c) Le " gel " des arrêtés de reconduite à la frontière
1.- Avant le 24 avril 1998

Des instructions ministérielles précises ont invité les préfets à suspendre les reconduites à la frontière jusqu'au 24 avril. C'est pourquoi aucun arrêté préfectoral de reconduite à la frontière n'est intervenu avant cette date.

Ainsi, pendant les dix premiers mois de l'opération de régularisation, les préfets ont été privés, sur instruction ministérielle, des moyens d'assurer, si nécessaire, l'éloignement des étrangers non régularisés qui ne se seraient pas conformés à l'invitation à quitter le territoire leur ayant été notifiée.


La définition d'une nouvelle procédure d'aide au retour ne saurait suffire à justifier cette suspension de mesures administratives ne visant que les seuls étrangers ayant choisi de se placer en dehors de la légalité en dépit des avertissements qu'ils avaient pu recevoir de la part des autorités administratives.

Ce choix produit des effets d'autant plus négatifs qu'il peut conforter chez les intéressés un sentiment d'" impunité ", l'administration se privant elle-même des moyens de faire appliquer la loi.

2.- Après le 24 avril 1998

D'après les informations communiquées à la commission d'enquête, aucune instruction particulière n'a été prise à la suite de celle tendant à différer jusqu'au 24 avril 1998 l'exécution des mesures d'éloignement du territoire à l'encontre des étrangers non régularisés.

Sans doute, depuis cette date, des arrêtés de reconduite à la frontière ont donc pu être pris par les préfets. Cependant, de manière surprenante, le ministère de l'Intérieur ne semble pas s'être doté des moyens d'information -pourtant simples à concevoir- lui permettant d'identifier les éventuels arrêtés de reconduite concernant des étrangers non régularisés.

L'absence de statistiques sur les mesures d'éloignement
intéressant des étrangers non régularisés

Devant la commission d'enquête, M. Jean-Marie Delarue, Directeur des libertés publiques et des affaires juridiques, a ainsi déclaré, le 7 mai, ne pas savoir si de tels arrêtés avaient été effectivement exécutés depuis le 24 avril 1998 à l'encontre d'étrangers non régularisés dans le cadre de la circulaire du 24 juin 1997. Il a affirmé ne pas être en mesure de distinguer parmi les arrêtés ceux qui concernaient ces derniers de ceux intéressant d'autres étrangers en situation irrégulière. Il a souligné que l'éloignement des étrangers non régularisés se ferait dans des conditions comparables à celles concernant les autres étrangers en situation irrégulière, à savoir à la suite d'interpellations sur la voie publique.

Le ministre de l'Intérieur a pour sa part précisé à la commission d'enquête, le 12 mai, qu'aucune instruction ne serait donnée aux préfets pour établir des statistiques spécifiques sur les étrangers non régularisés qui auront été reconduits à la frontière.

Cette absence d'informations spécifiques concernant l'éloignement d'étrangers non régularisés dénote à tout le moins une faible motivation du Gouvernement pour mettre en pratique l'objectif de fermeté qu'il a souhaité afficher.

Cette faible motivation est confirmée par l'absence de réflexion spécifique sur les difficultés qui pourraient se présenter pour s'assurer du départ effectif du territoire de quelque 70 000 personnes n'ayant pas satisfait aux critères de régularisation.

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