2. Des mesures d'éloignement théoriques
a) La notification des décisions de refus
Au 30
avril 1998,
45 982
décisions de refus de régularisation
avaient été prises.
Selon les instructions
ministérielles résultant de la circulaire du 24 septembre
1997, la notification de la décision aux intéressés s'est
accompagnée d'une invitation à quitter le territoire
français (IQF) dans un délai d'
un mois.
Un décalage a été souvent constaté entre la
décision de refus et la notification de cette décision. Les
fonctionnaires chargés de l'opération de régularisation
ont, en effet, été très mobilisés pour les
entretiens individuels et le traitement des dossiers.
Il en a
résulté un report du décompte du délai
d'un
mois
accordé aux intéressés pour quitter le territoire
qui court à compter de la notification de la décision de refus et
non de la décision elle-même.
b) Des recours systématiques
Ces
décisions de refus ont pu faire l'objet de
recours gracieux
(qui
s'exercent auprès de l'autorité même qui a pris la
décision), hiérarchique ou contentieux.
Devant la commission d'enquête, le 7 mai, M. Jean-Marie Delarue,
Directeur des libertés publiques et des affaires juridiques a
indiqué que le taux des
recours gracieux
serait supérieur
à celui habituellement constaté de 20 %.
Au 30 avril, l'administration centrale avait été saisie d'environ
7 000
recours hiérarchiques.
Mais le nombre
total de ces recours à l'issue de l'opération sera beaucoup plus
important. Selon M. Jean-Marie Delarue, il pourrait atteindre entre 20 000 et
50 000.
Les associations ont pu apporter leur concours à la préparation
de ces recours. Devant la commission d'enquête, M. François
Martini, membre permanent du Groupement d'information et de soutien des
travailleurs immigrés (GISTI) a indiqué, le 23 avril 1998, que
sur un peu plus de 300 personnes reçues, lors de permanences
spécifiques, environ 200 avaient été aidées par le
GISTI à constituer des dossiers de recours hiérarchiques ou
gracieux, recours signés par l'association et par
l'intéressé.
M. François Martini a constaté que les personnes qui avaient fait
l'objet d'un refus de régularisation étaient beaucoup plus
animées par la volonté de former un recours contre cette
décision que véritablement intéressées par le
dispositif d'aide au retour. Sur les 300 personnes reçues par le GISTI
(dont 65% étaient des étrangers sans charge de famille) et qui se
sont vues refuser la régularisation, une seule s'est enquise des
modalités d'aide au retour.
Mme Claire Rodier, également membre permanent du GISTI, a fait valoir
qu'il était paradoxal d'offrir simultanément un délai d'un
mois pour la demande d'aide au retour et un délai de deux mois pour le
recours gracieux. Elle a jugé que les personnes concernées
n'envisageraient la demande d'une aide au retour qu'après le refus des
recours qu'elles auraient déposés.
Elle a considéré que les recours les plus recevables portaient
sur des questions d'asile territorial et sur des situations familiales qui ne
coïncidaient pas exactement avec les dispositions de la circulaire. Sur
les 16 recours gracieux formés par le GISTI, 8 avaient fait l'objet
d'une réponse positive.
Les
recours hiérarchiques
s'appuient le plus souvent soit sur des
éléments qui n'auraient pas été pris en
considération lors de l'instruction de la demande, soit sur des faits
nouveaux.
L'examen de ces recours doit, selon les informations données à la
commission d'enquête par M. Jean-Pierre Chevènement, ministre
de l'Intérieur, le 12 mai 1998, permettre de prendre en compte les
éléments intéressant la situation des pays d'origine des
demandeurs et de corriger certaines inégalités de traitement
entre les préfectures.
M. Jean-Marie Delarue a précisé que, faute d'apporter la preuve
d'éléments nouveaux ou non pris en considération, les
recours hiérarchiques feraient l'objet d'un rejet implicite à
l'issue du délai de
quatre mois.
Il a évalué
à environ 20 % le nombre de recours gracieux ou hiérarchiques qui
pourraient être satisfaits.
Lors de ses déplacements, la commission d'enquête a
constaté que certaines préfectures avaient décidé,
pour des raisons matérielles, de ne pas prendre de décisions
expresses concernant les recours gracieux et donc de laisser expirer
systématiquement le délai de
quatre mois
au terme duquel
une décision implicite de rejet intervient.
S'agissant des
recours contentieux,
Me Christian Bruschi,
représentant de la Conférence des Bâtonniers a
indiqué devant la commission d'enquête, le 23 avril 1998, que les
cabinets d'avocats étaient assez sollicités en particulier par
les étrangers sans charge de famille en France qui représentent
selon lui environ 80% des refus.
Pour les autres recours, Me Christian Bruschi a précisé qu'ils
s'appuyaient essentiellement sur l'article 8 de la Convention européenne
de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales,
relatif au droit à une vie familiale normale.
Force est d'observer que, sauf erreur manifeste d'appréciation, ces
recours auront peu de chance de prospérer, la circulaire du 24 juin 1997
n'ayant pas de caractère réglementaire et ne pouvant donc
être utilement invoquée à l'appui d'un recours.
Devant la commission d'enquête, Me Christian Bruschi a
considéré que le résultat des procédures gracieuse
ou contentieuses ne devrait pas modifier sensiblement le pourcentage des
demandeurs qui bénéficieraient d'une régularisation.
En toute hypothèse, conformément aux règles de droit
commun, ces recours n'ont pas un caractère suspensif.