ANNEXE 2
_____
ETUDE D'IMPACT RÉALISÉE
PAR LE GOUVERNEMENT
Etat
membre, en procédant à une comparaison entre les
compétences attestées par ces diplômes et les connaissances
et qualifications exigées par les règles nationales "
65(
*
)
.
22. Il s'ensuit que le ressortissant communautaire habilité, dans l'Etat
membre où il est établi, à organiser des ventes
volontaires aux enchères publiques d'oeuvres et d'objets d'art ne peut
se voir refuser l'accès à la prestation de services dans l'Etat
d'accueil sans que cet Etat ait pris en compte les qualifications et
l'expérience déjà acquises dans l'Etat où il est
établi. L'Etat d'accueil doit vérifier si le ressortissant
communautaire ne justifie pas d'ores et déjà de qualifications
équivalentes à celles qu'il requiert.
23. Tel doit être tout particulièrement le cas lorsque le
prestataire justifie d'une notoriété au niveau mondial et
détient une part importante du marché de la vente d'objet d'art
dans l'Etat membre où il est établi.
24. Les autorités françaises soutiennent à tort que ce
principe de reconnaissance mutuelle ne vaudrait que pour les personnes
physiques. Il serait en effet paradoxal que les conditions d'accès
à la libre prestation de services soit rendues plus difficiles au seul
motif que le prestataire est une personne morale, lorsque aucune circonstance
particulière ne vient justifier une différence de traitement
entre personnes physiques et personnes morales.
2.
L'obligation d'être nommé préalablement à un
office ministériel
25. L'article premier de la loi du 22 pluviôse an VII dispose que
les objets mobiliers " ne pourront être vendus publiquement et par
enchères qu'en présence et par le ministère d'officiers
publics ayant qualité pour y procéder " et les lois des
27 ventôse an IX et 28 avril 1816 attribuent aux
commissaires-priseurs, à Paris et dans les communes où l'un deux
est installé, l'exclusivité de ces ventes (dans les autres
villes, ce monopole est partagé avec les huissiers de justice et les
notaires).
26. Il n'est pas discuté que la vente volontaire aux enchères
publiques d'oeuvres et d'objets d'art est une prestation de services au sens de
l'article 59 du traité CE. L'accès à cette
activité exercée à titre occasionnel sous le régime
de la prestation de services, ne peut être réservé à
une profession qui en assure le monopole qu'à la condition qu'une raison
impérieuse d'intérêt général le justifie ou
que l'article 56 soit applicable.
27. Selon les autorités françaises, l'obligation d'être
préalablement nommé à un office ministériel serait
justifiée par le pouvoir d'authentifier les actes de vente que
détiennent les commissaires-priseurs et afin de vérifier que le
candidat remplit les conditions requises.
28. Comme la Cour l'a précisé à plusieurs reprises,
" une réglementation visant à satisfaire une exigence
impérative doit être proportionnée au but poursuivi, et, si
un Etat membre dispose de moyens moins restrictifs permettant d'atteindre le
même but, il lui incombe d'y recourir "
66(
*
)
.
29. Sur le premier point, il n'a pas été démontré
que l'obligation de passer les ventes aux enchères publiques volontaires
de bien mobiliers par acte authentique était justifiée et
proportionnée au regard de l'article 59 du traité CE,
sachant que les ventes de gré à gré des mêmes objets
ne sont pas soumises à de telles restrictions. Cette obligation ne
justifie pas que soit exclue la possibilité d'action de concert du
prestataire établi dans un autre Etat membre avec des
commissaires-priseurs, voire des huissiers.
30. Le gouvernement français ne saurait soutenir que le
commissaire-priseur exerce une mission de service public qui consisterait
à fixer un juste prix sans exercer d'activité commerciale alors
que
(i)
le prix n'est pas déterminé par lui et est le
résultat des seules enchères et
(ii)
le
commissaire-priseur preste un service pour lequel il est
rémunéré.
31. La Commission observe que le gouvernement français s'est
déclaré prêt, dans sa réponse à la lettre de
mise en demeure du 15 novembre 1995, à étendre aux
commissaires-priseurs le mécanisme de l'avocat de concert prévu
par l'article 5 de la directive 77/249, précitée. Force est
de constater qu'une telle possibilité n'a fait l'objet d'aucune
initiative réglementaire ou législative et n'a toujours pas
été concrètement mise en oeuvre.
32. Quant à la vérification que le candidat satisfait aux
conditions requises, elle ne saurait justifier l'obligation d'être
nommé préalablement à un office ministériel ;
d'autres moyens, tels que la présentation de diplômes ou autres
titres de qualifications, y compris l'expérience professionnelle,
permettraient d'arriver aux mêmes fins. Dans sa lettre du
18 octobre 1997 précitée, le Ministre de la Justice
français a clairement indiqué qu'elle envisageait le
dépôt d'un projet de loi supprimant le monopole des
commissaires-priseurs sur les ventes volontaires.
33. En tout état de cause, un Etat membre ne peut subordonner
l'exécution de la prestation sur son territoire à l'observation
de toutes les conditions requises pour un établissement, sous peine de
priver de tout effet utile les dispositions destinées à assurer
la libre prestation de services
67(
*
)
.
34. Il convient, à cet égard de constater que le
réglementation française rend impossible à libre
prestation de services des " auctioneer " en France autrement qu'en
remplissant les conditions de l'établissement.
3.
Les modalités d'appartenance à la compagnie
35. Les commissaires-priseurs sont regroupés en compagnies comprenant un
ou plusieurs ressorts de cours d'appel
68(
*
)
. Nul ne peut s'établir comme
commissaire-priseur en France s'il n'est membre d'une compagnie. Nul ne peut
procéder à une vente volontaire aux enchères publiques
d'oeuvres ou d'objets d'art, en tant que prestataire de services s'il n'est
membre d'une compagnie.
36. La réglementation française ne peut imposer pour la
prestation de services les mêmes obligations que pour
l'établissement sans violer le principe de
proportionnalité
69(
*
)
.
L'appartenance à une compagnie pourrait se réaliser selon de
modalités simplifiées, similaires à celles que
prévoient les directives concernant certaines professions de
santé pour les prestations de services, à savoir une inscription
allégée avec une déclaration préalable aux
autorités compétentes (voir par exemple l'article 17 de la
directive 93/16
70(
*
)
relative aux
médecins). Une simple déclaration à la compagnie est une
mesure suffisante pour permettre à la compagnie de contrôler le
respect des règles déontologiques par le prestataire. Le
système actuel apparaît incompatible avec l'article 59 dans
la mesure où il constitue une entrave à la libre prestation de
services et qu'une mesure moins contraignante permettrait de parvenir au
même résultat.
37. La Commission relève que les autorités françaises ont
admis sa position dans leur réponse du 15 novembre 1995.
38. Il est toutefois constant qu'un système de déclaration
préalable n'a toujours pas été mis en place en pratique et
qu'en tout état de cause la législation française n'a pas
été modifiée en vue de mettre en oeuvre ce principe.
4.
La participation à un système de garantie collective
39. Les commissaires-priseurs sont couverts par un système de garantie
collective qui fonctionne de la manière suivante. La bourse commune de
compagnie, alimentée par des contributions des membres de celle-ci,
garantit la responsabilité professionnelle de tous les membres de la
compagnie sans pouvoir opposer aux créanciers le bénéfice
de discussion et sur la seule justification de l'exigibilité de la
créance et de la défaillance du commissaire-priseur. La bourse
commune constitue une garantie pour les créanciers des
commissaires-priseurs qui pourront pratiquer des saisies sur les sommes
déposées à la compagnie. Selon les commentateurs, cette
bourse contribuerait à accroître la confiance accordée aux
commissaires-priseurs
71(
*
)
.
40. La participation à ce système de garantie collective
exigé par la réglementation française ne peut être
imposée au prestataire de services qui justifie de garanties
équivalentes qu'il serait tenu de constituer dans l'Etat membre
où il est établi et qui seraient extensibles à l'Etat
membre d'accueil. Tel est, par exemple, le cas à l'article 25 de la
directive 85/384
72(
*
)
du Conseil
visant à la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles
dans le domaine de l'architecture.
41. Dans leur réponse du 15 novembre 1995, les
autorités française se sont déclarées prêtes
à prendre en compte des garanties équivalentes que le prestataire
pourrait fournir dès lors que la garantie contractée dans un Etat
membre pourrait être étendue au territoire français et que
cette garantie correspond aux exigences du droit français.
42. Force est de constater que les prestataires en provenance des autres Etats
membres sont toujours dans l'impossibilité de faire valoir en France les
garanties constituées dans l'Etat membre où ils sont
établis.
5.
Les limitations imposées à la forme sociétale de
l'exercice de la profession
43. La profession de commissaire-priseur peut être exercée soit
à titre individuel, soit dans le cadre de groupements de moyens, soit
dans le cadre de sociétés civiles professionnelles, soit dans le
cadre de " sociétés d'exercice libéral ".
44. Les sociétés de moyens ou de services prévues par la
loi 66-879 du 29 novembre 1966
73(
*
)
, ne sont pas des
sociétés commerciales. Elles permettent à plusieurs
commissaires-priseurs de posséder en commun des moyens destinés
à faciliter l'exercice de leur profession, sans que la
société ainsi créée puisse exercer elle-même
la profession. Les sociétés civiles professionnelles
prévues par la loi 66-879 du 29 novembre 1966, étendues aux
commissaires-priseurs par le décret 69-763 du 24 juillet 1969,
sont de deux types. La " société titulaire d'un
office " ne peut être constituée qu'entre un
commissaire-priseur titulaire d'un office et des personnes remplissant les
conditions requises pour exercer la profession
74(
*
)
. La société est
titulaire d'un office sous la condition suspensive de sa nomination par le
Ministre de la Justice : ce n'est pas une société
commerciale. La " société de commissaires-priseurs "
n'est pas titulaire d'un office : chacun des associés exerce ses
fonctions dans un office dont il est personnellement titulaire. Les
" sociétés d'exercice libéral " ont
été créées par la loi 90-1258 du
31 décembre 1990
75(
*
)
relative à l'exercice sous
forme de sociétés des professions libérales soumises
à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre
est protégé. Le décret 92-1449 du
30 décembre 1992
76(
*
)
a prévu deux modalités
nouvelles d'exercice de la profession de commissaire-priseur : les
conditions d'accès à ces sociétés sont
limitées puisqu'elles sont réservées à des
professionnels. Les sociétés d'exercice libéral de
commissaires-priseurs sont des SARL, des SA ou des sociétés en
commandite par action. Ces sociétés sont constituées entre
personnes physiques remplissant les conditions pour exercer la profession de
commissaire-priseur mais qui ne sont pas titulaires d'un office. Les
sociétés en participation de commissaires-priseurs sont
prévues par l'article 22 de la loi du 31 décembre
1990
77(
*
)
.
45. Il en résulte que l'activité de commissaire-priseur ne peut
être exercée par des sociétés lorsque celles-ci ne
répondent pas aux conditions ci-dessus et notamment lorsqu'une partie
des capitaux extérieurs appartiennent à des non professionnels au
sens de la loi française. Par conséquent, une
société commerciale régulièrement constituée
et établie dans un autre Etat membre et procédant à des
ventes aux enchères volontaires dans cet Etat est placée dans
l'impossibilité d'agir en tant que prestataire de services en France.
46. Les exigences de protection du consommateur ne sauraient justifier, au
regard de l'article 59 du traité CE, l'interdiction d'exercice par
des sociétés au seul motif qu'une partie des capitaux
extérieurs à ceux des membres de la profession appartiennent
à des non professionnels.
47. La Commission observe que le gouvernement français s'est
déclaré prêt à assouplir les conditions d'exercice
de la profession sous forme de société.
48. Enfin, à supposer même que le gouvernement français
parvienne à démontrer que la condition relative à la
composition du capital soit justifiée et proportionnée au regard
de l'article 59 du traité CE, la possibilité d'agir de
concert avec un commissaire-priseur pour une société
établie dans un autre Etat membre devrait être prévue. Tel
n'est pas le cas.
6.
L'interdiction faite à la société disposant d'une
infrastructure en France de se prévaloir des règles sur la
prestation de services
49. La circonstance qu'une société établie dans un autre
Etat membre et procédant à la vente aux enchères publiques
volontaires d'objets mobiliers dispose d'une installation permanente en France
ne permet pas de déduire qu'elle invoque l'application de
l'article 59 pour contourner les règles relatives à
l'établissement.
50. En vertu d'une jurisprudence consolidée de la Cour de
Justice
78(
*
)
, l'accès
à la propriété et à l'usage de biens immobiliers
est garanti par l'article 59 du traité, dans la mesure où
cet accès est utile, pour permettre l'exercice effectif de cette
liberté. L'arrêt du 30 novembre 1995, Gebhard
79(
*
)
, rappelle que " le prestataire de
service au sens du traité, peut se doter, dans l'Etat membre d'accueil,
de l'infrastructure nécessaire à l'accomplissement de sa
mission "
80(
*
)
.
51. Les autorités françaises ne sauraient donc exclure
a
priori
qu'un prestataire de services établi dans un autre Etat
membre puisse se prévaloir en France des règles relatives
à la prestation de services, sans avoir donné au prestataire de
services établi dans un autre Etat membre la possibilité de
démontrer qu'une telle infrastructure était nécessaire
à l'accomplissement de sa prestation en France.
52. Il s'ensuit que sur ce point également, l'article 59 du
traité CE a été violé.
POUR
CES MOTIFS,
LA COMMISSION,
après avoir mis le gouvernement français en mesure de présenter ses observations et ayant tenu compte des observations émises par la République française,
EMET L'AVIS MOTIVE
au titre
de l'article 169 premier alinéa du traité instituant la
Communauté européenne
- pour avoir soumis la vente volontaires aux enchères publiques
d'oeuvres et objets d'art, effectués sous forme de prestation de
services à
- un contrôle a priori des qualifications professionnelles,
- l'obligation d'être nommé préalablement à un
office ministériel de commissaire-priseur,
- l'obligation d'appartenir à une compagnie de commissaire-priseur,
- l'obligation de souscrire à un système de garantie collective,
- des conditions restrictives quant à l'exercice de la profession sous
forme de société,
- pour ne pas donner, au prestataire établi dans un Etat membre qui
organise une vente volontaire aux enchères publiques d'oeuvres et
d'objets d'art dans un autre Etat membre, la possibilité de
démontrer qu'une infrastructure dans l'Etat où la prestation est
servie est nécessaire à l'accomplissement de la prestation.
En violation de l'article 59 du traité CE, la République
française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de
ladite directive.
En application de l'article 169 deuxième alinéa dudit
traité, la Commission invite la République française
à prendre les mesures requises pour se conformer au présent avis
motivé dans un délai de deux mois à compter de la
notification de celui-ci.