ANNEXE -
DIRECTIVE 94/56/CE DU CONSEIL DU 21 NOVEMBRE 1994,
ÉTABLISSANT LES PRINCIPES FONDAMENTAUX RÉGISSANT LES
ENQUÊTES SUR LES ACCIDENTS ET LES INCIDENTS DANS L'AVIATION
CIVILE
LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,
Vu le
traité instituant la Communauté européenne, et notamment
son article 84 paragraphe 2 ;
Vu la proposition de la Commission (1) ;
Vu l'avis du Comité économique et social (2), statuant
conformément à la procédure visée à
l'article 189 C du traité (3) ;
Considérant qu'il convient de maintenir un niveau de
sécurité élevé dans l'aviation civile en Europe et
que tout doit être mis en oeuvre pour réduire le nombre
d'accidents et d'incidents ;
Considérant qu'une conduite diligente des enquêtes techniques sur
les accidents et les incidents dans l'aviation civile améliore la
sécurité aérienne en contribuant à la
prévention de ces accidents et incidents ;
Considérant qu'il convient de tenir compte de la convention relative
à l'aviation civile internationale, signée à Chicago le 7
décembre 1994, qui prévoit la mise en oeuvre de toutes les
mesures nécessaires afin d'assurer la sécurité
d'exploitation des aéronefs; qu'il convient en particulier de tenir
compte de l'annexe 13 de cette convention, qui fixe les normes et pratiques
recommandées internationales en ce qui concerne les enquêtes sur
les accidents d'aviation ;
Considérant que, selon les normes internationales de l'annexe 13, les
enquêtes sur les accidents doivent être conduites sous la
responsabilité de l'État d'occurrence ;
Considérant que si, en cas d'incident grave, l'État d'occurrence
n'ouvre pas d'enquête, une telle enquête doit être
menée par l'État d'immatriculation ;
Considérant que les enquêtes sur les incidents graves devraient
s'effectuer d'une manière analogue aux enquêtes sur les accidents
;
Considérant que l'étendue des enquêtes doit tenir compte
des enseignements qui pourront en être tirés aux fins
d'amélioration de la sécurité ;
Considérant que, pour les besoins de la sécurité
aérienne, les enquêtes doivent être menées le plus
rapidement possible ;
Considérant que les enquêtes devraient pouvoir remplir leur
mission avec la liberté d'action nécessaire à cet effet ;
Considérant que les États membres doivent veiller, dans le
respect de la législation en vigueur en ce qui concerne les
compétences des autorités responsables de l'enquête
judiciaire et, le cas échéant, en étroite collaboration
avec elles, à permettre aux responsables de l'enquête technique
d'assurer leurs missions dans les meilleures conditions ;
Considérant que les enquêtes sur les accidents et les incidents
survenus dans l'aviation civile devraient être effectuées par un
organisme ou une entité indépendant ou sous le contrôle
d'un tel organisme ou d'une telle entité afin d'éviter tout
conflit d'intérêt et toute possible implication dans les causes
des événements qui font l'objet des enquêtes ;
Considérant que l'organisme ou l'entité devrait être
équipé à cet effet et que ses tâches pourraient
comporter des activités de prévention ;
Considérant qu'il convient que les États membres prennent des
mesures en vue de se prêter mutuellement assistance, en cas de besoin,
pour la réalisation des enquêtes ;
Considérant qu'un État membre doit pouvoir déléguer
à un autre État membre la réalisation d'une
enquête ;
Considérant que, aux fins de la prévention des accidents, il
importe que les conclusions des enquêtes sur les accidents soient rendues
publiques dans les meilleurs délais ;
Considérant qu'il convient de tenir compte de la
spécificité des incidents lors de la diffusion des conclusions
des enquêtes menées sur ceux-ci ;
Considérant que les recommandations de sécurité
formulées à la suite d'une enquête sur un accident ou un
incident doivent être dûment prises en considération par les
États membres ;
Considérant que le seul objectif de l'enquête technique est de
tirer des enseignements susceptibles de prévenir de futurs accidents et
incidents et que, dès lors, l'analyse de l'événement, les
conclusions et les recommandations de sécurité formulées
ne visent pas à établir des fautes ou évaluer des
responsabilités.
A arrêté la présente directive :
Article premier
Objectif
La présente directive a pour but d'améliorer la sécurité aérienne en facilitant la réalisation diligente d'enquêtes techniques, dont l'objectif exclusif est la prévention de futurs accidents ou incidents.
Article 2
Champ
d'application
1. La présente directive concerne les enquêtes sur les accidents
et incidents de l'aviation civile qui se sont produits sur le territoire de la
Communauté, compte tenu des obligations internationales des États
membres.
2. La présente directive s'applique également en dehors du
territoire de la Communauté :
i) aux enquêtes sur les accidents impliquant un aéronef
immatriculé dans un État membre, dès lors qu'elles ne sont
pas effectuées par un autre État ;
ii) aux enquêtes sur les incidents graves impliquant un aéronef
immatriculé dans un État membre ou exploité par une
entreprise établie dans un État membre, dès lors qu'elles
ne sont pas effectuées par un autre État.
Article 3
Définitions
Aux fins
de la présente directive, on entend par :
a) "accident" : un événement, lié à l'utilisation
d'un aéronef, qui se produit entre le moment où une personne
monte à bord avec l'intention d'effectuer un vol et le moment où
toutes les personnes qui sont montées dans cette intention sont
descendues, et au cours duquel :
1) une personne est mortellement ou grièvement blessée du fait
qu'elle se trouve :
- dans l'aéronef
ou
- en contact direct avec une partie quelconque de l'aéronef, y compris
les parties qui s'en sont détachées
ou
- directement exposée au souffle des réacteurs,
sauf s'il s'agit de lésions dues à des causes naturelles, de
blessures infligées à la personne par elle-même ou par
d'autres ou de blessures subies par un passager clandestin caché hors
des zones auxquelles les passagers et l'équipage ont normalement
accès
ou
2) l'aéronef subit des dommages ou une rupture structurelle:
- qui altèrent ses caractéristiques de résistance
structurelle, de performances ou de vol
et
- qui devraient normalement nécessiter une réparation importante
ou le remplacement de l'élément endommagé,
sauf s'il s'agit d'une panne de moteur ou d'avaries de moteur, lorsque les
dommages sont limités au moteur, à ses capotages ou à ses
accessoires, ou encore de dommages limités aux hélices, aux
extrémités d'ailes, aux antennes, aux pneumatiques, aux freins,
aux carénages, ou à de petites entailles ou perforations du
revêtement
ou
3) l'aéronef a disparu ou est totalement inaccessible ;
b) "blessure grave": toute blessure que subit une personne au cours d'un
accident et qui :
1) nécessite l'hospitalisation pendant plus de quarante-huit heures,
cette hospitalisation commençant dans les sept jours qui suivent la date
à laquelle les blessures ont été subies
ou
2) se traduit par la fracture d'un os (exception faite des fractures simples
des doigts, des orteils ou du nez)
ou
3) se traduit par des déchirures qui sont la cause de graves
hémorragies ou de lésions d'un nerf, d'un muscle ou d'un tendon
ou
4) se traduit par la lésion d'un organe interne
ou
5) se traduit par des brûlures du deuxième ou du troisième
degré ou par des brûlures affectant plus de 5% de la surface du
corps
ou
6) résulte de l'exposition vérifiée à des
matières infectieuses ou à un rayonnement pernicieux ;
c) "blessure mortelle": toute blessure que subit une personne au cours d'un
accident et qui entraîne sa mort dans les trente jours qui suivent la
date de cet accident ;
d) "causes": les actes, omissions, événements ou conditions ou
toute combinaison de ces divers éléments qui conduisent à
l'accident ou à l'incident ;
e) "enquête": les activités menées en vue de
prévenir les accidents et les incidents, qui comprennent la collecte et
l'analyse de renseignements, l'exposé des conclusions, la
détermination des causes et, s'il y a lieu, l'établissement de
recommandations de sécurité ;
f) "enquêteur désigné": la personne chargée, en
raison de ses qualifications, de l'organisation, de la conduite et du
contrôle d'une enquête ;
g) "enregistreur de bord": tout type d'enregistreur installé à
bord d'un aéronef en vue de faciliter les enquêtes sur les
accidents et les incidents ;
h) "entreprise": une personne physique, une personne morale poursuivant ou ne
poursuivant pas de but lucratif, ou un organisme officiel doté ou non de
la personnalité juridique ;
i) "exploitant": une personne, un organisme ou une entreprise qui se livre ou
propose de se livrer à l'exploitation d'un ou de plusieurs
aéronefs ;
j) "incident": un événement, autre qu'un accident, lié
à l'utilisation d'un aéronef, qui compromet ou pourrait
compromettre la sécurité de l'exploitation ;
k) "incident grave": un incident dont les circonstances indiquent qu'un
accident a failli se produire (l'annexe contient une liste d'exemples
d'incidents graves) ;
l) "recommandation de sécurité": toute proposition
formulée par l'organisme d'enquête sur les accidents de
l'État qui a mené l'enquête technique, sur la base de
renseignements résultant de cette enquête, en vue de
prévenir les accidents et les incidents.
Article 4
Obligation d'enquête
1. Tout
accident ou incident grave fait l'objet d'une enquête.
Toutefois, les États membres peuvent prendre des mesures pour permettre
la réalisation d'une enquête sur un incident non visé au
premier alinéa si l'organisme d'enquête peut espérer en
tirer des enseignements en matière de sécurité
aérienne.
2. L'étendue des enquêtes et la procédure à suivre
pour effectuer ces enquêtes sont déterminées par
l'organisme d'enquête compte tenu des principes énoncés et
de l'objectif visé par la présente directive et en fonction des
enseignements qu'il entend tirer de l'accident ou de l'incident grave aux fins
d'amélioration de la sécurité.
3. Les enquêtes visées au paragraphe 1 ne visent en aucun cas la
détermination des fautes ou des responsabilités.
Article 5
Statut de l'enquête
1. Les
États membres définissent, dans le cadre de leurs systèmes
juridiques internes respectifs, un statut juridique de l'enquête
permettant aux enquêteurs désignés d'accomplir leur mission
de la manière la plus efficace et dans les délais les plus
courts.
2. Conformément à la législation en vigueur dans les
États membres et, le cas échéant, en coopération
avec les autorités responsables de l'enquête judiciaire, les
enquêteurs sont autorisés notamment à :
a) avoir librement accès au lieu de l'accident ou de l'incident ainsi
qu'à l'appareil, son contenu ou son épave ;
b) effectuer un relevé immédiat des indices et un
prélèvement contrôlé de débris ou
d'éléments aux fins d'examen ou d'analyse ;
c) avoir un accès immédiat au contenu des enregistreurs de bord
et de tout autre enregistrement, ainsi qu'à l'exploitation de ces
éléments ;
d) avoir accès aux résultats d'examens ou de
prélèvements effectués sur le corps des victimes ;
e) avoir un accès immédiat aux résultats d'examens ou de
prélèvements effectués sur les personnes impliquées
dans l'exploitation de l'aéronef ;
f) procéder à l'audition de témoins ;
g) avoir librement accès aux informations pertinentes détenues
par le propriétaire, l'exploitant ou le constructeur de l'aéronef
et par les autorités responsables de l'aviation civile ou de
l'aéroport.
Article 6
Organisme ou entité d'enquête
1.
Chaque État membre s'assure que les enquêtes techniques sont
réalisées par un organisme ou une entité
aéronautique civil permanent ou sous le contrôle d'un tel
organisme ou d'une telle entité. L'organisme ou l'entité en
question est fonctionnellement indépendant, notamment des
autorités aéronautiques nationales responsables de la
navigabilité, de la certification, des opérations
aériennes, de l'entretien, de la délivrance des licences, du
contrôle de la navigation aérienne ou de l'exploitation des
aéroports et, en général, de toute autre partie dont les
intérêts pourraient entrer en conflit avec la mission
confiée à l'organisme ou à l'entité
d'enquête.
2. Nonobstant le paragraphe 1, les activités confiées à
cet organisme ou cette entité peuvent être étendues
à la collecte et à l'analyse de données relatives à
la sécurité aérienne, notamment à des fins de
prévention, pour autant que ces activités n'affectent pas son
indépendance et n'impliquent de sa part aucune responsabilité
d'ordre réglementaire ou administrative ou en matière de normes.
3. L'organisme ou l'entité visé au paragraphe 1 est doté
des moyens qui lui permettent d'accomplir sa mission en toute
indépendance par rapport aux autorités visées au
paragraphe 1 et doit pouvoir disposer, pour ce faire, de ressources
suffisantes. Ses enquêteurs bénéficient d'un statut qui
leur accorde les garanties d'indépendance nécessaires. Il
comprend au moins un enquêteur capable d'exercer la fonction
d'enquêteur désigné en cas d'accident ou d'incident grave
d'aéronef.
4. Si nécessaire, l'organisme ou l'entité d'enquête peut
demander l'assistance d'organismes ou d'entités d'autres États
membres pour qu'ils fournissent :
a) les installations, équipements et appareils qui leur permettent :
- de procéder à l'expertise des débris d'épaves et
des équipements de bord et d'autres objets présentant un
intérêt aux fins de l'enquête,
- d'exploiter les indications des enregistreurs de bord,
- de mettre en mémoire et d'exploiter les données informatiques
concernant les accidents d'aéronefs ;
b) les experts spécialisés dans ce type d'enquêtes, afin de
leur confier des travaux déterminés, et cela uniquement dans le
cas d'une enquête ouverte à la suite d'un accident majeur.
Une telle assistance devrait, autant que possible, être gratuite.
5. Un État membre peut déléguer à un autre
État membre la réalisation d'une enquête sur un accident ou
un incident.
Article 7
Rapport d'accident
1. Toute
enquête sur un accident fait l'objet d'un rapport sous une forme
appropriée au type et à la gravité de l'accident. Le
rapport rappelle l'objectif exclusif de l'enquête indiqué à
l'article 1er et contient, le cas échéant, des recommandations de
sécurité.
2. L'organisme ou l'entité d'enquête rend public le rapport
d'accident final dans les meilleurs délais et, si possible, dans les
douze mois suivant la date de l'accident.
Article 8
Rapport d'incident
1. Toute
enquête sur un incident fait l'objet d'un rapport sous une forme
appropriée au type et à la gravité de l'incident. Le
rapport contient, le cas échéant, des recommandations de
sécurité pertinentes. Il préserve l'anonymat des personnes
impliquées dans l'incident.
2. Le rapport d'incident fait l'objet d'une circulation auprès des
parties susceptibles de tirer bénéfice de ses conclusions en
matière de sécurité.
Article 9
Recommandations de sécurité
Les
rapports et les recommandations de sécurité visés aux
articles 7 et 8 sont communiqués aux entreprises ou autorités
aéronautiques nationales intéressées. Des copies en sont
transmises à la Commission.
Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer
que les recommandations de sécurité formulées par les
organismes ou entités d'enquête sont dûment prises en
considération et, le cas échéant, suivies d'effet, sans
préjudice de la réglementation communautaire.
Article 10
Une recommandation de sécurité ne constitue en aucun cas une présomption de faute ou de responsabilité dans un accident ou un incident.
Article 11
La directive 80/1266/CEE du Conseil, du 16 décembre 1980, relative à la future coopération et à l'assistance mutuelle des États membres dans les enquêtes sur les accidents d'aéronefs (4), est abrogée.
Article 12
1. Les
États membres mettent en vigueur les dispositions législatives,
réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer
à la présente directive au plus tard le 21 novembre 1996. Ils en
informent immédiatement la Commission.
2. Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci
contiennent une référence à la présente directive
ou sont accompagnées d'une telle référence lors de leur
publication officielle. Les modalités de cette référence
sont arrêtées par les États membres.
Article 13
Les
États membres sont destinataires de la présente directive.
Fait à Bruxelles, le 21 novembre 1994.
Par le Conseil
Le président
M. WISSMANN
(1) JO no C 257 du 22. 9. 1993, p. 8. JO no C 109 du 19. 4. 1994, p. 14.(2) JO
no C 34 du 2. 2. 1994, p. 18.(3) Avis du Parlement européen du
9 mars 1994 (JO no C 91 du 28. 3. 1994, p. 123), position commune du
Conseil du 16 mai 1994 (JO no C 172 du 24. 6. 1994, p. 46) et décision
du Parlement européen du 26 octobre 1994 (JO no C 323 du 21. 11.
1994).(4) JO no L 375 du 31. 12. 1980, p. 32.
Annexe : Liste d'exemples d'incidents graves
Les
incidents énumérés sont des exemples typiques d'incidents
graves. Cette liste n'est pas exhaustive et n'est donnée qu'à
titre indicatif en rapport avec la définition de l'expression "incident
grave".
- Une quasi-collision ayant exigé une manoeuvre d'évitement pour
prévenir un abordage ou une situation dangereuse.
- Un impact avec le sol sans perte de contrôle (CFIT),
évité de justesse.
- Un décollage interrompu sur une piste fermée ou occupée,
ou un décollage à partir d'une telle piste avec une très
faible marge par rapport aux obstacles.
- Un atterrissage ou une tentative d'atterrissage sur une piste fermée
ou occupée.
- Une forte détérioration par rapport aux performances
prévues lors du décollage ou de la montée initiale.
- Tout incendie ou toute fumée dans la cabine de passagers, ou dans les
compartiments de fret, ou un incendie de moteur, même si l'incendie est
éteint en utilisant des agents extincteurs.
- Tout événement qui a exigé l'utilisation des
réserves d'oxygène de secours par l'équipage de conduite.
- Une défaillance structurelle de l'aéronef ou une
désintégration de moteur qui n'est pas classée comme un
accident.
- Des pannes multiples d'un ou de plusieurs systèmes de bord qui
gênent fortement la conduite de l'aéronef.
- Tout cas d'incapacité d'un membre d'équipage de conduite en
vol.
- Toute situation relative au carburant qui exigerait du pilote qu'il
déclare une urgence.
- Des incidents au décollage ou à l'atterrissage. Incidents tels
que prise de terrain trop courte, dépassement de piste ou sortie
latérale de piste.
- Des pannes de systèmes, des phénomènes
météorologiques, une évolution en dehors de l'enveloppe de
vol approuvée ou d'autres occurrences qui pourraient avoir rendu
difficile le contrôle de l'aéronef.
- Une panne de plus d'un système dans un système de redondance
qui est obligatoire pour le guidage des vols et la navigation.