B. LES CONSÉQUENCES PRÉVISIBLES DE CES RÉGULARISATIONS
1. Un " appel d'air "
a) Une démarche solitaire dans le concert européen
L'impérieuse nécessité d'une
coopération
étroite avec nos partenaires européens résulte de la
complexité aussi bien juridique que pratique de la maîtrise
effective des flux migratoires.
Une politique moins rigoureuse menée
par un Etat membre de l'Union européenne ne pourrait qu'orienter les
flux
vers ce pays
. Le libre passage aux frontières
intérieures de " l'espace Schengen " ne peut qu'accentuer ce
phénomène.
Cet impératif a été pris en compte avec
l'intégration dans l'ordonnance de 1945, par la loi du 24 août
1993, de principes de la convention d'application des accords de Schengen, pour
la détermination de l'Etat responsable du traitement des demandes
d'asile, comme pour le renvoi d'un clandestin dans l'Etat responsable de son
entrée irrégulière.
Aussi la politique française de l'immigration ne peut plus être
définie de manière purement hexagonale.
Les critères de régularisation retenus par la circulaire du
24 juin 1997, déjà analysés, doivent donc
être rapprochés des politiques suivies dans d'autres pays
européens.
Pour illustrer ce point, on citera deux aspects de la question : le
regroupement familial et la lutte contre l'immigration clandestine.
S'agissant du
regroupement familial,
l'Allemagne exclut les prestations
d'aide sociale de l'évaluation des ressources tandis que le Royaume-Uni
et les Pays-Bas prévoient que les bénéficiaires ne devront
pas en principe avoir à recourir aux fonds publics ou sociaux pour
subvenir aux besoins de leur famille. En France, une instruction
complémentaire de la circulaire du 24 juin 1997 invite les
préfets à appliquer avec souplesse les conditions légales
de ressources pour l'évaluation desquelles seules les prestations
familiales ne sont pas prises en compte.
Quand la circulaire de 1997 organise le regroupement familial sur place, la
législation allemande exige, dans la plupart des cas, que la personne
demandant à être rejointe ait annoncé l'existence de son
lien conjugal lors de ses démarches pour obtenir son propre titre de
séjour.
L'Allemagne permet le regroupement des enfants mineurs s'ils ont moins de seize
ans et si les deux parents (sauf en cas de décès) résident
en situation régulière dans le pays. La circulaire de
régularisation prévoit l'autorisation de regroupement familial
pour les enfants de plus de seize ans et pour ceux nés d'une
précédente union dont l'autre parent réside à
l'étranger.
La législation contre l'
immigration clandestine
s'est
sensiblement durcie au cours des dernières années au Royaume-Uni
(incrimination de l'hébergement d'un étranger en situation
irrégulière), en Allemagne (incrimination de la tentative
d'entrée irrégulière), aux Pays-Bas (obligation de
vérifier la régularité du séjour de
l'étranger par consultation obligatoire du service des étrangers,
avant son immatriculation sociale, et renforcement des sanctions contre
l'emploi d'étrangers en situation irrégulière).
L'adhésion de l'Italie à " l'espace Schengen " a
conduit ce pays à adopter une législation lui permettant de
lutter plus efficacement contre l'immigration clandestine, notamment en
prévoyant de lourdes sanctions contre les " passeurs ".
Il convient toutefois de noter que, d'une manière plus
générale, le renforcement de la législation italienne (loi
du 6 mars 1998) ne pourra connaître d'application qu'après la
parution des décrets prévus.
Par ailleurs, l'opération de régularisation conduite en Italie,
quantitativement importante, concerne une immigration qui n'a pas tendance
à se fixer durablement dans le pays.
Dans le même temps, la France adopte une législation limitant
la répression des infractions liées au séjour
irrégulier et met en oeuvre une nouvelle opération de
régularisation qui, par son ampleur et sa médiatisation, est
susceptible d'orienter vers notre pays un flux d'immigration
irrégulière qui n'aura pas pu se fixer dans les pays voisins.