N°
366
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 19 mai 1999
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1), sur le projet de loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ,
Par M.
Luc DEJOIE,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM.
Jacques
Larché,
président
; René-Georges Laurin, Mme Dinah
Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour,
vice-présidents
; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck,
Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest,
secrétaires
;
Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José
Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel,
Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière,
Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye,
Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec,
Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier,
Lucien Lanier, François Marc, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jacques
Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex
Türk, Maurice Ulrich.
Voir les numéros
:
Sénat
:
555
(1997-1998),
319
et
324
(1998-1999).
Vente aux enchères. |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
Réunie le mercredi 28 avril 1999, puis le
mercredi
19 mai 1999, sous la présidence de M. Jacques Larché,
président, la commission des Lois du Sénat a examiné, sur
le rapport de M. Luc Dejoie, le projet de loi portant
réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères
publiques.
Après avoir expliqué qu'une réforme s'avérait
aujourd'hui inévitable pour adapter la réglementation
française aux obligations résultant du droit communautaire,
M. Luc Dejoie, rapporteur, a indiqué que le projet de loi
aujourd'hui soumis au Sénat tendait à supprimer le monopole
traditionnel des commissaires-priseurs en matière de ventes volontaires
et à confier l'organisation et la réalisation de ces ventes
à de nouvelles sociétés de forme commerciale -les
sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères
publiques-, qu'il organisait l'ouverture du marché français
à la concurrence européenne en application du principe de la
libre prestation de services et qu'il prévoyait l'indemnisation du
préjudice subi par les commissaires-priseurs dont le statut d'officier
ministériel serait désormais restreint au seul secteur des ventes
judiciaires.
Il a approuvé le maintien de garanties destinées à assurer
la
protection
du consommateur
mais s'est déclaré
favorable à une plus grande
libéralisation
et une
simplification
de la réglementation afin de donner aux nouvelles
sociétés de ventes les moyens d'affronter dans des conditions
satisfaisantes la concurrence européenne.
Il a par ailleurs estimé que l'indemnisation des commissaires-priseurs
était fondée sur l'
expropriation
d'une part importante du
patrimoine attaché à leur office, en raison de la suppression de
leur monopole et de leur droit de présentation dans le domaine des
ventes volontaires, et devait être fixée de manière juste,
conformément aux principes constitutionnels.
Les principales décisions de la commission ont été les
suivantes.
- A
l'article 3
, elle n'a pas admis d'exception au principe de
l'
interdiction de l'achat et de la vente
de biens par les professionnels
des ventes aux enchères
pour leur propre compte
.
- A
l'article 7
, elle a souhaité mentionner explicitement la
condition de
qualification
qui sera exigée du " teneur de
marteau ".
- A
l'article 8
, elle a allongé de 8 à 15 jours
le délai dans lequel pourrait avoir lieu la
vente de gré
à gré
d'un bien déclaré non adjugé
à l'issue des enchères, en précisant toutefois que le
dernier enchérisseur devrait être informé de cette
transaction qui ne pourrait se faire à un montant inférieur
à celui de la dernière enchère, ou, en cas d'absence
d'enchères, au montant de la mise à prix.
- Elle a facilité la mise en oeuvre des
garanties de prix
et des
avances
autorisées par
les articles 11 et 12
en
supprimant l'obligation de recourir à un organisme d'assurance ou un
établissement de crédit, ainsi que la limitation du montant de
l'avance à 40 % de l'estimation du bien.
- Elle a simplifié la réglementation applicable aux
locaux
d'exposition et de vente (
article 6
), à la
publicité
(
article 10
) ainsi que la procédure
applicable en cas de
défaut de paiement
par l'adjudicataire
(
article 13
).
- Elle a étendu les
sanctions pénales
prévues par
l'article 14
aux ressortissants européens intervenant en
France dans le cadre de la libre prestation de services sans en avoir fait la
déclaration préalable au conseil des ventes.
- A
l'article 18
, elle a renforcé la représentation
des professionnels au sein du
conseil des ventes
volontaires de meubles
aux enchères publiques, afin que ceux-ci y soient majoritaires.
- A
l'article 27
, elle a uniformisé à dix ans le
délai de
prescription
applicable à l'ensemble des actions
engagées à l'occasion des ventes de meubles aux enchères
publiques.
- Elle a limité l'étendue de la responsabilité solidaire
de l'
expert agréé
à ce qui relève de son
activité (
article 30
) et a supprimé les sanctions
pénales prévues de manière superfétatoire par
l'article 34
en cas d'infraction par un expert agréé
à l'interdiction d'acheter ou de vendre pour son propre compte.
En ce qui concerne l'
indemnisation des commissaires-priseurs
:
- la commission a précisé, à
l'article 35
, que
ceux-ci devaient être indemnisés en raison de la perte de leur
droit de présentation en matière de ventes volontaires et de la
suppression de leur monopole dans ce domaine ;
- elle a proposé que le préjudice indemnisé soit
évalué sur la base de la valeur de l'office
déterminée à l'article 36, en tenant compte de la
valeur des actifs incorporels de nature à être cédés
par le titulaire de l'office en cas de cessation de son activité de
ventes volontaires (
article 37
) ; toutefois, celui-ci pourrait
demander à bénéficier d'une indemnisation forfaitaire
fixée à 50 % de la valeur déterminée à
l'article 36 ;
- elle a prévu que la commission nationale d'indemnisation serait
présidée par un magistrat de l'ordre judiciaire et ouverte
à des représentants des professionnels et a en outre
précisé que les recours à l'encontre des décisions
de cette commission seraient portés devant le juge judiciaire
(
article 43
).
- La commission a enfin inséré un
article additionnel
après l'article 44
, afin de permettre aux salariés des
offices de commissaires-priseurs qui seront licenciés en
conséquence directe de la réforme de bénéficier eux
aussi d'une indemnisation équitable.
La commission des Lois s'en est remise à l'appréciation de la
commission des Finances sur les
questions d'ordre fiscal
, tout en
soulignant que les dispositions du projet de loi ne permettraient pas de
remédier aux distorsions de concurrence résultant de l'existence
d'une fiscalité plus lourde en France que sur les principaux
marchés de l'art étrangers.
Mesdames, Messieurs,
Une réforme de l'organisation française des ventes volontaires de
meubles aux enchères publiques s'avère aujourd'hui
inéluctable. En effet, le statut actuel des commissaires-priseurs,
officiers ministériels qui jouissent d'un monopole hérité
de l'histoire tant en matière de ventes volontaires que de ventes
judiciaires, n'apparaît plus compatible avec les obligations
résultant du droit communautaire.
A la suite d'une plainte déposée auprès de la Commission
européenne par la société Sotheby's confrontée au
refus des autorités françaises de l'autoriser à
procéder à des ventes aux enchères publiques sur notre
territoire, la France a, dès le mois de mars 1995,
été mise en demeure d'adapter sa réglementation aux
principes posés par le Traité de Rome.
Cette situation a conduit au dépôt d'un projet de loi
1(
*
)
à l'Assemblée nationale,
en avril 1997, par M. Jacques Toubon, alors Garde des Sceaux. Fruit
de propositions formulées par une commission présidée par
M. Jean Léonnet, conseiller à la Cour de cassation, ce
premier projet de réforme s'inscrivait également dans le
prolongement des réflexions menées sur l'avenir du marché
de l'art par M. André Chandernagor
2(
*
)
, puis par
M. Maurice Aicardi
3(
*
)
.
La dissolution de l'Assemblée nationale ayant rendu caduc ce projet de
loi, Mme Elisabeth Guigou, devenue Garde des Sceaux, a
souhaité remettre à l'étude la réforme des ventes
volontaires de meubles aux enchères publiques et a confié
à un groupe de travail composé de MM. François
Cailleteau, inspecteur général des Finances, Jean Favard,
conseiller à la Cour de cassation et Charles Renard, président de
chambre à la Cour des comptes, la mission d'éclairer le
Gouvernement sur les "
conditions juridiques et financières
d'une juste indemnisation du préjudice subi
" par les
commissaires-priseurs. A la lumière des réflexions de ce groupe
de travail
4(
*
)
, une nouvelle
rédaction du projet de réforme a ensuite été
élaborée, donnant lieu au dépôt sur le bureau du
Sénat, en juillet 1998, du projet de loi n° 555 portant
réglementation des ventes de meubles aux enchères publiques.
Ce nouveau projet de loi poursuit les mêmes objectifs que le
précédent. Il est en effet destiné à adapter la
réglementation française aux obligations du droit communautaire,
tout "
en donnant aux professionnels français des structures
d'exercice mieux adaptées à un marché appelé
à être de plus en plus concurrentiel
", selon les termes
de l'exposé des motifs.
Le texte aujourd'hui soumis au Sénat tend donc à supprimer le
monopole traditionnel des commissaires-priseurs en matière de ventes
volontaires et à confier l'organisation et la réalisation de ces
ventes à de nouvelles sociétés de forme commerciale :
les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères
publiques. En outre, il organise l'ouverture du marché français
à la concurrence européenne en application du principe de la
libre prestation de services et prévoit l'indemnisation du
préjudice subi par les commissaires-priseurs dont la portée du
droit de présentation sera désormais réduite au seul
secteur des ventes judiciaires.
Avant d'analyser ces dispositions de manière plus approfondie et de
présenter les propositions de votre commission des Lois, il convient
tout d'abord de rappeler brièvement les principaux traits du
régime juridique actuel des ventes de meubles aux enchères
publiques.
Pour ce qui concerne plus particulièrement le marché de l'art,
ainsi que les aspects financiers et fiscaux de la réforme, votre
commission des Lois vous renvoie aux développements plus approfondis
figurant dans les avis respectivement présentés par nos
collègues, M. le Président Adrien Gouteyron, au nom de la
commission des Affaires culturelles, et M. Yann Gaillard, au nom de la
commission des Finances.
I. LE RÉGIME JURIDIQUE ACTUEL DES VENTES DE MEUBLES AUX ENCHÈRES PUBLIQUES REPOSE SUR LE MONOPOLE DES COMMISSAIRES-PRISEURS DONT LE STATUT HÉRITÉ DE L'HISTOIRE EST DÉSORMAIS INCOMPATIBLE AVEC LES OBLIGATIONS COMMUNAUTAIRES
En
France, les ventes de meubles aux enchères publiques ont toujours
été réglementées de façon très
stricte. La loi du 25 juin 1841, toujours en vigueur
5(
*
)
, dispose dans son
article 1
er
que "
nul ne peut faire des enchères
publiques un procédé habituel de l'exercice de son
commerce "
et interdit
les ventes au détail de
marchandises neuves
" à cri public
". Les ventes aux
enchères publiques de biens d'occasion, seules autorisées, sont
en effet la prérogative des officiers publics ou ministériels et
plus spécifiquement d'une catégorie particulière d'entre
eux : les commissaires-priseurs, dont le statut original repose sur une
longue tradition historique.
Leur monopole avait à l'origine été établi pour
lutter contre les ventes sauvages sur la voie publique par lesquelles des
marchands écoulaient des objets d'origine douteuse ou de mauvaise
qualité avant de disparaître rapidement. Le souci de protection du
public avait alors conduit à confier l'organisation des ventes aux
enchères à des officiers ministériels compétents et
responsables.
A. UN STATUT ORIGINAL HÉRITÉ DE L'HISTOIRE
1. Un statut reposant sur une longue tradition historique
La
profession de commissaire-priseur est très ancienne puisque sa
création, généralement attribuée à
l'édit sur les " priseurs-vendeurs " de 1556, remonte à
l'époque d'Henri II.
Depuis la loi du 22 pluviôse an VII, les ventes publiques de meubles
aux enchères ne peuvent être faites
" qu'en
présence et par le ministère d'officiers publics ayant
qualité pour y procéder "
6(
*
)
.
Encore en vigueur aujourd'hui, les lois du 27 ventôse an IX
portant établissement de quatre-vingts commissaires-priseurs de meubles
à Paris et du 28 avril 1816 sur les finances attribuent aux
commissaires-priseurs, à Paris et dans toutes les villes de provinces
où l'un d'eux est installé, l'exclusivité des ventes
publiques aux enchères d'effets mobiliers
7(
*
)
. Dans les autres lieux, le monopole des
commissaires-priseurs est partagé avec d'autres officiers
ministériels : les huissiers de justice et les notaires.
Les commissaires-priseurs titulaires d'un office, en faveur desquels les textes
précités ont institué un
monopole
tant en ce qui
concerne les ventes volontaires que les ventes judiciaires et les
prisées, disposent, comme les autres officiers ministériels, du
droit de présentation
de leur successeur "
à
l'agrément de Sa Majesté
" (aujourd'hui, le Garde des
Sceaux) qui leur a été reconnu par l'article 91 de la loi du
28 avril 1816 précitée et dont la valeur patrimoniale
résulte du prix traditionnellement convenu en échange de cette
présentation.
Leur statut est fixé par les dispositions de
l'ordonnance du 26 juin
1816
qui établit, en exécution de la loi du 28 avril 1816,
des commissaires-priseurs, et de
l'ordonnance n° 45-2593 du 2
novembre 1945
relative au statut des commissaires-priseurs
8(
*
)
qui précise également
les règles de discipline applicables à la profession. Ces textes
ont été complétés par le décret
n° 45-0120 du 19 décembre 1945 portant règlement
d'administration publique pour l'application du statut des
commissaires-priseurs, le décret n° 69-763 du 24 juillet 1969
permettant dans certaines conditions l'exercice de la profession sous forme de
société civile professionnelle (SCP), le décret
n° 73-541 du 19 juin 1973 relatif à la formation
professionnelle et aux conditions d'accès à la profession, et
enfin par le décret n° 92-1449 du
30 décembre 1992 permettant dans certaines conditions
l'exercice de la profession sous forme de société d'exercice
libéral (SEL).
Ce statut se caractérise essentiellement par :
- la nomination du commissaire-priseur en qualité de titulaire d'un
office par décision du Garde des Sceaux, sur la présentation de
son prédécesseur (cette présentation donnant lieu à
une convention de cession d'office moyennant finance) ;
- l'obligation de justifier, en vue de cette nomination, de conditions de
qualification professionnelle
(c'est-à-dire être titulaire
de deux diplômes d'enseignement supérieur : un diplôme
juridique et un diplôme d'histoire ou d'histoire de l'art et avoir
réussi l'examen d'aptitude à la profession de commissaire-priseur
à la suite d'un stage), ainsi que de moralité et d'absence de
condamnation pénale ou de faillite personnelle ;
- l'appartenance du commissaire-priseur à une
compagnie
comprenant un organe doté d'un pouvoir de sanction disciplinaire (la
chambre de discipline) ;
- ainsi que l'obligation de participer aux dépenses de la
" bourse commune de compagnie " destinée notamment à
garantir solidairement la responsabilité civile professionnelle de tous
les membres de la compagnie.
Par ailleurs, le statut d'officier ministériel des commissaires-priseurs
a également pour conséquence l'existence d'un
tarif
réglementé déterminant le montant de leur
rémunération. Ce tarif est actuellement fixé par le
décret n° 85-382 du 29 mars 1985, modifié par le
décret n° 93-465 du 24 mars 1993 : les droits à la
charge de l'acheteur sont de 9 % sur le produit de chaque lot tandis que
les droits à la charge du vendeur peuvent être convenus
forfaitairement avec celui-ci
9(
*
)
,
sans toutefois pouvoir excéder 7 % sur le produit de chaque lot.
De ce statut d'officier ministériel découlent un certain nombre
de
garanties
assurant la protection du consommateur : garantie de
sécurité et d'authenticité des opérations de vente,
garantie de transparence des ventes et de neutralité du
commissaire-priseur qui agit en tant que mandataire du vendeur et n'a pas le
droit d'acheter ou de vendre pour son propre compte. En effet, aux termes de
l'article premier de l'ordonnance du 2 novembre 1945
précitée, "
le commissaire-priseur est l'officier
ministériel chargé de procéder
(...)
à
l'estimation et à la vente publique aux enchères des meubles et
effets mobiliers corporels. Il ne peut se livrer à aucun commerce en son
nom, pour le compte d'autrui ou sous le nom d'autrui, ni servir, directement ou
indirectement, d'intermédiaire pour les ventes amiables
".
Le droit français permet en outre de mettre en cause, le cas
échéant, la responsabilité du commissaire-priseur, ou de
demander l'annulation de la vente, généralement sur le fondement
de l'erreur sur les qualités substantielles de l'objet vendu.
2. Un statut original eu égard aux régimes juridiques en vigueur à l'étranger
Le
régime juridique français des ventes aux enchères
publiques, caractérisé par le recours obligatoire à un
officier ministériel spécialisé offrant des garanties
très étendues à l'acheteur, apparaît largement
"
sui generis
" par rapport aux pays étrangers
où la profession de commissaire-priseur n'a généralement
pas d'équivalent exact. En effet, si les ventes judiciaires sont le plus
souvent étroitement réglementées, tel n'est en revanche
pas toujours le cas des ventes volontaires.
En particulier, le
régime anglais
10(
*
)
se caractérise par
l'absence de monopole, la libre concurrence et le caractère commercial
de l'activité des ventes aux enchères publiques, qui sont
réalisées par des intermédiaires dénommés
"
auctioneers
". Aucune qualification particulière
n'est exigée pour exercer ce métier.
L'"
auctioneer
" s'établit librement où il
l'entend et comme il l'entend. Il n'existe pas de réglementation
spéciale relative au lieu de la vente, ni de tarif imposé (sauf
pour les ventes judiciaires).
Sur la base de ce régime très libéral, se sont
développées de grandes maisons de ventes comme
Sotheby's
et
Christie's
. Ce sont des sociétés commerciales qui,
à la différence des officiers ministériels
français, peuvent acheter et vendre pour leur propre compte, effectuer
des transactions de gré à gré en marge des ventes
publiques, consentir à leurs clients des prix garantis ou des avances
sur leurs fonds propres.
En outre, elles ne sont pas tenues aux mêmes garanties que celles qui
sont assurées par le système français. En effet, le
système de " common law " anglais se caractérise aussi
par une absence presque totale de garanties légales offertes aux
acheteurs, notamment en matière de responsabilité. En l'absence
de dispositions législatives applicables en la matière, les
garanties revêtent un caractère contractuel puisqu'elles sont
arrêtées par les sociétés de ventes
elles-mêmes et portées à la connaissance des
intéressés dans les conditions de vente figurant à
l'intérieur des catalogues.
Dans les autres pays européens, l'activité de ventes aux
enchères publiques est tantôt libre, tantôt confiée
à des officiers ministériels non spécialisés dans
ce domaine comme les huissiers de justice ou les notaires
11(
*
)
, comme le montrent les quelques
exemples suivants.
En
Allemagne
, les ventes aux enchères ne peuvent être
réalisées que par des personnes munies d'une autorisation soumise
à un certain nombre de conditions (bonne moralité, absence de
condamnations...). L'intermédiaire le plus souvent chargé de
procéder aux ventes est désigné sous le nom de
"
Versteigerer
". Celui-ci ne dispose d'aucun monopole, les
ventes publiques pouvant également être réalisées
par un officier ministériel, notaire ou huissier. Sa compétence
territoriale n'est pas limitée à une circonscription. Il peut
aménager librement ses conditions de vente, mais il lui est interdit
d'acheter pour son propre compte.
En ce qui concerne les ventes judiciaires, elles sont réalisées
par un "
Versteigerer
" assermenté
désigné après avis de l'autorité judiciaire, qui
doit posséder des connaissances d'expert, ou par un huissier ou un
fonctionnaire public autorisé à vendre aux enchères.
En
Suisse
, les ventes volontaires relèvent de la liberté
du commerce et sont réalisées par des commerçants (sauf
réglementation particulière édictée par les
cantons
12(
*
)
), alors que les
ventes judiciaires sont effectuées par un fonctionnaire au nom de
l'"
office des poursuites
".
En
Italie
, les ventes volontaires sont organisées par des maisons
de ventes privées tenues par des commerçants ordinaires, sous
réserve d'une autorisation de police, tandis que les ventes judiciaires
sont toujours réalisées par un officier public ou judiciaire
(greffier de tribunal ou notaire).
Enfin, le système
belge
se rapproche du droit français
dans la mesure où la présence d'un officier public (huissier ou
notaire) est exigée pour la conduite des enchères. Les huissiers
et les notaires disposent donc d'un monopole pour la réalisation des
ventes aux enchères publiques (volontaires comme judiciaires).
Cependant, il existe de nombreuses salles de ventes gérées par
des sociétés commerciales qui organisent la publicité des
ventes et en édictent les conditions ; le rôle de l'officier
ministériel se limite à l'adjudication et à la tenue du
procès-verbal, sa présence étant destinée à
assurer la loyauté et la sincérité des enchères.
Les ventes judiciaires sont, pour leur part, soumises à une
réglementation analogue à la réglementation
française.