N° 452
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 27 mai 1998 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces Armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de Hong Kong,
Par M. Hubert DURAND-CHASTEL,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton, Charles-Henri de Cossé-Brissac, vice-présidents ; Michel Alloncle, Jean-Luc Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë, secrétaires ; Nicolas About, Jean Arthuis, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Jacques Bellanger, Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, André Gaspard, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet, Jacques Habert, Marcel Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, André Rouvière, André Vallet.
Voir le numéro :
Sénat : 371 (1997-1998)
Traités et conventions. |
Mesdames, Messieurs,
Le présent projet de loi vise
à autoriser l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en
matière pénale entre la France et le gouvernement de Hong-Kong.
Cette convention, signée le 25 juin 1997 -soit à quelques
jours de la rétrocession du territoire à la Chine- a reçu
l'aval tant du Foreing office que du ministère chinois des affaires
étrangères. Elle s'inspire de la convention relative à
l'entraide judiciaire en matière pénale élaborée
dans le cadre du Conseil de l'Europe le 20 avril 1959. Il s'agit du premier
texte de coopération judiciaire directe conclu avec Hong-Kong.
Notons que la Déclaration sino-britannique de décembre
1984, en prévoyant le
maintien d'un pouvoir judiciaire
indépendant
à Hong-Kong, a validé la conclusion,
par la Région administrative spéciale, d'accords internationaux
portant, comme celui-ci, sur la coopération judiciaire avec des
partenaires étrangers.
Cet accord, au contenu essentiellement
technique, qui se démarque peu des autres conventions de même
objet conclues par la France, constitue l'occasion de présenter un bilan
de la situation dans la nouvelle Région administrative spéciale
de Hong-Kong et des relations entre Hong-Kong et la France, près d'un an
après la rétrocession à Pékin de l'ancienne colonie
britannique.
*
* *
I. "UN PAYS, DEUX SYSTÈMES" : LA RÉGION ADMINISTRATIVE SPÉCIALE DE HONG-KONG PRÈS D'UN AN APRÈS LA RÉTROCESSION
La rétrocession de Hong-Kong à la Chine, le 1er
juillet 1997, donna lieu à des cérémonies que les
autorités de Chine populaire ont voulu grandioses. 8 000 journalistes
venus du monde entier ont très largement médiatisé la
descente de l'Union Jack et la retraite sur le Britannia du dernier gouverneur,
Chris Patten, aux côtés du Prince de Galles, tandis que la foule
réunie sur la place Tien an Men égrenait, devant l'horloge
électronique installée pour l'occasion, les dernières
secondes de l'ère coloniale.
A ce jour, le bilan politique de la
rétrocession paraît favorable par rapport aux craintes qui avaient
pu être exprimées en matière de libertés publiques,
en raison de la nature du régime chinois. La volonté de
Pékin d'appliquer ultérieurement à Taiwan le principe "un
pays, deux systèmes" entre pour beaucoup dans la prudence des
autorités chinoises à l'égard de Hong-Kong. En revanche,
les répercussions de la crise financière asiatique sur
l'économie de Hong-Kong constituent un motif d'inquiétude
évident.
1. Un bilan politique globalement positif, bien que nuancé, assorti de quelques interrogations
Le défilé, dans les rues de Hong-Kong, de
blindés de l'Armée populaire de Chine, dès le matin du 1er
juillet 1997, a pu symboliser la fin d'une époque. Mais onze mois
après la rétrocession, on peut estimer que les atteintes aux
libertés publiques
que d'aucuns avaient
redoutées (arrestations de nature politique, censure sur les
publications hostiles au régime chinois), n'ont pas été
véritablement constatées.
Peut-être faut-il voir
dans la sauvegarde, certes relative, des acquis du système politique de
Hong-Kong la conséquence de l'engagement très ferme des
autorités britanniques en faveur du maintien du régime politique,
juridique et économique du Territoire pendant les cinquante
années qui suivront la rétrocession, conformément à
la Déclaration conjointe sino-britannique du 19 décembre 1984.
Ainsi les autorités de Pékin ont-elle veillé
à éviter que la souveraineté chinoise conduise à
remettre en cause l'
autonomie
du Territoire, qu'il s'agisse
des compétences de celui-ci dans les domaines économique,
financier et commercial, ou même de l'action extérieure de
Hong-Kong. Le Territoire continue donc à assurer sa
représentation dans des organisations internationales à vocation
économique (OMC, APEC ...), à conduire des rapports directs avec
ses consulats, et à être Partie en tant que tel à des
conventions internationales auxquelles la Chine n'a pas nécessairement
adhéré. Les déplacements à l'étranger
(Etats-Unis, Japon, Grande-Bretagne, France) du chef de l'exécutif de la
Région administrative spéciale, M. Tung Chee-Hwa, ont
apporté une illustration manifeste de l'autonomie de Hong-Kong, de
même que la participation du chef de l'exécutif au sommet de
l'APEC, en décembre 1997, aux côtés des principaux
dirigeants de la région Asie-Pacifique.
Les autorités de
Pékin ont donc respecté les fondements de l'autonomie de la
Région administrative spéciale définis par la
Déclaration sino-britannique de 1984 et par la
loi
fondamentale
du Territoire. Cette dernière habilite les
autorités de Hong-Kong à conduire, par délégation,
une part des affaires étrangères de la Région
administrative spéciale dans les "domaines appropriés"
(économie, commerce, culture, sports, tourisme, navigation,
communications, finances). Dans ces divers domaines, les autorités de
Hong-Kong peuvent participer à des négociations diplomatiques
ainsi qu'à des organisations et conférences internationales.
Il n'en demeure pas moins que le
Conseil législatif
provisoire,
constitué en décembre 1996 et appelé
à siéger le 1er juillet 1997, a dès mai 1997
rétabli
l'autorisation préalable de manifestation
abolie par le gouvernement Patten, et a décrété
l'interdiction du soutien financier étranger aux formations
politiques locales,
visant expressément le parti
démocrate de Martin Lee.
Le
paysage
institutionnel
de Hong-Kong a, par ailleurs, été
profondément bouleversé par l'échéance de juillet
1997. Un chef de l'exécutif s'est ainsi substitué à
l'ancien gouverneur, tandis que le Conseil législatif (LEGCO) élu
en 1995 pour un mandat de quatre ans était dissous dès le 1er
juillet, en dépit des demandes exprimées par les autorités
britanniques, et remplacé par une
assemblée
législative provisoire
, constituée dès
décembre 1996 et
majoritairement prochinoise
. Depuis la
rétrocession, cette assemblée est revenue sur la plupart des
mesures adoptées à l'initiative du dernier gouverneur et,
notamment, sur des dispositions libérales de la législation
relative au travail et sur la suppression de l'autorisation préalable de
manifestation. De manière générale, les observateurs
relèvent que
l'oeuvre législative et démocratique
du dernier gouverneur britannique, Chris Patten, a été assez
largement démantelée
depuis le ler juillet 1997.
Certes, un climat
d'atonie politique
a paru
caractériser les mois qui ont suivi la rétrocession. Cette
situation était probablement imputable à une certaine autocensure
(ainsi a-t-on pu constater l'émergence d'une nouvelle culture ayant
intériorisé le "politiquement correct" de Chine
continentale
1(
*
)
),
voire à une attitude attentiste, plus qu'à de réelles
manoeuvres des autorités prochinoises pour altérer
fondamentalement les acquis du système.
Une question reste
néanmoins pendante :
au terme des cinquante
années
pendant lesquelles, selon la Déclaration
sino-britannique de décembre 1984 définissant les
modalités de la rétrocession, le système social et
économique, y compris les droits et libertés individuels, doit
être maintenu en l'état, la Chine ne se considérera-t-elle
pas en droit de
mettre fin à ce statut de transition pour
aligner Hong-Kong sur le reste de la Chine continentale
? Il est vrai
qu'il paraît difficile, à ce jour, de porter un jugement sur ce
que sera la Chine en 2047...
D'autres interrogations portent sur le
risque de développement de la
corruption
à
Hong-Kong, sur la
survie d'une presse indépendante
particulièrement dynamique, sur l'éventuelle intervention de
l'
armée
dans les affaires locales, et sur
l'étendue de la
surveillance exercée par la Chine sur les
frontières douanières
de Hong-Kong, en principe
territoire douanier indépendant aux yeux de l'OMC
2(
*
)
.
Par ailleurs la fin de la "lune de miel" entre population de Hong-Kong
et nouvelles autorités prochinoises a été confirmée
par les
élections législatives du 24 mai 1998
,
qui ont clairement montré avec un
taux de participation en nette
augmentation
(35 % en 1995, 50 % en mai 1998), les limites de
l'atonie de l'opinion hongkongaise, et, surtout, la
permanence des
aspirations démocratiques
en dépit de la
rétrocession, dont témoigne le soutien majoritaire
attribué aux candidats démocrates parmi les 20 sièges
soumis au suffrage universel. Certes, la Chine s'est tenue à
l'écart du scrutin, de manière à rassurer
l'électorat de Hong-Kong et l'opinion internationale. Mais les
règles électorales en vigueur -un Conseil législatif
dénué de véritable pouvoir, dominé
de facto
par des élus désignés par des collèges de
grands électeurs acquis aux milieux conservateurs favorables à
Pékin- rendaient toute intervention chinoise superflue. Les
résultats des élections de mai 1998 traduisent donc un certain
désenchantement de l'opinion hongkongaise à l'égard du
gouvernement local, même si ce climat paraît lié, dans une
assez large mesure, aux effets de la crise asiatique sur l'économie du
Territoire.
2. Une économie ébranlée par la crise asiatique
En octobre 1997, la crise asiatique a atteint Hong-Kong, mettant
un terme à un certain état de grâce qui, sur les plans tant
politique qu'économique, caractérisait le Territoire depuis la
rétrocession. Les activités les plus touchées sont
l'immobilier, le tourisme, le commerce de détail et le secteur
financier.
En 1998, la croissance économique pourrait
connaître un ralentissement assez sensible, s'établissant à
3,5 % (voire moins) au lieu de 5,5 % en 1997.
Le rôle central de
Hong-Kong dans la circulation des capitaux pourrait aussi être
affecté par le ralentissement annoncé de la croissance chinoise,
alors même que l'économie de Hong-Kong est étroitement
liée à celle de la Chine méridionale, et que la
République populaire de Chine est le principal partenaire commercial du
Territoire. Celui-ci réalise en Chine un tiers de ses échanges,
et est le premier investisseur étranger en Chine, principalement dans la
province de Guangdong et à Shanghai. La Chine est le deuxième
investisseur (après la Grande-Bretagne) dans le Territoire, et
contrôle 15 % de l'économie de Hong-Kong (20 % du secteur
bancaire). L'avenir économique du territoire est donc subordonné
à la
croissance chinoise
, et paraît
fragilisé par les hypothèques semblant peser sur celle-ci.
L'économie de Hong-Kong dispose cependant, malgré la
panique suscitée par les premiers signes de la crise économique,
d'
atouts importants
. Il s'agit principalement d'
atouts
financiers
: stabilité offerte par la
place
financière de Hong-Kong
-comme d'ailleurs par celle de
Singapour- et niveau élevé des
réserves de change
du Territoire
, qui semblent justifier la décision de maintenir
dans la tourmente la
parité avec le dollar
américain
("peg").
Il n'en demeure pas moins que la
dévaluation opérée par les pays voisins est de nature
à renforcer la
compétitivité
de ceux-ci
par rapport à Hong-Kong.