2. La voie d'eau s'adapte au marché
Parallèlement aux transports de matières
pondéreuses qui ont toujours constitué son principal fonds de
clientèle, la voie d'eau s'est adaptée au cours de ces
dernières années à l'apparition de nouveaux frets.
La voie d'eau conserve un avantage sur ses marchés traditionnels
La voie fluviale a toujours été le mode de transport
d'élection de pondéreux en vrac, qu'ils soient solides ou
liquides. Si certains secteurs comme le Bâtiment et les travaux publics
ont subi une récession qui s'est répercutée sur la
batellerie, le secteur énergétique est, en revanche, susceptible
d'y recourir dans les années à venir, de même que la
sidérurgie :
"
La fermeture des mines en France et en Allemagne aura un effet
favorable sur la demande de transports "
déclarait une
personnalité devant votre commission d'enquête avant d'ajouter
: " aux charbons européens seront substitués des charbons
d'importation, par les grands ports de la Mer du Nord de Rotterdam et Anvers.
Pour alimenter les centrales thermiques du sud de l'Allemagne, il y aura des
distances plus longues qu'à partir des mines de la Ruhr. Les
prévisionnistes pensent que l'évolution du secteur charbonnier va
conduire à une augmentation de la demande de transport fluvial sur le
Rhin. De même, la fermeture des mines de Lorraine avait eu pour effet
d'entraîner une apparition de trafic inexistant auparavant. Maintenant la
sidérurgie locale fonctionne à 100 % avec des minerais
d'importation, du Brésil, de la Mauritanie, de l'Australie ".
Il est vraisemblable que les réticences des mouvements
écologistes face à
l'énergie nucléaire
auront pour conséquence d'accroître le recours au charbon et, par
conséquent, augmenteront la demande de transport des frets
pondéreux fluvialisables.
La voie d'eau permet l'acheminement de trafics conteneurisés
Pour le transport de denrées périssables ou de produits qui
nécessitent une livraison très rapide la voie d'eau n'offre pas
d'alternative au transport routier. En revanche, elle permet une massification
de certains flux grâce au transport par
conteneur
. Les caisses qui
servent d'emballage aux marchandises depuis leur départ du lieu de
production sont empilées sur plusieurs couches dans les navires, ce qui
permet un abaissement considérable du coût unitaire par tonne.
Grâce à leur standardisation, ces " boîtes "
permettent d'atteindre des frais de manutention peu élevés quelle
que soit la marchandise.
Apparue au début des années 1970 dans le transport maritime,
la conteneurisation s'est, peu à peu, étendue aux transports
intérieurs.
En 1995, le Rhin a acheminé 770.000 équivalents vingt pieds
(dits aussi " EVP ", unité de compte normalisée des
conteneurs, 2 EVP équivalent au chargement d'un gros camion en
termes d'encombrement).
La conteneurisation permet d'accroître la valeur ajoutée des
produits transportés par bateaux
. Des marchandises nobles telles que
des composants électroniques ou des eaux de vie fines d'Alsace
destinées au sud-est asiatique transitent désormais par le Rhin.
Le développement du transport fluvial conteneurisé dans les
années à venir
devrait se poursuivre. L'Inspection
générale des finances avait d'ailleurs recommandé (rapport
Renié Wallon de 1996) que des travaux supplémentaires
(estimés à 300 millions de francs hors taxes en 1993) soient
réalisés sur la liaison Rhin-Rhône afin de faciliter le
transit des conteneurs.
Le transport fluvial s'intéresse également à de nouveaux
débouchés. C'est ainsi que
le transport d'ordures
ménagères
peut, dans certaines conditions, lui être
confié.
Depuis dix ans à Liège, 80 000 tonnes d'ordures,
antérieurement transportées par camions, sont acheminées
par barges couvertes entre le Nord et le Sud de l'agglomération.
A la suite de la décision de la Communauté urbaine de Lille de
fermer trois usines d'incinération, il est prévu de confier
à la voie d'eau le transport de 300 tonnes d'ordures par
jour.
a) Elle enregistre une croissance en valeur absolue au niveau de l'Union européenne
Une
augmentation en valeur absolue
En 1995, le transport fluvial acheminait 116 milliards de tonnes
kilomètres dans l'ensemble des pays " mouillés " de
l'Union européenne. Par rapport à 1980, il enregistrait une
hausse de plus de 3 milliards de tonnes kilomètre, en valeur
absolue.
Cette évolution se caractérisait par une augmentation des flux
tant aux Pays-Bas (+ 3%) qu'en Allemagne où le volume transporté
par la voie d'eau croît de près de 13 milliards de tonnes
entre 1980 et 1995, soit (+24%).
Ces éléments sont reproduits dans le tableau suivant :
EVOLUTION DU TRAFIC FLUVIAL
DANS LES ETATS D'EUROPE DOTES DE VOIES FLUVIALES
1980-1995
(en milliards de tonnes/kilomètre)
|
1980 |
1995 |
Pays-Bas |
33,5 |
34,5 |
Belgique |
5,9 |
5,6 |
Allemagne |
51,4 |
64 |
France |
12,2 |
5,9 |
TOTAL |
112,8 |
116 |
Source : VNF
Une meilleure résistance que le rail à la concurrence de la
route
Comme le montre le tableau suivant, l'évolution relative des parts du
marché des transports est plus favorable, au niveau européen,
à la voie d'eau qu'au rail.
Même si la part modale du transport fluvial diminue de deux points de
pourcentage dans les quatre principaux Etats " fluvialisés "
de l'Union européenne entre 1980 et 1995 (de 9,8 à 7,6 %) il
enregistre une croissance en valeur absolue. En revanche, le rail subit une
perte tant en valeur absolue (de 286,9 à 220,1 mdtk) qu'en valeur
relative (de 25 % à 14 %) au cours de la même
période.
RÉPARTITION MODALE DANS LES PRINCIPAUX ETATS EUROPÉENS DOTÉS DE VOIES FLUVIALES
(en milliards de tonnes/kilomètre)
|
RAIL |
ROUTE |
VOIES NAVIGABLES |
OLÉODUCS |
TOTAL |
|||||
|
1980 |
1995 |
1980 |
1995 |
1980 |
1995 |
1980 |
1995 |
1980 |
1995 |
Pays-Bas |
3,4 |
3,1 |
17,7 |
27,1 |
33,5 |
34,5 |
5,0 |
5,3 |
59,6 |
70,0 |
Belgique |
8,0 |
7,3 |
18,3 |
42,6 |
5,9 |
5,6 |
1,8 |
1,4 |
34 |
56,9 |
Allemagne |
64,9 |
69,8 |
124,4 |
271,1 |
51,4 |
64,0 |
13,1 |
16,1 |
253,8 |
421,0 |
France |
66,4 |
47,9 |
97,4 |
132,0 |
12,2 |
5,9 |
34,7 |
22,4 |
210,7 |
208,2 |
TOTAL |
286,9 |
220,1 |
661,4 |
1102,6 |
112,8 |
116 |
91,7 |
85,6 |
1152,8 |
1524,3 |
Source : VNF
Au total, le transport routier est le grand bénéficiaire de cette
évolution puisque sa part modale passe de 661,4 mtk en 1980 à
1102,6 mtk en 1995 soit + 67% pour les quatre Etats où le transport
fluvial représente une part significative.
b) Elle fait l'objet d'un schéma directeur européen
Avec
près de 23 000 kilomètres de long, le réseau fluvial
européen offre de remarquable possibilités de
développement.
Les autorités de Bruxelles ont d'ailleurs manifesté leur
volonté de favoriser l'utilisation optimale des capacités
existantes et l'intégration de tous les réseaux, y compris la
navigation intérieure, en définissant en 1993, un
schéma directeur transeuropéen des voies navigables
et en
dressant la
liste de neuf projets prioritaires
d'intérêt
communautaire.
Le schéma directeur des voies navigables
La décision n°93-630-CEE du 29 octobre 1993 concernant le
développement du réseau transeuropéen de voies navigables
a, tout d'abord établi la carte qui figure en annexe au présent
rapport.
Les voies d'eau figurant au schéma directeur sont de classe IV
(accessible aux bateaux et convois poussés de 80 à 85 m de long
et de 9,5 mètres de largeur). Leur modernisation doit permettre
d'atteindre la classe Va/Vb (bateaux de 110 à 185 mètres de long
et 11,4 mètres de large).
Le schéma transeuropéen a un caractère indicatif
.
Il vise, comme le précise la décision du Conseil du
29 octobre 1993 précitée à "
encourager
les actions des Etats membres et, le cas échéant, de la
Communauté qui visent à réaliser des projets faisant
partie du réseau afin d'assurer sa cohérence et son
interopérabilité ".
Les projets prioritaires d'intérêt communautaire
La décision du Conseil du 29 octobre 1993, range parmi les
neufs projets prioritaires d'intérêt communautaire :
- l'amélioration du Mittellandkanal et le franchissement de l'Elbe
à Magdebourg ;
- l'amélioration de la navigabilité de l'Elbe entre
Magdebourg et la frontière tchèque ;
- l'amélioration des liaisons entre l'Elbe et l'Oder ;
- la liaison Twentekanal-Mittellandkanal ;
- la liaison Rhin-Rhône ;
- la liaison Seine-Escaut en France et Escaut en Belgique ;
- l'axe nord-sud et la liaison entre l'Escaut et le Rhin ;
- l'amélioration de l'axe Anvers-Bruxelles-Charleroi ;
- l'amélioration de la branche orientale en direction du Rhin via
le canal du centre, la Meuse, le canal de Lanaye en Belgique et le canal
Juliana aux Pays-Bas ;
- la liaison Main-Danube et l'amélioration du Main et du Danube
entre Straubing et Vilshofen ;
- l'amélioration de la navigabilité du Danube entre Vienne
et la Mer noire (projet non communautaire).
Les projets prioritaires d'intérêt communautaires devraient dans
la mesure du possible
être engagés dans une perspective de dix
ans
, compte tenu des contraintes financières des Etats.
La décision
du Conseil
précise expressément
qu'elle
ne préjuge pas de l'engagement financier d'un Etat membre ou
de la Communauté
.