéma des ports maritimes- seront remplacés par deux
schémas intermodaux, l'un relatif au transport des voyageurs, l'autre au
transport des marchandises. Il s'agit là d'une évolution
fondamentale en matière de politique des transports, puisque pour la
première fois serait définie une politique intermodale des
transports, jouant sur les complémentarités et non sur la simple
concurrence, prenant en compte l'externalité des coûts et ce, au
profit de tous.
Enfin, le nouveau paysage énergétique qui est en train de se
dessiner au niveau international mais surtout européen doit être
l'occasion de poser une définition claire et moderne du service public
de l'énergie. La construction de l'Europe de l'énergie et la
transcription en droit interne des directives sur le gaz et
l'électricité nous en donnent l'occasion. Au-delà de
l'inscription dans la loi de la définition des missions de service
public qui doivent être déclinées en vertu des principes
d'universalité, d'égalité, de qualité, de
continuité et d'adaptabilité, les sénateurs socialistes
considèrent que d'autres notions reconnues au plan européen
doivent figurer en bonne place au titre des missions d'intérêt
général. Il s'agit de l'aménagement du territoire et de la
protection de l'environnement. Par ailleurs, ils jugent nécessaire de
veiller à ce que la transposition de ces directives respecte le
caractère intégré des différentes activités
de ces deux grandes entreprises que sont EDF et GDF ainsi que le statut de
leurs personnels.
Ces différents observations ne sont pas bien entendu exhaustives. Les
sénateurs socialistes ont simplement souhaité faire part des
quelques points qui, pour l'avenir de notre politique énergétique
mériteraient d'être pris en compte.
EXPLICATIONS DE VOTE DU COMMISSAIRE APPARTENANT AU GROUPE
COMMUNISTE, RÉPUBLICAIN ET CITOYEN,
MEMBRE DE LA COMMISSION
D'ENQUÊTE
Le
groupe communiste républicain et citoyen, en décidant sa
participation à la commission d'enquête chargée de
recueillir l'ensemble des éléments relatifs aux conditions
d'élaboration et aux conséquences économiques, sociales,
financières de la politique énergétique de la France, a
souhaité contribuer au nécessaire débat national qui doit
être l'affaire de tous.
Les données scientifiques, économiques et sociales dont rend
compte le rapport de la commission d'enquête, éclairent les
acteurs de la politique énergétique et les citoyens sur les choix
de notre politique énergétique auxquels est confrontée,
dès aujourd'hui, la France.
Sur la base d'une analyse comparative des ressources en énergie d'une
part, et des différentes politiques nationales d'autre part, il
apparaît clairement une spécificité française dans
ce domaine dont il convient de préserver les acquis et de garantir les
résultats. Ceux-ci justifient l'attachement de notre peuple à
l'indépendance énergétique de la France.
Notre groupe est évidemment favorable à la diversification des
sources d'approvisionnement dans la mesure où celle-ci permet de
satisfaire les besoins d'aujourd'hui et ceux des générations
futures.
Nous sommes convaincus que notre parc nucléaire qui assure 80 % de
la production d'électricité reste un atout majeur pour notre
indépendance et pour la pérennité de notre
approvisionnement. Bien que cette situation nous conduise à être
l'un des meilleurs en matière de lutte contre l'effet de serre, les
préoccupations environnementales et le souci de la
sécurité des populations doivent demeurer des objectifs
essentiels.
Nous réaffirmons notre opposition à la fermeture
programmée du surgénérateur Superphénix dont nous
ne voulons pas croire qu'elle constitue l'un des maillons de l'abandon de notre
filière nucléaire.
En effet, le rapport montre bien les conséquences désastreuses
d'un tel abandon tant pour notre pays que pour son rayonnement international.
L'énergie est un bien de première nécessité qui ne
peut être soumis aux règles de la libre concurrence sans porter
atteinte aux principes de péréquation tarifaire et
d'égalité de traitement des usagers qui fondent le service public.
En conséquence, nous renouvelons notre désaccord de voir
transposer en droit français, des directives européennes ouvrant
droit à la concurrence des secteurs de l'électricité et du
gaz sur notre territoire.
A notre avis, l'ouverture à la concurrence ne constitue en rien une
réponse aux exigences des usagers, des salariés et des
élus en faveur d'un service public rénové,
démocratisé et renforcé, bien au contraire.
EDF et GDF qui ont fait la démonstration de la réussite du
service public à la française nous conduisent à penser que
la France est en mesure de promouvoir un autre modèle en utilisant son
droit de subsidiarité.
Nous nous prononçons pour que EDF et GDF demeurent les instruments d'une
politique publique de l'énergie dont les usagers seront les parties
prenantes. Le statut du personnel doit être conservé et
amélioré tout en permettant des pouvoirs accrus aux
salariés dans la gestion de l'entreprise et dans la définition
des choix stratégiques.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne
partagent pas les orientations de la Commission européenne dans ce
domaine et les jugent néfastes pour l'unité et la
pérennité du secteur public.
Nous n'approuvons pas certaines des propositions contenues dans le rapport qui
s'inscrivent dans cette orientation libérale. Néanmoins, le
rapport avance des éléments utiles au débat dont nous
souhaitons qu'il se poursuive avec l'intervention des usagers et des acteurs de
la politique énergétique pour la modernisation et la
démocratisation du service public de l'énergie dans la
satisfaction des besoins du pays.
Ces considérations amènent notre groupe à émettre
un vote d'abstention.
ANNEXE 1 -
LISTE DES PERSONNALITÉS
OFFICIELLEMENT ENTENDUES LORS DES AUDITIONS, ENTRETIENS ET RENCONTRES
RÉALISÉS POUR LA PRÉPARATION
DU RAPPORT DE LA
COMMISSION D'ENQUÊTE
ET CONTRIBUTIONS ÉCRITES
LISTE DES AUDITIONS DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE
I -
POUVOIRS PUBLICS
1. Ministères concernés
M. Claude ALLEGRE, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et
de la technologie.
M. Dominique STRAUSS-KAHN, ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie.
M. Jean-Claude GAYSSOT, ministre de l'équipement, des transports et du
logement.
Mme Dominique VOYNET, ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement.
M. Christian PIERRET, secrétaire d'État à l'industrie.
2. Conseil économique et social
M. Jean-Pierre CLAPIN, membre du Conseil économique et social, auteur du
rapport sur
" l'effet de serre et la prospective industrielle
française ".
3. Organismes publics
M. Pierre BOISSON, président de la Commission énergie du
Commissariat Général du Plan.
M. Bernard CABARET, président du Bureau de recherches géologiques
et minières (BRGM) et M. Jacques VARET, directeur du service
géologique national.
M. Yannick d'ESCATHA, administrateur général du Commissariat
à l'énergie atomique (CEA).
M. Claude MANDIL, directeur général de l'énergie et des
matières premières au secrétariat d'État à
l'industrie.
M. Pierre RADANNE, président de l'Agence pour le développement
et la maîtrise de l'énergie (ADEME).
II - ENTREPRISES ET FÉDÉRATIONS PROFESSIONNELLES
M. Edmond ALPHANDERY, président d'Electricité de France (EDF).
M. André BOHL, président, M. Jacques BOZEC,
délégué général de l'Association nationale
des régies de services publics et organismes constitués par les
collectivités locales ou avec leur participation (ANROC) et M.
Gérard VINCENT, directeur général de l'usine
d'électricité de Metz.
M. Pierre BOUVIER, président du Comité français pour le
butane et le propane (CFBP).
M. Bernard CALVET, président de l'Union française des industries
pétrolières (UFIP).
M. Pierre DAURES, directeur général d'Electricité de
France (EDF).
M. Thierry DESMARETS, président du groupe Total.
M. Pierre GADONNEIX, président de Gaz de France (GDF).
M. Paul-Louis GIRARDOT, administrateur directeur général de la
Compagnie générale des Eaux (CGE).
M. Pierre JACQUARD, président et M. Daniel MOREL, directeur
général de l'Institut français du pétrole (IFP).
M. Philippe JAFFRÉ, président d'Elf Aquitaine.
M. Philippe de LADOUCETTE, président directeur général
du groupe Charbonnages de France.
M. Jean-Sébastien LETOURNEUR, président de l'Union des industries
utilisatrices d'énergie (UNIDEN).
M. Gérard MESTRALLET, président du Directoire de Suez -
Lyonnaise des Eaux.
M. Josy MOINET, président de la Fédération nationale des
collectivités concédantes et régies (FNCCR).
M. Dominique VIGNON, président de Framatome.
III - ORGANISATIONS REPRÉSENTATIVES DU PERSONNEL
M. Didier FRACHON et M. Jean-Pierre SOTURA, représentants de la
Confédération générale du travail (CGT) du secteur
de l'énergie.
M. Jean-Marc MAUCHAUFFÉE et M. Jean-Louis LEFRANC, administrateurs
EDF-GDF, représentants de la Confédération
française démocratique du travail (CFDT).
M. Robert PANTALONI, administrateur EDF, représentant de Force
ouvrière (FO).
IV - ASSOCIATIONS
- de consommateurs
M. Alain CHAUSSON, secrétaire général adjoint et M.
Vincent PERROT, directeur scientifique de la Confédération
syndicale du cadre de vie (CFCV).
M. Eric GUERQUIN, trésorier adjoint de l'Union fédérale
des consommateurs (UFC Que choisir).
- de défense de l'environnement
M. Nicolas HOUDANT, président directeur général de
l'Institut d'évaluation des stratégies sur l'énergie et
l'environnement en Europe (INESTENE).
M. Didier HOUI, chercheur au Centre national de la recherche scientifique
(CNRS), membre de France nature environnement (FNE).
M. Jean-Luc THIERRY, chargé de mission sur l'énergie à
Greenpeace France.
- divers
M. Willy DELBEN, président du Comité de soutien à
Superphénix.
V - EXPERTS
M. le professeur Georges CHARPAK.
M. Hubert CURIEN, membre de l'Institut, ancien ministre de la recherche.
M. Roland DEBORDE, président de la Commission de recherche et
d'information indépendante sur la radioactivité (CRIIRAD).
M. Jean-Charles HOURCADE, directeur du Centre international de recherche sur
l'environnement et le développement (CIRED).
M. Raymond LEBAN, professeur d'économie et de management au Centre
national des arts et métiers (CNAM).
M. Jacques PERCEBOIS, professeur à la Faculté des sciences
économiques de Montpellier, directeur du Centre de recherche en
économie et droit de l'énergie (CREDEN).
Mme Monique SENÉ, présidente du groupement de scientifiques pour
l'information sur l'énergie nucléaire (GSIEN).
La commission d'enquête a, de plus, procédé à
sept auditions à huis clos.
LISTE DES PERSONNALITÉS RENCONTRÉES PAR LE PRÉSIDENT
ET LE RAPPORTEUR DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE
M.
Jean-Paul BOUTTES, maître de conférences à l'École
polytechnique, adjoint au directeur de la stratégie d'EDF.
M. Claude HENRY, professeur d'économie publique à
l'École polytechnique.
M. André-Claude LACOSTE, directeur de la Direction de la
sûreté des installations nucléaires (DSIN).
M. Jean SYROTA, président et M. Philippe PRADEL, directeur adjoint de
la branche combustibles et recyclage de la Compagnie générale des
matières nucléaires (COGEMA).
LISTE
DES PERSONNALITÉS RENCONTRÉES
LORS DES DÉPLACEMENTS
DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE
I - EN
FRANCE
Centrale de Phénix (1
er
avril 1998)
M.
Bertrand BARRÉ, Directeur des réacteurs nucléaires
M. Xavier ELIE, chef du département de la centrale
M. Jacques ROUAULT, chef du service d'études et de développement
des combustibles
Usine de retraitement de La Hague (5 mai 1998)
M.
Christian GOBERT, Directeur Général adjoint du groupe COGEMA
M. Jean-Louis RICAUD, Directeur Branche Combustibles et Recyclage
II
-À L'ÉTRANGER
Londres (4 et 5 février 1998)
M. Ian
BLAKEY, Président du Major Energy Consumers'Council
Mme Yvonne CONSTANCE, Présidente des comités de consommateurs
d'électricité
M. Arthur COOKE, Directeur régional de l'OFFER, représentant le
régulateur de l'électricité
Lord GEDDES, Président de la commission de l'énergie, de
l'industrie et des transports, ainsi que d'autres membres de la Chambre des
Lords
Son Excellence M. Jean GUEGUINOU, Ambassadeur de France en Grande-Bretagne
M. Malcolm KEAY, Directeur de la politique énergétique au
Département of Trade an Factory (Ministère du commerce et de
l'industrie)
M. Jean-Yves PARÉ, Attaché commercial
M. Alain ROBB (National Grid Control Central) (Dispatching anglais)
Mme Clare SPOTTISWOODE, Directeur général du gaz,
régulateur du secteur gazier OFGAS
Bruxelles (11 février 1998)
M.
ANDRETA, Directeur chargé de la recherche énergétique (DG
XII : Recherche)
M. ANTONAKOPOULOS, Directeur de Cabinet de M. PAPOUTSIS, Commissaire
(DG XVII)
M. BENAVIDÈS, Directeur Général (DG XVII : Energie)
M. CHÊNE, Directeur de Cabinet de M. VAN MIERT, Commissaire (DG IV :
Concurrence)
M. LAWRENCE, chargé de la Direction Qualité de l'Environnement
(DG XI : Environnement, Sécurité nucléaire et
protection civile)
M. RISTORI, Directeur de la politique énergétique (DG XVII :
Energie)
Suède (8 avril 1998)
M.
Häkan HEDEN, directeur général adjoint et ancien directeur
général de l'Energie au ministère de l'industrie
M. Bo KÄLLSTRAND, PDG de Graninge
Mme Isabelle MATHIEU, déléguée EDF à Stockholm
M. Michael PELLIJEFF, directeur des achats
M. Lars REKKE, secrétaire d'Etat à l'Industrie et
Président du Conseil d'Administration de Vattenfall
M. Edouard SICAT, Conseiller Economique et Commercial
M. Claes THEGESTRÖM, directeur général adjoint, responsable
de l'activité de stockage en profondeur
Bonn (9 avril 1998)
Mlle
AUTRET, attaché commercial
M. Rolf BIERHOFF, membre du directoire de RWE Energie
M. BRANDIS, conseiller en charge de la politique énergétique
(Abteilung 4 - Gruppe 43)
M. DAVID, conseiller scientifique
M. FLATH, chef du bureau "questions générales de politique
énergétique (Referat IIIA1)
M. Philippe GROS, Ministre Conseiller, chef du service d'expansion
économique
M. LEYSER, sous-directeur (Unterabteilung IIIB "Secteur du gaz et de
l'électricité, énergies renouvelables, utilisation
rationnelle de l'énergie")
M. STEINKEMPER, sous-directeur (RS1) "sécurité des installations
nucléaires"
Chine (14 au 19 avril 1998)
M. JU
JIAREN (Assemblée nationale populaire)
M. ZHANG GUOBAO, Secrétaire général adjoint de la
Commission d'Etat au Plan et au Développement
Son Excellence M. Pierre MOREL, Ambassadeur de France en Chine
M. CHEN GUANGYI, Président de la Commission des Affaires
financières et économiques
M. JIANG XINXIONG, Vice-président de la Commission des Affaires
financières et économiques
M. WANG TAO, Vice-président de la Commission de l'Environnement de
l'A.N.P.
M. YANG ZENHUAI, Vice-président de la Commission des Affaires agricoles
et rurales de l'A.N.P.
M. ZOU JIAHUA, Vice-président de l'A.N.P. (ancien Vice-Premier Ministre)
M. QU GEPING, Président de la Commission de l'Environnement et de la
Protection des Ressources de l'A.N.P. et d'autres membres cette Commission
M. XU GUANHUA, Vice-Ministre de la Commission d'Etat de la Science et la
Technologie
M. HUANG QITAO, Responsable de l'Administration nationale de la
Sûreté nucléaire
M. Patrick BONNEVILLE, Ministre-Conseiller de l'Ambassade
M. LIU ZHANGDE, Vice-Maire de Dalian
M. YU XUEXIANG, Président de l'Assemblée municipale
Tokyo (27 et 28 avril 1998)
(Entretiens de M. Jacques Valade, Président, à
l'occasion du voyage d'Etat du Président de la République au
Japon.)
M. Robert CAPITANI, Président de COGEMA Japon
M. IKEGAME, Conseiller à Tokyo Electric
M. MORI, Vice-Président du Forum japonais des Industries
nucléaires
M. TANIGUCHI, Directeur général adjoint de l'Agence de l'Energie
et des Ressources naturelles (MITI)
LISTE
DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES AUX TRAVAUX
DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE
M.
Jean-Paul DELEVOYE, président de l'association des Maires de France.
Fédération nationale des syndicats du personnel de
l'électricité et du gaz - CFTC.
M. Jean-François HERVIEU, président de l'Association permanente
des Chambres d'agriculture (APCA).
M. Jean-Pierre LEROUDIER, directeur de l'association pour le
développement des carburants agricoles.
M. Michel LUNG, ancien directeur à la Société
générale pour les techniques nouvelles (SGN),
diplômé de l'Institut national des sciences et techniques
nucléaires.
M. Marc PELOUARD, président du syndicat CFE-CGC des Industries
électriques et gazières.
M. Jacques VIALLEFOND, délégué général de
l'Union des importateurs indépendants pétroliers
ANNEXE N° 2 -
CONSOMMATION
ÉNERGÉTIQUE MONDIALE
ANNEXE N° 3 -
PRODUCTION MONDIALE
D'ÉNERGIE
ET D'ÉLECTRICITÉ PAR SOURCE
ÉNERGIE
ÉLECTRICITÉ
Source : Agence pour l'énergie nucléaire
(1997)
ANNEXE N° 4 -
RAPPORT 1997 DE LA
DIRECTION DU GAZ,
DE L'ÉLECTRICITÉ ET DU CHARBON SUR LES
COÛTS
DE RÉFÉRENCE DE LA PRODUCTION
ÉLECTRIQUE
Les conclusions du rapport de la DIGEC
La
présente étude "coûts de référence",
menée dans un contexte où les moyens de production existants sont
largement suffisants pour répondre à la demande, et où des
décisions d'investissement ne sont pas nécessaires à court
terme, répond surtout à la nécessité de donner un
éclairage sur les évolutions techniques et économiques des
différentes filières de production d'électricité,
dans une perspective de long terme. Plusieurs conclusions peuvent être
tirées de cette étude.
Toutes les filières de production sont dans une dynamique de
progrès
D'une manière générale, l'étude montre que toutes
les filières de production d'électricité sont dans une
dynamique de progrès : amélioration de la
disponibilité du nucléaire, baisse du coût d'investissement
et amélioration du rendement des cycles combinés, perspective de
développement d'une filière LFC (
Lit Fluidisé
Circulant)
supercritique pour le charbon, baisse du coût et
amélioration des performances des
aérogénérateurs... Il en résulte une baisse
significative des coûts de production par rapport aux évaluations
faites en 1993.
Ce phénomène implique qu'il est indispensable, au-delà de
la présente étude, de poursuivre une veille attentive sur ces
évolutions.
Le nucléaire reste aujourd'hui un choix solide pour la production
d'électricité en base
L'étude montre que le nucléaire reste aujourd'hui une option
solide pour la production d'électricité en base, même si
cette filière peut être concurrencée par les cycles
combinés au gaz si les prix du gaz se maintiennent à un niveau
durablement bas. Par ailleurs, le coût de production du nucléaire
en base apparaît très stable dans tous les scénarios
considérés, alors que le coût de production du cycle
combiné varie fortement en fonction de l'hypothèse retenue sur le
prix du gaz et sur le cours du dollar. A titre d'illustration, une variation de
0,1 $/MBtu sur le prix du gaz a un impact d'environ 0,5 c/kWh sur le
coût de production en base du cycle combiné. Le nucléaire
constitue ainsi une assurance contre les incertitudes sur les évolutions
des prix des combustibles fossiles.
Il n'en reste pas moins que, compte tenu des progrès envisageables sur
les cycles combinés à l'horizon 2005, le maintien de la
compétitivité de la filière nucléaire sur le long
terme dépendra en partie des améliorations que pourront apporter
les réacteurs du futur. Une attention particulière devra donc
être apportée à la réalisation des objectifs
économiques du projet EPR.
Enfin, il apparaît que la compétitivité de la
filière nucléaire dépend largement de la capacité
de l'opérateur à mettre en oeuvre un programme comportant un
nombre suffisant de tranches, avec une cadence d'engagement
régulière, l'écart de coût entre un programme de
10 tranches et un programme réduit à 4 tranches
étant significatif. Compte tenu des capacités très
importantes qu'il sera nécessaire de mettre en oeuvre, cette condition
devrait pouvoir être remplie lors du renouvellement du parc
nucléaire actuel, même si ce renouvellement s'effectuera dans des
conditions de concurrence entre producteurs.
Le cycle combiné au gaz domine la semi-base
En dehors de la question de la concurrence nucléaire-cycle
combiné en base, le cycle combiné au gaz ressort clairement comme
le moyen de production le plus compétitif en semi-base,
c'est-à-dire pour des durées d'utilisation annuelles moyennes.
Par ailleurs, des progrès supplémentaires sont attendus sur les
cycles combinés à l'horizon 2005. Ceci donne à penser
qu'à terme, cette filière devrait trouver une place non
négligeable dans le parc de production. Toutefois, un
développement très important de cycles combinés au gaz
fonctionnant en semi-base pourrait engendrer des contraintes de stockage du gaz.
Le renforcement de la position des cycles combinés sur la semi-base se
fait notamment au détriment des filières au charbon. Le domaine
de compétitivité des filières au charbon apparaît
aujourd'hui restreint, compte tenu de la baisse des coûts de production
des cycles combinés au gaz, mais aussi de l'amélioraiton des
performances du nucléaire (meilleure disponibilité notamment).
Toutefois, la filière charbon LFC pourrait constituer une option
intéressante en semi-base dans un scénario de hausse du prix du
gaz, et conserve un intérêt en termes de diversification du parc
de production. Il convient donc de suivre avec attention le
développement de cette filière, d'autant que l'augmentation de la
puissance unitaire des chaudières LFC et le passage en régime
supercritique pourrait conduire à un gain significatif sur le coût
de production de l'électricité à moyen terme.
On notera qu'en dessous des durées de fonctionnement justifiant l'appel
aux cycles combinés au gaz (c'est-à-dire pour des durées
d'appel inférieures à 1 600 ou 2 600 heures par an
selon les scénarios), les moyens de production les plus
compétitifs sont les turbines à combustion au gaz ou bien, pour
la pointe proprement dite, au fioul domestique.
La production décentralisée d'électricité
constitue une diversification intéressante du parc de production
La cogénération apparaît comme une solution alternative
économiquement intéressante à la production
centralisée pourvu, bien entendu, qu'existent des besoins de chaleur
à proximité. Sur un plan strictement économique, les
turbines à vapeur à contre-pression fonctionnant au charbon
présentent une excellente compétitivité par rapport aux
moyens de production centralisés pour un fonctionnement en base, mais
leur développement est limité par le nombre de sites capables
d'absorber les volumes de vapeur particulièrement importants produits
par cette technique. Les turbines à gaz fonctionnant en
cogénération sont également compétitives en base et
en semi-base à partir d'une certaine taille. En revanche, les
installations de cogénération de plus petite taille (turbines
à combustion de moins de 10 MW, moteurs à gaz)
présentent des coûts de production intrinsèques plus
élevés sur les équipements centralisés ; ces
installations conservent toutefois un intérêt dans la mesure
où elle permettent d'économiser des coûts de transport et
de distribution de l'électricité.
Les aérogénérateurs présentent aujourd'hui un
coût de production relativement élevé par rapport aux
moyens de production centralisés, mais la convergence est envisageable
à l'horizon 2005 sur des sites très bien ventés.
L'éolien constitue ainsi l'une des plus prometteuses filières de
production d'électricité à partir des énergies
renouvelables.
Enfin, la comparaison économique ne doit pas occulter les
"externalités" des différentes filières : impact sur
l'environnement, sécurité d'approvisionnement,
indépendance énergétique, balance commerciale...
L'étude "coût de référence" fournit des
éléments d'ordre purement économique, mais ne prend pas en
compte l'ensemble des coûts sociaux et environnementaux qui, bien que
difficilement quantifiables, sont particulièrement importants.
Au-delà de son intérêt économique pour la production
d'électricité en base, il faut rappeler que le nucléaire
présente un intérêt majeur en termes de réduction
des émissions de polluants atmosphériques et de lutte contre
l'effet de serre.
Le nucléaire présente également des avantages
indéniables par rapport aux moyens de production thermiques classiques
en matière de sécurité d'approvisionnement et
d'indépendance énergétique. Comme l'atteste la
présente étude, il offre une assurance précieuse contre
les évolutions des prix des combustibles fossiles et contre le risque de
change, et constitue donc un facteur de stabilité des
coûts.
ANNEXE N° 5 -
BILAN D'EXPLOITATION DE
SUPERPHÉNIX
ANNEXE N° 6 -
COÛT DE L'ARRÊT
DE SUPERPHÉNIX
(Fiche fournie par le ministère de l'économie des finances et de l'industrie à l'attention de la commission d'enquête.)
OBJET : IMPACT FINANCIER DE L'ARRÊT DE SUPERPHÉNIX
L'impact financier de l'arrêt de Superphénix doit s'analyser
à différents niveaux :
- le coût global de la mise à l'arrêt du réacteur,
soit 12,2 MdsF correspondant aux dépenses de démantèlement
au sens large ;
- le coût global de la liquidation de la société NERSA,
soit 23,1 MdsF, qui comprend, en plus des dépenses de
démantèlement au sens large, le remboursement des titres et
créances de la société ;
- la provision comptable passée en 1996 et 1997 par EDF, soit 14,2 MdsF,
qui correspond au coût supporté par EDF.
1 - Le coût global de la mise à l'arrêt
définitif du réacteur NERSA est estimé à 12,2 MdsF.
Il correspond aux dépenses suivantes :
- post-exploitation
: il s'agit de la phase qui commencera
immédiatement après l'annonce de la fermeture définitive
du site et qui correspond à la préparation de l'installation
à la mise à l'arrêt définitif (confinement de
l'installation, évacuation et entreposage du combustible et du sodium).
EDF estime que ces opérations s'étaleront sur 10 ans, avec un pic
en début de période, pour un coût total de 3,7 MdsF97.
- retraitement du combustible
: EDF considère que le combustible
serait retraité dans l'année de la mise à l'arrêt
définitif, soit 10 ans après la fin de l'exploitation, pour un
coût de 2,7 MdsF97.
- démantèlement de la centrale
: les opérations de
démantèlement proprement dites ne débuteront
qu'après la mise à l'arrêt définitif pour un
coût total estimé par EDF à 5,8 MdsF97 (soit
conventionnellement 15% du coût d'investissement).
2 - Le coût de la mise à l'arrêt définitif pour
EDF est estimé à 10,9 MdsF.
EDF détient 51% de la société NERSA, en charge de
l'exploitation du réacteur Superphénix. En vertu des
négociations intervenues entre les différents actionnaires de
NERSA lors de la signature de la convention de 1995, il est prévisible
que les partenaires d'EDF ne prendront à leur charge que leur quote-part
des dépenses de retraitement, soit 1,3 MdsF, laissant à EDF
l'intégralité des dépenses de post-exploitation et de
démantèlement (soit 12,2 - 1,3 = 10,9 MdsF).
3 - Le coût de la liquidation de la société pour EDF
devrait s'élever à 14,2 MdsF.
En plus des dépenses nécessaires à la mise à
l'arrêt définitif du réacteur, EDF devra supporter sa
quote-part des frais liés à la liquidation de la
société NERSA, soit environ 5,3 MdsF. Ces frais sont de trois
sortes : quote-part des dettes restant dues par EDF au titre de NERSA; perte au
titre d'un litige fiscal en cours ; perte des fonds propres engagés par
EDF dans NERSA. Les conditions d'exploitation n'étant pas remplies selon
EDF, l'établissement a par ailleurs considéré qu'un
prêt du CEA consenti à l'occasion de la construction de
Superphénix pour un montant de 2 MdsF n'était plus remboursable.
Le coût de la liquidation pour EDF ressort ainsi à 14,2 MdsF (10,9
+ 5,3 - 2 = 14,2 MdsF).
4 - Face à cette charge liée à la liquidation de la
société, EDF a passé dans ses comptes en 1997 une
provision nette supplémentaire de 2,7 MdsF.
EDF avait en effet constitué une provision en 1996 en vue des pertes futures de NERSA d'un montant de 11,565 MdsF.
Dans ces
conditions, la dotation à la provision nette passée en 1997 s'est
élevée à 2,7 MdsF (soit 16,2 MdsF - 11,565 MdsF - 2 MdsF).
Cette provision de 2,7 MdsF est portée dans les comptes d'EDF au titre
de l'exercice 1997, certifiés par les commissaires aux comptes de
l'entreprise et approuvés par le Conseil d'administration d'EDF.
5 - Le coût de l'arrêt du réacteur est peu sensible
à la date d'arrêt de l'exploitation.
La date de la décision d'arrêt ne fait qu'avancer ou retarder des
dépenses inéluctables et ne crée par de charges nouvelles
à deux réserves près :
- les déficits d'exploitation attendus
en cas de prolongement de
l'exploitation : une année de production supplémentaire aurait
dégagé un déficit d'exploitation de 400 MF dans
l'hypothèse de production choisie par EDF étant données
les contraintes techniques pesant sur le réacteur, soit 33% de
disponibilité.
- le coût de la post-exploitation
: EDF estime qu'une prolongation
de la période d'exploitation de la centrale lui aurait permis de mieux
préparer la post-exploitation et donc de réduire son coût.
EDF estime ainsi que différer l'arrêt de la production de 2
à 3 ans aurait vraisemblablement réduit les dépenses de
post-exploitation.
Au total, compte tenu des hypothèses d'EDF, retarder l'arrêt de
l'exploitation de la centrale jusqu'à la fin de la convention entre les
partenaires dans NERSA, soit fin 2000, aurait probablement été
globalement neutre sur le plan financier.
Il convient de souligner, comme le fait le rapport annuel d'EDF, que l'ensemble
de ces chiffres, qui sont les meilleures estimations connues à ce jour,
est susceptible d'évoluer, notamment en fonction des négociations
avec les partenaires et des résultats des études techniques en
cours sur les modalités pratiques de la mise à l'arrêt
définitif du réacteur.
ANNEXE N° 7 -
IMPACT DU RETRAITEMENT DU
COMBUSTIBLE USÉ SUR LA RADIOTOXICITÉ
ANNEXE N 8 -
IMPACT DU FONCTIONNEMENT DE
L'USINE DE RETRAITEMENT DE LA HAGUE SUR L'ENVIRONNEMENT
ANNEXE N° 9 -
SONDAGE SUR L'AVENIR DU
SERVICE PUBLIC
DE L'ÉLECTRICITÉ ET DU GAZ
Sondage
effectué par la SOFRES, pour le CSC-CMP EDF-GDF et rendu public en mars
1998.
Enquête réalisée les 13 et 14 mars 1997 par
téléphone auprès d'un échantillon national de 1 000
personnes représentatif de l'ensemble de la population âgée
de 18 ans et plus.
Méthode des quotas (sexe, âge, profession du chef de ménage
PCS) et stratification par région et catégorie
d'agglomération.
Question
: Diriez-vous qu'un débat sur les futurs choix
énergétiques du pays pour le siècle à venir vous
paraît indispensable, nécessaire, souhaitable mais sans plus ou
pas nécessaire ?
|
|
|
- Indispensable............................................................ |
32 |
|
|
|
72 |
- Nécessaire............................................................... .. |
40 |
|
|
|
|
- Souhaitable mais sans plus....................................... |
24 |
|
|
|
27 |
- Pas nécessaire........................................................... |
3 |
|
|
|
|
- Sans opinion..................................... |
1 |
|
|
|
|
|
100 % |
Question : Diriez-vous que les grandes décisions qui ont été prises ces trente dernières années dans le domaine de l'énergie ont été prises après un débat dans le pays sur les choix énergétiques ou ont été prises sans qu'il y ait un vrai débat ?
|
|
- Elles ont été prises après un débat dans le pays sur les choix énergétiques................................................. |
17 |
|
|
- Elles ont été prises sans qu'il y ait un vrai débat..... |
76 |
|
|
- Sans opinion..................................... |
7 |
|
|
|
100 % |
LA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE DE LA FRANCE :
PASSION OU RAISON ?
Ce
rapport de la commission d'enquête du Sénat dessine les contours
de la politique énergétique française de demain.
Les orientations qu'il présente s'appuient sur les enseignements
tirés du passé et une analyse des stratégies de nos
principaux partenaires, dans ce domaine fondamental qui fonde la
prospérité et la souveraineté des États.
Ce rapport souligne l'ampleur des défis que nous aurons à relever
: défi environnemental, défi européen (eu égard au
nouveau contexte concurrentiel dans les secteurs électrique et gazier)
et défi nucléaire (avec l'enjeu du renouvellement de notre parc
de centrales).
La commission d'enquête pose l'indépendance
énergétique comme principe fort. Elle refuse les idées
préconçues.
Parfois, elle affirme : les économies d'énergie doivent redevenir
une priorité ; les énergies renouvelables doivent être
développées, mais ne représenteront qu'une part
limitée de notre bilan énergétique. Ne nous y trompons pas
: la France et, au-delà, la planète, auront besoin de
l'énergie nucléaire. Le développement de cette
dernière n'est cependant concevable que si le problème des
déchets est résolu et si la confiance des Français dans
leurs industriels et leurs instances de sûreté est
confortée.
La commission d'enquête trace, par ailleurs, les voies à suivre
pour la transposition des directives européennes sur
l'électricité et sur le gaz naturel en droit français.
Ceci l'a conduite aussi à questionner : pour permettre à EDF et
à GDF d'affronter la concurrence avec un maximum d'atouts, ne faut-il
pas envisager leur transformation en société anonyme à
capitaux publics ? Au-delà, eu égard au contexte particulier du
marché gazier, l'avenir ne passerait-il pas alors par une ouverture
minoritaire du capital de la SA Gaz de France ?
Ce rapport constitue la contribution du Sénat au débat
démocratique qu'il revendique sur un secteur éminemment
stratégique.
1
Commissariat Général du
Plan.
Énergie 2010. Rapport du groupe présidé par Michel
PECQUEUR. Doc. Fr. 1991.
2
Tonne équivalent pétrole.
3
Million de tonne équivalent charbon.
4
1 tec = 0.619 tep.
5
Pour un coût d'extraction et de traitement inférieur
à 130$/kg.
6
Selon la technologie adoptée...
7
Nucléaire + hydraulique - solde des échanges.
8
Conditions de vie et aspirations des Français - CREDOC.
9
Sondage IFOP des 13 et 14 janvier 1998.
10
Enquête du CREDOC réalisée en juin 1997.
11
Les programmes Auto-oil I et Auto-oil II, lancés en 1992
et en 1997, sont élaborés dans un cadre tripartite par la
Commission européenne, les pétroliers (Europia) et les
constructeurs automobiles (Acea). Ils sont à l'origine des directives en
cours de discussion sur la qualité des carburants et sur les
émissions des voitures particulières.
12
Voir la Communication de la Commission européenne du
23 avril 1997 : " Vue globale de la politique et des
actions énergétiques ".
13
De toutes origines : fossiles, nucléaire,
énergies renouvelables.
14
Il faut cependant rappeler que cette politique résulte
d'une situation difficile, comme il a été exposé dans le
Titre premier...
15
Rappelons que ces contrats d'approvisionnement à long
terme, couvrant une période de 20 à 25 ans, ont pour but,
d'une part, de garantir aux producteurs de gaz que les investissements
très lourds auxquels ils procéderont pourront être amortis
et, d'autre part, de sécuriser les approvisionnements des acheteurs. Ces
contrats sont contraignants pour les deux parties : engagement de vendre pour
les premiers, engagement d'acheter pour les seconds et de payer même
s'ils ne peuvent acheter et enlever le gaz (d'où l'expression :
" prendre ou payer ").
16
Voir le Titre II, chapitre IV : " Consolider nos acquis
dans la nucléaire "
17
Voir le Titre premier, chapitre II.
18
Voir le Titre premier, chapitre 1er - II - B.
19
Voir le Titre II, Chapitre IV-B.
20
Ce qu'en langage économique on appelle les
externalités : celles-ci sont positives lorsqu'elles sont
bénéfiques aux tiers et négatives lorsqu'elles sont
nuisibles.
21
Voir le Titre II, chapitre IV-IV-B.
22
Maîtrise de l'énergie. Rapport de l'instance
d'évaluation présidée par Yves Martin. Comité
interministériel de l'évaluation des politiques publiques,
Commissariat général du Plan. Rapport édité par La
documentation française, 1998.
23
Voir l'article de M. Michel Colombier : " Des
dispositions tarifaires industrielles induites par la
péréquation " paru dans Réalités industrielles
d'août 1997.
24
Les usages spécifiques de l'électricité sont
l'éclairage, la force motrice (notamment les moteurs électriques
de l'électroménager), l'informatique et l'audiovisuel.
25
Voir en annexe.
26
Pour une durée d'utilisation donnée, le coût
de production d'un équipement est obtenu en actualisant à la date
de mise en service l'ensemble des dépenses d'investissement,
d'exploitation et de combustible engagées sur la durée de vie de
cet équipement, et en ramenant le coût ainsi obtenu à la
somme actualisée de l'énergie produite. Ainsi, pour
l'électronucléaire, sont pris en compte les dépenses
" amont " (recherche) et " aval " (retraitement de
combustible, stockage des déchets, démantèlement des
centrales...).
27
Voir le Titre II, chapitre III-I-B
28
Washington Post. 2 février 1998.
29
Source : Les énergies renouvelables. Jacques Vernier. PUF
- 1997.
30
Source : Énergie 2010-2020. Commissariat
Général du Plan. Les défis du futur.
31
Le chiffre d'affaires réalisable en l'an 2000 est
évalué à un milliard de francs soit le dixième du
marché des services nucléaires. Source :
L'Usine
nouvelle
n° 2638. Avril 1998.
32
Ce courant correspond à un déplacement
d'électrons, sous l'action des photons, à travers les
différentes couches de silicium de la photopile.
33
Jacques Vernier. Les énergies renouvelables, PUF, 1997.
34
Discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre
économique et financier. Amendement n° 8 de la Commission des
Finances. Séance du 6 mai 1998.
35
World Energy Council. New Renewable Energy Resources, a Guide to
the future. Kogan Page Ltd. 1994.
36
Source : SIDO (Société interprofessionnelle
des oléagineux).
37
Source : Douanes.
38
Groupement d'intérêt scientifique constitué
au sein de l'ADEME, entre partenaires publics et privés.
39
C'est ainsi, par exemple, que la ville de Dalien (à
500 kilomètres à l'est de Pékin) est passée,
en 13 années, d'un petit village de pêcheurs à une
ville de plus de 5 millions d'habitants accueillant désormais
1.300 entreprises chinoises et étrangères !
40
Rappelons la signature, le 16 mai 1997, de l'accord
intergouvernemental franco-chinois pour la coopération sur l'utilisation
pacifique de l'énergie nucléaire.
41
Ils viennent d'être rappelés : la France s'est
dotée d'ensembles industriels puissants et de tout premier rang dans le
monde (EDF, Framatome ou COGEMA), la qualité de sa recherche est
internationalement reconnue ; en conséquence sa filière
nucléaire est considérée -tant en France qu'à
l'étranger, il convient de le souligner- comme un fleuron de la haute
technologie française et nombre de nos partenaires nous envient d'avoir
su mettre en oeuvre un programme électro-nucléaire ambitieux,
dont l'impact positif sur notre économie est avéré (voir
le Titre premier - chapitre III, I, D).
42
Cité par Georges Vendryes dans " Superphénix,
pourquoi ? ".Nuclear (p. 63).
43
NERSA : Société anonyme centrale
nucléaire européenne à neutrons rapides.
44
Il s'agit d'une annexe au réacteur destinée
à recevoir dans une cuve remplie de sodium liquide les assemblages
combustibles soit avant de les introduire à l'état neuf dans le
réacteur, soit après les en avoir retirés.
45
Voir le tableau en annexe au présent rapport.
46
A l'occasion de son discours de politique générale
prononcé à l'Assemblée nationale.
47
Rappelons que le contribuable n'a pas été
sollicité.
48
Rapport intitulé : " Faut-il abandonner
Superphénix ? ". Supplément n° 85 de la lettre des
Républicains et Indépendants - octobre 1997.
49
Voir l'illustration en annexe, extraite du rapport
précité du groupe des Républicains et Indépendants
du Sénat.
50
Voir le document diffusé par le service de presse du
Premier ministre à la suite des décisions gouvernementales du
2 février 1998.
51
Voir l'interview publiée dans le 50ème
numéro de " Vert contact ", l'hebdomadaire des verts,
daté du 2 mai 1998, et reprise par l'AFP.
52
Voir le Titre premier, chapitre II
53
Rapport sur les perspectives énergétiques
mondiales.
54
Les observations formulées ci-dessus sur la politique
chinoise amènent cependant à relativiser les probabilités
de réalisation de cette hypothèse.
55
Rapport final de l'Atelier " Les défis du long
terme ".
56
Voir le Titre premier, chapitre III - II - A
57
Il s'agit d'un réacteur de type RBMK, comme celui de
Tchernobyl.
58
Le G8 réunit la Russie, les Etats-Unis, le Canada, le
Japon, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Italie et la France.
59
Voir le rapport final de l'Atelier : " Les défis du
long terme " - octobre 1997.
60
Voir le Titre premier, chapitre III, C.
61
A titre de comparaison, le coût de production du
kilowatt/heure nucléaire s'élève aujourd'hui à
18 centimes. Ce coût comprend les charges d'investissement,
d'exploitation et de combustibles.
62
Voir l'article de Dominique Gallois et Hervé Morin dans
Le Monde du 7 mars 1998.
63
Voir, Titre premier - Chapitre III, II, C.
64
Celle-ci tend à diminuer avec l'amortissement des
tranches nucléaires, mais ne faudra-t-il pas à un moment
donné arbitrer entre opérations de maintenance lourde et nouveaux
investissements ?
65
On appelle ici " réacteur hybride " une
installation nucléaire où la réaction en chaîne
n'est pas entretenue spontanément dans la matière fissile, qui
reste en configuration sous-critique, mais grâce à un apport
extérieur de neutrons supplémentaires. Ces neutrons sont produits
en grande quantité, par spallation, c'est-à-dire par bombardement
d'une cible de matériau lourd par un flux intense de protons
accélérés à haute énergie.
66
Dans la mesure où la fusion nécessite du
deutérium et du tritium, ressources inépuisables à
l'échelle humaine.
67
Citée par Courrier International
(2-8 avril 1998).
68
L'uranium résiduel (environ 95 %) et le plutonium
(10%) ainsi récupérés peuvent être recyclés
sous forme de nouveaux combustibles à uranium enrichi et max.
69
Millisievert : unité de mesure de l'impact des rayonnement
sur l'homme.
70
Selon les chiffres avancés par la COGEMA.
71
Un tel excès a six chances sur cent d'être
observé simplement par le fait du hasard.
72
Cité dans Enerpresse, mercredi 13 mai 1998
73
Dans son rapport du 31 décembre 1997, remis au
Secrétaire d'Etat à l'Industrie et au ministre de l'Environnement.
74
Voir Titre premier, chapitre II.
75
Voir l'article de Sylvestre Huet dans Libération du 10
mars 1998.
76
Voir le Titre II, chapitre I-B
77
Le projet de loi de transposition de cette directive devra
être examiné par le Parlement à l'automne prochain, afin de
respecter l'obligation de l'appliquer à compter du
19 février 1999.
78
Il apparaît prématuré d'évoquer ici
les modalités de la transposition de la directive sur le gaz qui vient
d'être adoptée par le Conseil des ministres européen le
11 mai dernier. Rappelons que les deux directives font cependant l'objet
d'une analyse comparative dans le Titre premier du présent rapport
(chapitre III, B, 2).
79
Voir le Titre premier - Chapitre III, B, 2.
80
Il ne fait plus mystère pour personne que l'avant-projet
de loi de transposition a fait l'objet de larges " fuites "...
81
Voir le Titre premier, chapitre II.
82
Voir le Titre premier, chapitre III, II, B.
83
Voir le Titre premier, chapitre III.
84
Voir l'article du Figaro du lundi 26 avril 1998.
85
Voir le Titre premier, chapitre III, II, B.
86
Représentant un quart puis, d'ici quelques années,
un tiers du marché français).
87
Rappelons que la distribution de l'électricité est
assurée, en France, par EDF et par environ 140 entreprises non
nationalisées, chaque distributeur bénéficiant d'un
monopole local sur la base d'une concession accordée par la commune.
88
Voir le Titre premier, chapitre III-II- B.
89
En application de l'interprétation de l'article 90-2
du Traité de Rome effectuée par la Cour de Justice des
Communautés européennes dans son arrêt du
23 octobre 1997 relatif aux monopoles d'import/export
d'électricité et de gaz.
90
Voir le rapport présenté par notre collègue
M. Gérard Larcher, au nom de la Commission des Affaires
économiques : " Sauver la Poste : devoir politique,
impératif économique " (Titre premier, chapitre IV-, II).
91
On évoquera, ci-après, les difficultés
liées au maintien d'une telle obligation dans un régime
d'ouverture à la concurrence.
92
Voir le Titre II, Chapitre I, I, B.
93
Qu'il s'agisse des secteurs agricole, militaire, des transports
intérieurs, etc...
94
Voir l'article du " Monde " des
19-20 avril 1998 de M. Jean-Paul Besset intitulé " Trois
priorités pour aménager la France ".
95
Précisons que l'ART est constituée d'un
collège de cinq membres nommés en raison de leur qualification
dans les domaines juridique, technique et de l'économie des territoires,
à raison de trois par le Gouvernement, un par l'Assemblée
nationale et un par le Sénat. L'ART recourt à l'expertise
technique de ses quelque 200 fonctionnaires.
96
Selon le sondage SOFRES réalisé à la demande
du CSC-CMP d'EDF-GDF.
97
Voir le Titre premier, chapitre III, B, 2.
98
Ou coûts de la transition à la concurrence. Il
s'agit du coût des investissements non amortis autorisés, voire
parfois imposés, dans le passé par les pouvoirs publics.
99
Les observations exposées précédemment
à propos de l'Espagne ou de l'Italie justifient ces craintes (voir A).
100
Il semble, par exemple, que des espoirs puissent être
fondés sur le transport d'informations à forts débits
(type Internet) sur courant porteur ligne.
101
Voir le même Chapitre, A.
102
Qui concerne EDF, GDF et les entreprises non
nationalisées du secteur.
103
Voir l'article du " Monde " de Frédéric
Lemaître du 2 mai 1998, intitulé " L'ouverture
à la concurrence remet en cause les spécificités sociales
d'EDF. "
104
Voir annexe n° 4.
105
Le Gaz naturel, Perspectives pour 2010-2020
(disponibilités, contraintes et dépendances), Pierre Terzian,
Commissariat Général du Plan, Editions Economica, Avril 1998.
106
Voir le Titre premier, Chapitre IV.
107
Il est fait état d'un rythme de 1.000 à
1.200 communes desservies sur cette période contre 600 à 750
selon les objectifs assignés à Gaz de France par le contrat
Etat-entreprise du 1er avril 1997.
108
La capacité européenne de raffinage est de
670 Mt/an pour une consommation de l'ordre de 590 Mt/an.
109
Source : Union des industries pétrolières
(UFIP)
110
Voir programme Auto-Oil, Titre I, chapitre III, II, A.
111
Le coût serait de 55 milliards de francs si les
recommandations du Parlement européen l'emportaient.
112
80 % des véhicules finlandais roulent
désormais avec ce nouveau type de carburants, ce qui équivaudrait
à un rajeunissement du parc automobile de cinq ans.
113
Ce régime ne prend en compte au titre des frais de
commercialisation que les frais de transport du produit, à l'exception
des autres frais (salaires, charges sociales, électricité, eau,
entretien et réparation des appareils, taxes, amortissements des
investissements...). Le Gouvernement a refusé d'inclure ces autres frais
dans le calcul de la revente à perte au motif qu'il est difficile de les
isoler.
114
Un sondage IPSOS, réalisé en avril 1998,
révèle que 57 % des personnes interrogées sont
prêtes à faire un détour pour acheter de l'essence moins
chère contre 68 % en mars 1996. En revanche, le nombre de personnes
interrogées prêtes à faire un détour pour être
servies par un pompiste est passé de 34 % à 22 %.
115
Rapport d'information n° 530 de M. Gérard Fuchs
intitulé " Un contrat automobile pour le développement et
l'emploi ", Décembre 1997.
116
Article 39 du projet de loi portant diverses dispositions
d'ordre économique et financier adopté par le Sénat en
première lecture le 7 mai dernier.