Projet de loi sur la présomption d'innocence et propositions de loi relatives aux gardes à vue et à la détention provisoire
JOLIBOIS (Charles)
RAPPORT 419 (98-99) - commission des lois
Table des matières
- LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
-
EXPOSÉ GÉNÉRAL
- I. LE CONTEXTE DU PROJET DE LOI : LA PRÉSOMPTION D'INNOCENCE MALMENÉE, DES VICTIMES IGNORÉES
-
II. LE PROJET DE LOI ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE
MISE À JOUR DE LA PROCÉDURE PÉNALE
-
A. RENFORCER LA PROTECTION DE LA PRÉSOMPTION D'INNOCENCE
- 1. Un renforcement du contrôle des mesures de garde à vue
- 2. Un renforcement des droits de la défense
- 3. La consécration du statut de témoin assisté
- 4. La création d'un juge de la détention provisoire
- 5. Une volonté de renforcer le droit à être jugé dans un délai raisonnable
- 6. Quelques dispositions relatives à la communication
- B. DES VICTIMES MIEUX PRISES EN CONSIDÉRATION
-
A. RENFORCER LA PROTECTION DE LA PRÉSOMPTION D'INNOCENCE
-
III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS
- A. CONSTATER LE CARACTÈRE PARTIEL DE LA RÉFORME
- B. APPROUVER LES ORIENTATIONS DU PROJET DE LOI
- C. INSTAURER UN RECOURS EN MATIÈRE CRIMINELLE
-
D. AMÉLIORER LE PROJET DE LOI
- 1. Élargir davantage le statut de témoin assisté
- 2. Modifier les conditions de la mise en examen
- 3. Modifier la dénomination du juge chargé de la détention
- 4. Éviter les détentions provisoires injustifiées
- 5. Conforter les droits des victimes
- 6. Prévoir un équilibre entre liberté de l'information et présomption d'innocence
- E. UNE INQUIÉTUDE : LES MOYENS DE LA RÉFORME
- EXAMEN DES ARTICLES
-
TITRE PREMIER
DISPOSITIONS RENFORÇANT LA PROTECTION
DE LA PRÉSOMPTION D'INNOCENCE
-
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS RENFORÇANT LES DROITS DE LA DÉFENSE
ET LE RESPECT DU PRINCIPE DU CONTRADICTOIRE -
CHAPITRE II
DISPOSITIONS RENFORÇANT LES GARANTIES
JUDICIAIRES EN MATIÈRE DE DÉTENTION PROVISOIRE -
CHAPITRE III
DISPOSITIONS RENFORÇANT LE DROIT À ÊTRE JUGÉ
DANS UN DÉLAI RAISONNABLE -
CHAPITRE III BIS
DISPOSITIONS RELATIVES AUX AUDIENCES -
CHAPITRE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 21 SEXIES
DISPOSITIONS INSTAURANT UN RECOURS
EN MATIÈRE CRIMINELLE -
CHAPITRE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 21 SEXIES
DISPOSITIONS RELATIVES AUX CONSÉQUENCES
D'UN NON-LIEU, D'UNE RELAXE OU D'UN ACQUITTEMENT
-
CHAPITRE IV
DISPOSITIONS RELATIVES
À LA COMMUNICATION -
TITRE II
DISPOSITIONS RENFORÇANT LES DROITS DES VICTIMES -
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS RÉPRIMANT L'ATTEINTE À LA DIGNITÉ
D'UNE VICTIME D'UNE INFRACTION PÉNALE -
CHAPITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AUX ASSOCIATIONS
D'AIDE AUX VICTIMES ET AUX CONSTITUTIONS
DE PARTIE CIVILE -
CHAPITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES À L'INDEMNISATION
DES VICTIMES -
TITRE III
DISPOSITIONS DE COORDINATION
N°
419
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 10 juin 1999
RAPPORT
FAIT
au nom
de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du Règlement et d'administration
générale (1) sur :
- le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
renforçant la protection de la
présomption
d'innocence
et les droits des victimes,
- la proposition de loi de MM. Xavier DUGOIN, Louis ALTHAPÉ, Louis de
BROISSIA, Robert CALMEJANE, Désiré DEBAVELAERE, Christian
DEMUYNCK, Bernard FOURNIER, Patrice GÉLARD, Georges GRUILLOT, Roger
HUSSON, Robert LAUFOAULU, Paul NATALI, Jacques OUDIN, Victor REUX et Louis
SOUVET, visant à filmer et enregistrer les
gardes à
vue
,
- la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
tendant à
limiter
la
détention
provisoire
,
Par M.
Charles JOLIBOIS,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM.
Jacques
Larché,
président
; René-Georges Laurin, Mme Dinah
Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour,
vice-présidents
; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck,
Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest,
secrétaires
;
Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José
Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel,
Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière,
Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye,
Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec,
Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier,
Lucien Lanier, François Marc, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jacques
Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex
Türk, Maurice Ulrich.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale (11
ème
législ.
) : 577
,
813
,
1079
,
1468
,
T.A.
116
et
275
.
Sénat
:
374
(1997-1998),
291
,
264 rect
.
et
412
(1998-1999).
Justice. |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
Réunie le mardi 8 juin, le mercredi 9 juin et le jeudi
10 juin sous la présidence de M. Jacques Larché,
président, et de M. Pierre Fauchon, vice-président, la commission
des Lois a examiné, sur le rapport de M. Charles Jolibois, le projet de
loi (n° 291) adopté par l'Assemblée nationale,
renforçant la protection de la présomption d'innocence et les
droits des victimes.
Ce projet de loi tend à apporter de nombreuses modifications au code de
procédure pénale, afin de renforcer la protection de la
présomption d'innocence. Il prévoit en particulier la
possibilité pour une personne placée en garde à vue de
demander à s'entretenir avec un avocat dès le début de la
garde à vue. Il tend également à renforcer les droits de
la défense au cours de l'instruction et des audiences. Le texte
prévoit par ailleurs la création d'un juge de la détention
provisoire, compétent pour ordonner le placement en détention
provisoire ainsi que les prolongations de celle-ci. Les quanta de peines
permettant le placement en détention provisoire ainsi que les
règles relatives à sa durée seraient également
modifiés. Enfin, le projet de loi a également pour objectif de
renforcer les droits des victimes à tous les stades de la
procédure pénale.
M. Charles Jolibois, rapporteur, a souligné que ce texte
partiel
permettrait néanmoins des améliorations réelles de la
procédure pénale.
La commission a adopté des amendements tendant principalement
à :
-
instaurer un recours contre les arrêts rendus par les cours
d'assises
; la commission a considéré que l'absence de
recours en matière criminelle constituait une atteinte grave aux droits
de la défense et qu'il n'était plus possible d'attendre pour
traiter cette question, les deux chambres du Parlement en ayant
déjà débattu sur la base d'un projet de loi
déposé par M. Jacques Toubon ; en cas de recours,
l'affaire serait renvoyée devant une autre cour d'assises que celle qui
a statué, désignée par le président de la chambre
criminelle de la Cour de cassation ;
-
élargir le champ d'application du statut de témoin
assisté
, en permettant au magistrat instructeur d'accorder ce statut
à toute personne mise en cause par un témoin ou par la victime,
ainsi qu'aux personnes contre lesquelles il existe des indices laissant
présumer qu'elles ont pu commettre une infraction ;
- limiter la mise en examen aux personnes contre lesquelles il existe des
indices graves et concordants
d'avoir commis une infraction ;
- prévoir que, lorsque le juge d'instruction envisage de mettre en
examen une personne par
lettre recommandée
, il l'informe au
préalable de son intention, afin que celle-ci puisse demander à
être entendue en présence de son avocat avant la décision
de mise en examen ;
- prévoir l'obligation pour le magistrat chargé de la
détention provisoire d'organiser un
débat contradictoire
avant de prendre une décision sur la mise en détention d'une
personne ; prévoir l'obligation pour ce magistrat de statuer par
ordonnance motivée
lorsqu'il refuse de faire droit à une
demande de mise en détention présentée par le juge
d'instruction ;
- ne permettre la mise en détention provisoire d'une personne que
lorsqu'elle encourt une peine correctionnelle
supérieure à
deux ans
d'emprisonnement ou une peine criminelle ;
-
élargir le champ d'application de l'article 9-1 du code civil
,
en permettant à toute personne présentée publiquement
comme coupable de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une
instruction de saisir le juge, afin de faire cesser l'atteinte à la
présomption d'innocence. En contrepartie, le projet de loi
prévoit la possibilité pour le premier président de la
cour d'appel d'arrêter en référé l'exécution
provisoire de mesures portant atteinte à la liberté de
l'information.
La commission s'est enfin inquiétée de l'ampleur des moyens
nécessaires à la mise en oeuvre du projet de loi et a
souhaité que des informations plus précises sur ce point puissent
être apportées par le gouvernement au cours de la navette
parlementaire.
EXPOSÉ GÉNÉRAL
" (...) le malaise actuel de la justice pénale
tient
moins à l'indifférence du législateur qu'à
l'accumulation de réformes ponctuelles, partielles, ajoutant toujours de
nouvelles formalités, de nouvelles règles techniques qui ne
s'accompagnent ni des moyens matériels adéquats, ni d'une
réflexion d'ensemble sur la cohérence du système
pénal.
C'est ce rapiéçage, parfois même ce bégaiement
législatif, qui paraît irréaliste et néfaste,
dès lors que l'on prend conscience que les difficultés actuelles
ne peuvent être résolues par des demi-mesures. "
Commission Justice pénale et droits de l'homme-
1990.
Mesdames, Messieurs,
Le projet de loi renforçant la protection de la présomption
d'innocence et les droits des victimes aujourd'hui soumis au Sénat a
été déposé sur le Bureau de l'Assemblée
nationale le 16 septembre 1998 et adopté par celle-ci le 30 mars 1999. A
l'origine de ce texte, figurent notamment les travaux de la commission de
réflexion sur la justice mise en place en janvier 1997 par le
Président de la République. Celle-ci était en effet
notamment chargée de rechercher les moyens de mieux assurer le respect
de la présomption d'innocence.
Le principe de la présomption d'innocence est posé dans de
multiples textes de droit interne ou de droit international. Ainsi, l'article 6
de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme
prévoit-il que "
Toute personne accusée d'une infraction
est présumée innocente jusqu'à ce que sa
culpabilité ait été légalement
établie
".
La présomption d'innocence est un droit individuel dont la violation
peut entraîner des dommages irréparables pour la personne qui la
subit, mais également pour son entourage. Or, la présomption
d'innocence n'apparaît pas pleinement respectée dans notre pays.
Tandis que certaines mesures utilisées dans le cadre de notre
procédure pénale peuvent y porter gravement atteinte,
l'écho médiatique donné à certaines affaires,
à tous les stades de la procédure, peut réduire à
néant la réputation d'une personne, sans que la reconnaissance
éventuelle de son innocence puisse réparer le préjudice
subi.
Votre commission attache une particulière importance au présent
projet de loi. Elle a en effet conduit une réflexion approfondie sur ce
sujet au cours des dernières années, créant en son sein en
1994 une mission d'information sur la présomption d'innocence et le
secret de l'instruction
1(
*
)
. Après de
très nombreuses auditions, la mission avait formulé une trentaine
de propositions, dont quelques unes ont été reprises dans le
présent projet de loi.
Votre commission aborde donc l'examen de ce texte avec la volonté de
poursuivre son action en faveur d'un renforcement de la protection de la
présomption d'innocence.
I. LE CONTEXTE DU PROJET DE LOI : LA PRÉSOMPTION D'INNOCENCE MALMENÉE, DES VICTIMES IGNORÉES
Le présent projet de loi a pour ambition d'apporter des réponses aux atteintes à la présomption d'innocence que peuvent subir nos concitoyens dans le cadre même de la procédure pénale, mais aussi du fait de la médiatisation croissante de notre société. Des mesures aussi graves que la garde à vue ou la détention provisoire peuvent être à l'origine, pour ceux qui les subissent, de dommages irréparables, même si le dispositif législatif a déjà connu de multiples adaptations destinées à mieux protéger les personnes mises en cause avant qu'intervienne une condamnation.
A. LA GARDE À VUE
Le
régime actuel de la garde à vue est le fruit d'une longue
évolution. Il a été modifié substantiellement par
les lois du 4 janvier et du 24 août 1993.
Officiellement, la garde à vue n'existait pas jusqu'à
l'entrée en vigueur du code de procédure pénale en 1958.
Historiquement en effet, les actes d'enquête relevaient de la
compétence des magistrats. Aucune disposition générale
relative à l'intervention de la police n'existait donc, mais des
pratiques permettant l'écoulement d'un certain délai avant la
présentation d'une personne à un magistrat se sont cependant
développées.
La loi du 8 décembre 1897 a joué un rôle
important dans le développement de pratiques d'enquête officieuse
impliquant éventuellement qu'une personne soit retenue. En autorisant
l'avocat à assister son client lors des interrogatoires par le juge
d'instruction, la loi a eu pour effet le développement d'une phase
d'enquête préalable à l'instruction, permettant notamment
d'interroger une personne en dehors de la présence de son avocat. Un
décret du 20 mai 1903 prévoyait un délai de
vingt-quatre heures pour qu'une personne arrêtée soit conduite
devant le procureur de la République. En 1943, une circulaire est venue
préciser les conditions de la garde à vue, sans toutefois que
celle-ci soit légalisée. En 1958, le législateur, lors de
l'élaboration du code de procédure pénale, a
officialisé et encadré cette pratique.
Les lois du 4 janvier et du 24 août 1993 ont
apporté des modifications importantes au régime de la garde
à vue, améliorant notamment les droits reconnus aux personnes
gardées à vue. Au cours des années
précédentes, des inquiétudes s'étant faites jour
quant à la conformité du régime de garde à vue aux
dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme. Le 27 avril 1992, la France a été
condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme, dans une
affaire Tomasi, en application de l'article 3 de la Convention, selon
lequel
" nul ne peut être soumis à la torture ni à
des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
1. Les conditions de la garde à vue
Le
régime de la garde à vue est actuellement le suivant :
- au cours d'une
enquête de flagrance
, un officier de police
judiciaire peut, pour les nécessités de l'enquête, garder
à sa disposition toute personne présente sur le lieu de
l'infraction ainsi que les personnes susceptibles de fournir des renseignements
sur les faits ou sur les objets ou documents saisis. Les personnes à
l'encontre desquelles il n'existe aucun indice laissant présumer
qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction ne peuvent
être retenues que le temps nécessaire à leur
déposition ;
- au cours d'une
enquête préliminaire
, un officier de
police judiciaire peut garder à sa disposition toute personne à
l'encontre de laquelle il existe des indices faisant présumer qu'elle a
commis ou tenté de commettre une infraction ;
- enfin, un officier de police judiciaire peut également garder une
personne à sa disposition pour les nécessités de
l'
exécution d'une commission
rogatoire
, les personnes
à l'encontre desquelles il n'existe aucun indice ne peuvent être
retenues que le temps nécessaire à leur audition.
Le délai de la garde à vue est de
vingt-quatre heures
,
quel que soit le type d'enquête et la nature de l'infraction. Seuls les
mineurs de treize ans
se voient appliquer un régime
spécifique de rétention, dont la durée ne peut
excéder
dix heures
. La garde à vue peut être
prolongée de vingt-quatre heures
sur autorisation du procureur de
la République ou du juge d'instruction en cas de commission rogatoire.
En matière de trafic de
stupéfiants
, la garde à vue
peut faire l'objet d'une prolongation supplémentaire de
quarante huit
heures
. Il en va de même en matière de
terrorisme
,
à cette réserve près que la prolongation n'est possible
qu'à l'égard des personnes majeures.
2. Les droits de la personne gardée à vue
La
personne gardée à vue bénéficie de certains droits
prévus par les articles 63-2 à 63-4 du code de
procédure pénale :
- elle peut, à sa demande,
faire prévenir par
téléphone une personne
avec laquelle elle vit habituellement
ou l'un des ses parents en ligne directe, l'un de ses frères et soeurs
ou son employeur. Cette demande peut être formulée à tout
moment par la personne gardée à vue. Si l'officier de police
judiciaire estime, en raison des nécessités de l'enquête,
ne pas devoir faire droit à la demande, il doit en référer
sans délai au procureur de la République, qui décide s'il
y a lieu d'y faire droit. En ce qui concerne les mineurs, l'information d'un
proche est de droit, mais peut être différée de
vingt-quatre heures au maximum sur décision du magistrat
compétent ;
- la personne gardée à vue a le droit, à sa demande,
d'être
examinée par un médecin
,
désigné par le procureur de la République ou l'officier de
police judiciaire. La personne peut demander à être
examinée une seconde fois en cas de prolongation de la garde à
vue. Par ailleurs, à tout moment, le procureur ou l'officier de police
judiciaire peut d'office désigner un médecin pour examiner la
personne gardée à vue. Enfin, un examen médical est
également de droit si un membre de la famille de la personne
gardée à vue le demande.
Le médecin se prononce "
notamment "
sur l'aptitude au
maintien en garde à vue et le certificat qu'il délivre est
versé au dossier.
- enfin, la personne gardée à vue a le droit de
demander
à s'entretenir avec un avocat
, lorsque vingt heures se sont
écoulées depuis le début de la garde à vue. La
personne peut désigner l'avocat avec lequel elle souhaite s'entretenir.
Si elle n'est pas en mesure de le faire ou si l'avocat choisi ne peut
être contacté, elle peut demander qu'il lui en soit commis un
d'office par le bâtonnier, qui est informé de la demande par tous
moyens et sans délai. L'avocat doit pouvoir communiquer avec la
personne, au cours d'un entretien dont la durée ne peut excéder
trente minutes, dans des conditions qui garantissent la confidentialité
de l'entretien. Il est informé de la nature de l'infraction
recherchée et peut présenter à l'issue de l'entretien des
observations écrites qui sont jointes à la procédure.
L'avocat ne peut faire état de l'entretien auprès de quiconque
pendant la durée de la garde à vue.
Il convient enfin de préciser que l'intervention de l'avocat n'est
possible que lorsque
trente-six heures
se sont écoulées si
l'enquête concerne la participation à une
association de
malfaiteurs, les infractions de proxénétisme ou d'extorsion de
fonds aggravés ou une infraction commise en bande organisée
.
En matière de
terrorisme
et de trafic de
stupéfiants
, l'intervention de l'avocat n'est prévue que
lorsque
soixante-douze heures
se sont écoulées depuis le
début de la garde à vue.
3. Une mesure couramment utilisée
Le nombre des mesures de garde à vue a fortement augmenté entre 1988 et 1992, avant de connaître une diminution brutale en 1993. Depuis lors, le nombre des mesures de garde à vue a recommencé à croître.
La baisse brutale du nombre de gardes à vue intervenue en 1993 a notamment été expliquée par les difficultés d'application de la loi du 4 janvier 1993. En 1997, 382.228 gardes à vue ont eu lieu, 59.169 ayant une durée supérieure à 24 heures .
B. LA DÉTENTION PROVISOIRE AU COURS DE L'INSTRUCTION
Dans le
compte-rendu de la séance du 22 août 1789 de
l'assemblée constituante, qui vit la naissance de l'article IX de
la déclaration des droits de l'homme et du citoyen figure l'intervention
suivante : "
M. Duport parle ensuite. Il étend ses vues sur
une partie très intéressante de notre droit criminel, et fait
sentir que des lois douces et humaines contre les coupables font la gloire des
empires et l'honneur des nations. Il exprime qu'il existe en France un usage
barbare de punir les coupables, lors même qu'ils ne le sont pas encore
déclarés ; qu'il a vu deux fois les cachots de la
Bastille ; qu'il a vu ceux de la prison du Châtelet et qu'ils sont
mille fois plus horribles ; que cependant c'est une vérité
que les précautions que l'on prend pour s'assurer des coupables ne font
pas partie des peines ".
Le débat sur la détention provisoire est donc ancien. La
législation sur cette question a profondément
évolué au cours des dernières décennies dans le
sens d'un encadrement plus strict du recours à cette pratique, qui
constitue sans conteste celle qui porte le plus atteinte à la
présomption d'innocence.
1. Cent fois sur le métier...
Il
semble que la détention provisoire ait fait son apparition au
XIVème siècle avec le développement de la procédure
inquisitoire. La déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789
y fait explicitement allusion dans son article IX, qui dispose que
" tout homme étant présumé innocent jusqu'à
ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est
jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas
nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être
sévèrement réprimée par la loi ".
Le
code d'instruction criminelle de 1808
prévoyait qu'en
matière criminelle, la détention préventive était
obligatoire
jusqu'à la fin de la procédure alors qu'elle
était soumise à l'appréciation du juge d'instruction en
matière correctionnelle.
Depuis l'entrée en vigueur du code de procédure pénale en
1959, un grand nombre de lois sont venues encadrer plus strictement le
régime de la détention provisoire.
Ainsi, la
loi du 17 juillet 1970
a remplacé le terme de
détention préventive par celui de détention provisoire et
a donné naissance au contrôle judiciaire, destiné à
éviter des détentions qui ne seraient pas nécessaires.
Elle a en outre imposé au juge d'instruction de rendre une
ordonnance
motivée susceptible d'appel en matière correctionnelle.
La
loi du 6 août 1975
a limité les
possibilités de prolongation de la détention provisoire en
matière correctionnelle. La
loi du 9 juillet 1984
a
imposé un
débat contradictoire
avant le placement en
détention provisoire en matière correctionnelle. La
loi du
6 juillet 1989
a imposé un
débat contradictoire
et une ordonnance motivée susceptible d'appel
pour les
détentions provisoires ordonnées
en matière
criminelle
.
Par ailleurs, à
trois reprises
, le législateur a
tenté de confier à une
autorité distincte du juge
d'instruction
la décision de mise en détention provisoire
sans que les réformes soient mises en oeuvre faute de moyens.
La
loi du 10 décembre 1985
instituait auprès de chaque
tribunal de grande instance une chambre d'instruction, composée de trois
magistrats du siège dont deux au moins devaient être juges
d'instruction.
La
loi du 30 décembre 1987
abrogeait celle du
10 décembre 1985 et créait une chambre des demandes de mise
en détention provisoire, composée de trois magistrats, au nombre
desquels ne pouvait figurer le magistrat instructeur.
Enfin, la
loi du 4 janvier 1993
prévoyait que le contentieux de
la détention provisoire serait confié, à compter du
1
er
mars 1994 à un organe collégial
composé d'un magistrat et de deux échevins.
La loi du 24 août 1993 a donné naissance au
référé-liberté, qui permet à une personne
faisant appel de la décision de placement en détention, de
demander que sa demande soit examinée en référé par
le président de la chambre d'accusation.
2. Le droit actuel
L'article 137 du code de procédure pénale affirme le caractère exceptionnel de la détention provisoire, puisqu'il précise que " la personne mise en examen reste libre sauf, à raison des nécessités de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté, à être soumise au contrôle judiciaire ou, à titre exceptionnel, placée en détention provisoire . "
a) Les conditions de fond du placement en détention provisoire
•
Conditions tenant à la gravité de l'infraction
La mise en détention n'est possible que lorsque les faits
reprochés à une personne présentent une certaine
gravité. L'article 144 du code de procédure pénale
autorise ainsi la détention provisoire :
- en matière
criminelle
;
- en matière
correctionnelle
si la peine encourue est
égale ou supérieure à
un an
d'emprisonnement en cas
de
délit flagrant
ou à
deux ans
dans les autres
cas. La mise en détention provisoire peut également être
ordonnée, quelle que soit la peine encourue, lorsque la personne mise en
examen se soustrait volontairement aux obligations de contrôle judiciaire.
• Critères du placement en détention provisoire
L'article 144 prévoit que la détention provisoire peut
être ordonnée pour trois motifs :
- lorsqu'elle est l'unique moyen de
conserver les preuves ou les
indices matériels
ou
d'empêcher soit une pression sur les
témoins ou les victimes
, soit
une concertation frauduleuse entre
personnes mises en examen et complices
;
- lorsqu'elle est l'unique moyen de
protéger la personne mise en
examen
, de garantir son maintien à la disposition de la justice, de
mettre fin à l'infraction ou de prévenir son renouvellement ;
- lorsque l'infraction, en raison de sa gravité, des circonstances
de sa commission ou de l'importance du préjudice qu'elle a causé,
a provoqué un
trouble exceptionnel et persistant à l'ordre
public
, auquel la détention est l'unique moyen de mettre fin. Ce
dernier motif de mise en détention a été
précisé par la loi du 30 décembre 1996, afin
qu'apparaisse clairement que son utilisation doit demeurer
exceptionnelle.
b) La procédure de placement en détention provisoire
Le juge
d'instruction est aujourd'hui seul compétent, lorsqu'une information
judiciaire est ouverte, pour ordonner la mise en détention provisoire
d'une personne mise en examen. La procédure a toutefois
été progressivement précisée. Ainsi, la
loi n° 84-576 du 9 juillet 1984 a rendu obligatoire un
débat contradictoire préalable à la décision du
juge d'instruction. Au cours de ce débat, doivent être entendues
les réquisitions du ministère public, puis les observations de la
personne mise en examen et, le cas échéant, celles de son avocat.
La personne, dont la mise en détention provisoire est ordonnée,
peut faire appel de cette décision devant la chambre d'accusation. Le
ministère public peut, pour sa part, faire appel d'une décision
de mise en liberté, mais son appel n'a plus d'effet suspensif depuis la
loi du 9 juillet 1984 précitée.
Par ailleurs, la loi du 24 août 1993, issue d'une proposition de loi
du président de la commission des Lois du Sénat, M. Jacques
Larché, a donné naissance au mécanisme dit du
" référé-liberté ", inscrit à
l'article 187-1 du code de procédure pénale, qui permet
à une personne mise en détention de former une demande de
libération immédiate en même temps qu'elle interjette appel
de la décision du juge d'instruction. La demande est examinée par
le président de la chambre d'accusation. Si celui-ci refuse de faire
droit à la demande, la chambre d'accusation examine l'appel.
En revanche, depuis la loi du 30 décembre 1996, si le
président fait droit à la demande de libération, la
chambre d'accusation est dessaisie. Ce mécanisme est peu utilisé
en pratique puisque 397 demandes ont été formées en
1994, 332 en 1995, 394 en 1996 et 428 en 1997. Il est pour l'instant impossible
de savoir si la loi du 30 décembre 1996 a eu pour effet
d'augmenter le nombre de recours au
référé-liberté.
c) La durée de la détention
Le
législateur s'est efforcé d'apporter certaines limites à
la durée de la détention provisoire.
En particulier, la loi du 30 décembre 1996 a introduit la notion de
"
durée raisonnable
" de la détention provisoire
dans l'article 144 du code de procédure pénale. Cette notion est
directement issue de la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme, qui prévoit dans son article 5 le droit pour une personne
arrêtée ou détenue d'être "
jugée dans
un délai raisonnable
".
La Cour européenne des droits de l'homme exerce un contrôle
rigoureux sur les durées de détention provisoire,
appréciant au cas par cas si elles dépassent un
" délai raisonnable ". Pour caractériser la longueur
d'une détention provisoire, la Cour européenne examine à
la fois les motifs de la détention, la complexité de l'affaire,
le comportement du requérant ainsi que celui des autorités
compétentes.
Le régime actuel de la durée de la détention provisoire
est résumé dans le tableau suivant :
La
durée de la détention provisoire
(pour une personne
majeure)
Emprisonnement encouru |
Antécédents judiciaires |
Durée initiale |
Nombre et durée des prolongations possibles |
Durée maximale |
Inférieur à un an |
Aucune
détention possible
|
|||
Inférieur à deux ans hors cas de flagrant délit |
Aucune détention possible |
|||
Inférieur à deux ans en cas de flagrant délit |
|
4 mois |
1
prolongation
|
6 mois |
Inférieur ou égal |
|
4 mois |
1
prolongation
|
6 mois |
|
déjà condamné pour crime ou pour délit à plus d'un an sans sursis |
4 mois |
2 prolongations de 4 mois chacune |
1 an |
Supérieur à cinq ans et inférieur à dix ans |
Indifférent |
4 mois |
5 prolongations de 4 mois chacune |
2 ans |
Egal à dix ans |
Indifférent |
4 mois |
Nombre illimité de prolongations de 4 mois chacune |
durée raisonnable |
Matière criminelle |
Indifférent |
1 an |
nombre illimité de prolongations de six mois chacune |
durée raisonnable |
3. Des résultats encore insuffisants
a) Le constat
Au cours des quinze dernières années, le nombre de détentions provisoires a connu une certaine diminution , grâce notamment aux mesures législatives qui sont venues encadrer plus strictement cette pratique.
Fréquence de la détention provisoire
dans
l'ensemble des condamnations
|
1984 |
1993 |
1997 |
Nombre
total de condamnation pour crimes et délits
|
383.445
|
368.429
|
380.813
|
Nombre
total de détentions provisoires
|
43.141
|
41.736
|
38.920
|
Toutefois, le nombre de prévenus parmi la population pénitentiaire demeure élevé et connaît une remarquable stabilité depuis plusieurs années comme le montre le tableau suivant :
PART
DES PRÉVENUS INCARCÉRÉS DANS L'ENSEMBLE
DE LA
POPULATION PÉNALE SELON LE TITRE DE DÉTENTION
|
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
Ensemble
population pénale
|
44 997 |
43 912 |
47 175 |
48 119 |
48 166 |
50 240 |
51 623 |
52 658 |
51 640 |
50 744 |
CONDAMNÉS |
25 520
|
23 936
|
28 132
|
28 541
|
27 727
|
30 214
|
29 464
|
31 759
|
31 748
|
30 443
|
PRÉVENUS
|
19
477
|
19
976
|
19
043
|
19
578
|
20
439
|
20
026
|
22
159
|
20
899
|
21
366
|
20
301
|
Source : ministère de la justice
Afin de faciliter la compréhension du tableau précédent,
il convient de rappeler que parmi les personnes comptabilisées au titre
de la détention provisoire figurent non seulement les personnes mises en
détention par le juge d'instruction, mais également des personnes
ayant fait l'objet d'une procédure de comparution immédiate et
pour lesquelles l'audience a été reportée, ainsi que des
personnes condamnées et en attente du résultat d'un recours.
La stabilisation constatée dissimule une double évolution :
d'une part, une tendance à l'
accroissement
de la durée
moyenne de la détention provisoire
; d'autre part, une
diminution du nombre d'incarcérations annuelles
due
essentiellement à la baisse des détentions prononcées dans
le cadre d'une instruction.
En ce qui concerne la durée moyenne de la détention, elle a
régulièrement augmenté depuis 1992 (alors qu'elle
diminuait depuis 1985), passant de 3,4 mois à 4,4 mois en
1997. Le tableau suivant résume cette évolution en distinguant
les crimes et les délits.
ÉVOLUTION DE LA DURÉE MOYENNE DE LA DÉTENTION PROVISOIRE EN DISTINGUANT CRIMES ET DÉLITS
|
1988 |
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
Nombre de crimes |
2 758 |
2 714 |
2 607 |
2 686 |
2 543 |
2 661 |
2 609 |
2 695 |
2 745 |
2 981 |
Nombre de détentions provisoires |
2 529 |
2 531 |
2 416 |
2 465 |
2 343 |
2 444 |
2 352 |
2 493 |
2 500 |
2 679 |
Durée moyenne de la détention provisoire en mois |
22,7 |
23,2 |
22,9 |
21,6 |
21,9 |
21,0 |
21,8 |
21,0 |
22,5 |
23,1 |
Nombre
|
316 718 |
442 057 |
469 137 |
452 389 |
459 277 |
448 840 |
410 077 |
332 871 |
410 899 |
435 173 |
Nombre
de détentions provisoires
|
40 581 |
44 950 |
43 372 |
43 856 |
47 420 |
43 679 |
43 196 |
39 473 |
42 466 |
39 746 |
Durée moyenne de la détention provisoire en mois |
3,8 |
3,5 |
3,4 |
3,3 |
3,3 |
3,4 |
3,5 |
4,0 |
3,9 |
4,0 |
Au cours des dernières années, la tendance est à une diminution presque constante du nombre de personnes placées chaque année en détention provisoire dans le cadre d'une instruction.
Détention provisoire et instruction
|
1988 |
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
Personnes mises en examen au cours de l'année |
84 957 |
82 534 |
71 085 |
76 266 |
84 831 |
79 764 |
90 055 |
73 287 |
67 230 |
65 711 |
Personnes placées en détention provisoire au cours de l'année |
37 643 |
35 374 |
31 411 |
32 232 |
32 769 |
28 240 |
30 498 |
29 029 |
27 830 |
26 435 |
% de personnes placées en détention provisoire |
44 % |
43 % |
44 % |
42 % |
39 % |
35 % |
34 % |
40 % |
41 % |
40 % |
b) Des difficultés persistantes
Chaque année, environ 3 % des personnes incarcérées au titre de la détention provisoire bénéficient finalement d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement. Certes, dans quelques cas, la détention provisoire peut être justifiée pour protéger la personne concernée, mais il n'en reste pas moins que certaines détentions provisoires apparaissent manifestement injustifiées.
PRÉVENUS FAISANT ANNUELLEMENT L'OBJET D'UN
NON-LIEU,
D'UNE RELAXE OU D'UN ACQUITTEMENT
(1)
|
1988 |
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
Incarcérations au titre de la détention provisoire (rappel) |
64 804 |
64 027 |
61 216 |
65 579 |
69 861 |
62 108 |
65 898 |
62 833 |
60 881 |
56 588 |
Libération au motif
d'acquittement/
|
1 929 |
1 886 |
1 581 |
2 111 |
1 816 |
1 573 |
1 938 |
1 605 |
1 231 |
1 069 |
(1)
Seules sont comptabilisées les personnes encore en détention
provisoire au moment de la décision de non-lieu, relaxe ou acquittement
Source : ministère de la justice
Par ailleurs, la durée de la détention provisoire peut, dans
certains cas être fort longue, les durées moyennes de
détention ne rendant pas compte de certaines situations qui peuvent
paraître anormales.
Ainsi, en matière délictuelle, 2.857 personnes parmi les
condamnés en 1997 ont effectué une détention provisoire
d'une durée supérieure à un an, alors qu'elles
n'étaient que 1.328 en 1984. En matière criminelle, 1.226
personnes parmi les condamnés en 1997 ont effectué une
détention provisoire d'une durée supérieure à deux
ans contre 674 en 1984.
c) Une indemnisation qui s'améliore
Conscient du traumatisme que peut constituer la
détention
provisoire, le législateur a mis en place une
commission
d'indemnisation de la détention provisoire
destinée à
permettre la réparation du préjudice subi par une personne
bénéficiant à l'issue de la procédure d'un
non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement. Le texte initial de
l'article 149 du code de procédure pénale exigeait que la
personne ait subi un préjudice manifestement anormal et d'une
particulière gravité pour que le droit à indemnisation
soit ouvert, mais la loi du 30 décembre 1996 est venue
supprimer cette condition.
Le nombre d'indemnisations accordées demeure limité et les
montants octroyés peu élevés.
Néanmoins, cette
situation semble évoluer et la loi du 30 décembre 1996
paraît avoir un effet très positif puisqu'en 1997, 50% des
affaires examinées par la commission ont donné lieu à
indemnisation contre 24 % seulement l'année
précédente
.
INDEMNITÉS ALLOUÉES PAR LA COMMISSION
NATIONALE
D'INDEMNISATION DE LA DÉTENTION PROVISOIRE
|
Affaires reçues |
Affaires jugées |
Affaires indemnisées |
Taux d'indem-nisation |
Montants versés par année |
Moyenne par
|
1982 |
60 |
71 |
11 |
15 % |
240 370 |
17 727 |
1983 |
56 |
58 |
15 |
26 % |
435 730 |
25 833 |
1984 |
62 |
36 |
10 |
36 % |
293 130 |
28 000 |
1985 |
73 |
66 |
14 |
21 % |
413 000 |
29 500 |
1986 |
93 |
111 |
42 |
38 % |
686 000 |
40 142 |
1987 |
74 |
100 |
21 |
21 % |
934 000 |
44 000 |
1988 |
94 |
71 |
22 |
31 % |
773 000 |
35 136 |
1989 |
93 |
82 |
25 |
30 % |
993 000 |
339 720 |
1990 |
87 |
97 |
30 |
31 % |
984 000 |
32 800 |
1991 |
123 |
138 |
39 |
28 % |
4 933 000 |
126 487 |
1992 |
132 |
124 |
31 |
25 % |
1 392 000 |
44 903 |
1993 |
114 |
116 |
28 |
24 % |
1 298 000 |
46 382 |
1994 |
107 |
124 |
23 |
18 % |
833 000 |
36 217 |
1995 |
142 |
94 |
19 |
20 % |
1 200 000 |
75 263 |
1996 |
137 |
117 |
28 |
24 % |
1 430 000 |
42 857 |
1997 |
188 |
131 |
65 |
50 % |
4 094 000 |
62 985 |
1998 |
205 |
154 |
88 |
57 % |
3 734 000 |
42 432 |
C. PRÉSOMPTION D'INNOCENCE ET SECRET DE L'INSTRUCTION
En 1995,
M. Pierre Truche, aujourd'hui premier président de la Cour de
cassation, s'exprimait en ces termes :
" Le temps de la justice
n'est pas celui des médias à un double titre : il n'est pas
pensable que la presse attende la phase publique d'un procès pour rendre
compte d'une affaire (...) en outre, quel média peut consacrer à
une affaire le temps de la justice ? "
2(
*
)
En 1994 et 1995, votre commission des Lois a consacré une grande part de
ses travaux à cette question, entendant nombre de
personnalités
3(
*
)
et créant une
mission d'information
4(
*
)
en son sein sur ce
thème. La mission d'information avait formulé un grand nombre de
propositions destinées à mieux concilier deux principes
fondamentaux, celui de la présomption d'innocence et celui de la
liberté de l'information.
Elle avait constaté que l'existence, dans notre droit, de multiples
dispositions destinées à assurer le respect de la
présomption d'innocence n'empêchait pas une médiatisation
très forte et parfois excessive de certaines affaires judiciaires, une
instruction parallèle, dégagée de toutes les règles
protectrices de l'individu imposées par la procédure
pénale, tendant à être conduite publiquement par la presse.
Elle avait pourtant rappelé que les dispositions législatives
existantes étaient pourtant loin d'être négligeables.
Ainsi, le code de procédure pénale prévoit-il
explicitement dans son article 11 que "
sauf dans le cas où
la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la
défense, la procédure au cours de l'enquête et de
l'instruction est secrète ".
L'
article
38 de la loi du 29 juillet 1881
punit
d'une amende de 25.000 F la publication d'actes d'accusation ou de tout
autre acte de procédure criminelle ou correctionnelle avant qu'ils aient
été lus en audience publique. La même peine est applicable
à la publication d'images reproduisant les circonstances d'un crime ou
d'un délit, sauf lorsque la publication est faite à la demande
écrite du juge d'instruction.
Les
articles 58 et 98 du code de procédure pénale
prévoient une sanction spécifique pour la divulgation, sans
l'autorisation de la personne mise en examen, de pièces provenant d'une
perquisition.
En ce qui concerne les mineurs, l'
article 14
de l'ordonnance du
2 février 1945
interdit la publication du compte rendu des
débats des tribunaux pour enfants ainsi que la publication de textes ou
illustrations concernant l'identité des mineurs délinquants.
Par ailleurs, le
code pénal
contient des dispositions
destinées à assurer au prévenu le droit à un
procès impartial. Il en est ainsi de l'article 434-16 qui incrimine
la publication, avant l'intervention de la décision juridictionnelle, de
commentaires tendant à exercer des pressions en vue d'influencer les
déclarations des témoins ou la décision des juridictions
d'instruction ou de jugement.
En ce qui concerne les voies de droit contre les atteintes à la
présomption d'innocence, le code civil permet tout d'abord la mise en
jeu de la responsabilité de la personne fautive.
En outre, l'
article 9-1 du code civil
permet à une personne
placée en garde à vue, mise en examen ou faisant l'objet d'une
citation à comparaître en justice, d'un réquisitoire du
procureur de la République ou d'une plainte avec constitution de partie
civile et présentée publiquement comme coupable de faits faisant
l'objet de l'enquête ou de l'instruction, de saisir le juge qui peut,
même en référé, ordonner l'insertion dans la
publication concernée d'un communiqué destiné à
faire cesser l'atteinte à la présomption d'innocence.
Les
articles 177-1 et 212-1 du code de procédure
pénale
permettent la publication, sur autorisation de la juridiction
d'instruction, d'une décision de non-lieu, afin de contrebalancer, a
posteriori, l'atteinte à la présomption d'innocence.
La
loi du 29 juillet 1881
contient plusieurs dispositions
permettant de remédier à une atteinte à la
présomption d'innocence :
- l'article 13 organise un droit de réponse au
bénéfice de toute personne nommée ou
désignée dans un journal ou écrit périodique ;
- l'article 32 sanctionne la diffamation commise envers un
particulier de 80.000 F d'amende et de six mois d'emprisonnement.
Enfin, en ce qui concerne plus spécifiquement l'audiovisuel, la loi du
29 juillet 1982 prévoit également la possibilité
d'obtenir ce droit de réponse, mais la demande doit être
formulée dans un délai de huit jours. A défaut de
diffusion du droit de réponse, l'intéressé peut saisir le
juge des référés qui peut ordonner la diffusion de la
réponse sous astreinte. Aucune sanction pénale n'est en revanche
prévue.
Le dispositif législatif est abondant. Il faut toutefois constater qu'il
n'est guère utilisé.
D. DES VICTIMES INSUFFISAMMENT CONSIDÉRÉES
Pendant
longtemps, l'intérêt porté aux victimes d'infractions
pénales a été très insuffisant au regard des
conséquences dramatiques et irrémédiables que peuvent
avoir certaines infractions pour les personnes qui les subissent. La
réflexion sur cette question a longtemps été
freinée par certaines réactions de méfiance. Ainsi, la
commission d'étude et de propositions dans le domaine de l'aide aux
victimes, mise en place par M. Robert Badinter, alors garde des sceaux, et
présidée par le professeur Milliez, notait dès 1982 :
"
Bien des personnes qui militent depuis longtemps pour que la
société devienne plus équitable et la justice plus humaine
vis-à-vis des plus faibles et des plus exploités, n'admettent pas
spontanément et sans de vives réticences que l'on introduise le
débat sur l'aide aux victimes. Les esprits ont été
quasiment conditionnés, celui qui parle des victimes est supposé
vouloir une répression plus forte à l'encontre des
délinquants
".
Néanmoins, des progrès importants ont été accomplis
au cours des dernières décennies en ce qui concerne les droits
des victimes.
1. La victime et le procès pénal
Progressivement, le législateur a facilité la
constitution de partie civile
, notamment en n'imposant pas l'assistance
d'un avocat, en permettant au juge d'instruction de dispenser de consignation
la partie civile (article 88 du code de procédure pénale).
Un grand nombre d'associations se sont pas ailleurs vu reconnaître la
possibilité d'exercer les droits reconnus à la partie
civile
lorsque sont en cause des infractions liées à leur
objet social. Ces associations peuvent être un soutien précieux
pour les victimes au cours du procès pénal.
Le droit pénal prend en considération la victime dans la
qualification
des faits
. L'âge de la victime, son
état physique ou mental peuvent en effet constituer des circonstances
aggravantes de certaines infractions.
Récemment, la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative
à la prévention et à la répression des infractions
sexuelles a allongé les
délais de prescription de certaines
infractions en matière sexuelle
.
2. L'indemnisation des victimes
Dans ce
domaine, un grand nombre de textes permettent l'indemnisation des victimes
d'infractions.
Ainsi, la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à
l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la
circulation et à l'accélération des procédures
d'indemnisation a défini les règles d'indemnisation des victimes
d'accidents de la circulation. Les compagnies d'assurance jouent un rôle
déterminant en la matière.
La loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la
lutte contre le terrorisme a prévu, pour les victimes d'attentats, un
système d'indemnisation intégrale des préjudices
corporels, patrimoniaux et extra-patrimoniaux. Le FGTI (Fonds de garantie des
victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions) est chargé de
cette indemnisation. Il est alimenté par une contribution assise sur les
primes ou cotisations des contrats d'assurance de biens et fonctionne par
transaction avec la victime. Le FGTI est subrogé dans les droits de la
victime pour obtenir le remboursement des sommes versées par les auteurs
de l'infraction.
De manière plus générale, les victimes d'infractions
pénales peuvent obtenir une indemnisation en se constituant partie
civile au cours du procès pénal ou en portant l'affaire devant la
juridiction civile. Surtout, en 1977, le législateur, par la loi
n°77-5 relative à l'indemnisation de certaines victimes
d'infractions, a instauré une
procédure d'indemnisation devant
les CIVI
(commissions d'indemnisation des victimes d'infractions).
Conçue au départ comme un système destiné à
indemniser les victimes lorsque l'auteur de l'infraction est inconnu ou
insolvable, cette procédure est devenue, avec la loi n° 90-589
du 6 juillet 1990, un système d'indemnisation autonome.
Devant les CIVI, toute personne ayant subi un préjudice résultant
de faits ayant entraîné la mort, une incapacité permanente
ou une incapacité totale de travail permanente égale ou
supérieure à un mois ou ayant été victime d'une
atteinte ou d'une agression sexuelle peut obtenir la réparation
intégrale de son préjudice.
Un système subsidiaire d'indemnisation plafonnée est
prévu, sous certaines conditions, pour les victimes de vol,
d'escroquerie, d'abus de confiance, ainsi que pour les victimes d'atteintes
corporelles ayant entraîné une incapacité totale de travail
inférieur à un an. Les sommes allouées par les CIVI sont
versées aux demandeurs par le FGTI, qui peut exercer une action
récusoire contre les auteurs d'infractions.
3. L'action des associations
Progressivement s'est développé un réseau
d'associations d'aide aux victimes, qui leur apporte un soutien
précieux. Le développement de ces associations a
été constamment soutenu par les pouvoirs publics au cours des
deux dernières décennies.
Les associations exercent des missions d'accueil, d'information, aident les
victimes dans leurs démarches, assurent parfois un soutien
psychologique... 148 services d'aide aux victimes sont ainsi
répartis sur le territoire national. Parmi les associations, certaines
d'entre elles exercent à la fois une activité d'aide aux victimes
et une activité de contrôle judiciaire. La plupart exercent des
missions de médiation pénale. En 1986, a été
créé l'INAVEM (Institut national d'aide aux victimes et de
médiation) chargé d'animer et de coordonner les services d'aide
aux victimes.
Aujourd'hui, les associations d'aide aux victimes interviennent notamment dans
les maisons de justice et du droit, dans les antennes de justice, parfois dans
des structures municipales. Certaines assurent des permanences dans les
tribunaux de grande instance ou dans les commissariats. En 1997,
137 structures ont reçu 122.551 personnes dont
70.208 victimes d'infractions pénales.
*
En
novembre 1998, Mme le garde des sceaux a confié à Mme
Marie-Noëlle Lienemann, député européen, l'animation
d'un groupe de travail interministériel sur l'aide aux victimes, dont
faisait partie notre collègue M. Jean-Pierre Schosteck. Ce groupe a
remis un rapport en mars dernier formulant plus de cent propositions
destinées à améliorer l'aide apportée aux victimes.
Ce groupe a notamment constaté que les victimes étaient souvent
mal informées des droits qui sont les leurs et que, bien souvent, la
société ne leur proposait qu'une réparation
matérielle de leur préjudice alors que
" plus que tout,
les victimes d'infractions attendent des institutions et notamment de la
justice une écoute qui va au-delà de leur simple
préoccupation financière. L'Etat s'estime quitte à leur
égard dès lors que le principe de leur indemnisation est acquis,
mais ne prend pas suffisamment en compte leurs souffrances, leurs doutes et
leurs peines ".
Les propositions du groupe interministériel s'organisent autour d'une
dizaine d'actions à mettre en oeuvre, portant notamment sur l'accueil
des victimes, leur information, l'accompagnement psychologique, médical
et social, la place des victimes dans la procédure pénale, enfin
l'indemnisation.
Nombre de ces propositions ne sont pas législatives, mais certaines ont
un lien direct avec le présent projet de loi.
II. LE PROJET DE LOI ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE MISE À JOUR DE LA PROCÉDURE PÉNALE
Déposé le 16 septembre 1998,le projet de loi soumis au Sénat a été adopté par l'Assemblée nationale le 30 mars dernier. Il comporte deux parties distinctes respectivement consacrées au renforcement de la protection de la présomption d'innocence et aux droits des victimes.
A. RENFORCER LA PROTECTION DE LA PRÉSOMPTION D'INNOCENCE
Le projet de loi retient une acception très large du principe de la présomption d'innocence et se donne pour objectif de renforcer les droits des personnes mises en cause à tous les stades de la procédure.
1. Un renforcement du contrôle des mesures de garde à vue
L'une
des mesures les plus frappantes du projet de loi consiste à
permettre
à toute personne placée en garde à vue de demander
à s'entretenir avec un avocat dès la première heure de la
mesure et non plus lorsque vingt heures se sont écoulées
comme actuellement (article 2). Cette disposition a déjà
été adoptée par le législateur dans la loi du
4 janvier 1993, mais son entrée en vigueur avait
été repoussée.
La loi du 24 août 1993 a finalement pérennisé le
régime transitoire prévu par la loi du 4 janvier. Les
modalités de l'entretien entre la personne gardée à vue et
l'avocat ne seraient pas modifiées ; en particulier, l'avocat ne
pourrait pas plus qu'aujourd'hui avoir accès au dossier. Le projet de
loi initial prévoyait qu'une personne placée en garde à
vue pouvait à nouveau demander à s'entretenir avec un avocat au
début de la prolongation éventuelle de la garde à vue.
L'Assemblée nationale a modifié ce système pour permettre
à la personne de demander à nouveau un avocat à l'issue de
la vingtième heure de garde à vue puis, le cas
échéant, lorsque douze heures se sont écoulées
depuis le début de la prolongation.
L'Assemblée nationale a fortement enrichi les dispositions du projet de
loi relatives à la garde à vue. Elle a ainsi prévu :
- la visite par le procureur des locaux de garde à vue au moins une fois
par trimestre ;
- l'harmonisation des régimes de garde à vue en cas
d'enquête de flagrance, d'enquête préliminaire ou
d'exécution d'une commission rogatoire ;
- l'obligation pour l'officier de police judiciaire d'informer une personne
placée en garde à vue qu'elle a le droit de ne pas
répondre aux questions ;
- l'enregistrement sonore des interrogatoires des mineurs placés en
garde à vue.
2. Un renforcement des droits de la défense
Un grand
nombre de dispositions du projet de loi ont pour objet de renforcer les droits
de la défense, en particulier au cours de la procédure
d'instruction.
Ainsi, les
modalités de désignation d'un avocat
par une
personne incarcérée seraient simplifiées (article 3).
Surtout, les parties pourraient désormais demander au juge d'instruction
de procéder ou de faire
procéder à tous actes
qu'elles jugent utiles. Actuellement les demandes d'actes que peuvent formuler
les parties sont limitativement énumérées. En outre, une
personne mise en examen pourrait demander que certains actes (transport sur les
lieux, audition d'un témoin, d'une partie civile ou d'une autre personne
mise en examen) soient effectués en présence de son avocat. Le
juge d'instruction ne pourrait refuser ces demandes que par une ordonnance
motivée susceptible d'appel (article 4).
De même, en ce qui concerne les
expertises
, le projet de loi tend
à permettre au ministère public ou à la partie qui demande
une expertise de préciser dans sa demande les questions qu'il voudrait
voir poser à l'expert (article 5).
L'Assemblée nationale a complété ces dispositions,
notamment pour permettre au procureur et aux avocats des parties de
présenter de brèves observations au cours des interrogatoires,
confrontations et auditions, alors qu'ils ne peuvent aujourd'hui selon le code,
que poser des questions avec l'accord du juge d'instruction.
En ce qui concerne les
droits des parties à l'audience
, le projet
de loi tend en particulier à permettre au ministère public et aux
conseils des parties, devant le tribunal correctionnel comme devant la cour
d'assises, de poser directement des questions aux personnes appelées
à la barre, alors que la règle actuelle veut que l'ensemble des
questions soient posées par l'intermédiaire du président
(articles 9A et 9).
L'Assemblée nationale a en outre prévu des dispositions
particulières, afin de permettre aux personnes atteintes de
surdité d'être assistées par une personne compétente
ou de bénéficier d'un dispositif technique leur permettant de
communiquer.
3. La consécration du statut de témoin assisté
L'une
des dispositions importantes du projet de loi est la consécration et le
renforcement du statut de témoin assisté, qui permet au juge
d'instruction d'accorder à une personne qu'il n'estime pas devoir mettre
en examen les mêmes droits qu'à la personne mise en examen, en
particulier le droit d'être assistée par un avocat.
Aujourd'hui, le statut du témoin assisté ne peut être
accordé qu'aux personnes nommément visées par un
réquisitoire du procureur de la République ou par une plainte
avec constitution de partie civile. En outre, les droits reconnus à ce
témoin ne sont pas les mêmes selon qu'il est visé par un
réquisitoire ou par une plainte avec constitution de partie civile.
Le projet de loi tend à consacrer ce statut dans le code de
procédure pénale. Les personnes visées par un
réquisitoire introductif et qui ne seraient pas mises en examen ne
pourraient être entendues que comme témoin assisté. Comme
actuellement, les personnes visées par une plainte avec constitution de
partie civile pourraient être entendues comme témoin
assisté et bénéficieraient obligatoirement de ce statut si
elles en font la demande.
La nouveauté réside dans le fait que
le juge d'instruction pourrait également entendre comme témoin
assisté toute personne visée par une plainte ou une
dénonciation
.
Le témoin assisté devrait bénéficier de l'ensemble
des droits reconnus aux personnes mises en examen et ne prêterait pas
serment.
L'objectif de ces dispositions est d'inciter les magistrats instructeurs
à recourir à ce statut lorsque la mise en examen ne
s'avère pas indispensable, compte tenu des graves conséquences
que peut avoir cette mise en examen au regard de la présomption
d'innocence.
4. La création d'un juge de la détention provisoire
La
disposition à laquelle est identifiée le présent projet de
loi est incontestablement la création d'un juge de la détention
provisoire, compétent pour ordonner ou prolonger la détention
provisoire.
Ce magistrat devrait avoir rang de président, de premier
vice-président ou de vice-président. Il serait saisi, non sur
réquisitions du procureur, mais par ordonnance motivée du juge
d'instruction, uniquement dans les cas où ce dernier demanderait la mise
en détention provisoire d'une personne ou la prolongation d'une
détention.
Le juge d'instruction demeurerait compétent pour ordonner un
contrôle judiciaire, mais celui-ci pourrait également être
ordonné par le juge de la détention provisoire s'il refusait de
faire droit à une demande de mise en détention ou de prolongation
d'une détention.
Ainsi, le juge de la détention ne serait pas saisi dans tous les cas
où le juge d'instruction n'estimerait pas nécessaire une mise en
détention ou une prolongation de celle-ci. L'exposé des motifs du
projet de loi indique que la création du juge de la détention
provisoire "
constitue une garantie nouvelle particulièrement
importante au regard du respect de la liberté individuelle, et permettra
de limiter les détentions à celles qui sont strictement et
évidemment nécessaires ".
Le projet de loi prévoit par ailleurs une
modification des seuils
à partir desquels la détention provisoire peut être
ordonnée
à l'encontre d'une personne mise en examen. Alors
que la détention est aujourd'hui possible lorsqu'est encourue une peine
d'emprisonnement de deux ans ou d'un an en cas de flagrant délit, elle
serait désormais possible lorsqu'est encourue une peine d'emprisonnement
de deux ou trois ans.
Les durées maximales de détention seraient également
modifiées.
Ainsi, en matière criminelle, n'existe
actuellement aucune limite à la durée de la détention
-celle-ci ne devant pas dépasser un
" délai
raisonnable "
conformément à la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l'homme. Le projet de loi, modifié sur
ce point par l'Assemblée nationale, tend à limiter à deux
ans la durée de la détention provisoire lorsque la peine encourue
est inférieure à vingt ans de réclusion ou de
détention criminelle et à trois ans dans les autres cas. Ces
limites ne seraient toutefois pas applicables lorsque plusieurs crimes contre
les personnes ou contre l'Etat, la nation ou la paix publique seraient
reprochés à la personne, ou lorsque celle-ci serait poursuivie
pour trafic de stupéfiants, terrorisme, proxénétisme,
extorsion de fonds ou pour un crime commis en bande organisée.
En matière correctionnelle, le projet de loi, tel que l'a adopté
l'Assemblée nationale, limite la durée de la détention
provisoire à quatre mois (six mois actuellement) lorsque la personne
concernée encourt une peine inférieure ou égale à
cinq ans et qu'elle n'a pas déjà été
condamnée à une peine d'emprisonnement sans sursis d'une
durée supérieure à un an.
Dans les autres cas, la durée de la détention serait
limitée à un an, mais aucune limite n'est prévue lorsque
la personne encourt une peine égale à dix ans d'emprisonnement et
qu'elle est poursuivie pour trafic de stupéfiants, terrorisme,
association de malfaiteurs, proxénétisme, extorsion de fonds ou
pour une infraction commise en bande organisée.
Il convient enfin de noter que l'Assemblée nationale a prévu
qu'en matière criminelle comme en matière correctionnelle, la
durée de la détention provisoire pourrait être
prolongée en cas de délivrance par le juge d'instruction d'une
commission rogatoire internationale.
Le projet de loi tend en outre à
améliorer les conditions
d'indemnisation des personnes placées en détention provisoire qui
bénéficient d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement
.
Le projet initial conservait le caractère facultatif de l'indemnisation
tout en prévoyant que celle-ci devait réparer le préjudice
moral et matériel subi par la personne.
L'Assemblée nationale a profondément modifié ce dispositif
puisqu'
elle a rendu l'indemnisation obligatoire
tout en prévoyant
quelques exceptions. Ainsi, aucune indemnisation ne serait due dans les cas
où la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement
résulterait de la reconnaissance de l'irresponsabilité de la
personne, de la prescription ou de l'amnistie. De même, le texte exclut
toute indemnisation lorsque la personne a été mise en
détention provisoire pour s'être librement et volontairement
accusée ou laissée accuser à tort.
Les décisions de la commission d'indemnisation devraient
désormais être motivées et les débats auraient lieu
en audience publique sauf opposition du requérant.
5. Une volonté de renforcer le droit à être jugé dans un délai raisonnable
Deux
articles du projet de loi tendent à renforcer le droit des personnes
mises en cause dans une procédure de connaître la suite
donnée à celle-ci. Ainsi, l'article 20 a pour objet de
permettre à une personne placée en garde à vue
d'interroger le procureur de la République sur la suite donnée
à la procédure lorsqu'elle n'a pas fait l'objet de poursuites
dans un délai de six mois. Dans un tel cas, le procureur devrait classer
sans suite, poursuivre ou engager une mesure alternative aux poursuites. S'il
estimait nécessaire de poursuivre l'enquête, il devrait saisir le
président du tribunal de grande instance qui, après un
débat contradictoire pouvant se dérouler en audience publique,
déciderait si l'enquête peut être poursuivie. En cas de
réponse négative, le procureur serait obligé de classer
l'affaire, de poursuivre ou d'engager une procédure alternative aux
poursuites.
Par ailleurs, l'article 21 tend à inciter les magistrats
instructeurs à mettre en oeuvre en quelque sorte des "
contrats
de procédure
" avec les parties au début d'une
information judiciaire. Ainsi, au début d'une information, le juge
d'instruction devrait donner connaissance à la partie civile et à
la personne mise en examen du délai prévisible
d'achèvement de l'information s'il estime que ce délai est
inférieur à un an.
A l'issue de ce délai ou, à défaut, à l'issue d'un
délai d'un an, la personne mise en examen ou la partie civile pourrait
demander la clôture de l'information. Le texte prévoit que, si le
juge souhaite poursuivre l'information, il doit répondre par une
ordonnance motivée susceptible d'appel. Un tel dispositif existe
déjà aujourd'hui, mais l'appel n'est ouvert que lorsque le juge
d'instruction ne répond pas à la demande.
L'Assemblée nationale a complété ces dispositions par deux
articles destinés à
limiter les délais d'audiencement
des affaires
une fois l'audience de renvoi ou l'arrêt de mise en
accusation rendus. Actuellement, en matière correctionnelle,
l'article 179 du code de procédure pénale prévoit
qu'une personne placée en détention provisoire doit être
remise en liberté si elle n'a pas comparu devant le tribunal dans un
délai de deux mois après l'ordonnance de renvoi. En pratique, il
arrive fréquemment que le tribunal se réunisse et décide
de renvoyer l'affaire à une date ultérieure, de sorte qu'une
personne peut rester de longs mois en détention provisoire alors
même que l'affaire est en état d'être jugée.
L'Assemblée nationale a donc prévu que la détention ne
pourrait être prolongée à l'issue d'un délai de deux
mois pour un nouveau délai de deux mois que par une décision
motivée et après comparution personnelle du prévenu si
lui-même ou son avocat en fait la demande. La décision de
prolongation pourrait être renouvelée une fois dans les
mêmes conditions. Ainsi, un prévenu serait-il automatiquement
remis en liberté à l'issue d'un délai de six mois
après l'ordonnance de renvoi si le tribunal ne commençait pas
à examiner l'affaire au fond.
L'Assemblée nationale a prévu un système similaire en
matière criminelle, alors qu'il n'existe actuellement aucune limite
à la durée de détention qui peut être accomplie
entre l'arrêt de mise en accusation et la réunion de la cour
d'assises. A l'issue d'un délai d'un an après l'arrêt de
mise en accusation, la chambre d'accusation pourrait décider de
prolonger la détention pour une durée de six mois. Cette
décision pourrait être renouvelée une fois, de sorte qu'un
délai maximal de deux ans s'écoulerait entre l'arrêt de
mise en accusation et l'audience de la cour d'assises.
6. Quelques dispositions relatives à la communication
Le
projet de loi comporte quelques articles consacrés à la
communication.
Reprenant une proposition du rapport de la commission de réflexion de la
justice, le Gouvernement a proposé de sanctionner d'une amende de
100 000 F la publication de l'image d'une personne portant des
menottes ou des entraves ainsi que la réalisation de sondages sur la
culpabilité d'une personne mise en cause ou sur la peine susceptible
d'être prononcée.
Par ailleurs, l'article 25 du projet prévoit l'ouverture de
" fenêtres de publicité " au cours de l'instruction.
Ainsi,
toutes les audiences de la chambre d'accusation pourraient être
publiques à la demande de la personne mise en examen
. Le projet
prévoit que la publicité pourra être refusée si la
publicité est de nature à nuire à l'ordre public, à
la dignité de la personne ou aux intérêts d'un tiers. Les
débats devant le juge de la détention provisoire pourraient
également donner lieu à une audience publique.
Le projet de loi tend en outre à
consacrer, tout en les encadrant,
les communiqués du parquet
. Le procureur pourrait ainsi rendre
publics des éléments objectifs de la procédure, afin
d'éviter la propagation d'informations parcellaires ou inexactes ou pour
mettre fin à un trouble à l'ordre public.
En revanche, l'Assemblée nationale n'a pas retenu une disposition du
projet de loi initial, qui aurait permis au procureur de la République
d'exercer lui-même le droit de réponse à la demande de la
personne mise en cause.
Enfin, le texte comporte une innovation importante destinée à
éviter des atteintes graves à la liberté de l'information.
Le premier président de la cour d'appel, statuant en
référé, pourrait en effet désormais
arrêter l'exécution provisoire de mesures limitant la diffusion
de l'information
ordonnées en référé.
B. DES VICTIMES MIEUX PRISES EN CONSIDÉRATION
Le
projet de loi comporte un grand nombre d'articles destinés à
renforcer les droits des victimes. Plusieurs dispositions tendent en
particulier à
améliorer leur information à tous les
stades de la procédure pénale
, afin de les aider à
exercer dans les meilleures conditions possibles ces droits.
L'Assemblée nationale a en particulier adopté une disposition
prévoyant que la
police judiciaire est tenue de recevoir les plaintes
déposées par les victimes
et de les transmettre au service ou
à l'unité territorialement compétent.
Le projet de loi tend en outre à
faciliter les constitutions de
partie civile
et à permettre au tribunal correctionnel, lorsqu'il a
statué sur l'action publique, de renvoyer une affaire à une date
ultérieure pour statuer sur l'action civile, afin de permettre à
la partie civile d'apporter les justificatifs de ses demandes.
L'Assemblée nationale a complété ces dispositions en
prévoyant une amélioration de l'information des victimes en ce
qui concerne leur droit à être indemnisées et de saisir la
commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI).
III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS
A. CONSTATER LE CARACTÈRE PARTIEL DE LA RÉFORME
Le
projet de loi renforçant la protection de la présomption
d'innocence et les droits des victimes tend une nouvelle fois à
réformer notre procédure pénale, en ajoutant de nouvelles
procédures, en renforçant des droits. Cette sédimentation
progressive ne pourra se poursuivre indéfiniment.
La procédure pénale française tend ainsi à devenir
plus complexe, plus lourde, sans qu'une réflexion globale soit
entreprise, qui pourrait permettre de redéfinir
l'intégralité de notre système au moment d'entrer dans le
vingt-et-unième siècle. Le législateur, il y a quelques
années, a su mettre en oeuvre une réforme intégrale du
code pénal. Assemblée nationale et Sénat sont parvenus
à un consensus sur ce sujet et l'on s'accorde à penser que le
résultat obtenu n'est pas médiocre.
N'est-il pas temps d'entreprendre la même démarche en
matière de procédure pénale, le code actuel datant de
1958 ?
Les réformes récentes, qui ont eu le plus souvent pour objet
-à juste titre- de renforcer les droits de la défense, ont en
même temps affaibli la cohérence de notre système faute
d'une réflexion sur l'ensemble de la matière. Le présent
projet de loi n'échappe pas à cette critique.
Il est par exemple possible de s'interroger sur la signification de la
création d'un juge de la détention provisoire. S'agit-il d'un
juge dont on espère qu'il se verra progressivement confier un nombre
croissant de fonctions juridictionnelles qui le conduiraient à devenir
le "
juge de l'instruction
" ? S'agit-il simplement, de
manière isolée, de séparer l'instruction de la mise en
détention provisoire, compte tenu du caractère gravement
attentatoire à la liberté individuelle de cette mesure ?
Par ailleurs, il convient de noter que l'essentiel de ce projet de loi ne
concerne que les affaires pénales donnant lieu à une information
judiciaire, soit 7 % des affaires environ. 93 % des affaires donnent lieu
à des procédures rapides telles que la comparution
immédiate.
En définitive, votre commission considère que l'on
n'échappera pas à une réflexion globale sur la
procédure pénale qui devrait être celle de la France au
vingt-et-unième siècle. Le Sénat et sa commission des Lois
sont disponibles pour engager ce travail et y consacrer le temps qui sera
nécessaire, afin de redonner à la procédure pénale
une cohérence nécessaire à son
fonctionnement
.
B. APPROUVER LES ORIENTATIONS DU PROJET DE LOI
Le
projet soumis au Sénat n'est pas définitif, mais comporte des
améliorations qu'il paraît souhaitable de consacrer dans l'attente
d'une véritable réforme.
Nombre de dispositions devraient en effet permettre un renforcement important
des droits des personnes mises en cause dans les procédures
pénales. La
possibilité pour l'avocat de s'entretenir avec son
client au début d'une garde à vue
est une évolution
importante, qui mérite d'être approuvée. Certes, toutes les
demandes ne pourront sans doute pas être satisfaites, certes l'avocat ne
pourra pas plus qu'aujourd'hui prendre connaissance du dossier, mais la
présence de l'avocat modifie l'atmosphère d'une garde à
vue, comme l'a déjà montré la réforme de 1993 qui a
permis sa venue à l'issue de la vingtième heure.
Le
renforcement des droits des parties au cours de l'instruction
est
également une évolution importante, le droit pour les parties de
demander des actes étant renforcé, de même que leurs
possibilités d'intervention au cours des interrogatoires, auditions et
confrontations.
Le droit pour les avocats des parties et le procureur de poser directement, au
cours des
audiences
, des questions aux personnes appelées
à la barre, sans passer par l'intermédiaire du président,
est une mesure heureuse. Il est toutefois possible d'espérer que, d'ores
et déjà, les présidents des tribunaux ou cours ne se
comportent pas comme ce président Bourriche, dont la manière
d'interroger le Crainquebille d'Anatole France, accusé à tort
d'avoir crié "
mort aux vaches !
" à un
agent de la force publique, était pour le moins sujette à
caution :
"
Cet interrogatoire aurait apporté plus de lumière si
l'accusé avait répondu aux questions qui lui étaient
posées. Mais Crainquebille n'avait pas l'habitude de la discussion, et
dans une telle compagnie, le respect et l'effroi lui fermaient la bouche. Aussi
gardait-il le silence et le président faisait lui-même les
réponses ; elles étaient accablantes.
"
Les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale en ce qui
concerne le
délai d'audiencement des affaires
lorsque
l'instruction est achevée sont particulièrement bienvenues et
pourraient contribuer à mettre fin à des situations inacceptables.
Votre commission constate également avec satisfaction que certaines des
propositions formulées par sa mission d'information
sur la
présomption d'innocence et le secret de l'instruction ont
été reprises dans ce projet de loi. Il en est ainsi de deux
mesures particulièrement importantes que sont l'élargissement du
statut de
témoin assisté
et l'ouverture de
fenêtres de communication
au cours de l'instruction.
C. INSTAURER UN RECOURS EN MATIÈRE CRIMINELLE
La
principale lacune de ce projet de loi réside dans
l'absence de toute
allusion à la question d'un éventuel recours contre les
arrêts de la cour d'assises. L'absence d'une deuxième chance dans
une telle matière porte profondément atteinte aux droits des
personnes mises en cause.
De multiples exemples -anciens ou récents- démontrent qu'il est
insupportable que les condamnations les plus lourdes soient aussi celles qui ne
sont pas susceptibles de recours hors le recours en cassation.
Le législateur peut bien renforcer les droits de la défense
à l'instruction, prévoir un contrôle des gardes à
vue, mieux encadrer la détention provisoire, mais tout cela est vain si
notre procédure pénale demeure marquée par cette anomalie
si lourde de conséquences qu'est l'absence de recours en matière
criminelle.
En 1996, M. Jacques Toubon, alors garde des sceaux, a
présenté un projet de loi réformant la procédure
criminelle, qui prévoyait la création dans chaque
département d'un tribunal d'assises appelé à statuer en
première instance, la cour d'assises étant appelée
à devenir une juridiction d'appel. Examiné en première
lecture par l'Assemblée nationale et le Sénat, le projet n'a pu
être adopté définitivement du fait de la dissolution de
l'Assemblée nationale.
L'actuel gouvernement n'a pas repris à son compte ce projet de loi, le
garde des sceaux faisant valoir que les moyens financiers nécessaires
à cette réforme n'avaient pas été prévus.
Est-il possible pour autant de ne rien faire ? Votre commission ne le
pense pas. C'est pourquoi, elle propose la mise en place d'un système de
recours très simple consistant à renvoyer une affaire devant une
autre cour d'assises que celle qui a statué. Cette procédure
d'
appel tournant
est bien connue en droit canon et avait
déjà été mise en oeuvre sous la Révolution.
Elle était connue sous le nom d'appel circulaire.
Le recours pourrait être formé dans un délai de dix jours
après l'arrêt et le choix de la cour d'assises appelée
à en connaître serait effectué par le président de
la chambre criminelle de la cour de cassation. Conformément au principe
de l'équilibre entre les parties, le recours serait ouvert à
l'accusé et au ministère public. Toutefois, ce dernier ne
pourrait effectuer de recours en cas d'acquittement.
Naturellement, une telle réforme suscite de nombreuses objections bien
connues, notamment parce qu'il semble à certains difficile d'admettre
qu'un jury populaire puisse être démenti par un autre jury
comportant le même nombre de citoyens.
Un tel débat est certes intéressant, mais face au risque
d'injustices irréparables, il a paru souhaitable à votre
commission de dépasser les querelles doctrinales pour mettre fin
à une véritable
" anomalie
" dans notre
procédure pénale.
La réforme proposée sera d'un coût modeste, compte tenu du
taux estimé des appels. Elle offrira à tous les condamnés
la deuxième chance indispensable dans tout système judiciaire
d'un véritable Etat de droit.
D. AMÉLIORER LE PROJET DE LOI
Sur de nombreux points, votre commission a estimé souhaitable d'améliorer le projet de loi.
1. Élargir davantage le statut de témoin assisté
Le projet de loi tend à élargir le statut de témoin assisté en permettant au juge d'instruction d'accorder ce statut, non plus seulement aux personnes visées par un réquisitoire ou une plainte avec constitution de partie civile, mais également aux personnes visées par une plainte ou une dénonciation. Votre commission estime utile d'aller plus loin, afin d'éviter les mises en examen qui ne seraient pas strictement nécessaires . Elle propose donc que ce statut puisse être accordé à toute personne mise en cause par un témoin ou une victime en cours d'instruction, ainsi qu'aux personnes à l'encontre desquelles existent des indices laissant présumer qu'elles ont pu commettre une infraction.
2. Modifier les conditions de la mise en examen
Votre
commission estime nécessaire de tout mettre en oeuvre pour que le juge
d'instruction ne recoure à la mise en examen que lorsque celle-ci est
réellement justifiée. Elle vous propose donc que la mise en
examen ne soit possible que lorsqu'existent contre une personne
des indices
graves et concordants
laissant présumer qu'elle a participé,
comme auteur ou comme complice, à une infraction.
Par ailleurs, votre commission a souhaité qu'une personne ne puisse plus
être mise en examen par
lettre recommandée
sans avoir la
possibilité d'être entendue par le juge d'instruction
. Elle a
modifié l'article 80-1 du code de procédure pénale pour
prévoir qu'avant de mettre en examen par lettre recommandée une
personne, le juge d'instruction doit au préalable l'informer de son
intention. La personne pourrait alors demander à être entendue en
présence de son avocat. A défaut d'une telle demande ou si la
personne ne répondait pas à la convocation, le juge pourrait la
mettre en examen par lettre recommandée.
3. Modifier la dénomination du juge chargé de la détention
Le
projet de loi prévoit l'institution d'un juge de la détention
provisoire. Une telle dénomination paraît fort lourde à
porter pour les magistrats dont ce sera la charge. D'autres propositions ont
été formulées, consistant notamment à qualifier ce
juge de "
juge des libertés
", voire de "
juge
de la détention et des libertés
". Il a
été rétorqué que tous les juges ont vocation
à être des juges des libertés, l'article 66 de la
Constitution prévoyant que "
l'autorité judiciaire,
gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe
dans les conditions prévues par la loi
".
Face à ce dilemme, votre commission propose de ne pas nommer ce juge
dans le code de procédure pénale. Les praticiens se chargeront
rapidement de lui trouver une dénomination qui s'imposera, mais il ne
paraît aucunement nécessaire qu'il soit qualifié par la
loi. Cette solution présente en outre l'avantage de ne pas exclure que
d'autres missions lui soient éventuellement confiées
ultérieurement.
Par ailleurs, votre commission estime souhaitable que ce magistrat statue par
une
ordonnance motivée et après un débat
contradictoire
, même lorsqu'il n'ordonne pas le placement en
détention provisoire, afin que le magistrat instructeur qui demande une
détention par ordonnance motivée ait connaissance des raisons
justifiant qu'il ne soit pas fait droit à cette demande.
4. Éviter les détentions provisoires injustifiées
Le
système prévu par le projet de loi en ce qui concerne le
niveau de peine encourue
à partir duquel le placement en
détention provisoire est possible est apparu
trop complexe
à votre commission. Il lui est en outre apparu que ces seuils ne
permettraient guère de limiter le nombre de placements en
détention provisoire. Après avoir constaté que la plupart
des infractions punies de deux ans d'emprisonnement ne justifiaient pas qu'il
soit recouru à la détention provisoire et que, dans de nombreux
cas, les infractions punies de deux ans d'emprisonnement relevaient davantage
de la comparution immédiate que d'une information judiciaire, votre
commission a décidé que la mise en détention ne serait
plus possible qu'à l'égard des personnes encourant une
peine
correctionnelle supérieure à deux ans d'emprisonnement
.
En ce qui concerne la
durée de la détention provisoire
,
votre commission a accepté les propositions de l'Assemblée
nationale tendant à instaurer des limites à la durée de la
détention provisoire sauf pour certaines infractions telles que le
terrorisme ou le trafic de stupéfiants. En revanche, votre commission a
estimé inopportun de faire de la délivrance d'une commission
rogatoire internationale un critère d'allongement de la durée de
la détention provisoire.
Elle propose que, dans des
situations exceptionnelles
, lorsque
l'information doit absolument être poursuivie, la
chambre
d'accusation
, saisie par le magistrat chargé de la détention
provisoire, puisse prolonger la durée de la détention provisoire
au delà des limites prévues pour le projet de loi. La
possibilité d'accorder ces prolongations serait très strictement
encadrée, l'accord du magistrat instructeur, du magistrat chargé
de la détention et de la chambre d'accusation étant
nécessaire.
5. Conforter les droits des victimes
Saluant
les progrès apportés aux droits reconnus à la victime dans
la procédure pénale, votre commission a adopté quelques
dispositions destinées à conforter ces droits. Elle a en
particulier prévu que la partie civile pourrait, si cela est
nécessaire, être assistée par un interprète au cours
des audiences correctionnelles ou criminelles, comme c'est déjà
le cas pour le prévenu, l'accusé ou le témoin.
En outre votre commission propose de modifier le texte du serment
prononcé par les jurés de cours d'assises au début d'un
procès. Les jurés, qui promettent d'ores et déjà de
ne trahir ni les intérêts de l'accusé ni ceux de la
société qui l'accuse, devraient également promettre de
ne pas trahir les intérêts de la victime
. Ils devraient en
outre promettre de
se rappeler que l'accusé est présumé
innocent et que le doute doit lui profiter
.
6. Prévoir un équilibre entre liberté de l'information et présomption d'innocence
Un
chapitre du projet de loi est consacré à la
" communication ", sans qu'aucune mesure soit proposée pour
remédier aux atteintes irréparables à la
présomption d'innocence que peut provoquer le non-respect du secret de
l'enquête et de l'instruction.
Certes, des mesures législatives existent d'ores et déjà,
qui devraient permettre de limiter les atteintes à la présomption
d'innocence. En particulier, l'article 38 de la loi du
29 juillet 1881 interdit la diffusion de pièces du dossier de
l'instruction, mais le ministère public, seul compétent pour
poursuivre cette infraction, ne le fait en pratique jamais. Le projet de loi
reste muet sur ces questions.
En 1995, la mission d'information de votre commission des lois sur la
présomption d'innocence et le secret de l'instruction a formulé
de nombreuses propositions équilibrées sur ce sujet, qui ne
paraissent pas avoir retenu l'attention du Gouvernement. De même, le
projet de loi ignore plusieurs propositions formulées sur ce sujet par
la commission de réflexion sur la justice présidée par
M. Pierre Truche.
En revanche, le projet de loi contient une disposition très importante
destinée à préserver la liberté de l'information,
à savoir la possibilité pour le premier président de la
cour d'appel, statuant en référé,
d'arrêter
l'exécution provisoire de mesures ordonnées en
référé lorsqu'elles portent atteinte à la
liberté de l'information
. Votre commission salue cette mesure
très protectrice de la liberté de la presse dans notre pays.
Estimant souhaitable qu'un équilibre soit trouvé entre la
présomption d'innocence et la liberté de l'information, votre
commission propose -compte tenu de la nouvelle protection accordée
à la presse- d'élargir le champ d'application de
l'article 9-1 du code civil, permettant au juge, même en
référé, d'ordonner par exemple l'insertion d'un
communiqué dans la publication concernée en cas d'atteinte
à la présomption d'innocence. Actuellement, la possibilité
de saisir le juge n'est ouverte qu'aux personnes placées en garde
à vue, mises en examen ou qui font l'objet d'une citation à
comparaître, d'un réquisitoire ou d'une plainte avec constitution
de partie civile, lorsqu'elles sont publiquement présentées comme
coupables des faits faisant l'objet de l'enquête ou de l'instruction
judiciaire.
Il est paradoxal qu'en revanche les personnes présentées comme
coupables, alors qu'elles ne font l'objet d'aucune procédure, ne
puissent faire réparer l'atteinte à la présomption
d'innocence. Votre commission propose donc que le champ d'application de
l'article 9-1 du code civil soit étendu à toutes les
personnes présentées comme coupables de faits faisant l'objet
d'une enquête ou d'une instruction.
Cette proposition a été formulée par la commission de
réflexion sur la justice et par la mission d'information de votre
commission des Lois, mais n'a pas été reprise dans le projet de
loi.
La commission des Lois de l'Assemblée nationale a adopté un
amendement allant beaucoup plus loin puisqu'il permettait à une personne
présentée comme
pouvant
être coupable et non comme
coupable d'aller devant le juge pour faire cesser l'atteinte à la
présomption d'innocence. Cet amendement a été
retiré avant le débat en séance publique et votre
commission a estimé que sa rédaction serait trop large et
risquerait de porter atteinte à la liberté de la presse.
Par ailleurs,
votre commission n'a pas estimé souhaitable de porter
atteinte
, à l'occasion de ce projet de loi, à
l'équilibre de la loi du 29 juillet 1881
sur la
liberté de la presse et a donc décidé de rétablir
dans cette loi des dispositions que le Gouvernement ou l'Assemblée
nationale souhaitaient voir inscrites dans le code pénal.
E. UNE INQUIÉTUDE : LES MOYENS DE LA RÉFORME
La
disposition la plus visible du projet de loi est incontestablement la
création d'un juge de la détention provisoire, dont le garde des
sceaux a souhaité qu'il ait rang de président, de premier
vice-président ou de vice-président.
Votre commission a accepté le principe de cette séparation entre
l'instruction et la mise en détention provisoire, tout en constatant
qu'elle intervient alors que les effets de la loi du 30 décembre
1996, qui a modifié le régime de la détention provisoire,
ne sont pas connus.
Votre commission souhaite faire part de son inquiétude quant à la
mise en oeuvre de la réforme, compte tenu du
caractère peu
précis des évaluations relatives aux moyens
nécessaires.
• L'étude d'impact transmise au Parlement (voir annexe) indique
que "
Le projet de loi prévoit dans tous les tribunaux de
grande instance l'institution d'un ou plusieurs juges de la détention
provisoire
". Cette étude d'impact note que la création
du juge de la détention provisoire ne permettra aucun gain d'emploi
à l'instruction, compte tenu des nouvelles formalités par
ailleurs imposées au juge d'instruction. Enfin,
cette étude
d'impact évalue à 170 le nombre de créations de postes
nécessaires pour le fonctionnement de cette réforme.
Lors du débat à l'Assemblée nationale, Mme le Garde
des Sceaux a indiqué avoir "
écarté un premier
scénario qui aurait consisté à nommer des magistrats et
à créer un emploi de juge de la détention dans les
187 tribunaux de grande instance
".
Une évolution
importante semble donc s'être produite entre le dépôt du
projet de loi et sa discussion par l'Assemblée nationale
.
De ce
fait, la Chancellerie évalue désormais à
110 seulement le nombre des créations de postes
nécessaires
. D'après les informations transmises à
votre rapporteur, 68 postes ont été créés au
titre du budget de 1999 en vue de cette réforme et 42 devraient
l'être au titre du budget de l'an 2000.
• Pratiquement, le système devrait s'organiser de la
manière suivante :
- dans les tribunaux les plus importants, un ou plusieurs
vice-présidents ou premiers vice-présidents pourraient assurer le
contentieux de la détention provisoire ;
- dans les plus petits tribunaux, cette charge serait exercée par le
président du tribunal lui-même. En cas d'absence, il pourrait
être recouru à des vice-présidents placés
auprès du premier président de la cour d'appel ou à un
vice-président d'un tribunal voisin. Il n'est donc pas exclu qu'à
des périodes particulières, des difficultés puissent se
poser dans les plus petites juridictions ;
- par ailleurs, l'intervention d'un juge de la détention provisoire
distinct du juge d'instruction rendra naturellement plus difficile la
composition des juridictions correctionnelles, le juge de la détention
provisoire ne pouvant participer au jugement des affaires dont il a connu.
Pour remédier à cette difficulté, il serait fait appel
à des juges placés, éventuellement à des avocats,
qui peuvent compléter une formation correctionnelle. Enfin, le premier
président de la cour d'appel pourrait utiliser la disposition
récemment adoptée dans le projet de loi renforçant
l'efficacité de la procédure pénale, qui lui permet de
renvoyer une affaire d'un tribunal à un autre. Le Sénat a
demandé et obtenu que le choix du tribunal de renvoi ne soit pas
discrétionnaire, mais déterminé au début de chaque
année.
Il apparaît donc que le fonctionnement de cette réforme sera
différencié sur le territoire et qu'il posera des
difficultés dans certains cas
. Il paraît essentiel que tout
soit entrepris pendant la durée de la navette parlementaire pour que les
modalités pratiques de la réforme soient précisées.
Le Parlement devrait être informé de manière très
précise de la manière dont sera appliquée la
réforme. A ce stade, votre commission souhaite simplement manifester son
inquiétude face aux imprécisions qui entourent cet aspect de la
réforme, d'autant plus que d'autres mesures inscrites dans le projet de
loi, telles que celles destinées à réduire les
délais d'audiencement ou celles renforçant l'efficacité
des demandes de clôture de l'information au bout d'un délai d'un
an pourraient également nécessiter des moyens
supplémentaires.
*
* *
Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle vous présentera, votre commission vous propose d'adopter l'ensemble du projet de loi.
EXAMEN DES ARTICLES
Article premier
(Article préliminaire nouveau
du
code de procédure pénale)
Principes
généraux
Dans
l'exposé des motifs du projet de loi, le Gouvernement indique que
"
les différents principes qui gouvernent notre procédure
pénale sont depuis longtemps reconnus dans le droit positif, et certains
d'entre eux figurent même dans différents textes de valeur
constitutionnelle. Cette reconnaissance est toutefois éparse et
parcellaire.
"
Par ailleurs, le principe de la présomption d'innocence est
trop souvent bafoué et la confiance des citoyens envers l'institution
judiciaire s'en trouve profondément atteinte.
"
C'est la raison pour laquelle il est apparu indispensable de
réaffirmer dans notre droit, de façon claire et expressive, ce
principe fondamental et d'en tirer toutes les conséquences
nécessaires afin d'assurer qu'il soit pleinement et entièrement
respecté.
"
L'article premier du projet a donc pour objet d'introduire, au début du
code de procédure pénale, un article préliminaire
énonçant les
principes fondamentaux de la procédure
pénale
. Il s'agit en particulier d'affirmer le principe de la
présomption d'innocence, celui des droits de la défense, le
principe de proportionnalité des mesures de contrainte prises à
l'encontre d'une personne...
Le texte proposé par le Gouvernement est assez différent de celui
adopté par l'Assemblée nationale.
Texte
présenté par le Gouvernement
|
Texte
adopté par l'Assemblée Nationale
|
" Article
préliminaire. - I.- Les personnes qui
concourent à la procédure pénale participent à la
recherche de la manifestation de la vérité, dans le respect des
principes ci-après, qui sont mis en oeuvre, dans les conditions
prévues par la loi.
|
" Article
préliminaire. - I. - Les
personnes qui concourent à la procédure pénale participent
à la recherche de la manifestation de la vérité, dans le
respect des principes ci-après, qui sont mis en oeuvre, dans les
conditions prévues par la loi.
|
Il est
en premier lieu possible de s'interroger sur l'opportunité d'inscrire en
tête du code de procédure pénale des principes qui sont
énoncés par ailleurs d'une manière qu'il serait impossible
au législateur d'améliorer : l'article IX de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen prévoit ainsi que
"
tout homme étant présumé innocent jusqu'à
ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est
jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas
nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être
sévèrement réprimée par la loi
".
Il est vrai que d'autres codes contiennent déjà
l'énoncé de principes généraux, qui sont ainsi plus
facilement accessibles que lorsqu'ils sont énoncés dans des
textes épars.
Le chapitre premier du titre premier du livre premier du nouveau code
pénal est ainsi consacré aux principes généraux. De
même, le nouveau code de procédure civile comporte un chapitre
premier consacré aux principes directeurs du procès. Dans ces
conditions, il peut être utile que le législateur marque
l'importance de certaines principes fondamentaux de la procédure
pénale en les inscrivant au début du code.
Un tel exercice suppose cependant de garder à l'esprit que ces principes
n'auront pas seulement une valeur pédagogique, mais pourront être
utilisés par les juridictions pour interpréter l'ensemble du code
de procédure pénale. Il convient donc que ces principes soient
rédigés de la manière la plus claire possible.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale, inspiré
notamment des travaux de la commission " Justice pénale et droits
de l'homme " présidée par Mme Mireille Delmas-Marty,
est susceptible de poser certaines difficultés.
Ce texte prévoit notamment que les personnes se trouvant dans des
conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions doivent
pouvoir être jugées selon les mêmes règles.
L'introduction de ce principe dans le code de procédure pénale
avait été proposée par la commission " Justice
pénale et droits de l'homme ". Toutefois, cette commission avait
estimé que l'inscription de ce principe impliquerait la mise en cause de
l'opportunité des poursuites ou au moins son aménagement. Par
ailleurs, le législateur a récemment décidé
d'autoriser le juge unique à renvoyer certaines affaires à la
collégialité, lorsque leur complexité le justifie, ce qui
paraît constituer un aménagement du principe énoncé.
Il ne paraît donc pas opportun, à ce stade, d'énoncer un
principe dont on ne peut affirmer qu'il est pleinement respecté par
notre procédure pénale.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit par
ailleurs qu'il doit être statué sur l'accusation "
sur le
fondement de preuves loyalement obtenues
". Si la loyauté des
preuves est un principe bien connu dans les pays anglo-saxons, il paraît
difficile de mesurer les conséquences que pourrait avoir son
introduction, sous une forme aussi générale, dans notre droit,
compte tenu de la marge d'appréciation très grande qu'il laisse
au juge.
Enfin, le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit
que toute personne condamnée a le droit de faire examiner sa
condamnation par une autre juridiction. Ce principe est explicitement inscrit
dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
adopté en 1966 dans le cadre de l'organisation des Nations Unies.
L'article 14 du Pacte prévoit en effet que "
toute personne
déclarée coupable d'une infraction a le droit de faire examiner
par une juridiction supérieure la déclaration de
culpabilité et la condamnation, conformément à la
loi
".
Toutefois, l'instrument d'adhésion de la France à ce pacte
contient la réserve suivante : "
Le Gouvernement de la
République interprète l'article 14, paragraphe 5, comme
posant un principe général auquel la loi peut apporter des
exceptions limitées. Il en est ainsi, notamment, pour certaines
infractions relevant en premier et dernier ressort du tribunal de police ainsi
que pour les infractions de nature criminelle. Au demeurant, les
décisions rendues en dernier ressort peuvent faire l'objet d'un recours
devant la Cour de cassation qui statue sur la légalité de la
décision intervenue
".
De fait, les jugements du tribunal de police ne peuvent donner lieu à
appel que dans certaines circonstances. Il n'existe pas en outre d'appel en
matière criminelle ni devant la Cour de justice de la République.
Il paraît donc singulier de vouloir énoncer en tête du code
de procédure pénale un principe que notre procédure ne
peut pas respecter. Certes, la question de l'appel en matière
criminelle, posée depuis plusieurs années a donné lieu
à un projet de loi examiné en première lecture par les
deux assemblées, mais qui n'a pu être adopté en raison de
l'alternance. Il fait, semble-t-il, l'objet de réflexions qui se
prolongent au sein du Gouvernement.
Il n'en demeure pas moins que le
principe selon lequel une personne doit voir examinée sa condamnation
par une autre juridiction n'est pas respecté à ce jour par la
procédure pénale française et ne saurait donc être
inscrit parmi les principes fondamentaux qui la gouvernent. Plutôt que
d'inscrire un principe, votre commission formulera, dans un article additionnel
après l'article 21 sexies, des propositions importantes en ce qui
concerne la question du double degré de juridiction en matière
criminelle.
D'une manière plus générale, il paraît souhaitable
que les principes inscrits en tête du code de procédure
pénale s'adressent au juge, chargé d'appliquer la loi, et non au
législateur lui-même. Ainsi, la séparation des
autorités de poursuite et des autorités de jugement est un
principe important, mais qui relève de la seule responsabilité du
législateur.
Compte tenu de ces remarques, votre commission vous soumet, par un
amendement
, une nouvelle rédaction de l'article premier, tenant
compte à la fois des propositions du Gouvernement et des
améliorations apportées par l'Assemblée nationale.
Votre commission vous soumet l'article premier
ainsi modifié
.
Article 1er bis
(Article 81 du code de
procédure pénale)
Instruction à charge et
décharge
L'article 81 du code de procédure pénale
définit les missions du juge d'instruction et prévoit en
particulier qu'il procède, conformément à la loi, à
tous les actes d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la
vérité.
L'Assemblée nationale a souhaité compléter cette
disposition pour prévoir que le juge d'instruction instruit à
charge et à décharge. Il est clair qu'un tel principe va de soi,
la mission du juge d'instruction étant de parvenir à la
manifestation de la vérité
. Toutefois, il n'est pas
inutile d'inscrire ce principe dans le code de procédure pénale,
afin d'inciter chaque magistrat instructeur à garder à l'esprit
l'objectivité qui doit être la sienne dans la conduite d'une
information judiciaire.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification.
Article 1
er
ter
(Article 81 du code de
procédure pénale)
Contenu de l'ordonnance de
règlement
Cet
article a pour objet, comme le précédent, de compléter le
premier alinéa de l'article 81 du code de procédure
pénale, afin de prévoir que l'ordonnance de règlement
comporte les mentions spécifiques relatives aux diligences accomplies
par le juge d'instruction pour instruire à charge et à
décharge.
Cette disposition peut susciter quelque étonnement. Lorsqu'il
procède ou fait procéder à un acte d'instruction, le juge
d'instruction peut difficilement savoir s'il est à charge ou à
décharge. Un examen psychologique est-il une diligence à charge
ou à décharge ? Seul le résultat permettra de le
déterminer. A l'audience même, une expertise peut être
interprétée par les parties à charge ou à
décharge. Il paraît difficile de contraindre un magistrat
instructeur à répartir la liste des actes qu'il a ordonnés
entre des actes à charge et des actes à décharge.
Votre commission vous propose la
suppression
de cet article.
TITRE PREMIER
DISPOSITIONS RENFORÇANT LA
PROTECTION
DE LA PRÉSOMPTION D'INNOCENCE
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS RENFORÇANT LES
DROITS DE LA DÉFENSE
ET LE RESPECT DU PRINCIPE DU
CONTRADICTOIRE
SECTION 1
Dispositions relatives à la garde
à vue
Article 2A
(Article 41 du code de procédure
pénale)
Contrôle des mesures de garde à vue
par le
Procureur de la République
L'article 41 du code de procédure pénale,
relatif aux
prérogatives du Procureur de la République, prévoit
notamment que celui-ci contrôle les mesures de garde à vue, sans
qu'aucune précision complémentaire soit apportée. La
circulaire relative à la loi du 4 janvier 1993, qui a prévu
l'inscription de cette disposition dans le code de procédure
pénale dispose simplement que "
Comme par le passé, le
déplacement sur les lieux d'exécution des mesures de garde
à vue permettra au magistrat du parquet de s'assurer du bon
déroulement de celles-ci et du respect des formalités
prévues par le présent code
".
Il semble en pratique que les procureurs de la République ne soient pas
en mesure de se rendre fréquemment sur les lieux de gardes à vue.
L'Assemblée nationale a donc souhaité renforcer
l'efficacité de cette disposition en prévoyant que le procureur
visite les locaux de garde à vue chaque fois qu'il l'estime
nécessaire et
au moins une fois par trimestre
.
Une disposition assez semblable existe en matière de détention
provisoire puisque l'article 222 du code de procédure pénale
prévoit que le président de la chambre d'accusation
"
chaque fois qu'il l'estime nécessaire et au moins une fois par
trimestre, visite les maisons d'arrêt du ressort de la cour d'appel et y
vérifie la situation des personnes mises en examen en état de
détention provisoire
".
Il existe environ 5 000 lieux de garde à vue en France et la mise
en oeuvre de cette mesure pourrait impliquer une centaine de visites par an
pour chaque parquet. Il s'agit naturellement d'une charge importante pour les
procureurs et leurs substituts, mais il paraît effectivement souhaitable
de renforcer le contrôle de l'autorité judiciaire sur le
déroulement des gardes à vue.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Articles 2B et 2C
(Articles 62, 63, 153 et 154 du
code de
procédure pénale)
Harmonisation des règles de garde
à vue
en fonction de la nature de l'enquête
La garde
à vue d'une personne est possible lors d'une enquête de flagrance,
d'une enquête préliminaire et de l'exécution d'une
commission rogatoire du juge d'instruction. Les régimes prévus
dans ces différents cas comportent des différences que
l'Assemblée nationale a souhaité faire disparaître en
adoptant les articles 2B et 2C.
L'article 77 du code de procédure pénale, qui concerne
l'enquête préliminaire, prévoit que l'officier de police
judiciaire peut, pour les nécessités de l'enquête, garder
à sa disposition toute personne à l'encontre de laquelle il
existe des indices faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de
commettre une infraction.
Les articles 63 et 154 du code de procédure pénale,
respectivement relatifs à l'enquête de flagrance et aux
commissions rogatoires du juge d'instruction, ne limitent pas la garde à
vue aux personnes à l'encontre desquelles il existe des indices.
L'article 63 permet en effet à l'officier de police judiciaire de garder
à sa disposition toute personne présente sur les lieux de
l'infraction ainsi que toute personne susceptible de fournir des renseignements
sur les faits ou sur les objets et documents soumis. En revanche, la garde
à vue ne peut être prolongée que pour les personnes
à l'encontre desquelles il existe des indices faisant présumer
qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction. Il est en
outre prévu que les personnes à l'encontre desquelles il n'existe
aucun indice ne peuvent être retenues que le temps nécessaire
à leur déposition.
Dans ces conditions, les deux
régimes ne semblent pas très différents, mais il
paraît théoriquement possible, au cours d'une enquête de
flagrance, qu'une personne à l'encontre de laquelle il n'existe aucun
indice soit entendue pendant vingt-quatre heures, ce qui n'est pas possible en
matière d'enquête préliminaire.
En ce qui concerne l'article 154 du code de procédure pénale,
relatif aux commissions rogatoires du juge d'instruction, il prévoit
simplement que l'officier de police judiciaire peut garder à vue une
personne à sa disposition. Comme en matière d'enquête de
flagrance, il est précisé que les personnes à l'encontre
desquelles il n'existe aucun indice ne peuvent être retenues que le temps
nécessaire à leur audition.
L'article 2 B du projet de loi, introduit par l'Assemblée
nationale, tend à harmoniser les rédactions en ce qui concerne
les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucun indice faisant
présumer qu'elles ont commis ou tenté de commettre une
infraction. Lors d'une enquête de flagrance ou de l'exécution
d'une commission rogatoire, ces personnes ne pourraient être retenues,
comme c'est déjà le cas en matière d'enquête
préliminaire que "
le temps strictement nécessaire
à leur audition
". Ces dispositions seraient inscrites dans
l'article 62 du code de procédure pénale (relatif à la
possibilité pour l'officier de police judiciaire d'entendre les
personnes susceptibles de fournir des renseignements sur les faits ou sur les
objets et documents saisis) en ce qui concerne l'enquête de flagrance, et
dans l'article 153 (relatif à la déposition des
témoins) en ce qui concerne les commissions rogatoires.
Ces dispositions, qui tendent à uniformiser les régimes
d'auditions des personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucun
indice pouvant présumer qu'elles ont commis ou tenté de commettre
une infraction méritent d'être approuvées.
L'article 2C du projet, également introduit par l'Assemblée
nationale, tend tout d'abord à prévoir, en matière
d'enquête de flagrance et de commission rogatoire, que l'officier de
police judiciaire peut placer en garde à vue les personnes à
l'encontre desquelles il existe des indices faisant présumer qu'elles
ont commis ou tenté de commettre une infraction. Il s'agit de la reprise
du texte existant d'ores et déjà en matière
d'enquête préliminaire, l'objectif étant d'
éviter
la mise en garde à vue de simples témoins
.
Cette harmonisation est bienvenue, même s'il convient de garder à
l'esprit que sa portée est difficile à apprécier. D'ores
et déjà en effet, les officiers de police judiciaire ne peuvent
retenir les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucun indice
que le temps nécessaire à leur audition. Par ailleurs, la
frontière entre l'absence d'indices et l'existence de tels indices est,
dans certaines affaires, extrêmement ténue.
Il faut en outre noter qu'une personne placée en garde à vue
bénéficie de droits importants, que le présent projet de
loi tend à renforcer, tandis que ces droits ne sont pas ouverts au
témoin. Néanmoins, il paraît normal que le régime de
la garde à vue soit le même, quel que soit le type d'enquête.
L'article 2C prévoit par ailleurs, en matière de flagrance
et de commission rogatoire, que le procureur de la République doit
être informé de la mesure "
dès le début de
la garde à vue
" alors que les textes actuels prévoient
son information "
dans les meilleurs délais
".
L'Assemblée nationale a prévu la même disposition en
matière d'enquête préliminaire à l'article
2 bis du projet.
Le débat sur le moment de l'information du procureur de la
République a déjà eu lieu en 1993. La loi du
4 janvier 1993 prévoyait en effet que le procureur devait
être informé "
sans délai
" des mesures de
garde à vue. Cette prescription a soulevé de nombreuses
difficultés et a conduit à des pratiques ne respectant pas son
esprit, ce qui a conduit le législateur à retenir, dans la loi du
24 août 1993, l'information du procureur "
dans les
meilleurs délais
".
A cet égard, la circulaire du 24 août 1993 indique que
"
pour pallier les difficultés de tous ordres résultant
des dispositions issues de la loi du 4 janvier 1993, il a
été décidé dans de nombreuses juridictions que
l'information du procureur de la République serait assurée par
télécopie. Aussi, la lettre extrêmement exigeante de la loi
était-elle satisfaite mais son esprit méconnu, dans la mesure
où le procureur de la République ne se trouvait pas
nécessairement informé immédiatement du placement en garde
à vue dans des conditions lui permettant d'exercer un contrôle
effectif
".
Dans sa décision du 11 août 1993, relative à la
loi du 24 août 1993, le Conseil constitutionnel a estimé
que l'expression "
dans les meilleurs délais
" devait
s'entendre comme "
prescrivant une information qui, si elle ne peut
être immédiate pour des raisons objectives tenant aux
nécessités de l'enquête, doit s'effectuer dans les plus
brefs délais possibles, de manière à assurer la sauvegarde
des droits reconnus par la loi à la personne gardée à
vue
".
Il semble que les termes de la loi du 24 août 1993 donnent
actuellement satisfaction. Ils permettent une certaine souplesse en ce qui
concerne l'information du procureur, ce qui paraît indispensable pour que
la loi soit effectivement appliquée. Un entretien
téléphonique intervenant un matin entre un officier de police
judiciaire et le procureur à propos d'une garde à vue qui a
débuté dans la nuit n'est-il pas préférable
à l'envoi d'une télécopie dans un bureau vide au milieu de
la nuit ?
Il est vraisemblable que les pratiques actuelles perdureront et que,
conformément à la décision du Conseil constitutionnel,
l'information sera donnée dans les plus brefs délais possibles.
Néanmoins, l'amendement adopté par l'Assemblée nationale a
le mérite de mettre l'accent sur l'importance de l'information du
procureur en cas de garde à vue.
Elle vous propose d'adopter les articles 2 B et 2 C
sans modification
.
Article 2D
(Article 63-1 du code de procédure
pénale)
Notification de ses droits à la personne
gardée à vue
L'article 63-1 du code de procédure pénale
prescrit qu'une personne placée en garde à vue doit
immédiatement être informée de son droit de demander qu'une
personne de son entourage soit informée, de son droit de demander
à être examinée par un médecin, enfin de son droit
de demander, lorsque vingt heures se sont écoulées depuis le
début de la garde à vue, à s'entretenir avec un avocat.
Elle doit en outre être informée des dispositions relatives
à la durée de la garde à vue.
L'Assemblée nationale a souhaité compléter cet article en
prévoyant, dans le premier paragraphe de l'article 2D du projet,
que la personne gardée à vue doit être informée de
la nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête.
L'article 5-2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales prévoit que
"
toute personne arrêtée doit être informée,
dans le plus court délai et dans une langue qu'elle comprend, des
raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre
elle
".
Il peut donc paraître utile de prévoir que la personne
gardée à vue doit être informée de la nature de
l'infraction recherchée. Il est vraisemblable que cette information est
d'ores et déjà donnée dans la plupart des cas, compte tenu
de la difficulté qu'il peut y avoir à conduire des
interrogatoires sans évoquer l'infraction recherchée.
Le second paragraphe de l'article 2D tend à modifier
l'article 63-1 du code de procédure pénale pour
prévoir que les dispositions de l'article 77-2 sont portées
à la connaissance de la personne gardée à vue.
L'article 20 du projet de loi tend en effet à insérer un
article 77-2 dans le code de procédure pénale, qui
permettrait à une personne ayant fait l'objet d'une mesure de garde
à vue d'interroger le procureur sur la suite donnée à la
procédure lorsqu'elle n'a pas fait l'objet de poursuites à
l'issue d'un délai de six mois à compter de la fin de la garde
à vue.
Si le renforcement de l'information des personnes mises en cause est un
objectif louable, il est possible de se demander s'il est vraiment pertinent
d'informer une personne, dès le début d'une garde à vue,
du fait qu'elle pourra, six mois plus tard, interroger le procureur de la
République sur la suite donnée à la procédure.
Votre commission estime qu'une telle information, à ce stade de la
procédure, ne fait pas partie de celles qui sont utiles à la
personne mise en garde à vue. Elle vous soumet donc un
amendement
de suppression de cette disposition.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 D
ainsi
modifié
.
Article 2 E
(Article 63-1 du code de
procédure
pénale)
Notification à la personne gardée à
vue de son droit
de ne pas répondre aux questions
Comme le
précédent, cet article, introduit dans le projet de loi par
l'Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement, tend à
modifier l'article 63-1 du code de procédure pénale.
L'Assemblée nationale a en effet souhaité que la personne
gardée à vue soit immédiatement informée qu'elle a
le droit de ne pas répondre aux questions qui lui seront posées
par les enquêteurs. D'autres amendements présentés à
l'Assemblée nationale tendaient à inscrire dans le code de
procédure pénale le droit pour la personne gardée à
vue de garder le silence, mais le garde des sceaux a estimé qu'il
était souhaitable que les enquêteurs puissent poser des questions
à la personne.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article additionnel après
l'article 2 E
(Article 63-1 du code de procédure
pénale)
Garde à vue d'une personne atteinte de
surdité
L'Assemblée nationale a adopté des dispositions
destinées à permettre aux personnes atteintes de surdité
d'être assistées, au cours des audiences, par une personne
disposant des compétences nécessaires ou de
bénéficier d'un dispositif technique leur permettant de
communiquer.
Votre commission estime que ce droit doit exister à tous les stades de
la procédure pénale et vous propose donc de le prévoir
à l'égard des personnes placées en garde à vue.
Article 2 F
(Article 63-2 du code de procédure
pénale)
Droit pour la personne gardée à vue de faire
informer
un membre de son entourage
L'article 63-2 du code de procédure pénale
permet
à toute personne placée en garde à vue de faire
prévenir par téléphone une personne avec laquelle elle vit
habituellement ou l'un de ses parents en ligne directe, l'un de ses
frères et soeurs ou son employeur de la mesure dont elle est l'objet.
La circulaire du 1
er
mars 1993 précise que
"
le texte ne prévoit pas expressément le délai
dans lequel cette information d'un membre de la famille doit être
assurée
.
L'officier de police judiciaire peut donc concilier les exigences
imposées par l'enquête (transport sur les lieux, perquisition
éventuelle au domicile familial...) avec le souci de prévenir en
temps utile une famille susceptible de s'inquiéter de l'absence de l'un
de ses membres. Cette information ne saurait cependant être trop
différée dans le temps : ainsi, l'avis à la famille
doit-il, en règle générale, être donné avant
la première nuit passée dans le service par la personne
concernée
. "
L'Assemblée nationale a souhaité modifier l'article 63-2
pour que l'information de la famille soit assurée "
sans
délai
". Dans ces conditions, l'officier de police judiciaire
devrait immédiatement faire droit à la demande de la personne ou
saisir le procureur s'il estimait ne pas devoir faire droit à cette
demande en raison des nécessités de l'enquête. Cette
saisine du procureur est en effet déjà prévue par
l'article 63-2 du code de procédure pénale.
L'équilibre proposé par l'Assemblée nationale paraît
satisfaisant et votre commission vous propose d'adopter cet article
sans
modification
.
Article 2 G
(Article 716 du code de procédure
pénale)
Régime de l'emprisonnement individuel pour les
prévenus
Curieusement, l'Assemblée nationale a introduit un
article
sur le régime d'emprisonnement des prévenus dans le chapitre du
projet de loi relatif à la garde à vue.
L'article 716 du code de procédure pénale, dans sa
rédaction actuelle, prévoit que les personnes en détention
provisoire sont placées au régime de l'emprisonnement individuel
de jour et de nuit. Toutefois, des dérogations sont prévues,
d'une part en raison des nécessités d'organisation du travail
lorsque les intéressés ont demandé à travailler,
d'autre part "
en raison de la distribution intérieure des
maisons d'arrêt ou de leur encombrement temporaire
".
L'Assemblée nationale, contre l'avis du Gouvernement, a estimé
souhaitable de supprimer la dérogation liée à la
distribution des maisons d'arrêt ou à leur encombrement. Sur
proposition de son rapporteur, elle a décidé de reporter
l'application de cette mesure trois ans après la publication de la loi.
Le principe de l'emprisonnement individuel pour les personnes mises en
détention provisoire est important car il peut permettre de limiter,
autant que faire se peut, le traumatisme lié à
l'incarcération que subissent des personnes présumées
innocentes. Il semble toutefois que ce principe soit aujourd'hui une exception,
du fait de l'encombrement des maisons d'arrêt françaises. Au
1
er
mai 1999, 21 197 prévenus et
18 998 condamnés étaient incarcérés dans
les maisons d'arrêt, soit un total de 40 195 détenus pour une
capacité opérationnelle de 31 687 places. Le
présent projet de loi a notamment pour objectif de réduire le
nombre de détentions provisoires et de limiter leur durée. Il est
donc possible d'espérer que la situation s'améliorera à
l'avenir.
Le présent article doit conduire le Gouvernement à mener une
action vigoureuse, afin que les prévenus soient enfin réellement
traités comme des personnes présumées innocentes. Il est
vrai que, dans quelques cas, il est préférable de ne pas laisser
une personne seule dans une cellule, surtout au début d'une
détention, mais cela ne saurait justifier l'état actuel des
maisons d'arrêt.
Certaines situations ne peuvent plus être acceptées dans un Etat
de droit.
Dans ces conditions, votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 2
(Article 63-4 du code de
procédure
pénale)
Demande d'entretien avec l'avocat dès le
début de la garde à vue
L'article 2 du projet de loi, présenté comme
l'une des dispositions les plus importantes du texte, prévoit la
possibilité pour une personne gardée à vue de
demander
à s'entretenir avec un avocat dès le début de la garde
à vue
.
Actuellement, une personne gardée à vue peut demander à
s'entretenir avec un avocat lorsque vingt heures se sont écoulées
depuis le début de la mesure. La personne peut désigner un
avocat. A défaut de désignation ou si l'avocat choisi ne peut se
déplacer, la personne peut demander qu'il lui en soit commis un d'office
par le bâtonnier. Le bâtonnier doit alors être informé
de la demande par tous moyens et sans délai. L'avocat doit pouvoir
communiquer avec la personne gardée à vue dans des conditions qui
garantissent la confidentialité de l'entretien. La durée de
l'entretien ne peut excéder trente minutes. L'avocat est informé
de la nature de l'infraction recherchée ; il peut, à l'issue
de l'entretien, présenter des observations écrites qui sont
jointes à la procédure. L'avocat ne peut faire état de
l'entretien auprès de quiconque pendant la durée de la garde
à vue.
Le délai à l'issue duquel la personne gardée à vue
peut demander à s'entretenir avec un avocat est porté à
trente-six heures lorsque l'enquête a pour objet la participation
à une association de malfaiteurs, les infractions de
proxénétisme ou d'extorsion de fonds aggravées ou une
infraction commise en bande organisée. La demande d'entretien n'est
possible qu'à l'issue de la soixante-douzième heure de garde
à vue en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants.
L'article 2 du projet de loi tend à modifier de manière
importante le régime de l'entrevue avec l'avocat :
- la personne gardée à vue pourrait désormais demander
à s'entretenir avec un avocat dès le début de la garde
à vue et non lorsque vingt heures se sont écoulées ;
- le projet de loi initial prévoyait que la personne pouvait
également demander à s'entretenir avec un avocat en cas de
prolongation de la garde à vue ; l'Assemblée nationale a
choisi de permettre, pour éviter que certaines gardes à vue
soient prolongées sans nécessité, une nouvelle
intervention de l'avocat à l'issue de la vingtième heure
plutôt qu'en cas de prolongation, puis, le cas échéant,
à l'issue de la douzième heure de prolongation ;
- l'avocat ne serait plus seulement informé de la nature de l'infraction
recherchée, mais également de sa date présumée.
Ce dispositif appelle plusieurs observations :
• L'idée de permettre l'intervention de l'avocat dès le
début de la garde à vue n'est pas neuve. La loi du
4 janvier 1993 avait prévu cette disposition tout en reportant
son application au 1
er
janvier 1994. Dans la proposition
de loi qui a donné naissance à la loi du
24 août 1993, M. le président
Jacques Larché avait proposé de retenir le principe de
l'intervention de l'avocat dès le début de la garde à vue,
tout en l'assortissant de certaines exceptions pour les
nécessités de l'enquête ou lorsqu'étaient
recherchées certaines infractions particulières.
Les débats parlementaires ont finalement conduit à maintenir le
régime transitoire prévu par la loi du 4 janvier 1993,
à savoir l'intervention de l'avocat à l'issue de la
vingtième heure de garde à vue. Un report de l'entretien à
l'issue de la trente-sixième heure a été prévu pour
certaines infractions tandis qu'aucun entretien n'était prévu en
matière de trafic de stupéfiants et de terrorisme. Cette
dernière disposition a été annulée par le Conseil
constitutionnel. La loi du 1
er
février 1994 a alors
prévu l'intervention de l'avocat à l'issue de la
soixante-douzième heure de garde à vue dans ces derniers cas.
• La possibilité d'intervention de l'avocat dès le
début de la garde à vue conduit à s'interroger sur la
nature de cette intervention. Le Conseil constitutionnel, dans sa
décision du 11 août 1993, avait estimé que
"
le droit de la personne à s'entretenir avec un avocat au cours
de la garde à vue constitue un droit de la défense, qui s'exerce
durant la phase d'enquête de la procédure pénale
(...) ". Il est toutefois difficile de considérer qu'un entretien
de trente minutes avec un avocat, qui ne peut prendre connaissance du dossier,
permettra réellement d'assurer l'organisation d'une défense. Au
demeurant, au début d'une garde à vue, il n'existe bien souvent
aucun dossier. Il semble donc que l'intervention de l'avocat -qu'elle soit
possible au début de la garde à vue ou à l'issue de la
vingtième heure- ait surtout pour objet de vérifier que la
garde à vue se déroule dans de bonnes conditions et de permettre
à l'avocat de prodiguer quelques conseils à la personne.
• La principale question que pose la modification des règles
relatives à la présence de l'avocat au cours de la garde à
vue est celle des moyens humains et financiers.
Dans l'étude d'impact du projet de loi, le Gouvernement a
procédé à une évaluation de cette mesure. Les
statistiques en matière de garde à vue ne permettent d'isoler que
les gardes à vue d'une durée de moins de vingt-quatre heures et
les gardes à vue d'une durée supérieure. En 1996, 24.824
des 61.735 personnes gardées à vue plus de vingt-quatre heures
ont pu s'entretenir avec un avocat, soit 40,6 %.
Le Gouvernement a appliqué ce pourcentage au nombre total de personnes
gardées à vue en 1996 et, compte tenu des tarifs actuels en
matière d'intervention des avocats au cours de gardes à vue en
cas de demande d'aide juridictionnelle,
a chiffré le coût de
cette mesure à 54.553.389 F
. Pour tenir compte des contraintes
d'organisation et de permanence entraînées par la réforme,
le Gouvernement a augmenté cette estimation de 20 %, portant ainsi
le
coût total estimé à 55.841.000 F
.
Il est possible de se demander si cette estimation ne risque pas de
s'avérer insuffisante. En premier lieu, elle repose sur les statistiques
de 1996 et le nombre de gardes à vue a très fortement
augmenté en 1997. En second lieu, elle ne prend en compte que
l'hypothèse d'un unique entretien avec l'avocat, alors que le texte
adopté par l'Assemblée nationale permet, au cours d'une garde
à vue prolongée, trois entretiens successifs entre un avocat et
la personne gardée à vue. Enfin, il est difficile de savoir quel
sera l'impact du nouveau régime. Il est loin d'être exclu que plus
de 40 % des personnes mises en garde à vue demande l'intervention
d'un avocat si celle-ci est possible au début de la mesure.
Les moyens humains suscitent une inquiétude plus grande encore. On
estime actuellement que 60 % des demandes d'entretien avec un avocat
formulées au cours des gardes à vue sont satisfaites, alors que
ces demandes, selon le Gouvernement, ne sont qu'au nombre de 24.000.
Qu'adviendra-t-il lorsque le nombre de demandes sera beaucoup plus
élevé ? Les personnes ayant un avocat pourront naturellement
le faire appeler, mais qu'en sera-t-il des personnes qui demandent qu'un avocat
leur soit commis d'office ? Dès à présent, les
barreaux ont des difficultés à satisfaire les demandes. Il est
à craindre que la situation ne s'aggrave fortement.
En 1991, la commission
" Justice pénale et droits de
l'homme "
présidée par
Mme Mireille Delmas-Marty, avait recommandé la présence
de l'avocat au cour des gardes à vue tout en lançant cet
avertissement :
" (...) l'opportunité d'une telle
réforme est subordonnée aux conditions pratiques de sa mise en
oeuvre. Que celles-ci soient négligées et il en
résulterait, non l'amélioration recherchée des garanties,
dont doivent bénéficier tous les justiciables, mais une
aggravation des inégalités face à la justice ".
Il est clair que la mise en oeuvre de la réforme aujourd'hui
proposée peut susciter des inquiétudes légitimes quant
à ses conditions de mise en oeuvre. Il paraît difficile de
considérer simplement, comme le fait l'étude d'impact, que
" il conviendra que l'ensemble des barreaux se mobilise pour la mise en
oeuvre de cette mesure, afin qu'elle s'applique de la même manière
sur l'ensemble du territoire ".
Votre commission souhaite donc insister sur la nécessité que
soient mis en oeuvre des moyens suffisants pour que cette mesure puisse
être appliquée de manière satisfaisante et que le plus
grand nombre de demandes possible puisse être satisfait.
• En ce qui concerne les effets de la possibilité offerte
à une personne de demander l'intervention d'un avocat dès le
début de la garde à vue, il est clair que ce nouveau droit ne
doit pas avoir pour effet de paralyser l'enquête. Aussi, si l'avocat ne
peut arriver immédiatement, les enquêteurs devraient pouvoir
commencer les interrogatoires et les investigations nécessaires. Le
texte ne donne aucun délai à l'avocat pour se présenter en
garde à vue, de sorte qu'il est possible qu'il n'arrive que plusieurs
heures après avoir été appelé. Dans un tel cas, les
nécessités de l'enquête et les droits de la défense
devront être conciliés, ce qui pourrait impliquer que l'avocat
doive attendre avant de s'entretenir avec la personne si, par exemple, une
perquisition était en cours.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 2 bis
(Article 77 du code de procédure
pénale)
Information du procureur dès le début de la
garde à vue
en cas d'enquête préliminaire
Cet
article tend à modifier l'article 77 du code de procédure
pénale relatif à la garde à vue au cours d'une
enquête préliminaire, afin de prévoir l'information du
procureur de la République dès le début de la garde
à vue et non plus dans les meilleurs délais comme actuellement.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 2 ter
(Article 4 de l'ordonnance
n° 45-174 du 2 février 1945)
Enregistrement des
interrogatoires des mineurs
Cet
article, introduit dans le projet par l'Assemblée nationale, tend
à compléter l'article 4 de
l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative
à l'enfance délinquante, qui porte sur le régime de la
garde à vue des mineurs, afin de prévoir l'enregistrement sonore
des interrogatoires des mineurs placés en garde à vue.
L'enregistrement serait placé sous scellés fermés et sa
copie serait versée au dossier. Sur décision d'un magistrat,
l'enregistrement original pourrait être écouté au cours de
la procédure.
Au Sénat, une proposition de loi (n° 264 rectifiée),
déposée par M. Xavier Dugoin et plusieurs de ses
collègues, prévoit pour sa part l'enregistrement audiovisuel des
interrogatoires pendant l'ensemble des gardes à vue. Les enregistrements
seraient consultables pendant une période de six mois, à la
demande des personnes ayant été mises en garde à vue ou de
leurs représentants et également du magistrat instructeur.
La commission de réflexion sur la justice a pour sa part estimé
"
indispensable l'enregistrement par magnétophone des
interrogatoires et confrontations en cours de garde à vue, les bandes
immédiatement placées sous scellés étant
écoutées en cas de divergence entre les propos rapportés
par procès-verbal et les déclarations
ultérieures
".
L'enregistrement audiovisuel des interrogatoires paraît avoir un
intérêt réduit. Il semble avoir pour objet d'éviter
certains comportements répréhensibles au cours de la garde
à vue. Les auteurs de la proposition de loi n° 264
rectifiée font valoir que "
nombre d'avocats ou de personnes
ayant connu la garde à vue font état de méthodes
employées par les enquêteurs qui contreviendraient au respect des
droits de l'individu (propos injurieux, menaces, fouilles au
corps...)
". Le droit d'être examiné par un
médecin, l'intervention de l'avocat, éventuellement à
trois reprises au cours d'une garde à vue, doivent permettre
d'éviter ces comportements que l'enregistrement audiovisuel des
interrogatoires ne suffirait quant à lui pas à empêcher.
En revanche, la mise en place d'un enregistrement sonore des interrogatoires de
gardes à vue peut paraître séduisante. Les
déclarations faites au cours des gardes à vue et transcrites dans
les procès-verbaux font en effet souvent l'objet de contestations et il
serait sous doute utile de disposer d'une trace précise des
déclarations.
Il paraît cependant singulier de limiter l'enregistrement des
interrogatoires aux mineurs. Il est certes possible de considérer que
les mineurs sont particulièrement vulnérables, mais il existe
d'autres catégories de personnes qui le sont autant. Surtout,
l'enregistrement des interrogatoires des mineurs impliquera l'équipement
de l'ensemble des lieux de garde à vue en magnétophones.
Dès lors, il ne serait sans doute pas beaucoup plus coûteux de
prévoir l'enregistrement sonore des interrogatoires au cours de
l'ensemble des mesures de garde à vue.
Sur le fond, il convient de garder à l'esprit qu'une telle mesure ne
sera pas nécessairement favorable -loin s'en faut- à la personne
gardée à vue. L'enregistrement de ses aveux risque de rendre plus
difficile une rétractation ultérieure.
En outre, les dispositions proposées par cet article sont très
imprécises en ce qui concerne la valeur juridique de ces enregistrements
et les possibilités d'utilisation au cours de la procédure.
Serait-il possible de diffuser l'enregistrement devant une cour d'assises ?
Votre commission estime au moins prématurée cette mesure, qui
pourrait avoir des conséquences opposées à celles qui
paraissent en être attendues.
Elle vous propose la
suppression
de cet article.
SECTION 2
Dispositions relatives à la
désignation de l'avocat
au cours de l'instruction
Article 3
(Articles 115 et 116 du code de procédure
pénale)
Modalités de désignation de l'avocat
Dans sa
rédaction actuelle, l'article 115 du code de procédure
pénale prévoit que les parties peuvent, à tout moment
d'une information, faire connaître au juge d'instruction le nom de
l'avocat qu'elles ont choisi. Lorsqu'elles ont plusieurs avocats, elles doivent
faire connaître celui d'entre eux auquel seront adressées les
convocations et notifications.
Cet article, tel qu'il a été interprété par la Cour
de cassation, ne permet pas à l'avocat d'informer lui-même le juge
d'instruction du fait qu'il a été choisi par une partie.
Lorsqu'une personne est en détention provisoire, cela peut
entraîner des retards dans la désignation de l'avocat et
empêcher que celui-ci puisse s'entretenir avec son client.
Le premier paragraphe de l'article 3 du projet de loi tend donc à
compléter l'article 115 du code de procédure pénale,
afin de prévoir que, lorsqu'une personne est détenue, le choix de
son avocat peut résulter d'un courrier adressé par cette personne
à l'avocat et le désignant pour assurer sa défense. Une
copie du courrier devrait alors être remise, en tout ou en partie, par
l'avocat au cabinet d'instruction. La personne mise en examen devrait
confirmer ce choix au juge d'instruction dans les quinze jours, sans que ce
délai fasse obstacle à la communication du dossier à
l'avocat.
Une telle simplification mérite d'être approuvée.
Le second paragraphe de cet article tend à modifier l'article 116
du code de procédure pénale, relatif à l'interrogatoire de
première comparution au cours d'une information. Cet article
prévoit notamment, lorsque la personne présentée au juge
d'instruction n'a pas déjà demandé l'assistance d'un
avocat, que le juge doit l'aviser de son droit de choisir un avocat ou de
demander qu'il lui en soit désigné un d'office. L'avocat choisi
ou, dans le cas d'une demande de commission d'office, le bâtonnier de
l'ordre des avocats, en est informé par tous moyens et sans délai.
Le projet de loi tend à compléter ces hypothèses pour
prévoir que lorsque l'avocat choisi ne peut être contacté
ou ne peut se déplacer, la personne est avisée de son droit de
demander qu'il lui en soit désigné un d'office pour l'assister au
cours de la première comparution. Il s'agit d'une mesure utile pour
l'exercice des droits de la défense.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
SECTION 2 BIS
Dispositions relatives aux
modalités de mise en examen
Article 3 bis
(Article 80-1 du code de procédure
pénale)
Caractère des indices permettant la mise en
examen
Le
projet de loi initial ne comportait aucune disposition relative à la
mise en examen. L'Assemblée nationale a estimé utile de
créer une section spécifique dans le projet de loi sur ce sujet,
dans laquelle elle a inséré un unique article.
Actuellement, l'article 80-1 du code de procédure pénale
prévoit que "
le juge d'instruction a le pouvoir de mettre en
examen toute personne à l'encontre de laquelle il existe des indices
laissant présumer qu'elle a participé, comme auteur ou complice,
aux faits dont il est saisi
".
L'article 3 bis du projet de loi, introduit par l'Assemblée
nationale, tend à ne permettre la mise en examen que des personnes
à l'encontre desquelles il existe des "
indices
précis
".
Il est pour le moins difficile de savoir où se situe la frontière
entre des "
indices
" et des "
indices
précis
". Ce terme n'est jusqu'à présent pas
employé dans le code de procédure pénale et l'on ne voit
guère en quoi il modifierait la situation actuelle.
En revanche, votre commission estime qu'il est souhaitable que la mise en
examen n'intervienne que sur des bases solides, d'autant plus que le statut de
témoin assisté sera généralisable jusqu'à ce
stade de l'instruction compte tenu de la rédaction qu'elle vous propose
à l'article 7.
Elle vous soumet un
amendement
tendant à ne permettre la mise en
examen d'une personne que lorsqu'il existe contre elle des
indices graves et
concordants
laissant présumer qu'elle a participé, comme
auteur ou complice à une infraction.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.
Article additionnel après l'article 3
bis
(Article
80-1 du code de procédure pénale)
Mise en examen par lettre
recommandée
L'article 80-1 du code de procédure pénale
permet au
juge d'instruction de mettre en examen une personne par lettre
recommandée. Votre commission estime anormal qu'une personne puisse
être mise en examen sans avoir jamais eu la possibilité
d'être entendue par le magistrat instructeur.
Elle propose donc, par un
amendement,
que le juge d'instruction qui
envisage de mettre en examen une personne par lettre recommandée doive
au préalable l'informer de son intention par lettre recommandée
avec demande d'avis de réception. La personne pourrait alors, dans un
délai de trois jours suivant la réception, demander à
être entendue par le juge d'instruction en présence de son avocat.
Le juge serait tenu de faire droit à cette demande. A défaut
d'une telle demande ou si la personne ne répondait pas à la
convocation, il pourrait procéder à la mise en examen par lettre
recommandée.
SECTION 3
Dispositions étendant les droits
des
parties
au cours de l'instruction
Article 4
(Article 82-1 du code de procédure
pénale)
Demandes d'actes par les parties
L'article 82-1 du code de procédure pénale
permet
aux parties, au cours de l'information, de saisir le juge d'une demande
écrite et motivée tendant à ce qu'il soit
procédé à leur audition ou à leur interrogatoire,
à l'audition d'un témoin, à une confrontation ou à
un transport sur les lieux, ou à ce qu'il soit ordonné la
production par l'une d'elles d'une pièce utile à l'information.
• Le
paragraphe I
de l'article 4 du projet de loi tend
à préciser que les parties peuvent demander à ce qu'il
soit procédé à tous autres actes qui leur paraissent
nécessaires à la manifestation de la vérité.
Cette modification tend à parachever l'évolution intervenue avec
la loi du 4 janvier 1993. Avant cette loi, le droit pour les parties
de demander des actes n'était prévu qu'en matière
d'expertises. La loi du 4 janvier 1993 a permis aux parties de formuler
d'autres demandes d'actes, en particulier ceux prévus dans le texte
actuel de l'article 82-1 du code de procédure pénale. La
possibilité pour les parties de demander à ce qu'il soit
procédé à tous actes qui leur paraissent
nécessaires à la manifestation de la vérité est
difficilement contestable. En effet, le Procureur de la République a
d'ores et déjà le droit de "
requérir du magistrat
instructeur tous actes lui paraissant utiles à la manifestation de la
vérité
".
La seule crainte que peut inspirer une extension de ce droit aux parties est
celle d'un alourdissement de la charge de travail du juge d'instruction et d'un
ralentissement de la procédure. Le juge peut en effet refuser de faire
droit aux demandes des parties, mais doit le faire par une ordonnance
motivée susceptible d'appel.
L'Assemblée nationale a souhaité compléter cette
disposition afin de préciser les conditions auxquelles doivent
répondre les demandes d'actes. L'article 8-2 du code de
procédure pénale précise déjà que la demande
doit être formée conformément au dixième
alinéa de l'article 81, lequel prévoit notamment que la
demande doit faire l'objet d'une déclaration au greffier du juge
d'instruction. L'Assemblée nationale a souhaité prévoir
explicitement que la demande d'acte doit porter sur des actes
déterminés et, lorsqu'il s'agit d'une demande d'audition,
préciser l'identité de la personne dont l'audition est
souhaitée. Cette disposition, qui a pour objet d'éviter des
demandes trop générales, figurait dans le projet initial, mais
dans le second paragraphe de l'article, relatif aux demandes d'actes que la
partie peut formuler en demandant qu'ils soient effectués en
présence de son avocat.
• Le
paragraphe II
de cet article tend en effet à
insérer un article 82-2 au sein du code de procédure
pénale pour prévoir que, lorsqu'une personne mise en examen
saisit le juge d'instruction d'une demande tendant à ce que ce magistrat
procède à un transport sur les lieux, à l'audition d'un
témoin, d'une partie civile ou d'une autre personne mise en examen, elle
peut demander que cet acte soit effectué en présence de son
avocat. La partie civile disposerait du même droit concernant un
transport sur les lieux, l'audition d'un témoin ou d'une autre partie
civile, l'interrogatoire de la personne mise en examen.
Le juge pourrait refuser ces demandes par ordonnance motivée susceptible
d'appel. En cas d'acceptation de la demande, il convoquerait l'avocat dans les
deux jours ouvrables avant la date du transport, de l'audition ou de
l'interrogatoire. L'avocat pourrait intervenir dans les mêmes conditions
qu'au cours des interrogatoires et des confrontations.
Cette disposition appelle quelques remarques. Elle ne concerne que des actes
demandés par la partie. Le juge d'instruction n'est donc pas tenu de
prévenir les parties de tous les actes auxquels il a l'intention de
procéder, afin de leur permettre de demander que leur avocat y assiste.
Par ailleurs, si le juge refuse de faire droit à la demande de
présence de l'avocat au cours d'un transport, d'une audition ou d'un
interrogatoire, l'appel éventuel de cette décision devant la
chambre d'accusation n'empêchera nullement le juge d'instruction de
procéder aux actes en cause, quitte, le cas échéant,
à devoir les recommencer en présence de l'avocat.
Il convient enfin de noter que le procureur peut, pour sa part,
déjà participer à un transport sur les lieux (article 92)
ainsi qu'aux interrogatoires et confrontations de la personne mise en examen et
aux auditions de la partie civile (article 119).
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 4 bis
(Article 82-3 nouveau du code de
procédure pénale)
Constatation de la prescription de
l'action publique
au cours de l'instruction
Cet
article, inscrit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale, tend
à insérer dans le code de procédure pénale un
article 82-3 destiné à faciliter la constatation de la
prescription de l'action publique au cours de l'instruction. Actuellement, les
parties peuvent demander au juge d'instruction de constater la prescription de
l'action publique, mais si celui-ci refuse de faire droit à cette
demande, la prescription ne peut être constatée que lors du
jugement au fond, de sorte que certaines personnes peuvent demeurer mises en
examen pendant une longue période, alors même que l'action
publique est prescrite.
Dans un arrêt du 19 janvier dernier, la chambre criminelle de la
Cour de cassation a confirmé que "
la décision du juge
d'instruction, rejetant l'exception de prescription invoquée par la
personne mise en examen, ne figure pas parmi les ordonnances dont, en
application des articles 186 et 186-1 du code de procédure
pénale, celle-ci peut relever appel, ses droits demeurant entiers devant
la juridiction de jugement
".
Pour faire face à cette situation, l'article 4 bis tend
à créer un article 82-3 dans le code de procédure
pénale, afin de prévoir que le juge d'instruction doit statuer
par une ordonnance motivée lorsqu'il conteste le bien-fondé d'une
demande des parties tendant à constater la prescription de l'action
publique.
Par ailleurs, cet article tend à modifier l'article 186-1 du code
de procédure pénale, relatif aux ordonnances susceptibles d'appel
devant la chambre d'accusation, afin d'inclure parmi la liste de ces
ordonnances celles contestant le bien-fondé d'une demande de
constatation de la prescription de l'action publique.
Votre commission vous soumet un
amendement
tendant à rectifier
une erreur matérielle.
Elle vous propose d'adopter l'article 4 bis
ainsi
modifié
.
Article 4 ter
(Article 116 du code de
procédure pénale)
Première comparution
L'article 116 du code de procédure pénale,
relatif à la première comparution devant le juge d'instruction,
prévoit notamment, dans sa rédaction actuelle, que le juge
d'instruction avertit la personne qu'elle ne peut être
immédiatement interrogée qu'avec son accord, que cet accord ne
peut être recueilli qu'en présence de son avocat, qu'enfin, si la
personne désire faire des déclarations, celles-ci sont
immédiatement reçues par le juge d'instruction.
L'Assemblée nationale a pris l'initiative de modifier cette partie de
l'article 116, afin de consacrer le droit au silence de la personne qui
comparaît devant le juge d'instruction. Ainsi, le juge d'instruction
devrait avertir la personne qu'elle a le droit soit de se taire, soit de faire
des déclarations, soit d'être interrogée. L'accord pour
être interrogé ne pourrait, comme actuellement, être
donné qu'en présence d'un avocat.
A vrai dire, cet article ne paraît pas apporter un changement
décisif par rapport au droit actuel, puisqu'une personne a
déjà le droit de se taire au cours des interrogatoires
menés par le juge d'instruction.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 4 quater
(Article 120 du code de
procédure pénale)
Organisation des interrogatoires et
confrontations
L'article 120 du code de procédure pénale
prévoit actuellement qu'au cours des interrogatoires et confrontations,
le procureur de la République et les avocats des parties ne peuvent
prendre la parole que pour poser des questions après y avoir
été autorisés par le juge d'instruction. En cas de refus,
le texte des questions est reproduit et joint au procès-verbal.
L'Assemblée nationale a adopté un amendement prévoyant une
nouvelle rédaction de cet article, destinée à renforcer
les droits de la défense en permettant aux parties d'intervenir de
manière plus active dans les interrogatoires et confrontations.
Le juge d'instruction conserverait la direction des interrogatoires,
confrontations et auditions. Le procureur et les avocats des parties pourraient
poser des questions ou présenter de brèves observations. Le juge
d'instruction déterminerait, s'il y a lieu, l'ordre des interventions et
pourrait y mettre un terme lorsqu'il s'estimerait suffisamment informé.
Il pourrait s'opposer aux questions de nature à nuire au bon
déroulement de l'information ou à la dignité de la
personne.
Le changement proposé peut paraître symbolique, mais semble
effectivement renforcer le caractère contradictoire de la
procédure, même si l'on peut penser que nombre de juges
d'instruction dirigent d'ores et déjà les interrogatoires en
permettant aux parties d'intervenir.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article additionnel après l'article
4 quater
(Article 121 du code de procédure
pénale)
Mise en examen d'une personne atteinte de
surdité
L'Assemblée nationale a adopté des dispositions
destinées à permettre aux personnes atteintes de surdité
d'être assistées, au cours des audiences, par une personne
disposant des compétences nécessaires ou de
bénéficier d'un dispositif technique leur permettant de
communiquer.
Votre commission estime que de droit doit exister à tous les stades de
la procédure pénale et vous propose donc de le prévoir,
pendant le déroulement de l'information, à l'égard des
personnes mises en examen.
Article 5
(Articles 156, 164 et 167 du code de
procédure pénale)
Renforcement des droits des parties en
matière d'expertise
Cet
article a pour objet de renforcer les droits des parties en ce qui concerne les
expertises ordonnées au cours de l'instruction.
• Le
paragraphe I
tend à compléter le premier
alinéa de l'article 156 du code de procédure pénale,
qui prévoit que toute juridiction d'instruction ou de jugement, dans le
cas où se pose une question d'ordre technique, peut, soit à la
demande du ministère public, soit d'office, ou à la demande des
parties, ordonner une expertise. Ce texte serait complété pour
prévoir que le ministère public ou la partie qui demande une
expertise peut préciser dans sa demande les questions qu'il voudrait
voir poser à l'expert.
• Le
paragraphe II
de cet article tend à compléter
l'article 164 du code de procédure pénale. Cet article
prévoit que les experts peuvent recevoir les déclarations de
personnes autres que la personne mise en examen. En ce qui concerne la personne
mise en examen, elle peut être interrogée en présence des
experts par le juge d'instruction en observant certaines formalités
(présence de l'avocat dûment convoqué, avertissement du
procureur de la République).
Toutefois, la personne mise en examen peut renoncer au bénéfice
de cette déclaration expresse devant le juge d'instruction et fournir
aux experts, en présence de son avocat, les explications
nécessaires à l'exécution de leur mission. La personne
mise en examen peut également renoncer, par déclaration
écrite remise aux experts, à l'assistance de son avocat pour une
ou plusieurs auditions.
Enfin, les médecins et les psychologues chargés d'examiner la
personne mise en examen peuvent lui poser les questions nécessaires
à l'accomplissement de leur mission, hors la présence du juge et
des avocats.
L'article 164 précise que ces dispositions relatives à la
personne mise en examen s'appliquent à la personne
bénéficiant des dispositions de l'article 104,
c'est-à-dire la personne nommément visée par une plainte
avec constitution de partie civile, qui demande à être entendue
comme témoin assisté.
Le projet de loi tend à procéder à une refonte
complète du statut du témoin assisté dans ses
articles 6 et 7. Dans ces conditions, la référence à
l'article 104 dans l'article 164 serait remplacée par une
référence plus générale au témoin
assisté. En outre, les dispositions relatives à la personne mise
en examen seraient également étendues à la partie civile.
Il s'agit d'un renforcement bienvenu de l'égalité entre les
parties.
• Le
paragraphe III
de cet article tend à modifier
l'article 167, relatif à la notification des conclusions des
expertises. Cet article prévoit notamment que le juge donne connaissance
des conclusions des experts aux parties et à leurs avocats après
les avoir convoqués et que les conclusions peuvent également
être notifiées par lettre recommandée ou par les soins du
chef de l'établissement pénitentiaire lorsque la personne est
détenue.
Le projet de loi initial tendait à modifier cet article, afin de
prévoir, en cas de convocation, que le juge devrait remettre, à
la demande, une copie de l'intégralité du rapport aux avocats des
parties. En cas de notification par lettre recommandée, le projet de loi
initial prévoyait la notification de l'intégralité du
rapport, non plus des conclusions, aux parties.
L'Assemblée nationale a modifié cet article, afin de
prévoir que, dans tous les cas, la notification de
l'intégralité du rapport est faite aux avocats et non aux parties
et qu'il faut une demande préalable pour que le rapport soit
notifié par lettre recommandée. Elle a en outre rétabli la
notification des conclusions par lettre recommandée en l'absence de
convocation par le juge d'instruction.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article additionnel après
l'article 5
(Articles 89-1, 116, 173-1 du code de procédure
pénale)
Délai de recevabilité de certaines
requêtes en nullité
L'attention de votre commission a été
attirée
sur certaines situations dans lesquelles une cause de nullité survenue
au début d'une procédure pénale peut avoir pour
conséquence la nécessité de recommencer l'ensemble de
cette procédure. Les inconvénients de ce système ont
été soulignés à la fois par des avocats et des
magistrats.
Dans ces conditions, votre commission vous propose un amendement tendant
à créer un article 173-1 dans le code de procédure
pénale, fixant aux parties, sous peine d'irrecevabilité, un
délai pour faire état des moyens puis de la nullité de
certains actes.
Les actes concernés sont :
- pour la personne mise en examen, ceux accomplis avant son interrogatoire de
première comparution ou cet interrogatoire lui-même ;
- pour la partie civile, ceux accomplis avant sa première audition ou
cette audition elle-même. Le délai pour faire état des
moyens pris de la nullité des actes serait de six mois, sauf dans les
cas où l'intéressé ne pourrait connaître la
nullité.
Cet article additionnel prévoit, en outre, des coordinations dans les
articles 89-1 et 116 du code de procédure pénale, afin d'exiger
que le juge d'instruction informe les parties de ces dispositions. De
même, l'article 173 du code de procédure pénale,
relatif aux cas d'irrecevabilité d'une demande de nullité
constatés par le président de la chambre d'accusation serait
complété, afin d'y ajouter le cas prévu par l'article
173-1 nouveau.
Ces dispositions devraient permettre d'éviter certaines situations
très difficiles devant les chambres d'accusation, celle-ci pouvant
être saisies de demandes de nullité portant sur des actes
accomplis plusieurs années auparavant.
SECTION 4
Dispositions relatives au témoin
et au
témoin assisté
Article 6
(Articles 101, 109, 153 et 154 du code de procédure
pénale)
Témoins
•
La section IV du chapitre Ier du titre III du livre Ier du
code de procédure pénale concerne les auditions de
témoins. L'un des objectifs du projet de loi étant de consacrer
et d'élargir le statut du témoin assisté, l'article 6
du projet tend, dans son
paragraphe I
à réorganiser la
section du code relative aux témoins afin de distinguer les dispositions
générales, qui feront l'objet des articles 101 à 113
et les dispositions relatives au témoin assisté, qui feront
l'objet des articles 113-1 à 113-8.
• Le
paragraphe II
tend à compléter
l'article 101 du code de procédure pénale. Actuellement,
celui-ci prévoit les différentes modalités de convocation
des témoins par le juge d'instruction. Le juge peut les faire citer par
un huissier ou par un agent de la force publique, les convoquer par lettre
simple, par lettre recommandée ou par la voie administrative. Ils
peuvent également comparaître volontairement. L'article 101
serait complété, afin de prévoir que le témoin est
avisé, en cas de citation ou de notification, que s'il ne
comparaît pas ou refuse de comparaître, il pourra y être
contraint par la force publique, conformément à
l'article 109 du code, qui permet notamment au juge d'infliger au
témoin l'amende prévue pour les contraventions de la
cinquième classe (10.000 F au maximum).
Ces dispositions pourraient permettre de ne pas attendre le jour prévu
pour la comparution d'un témoin pour faire intervenir la force publique
lorsque le témoin refuse de comparaître.
Votre commission propose, par un
amendement
, d'insérer un
paragraphe additionnel après le paragraphe II, afin que les
témoins atteints de surdité, puissent être assistés,
pour leur audition, par une personne compétente ou
bénéficier d'un dispositif technique lui permettant de
communiquer.
• Le
paragraphe III
tend à procéder à une
coordination dans l'article 109 du code de procédure pénale,
relatif à la comparution des témoins.
• Le
paragraphe IV
tend tout d'abord à rectifier une erreur
de référence au sein de l'article 153 du code de
procédure pénale relatif à l'audition de témoins au
cours de l'exécution d'une commission rogatoire.
Par ailleurs, le 2° de ce paragraphe tend à compléter
l'article 153 pour prévoir que dans les cas où elle est
placée en garde à vue conformément aux dispositions de
l'article 154, la personne entendue comme témoin ne peut être
retenue que le temps strictement nécessaire à son audition. Le
maintien de ce paragraphe dans le texte adopté par l'Assemblée
nationale peut susciter des interrogations. L'Assemblée nationale a
décidé d'harmoniser les régimes de garde à vue en
cas d'enquête préliminaire, d'enquête de flagrance et de
commission rogatoire. Dans le texte qu'elle a adopté, aucun
témoin ne peut plus être mis en garde à vue. Il
paraît donc paradoxal d'évoquer le cas où un témoin
est placé en garde à vue au cours de l'exécution d'une
commission rogatoire.
• Enfin, le
paragraphe V
de cet article, adopté à
l'initiative de l'Assemblée nationale, tend à compléter
l'article 154 du code de procédure pénale, relatif aux
gardes à vue au cours de l'exécution d'une commission rogatoire.
Cet article prévoit que certaines dispositions inscrites dans la partie
du code relative aux enquêtes de flagrance sont applicables aux gardes
à vue effectuées au cours de l'exécution d'une commission
rogatoire. Il s'agit des articles 63-1 (notification des droits), 63-2
(droit de faire prévenir un membre de son entourage), 63-3 (droit
à un examen médical), 63-4 (droit à un entretien avec un
avocat), 64 (contenu des procès-verbaux d'auditions) et 65 (inscription
de certaines mentions sur un registre spécial). L'Assemblée
nationale a souhaité compléter ces références par
un renvoi à l'article 63. Cet ajout paraît pour le moins
curieux, l'article 63 étant celui qui permet la garde à vue
au cours d'une enquête de flagrance. L'article 154 contient des
dispositions pratiquement identiques, surtout après l'harmonisation
opérée par l'Assemblée nationale, dans les
articles 2B et 2C du projet, entre les différentes réformes
de garde à vue.
Votre commission vous soumet donc un
amendement
de suppression du
2° du paragraphe IV de cet article, ainsi que du paragraphe V.
Elle vous propose d'adopter l'article 6
ainsi modifié
.
Article 7
(Articles 113-1 à 113-8
nouveaux du
code de procédure pénale)
Témoin assisté
L'article 7 est l'une des dispositions importantes de ce
projet
de loi. Il tend en effet à opérer une refonte complète du
statut du témoin assisté, en particulier pour inciter les juges
d'instruction à y recourir plus fréquemment.
La notion de témoin assisté résulte de la loi du
30 décembre 1987. Jusqu'à cette date,
l'article 104 du code de procédure pénale prévoyait
qu'une personne nommément visée dans une plainte avec
constitution de partie civile ne pouvait être entendue comme simple
témoin qu'avec son accord et pouvait demander à être
inculpée. La loi de 1987 a permis aux personnes visées dans une
plainte avec constitution de partie civile de demander à être
entendues en bénéficiant d'un avocat ayant accès au
dossier, mais sans faire l'objet d'une inculpation.
La loi du 24 août 1993 a permis la mise en place d'une seconde forme
de témoin assisté. L'article 105 du code de procédure
pénale permet en effet au juge d'instruction, lorsqu'il estime ne pas
devoir mettre en examen une personne nommément visée par le
réquisitoire du procureur de la République, de l'entendre comme
témoin. La personne bénéficie alors de tous les droits
reconnus aux personnes mises en examen.
Le statut dit du " témoin assisté " (ce terme ne figure
pas actuellement dans le code de procédure pénale) semble
aujourd'hui très peu utilisé, alors qu'il peut permettre
d'éviter ou de retarder certaines mises en examen, lorsque les
éléments contre la personne en cause n'apparaissent pas
suffisamment solides. En outre, les articles 104 et 105 du code de
procédure pénale prévoient des régimes
différents selon que la personne est mise en cause par une plainte avec
constitution de partie civile ou nommément visée dans le
réquisitoire du procureur de la République. Dans le premier cas,
cette personne ne bénéficie que du droit d'être
assistée par un avocat, dans le second cas, elle bénéficie
de tous les droits reconnus à la personne mise en examen. Elle peut
ainsi demander des actes et déposer des requêtes en nullité.
Dès 1995, la mission d'information de la commission des Lois du
Sénat sur le respect de la présomption d'innocence et le secret
de l'enquête et de l'instruction avait proposé que le statut du
témoin assisté soit élargi afin que les juges
d'instruction puissent y recourir plus aisément.
La commission de réflexion sur la justice présidée par
M. Pierre Truche s'est penchée sur cette question et est
parvenue à des conclusions similaires : " (...)
au
début
de certaines procédures pénales, y compris de
celles ouvertes à l'initiative du parquet, la responsabilité des
personnes soupçonnées apparaît difficile à cerner.
Afin de mieux protéger la présomption d'innocence, il serait,
dans ces cas, souhaitable que les juges d'instruction ne procèdent pas
immédiatement à une mise en examen et qu'ils utilisent les
dispositions législatives leur permettant d'entendre les
intéressés en qualité de témoins, en
présence d'un avocat ayant accès au dossier
(...).
" Afin d'inciter les magistrats instructeurs à utiliser plus
souvent qu'aujourd'hui les possibilités offertes par ces textes, la
commission estime opportune une modification des articles 104 et 105 du
code de procédure pénale pour donner au juge d'instruction, en
l'absence même de toute demande d'un témoin, le pouvoir de lui
accorder d'office l'assistance d'un avocat, qu'il soit ou non visé par
l'acte qui l'a saisi
.
"
Le projet de loi tend à insérer une sous-section consacrée
au témoin assisté dans la section du code relative aux auditions
de témoins. L'étude d'impact du texte précise que
"
cette modification est de nature à promouvoir les nouveaux
textes
".
• Le texte proposé pour les
articles 113-1 et 113-2
nouveaux du code de procédure pénale
tend à
redéfinir le champ d'application du statut de témoin
assisté.
En ce qui concerne les personnes nommément visées par un
réquisitoire du procureur de la République, le juge d'instruction
ne pourrait que les mettre en examen ou les entendre comme témoin
assisté, comme c'est d'ores et déjà le cas. Les personnes
nommément visées par une plainte avec constitution de partie
civile, qui ne seraient pas mises en examen, pourraient être entendues
comme témoin assisté et bénéficieraient
obligatoirement de ce régime si elles en faisaient la demande. Là
encore, cette disposition ne prévoit pas de changement par rapport au
droit actuel, sinon que le juge d'instruction pourrait accorder d'office le
statut de témoin assisté.
Enfin, une personne nommément visée par une plainte ou une
dénonciation, qui ne serait pas mise en examen, pourrait
également être entendue comme témoin assisté. La
possibilité pour le juge d'accorder au moins ce statut à cette
personne paraît laissée à sa discrétion.
Le projet de loi ne retient pas entièrement les propositions de la
mission d'information du Sénat, qui estimait souhaitable un
élargissement plus important du champ d'application du statut du
témoin assisté.
Or, si l'on veut réellement que la mise en examen soit, compte tenu de
ses conséquences souvent irréparables pour la personne,
mûrement réfléchie et décidée uniquement
lorsqu'elle est indispensable à la poursuite de l'information, il faut
donner un champ aussi large que possible au statut du témoin
assisté tout en réservant la mise en examen au stade de
l'instruction où existent des indices graves et concordants.
Votre commission vous propose donc, par
amendement
, que le juge
d'instruction puisse accorder le statut de témoin assisté
à toute personne mise en cause par un témoin ou par la victime au
cours de l'instruction ainsi qu'aux personnes à l'encontre desquelles il
existe des indices laissant présumer qu'elles ont pu commettre une
infraction. Ce statut serait obligatoirement accordé à ces
personnes si elles en faisaient la demande.
• Le texte proposé pour l'
article 113-3 du code de
procédure pénale
prévoit que le témoin
assisté bénéficie des droits reconnus à la personne
mise en examen. Le choix consistant à accorder aux témoins
assistés l'ensemble des droits reconnus aux personnes mises en examen
(notamment le droit de demander des actes et le droit pour l'avocat
d'accéder au dossier) et non seulement le droit d'être
assisté par un avocat mérite d'être approuvé.
• Le texte proposé pour l'
article 113-4 du code de
procédure pénale
définit les conditions de la
première audition du témoin assisté. Le juge d'instruction
devrait constater son identité, lui donner connaissance du
réquisitoire introductif, de la plainte ou de la dénonciation,
l'informer de ses droits et procéder à certaines des
formalités prévues par l'article 116 du code de
procédure pénale, relatif à l'interrogatoire de
première comparution (possibilité de déclarer l'adresse
d'un tiers chargé de recevoir les actes, information de la personne du
fait qu'elle doit déclarer tout changement d'adresse jusqu'au
règlement de l'information). Le juge d'instruction pourrait
également faire savoir à une personne qu'elle sera entendue comme
témoin assisté par l'envoi d'une lettre recommandée
comportant les informations qui devront être données à la
personne lorsqu'une audition est prévue et précisant que le nom
de l'avocat choisi ou la demande de désignation d'un avocat commis
d'office devront être communiqués au greffier du juge
d'instruction.
• Le texte proposé pour l'
article 113-5 du code de
procédure pénale
prévoit que le témoin
assisté ne peut être placé sous contrôle judiciaire
ou en détention provisoire, ni faire l'objet d'une ordonnance de renvoi
ou de mise en accusation. Il s'agit en particulier de maintenir l'obligation de
mettre une personne en examen pour envisager sa mise en accusation ou prendre
une ordonnance de renvoi.
• Le texte proposé pour l'
article 113-6 du code de
procédure pénale
revêt une grande importance. Il a en
effet pour objet de prévoir que les dispositions de l'article 105, qui
interdisent au juge d'instruction d'entendre comme témoin une personne
à l'encontre de laquelle il existe des indices graves et concordants
d'avoir commis une infraction, ne s'appliquent pas au témoin
assisté. Cette évolution est importante, car actuellement,
certains magistrats recourent rapidement à la mise en examen, afin
d'éviter des nullités de la procédure pour mise en examen
tardive. Le statut du témoin assisté pourrait donc permettre au
juge de n'envisager la mise en examen que lorsqu'elle est strictement
nécessaire.
• Le texte proposé pour l'
article 113-7 du code de
procédure pénale
prévoit que le témoin
assisté ne prête pas serment. Actuellement, la solution est
inverse et le témoin assisté prête serment comme les autres
témoins.
• Le texte proposé pour l'
article 113-8 du code de
procédure pénale
concerne la mise en examen des personnes
bénéficiant du statut de témoin assisté. Cet
article précise que le juge d'instruction peut mettre en examen à
tout moment de la procédure une personne entendue comme témoin
assisté. Le texte précise qu'en cas de notification de la mise en
examen par lettre recommandée, la lettre peut être adressée
en même temps que l'avis de fin d'information (qui donne un délai
de vingt jours à la personne mise en examen pour faire des demandes
d'actes ou des requêtes en nullité). L'étude d'impact du
projet de loi précise que la mention expresse du fait que la mise en
examen peut être faite par lettre recommandée "
est de
nature à favoriser le recours au témoin assisté (le juge
n'étant pas systématiquement obligé de reconvoquer la
personne pour la mettre en examen, ce qui prolongerait la procédure) et
à reculer dans le temps le " passage " du statut de
témoin assisté à celui de mis en examen
". De
fait, si la mise en examen des témoins assistés n'était
possible qu'au cours d'une comparution, le juge ne serait guère
incité à recourir à ce statut, alors même qu'il peut
aujourd'hui mettre une personne en examen par lettre recommandée.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article 8
(Article 197-1 nouveau du code de
procédure pénale)
Observations du témoin
assisté devant la chambre d'accusation
en cas d'appel d'une
ordonnance de non-lieu
Cet
article tend à insérer dans le code de procédure
pénale un article 197-1 précisant qu'en cas d'appel d'une
ordonnance de non-lieu, le témoin assisté peut, par
l'intermédiaire de son avocat, faire valoir ses observations devant la
chambre d'accusation.
Cette précision peut paraître inutile, dans la mesure où le
témoin assisté est appelé à
bénéficier de l'ensemble des droits réservés
à la personne mise en examen. Il semble que le Gouvernement ait craint
que le témoin assisté puisse ne pas être
considéré comme une partie à la procédure.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
SECTION 5
Dispositions renforçant les
droits des
parties
au cours de l'audience de jugement
Article 9 A
(Article 312 du code de procédure
pénale)
Questions au cours d'un procès criminel
L'article 312 du code de procédure pénale
prévoit, dans sa rédaction actuelle, qu'au cours d'un
procès criminel le ministère public, l'accusé, la partie
civile, les conseils de l'accusé et de la partie civile peuvent poser
des questions, par l'intermédiaire du président, aux
accusés, aux témoins et à toutes personnes appelées
à la barre.
L'article 9 du projet de loi prévoyant une évolution des
règles relatives aux questions au cours d'un procès
correctionnel, l'Assemblée nationale a estimé souhaitable de
modifier, dans cet article 9 A, les règles applicables devant
la cour d'assises.
L'article 312 du code de procédure pénale serait
modifié pour permettre au ministère public et aux conseils de
l'accusé et de la partie civile de poser directement des questions aux
accusés, aux témoins et à toutes personnes appelées
à la barre en demandant la parole au président. L'accusé
et la partie civile continueraient, pour leur part, à ne pouvoir poser
des questions que par l'intermédiaire du président.
La loi du 4 janvier 1993 avait conduit à l'introduction dans
le code de procédure pénale d'une procédure
entièrement accusatoire à l'audience, en matière
criminelle comme en matière correctionnelle. Le système retenu
était celui de la "
cross-examination
" en vigueur dans
les pays anglo-saxons, qui permet des interrogatoires croisés par
l'accusation et la défense. Il convient de noter que ce système
implique des procès plus longs qu'un système dans lequel les
débats sont conduits par le président. Aux Etats-Unis, une telle
procédure peut fonctionner, parce que le système du
" plaider coupable " limite considérablement le nombre de
véritables procès. La loi du 24 août 1993 a
abrogé l'ensemble des dispositions de la loi du
4 janvier 1993, qui modifiaient les règles applicables
à l'audience.
Les propositions formulées par l'Assemblée nationale reprennent
celles formulées dans le projet de loi portant réforme de la
procédure criminelle examiné par le Sénat en
première lecture en avril 1997, mais qui n'a pu être
adopté définitivement.
Votre commission vous propose, par un
amendement
, d'harmoniser la
rédaction proposée avec celle prévue par l'article 9
en matière correctionnelle.
Elle vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Articles 9 B et 9 C
(Articles 345
et
408 du code de procédure pénale)
Accusé,
prévenu ou témoin atteint de surdité
Dans sa
rédaction actuelle, l'article 345 du code de procédure
pénale prévoit, que devant la cour d'assises, lorsque
l'accusé ou un témoin est sourd-muet et ne sait pas
écrire, le président nomme d'office en qualité
d'interprète la personne qui a le plus l'habitude de converser avec lui.
Lorsque le sourd-muet sait écrire, les questions ou observations sont
rédigées par le greffier et remises à l'accusé ou
au témoin, qui répond par écrit. L'article 408 du
code de procédure pénale prévoit une procédure
identique devant le tribunal correctionnel.
L'Assemblée nationale a adopté deux amendements modifiant ces
règles. Les articles 345 et 408 préciseront désormais
qu'en présence d'un accusé (un prévenu devant le tribunal
correctionnel) ou d'un témoin sourd, le président devrait
d'office désigner "
une interface : interprète en
langue des signes, codeur en langage parlé complété ou
transcripteur
". L'interface devrait prêter serment
"
d'apporter son concours à la justice en son honneur et en sa
conscience
". En revanche, la procédure demeurerait
inchangée en présence d'une personne sourde sachant écrire.
Au cours des débats à l'Assemblée nationale,
Mme Dominique Gillot, auteur des amendements, a fait valoir que les
personnes sourdes "
se trouvent en grande difficulté, notamment
quand elles sont devant une juridiction qui n'est pas avertie de leur
déficit de communication
".
L'intérêt principal de la modification proposée
paraît être le remplacement de la référence au
témoin ou à l'accusé "
sourd-muet
" par
une référence au témoin ou à l'accusé
"
sourd
". Cette évolution pourrait permettre aux
personnes qui ne sont pas muettes, mais peuvent néanmoins avoir des
difficultés d'expression, de bénéficier de l'assistance
d'une personne compétente ou d'un système technique leur
permettant de se faire comprendre.
La rédaction proposée pour cet article par l'Assemblée
nationale ne paraît guère pouvoir être retenue. En
particulier, certains des termes employés, tels que celui d'interface,
ne sont guère juridiques.
Votre commission, approuvant l'esprit de ces articles, vous en propose, par
deux amendements, une nouvelle rédaction. Elle a par ailleurs
décidé de prévoir également un renforcement des
droits des personnes atteintes de surdité au cours de l'enquête et
de l'instruction par deux articles additionnels après les articles 2 E
et 4 quater.
Votre commission vous propose d'adopter les articles 9 B et 9 C
ainsi modifiés
.
Article 9
(Article 442-1 nouveau du code de
procédure pénale)
Questions au cours d'une audience
correctionnelle
•
Cet article tend, dans son
paragraphe I
, à insérer au sein
du code de procédure pénale un article 442-1, pour
permettre, devant le tribunal correctionnel, au ministère public et aux
avocats des parties de poser directement des questions au prévenu,
à la partie civile, aux témoins et à toutes personnes
appelées à la barre, en demandant la parole au président.
Naturellement, cette procédure devrait être appliquée sans
préjudice des dispositions de l'article 401 du code de
procédure pénale, qui prévoit que le président a la
police de l'audience et la direction des débats.
Actuellement, selon l'article 442 du code de procédure
pénale, seul le ministère public peut poser directement des
questions au prévenu. Cette faculté serait donc étendue
aux avocats des parties. Le prévenu et la partie civile continueraient
à ne pouvoir poser des questions que par l'intermédiaire du
président.
• Le
paragraphe II
de cet article tend à opérer une
coordination dans l'article 442 du code de procédure pénale.
• Le
paragraphe III
tend à opérer une coordination
dans l'article 454 du code de procédure pénale, qui permet
dans sa rédaction actuelle, au président du tribunal de poser,
après chaque déposition, au témoin les questions
nécessaires et, s'il y a lieu, celles qui lui sont proposées par
les parties. La modification proposée permettra au ministère
public et aux parties de poser des questions dans les conditions prévues
au nouvel article 442-1 du code de procédure pénale.
Les dispositions des articles 9 A et 9, qui permettent aux avocats et
au ministère public de poser directement des questions, consacrent une
pratique de plus en plus répandue et qui, en fait, peut permettre de
raccourcir la durée des débats, dans la mesure où poser
directement une question est plus rapide que demander au président de
poser lui-même cette question.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article additionnel après
l'article 9
(Article
304 du code de procédure pénale)
Serment des
jurés
Le
présent projet de loi concernant à la fois la présomption
d'innocence et les droits des victimes, votre commission estime opportun
d'opérer à cette occasion une modification symbolique, mais
importante du serment que prononcent les jurés en cour d'assises.
Cet amendement tend à faire promettre aux jurés de
ne pas
trahir les intérêts de la victime
, alors qu'ils ne promettent
aujourd'hui que de ne trahir ni les intérêts de l'accusé ni
ceux de la société qui l'accuse.
En outre, les jurés devraient promettre de
se rappeler que
l'accusé est présumé innocent et que le doute doit lui
profiter
, ce qui n'est pas prévu actuellement.
Ces modifications étaient prévues dans le projet de loi
réformant la procédure criminelle, présenté en
1996, par M. Jacques Toubon, alors garde des sceaux, mais n'ont pu
être définitivement adoptées.
CHAPITRE II
DISPOSITIONS RENFORÇANT LES
GARANTIES
JUDICIAIRES EN MATIÈRE DE DÉTENTION
PROVISOIRE
SECTION 1 A
Dispositions
générales
Proposant la suppression des trois articles la composant, votre commission propose également la suppression de cette section.
Article 10 A
(Article 137 du code de procédure
pénale)
Détention provisoire
L'article 137 du code de procédure pénale
énonce la possibilité de mettre en détention provisoire
certaines personnes, tout en affirmant le caractère exceptionnel de
cette mesure. Il prévoit en effet que les personnes mises en examen
restent libres, sauf, à raison des nécessités de
l'instruction ou à titre de mesure de sûreté, à
être soumises au contrôle judiciaire ou, à titre
exceptionnel, placées en détention provisoire.
L'article 10 A, inséré dans le projet de loi par
l'Assemblée nationale, prévoit une réécriture de
cet article 137, dont le seul apport consiste à préciser que
la personne mise en examen est présumée innocente.
L'article IX de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen
prévoit que "
Tout homme étant présumé
innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré
coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur
qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit
être sévèrement réprimée par la
loi
".
L'article premier du projet de loi prévoit l'inscription en tête
du code de procédure pénale de quelques principes, dont celui de
la présomption d'innocence.
Faut-il, dans ces conditions, répéter ce principe, au sein du
code de procédure pénale, dans l'article consacré à
la détention provisoire. Cette idée peut paraître
séduisante, mais n'a pas emporté la conviction de votre
commission. D'une part, ce rappel n'apporte rien au droit existant. D'autre
part et surtout, accoler les termes "
personne mise en
examen
" et "
présumée innocente
" a
pour effet de faire apparaître en pleine lumière que la
présomption d'innocence est un idéal vers lequel il faut tendre,
mais qui est difficile à atteindre.
Le code de procédure pénale définit en effet la personne
mise en examen comme une "
une personne à l'encontre de laquelle
il existe des indices laissant présumer qu'elle a participé,
comme auteur ou complice
" aux faits dont est saisi le juge
d'instruction. La personne est donc présumée innocente, mais elle
est aussi présumée avoir participé à des faits
répréhensibles.
Par ailleurs, écrire que la personne mise en examen,
présumée innocente, reste libre laisse à penser que la
personne mise en examen qui ne reste pas libre n'est plus
présumée innocente.
Votre commission vous propose la
suppression
de cet article.
Article 10 B
(Article L. 611-1 du code de
l'organisation judiciaire)
Suppression de l'obligation de présence
d'au moins un juge d'instruction
dans chaque tribunal de grande instance
L'article L. 611-1 du code de l'organisation
judiciaire
dispose, dans sa rédaction actuelle, qu'il y a dans chaque tribunal de
grande instance, un ou plusieurs juges d'instruction. En ce qui concerne les
conditions de nomination et les attributions du juge d'instruction, cet article
renvoie aux articles pertinents du code de procédure pénale.
L'Assemblée nationale, sur proposition de son rapporteur, a
décidé de supprimer cette disposition du code de l'organisation
judiciaire. Ainsi, il deviendrait possible que certains tribunaux de grande
instance ne disposent d'aucun juge d'instruction. L'objectif est une
rationalisation de la carte de l'instruction.
D'ores et déjà, une telle solution prévaut en ce qui
concerne les juges des enfants, puisqu'il n'en existe pas dans tous les
tribunaux de grande instance. Au cours des débats à
l'Assemblée nationale, peu de précisions ont été
apportées sur les solutions qui pourraient être retenues en
matière d'instruction. Le garde des sceaux, soutenant l'amendement du
rapporteur, a en effet simplement indiqué que " (...)
de toute
façon, nous ne nous interdisons aucune solution. Cela signifie que l'on
pourra choisir des audiences foraines ou des regroupements. Nous disposerons en
effet d'un large éventail de possibilités
".
Cet article soulève des difficultés. Il paraît en effet
ouvrir au Gouvernement une faculté de regrouper les juges d'instruction,
mais est en fait inapplicable en l'état. En effet, si certains tribunaux
devaient être privés de juges d'instruction, il conviendrait
à tout le moins de prévoir quel procureur serait compétent
pour ouvrir l'information.
Une telle modification du code de l'organisation judiciaire appelle un
débat spécifique et est profondément liée à
la réforme de la carte judiciaire. Il ne paraît donc pas opportun
de régler cette question dans le présent projet de loi , sous
peine de risquer d'adopter un texte inapplicable.
Votre commission vous propose la
suppression
de cet article.
Article 10 C
Révision de la carte
judiciaire
Cet
article, introduit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale,
prévoit une révision de la carte judiciaire dans les deux
années suivant la publication de la loi.
On rappellera que l'article 5 de la loi de programme relative à la
justice du 6 janvier 1995 avait prévu qu'avant le
31 décembre de la même année, le Gouvernement
présenterait au Parlement ses orientations relatives à la
révision de la carte judiciaire. Le rapport transmis le
21 mars 1996 excluait une réforme globale et annonçait
des aménagements.
La révision de la carte judiciaire est demandée par votre
commission depuis plusieurs années. En 1996, la mission d'information
créée au sein de la commission pour conduire une réflexion
sur les moyens de la justice
5(
*
)
avait conclu que
cette réforme était prioritaire si l'on voulait améliorer
le fonctionnement quotidien de la justice. Les quatre premières
propositions de la mission, rappelées ci-après, étaient
consacrées à cette question.
Les
propositions de la mission de la commission des Lois
chargée
d'évoluer les moyens de la justice
(octobre 1996)
Proposition n° 1
: Elaborer une nouvelle
carte
judiciaire qui prenne acte des évolutions durables du flux en supprimant
au moins la centaine de juridictions identifiées par le rapport Carrez
comme "
ne répondant plus à une réel
besoin
" et en créant des chambres et des juridictions
nouvelles là ou les besoins sont évidents.
Il s'agit dans l'immédiat d'un exercice théorique mais qui
paraît nécessaire pour mettre en évidence le
caractère inadapté de la carte actuelle.
Proposition n° 2
: Intégrer dans la
réflexion sur la carte judiciaire les regroupements permettant
ultérieurement une spécialisation effective au sein des TGI.
Proposition n° 3
: Etablir un plan de transition sur dix
ans ou même davantage, de la carte actuelle à la nouvelle.
Proposition n° 4
: Prévoir des chambres
détachées et tenir des audiences foraines lorsque la
présence physique du juge paraît indispensable.
Il faut toutefois constater que cette réforme est sans cesse
évoquée, que nombre de rapports sur ce sujet ont
été publiés, sans que rien ou presque n'ait
été fait jusqu'à présent.
Lors de sa déclaration sur la réforme de la justice,
prononcée au Sénat le 22 janvier 1998, Mme Elisabeth
Guigou déclarait notamment : "
Vous le savez (...) cette
affaire sera entreprise en tenant compte de chaque réalité
locale, des évolutions démographiques et économiques, des
durées de transport, et en favorisant à la fois réponses
de proximité et spécialisation des juridictions. Pour ce faire,
une mission, dont j'ai obtenu la création dans le budget de 1998 et qui
réunira des professionnels qualifiés aux compétences
diverses, est en cours de constitution. Elle sera chargée
d'étudier concrètement les projets sur le terrain
".
Dix-huit mois plus tard, il semble que cette mission ait, pour l'instant,
consacré son attention aux seuls tribunaux de commerce et qu'elle soit
en passe de formuler des propositions pour quelques ressorts. Par
conséquent, une véritable réforme de la carte judiciaire
ne paraît pas être envisagée à moyen terme.
L'article 10 C du projet de loi a le mérite d'attirer
l'attention sur cette question essentielle. Le présent projet de loi est
ambitieux -et coûteux. La principale inquiétude qu'il peut
susciter est celle de l'insuffisance éventuelle des moyens
affectés à sa mise en oeuvre. Or, la réforme de la carte
judiciaire est l'un des éléments essentiels d'une rationalisation
des moyens de la justice.
Toutefois, la méthode choisie par l'Assemblée nationale ne
paraît guère pouvoir être retenue. L'article 10 C
constitue manifestement une injonction au Gouvernement et est donc contraire
à la Constitution. Par ailleurs, il s'agit d'une demande, qui risque
simplement de rester lettre morte. Peut-être le Gouvernement prendra-t-il
la peine de demander régulièrement un allongement du délai
qui lui est donné pour accomplir cette réforme, mais il est
difficile d'en être certain. Le législateur ne peut inscrire dans
la loi des dispositions, dont il sait qu'elles ne seront pas appliquées,
sous peine de perdre toute crédibilité.
Enfin, le contenu de cet article est tellement général qu'il
permet toutes les interprétations. Ainsi, le Gouvernement a
récemment annoncé que le tribunal de grande instance de Bressuire
devenait une chambre détachée du tribunal de grande instance de
Niort. Ne s'agit-il pas là d'une révision de la carte
judiciaire ?
Le présent article aura eu le mérite d'attirer l'attention sur
l'une des questions fondamentales à résoudre pour
l'amélioration de la justice en France.
Néanmoins, pour toutes les raisons énoncées
précédemment, et malgré son attachement à cet
objectif, votre commission vous propose la
suppression
de cet article.
SECTION 1
Dispositions relatives au juge de la
détention provisoire
Cette
section a pour objet de créer un juge de la détention provisoire
distinct du juge d'instruction.
D'une manière générale, votre commission estime
inopportun de qualifier le magistrat chargé du contentieux de la
détention provisoire de " juge de la détention
provisoire ", compte tenu du caractère peu gratifiant d'une telle
appellation. L'autorité judiciaire, dans son ensemble, est gardienne de
la liberté individuelle, de sorte qu'il ne paraît pas possible de
faire d'un magistrat le juge de la détention. De même, il ne
paraît pas possible d'en faire un juge de la liberté, car tous les
juges doivent exercer ce rôle. Votre commission propose, par un
amendement
, de ne pas nommer dans le code de procédure
pénale ce magistrat. Cela ne rendra pas plus difficile son
identification et évitera les inconvénients
précédemment évoqués. Cela pourrait en outre
permettre, le cas échéant, d'enrichir les attributions de ce
magistrat.
Par coordination, votre commission vous propose de modifier cette appellation
à chaque fois qu'elle apparaît dans le texte.
Article 10
(Articles 137-1 à 137-5
nouveaux du
code de procédure pénale)
Création d'un juge de la
détention provisoire
L'idée d'une séparation des autorités
chargées de l'instruction et de la mise en détention provisoire
n'est pas neuve. Le législateur l'a déjà
décidée à trois reprises, sans qu'elle s'impose
durablement.
• La
loi du 10 décembre 1985
prévoyait
que la détention provisoire était ordonnée par une chambre
de l'instruction. Cette chambre devait être composée de trois
magistrats, dont au moins deux magistrats instructeurs, le juge d'instruction
chargé du dossier étant appelé à en faire partie.
La loi prévoyait toutefois que la personne poursuivie pouvait accepter,
en présence de son avocat, que la décision soit prise par le juge
d'instruction statuant seul. Cette loi prévoyait sa propre entrée
en vigueur le 1
er
mars 1988, mais fut abrogée en
1987.
• La
loi n° 87-1062
du
30 décembre 1987
prévoyait que la détention
provisoire était ordonnée par une chambre des demandes de mise en
détention provisoire, saisie par le juge d'instruction et
composée de trois magistrats du siège, mais dans laquelle ne
pourraient siéger ni le juge d'instruction chargé du dossier, ni
aucun magistrat ayant connu l'affaire en qualité de juge d'instruction.
Cette loi prévoyait sa propre entrée en vigueur le
1
er
mars 1989, mais fût abrogée avant cette
date.
• La
loi n° 93-2 du 4 janvier 1993
prévoyait deux systèmes distincts :
- jusqu'en janvier 1994, la détention provisoire devait
être ordonnée par le président du tribunal ou un juge
délégué par lui, saisi par le juge d'instruction ;
- à compter de janvier 1994, la détention provisoire
devait être ordonnée par une chambre de la détention
provisoire composée d'un juge du siège et de deux échevins
non professionnels et saisie par le juge d'instruction chargé de
l'information. Ces dispositions furent abrogées par la loi du
24 août 1993.
Par ailleurs, de nombreuses propositions ont été formulées
en vue de retirer au juge d'instruction le pouvoir de mise en détention.
Le rapport de la
commission Justice pénale et droits de l'homme
,
présidée par Mme le professeur Mireille Delmas-Marty
proposait que la détention soit ordonnée par un magistrat du
siège à la demande du ministère public. Dans ce
système,
le juge d'instruction, tel que nous le connaissons,
était appelé à disparaître, au profit de ce
magistrat ayant des prérogatives juridictionnelles étendues, mais
aucun pouvoir d'investigation.
Le rapport remis au garde des sceaux en janvier 1997 par Mme le
professeur Michèle-Laure RASSAT proposait que le juge d'instruction
chargé du dossier continue à pouvoir mettre en détention
provisoire une personne lorsqu'une telle mise en détention était
nécessaire à l'efficacité de l'instruction, mais que cette
possibilité soit confiée soit au président du tribunal
soit à une formation collégiale lorsque la mise en
détention avait pour objet de garantir la sécurité
publique (prévenir les atteintes au mis en examen, la commission
d'infraction ou les réactions d'incompréhension de la
population...).
La
commission de réflexion sur la justice
présidée
par M. Pierre Truche a estimé que le pouvoir de mettre en
détention devait être séparé de celui
d'enquête et souhaité à l'unanimité l'intervention
d'une collégialité dont le juge d'instruction serait exclu.
Cette question a donc donné lieu à de nombreux débats et
presque toutes les solutions ont déjà été
envisagées en cette matière.
Le Gouvernement a finalement prévu la création d'un juge de la
détention provisoire. L'étude d'impact du projet de loi
précise que l'institution de ce juge répond à deux
préoccupations :
- il s'agit tout d'abord de garantir la totale impartialité, et
donc la totale objectivité du magistrat appelé à prendre
la décision de mise en détention ;
- il s'agit ensuite de confier le contentieux de la détention
à un magistrat d'expérience, en réservant la fonction de
juge de la détention provisoire à des magistrats ayant rang de
président, de premier vice-président ou de vice-président.
• Le texte proposé pour l'
article 137-1 nouveau du
code de procédure pénale
pose le principe de la
création d'un juge de la détention provisoire, chargé
d'ordonner ou de prolonger la détention provisoire. Les demandes de
liberté lui seraient également soumises.
Ce juge serait un magistrat du siège ayant rang de président, de
premier vice-président ou de vice-président et serait
désigné par le président du tribunal de grande instance.
Il serait assisté d'un greffier lorsqu'il statuerait à l'issue
d'un débat contradictoire.
Votre commission vous soumet un
amendement
tendant à
prévoir que ce juge devra statuer dans tous les cas après un
débat contradictoire. En effet, lorsque le juge d'instruction formule
une demande de mise en détention, il est normal que le magistrat
chargé de la détention organise un débat contradictoire
même s'il n'envisage pas a priori de mettre la personne en
détention.
Le texte proposé prévoit que ce juge ne peut, à peine de
nullité, participer au jugement des affaires pénales dont il a
connu. Ce principe est le plus lourd de conséquences en ce qui concerne
le coût de la réforme. En effet, une telle incompatibilité
-absolument justifiée- risque parfois de rendre très difficile la
composition de la juridiction de jugement.
Enfin, le texte prévoit que le juge de la détention est saisi par
une ordonnance motivée du juge d'instruction, qui lui transmet le
dossier de la procédure accompagné des réquisitions du
procureur de la République. Cette question a donné lieu à
un vif débat à l'Assemblée nationale, nombre de
députés estimant préférable que le juge de la
détention soit saisi par le procureur de la République.
Dans l'étude d'impact du projet, le Gouvernement indique qu'"
il
est vrai qu'habituellement, une juridiction est saisie par le ministère
public. Mais cette règle connaît d'importantes exceptions.
S'agissant de la matière pénale, peuvent être cités
l'exemple du juge de l'application des peines qui saisit le tribunal
correctionnel aux fins de révocation du sursis avec mise à
l'épreuve et, surtout, l'exemple du juge d'instruction qui saisit le
tribunal correctionnel lorsqu'il estime qu'il existe contre la personne mise en
examen des charges suffisantes d'avoir commis un délit
".
La saisine d'un magistrat du siège par un autre magistrat du
siège ne paraît pas poser de difficultés, dès lors
que, d'ores et déjà, le juge d'instruction, lorsque son
information s'achève, saisit le tribunal correctionnel.
• Le texte proposé pour l'
article 137-2 du code de
procédure pénale
prévoit que le contrôle
judiciaire est ordonné par le juge d'instruction, qui statue
après avoir recueilli les réquisitions du procureur de la
République. Le projet de loi permet donc au juge d'instruction de
conserver le pouvoir d'ordonner le contrôle judiciaire. Il s'agit d'un
élément important, qui peut conduire ce magistrat, lorsqu'il
hésite entre un contrôle judiciaire et une mise en
détention, à retenir la première solution, plus simple
à mettre en oeuvre et qui porte moins atteinte à la
présomption d'innocence.
Le texte proposé pour cet article prévoit également que,
lorsqu'il est saisi, le juge de la détention peut également
ordonner un contrôle judiciaire. Cette solution paraît logique, le
juge de la détention devant disposer d'un éventail de
possibilités aussi large que possible pour prendre sa décision.
• Le texte proposé pour l'
article 137-3 du code de
procédure pénale
prévoit que le juge de la
détention provisoire n'est pas tenu de statuer par ordonnance lorsqu'il
ne décide ni le placement en détention provisoire ou la
prolongation de celle-ci, ni la prescription d'une mesure de contrôle
judiciaire. Le garde des sceaux a indiqué à plusieurs reprises
que cette disposition était une illustration du principe selon lequel la
liberté est la règle et la détention l'exception.
Toutefois,
il est possible de se demander s'il ne serait pas utile au
juge d'instruction de connaître les raisons qui ont conduit le juge de la
détention provisoire à estimer que sa demande de mise en
détention était si peu justifiée que même un
contrôle judiciaire ne s'imposait pas.
Votre commission vous propose, par un
amendement
que le juge
chargé de la détention provisoire statue par une
ordonnance
motivée
, même lorsqu'il ne fait pas droit à la demande
du juge d'instruction.
• Le texte proposé pour l'
article 137-4 du code de
procédure pénale
prévoit que le juge d'instruction
n'est pas tenu de statuer par ordonnance lorsqu'il ne suit pas les
réquisitions du procureur tendant au prononcé d'une mesure de
contrôle judiciaire ou lorsqu'il ne transmet pas le dossier au juge de la
détention en présence de réquisitions tendant au placement
en détention ou demandant la promulgation de celle-ci.
• Le texte proposé pour l'
article 137-5 du code de
procédure pénale
permet au procureur de la République
de saisir la chambre d'accusation dans les dix jours de l'avis de notification
qui lui est adressé, lorsqu'il n'a pas été fait droit
à ses réquisitions tendant au placement en détention
provisoire ou sous contrôle judiciaire de la personne, ou à la
prolongation de la détention provisoire.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 10
ainsi
modifié.
Article 10 bis
(Article 138 du code de
procédure pénale)
Cautionnement
L'article 138 du code de procédure pénale
énumère les obligations que le juge d'instruction peut
actuellement imposer à une personne lorsqu'il ordonne un contrôle
judiciaire. Celui-ci peut notamment imposer à la personne mise en examen
de "
fournir un cautionnement dont le montant et les délais de
versement, en une ou plusieurs fois, sont fixés par le juge
d'instruction, compte tenu notamment des ressources de la personne mise en
examen
".
L'Assemblée nationale a adopté un amendement apportant plusieurs
modifications à cette disposition. En premier lieu, parmi les
critères utilisés pour fixer le montant du cautionnement seraient
explicitement mentionnés, outre les ressources de la personne, ses
charges et son patrimoine. Notons que le texte actuel prévoit que le
juge tient compte "
notamment
" des ressources, de sorte qu'il
lui est déjà possible de prendre en compte aussi les charges et
le patrimoine.
L'article 10 bis tend en outre à modifier l'article 138
du code de procédure pénale pour permettre à la personne
mise en examen de s'acquitter du cautionnement dans les conditions
fixées par l'article L. 277 du livre des procédures
fiscales.
Cet article permet à un contribuable qui conteste le bien-fondé
ou le montant des impositions mises à sa charge de demander à
être autorisé à différer le paiement de la partie
contestée de ces impositions. Le sursis de paiement ne peut lui
être refusé que s'il n'a pas constitué après du
comptable les garanties propres à assurer le recouvrement de la
créance du Trésor. Parmi les garanties possibles figurent les
hypothèques, les garanties bancaires, les warrants, les nantissements...
Les auteurs de cet amendement, adopté par l'Assemblée nationale,
ont fait valoir qu'une telle réforme permettrait par exemple
d'éviter à une personne de devoir vendre son logement lorsqu'un
juge d'instruction ordonne la fourniture d'un cautionnement très
élevé. Le garde des sceaux a fait valoir que cette proposition
pouvait poser des difficultés techniques : "
Quelle serait,
par exemple, la place de l'hypothèque judiciaire parmi les
créances, sinon la première ? Comment vérifier
rapidement et de manière efficace l'existence du bien, voire sa valeur,
sans recourir à des services publics tels que l'administration fiscale,
ce qui risque de prendre un certain temps, alors que la décision de
placement en détention provisoire est le plus souvent prise dans
l'urgence ?
".
Enfin, l'article 10 bis tend également à modifier
l'article 142-2 du code de procédure pénale, qui permet
à la personne ayant dû verser un cautionnement d'en
récupérer la première partie (c'est-à-dire, selon
l'article 142 du code celle destinée à garantir la
représentation de la personne à tous les actes de la
procédure et pour l'exécution du jugement) lorsqu'elle a
satisfait aux obligations du contrôle judiciaire et s'est soumis à
l'exécution du jugement. L'Assemblée nationale a
décidé que la personne pourrait récupérer
l'intégralité du cautionnement si elle se soumettait à ces
obligations.
Un tel principe paraît difficile à retenir. En effet, une partie
du cautionnement garantit notamment le
paiement de la réparation des
dommages causés par l'infraction et des restitutions, ainsi que de la
dette alimentaire
lorsque la personne mise en examen est poursuivie pour
défaut de paiement de cette dette. Il ne paraît guère
souhaitable de modifier ce principe.
Compte tenu des incertitudes importantes entourant la rédaction de cet
article, votre commission vous propose à ce stade sa
suppression
.
Article 11
(Article 145-3 du code de procédure
pénale)
Prolongation de la détention provisoire
La loi
du 30 décembre 1996 a rendu plus contraignante la prolongation
de la détention provisoire, lorsque celle-ci excède un an en
matière criminelle ou huit mois en matière délictuelle.
L'article 145-3 du code de procédure pénale prévoit
en effet que les décisions ordonnant la prolongation ou rejetant les
demandes de mise en liberté doivent comporter
les indications
particulières qui justifient en l'espèce la poursuite de
l'infraction et le délai prévisible d'achèvement de la
procédure
. Ce texte prévoit toutefois que le juge
d'instruction n'est pas tenu d'indiquer la nature des investigations auxquelles
il a l'intention de procéder lorsque cette indication risquerait
d'entraver l'accomplissement de ces investigations.
Le présent article a pour objet de modifier la rédaction de cette
dernière partie de l'article 145-3 du code de procédure
pénale, afin de tenir compte du fait que le projet de loi confie les
décisions de prolongation de la détention ou de refus de mise en
liberté au juge de la détention provisoire.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 11
sans
modification.
Article 12
(Article 146 du code de
procédure pénale)
Conséquence d'une requalification
en matière de détention provisoire
Cet
article, comme le précédent, tend à modifier un article du
code de procédure pénale pour tenir compte de la création
du juge de la détention provisoire.
L'article 146 du code de procédure pénale prévoit
que, dans les cas où il apparaît, au cours d'une information, que
la qualification criminelle ne peut être retenue, le juge d'instruction
peut ordonner le maintien de la personne en détention provisoire ou
ordonner sa mise en liberté assortie ou non d'un contrôle
judiciaire.
Compte tenu des changements prévus par le projet de loi, le juge
d'instruction pourrait désormais prescrire la mise en liberté
assortie ou non d'un contrôle judiciaire ou saisir le juge de la
détention provisoire aux fins du maintien en détention.
Votre commission vous soumet un
amendement
de coordination et vous
propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article 13
(Article 147 du code de
procédure
pénale)
Mise en liberté d'office ou sur demande du
procureur
L'article 147 du code de procédure pénale
concerne les conditions dans lesquelles une personne mise en détention
provisoire peut être mise en liberté. Il prévoit notamment
que la mise en liberté peut être ordonnée d'office à
tout moment par le juge d'instruction après avis du procureur de la
République.
Il prévoit en outre que le procureur de la République peut
requérir à tout moment la mise en liberté et que le juge
d'instruction statue dans les cinq jours. Par coordination avec les
dispositions de l'article 10 relatif à la création du juge
de la détention, l'article 13 tend à modifier
l'article 147 code de procédure pénale, afin de
prévoir que, lorsque le procureur requiert la mise en liberté, le
juge d'instruction peut faire droit à cette demande ou transmettre, dans
les cinq jours, le dossier, assorti de son avis motivé, au juge de la
détention, ce dernier devant statuer dans le délai de trois jours
ouvrables.
Votre commission vous soumet un
amendement
de coordination et vous
propose d'adopter l'article 13
ainsi modifié
.
Article 14
(Article 148 du code de
procédure
pénale)
Demande de mise en liberté par la personne ou son
avocat
Comme
les précédents, cet article tend à prendre en
considération dans le code de procédure pénale la
création du juge de la détention provisoire. Actuellement, la
personne mise en détention ou son avocat peut demander, à tout
moment, au juge d'instruction une mise en liberté. Celui-ci sollicite
les réquisitions du parquet et statue dans les cinq jours par une
ordonnance motivée. A l'avenir, la demande de mise en liberté
continuerait à être adressée au juge d'instruction, qui
solliciterait les réquisitions du procureur. Toutefois, le juge
d'instruction ne pourrait désormais que donner une suite favorable
à la demande ou la transmettre, avec son avis motivé au juge de
la détention provisoire, qui statuerait dans les trois jours.
Votre commission vous soumet un
amendement
de coordination et vous
propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
SECTION 2
Dispositions limitant les
conditions
ou la
durée de la détention provisoire
Article 15
(Articles 143-1 nouveau et 144 du code de
procédure pénale)
Conditions de la détention
provisoire
L'article 144 du code de procédure pénale
énumère les conditions permettant la mise en détention
provisoire d'une personne mise en examen.
La mise en détention n'est possible que lorsque la personne encourt une
peine d'une certaine gravité
:
- soit une peine criminelle ;
- soit une peine correctionnelle égale ou supérieure
à un an d'emprisonnement en cas de délit flagrant ou à
deux ans d'emprisonnement dans les autres cas.
La mise en détention provisoire doit en outre être
justifiée par un ou plusieurs des
motifs
suivants, inscrits
à l'article144 du code de procédure pénale :
- les nécessités de l'instruction (la détention
provisoire est l'unique moyen de conserver les preuves ou les indices
matériels, d'empêcher une pression sur les témoins ou les
victimes, d'empêcher une concertation frauduleuse entre personnes mises
en examens et complices) ;
- la nécessité de protéger la personne mise en examen, de
garantir son maintien à la disposition de la justice, de mettre fin
à l'infraction ou de prévenir son renouvellement ;
- la nécessité de mettre fin au trouble exceptionnel et
persistant qu'a causé l'infraction à l'ordre public.
L'article 15 du projet prévoit tout d'abord d'inscrire dans deux
articles différents les conditions de mise en détention
liées aux seuils de peines et les motifs de mise en détention.
• Le texte proposé pour l'
article 143-1 du code de
procédure pénale
prévoit une nouvelle
présentation des conditions de la mise en détention provisoire
liées au quantum de la peine encourue.
La détention provisoire serait désormais possible lorsque les
peines suivantes sont encourues :
- une peine criminelle ;
- une peine correctionnelle d'une durée égale ou
supérieure à
trois ans
d'emprisonnement, compte tenu, le
cas échéant, de l'aggravation de la peine encourue si elle est en
état de
récidive
;
- une peine correctionnelle de
deux ans
d'emprisonnement pour un
délit prévu aux
livres II
(infractions contre les
personnes) ou
IV
(infractions contre la nation, l'Etat et la paix
publique) du code pénal ;
- une peine correctionnelle de
deux ans
d'emprisonnement pour un
délit prévu au livre III du code pénal (infractions contre
les biens) lorsque la personne a
déjà été
condamnée
, soit à une peine criminelle, soit à une
peine d'emprisonnement avec sursis d'une durée supérieure
à un an.
Le texte proposé, adopté par l'Assemblée nationale sans
modification, ne peut qu'inspirer une certaine perplexité. En
avril 1998, examinant une proposition de loi de M. Alain Tourret,
l'Assemblée nationale a adopté, contre l'avis du garde des
sceaux, un texte extrêmement différent de celui qu'elle a
accepté en examinant le présent projet de loi, puisqu'il ne
permettait la mise en détention provisoire que dans les cas où
une peine de
cinq ans
était encourue en cas d'infraction contre
les
biens
et une peine de
trois ans
en cas d'infraction contre
les
personnes
6(
*
)
.
Le texte aujourd'hui soumis au Sénat modifie de manière
modérée le droit actuel, mais le rend aussi plus complexe par des
distinctions multiples.
L'un des alinéas du texte proposé prévoit que la
détention est possible lorsque la peine encourue est de trois ans,
compte tenu de l'aggravation prévue lorsqu'elle est en état de
récidive. Cela signifie qu'un récidiviste ayant commis un
délit passible de deux ans d'emprisonnement pourra être mis en
détention provisoire, compte tenu du doublement possible de la peine en
cas de récidive. Cette rédaction peut étonner car,
dès lors que l'on se réfère à la peine encourue,
cela paraît tenir compte de l'état de récidive.
Cette question a notamment été abordée avec
précision par notre collègue, M. Guy-Pierre Cabanel,
lorsqu'il avait été chargé par
M. Edouard Balladur, alors Premier ministre, d'une mission
parlementaire sur la prévention de la récidive
7(
*
)
. Notre collègue avait proposé, pour
limiter la détention provisoire, d'apprécier le quantum de la
peine encourue
indépendamment de l'état de récidive du
prévenu
.
En tout état de cause, le texte de l'article 15 paraît trop
complexe, au regard de sa portée, en ce qui concerne la détention
provisoire.
Son principal apport est d'exclure la détention
provisoire lorsque la peine encourue est inférieure à deux ans
d'emprisonnement, même en cas de flagrant délit.
Pour le reste, le texte prévoit que la détention est possible
lorsqu'une peine de trois ans est encourue, mais ramène ce seuil
à deux ans lorsque sont en cause des infractions contre les personnes,
l'Etat, la nation et la paix publique, lorsque la personne est en état
de récidive, enfin lorsque la personne a commis une infraction contre
les biens et qu'elle a déjà été condamnée
à une peine d'au moins un an d'emprisonnement.
Afin que le régime des seuils demeure intelligible et que le
présent projet de loi marque une véritable évolution,
votre commission vous propose, par un
amendement
, de modifier cet
article pour prévoir que la détention est possible lorsque la
personne encourt une peine
criminelle
quelle qu'elle soit ou une peine
correctionnelle supérieure à deux ans
d'emprisonnement.
Il convient de rappeler
qu'en matière de comparution
immédiate, la détention provisoire est possible lorsqu'est
encourue une peine de deux ans d'emprisonnement ou une peine d'un an
d'emprisonnement en cas de flagrant délit.
Ces seuils, que le projet
de loi ne modifie pas, sont actuellement les mêmes que ceux prévus
pour la mise en détention provisoire dans le cadre d'une information.
Une certaine différence entre les seuils, selon que la personne fait
l'objet d'une comparution immédiate ou d'une information peut être
admise, dans la mesure où la mise en détention provisoire en
matière de comparution immédiate est décidée par le
juge du fond et pour une durée très limitée.
• Le texte proposé pour l'
article 144 du code de
procédure pénale
est une nouvelle rédaction des motifs
pouvant justifier la mise en détention provisoire d'une personne mise en
examen. La rédaction proposée ne modifie en rien ces
critères, mais facilite leur compréhension.
La seule
modification de fond consiste à prévoir que le motif du trouble
à l'ordre public ne peut justifier, à lui seul, la prolongation
de la détention provisoire sauf en matière criminelle.
Le
texte initial prévoyait que ce critère ne pouvait justifier
à lui seul la prolongation lorsque la peine encourue était
inférieure à cinq ans d'emprisonnement. L'Assemblée
nationale a estimé nécessaire d'encadrer encore davantage le
recours à ce critère.
Considérant que, dans certaines affaires correctionnelles, le trouble
à l'ordre public peut perdurer au-delà de la durée
initiale de détention provisoire, votre commission vous propose , par un
amendement
, de rétablir le texte du projet initial pour
prévoir que le critère du trouble à l'ordre public ne peut
justifier la prolongation de la détention lorsque la peine encourue est
inférieure à cinq ans d'emprisonnement.
De nombreuses réflexions ont été conduites sur ce
critère de l'ordre public, qui ont conduit à encadrer de plus en
plus son utilisation, sans toutefois le supprimer. Notre collègue,
M. Guy-Pierre Cabanel, dans son rapport de mission sur la
prévention de la récidive, avait envisagé de limiter la
référence à l'ordre public comme critère de
placement en détention aux infractions d'une certaine gravité ou
de prévoir l'intervention d'un second magistrat pour confirmer un
placement en détention fondé sur le risque d'un trouble à
l'ordre public ; cette dernière suggestion est d'une certaine
manière satisfaite puisque toutes les mises en détention
provisoire seront prononcées par un autre magistrat.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article 16
(Article 145-1 du code de
procédure
pénale)
Durée de la détention provisoire en
matière correctionnelle
1 - Le
droit actuel
En matière correctionnelle, les règles relatives à la
durée de la détention provisoire sont les suivantes :
- la détention provisoire ne peut excéder une durée
de
six mois
, lorsque la peine encourue est inférieure ou
égale à cinq ans d'emprisonnement et que la personne n'a pas
déjà été condamnée pour crime ou pour
délit à une peine supérieure à un an
d'emprisonnement avec sursis ;
- la détention provisoire ne peut excéder une durée
d'
un an
lorsque la peine encourue est inférieure ou égale
à cinq ans d'emprisonnement et que la personne a déjà
été condamnée pour crime ou pour délit à une
peine supérieure à un an d'emprisonnement avec sursis ;
- la détention provisoire ne peut excéder une durée
de
deux ans
lorsque la peine encourue est supérieure à
cinq ans d'emprisonnement mais inférieure à dix ans ;
- enfin, la détention provisoire doit avoir une
durée
raisonnable
lorsque la peine encourue est égale à dix ans
d'emprisonnement.
Il existe donc quatre régimes différents en matière
correctionnelle. Dans tous les cas, la décision de mise en
détention provisoire donne lieu à un débat contradictoire.
La première prolongation peut être ordonnée sans
débat contradictoire, mais les suivantes, lorsqu'elles sont possibles,
doivent être précédées d'un tel débat. En
outre, lorsque la durée de la détention excède huit mois,
les décisions ordonnant sa prolongation ou rejetant les demandes de mise
en liberté doivent comporter les indications qui justifient la poursuite
de l'infraction ainsi que le délai prévisible d'achèvement
de la procédure.
2 - Le projet de loi
Le projet de loi initial prévoyait de maintenir le régime actuel,
mais de limiter les cas où la durée de détention ne
comporte aucune limite aux infractions suivantes lorsque la peine encourue est
égale à dix ans d'emprisonnement : trafic de
stupéfiants, terrorisme, association de malfaiteurs,
proxénétisme, extorsion de fonds ou infraction commise en bande
organisée. Ces infractions sont les mêmes que celles qui
justifient actuellement que l'intervention de l'avocat au cours d'une garde
à vue soit repoussée à la trente-sixième ou
à la soixante-douzième heure de la mesure.
Le texte adopté par
l'Assemblée nationale
procède
à une réécriture complète de l'article 145-1
du code de procédure pénale. Les règles en matière
de durée de la détention seraient désormais les
suivantes :
- la détention ne pourrait excéder une durée de
quatre mois
lorsque la peine encourue serait inférieure ou
égale à cinq ans d'emprisonnement et que la personne n'a pas
déjà été condamnée à une peine
criminelle ou à une peine d'emprisonnement sans sursis supérieure
à un an ;
- la détention provisoire ne pourrait excéder une
durée d'
un an
;
- cette durée serait portée à
deux ans
lorsqu'une commission rogatoire internationale serait délivrée
par le juge d'instruction ;
- enfin, la détention provisoire devrait avoir une
durée
raisonnable
lorsque la peine encourue serait égale à dix ans
d'emprisonnement et que la personne serait poursuivie pour trafic de
stupéfiants, terrorisme, association de malfaiteurs,
proxénétisme, extorsion de fonds ou infraction commise en bande
organisée.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale, assez proche sur la
question des durées de détention de la proposition de loi
adoptée il y a un an à l'initiative de M. Alain Tourret
8(
*
)
, prévoit l'intervention d'un débat
contradictoire avant chacune des prolongations de la détention.
Votre commission considère que les dispositions adoptées par
l'Assemblée nationale sont équilibrées en ce qui concerne
les durées de détention.
Le choix de faire dépendre la durée de la détention de la
délivrance d'une commission rogatoire internationale par le juge
d'instruction a le mérite d'attirer l'attention sur le fait que de plus
en plus d'infractions ont un caractère international, ce qui impliquera
à l'avenir, sans doute au niveau de l'Union européenne, une
réflexion approfondie sur les moyens de renforcer la lutte contre la
criminalité internationale. Toutefois,
l'introduction d'un tel
critère en ce qui concerne la détention provisoire, pourrait
ouvrir la porte à des situations contestables, la délivrance
d'une commission rogatoire internationale n'étant soumise à aucun
contrôle.
Votre commission vous propose, par un
amendement,
de supprimer cette
référence à la délivrance d'une commission
rogatoire comme critère d'augmentation de la durée de la
détention provisoire. Par un article additionnel, votre commission vous
proposera que les durées maximales de détention puissent, dans
des cas tout à fait exceptionnels, être prolongées
par
la chambre d'accusation.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article 17
(Article 145-2 du code de procédure
pénale)
Durée de la détention provisoire en
matière criminelle
L'article 145-2 du code de procédure pénale
prévoit une durée de détention provisoire maximale d'un an
en matière criminelle. Toutefois, cette décision peut être
renouvelée pour une période de six mois, sans que le nombre de
renouvellements soit limité. La seule limite à la durée de
la détention est donc la durée raisonnable désormais
inscrite dans l'article 144-1 du code de procédure pénale.
Dans le projet de loi initial, le Gouvernement a proposé d'instaurer des
délais butoirs à la détention provisoire en matière
criminelle. Le texte proposé prévoyait que la durée de la
détention ne pourrait excéder :
-
deux ans
en cas de peine encourue inférieure à
vingt ans de réclusion ou de détention criminelles ;
-
trois ans
en cas de peine encourue inférieure à
trente ans de réclusion ou de détention criminelles.
Le projet ne prévoyait donc aucune limite pour une peine encourue
supérieure à trente ans d'emprisonnement
(perpétuité). Enfin, le Gouvernement proposait que les limites
à la durée de la détention ne s'appliquent pas dans le cas
où une personne se voit reprocher plusieurs crimes.
L'Assemblée nationale a modifié ce dispositif pour prévoir
les durées de détention maximales suivantes :
-
deux ans
lorsque la peine encourue est inférieure à
vingt ans de réclusion ou de détention criminelles ;
-
trois ans
lorsque la peine encourue est supérieure ou
égale à vingt ans de réclusion ou de détention
criminelles ;
-
trois ans
lorsque la peine encourue est inférieure
à vingt ans de réclusion ou de détention criminelles et
que le juge d'instruction a délivré une commission rogatoire
internationale ;
-
quatre ans
lorsque la peine encourue est supérieure ou
égale à vingt ans de réclusion ou de détention
criminelles et que le juge d'instruction a délivré une commission
rogatoire internationale.
L'Assemblée nationale n'a prévu aucun butoir à la
durée de la détention lorsque plusieurs crimes mentionnés
aux livres II (crimes entre les personnes) ou IV (crimes contre l'Etat, la
Nation et la paix publique) sont reprochés à la personne ou
lorsqu'elle est prévenue pour trafic de stupéfiants, terrorisme,
proxénétisme, extorsion de fonds ou pour un crime commis en bande
organisée.
Votre commission accepte les propositions formulées par
l'Assemblée nationale, mais vous propose par un
amendement,
de
supprimer la référence aux crimes multiples et à la
délivrance d'une commission rogatoire internationale comme
critères d'augmentation de la durée de la détention
provisoire.
Elle vous proposera, dans un article additionnel après le présent
article, qu'à titre exceptionnel, si les nécessités de
l'information le justifient, la chambre d'accusation puisse prolonger les
durées maximales de détention.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 17
ainsi
modifié
.
Article additionnel après
l'article 17
(Article 207-2 nouveau du code de procédure
pénale)
Prolongation exceptionnelle de la durée de
détention
par la chambre d'accusation
Votre
commission a souhaité que la durée maximale de détention
provisoire soit limitée, sauf pour quelques infractions, à un an
en matière correctionnelle et à trois ans en matière
criminelle.
Cependant, dans certains cas exceptionnels, il paraît souhaitable que la
détention puisse être prolongée. Votre commission vous
propose donc, par un
amendement
, de créer un article 207-2 dans
le code de procédure pénale, afin de prévoir une
procédure particulière pour la prolongation de la
détention provisoire au-delà des durées maximales
prévues, en matière correctionnelle comme en matière
criminelle.
Seule la chambre d'accusation, saisie par le juge de la détention
provisoire, pourrait ordonner ces prolongations. L'amendement tend à ne
permettre la prolongation que
lorsque les investigations du juge
d'instruction indispensables à la manifestation de la
vérité doivent être impérativement poursuivies et
que la mise en liberté de la personne mise en examen causerait pour la
sécurité des personnes et des biens un risque d'une
particulière gravité.
La prolongation pourrait être ordonnée pour une durée de
quatre mois, cette décision pouvant être renouvelée deux
fois. Ainsi, ces prolongations exceptionnelles ne seraient plus possibles
après un délai d'un an.
Article 18
(Article 141-3 nouveau du code de
procédure pénale)
Limite à la durée de la
détention provisoire lorsqu'elle est ordonnée
à la
suite d'une révocation du contrôle judiciaire
Cet
article tend à insérer, dans le code de procédure
pénale, un article 141-3 relatif à la détention
provisoire ordonnée à la suite d'une révocation du
contrôle judiciaire. Le Sénat, à l'initiative de
M. Michel Dreyfus-Schmidt, avait attiré l'attention du
Gouvernement sur la situation totalement anormale qui prévaut
actuellement en cette matière, en adoptant une proposition de loi
reproduite en annexe du présent rapport
9(
*
)
.
Actuellement, l'article 141-2 du code de procédure pénale
prévoit que "
si la personne mise en examen se soustrait
volontairement aux obligations du contrôle judiciaire, le juge
d'instruction peut, quelle que soit la durée de la peine
d'emprisonnement encourue, décerner à son encontre mandat
d'arrêt ou de dépôt en vue de sa détention
provisoire
".
La Cour de cassation a interprété cette disposition de
manière très contestable. Dans un arrêt de la chambre
criminelle du 20 décembre 1983, elle a en effet estimé
que l'inobservation volontaire des obligations du contrôle judiciaire
permettait de décerner mandat de dépôt "
quelle que
soit la durée de la peine d'emprisonnement encourue et celle de la
détention provisoire antérieurement subie
".
Cette jurisprudence a été par la suite confirmée. Ainsi,
dans un arrêt du 15 avril 1991, la Cour de cassation a
rejeté le pourvoi contre un arrêt d'une chambre d'accusation ayant
affirmé "
qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte de la
détention accomplie antérieurement à la révocation
du contrôle judiciaire pour l'application de l'article 145-1 du code
de procédure pénale
".
Cette jurisprudence permet de contourner les règles relatives à
la durée maximale de la détention lorsque plusieurs
incarcérations successives sont ordonnées à l'encontre
d'une même personne par révocation du contrôle judiciaire.
Le Sénat avait donc adopté un texte prévoyant que
lorsqu'une personne fait l'objet de plusieurs ordonnances de placement en
détention provisoire, la durée cumulée des
détentions ne peut excéder la durée maximale prévue
en fonction de la peine encourue.
Le Gouvernement a retenu cette proposition dans le projet de loi tout en
l'aménageant quelque peu. Le texte proposé pour
l'article 141-3 du code de procédure pénale prévoit
en effet que lorsque la détention provisoire est ordonnée
à la suite d'une révocation du contrôle judiciaire à
l'encontre d'une personne antérieurement placée en
détention provisoire pour les mêmes faits, la durée
cumulée des détentions ne peut excéder de plus de quatre
mois la durée maximale prévue compte tenu de la peine encourue
par la personne. Ce délai de quatre mois doit permettre au juge de
disposer d'une sanction lorsqu'une personne méconnaît
volontairement les obligations du contrôle judiciaire et qu'elle a
déjà subi la durée de détention maximale, compte
tenu de la peine encourue.
Le texte proposé prévoit que lorsque la peine encourue est
inférieure à deux ans d'emprisonnement, la durée totale
des détentions ne peut excéder quatre mois. Le texte initial
prévoyait une durée de six mois, mais la durée de quatre
mois est cohérente avec les décisions prises par
l'Assemblée nationale à propos de l'article 145-1 du code de
procédure pénale. En effet, lorsque la peine encourue est
inférieure à deux ans d'emprisonnement, le texte adopté
par l'Assemblée nationale ne prévoit aucune détention
provisoire. Il est donc normal que la personne mise en détention
à la suite d'une révocation du contrôle judiciaire ne le
soit que pour une durée maximale de quatre mois.
L'article prévoit par ailleurs, pour déterminer s'il doit
appliquer certaines formalités prévues en matière de
prolongation de la détention (débat contradictoire ou exigence de
motivation particulière), le juge doit tenir compte de la durée
de la détention provisoire antérieurement effectuée. Une
telle précision ne paraît pas indispensable et votre commission
vous propose, par un
amendement
de supprimer cette disposition.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article additionnel après
l'article 18
(Article 11-1 nouveau de l'ordonnance du 2
février 1945)
Limitation de la durée de la détention
provisoire des mineurs
lorsqu'elle est ordonnée à la
suite
d'une révocation du contrôle judiciaire
Votre
commission propose de modifier l'ordonnance du 2 février 1945,
afin de prévoir, pour les mineurs comme pour les majeurs, la prise en
compte de la détention antérieurement effectuée,
lorsqu'une mise en détention est ordonnée à la suite d'une
révocation du contrôle judiciaire.
Les durées de la détention provisoire étant plus courtes
pour les mineurs que pour les majeurs, votre commission propose que la
durée de la détention ordonnée à la suite d'une
révocation du contrôle judiciaire ne puisse excéder de plus
d'un mois la durée maximale de détention provisoire.
SECTION 3
Dispositions relatives à
l'indemnisation des détenus provisoires
Article 19
(Articles 149 à 149-2 du code de procédure
pénale)
Indemnisation des détentions provisoires
Dans sa
rédaction actuelle, l'article 149 du code de procédure
pénale prévoit qu'une indemnité peut être
accordée à la personne ayant fait l'objet d'une détention
provisoire pour une procédure terminée à son égard
par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue
définitive lorsque cette détention lui a causé un
préjudice. Avant la loi du 30 décembre 1996, il
était exigé que le préjudice soit manifestement anormal et
d'une particulière gravité.
L'article 149-1 prévoit notamment que l'indemnité est
allouée par une commission, composée du premier président
de la Cour de cassation ou de son représentant, et de deux magistrats du
siège à la même cour ayant le grade de président de
chambre, de conseiller ou de conseiller référendaire,
désignés annuellement par le bureau de la Cour.
L'article 149-2 définit la procédure applicable devant la
commission. Celle-ci doit être saisie dans le délai de six mois de
la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue
définitive. Elle statue par une décision non motivée qui
n'est susceptible d'aucun recours.
Le projet de loi tend à modifier, sur plusieurs points essentiels, ce
dispositif.
En ce qui concerne le principe de l'indemnisation, le Gouvernement a
proposé que l'indemnisation demeure facultative, mais qu'elle permette
de réparer le préjudice, qu'il soit matériel ou moral. Le
Gouvernement a en outre proposé qu'une personne
bénéficiant d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement soit
informée de son droit de demander une indemnisation.
L'Assemblée nationale a toutefois retenu un système
différent puisqu'elle a rendu
obligatoire
l'indemnisation,
dès lors que la personne en fait la demande. Elle a donc
été conduite à prévoir certaines exceptions pour
tenir compte de situations particulières. Elle a prévu qu'aucune
indemnisation n'est due lorsque la décision de non-lieu, de relaxe ou
d'acquittement résulte de la reconnaissance de l'irresponsabilité
d'une personne au sens de l'article 122-1 du code pénal, de la
prescription ou de l'amnistie, ou lorsque la personne a fait l'objet d'une
détention provisoire pour s'être librement et volontairement
accusée ou laissée accuser à tort.
Ces exceptions suscitent des interrogations. En ce qui concerne la
prescription, celle-ci peut n'être pas constatée au cours de
l'instruction malgré les demandes en ce sens de la personne, et l'on
voit mal pour quelle raison une personne ayant subi une détention
provisoire pour une infraction prescrite n'aurait droit à aucune
réparation. La détention provisoire deviendrait alors le moyen
d'infliger une peine pour une infraction prescrite.
En ce qui concerne la personne qui s'est librement et volontairement
accusée ou laissé accuser, s'il est aisé de percevoir
l'objectif de cette disposition, on peut craindre que l'appréciation sur
ce sujet soit particulièrement difficile.
Dans ces conditions, votre commission propose, par un
amendement
, de
préciser ces exceptions, afin qu'elles n'aboutissent pas à des
résultats contestables. Il paraît souhaitable que l'amnistie
n'empêche l'indemnisation que lorsqu'elle intervient après la mise
en détention provisoire. En ce qui concerne les personnes qui se
laissent librement accuser, votre commission propose de ne prévoir
aucune indemnisation que lorsque ces personnes se laissent accuser pour faire
échapper l'auteur des faits aux poursuites.
L'Assemblée nationale a par ailleurs prévu qu'à la demande
de l'intéressé, le préjudice devrait être
évalué par expertise contradictoire.
En ce qui concerne la procédure d'indemnisation, le projet de loi tend
à compléter l'article 149-2 du code de procédure
pénale pour prévoir que la décision de la commission devra
désormais être motivée et que les débats auront lieu
en audience publique, sauf opposition du requérant. L'Assemblée
nationale a souhaité qu'il soit précisé que le
requérant pouvait, à sa demande, être entendu
personnellement ou par l'intermédiaire de son conseil.
Enfin, l'Assemblée nationale a complété cet article en
prévoyant l'inscription dans l'article 149-2 du code de
procédure pénale d'un alinéa précisant que la
décision de la commission d'indemnisation allouant une indemnité
était communiquée aux magistrats ayant concouru à la mise
ou au maintien en détention provisoire.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article 19 bis
Commission de suivi de la
détention provisoire
Cet
article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée
nationale, prévoit la création d'une commission de suivi de la
détention provisoire placée auprès du ministre de la
justice.
Cette commission serait composée de deux représentants du
Parlement, d'un magistrat de la Cour de cassation siégeant à la
commission d'indemnisation de la détention provisoire, d'un membre du
Conseil d'Etat, d'un professeur de droit pénal, d'un avocat et d'un
représentant d'un organisme de recherche judiciaire.
Cette commission serait chargée "
de réunir les
données juridiques, statistiques et pénitentiaires concernant la
détention provisoire, en France et à
l'étranger
". Elle pourrait se faire communiquer tout document
utile à sa mission et pourrait procéder à des visites ou
à des auditions. Elle établirait un rapport annuel rassemblant
les données statistiques locales, nationales et internationale
concernant l'évolution de la détention provisoire ainsi que
"
la présentation des différentes politiques mises en
oeuvre
". Elle établirait également une synthèse
des décisions de la commission d'indemnisation de la détention
provisoire.
Votre commission estime qu'un organe de ce type n'est pas indispensable et que
la création d'une telle commission est en outre possible sans recourir
à la loi.
Elle vous propose la
suppression
de cet article.
CHAPITRE III
DISPOSITIONS RENFORÇANT LE DROIT
À ÊTRE JUGÉ
DANS UN DÉLAI
RAISONNABLE
Article 20
(Articles 77-2 et 77-3 nouveaux du code de
procédure pénale)
Possibilité d'interroger le
procureur sur la suite donnée
à une enquête
L'article 20 tend à insérer deux articles dans
le code
de procédure pénale, afin de permettre à une personne
placée en garde à vue au cours d'une enquête
préliminaire ou de flagrance d'interroger le procureur sur la suite
donnée à la procédure.
• Le texte proposé pour l'
article 77-2 du code de
procédure pénale
prévoit qu'une personne placée
en garde à vue au cours d'une enquête préliminaire ou de
flagrance qui, à l'expiration d'un délai de six mois (le texte
initial prévoyait huit mois) à compter de la fin de la garde
à vue, n'a pas fait l'objet de poursuites, peut interroger le procureur
sur la suite donnée ou susceptible d'être donnée à
la procédure.
Dans un tel cas, le procureur devrait, dans le délai d'un mois, soit
engager les poursuites ou une mesure alternative aux poursuites, soit notifier
à la personne le classement de la procédure, soit enfin, s'il
estime que l'enquête doit se poursuivre, saisir le président du
tribunal de grande instance. En l'absence de saisine de ce magistrat, il ne
pourrait plus être procédé à aucun acte
d'enquête contre la personne postérieurement au délai d'un
mois à compter de la réception de la demande.
Le troisième alinéa du texte proposé prévoit que le
président du tribunal, lorsqu'il est saisi, doit organiser un
débat contradictoire, qui se déroule en audience publique si la
personne intéressée en fait la demande et que la publicité
n'est pas de nature à nuire au bon déroulement de
l'enquête, à l'ordre public, à la dignité de la
personne ou aux intérêts d'un tiers. A l'issue du débat, le
président déciderait si l'enquête peut être
poursuivie. En cas de réponse positive, il fixerait un délai ne
pouvant excéder six mois, à l'issue duquel la personne pourrait
à nouveau interroger le procureur. En cas de réponse
négative, le procureur devrait soit engager des poursuites ou une
procédure alternative, soit notifier à la personne le classement
de la procédure.
Cette disposition appelle deux remarques :
• La saisine du président du tribunal de grande instance au cours
d'une enquête ne correspond guère aux règles habituelles de
notre procédure pénale. Certes, une intervention du
président du tribunal ou du juge délégué par lui
est déjà prévue au cours de l'enquête en ce qui
concerne, en matière de terrorisme, la prolongation des gardes à
vue et les perquisitions. Il s'agit toutefois de situations très
particulières. Dans le texte proposé, le président du
tribunal pourrait contraindre le procureur à se prononcer, en engageant
des poursuites ou en classant sans suite.
• La référence aux procédures alternatives aux
poursuites paraît peu appropriée, dans la mesure où ce
terme n'est employé à aucun endroit du code de procédure
pénale, même s'il est aisé de comprendre ce qu'il recouvre.
Votre commission vous soumet deux
amendements
d'amélioration
rédactionnelle.
• Le texte proposé pour l'
article 77-3 du code de
procédure pénale
est une simple coordination avec le texte
proposé pour l'article 77-2, destiné à prévoir
le cas où l'enquête n'est pas menée sous la direction du
procureur de la République du tribunal de grande instance dans le
ressort duquel la garde à vue a été réalisée.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article 21
(Articles 89-1, 116, 175-1, 186-1 et 207-1
nouveau
du code de procédure pénale)
" Contrat de
procédure " et " droit au cri "
Cet
article revêt une grande importance, dans la mesure où il a pour
objet de renforcer le caractère prévisible de la durée
d'une information judiciaire et de limiter cette durée.
• Le
paragraphe I
tend à compléter
l'article 89-1 du code de procédure pénale, relatif à
la première audition de la partie civile. Le texte prévoit que,
lorsque le juge estime que le délai prévisible
d'achèvement de la procédure est inférieur à un an,
il en informe la partie civile en l'avisant qu'à l'issue de ce
délai, il lui sera possible de demander la clôture de la
procédure. Dans le cas où le juge ne pourrait fixer un
délai prévisible d'achèvement inférieur à un
an, il informerait la partie civile de son droit de demander la clôture
de la procédure au bout d'une année.
• Le
paragraphe II
tend à compléter
l'article 116 du code de procédure pénale, relatif à
la première comparution pour prévoir un dispositif identique au
précédent à l'égard de la personne mise en examen.
Ce dispositif est intéressant, dans la mesure où il tend à
encadrer la durée de l'instruction, afin qu'elle se déroule dans
des délais raisonnables. Il est toutefois à craindre que, compte
tenu de la rédaction choisie, le juge d'instruction ne fasse qu'un usage
très modéré de la possibilité qui lui est offerte
d'annoncer un délai prévisible d'achèvement de
l'infraction inférieur à un an. Il apparaît plus
confortable pour lui de conserver le délai d'un an à l'issue
duquel la clôture pourra être demandée. Par
conséquent, le changement essentiel qu'apporte ce nouveau texte
réside dans l'information donnée à la partie civile et
à la personne mise en examen de leur droit de demander la clôture
de la procédure au bout d'un an.
• Le
paragraphe III
de cet article tend à modifier
l'article 175-1 du code de procédure pénale,
précisément relatif à la procédure applicable en
cas de demande de clôture. Il s'agit de ce que la mission d'information
de la commission des Lois sur la présomption d'innocence et le secret de
l'instruction avait proposé sous la dénomination "
droit
au cri
".
Actuellement, l'article 175-1 prévoit que toute personne mise en
examen ou la partie civile peut demander la clôture de la
procédure à l'expiration d'un délai d'un an à
compter de la date de la mise en examen ou de la constitution de partie civile.
Dans le délai d'un mois, le juge doit statuer par ordonnance
spécialement motivée. A défaut pour le juge d'avoir
statué, la personne peut saisir la chambre d'accusation. Le texte
proposé tend à opérer plusieurs modifications à ce
dispositif :
- la demande pourrait être formulée avant le délai
d'une année, dans les cas où le juge d'instruction aurait
fixé un délai prévisible d'achèvement de la
procédure inférieur à un an ;
- la demande pourrait également être formulée en
l'absence d'acte d'instruction pendant une période de quatre mois ;
- le juge pourrait faire droit à la demande sans ordonnance
motivée, la motivation n'étant exigée qu'en cas de
refus ;
- à défaut de réponse ou en présence d'une
réponse négative, la personne pourrait saisir
le
président de la chambre d'accusation
dans les cinq jours suivant la
notification de la demande du juge ou l'expiration du délai d'un
mois ;
- enfin dans le cas où le juge déclarerait qu'il poursuit
son instruction, une nouvelle demande pourrait être formée
à l'expiration d'un délai de six mois.
La principale innovation consiste donc à offrir à la personne
mise en examen ou à la partie civile un recours, lorsque le juge
d'instruction refuse de faire droit à une demande de clôture. La
mission d'information de la commission des Lois sur la présomption
d'innocence avait formulé une telle proposition dès 1995.
Votre commission propose, par un
amendement
, que la personne formulant
une demande de clôture puisse invoquer dans sa demande la
possibilité d'une disjonction. Certaines personnes pourraient, en effet,
dans certaines procédures où de nombreuses personnes sont en
cause voir leur dossier disjoint sans dommage pour le déroulement de
l'information.
• Le
paragraphe IV
de l'article tend à inscrire dans
l'article 186-1 du code de procédure pénale, parmi les
ordonnances susceptibles d'appel, celle rendue par le juge d'instruction
à propos d'une demande de clôture de la procédure.
Votre commission sous soumet un
amendement
de suppression de cette
disposition, une telle précision étant inutile compte tenu de la
rédaction du paragraphe précédent de l'article.
• Le
paragraphe V
tend à insérer dans le code
de procédure pénale un article 207-1 définissant la
procédure applicable en cas d'appel d'une ordonnance refusant la
clôture de la procédure. Le président de la chambre
d'accusation devrait décider, dans les huit jours de la transmission du
dossier, s'il y a lieu ou non de saisir la chambre d'accusation.
Le texte prévoit qu'en cas de saisine, la chambre d'accusation peut
prononcer le renvoi devant la juridiction de jugement ou la mise en accusation
devant la cour d'assises, déclarer qu'il n'y a pas lieu à suivre,
évoquer l'affaire (la chambre d'accusation peut alors ordonner des actes
d'informations complémentaires, la mise en examen de certaines personnes
...) ou renvoyer le dossier au même juge d'instruction ou à un
autre, afin de poursuivre l'information. Si le président de la chambre
d'accusation refusait de saisir celle-ci, il devrait ordonner, par
décision motivée, que le dossier soit renvoyé au juge
d'instruction. Le dispositif proposé s'inspire d'une des propositions
formulées par la mission d'information de votre commission sur la
présomption d'innocence.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article 21 bis
(Articles 151 et 161 du code de
procédure pénale)
Fixation des délais en
matière de commission rogatoire
et d'expertise
Cet
article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée
nationale, tend à appliquer l'idée de "
contrat de
procédure
" aux commissions rogatoires et aux expertises.
Actuellement, l'article 151 du code de procédure pénale,
relatif aux commissions rogatoires, prévoit notamment que le juge
d'instruction fixe le délai dans lequel la commission rogatoire doit lui
être retournée par l'officier de police judiciaire. A
défaut de fixation d'un délai, la commission rogatoire doit lui
être transmise dans les huit jours de la fin des opérations
exécutées en vertu de celle-ci.
En matière d'expertise, l'article 161 du code de procédure
pénale prévoit que toute décision commettant des experts
doit leur impartir un délai pour remplir leur mission. Le délai
peut être prorogé sur requête des experts et sur
décision motivée rendue par le magistrat ou la juridiction qui
les a désignés.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale tend à
prévoir, en matière de commission rogatoire, que l'officier de
police judiciaire accuse réception de sa mission, qu'il indique au juge
s'il lui est possible de respecter le délai imparti ou s'il souhaite
bénéficier d'un délai supplémentaire pour les
raisons qu'il indique. Les experts devraient procéder de même.
Cette procédure pourrait être définie par circulaire et
alourdit quelque peu les articles du code de procédure pénale
concernés.
Néanmoins, compte tenu de l'utilité que pourrait avoir cette
mesure, votre commission vous propose d'adopter cet article
sans
modification
.
Article 21 ter
(Article 175-2 nouveau du
code de
procédure pénale)
Information de la partie civile sur
l'avancement de l'instruction
Les
droits des victimes font partie des préoccupations qui ont donné
naissance au présent projet de loi.
Le présent article, inséré dans le projet de loi par
l'Assemblée nationale, tend à créer un article 175-2
dans le code de procédure pénale pour prévoir que le juge
d'instruction informe tous les six mois la partie civile de l'avancement de
l'instruction.
Il est tout à fait souhaitable de veiller à ce que les victimes
d'infractions pénales puissent faire valoir leurs droits dans les
meilleures conditions. En revanche, une disposition aussi
générale que celle-ci, au demeurant dépourvue de sanction,
ne paraît guère apporter un progrès quelconque à la
situation. L'avocat d'une partie civile peut avoir accès au dossier de
la procédure
à tout moment
. Par ailleurs, l'article 21 du
projet de loi tend à permettre à la partie civile de demander la
clôture de l'information au bout d'une année, occasion pour elle
d'obtenir des informations sur l'état de la procédure.
Votre commission vous propose la
suppression
de cet article.
Article 21 quater
(Article 179 du code de
procédure pénale)
Délai pour qu'une affaire soit
audiencée
en matière correctionnelle
Si les
délais d'instruction d'une affaire peuvent avoir des conséquences
dommageables, notamment lorsqu'une personne est en détention provisoire,
il en va de même des délais nécessaires pour qu'une affaire
vienne à l'audience une fois l'ordonnance de règlement rendue.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 179 du code de
procédure pénale prévoit que l'ordonnance de
règlement met fin à la détention provisoire ou au
contrôle judiciaire, mais que le juge peut ordonner la continuation de
ces mesures par ordonnance spécialement motivée. L'ordonnance
prescrivant le maintien en détention provisoire cesse de produire effet
à l'expiration d'un
délai de deux mois
.
En théorie, une affaire doit donc être jugée par le
tribunal correctionnel dans les deux mois suivant l'ordonnance de
règlement, faute de quoi le prévenu est remis en liberté.
En fait, il arrive que le tribunal se réunisse dans le délai de
deux mois et renvoie l'affaire à une audience ultérieure, ce qui
permet le maintien en détention de la personne.
L'Assemblée nationale a donc décidé de modifier
l'article 179 du code de procédure pénale. L'amendement
qu'elle a adopté prévoit que le prévenu en
détention est remis en liberté si le tribunal correctionnel n'a
pas commencé à examiner l'affaire au fond à l'expiration
d'un délai de deux mois à compter de la date de l'audience de
règlement.
Le tribunal pourrait ordonner à deux reprises la prolongation pour deux
mois de la détention. Avant chaque décision de prolongation, le
prévenu pourrait comparaître personnellement si lui-même ou
son avocat en faisait la demande.
Cet article peut permettre des progrès en ce qui concerne les
délais pour qu'une affaire soit audiencée.
Un délai de
six mois après l'ordonnance de règlement paraît en effet un
maximum lorsqu'une personne est en détention provisoire
.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 21 quinquies
(Article 215-2 nouveau du code de
procédure pénale)
Délai pour qu'une affaire soit
audiencée
en matière criminelle
Cet
article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée
nationale, tend à créer dans le code de procédure
pénale un article 215-2 pour limiter les délais pour qu'une
personne mise en accusation soit jugée lorsqu'elle est en
détention provisoire.
Le texte proposé prévoit que la personne est remise en
liberté si elle n'a pas comparu devant la Cour d'assises à
l'issue d'un
délai d'un an
à compte de la date à
laquelle l'arrêt de mise en accusation est devenu définitif.
La chambre d'accusation pourrait ordonner à deux reprises la
prolongation de l'ordonnance de prise de corps pour une durée de six
mois. L'accusé pourrait comparaître personnellement devant la
chambre d'accusation avant chaque décision de prolongation
éventuelle si lui-même ou son avocat en faisant la demande.
L'accusé serait remis en liberté s'il ne comparaissait pas devant
la Cour d'assises à l'issue d'un délai maximal de deux ans.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans
modification
.
CHAPITRE III BIS
DISPOSITIONS RELATIVES AUX
AUDIENCES
Article 21 sexies
(Article L. 311-15-1
nouveau
du code de l'organisation judiciaire)
Audiencement
L'Assemblée nationale a souhaité introduire dans
le
code de l'organisation judiciaire une disposition prévoyant que
"
la composition prévisionnelle des audiences pénales est
déterminée par une commission paritaire composée de
magistrats du siège et du parquet
".
Au cours des débats à l'Assemblée nationale, le
rapporteur, Mme Christine Lazerges a apporté les explications
suivantes à propos de son amendement : "
Nous avons
interrogé de très nombreux magistrats au sujet de l'audiencement.
Les magistrats du parquet rejettent la responsabilité de ses lenteurs
sur les magistrats du siège et ceux-ci nous répondent que
l'audiencement est l'affaire du parquet
".
Actuellement, l'article 399 du code de procédure pénal
prévoit que le nombre et le jour des audiences correctionnelles sont
fixés à la fin de chaque année judiciaire pour
l'année judiciaire suivante par une ordonnance du président du
tribunal de grande instance prise après avis de l'assemblée
générale du tribunal. En revanche, la nature des affaires
portées à ces audiences est largement déterminée
par le parquet.
Il semble que la disposition proposée par le présent article ait
surtout pour objet d'inviter les magistrats de siège et ceux du parquet
à se concerter en ce qui concerne l'organisation des audiences, le
nombre d'affaires traitées, la nature de celle-ci...
Une disposition
législative ne paraît pas nécessaire pour développer
des comportements qui existent déjà dans certains
juridictions
.
Votre commission craint qu'une disposition aussi rigide ait pour principal
effet d'exacerber d'éventuelles tensions au sein des juridictions entre
magistrats du siège et du parquet.
Votre commission estime préférable la
suppression
de cet
article et de ce chapitre.
CHAPITRE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 21
SEXIES
DISPOSITIONS INSTAURANT UN RECOURS
EN MATIÈRE
CRIMINELLE
Votre commission propose l'insertion dans le projet de loi d'un chapitre additionnel consacré à l'appel en matière criminelle.
Article additionnel après
l'article 21 sexies
(Article 380-1 nouveau du code de
procédure pénale)
Recours contre les arrêts de cours
d'assises
L'une
des atteintes les plus graves aux droits de la défense est
incontestablement l'impossibilité de faire appel d'une décision
en matière criminelle. Ainsi, les condamnations les plus lourdes sont ne
peuvent-elles être examinées une seconde fois.
De multiples exemples montrent combien cette exception au droit d'appel est
choquante et combien elle peut être lourde de conséquences.
En 1996, M. Jacques Toubon, alors garde des sceaux, avait
présenté un projet de loi réformant la procédure
criminelle, qui a donné lieu à une lecture dans chaque
assemblée, mais n'a pu être définitivement adopté.
Ce texte prévoyait la création, dans chaque département,
d'un tribunal d'assises appelé à statuer en première
instance, les cours d'assises actuelles devenant les juridictions d'appel.
Votre commission estime qu'il n'est plus possible d'attendre en la
matière et propose donc la mise en place d'un système de recours
tournant permettant le renvoi d'une affaire à une autre cour d'assises
que celle qui a statué. Le recours pourrait être formé par
l'accusé ou le ministère public dans le délai de dix jours
suivant l'arrêt de la Cour d'assises. Toutefois, le recours ne serait pas
ouvert au ministère public en cas d'acquittement de l'accusé.
Le choix de la cour d'assises appelée à connaître du
recours serait effectué par le président de la chambre criminelle
de la cour de cassation.
Votre commission est convaincue que le dialogue en cours de navette avec
l'Assemblée nationale et le gouvernement permettra d'aboutir à
une solution susceptible de mettre fin à une situation
inacceptable.
CHAPITRE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 21
SEXIES
DISPOSITIONS RELATIVES AUX CONSÉQUENCES
D'UN NON-LIEU,
D'UNE RELAXE OU D'UN ACQUITTEMENT
Votre commission propose, par un amendement l'insertion d'un chapitre additionnel relatif aux conséquences d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement.
Article additionnel avant l'article 22
(Articles
88-1, 91,
177-1 et 392-1 du code de procédure pénale)
Prononcé
d'une amende civile par le juge d'instruction
en cas de plainte abusive
Dans
nombre de cas, il est gravement porté atteinte à la
présomption d'innocence du fait du comportement de certaines personnes
qui portent plainte et se constituent partie civile de manière abusive.
Actuellement, l'article 91 du code de procédure pénale
prévoit que lorsqu'une ordonnance de non-lieu a été rendue
après une information ouverte sur constitution de partie civile, le
ministère public peut citer la partie civile devant le tribunal
correctionnel où l'affaire a été instruite. Le tribunal
peut ainsi prononcer une amende civile si la constitution de partie civile est
jugée abusive ou dilatoire. En fait, les procureurs n'utilisent presque
jamais cette procédure, afin d'éviter d'encombrer le rôle
du tribunal correctionnel pour faire sanctionner la partie civile.
Il n'en reste pas moins que les constitutions de partie civile abusives portent
atteinte à la présomption d'innocence. Votre commission propose
donc, par un
amendement
, que le juge d'instruction puisse lui-même
prononcer l'amende civile, dans son ordonnance de non-lieu, sur
réquisitoire du parquet. Le juge d'instruction, dont on rappelle souvent
qu'il "
instruit à charge et à décharge
"
est le mieux à même, à l'issue de l'information,
d'apprécier si une constitution de partie civile était abusive ou
pas.
Le procureur devrait présenter ses réquisitions aux fins de voir
prononcer l'amende civile, lorsqu'il recevrait communication du dossier
d'instruction. Les réquisitions devraient être communiquées
à la partie civile pour lui permettre de faire ses observations. Le
procureur de la République comme la partie civile pourraient faire appel
de l'ordonnance du juge d'instruction. Ainsi, les droits de la défense
seraient-ils pleinement respectés.
Corrélativement, l'article 91 du code de procédure
pénale serait modifié pour supprimer la citation directe de la
partie civile par le procureur devant le tribunal correctionnel. La
possibilité pour la personne bénéficiant d'un non-lieu de
demander des dommages-intérêts devant le tribunal correctionnel
serait en revanche conservée car le juge d'instruction ne peut accorder
de tels dommages-intérêts. Toutefois, dans les cas où le
juge d'instruction aurait estimé la plainte abusive ou dilatoire, le
tribunal correctionnel serait tenu par cette décision et ne se
prononcerait que sur le montant des dommages-intérêts.
Enfin, l'amendement de votre commission prévoit également de
compléter l'article 392-1 du code de procédure
pénale, afin de permettre au tribunal correctionnel de prononcer une
amende civile en cas de citation directe de la partie civile qui lui
paraît abusive ou dilatoire.
Ces mesures devraient permettre de mettre fin à l'impunité des
personnes qui abusent du procès pénal sans véritable motif.
Article additionnel avant l'article 22
(Article
800-2
du code de procédure pénal)
Indemnité aux personnes
bénéficiant d'un non-lieu,
d'une relaxe ou d'un
acquittement
L'Assemblée nationale a adopté une disposition importante, permettant à une juridiction d'accorder une indemnité aux personnes bénéficiant d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement au titre des frais exposés par elle et non remboursables (voir commentaire de l'article 31 quinquies). L'Assemblée nationale a inséré cette disposition dans le titre du projet de loi consacré aux victimes, ce qui ne paraît guère approprié. Votre commission vous propose donc, son insertion dans une nouvelle section du titre du projet sur la présomption d'innocence, relative aux conséquences d'un non-lieu, d'un acquittement ou d'une relaxe.
CHAPITRE IV
DISPOSITIONS RELATIVES
À LA
COMMUNICATION
Article 22
(Article 226-30-1 nouveau du code
pénal)
Interdiction de la publication de l'image de personnes
menottées
Interdiction des sondages sur la culpabilité d'une
personne
En 1995,
la mission d'information de la commission des Lois sur la présomption
d'innocence avait proposé, parmi un grand nombre d'autres propositions
destinées à limiter les atteintes à cette
présomption, que soit sanctionnée la publication de l'image d'une
personne portant des menottes ou des entraves lors d'une enquête ou d'une
instruction.
La commission de réflexion sur la justice a repris cette proposition et
l'a complétée en préconisant l'interdiction des sondages
sur la culpabilité ou sur les sanctions. Le Gouvernement a
décidé de retenir ces propositions qui font l'objet de
l'article 22 du projet de loi.
Cet article tend tout d'abord à insérer une nouvelle section au
sein du chapitre du code pénal relatif aux atteintes à la
personnalité Cette section concernerait les atteintes à la
dignité ou à la réputation d'une personne mise en cause
dans une procédure judiciaire et comporterait un unique article
numéroté 226-30-1.
• Le texte proposé pour l'
article 226-30-1 du code
pénal
punit d'une amende de 100.000 F le fait de diffuser, par
quelque moyen que ce soit, l'image d'une personne identifiée ou
identifiable, n'ayant pas encore fait l'objet d'un jugement de condamnation,
faisant apparaître que cette personne porte des menottes ou entraves.
La réalisation ou la diffusion d'un sondage d'opinion portant sur la
culpabilité d'une personne mise en cause à l'occasion d'une
procédure pénale ou sur la peine susceptible d'être
prononcée serait punie des mêmes peines.
Lorsque ces délits seraient commis par voie de presse écrite ou
audiovisuelle, les dispositions particulières des lois régissant
ces matières en ce qui concerne la prescription et la
détermination des personnes responsables seraient applicables.
L'article 42 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la
liberté de la presse prévoit en effet des règles
particulières en ce qui concerne la détermination des personnes
responsables de crimes et délits commis par voie de presse. Sont
responsables les directeurs de publication ou éditeurs, à
défaut les auteurs, à défaut des auteurs les imprimeurs,
à défaut des imprimeurs, les vendeurs, distributeurs et
afficheurs. En ce qui concerne la prescription, l'action publique et l'action
civile résultant des crimes, délits et contraventions
prévus par la loi du 29 juillet 1881 se prescrivent
après trois mois révolus, à compter du jour de leur
commission ou du jour du dernier acte d'instruction ou de poursuite.
Les dispositions de cet article paraissent largement symboliques. Elles peuvent
permettre d'éviter la diffusion d'images telles que celles de ce guide
de haute montagne mis en cause à la suite d'une avalanche ayant
provoqué la mort d'enfants qu'il accompagnait en randonnée.
Il est toutefois possible de s'interroger sur la portée réelle de
ces mesures. Le législateur s'apprête en effet à interdire
la publication d'images de personnes portant des menottes au moment même
où la presse publie l'image de personnalités
incarcérées en maison d'arrêt...
Il convient de noter que cet article, de manière pour le moins
paradoxale compte tenu de son objectif, porte atteinte, dans sa
rédaction actuelle, à la présomption d'innocence. Il fait
en effet référence aux personnes mises en cause et n'ayant pas
"
encore
" fait l'objet d'une condamnation, ce qui laisse
entendre que la condamnation est certaine. Votre commission vous propose, par
un
amendement
, la suppression de cet adverbe.
Estimant que cette mesure revêt un caractère symbolique
susceptible de renforcer la déontologie de certains média, votre
commission vous propose néanmoins d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
Article 22 bis
(Article 803 du code de
procédure
pénale)
Mesures destinées à éviter
qu'une
personne entravée soit photographiée
Le
contenu de cet article figurait à l'article 25 du projet de loi
initial. L'Assemblée nationale a estimé, à juste titre,
préférable de le faire figurer à la suite de l'article
relatif à la publication de l'image de personnes portant des menottes.
Actuellement, l'article 803 du code de procédure pénale,
introduit dans le code par la loi du 4 janvier 1993, prévoit
que "
nul ne peut être soumis au port des menottes ou des
entraves que s'il est considéré soit comme dangereux pour autrui
ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la
fuite
".
Cet article n'est pas appliqué de manière rigoureuse et de
nombreux exemples ont permis de constater que des personnes se voyaient mettre
les menottes en l'absence de tout danger et de tout risque de fuite.
Par ailleurs, une circulaire tend à préciser les conditions
d'application de cet article et précise qu'"
il convient (...)
de prendre les mesures utiles pour empêcher que, dans toute la mesure du
possible, une personne escortée et entravée fasse l'objet, de la
part de la presse, de photographies ou d'un enregistrement
cinématographique ou audiovisuel
".
L'article 22 bis a pour unique objet d'inscrire ces dispositions,
dans une rédaction légèrement différente, au sein
même de l'article 803 du code de procédure pénale. Il
est possible de se demander s'il est utile d'inscrire dans la loi des
dispositions figurant dans une circulaire, mais il n'est pas exclu que cette
mesure conduise à une plus grande vigilance des personnes
chargées d'escorter les personnes mises en cause.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification.
Article 23
(Article 6 de la loi du
29 juillet 1982 sur la communication
audiovisuelle)
Délai d'exercice du droit de réponse -
Exercice
du droit de réponse par le ministère public
L'article 23 concerne le droit de réponse en
matière
de presse écrite ou audiovisuelle. Le projet de loi initial
prévoyait notamment que
le droit de réponse pourrait
désormais être exercé par le ministère public
à la demande d'une personne mise en cause à l'occasion d'une
procédure pénale
. L'Assemblée nationale a
supprimé cette disposition, constatant qu'il était pour le moins
paradoxal de confier le droit de réponse de la personne mise en cause
à la personne chargée de l'accusation. Votre commission vous
propose de maintenir cette suppression.
• Le
paragraphe I
de l'article 23 tend à
modifier l'article 6 de la loi n° 82-652 du
29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle. Cet article
prévoit notamment qu'en matière audiovisuelle, la demande
d'exercice du droit de réponse doit être présentée
dans les huit jours suivant celui de la diffusion du message contenant
l'imputation qui la fonde. Rappelons qu'en matière de presse
écrite, une personne peut demander à exercer un droit de
réponse pendant une durée d'un an. L'Assemblée nationale,
sur la proposition de Mme Frédérique Bredin, a
décidé de porter à un mois le délai permettant
à une personne, en matière audiovisuelle, de demander à
exercer un droit de réponse. Une telle modification pourrait faciliter
l'exercice de ce droit et mérite d'être approuvée.
•
Le paragraphe II
de cet article tend également
à modifier l'article 6 de la loi du 29 juillet 1982.
Actuellement, depuis la loi du 4 janvier 1993, le délai de
huit jours prévu pour demander à exercer le droit de
réponse est rouvert pour la même durée lorsqu'ont
été diffusées, à l'occasion de poursuites
pénales, des imputations susceptibles de porter atteinte à
l'honneur ou à la réputation d'une personne et que celle-ci a
bénéficié d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un
acquittement. Le texte proposé tend à porter ce nouveau
délai donné à la personne pour exercer un droit de
réponse de huit jours à trois mois, ce qui apparaît
comme une évolution tout à fait positive, qui pourrait permettre
un meilleur équilibre entre la présentation des charges pesant
sur une personne et la présentation -souvent lapidaire- des
décisions de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 24
(Article 64 rétabli de la loi du 29
juillet 1881)
Arrêt de l'exécution provisoire d'une
décision limitant
la diffusion de l'information
L'intervention du juge des référés en
matière de presse peut avoir des conséquences
particulièrement lourdes, et parfois disproportionnées. Le juge
des référés peut en effet ordonner des rectifications,
prononcer des astreintes, voire ordonner des saisies...
L'intervention du juge des référés à propos des
infractions prévues par la loi du 29 juillet 1881 n'est pas
prévue dans cette loi, mais a été admise par la
jurisprudence. L'article 24 du projet de loi tend à apporter une
limite aux conséquences que peut avoir le fait, pour le juge des
référés, d'ordonner des mesures limitant la diffusion de
l'information.
En cas d'appel, le premier président de la cour
d'appel statuant en référé pourrait désormais
arrêter l'exécution provisoire des mesures limitant la diffusion
de l'information
.
Cette disposition présente un double intérêt. Elle tend,
d'une part, à renforcer la protection de la liberté de la presse
et plus généralement de la liberté d'informer ; elle
a pour effet, d'autre part, de consacrer les pouvoirs du juge des
référés en matière de presse.
Il convient toutefois de noter que cette possibilité d'arrêter par
voie de référé l'exécution provisoire de mesures
décidées par le juge des référés est une
dérogation importante aux règles de la procédure civile.
L'article 514 du nouveau code de procédure civile prévoit en
effet que les ordonnances de référé sont
exécutoires de droit à titre provisoire. L'article 524
prévoit seulement que le premier président statuant en
référé peut arrêter l'exécution provisoire si
elle est interdite par la loi. Il peut également l'aménager, par
des mesures de consignation, lorsqu'elle risque d'entraîner des
conséquences manifestement excessives, mais ne peut l'arrêter.
Cet article étant de nature à renforcer la liberté de la
presse, votre commission vous propose de l'adopter
sans modification.
Article additionnel après l'article
24
(Article 9-1 du code civil)
Action aux fins de faire
cesser une atteinte
à la présomption d'innocence
Le droit
au respect de la présomption d'innocence est inscrit à
l'article 9-1 du code civil. Cet article permet à une personne
placée en garde à vue, mise en examen ou faisant l'objet d'une
citation à comparaître en justice, d'un réquisitoire du
procureur de la République ou d'une plainte avec constitution de partie
civile, de saisir le juge lorsqu'elle est, avant toute condamnation,
présentée publiquement comme étant coupable de faits
faisant l'objet de l'enquête ou de l'instruction judiciaire.
Dans un tel cas, le juge peut, même en référé,
ordonner l'insertion dans la publication concernée d'un
communiqué aux fins de faire cesser l'atteinte à la
présomption d'innocence aux frais de la personne physique ou morale
responsable de l'atteinte à la présomption d'innocence.
Cet article constitue donc un instrument destiné spécifiquement
à assurer le respect du principe de la présomption d'innocence.
Son champ d'application paraît toutefois trop restreint pour que son
efficacité soit réelle
. La loi du 4 janvier 1993
avait ouvert l'action devant le juge à toutes les personnes
présentées comme étant coupables de faits faisant l'objet
d'une enquête ou d'une instruction judiciaire, mais la loi du
24 août 1993 a restreint le champ d'application de cet article
en le limitant aux personnes placées en garde à vue, mises en
examen ou faisant l'objet d'une citation à comparaître en justice,
d'un réquisitoire du procureur ou d'une plainte avec constitution de
partie civile.
Cette limitation du champ d'application de l'article 9-1 est aujourd'hui
critiquée.
N'est-il pas singulier en effet qu'une personne mise en
examen puisse obtenir réparation d'une atteinte à la
présomption d'innocence, tandis qu'une personne mise en cause alors
qu'elle ne fait l'objet d'aucune enquête ne le peut pas ?
Dès 1995, la mission d'information sur la présomption d'innocence
et le secret de l'instruction créée par votre commission avait
estimé nécessaire que toute personne présentée
publiquement comme étant coupable de faits pénalement punissables
puisse saisir le juge afin de faire cesser l'atteinte à la
présomption d'innocence.
La commission de réflexion sur la justice, présidée par
M. Pierre Truche, est parvenue aux mêmes conclusions, estimant
que
" ce dispositif doit être étendu au cas de violation
de la présomption d'innocence avant l'ouverture d'une procédure,
l'intervention du juge des référés dans le rapport de
force presse-particulier étant une garantie et permettant un
contrôle meilleur que le simple exercice du droit de réponse.
Cette protection doit également s'étendre aux personnes
morales ".
Le Gouvernement n'a pas repris cette proposition dans le projet de loi, alors
même qu'elle est au coeur de la question du respect de la
présomption d'innocence. Au cours d'un colloque organisé par
l'association Presse-Liberté en 1998, Mme Elisabeth Guigou
s'était exprimée ainsi sur ce sujet :
" personnellement, j'estime que les garanties protégeant les
personnes mises en examen doivent être appliquées aux personnes
qui ne le sont pas encore, y compris les personnes mises en cause par des
rumeurs ou des articles de presse (...)
" Pourtant, et là je prends une position un peu opposée, si
le législateur d'août 1993 est revenu sur la rédaction
adoptée en janvier 1993 pour restreindre ce nouveau droit au
respect de la présomption d'innocence, c'est pour un certain nombre de
raisons (...)
" Dans le cadre de l'article 9-1, et contrairement à la loi
sur la presse, cette disposition interdit tout débat sur la
vérité des propos poursuivis et sur la bonne foi des journalistes
-puisque ce qui est permis dans le droit sur la diffamation ne l'est plus dans
les dispositions du code civil. Les journalistes ne pouvant plus se
défendre qu'en faisant valoir qu'ils ont utilisé le
conditionnel ".
Un débat sur cette question a eu lieu à l'Assemblée
nationale lors de l'examen du présent projet de loi. La commission des
lois a en effet adopté un amendement qui étendait la protection
de l'article 9-1 non seulement à toutes les personnes
présentées comme coupables, qu'elles fassent ou non l'objet d'une
procédure, mais également aux personnes présentées
comme
pouvant
être coupables. L'amendement de la commission a
été retiré avant le débat en séance publique.
Votre commission estime nécessaire d'étendre la protection de
l'article 9-1 du code civil aux personnes présentées
publiquement comme coupables de faits faisant l'objet d'une enquête ou
d'une instruction judiciaire. La présomption d'innocence ne se divise
pas et doit protéger l'ensemble de nos concitoyens tant que n'est pas
intervenue une condamnation.
Par ailleurs, l'élargissement de l'article 9-1 est aujourd'hui
particulièrement opportun, dans la mesure où le présent
projet de loi contient une disposition très importante, dans son
article 24, destinée à éviter que l'exécution
présumée de mesures prises par le juge des
référés n'ait des conséquences graves pour la
liberté de l'information.
Un équilibre pourrait donc
être établi entre l'élargissement des possibilités
de saisine du juge aux fins de faire cesser l'atteinte à la
présomption d'innocence et la possibilité de faire arrêter
en référé l'exécution provisoire de mesures portant
atteinte à la liberté de l'information.
Votre commission vous propose donc une nouvelle rédaction de
l'article 9-1 du code civil permettant à toute personne
présentée publiquement comme étant coupable de faits
faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction judiciaire de saisir
le juge. Il ne s'agit que d'un retour au texte de l'article 9-1, tel qu'il
avait été prévu par la loi du 4 janvier 1993.
Cette rédaction, moins large que celles proposées par
Mme Bredin, d'une part, ou par la mission d'information de votre
commission, d'autre part, permettrait au juge d'ordonner comme aujourd'hui
toutes mesures, notamment l'insertion d'un communiqué, aux fins de faire
cesser l'atteinte à la présomption d'innocence. L'action se
prescrirait par un an.
Votre commission n'a pas souhaité étendre le champ d'application
de l'article 9-1 aux personnes présentées comme
pouvant
être coupables, une telle disposition risquant de porter
atteinte à la liberté de l'information.
Article 25
(Articles 11, 145, 177-1, 199 et 212-1 du
code
de procédure pénale)
Communiqués du parquet -
Fenêtres de communication
Cet
article reprend deux propositions importantes formulées par la mission
d'information de votre commission des Lois sur la présomption
d'innocence et le secret de l'instruction.
• Le
paragraphe I
de cet article tend à consacrer la
pratique des communiqués du parquet dans l'article 11 du code de
procédure pénale, qui pose le principe du secret de l'instruction.
Ainsi, le procureur de la République pourrait, afin d'éviter la
propagation d'informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin
à un trouble de l'ordre public, d'office ou à la demande de la
juridiction d'instruction ou des parties, rendre publics des
éléments objectifs tirés de la procédure ne
comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges
retenues contre les personnes mises en cause.
Ces communiqués du parquet sont déjà prévus dans
une circulaire adressée en 1985 aux procureurs et aux procureurs
généraux. La commission de réflexion sur la justice avait
proposé, de manière plus ambitieuse, que les juridictions soient
dotées d'un service de communication composé d'un magistrat du
siège et/ou d'un magistrat du parquet. Elle estimait indispensable que
les magistrats responsables de la communication n'aient pas eux-mêmes la
charge directe des affaires donnant lieu à communiqué
écrit ou oral.
• Les
paragraphes II à VI
de l'article 25 ont
pour objet l'instauration de fenêtres de communication à
différents stades de la procédure. Actuellement, au cours d'une
information, la publicité des débats n'est possible qu'en cas
d'appel d'une ordonnance en matière de détention provisoire
(article 199 du code de procédure pénale) ou en cas d'appel
d'une ordonnance de non-lieu rendue en raison d'un trouble neuro-psychique
(article 199-1 du code de procédure pénale).
Or, depuis fort longtemps, il est proposé que certaines étapes de
la procédure d'instruction fassent l'objet d'une publicité, afin
d'éviter la recherche d'informations par tous moyens, au risque de
porter atteinte à la présomption d'innocence.
Dès 1912, le professeur Garraud écrivait
déjà : "
Une publicité franche qui
introduirait la lumière dans notre vieille procédure
d'information, et qui éviterait cette publicité illégale
et frelatée, serait peut-être le seul moyen de soustraire le
dossier d'instruction à des assauts de curiosité et
d'indiscrétion. Puisqu'on ne peut absolument fermer les cabinets
d'instruction, qu'on les ouvre complètement, non pour les
opérations actives qui tendent à la découverte, à
la saisie des preuves et qui, devant être assises sur la méthode
de l'invention, ont besoin le plus souvent de secret, mais pour les
interrogations, les confrontations et le règlement de la
procédure, soit par le juge d'instruction, soit par la chambre des mises
en accusation
"
10(
*
)
.
Beaucoup plus récemment, la commission " justice pénale et
droits de l'homme " a également proposé instaurer une
certaine publicité au cours de l'instruction. La mission d'information
de votre commission des Lois a proposé en 1995, que l'appel des
principales ordonnances de l'instruction donne lieu à un débat
public devant la chambre d'accusation. Enfin, la commission de réflexion
sur la justice, présidée par M. Pierre Truche, a
proposé que les débats en matière de mise en
détention provisoire, de contestation sur la régularité de
la procédure, de contestation sur la durée de la procédure
ou de contestation sur le refus d'accomplir certains actes soient publics.
• Le texte soumis au Sénat prévoit, dans son
paragraphe
II
, que le débat contradictoire devant le juge de la
détention provisoire prévu à l'article 145 du code de
procédure pénale a lieu en audience publique si la personne
majeure mise en examen ou son avocat en fait la demande. Cette demande pourrait
être refusée si la publicité était de nature
à nuire à l'ordre public, à la dignité de la
personne ou aux intérêts d'un tiers. Le texte initial mentionnait
également le " bon déroulement de l'information " parmi
les motifs susceptibles de justifier un refus de la publicité, mais
l'Assemblée nationale a écarté la possibilité
d'invoquer ce motif. Le texte prévoit que le juge de la détention
provisoire statue par une ordonnance motivée. Votre commission vous
propose, par un
amendement
, de rétablir la possibilité de
refuser la publicité lorsqu'elle pourrait nuire au bon
déroulement de l'information. Elle estime en effet que, dans certains
cas, la publicité pourrait compromettre les investigations en cours et
que le fait que la décision soit prise par le juge de la
détention provisoire est une garantie d'objectivité à cet
égard.
• Le
paragraphe III
de cet article tend à modifier
l'article 177-1 du code de procédure pénale, qui
prévoit actuellement que le juge d'instruction peut ordonner, à
la demande de la personne concernée, la publication intégrale ou
partielle de sa décision de non-lieu ou l'insertion d'un
communiqué informant le public des motifs et du dispositif de celle-ci,
dans un ou plusieurs journaux ou services de communication audiovisuelle.
Le texte proposé tend à compléter cet article. Le juge
pourrait ainsi ordonner la publication de la décision ou d'un
communiqué, non seulement à l'initiative de la personne, mais
également d'office ou à la demande du ministère public.
Dans ces deux cas, il lui faudrait recueillir l'accord de la personne. Par
ailleurs, s'il refusait de faire droit à la demande de la personne, le
juge devrait rendre une ordonnance motivée susceptible d'appel.
• Le
paragraphe IV
tend à modifier l'article 199 du
code de procédure pénale, relatif à la procédure
devant la chambre d'accusation. La publicité deviendrait
systématiquement possible devant la chambre d'accusation, alors que cet
article ne la prévoit aujourd'hui qu'en matière de
détention provisoire. La publicité pourrait être
demandée par la personne majeure mise en examen et pourrait être
refusée par la chambre d'accusation si elle s'avérait de nature
à nuire à l'ordre public, à la dignité de la
personne et aux intérêts d'un tiers. Votre commission vous
propose, par un
amendement
, de rétablir la possibilité de
refuser la publicité si elle est susceptible de nuire au bon
déroulement de l'information.
Ainsi, cet article tend-il à généraliser la
possibilité de rendre les audiences publiques.
• Le
paragraphe V
de l'article prévoyait la
suppression des dispositions de l'article 199-1 du code de
procédure pénale permettant la publicité des débats
en cas d'appel d'une ordonnance de non-lieu motivée par
l'irresponsabilité du prévenu au sens de l'article 122-1 du
code pénal. La publicité devenant possible pour toutes les
matières devant la chambre d'accusation, le maintien de cette
disposition est inutile. L'Assemblée nationale a toutefois estimé
préférable de la maintenir, dans la mesure où elle permet
à la partie civile de demander la publicité alors que cette
possibilité ne lui est pas ouverte dans le texte présenté
par le Gouvernement. Elle a supprimé en conséquence le paragraphe
V.
• Le
paragraphe VI
tend à modifier
l'article 212-1 du code de procédure pénale. Cet article est
le pendant de l'article 111-1 permettant au juge d'instruction d'ordonner
la publication d'une décision de non-lieu ou l'insertion d'un
communiqué. Il offre en effet la même possibilité à
la chambre d'accusation lorsqu'elle rend un arrêt de non-lieu. Les
mêmes modifications qu'à l'article 177-1 sont donc
prévues. La décision d'ordonner la publication d'un arrêt
de non-lieu ou la publication d'un communiqué pourrait être
prévue d'office par la chambre d'accusation ou à la demande du
ministère public. En cas de refus de faire droit à une demande,
la chambre d'accusation devrait rendre une ordonnance motivée.
• Enfin, le
paragraphe VII
du projet de loi initial
concernait les mesures à prendre pour éviter qu'une personne
portant des menottes soit photographiée. L'Assemblée nationale a
déplacé cette disposition, devenue l'article 22 bis du
projet de loi.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
TITRE II
DISPOSITIONS RENFORÇANT LES DROITS DES
VICTIMES
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS RÉPRIMANT
L'ATTEINTE À LA DIGNITÉ
D'UNE VICTIME D'UNE INFRACTION
PÉNALE
Article 26
(Article 226-30-2 nouveau du code
pénal)
Atteinte à la dignité d'une victime d'un
crime ou d'un délit
L'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 sur la
liberté de la presse prévoit, dans son troisième
alinéa que la publication de photographies, gravures, dessins, portraits
ayant pour objet la reproduction de tout ou partie des circonstance d'un des
crimes et délits prévus par les chapitres Ier (atteintes à
la vie de la personne), II (atteintes à l'intégrité
physique ou psychique de la personne) et VII (atteintes aux mineurs et à
la famille) du titre II du livre II du code pénal est punie de 25.000 F
d'amende.
Le quatrième alinéa de cet article prévoit que le
délit n'est pas constitué lorsque la publication est faite sur la
demande écrite du juge d'instruction.
L'incrimination prévue par cet article est extrêmement large. Le
tribunal correctionnel de Paris, dans un jugement du
10 septembre 1996, puis la Cour d'appel de Paris, dans un arrêt
du 18 septembre 1997, appelés à se prononcer sur la
publication de photographies de victimes de l'attentat de la station de
métro Saint-Michel, ont prononcé la relaxe des personnes
poursuivies, estimant que l'incrimination prévue par l'article 38,
alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881 n'était pas
conforme au principe de légalité et à la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme. L'arrêt de la Cour
d'appel a donné lieu à un pourvoi en cassation dans
l'intérêt de la loi.
La cour d'appel de Paris a notamment estimé
" que l'expression
" circonstances ", foncièrement imprécise, est
d'interprétation malaisée : que cette formulation par trop
générale, introduisant une vaste marge d'appréciation
subjective dans la définition de l'élément légal de
l'infraction, ne permet pas à celui qui envisage de procéder
à la publication d'être certain qu'elle n'entre pas dans le champ
d'application de l'interdit ".
Le projet de loi, dans son article 26, tend à redéfinir de
manière plus précise cette infraction tout en alourdissant la
peine encourue. Le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel
qu'en soit le support, la reproduction des circonstances d'un crime ou d'un
délit
lorsque cette reproduction porte atteinte à la
dignité d'une victime
serait puni de 100.000 F d'amende.
Ce texte ne serait pas inscrit à la place de l'ancienne incrimination
prévue par l'article 38 de la loi du 1881, appelée à
disparaître, mais dans le code pénal, une section relative
à
" l'atteinte à la dignité de la victime d'un
crime ou d'un délit "
étant insérée dans
le chapitre sur les atteintes à la personnalité.
Dans l'étude d'impact jointe au projet de loi, le Gouvernement justifie
cette disposition en observant que "
même si le raisonnement tenu
par le Cour d'appel de Paris pour écarter l'actuel article 38
(alinéa 3) de la loi sur la presse peut être contesté, et
il appartiendra à la Cour de cassation de se prononcer sur ce point, il
est souhaitable de supprimer cet article, dont le champ d'application est en
théorie trop large, pour lui substituer une incrimination
destinée spécifiquement à protéger la
dignité des victimes ".
L'Assemblée nationale a jugé utile d'enrichir cette nouvelle
section, composée d'un unique article dans le texte proposé par
le Gouvernement en transférant dans un article 226-30-3 nouveau du
code pénal les dispositions de l'article 39 quinquies de la loi du
29 juillet 1881, qui punit de 20.000 F d'amende et de deux ans
d'emprisonnement la diffusion et la publication de renseignements sur la
victime d'un viol ou d'un attentat à la pudeur sans son consentement.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale tend à punir de
100.000 F d'amende la diffusion, par quelque moyen que ce soit, des
renseignements concernant l'identité d'une victime d'une agression ou
d'une atteinte sexuelle ou l'image de cette victime lorsqu'elle est
identifiable.
Comme pour l'infraction précédemment mentionnée, les
règles applicables en matière de presse écrite et
audiovisuelle en ce qui concerne la prescription et la détermination des
personnes responsables seraient applicables.
Votre commission n'estime pas souhaitable de procéder, à
l'occasion de l'examen du présent projet de loi, à des transferts
de dispositions de la loi sur la liberté de la presse dans le code
pénal. La loi sur la liberté de la presse est un texte
très protecteur pour cette dernière et équilibré en
ce qui concerne les limites qui peuvent être apportées à la
liberté de l'information.
Peut-être serait-il souhaitable de rassembler l'ensemble des dispositions
relatives à la communication, et notamment l'ensemble des infractions
qui peuvent être commises par voie de presse, mais il ne paraît pas
de bonne méthode de procéder à des transferts parcellaires
et dont la cohérence ne paraît pas toujours avérée.
Votre commission vous propose donc par des
amendements
de maintenir dans
la loi sur la liberté de la presse l'incrimination relative à la
publication des circonstances d'un crime ou d'un délit ainsi que celle
relative à la publication de l'image de victimes d'atteintes sexuelles.
Elle propose de conserver le niveau des peines prévu par
l'Assemblée nationale.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article additionnel après
l'article 26
(Article 48 de la loi du 29 juillet 1881)
Droit
pour la partie lésée de mettre en mouvement l'action
publique
en cas de diffusion des circonstances d'un crime ou d'un
délit
Votre commission propose de modifier l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse, afin que les deux infractions de diffusion des circonstances d'un crime ou d'un délit et de diffusion de renseignements sur une victime d'infractions sexuelles puissent être poursuivies non seulement par le procureur, mais également par la personne lésée.
Article 27
(Article 227-24-1 du code
pénal)
Interdiction de la diffusion de
renseignements
concernant l'identité d'un mineur victime
Aucun
texte n'incrimine actuellement la diffusion de renseignements concernant
l'identité d'un mineur victime d'une infraction ou l'image de ce mineur.
Le Gouvernement a estimé utile de remédier à cette lacune
dans un nouvel article du code pénal
numéroté 227-24-1, qui viendrait s'insérer dans la
section de ce code consacrée à la mise en péril des
mineurs. Cette infraction serait punie de 100.000 F d'amende.
Comme pour les infractions prévues par l'article 26 du projet, le
présent article prévoit que lorsque le délit est commis
par voie de presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions
particulières qui régissent ces matières sont applicables
en ce qui concerne la prescription et la détermination des personnes
responsables. Le texte proposé prévoit en outre son
inapplicabilité lorsque la diffusion de renseignements concernant un
mineur victime est réalisée, pour les nécessités de
l'enquête ou de l'information, à la demande du procureur de la
République, du juge d'instruction ou du juge des enfants.
S'agissant d'une infraction nouvelle, votre commission ne propose pas son
inscription dans la loi sur la presse, mais estime qu'une réflexion
devra être entreprise pour renforcer la cohérence des dispositions
actuelles.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 27 bis
(Article 81-1 nouveau du
code de procédure pénale)
Dossier de personnalité de
la victime
L'article 81 du code de procédure pénale
prévoit que
" le juge d'instruction procède
conformément à la loi, à tous les actes d'information
qu'il juge utiles à la manifestation de la
vérité "
. Cet article lui permet notamment de
procéder ou de faire procéder à une enquête sur la
personnalité des personnes mises en examen, de prescrire un examen
médical, un examen psychologique...
L'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à
insérer un article 81-1 dans le code de procédure
pénale pour permettre au juge d'instruction, d'office, sur
réquisition du parquet ou à la demande de la partie civile, de
procéder à tout acte lui permettant d'apprécier la nature
et l'importance des préjudices subis par la victime ou de recueillir des
renseignements sur la personnalité de celle-ci.
Un tel article paraît d'un intérêt limité, dans la
mesure où le juge d'instruction peut d'ores et déjà
procéder à de tels actes, dès lors qu'ils sont utiles
à la manifestation de la vérité. Cette mesure pourrait
toutefois permettre à la juridiction de jugement d'être mieux
informée sur la victime et l'ampleur de son préjudice.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 27 ter
(Article 227-24-2 du
code
pénal)
Diffusion d'informations sur les mineurs fugueurs
ou
s'étant suicidés
Le
Gouvernement ayant proposé d'insérer dans le code pénal
certaines dispositions actuellement inscrites dans la loi du
29 juillet 1881 et de créer une nouvelle infraction, elle
aussi inscrite dans le code pénal, de diffusion de renseignements sur
l'identité d'un mineur victime, l'Assemblée nationale a
décidé de supprimer deux autres dispositions de la loi sur la
liberté de la presse pour les faire figurer dans le code pénal.
L'article 39 bis de cette loi interdit en effet la publication
d'informations concernant l'identité de mineurs ayant quitté
leurs parents, leur tuteur, la personne ou l'institution qui était
chargée de les garder. Cette infraction est punie de 40.000 F
d'amende.
L'article 39 ter de la même loi interdit, sous peine des
mêmes sanctions, la publication d'informations concernant le suicide de
mineurs.
L'Assemblée nationale a décidé d'insérer ces deux
infractions dans le code pénal, en en " modernisant " la
rédaction et en portant les peines à 100.000 F d'amende.
Ce choix peut susciter quelques interrogations. Sauf à prendre ce terme
dans une acception extrêmement générale, les mineurs
fugueurs ou s'étant suicidés ne sont pas des victimes, en tout
cas pas des victimes d'infractions pénales. Par ailleurs, il est
difficile de savoir sur quels critères reposent les choix de
l'Assemblée nationale en ce qui concerne le transfert d'infractions vers
le code pénal. L'article 39 quater de la loi du
29 juillet 1881 interdit la publication d'informations sur la
filiation d'origine d'une personne ayant fait l'objet d'une adoption
plénière. Cette infraction, elle aussi, pourrait trouver sa place
dans le code pénal. Les infractions transférées par
l'Assemblée nationale concernent les mineurs fugueurs ou s'étant
suicidés, mais pas les mineurs délinquants, pour lesquels des
dispositions particulières figurent à l'article 14 de
l'ordonnance du 2 février 1945.
Peut-être conviendra-t-il un jour d'élaborer un véritable
code de la communication, où pourront être rassemblées les
infractions susceptibles d'être commises par voie de presse écrite
ou audiovisuelle. Dans cette attente, il convient d'être prudent et
circonspect en ce qui concerne le choix d'un support législatif pour
accueillir une incrimination.
Votre commission n'a pas perçu la nécessité réelle
de transférer les dispositions relatives à la diffusion de
renseignements sur les mineurs ayant quitté leurs parents ou
s'étant suicidés de la loi du 29 juillet 1881 vers le
code pénal.
Votre commission vous propose la
suppression
de cet article.
CHAPITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AUX
ASSOCIATIONS
D'AIDE AUX VICTIMES ET AUX CONSTITUTIONS
DE PARTIE
CIVILE
SECTION 1
Dispositions relatives aux associations
d'aide aux victimes
Article 28
(Article 41 du code de procédure
pénale)
Recours par le procureur à des associations d'aide
aux victimes
Comme
l'indique l'exposé des motifs du projet de loi ,
" le rôle
des associations d'aide aux victimes est devenu particulièrement
important depuis quelques années "
.
" Ces associations interviennent désormais, le plus souvent en
liaison avec le ministère public, pour assister les victimes dans leurs
démarches et pour leur apporter le soutien dont elles ont besoin. Leur
action est parfois indispensable, lorsque surviennent des
événements catastrophiques ou des attentats. Le
législateur a d'ailleurs reconnu à plusieurs reprises le
rôle privilégié de certaines associations d'aide aux
victimes. Pour autant, aucune disposition du code de procédure
pénale n'a encore consacré, de façon
générale, l'existence de ces associations ".
L'article 28 du projet de loi a pour objet de consacrer l'existence des
associations d'aide aux victimes dans l'article 41 du code de
procédure pénale. L'article 41 concerne les
prérogatives du procureur et prévoit notamment que le procureur
" procède ou fait procéder à tous les actes
nécessaires à la recherche et à la poursuite des
infractions à la loi pénale ".
Le procureur a tous les
pouvoirs et prérogatives attachés à la qualité
d'officier de police judiciaire. Il peut requérir le comité de
probation et d'assistance aux libérés, le service
compétent de l'éducation surveillée ou toute personne
habilitée à vérifier la situation matérielle,
familiale et sociale d'une personne faisant l'objet d'une enquête et de
l'informer sur les mesures propres à favoriser l'insertion sociale de
l'intéressé.
Cet article serait complété pour prévoir que le procureur
de la République peut recourir à une association d'aide aux
victimes ayant fait l'objet d'un conventionnement de la part des chefs de la
cour d'appel, afin qu'il soit porté aide et assistance à la
victime de l'infraction.
Cette disposition peut effectivement présenter une utilité, dans
la mesure où certaines victimes, totalement
désespérées, ne prennent pas l'initiative de recourir aux
associations d'aides aux victimes, alors que celles-ci peuvent leur apporter un
soutien précieux.
Depuis un décret du 15 janvier 1997 portant
déconcentration des décisions administratives et individuelles,
les associations d'aide aux victimes ne sont plus agréées au
niveau national par le garde des sceaux, mais font l'objet d'un
conventionnement au niveau local par les chefs de cour d'appel.
Le conventionnement, selon l'exposé des motifs, du projet de loi,
" constitue une garantie de la qualité des services offerts par
les associations et du respect par leurs membres de règles
déontologiques, en raison notamment de leur affiliation à
l'INAVEM (Institut National d'Aide aux Victimes et de la Médiation) qui
propose des actes de soutien et de formation. Ce conventionnement permet
également l'attribution de subventions ".
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification.
Article 28 bis
Conventionnement de droit
pour
les associations
d'aide aux victimes reconnues d'utilité publique
L'Assemblée nationale a souhaité
compléter les
dispositions inscrites à l'article 28 du projet de loi en
prévoyant que le conventionnement est de droit pour les associations
d'aide aux victimes reconnues d'utilité publique.
Le conventionnement a pour objet de garantir la qualité des services
offerts par les associations en imposant à celles-ci le respect de
quelques conditions. Il est possible d'estimer que les associations reconnues
d'utilité publique présentent des garanties suffisantes pour que
le conventionnement leur soit accordé de droit.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification.
Article 28 ter
(Articles 53-1 nouveau
et 75
du code de procédure pénale)
Information des victimes par
les officiers
et agents de police judiciaire
Le
rapport présenté en mars dernier par le groupe
interministériel d'aide aux victimes, présidé par
Mme Marie-Noelle Liennemann met en particulier l'accent sur la
nécessité de
développer l'information de la victime
à tous les stades d'une procédure pénale
.
Les auteurs du rapport ont ainsi présenté une proposition
prévoyant qu'
" après avoir formellement recueilli
l'accord des victimes, la police et la gendarmerie devront
systématiquement communiquer leurs coordonnées à
l'association d'aide aux victimes la plus proche de leur domicile. Cette
dernière contactera les victimes pour leur indiquer les services offerts
et leur apporter une information exhaustive sur les droits et la
procédure.
" Le formulaire d'information sur les services d'aide aux victimes sera
remis aux personnes qui ne souhaitent pas, dans l'immédiat, être
contactées directement par ce service ".
L'article 28 ter tend à traduire cette proposition dans le
code de procédure pénale, en prévoyant toutefois des
formalités moins contraignantes.
Ainsi, en cours d'enquête de flagrance ou d'enquête
préliminaire, les officiers et agents de police judiciaire devraient
informer les victimes de leur droit d'obtenir réparation du
préjudice subi et d'être aidées et assistées par un
service ou une association d'aide aux victimes.
Actuellement, il semble que les organismes d'aide aux victimes prennent, pour
l'essentiel, la forme associative, même s'il existe également,
dans certaines communes, des services municipaux d'aide aux victimes.
Une telle proposition peut faciliter l'exercice de leurs droits par les
victimes sans représenter une contrainte insurmontable pour les
officiers et les agents de police judiciaire.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 28 quater
(Article 2-17 nouveau du code de
procédure pénale)
Exercice des droits reconnus à la
partie civile
par les associations de lutte contre les sectes
Un grand
nombre d'associations peuvent aujourd'hui exercer les droits reconnus à
la partie civile pour certaines infractions en rapport avec leur objet
statutaire. Les droits reconnus à la partie civile peuvent ainsi
être exercés par les associations de lutte contre le racisme, par
les associations de lutte contre les violences sexuelles, par les associations
de défense de l'enfance, par les associations d'aide aux personnes
malades ou handicapées...
En règle générale, pour pouvoir exercer cette
possibilité, l'association doit être régulièrement
déclarée depuis au moins cinq ans. Dans un grand nombre de cas,
l'association n'est recevable dans son action que si elle justifie avoir
reçu l'accord de la victime. Les dispositions relatives à la
possibilité pour les associations d'exercer les droits reconnus à
la partie civile font actuellement l'objet des articles 2-1 à 2-16
du code de procédure pénale.
L'article 28 quater du projet, adopté à l'initiative de
l'Assemblée nationale tend à étendre la possibilité
d'exercer les droits reconnus à la partie civile aux associations se
proposant par leurs statuts de "
défendre et d'assister
l'individu ou de défendre les droits et libertés individuels et
collectifs
". Ces associations pourraient exercer les droits reconnus
à la partie civile "
à l'occasion d'actes commis par
toute personne physique ou morale, dans le cadre d'un mouvement ou organisation
ayant pour but ou pour effet de créer ou d'exploiter une
dépendance psychologique ou physique, dès lors que ces actes
portent atteinte aux droits de l'homme et aux libertés
fondamentales
".
Il s'agit en pratique de permettre aux associations de lutte contre les
phénomènes sectaires d'exercer les droits reconnus à la
partie civile, afin de renforcer leurs moyens de défendre les personnes
victimes des sectes.
La constitution de partie civile serait possible pour un grand nombre
d'infractions, parmi lesquelles les tortures, les violences, les menaces, les
agressions sexuelles, les enlèvements et séquestrations, le
proxénétisme, le vol, l'extorsion, l'escroquerie...
Votre commission partage pleinement l'objectif poursuivi par cet article et
estime indispensable le renforcement de l'efficacité de la lutte contre
les sectes. En novembre 1998, notre collègue
M. Nicolas About a redéposé une proposition de loi
(n° 79, 1998-1999) contenant plusieurs dispositions destinées
à renforcer les moyens de lutter contre les associations ou groupements
à caractère sectaire. Notre collègue proposait notamment
de permettre aux associations se proposant, par leurs statuts, de
défendre l'individu et la famille contre les dérives sectaires de
certaines associations ou groupements de fait et d'exercer les droits reconnus
à la partie civile.
Il conviendra vraisemblablement dans un proche avenir d'examiner de
manière approfondie la question de l'exercice par les associations des
droits reconnus à la partie civile. Il paraît difficile de
continuer à allonger la liste des associations pouvant se constituer
partie civile sans réfléchir à la possibilité de
dispositions plus synthétiques.
Dans un récent rapport préparé au nom de l'office
d'évaluation de la législation, M. Pierre Albertini,
député, a dressé un bilan très complet de cette
question et formulé quelques propositions qui mériteront
d'être examinées avec le plus grand soin.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
SECTION 2
Dispositions relatives aux constitutions
de
partie civile
Article 29 A
(Article 80-2 rétabli du code de procédure
pénale)
Information de la victime par le juge d'instruction
Cet
article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée
nationale, a pour objet de rétablir l'article 80-2 du code de
procédure pénale, afin d'obliger le juge d'instruction,
dès le début d'une information, à avertir la victime d'une
infraction prévue par le livre II du code pénal de
l'ouverture d'une procédure, de son droit de se constituer partie civile
et des modalités d'exercice de ce droit. En présence d'une
victime mineure, l'avis serait donné à ses représentants
légaux.
Actuellement, le procureur de la République doit assurer "
le
plaignant du classement de l'affaire ainsi que la victime lorsque celle-ci est
identifiée
" (article 40 du code de procédure
pénale). En revanche, aucune information particulière de la
victime n'est prévue en cas d'ouverture d'une information. Dans la
plupart des cas, le juge d'instruction est conduit à entrer en contact
avec la victime au cours de l'instruction, mais tel n'est pas toujours le cas.
Certaines victimes peuvent avoir intérêt à se constituer
partie civile au stade de l'information plutôt que d'attendre l'audience.
L'objectif de cet article est donc louable. Toutefois, il est
particulièrement choquant de réserver les informations
prévues aux victimes d'infractions mentionnées au livre II
du code pénal. Cela conduirait à exclure l'ensemble des victimes
d'infractions contre les biens ainsi que les victimes d'infractions contre
l'Etat, la nation ou la paix publique.
Souhaitant que le principe d'égalité devant la justice soit
pleinement respecté, votre commission vous propose, par un
amendement
de prévoir que toutes les victimes doivent recevoir
les informations prévues par cet article en cas d'ouverture d'une
information.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article additionnel après
l'article 29 A
(Article 344 et 407 du code de procédure
pénale)
Droit de la partie civile à un interprète
Actuellement, le code de procédure pénale
prévoit qu'au cours des audiences criminelles ou correctionnelles, les
témoins, l'accusé ou le prévenu qui ne parlent pas
suffisamment la langue française bénéficient, sur
désignation d'office par le président, de l'assistance d'un
interprète.
Votre commission propose, conformément à une suggestion du groupe
interministériel d'aide aux victimes présidé par
Mme Marie-Noëlle Lienemann, que ce droit soit également
reconnu à la partie civile.
Article 29
(Article 420-1 du code de procédure
pénale)
Modalités de constitution de partie civile
L'article 418 du code de procédure pénale
prévoit que toute personne qui prétend avoir été
lésée par un délit peut se constituer partie civile
à l'audience, si elle ne l'a déjà fait. L'article 419
dispose que la déclaration de constitution de partie civile se fait soit
avant l'audience au greffe, soit pendant l'audience par déclaration
consignée par le greffier ou par dépôt de conclusions.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 420-1 du code de
procédure pénale permet à une personne qui se
prétend lésée de se constituer partie civile directement
ou par son avocat, par lettre recommandée avec avis de réception
parvenue au tribunal 24 heures au moins avant la date de l'audience,
lorsqu'elle demande soit la restitution d'objets saisis, soit des
dommages-intérêts dont le montant n'excède pas le plafond
de la compétence de droit commun des tribunaux d'instance en
matière civile, soit 30.000 F (article R. 321-1 du code
de l'organisation judiciaire). Dans un tel cas, la personne n'est pas tenue de
comparaître.
L'article 29 du projet tend à simplifier les modalités de
constitution de partie civile. La déclaration de constitution de partie
civile pourrait désormais être faite par télécopie
et non plus seulement par lettre recommandée.
Par ailleurs, le seuil maximal de dommages-intérêts au dessus
duquel la constitution de partie civile par lettre recommandée n'est pas
possible serait supprimé. Ainsi, la victime pourrait se constituer
partie civile par lettre recommandée ou par télécopie,
quel que soit le montant des dommages-intérêts demandés.
Comme l'indique l'étude d'impact jointe au projet de loi
"
l'existence même d'un seuil n'est pas cohérente. Ou la
demande d'indemnité est justifiée, et le tribunal
répressif doit y faire droit, ou elle ne l'est pas et la partie civile
doit être déboutée. Mais, il n'y a pas de raison que la
gravité du dommage oblige la victime à se déplacer, un tel
déplacement pouvant précisément être impossible si
la victime est immobilisée en raison de la gravité de
l'infraction qu'elle a subie
".
Par ailleurs, cet article tend également à permettre à une
personne de demander des dommages-intérêts ou la restitution
d'objets par déclaration devant un officier ou un agent de police
judiciaire au cours de l'enquête de police. Cette demande vaudrait
constitution de partie civile si l'action publique était mise en
mouvement.
Il semble que cette possibilité soit déjà reconnue par
certaines juridictions ; elle paraît adaptée au
développement du traitement "
en temps réel
"
des procédures. En revanche, votre commission propose, par un
amendement
, d'exclure que la demande de dommages-intérêts
devant un officier de police judiciaire puisse, à elle seule, valoir
constitution de partie civile en cas d'ouverture d'une information.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article 30
(Article 464 du code de
procédure
pénale)
Renvoi de la décision sur l'action civile à
une audience ultérieure
Dans sa
rédaction actuelle, l'article 464 du code de procédure
pénale prévoit que le tribunal prononce une peine s'il estime que
le fait constitue un délit. Il statue, s'il y a lieu, sur l'action
civile, et peut ordonner le versement provisoire, en tout ou en partie, des
dommages-intérêts alloués.
A propos de cet article, une jurisprudence relativement complexe s'est
développée. Considérant que le jugement de l'action civile
était l'accessoire du jugement de l'action publique, la Cour de
cassation a estimé que le tribunal correctionnel était tenu de
statuer par le même jugement sur les deux actions (Cass. Crim,
26 mars 1963).
La Cour de cassation a cependant estimé que certaines circonstances
pouvaient justifier le renvoi de l'affaire à une audience
ultérieure sur les seuls intérêts civils. Il en est ainsi
si les juges ne peuvent se prononcer sur une demande de
dommages-intérêts car des éléments nouveaux sont
apparus au cours des débats et ont mis la partie civile dans
l'obligation d'accomplir certaines formalités. Dans de tels cas, le
tribunal doit renvoyer l'affaire à une date déterminée.
Ainsi, la Cour de cassation a refusé d'admettre l'ajournement
sine
die
de la décision dans l'attente des résultats d'une
expertise.
En ce qui concerne les hypothèses dans lesquelles l'importance du
dommage est susceptible de varier après le prononcé de jugement,
la jurisprudence considère que le tribunal doit statuer
immédiatement sur la partie des dommages dont il constate dès
à présent la réalité au vu des
éléments du dossier. En revanche, le tribunal peut surseoir
à statuer sur l'évaluation du préjudice et ordonner des
mesures d'instruction complémentaires (Cass. crim.,
23 novembre 1976).
L'article 30 du projet doit permettre de clarifier la situation en cette
matière. Il tend en effet à insérer un nouvel
alinéa dans l'article 464 du code de procédure pénale
pour prévoir que le tribunal peut, après avoir statué sur
l'action publique, renvoyer l'affaire à une date ultérieure pour
statuer sur l'action civile d'office ou à la demande du procureur de la
République ou des parties. Le tribunal pourrait renvoyer la
décision, même s'il n'ordonnait pas de mesures d'instruction, afin
de permettre à la partie civile d'apporter les justificatifs de ses
demandes. Le texte prévoit en outre que le renvoi est de droit si les
parties civiles le demandent et que le tribunal doit fixer la date de
l'audience à laquelle il sera statué sur l'action civile.
Il s'agit d'une clarification heureuse qui ne peut qu'être
bénéfique pour les victimes d'infractions pénales. Votre
commission propose simplement, par un
amendement
, que la présence
du ministère public à l'audience sur l'action civile ne soit pas
obligatoire, le tribunal ayant déjà statué sur l'action
publique.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article 31
(Article 618-1 nouveau du code de
procédure pénale)
Remboursement des frais
irrépétibles
L'article 475-1 du code de procédure pénale
permet au tribunal correctionnel de condamner l'auteur d'une infraction
à payer à la partie civile la somme qu'il détermine, au
titre des frais non payés par l'Etat et exposés par celle-ci.
Cette disposition est l'équivalent en procédure pénale de
l'article 700 du nouveau code de procédure civile, qui
prévoit que "
le juge condamne la partie tenue aux dépens
ou, à défaut, la partie perdante à payer à l'autre
partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et
non compris dans les dépens
". L'article 629 du même
code permet explicitement l'application de cet article par les chambres civiles
de la Cour de cassation.
La chambre criminelle de la Cour de cassation a pour sa part refusé
d'appliquer l'article 475-1 du code de procédure pénale au
pourvoi en cassation en matière pénale (Cass, crim. 3 mars
1993). La chambre criminelle a en effet estimé que "
les
dispositions de ce texte -comprises dans le livre deuxième du code de
procédure pénale gouvernant la procédure suivie devant les
juridictions du fond- ne sauraient s'appliquer lors d'un pourvoi en cassation,
voie de recours extraordinaire dont la procédure est
réglée au livre troisième du même code et dans
lequel il n'est fait aucun renvoi audit article 475-1
".
L'article 31 du projet de loi tend donc à créer, parmi les
dispositions du code de procédure pénale relatives au pourvoi en
cassation, un article 618-1 précisant que les dispositions de
l'article 475-1 sont applicables devant la Cour de cassation. Votre
commission approuve pleinement cette évolution et a adopté un
amendement
tendant à permettre le remboursement des frais
irrépétibles en cas de pourvoi en cassation en matière
criminelle.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
Article 31 bis
(Article 15-2 nouveau du code de
procédure pénale)
" Guichet unique " en
matière de dépôt de plainte
Cet
article tend à insérer dans le code de procédure
pénale un article 15-2 pour prévoir que la police judiciaire
est tenue de recevoir les plaintes déposées par les victimes
d'infractions à la loi pénale et de les transmettre, le cas
échéant, au service ou à l'unité de police
judiciaire territorialement compétent.
D'ores et déjà, l'article 17 du code de procédure
pénale prévoit que les officiers de police judiciaire
"
regroupent les plaintes et dénonciations
".
Toutefois, le rapport du groupe interministériel d'aide aux victimes
note qu'"
on observe les mêmes carences concernant les
critères de compétences territoriales relatives à la
réception des plaintes. Même si des efforts ont été
réalisés, trop de victimes se plaignent encore d'être
renvoyées d'un service à l'autre sans parvenir à se faire
entendre
".
Le groupe a donc proposé d'inscrire dans le code de procédure
pénale que "
toute personne victime d'une infraction
pénale peut déposer plainte en tout lieu du territoire, à
charge pour le service qui la reçoit de transmettre la procédure
aux autorités compétentes
".
L'article 31 bis tend à traduire cette proposition en
instaurant en quelque sorte le principe du "
guichet unique
"
en matière de dépôt de plainte. Il s'agit d'une mesure
particulièrement bienvenue, qui devrait considérablement
simplifier les démarches des victimes et mérite de ce fait
d'être approuvée.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 31 ter
(Article 138 du code de
procédure
pénale)
Contrôle judiciaire des avocats
L'article 138 du code de procédure pénale
concerne les mesures que le juge d'instruction peut ordonner dans le cadre d'un
contrôle judiciaire. Le juge peut notamment imposer à la personne
concernée de "
ne pas se livrer à certaines
activités de nature professionnelle ou sociale, à l'exclusion de
l'exercice des mandats électifs et des responsabilités
syndicales, lorsque l'infraction a été commise dans l'exercice ou
à l'occasion de l'exercice de ces activités et lorsqu'il est
à redouter qu'une nouvelle infraction soit commise
".
Le législateur, à l'initiative de M. Michel Pezet,
rapporteur de la commission des Lois de l'Assemblée nationale sur le
projet de loi qui a donné naissance à la loi du
4 janvier 1993, a complété cette disposition pour
prévoir que "
lorsque l'activité concernée est
celle d'un avocat, le juge d'instruction doit saisir le conseil de l'ordre qui
statue comme il est dit à l'article 23 de la
loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant
réforme de certaines professions judiciaires et juridiques
".
L'intention de M. Michel Pezet, en présentant cet amendement,
était claire : "
Des juges d'instruction peuvent être
conduits à instruire contre un avocat et prononcer immédiatement,
comme c'est leur droit, une interdiction d'activité professionnelle, au
titre des peines accessoires. Les répercussions d'une telle interdiction
sont considérables, tant à l'égard des règles
régissant les rapports de l'avocat avec son client, qu'à
l'égard de l'avocat lui-même en tant qu'auxiliaire de justice ou
des rapports entre l'avocat avec ses propres collègues.
" Si un juge d'instruction estime qu'un avocat peut être
effectivement suspendu de son activité professionnelle, il doit au
préalable saisir le conseil de l'ordre qui statue conformément
à la loi
".
Le Gouvernement s'est vivement opposé, par la voie de
M. Michel Vauzelle, à cet amendement en observant qu'il
"
aurait pour effet de subordonner l'application d'une règle
générale de procédure pénale à la
décision d'une instance disciplinaire professionnelle, ce qui n'est pas
acceptable
". Au Sénat, l'article concerné a
été adopté sans débat.
La Cour de cassation n'a pas retenu l'interprétation faite par l'auteur
de l'amendement de cet article.
A plusieurs reprises en effet, elle a considéré que
l'article 138-12 n'avait pas pour effet de retirer au juge d'instruction
le pouvoir d'interdire à un avocat d'exercer sa profession. Dans un
arrêt du 30 juin 1993, la chambre criminelle a estimé
que "
la décision du juge d'instruction ne saurait être
subordonnée à celle d'une instance disciplinaire
professionnelle
".
Plus récemment, dans un arrêt du 22 octobre 1997, la
chambre criminelle a fait valoir que "
la décision du juge
d'instruction, dont l'autonomie dans la conduite de l'information est
affirmée par l'article 81, 1
er
alinéa du
même code, ne saurait être subordonnée à celle d'une
instance disciplinaire professionnelle
".
L'article 31 ter, adopté par l'Assemblée nationale
contre l'avis du gouvernement, tend donc à préciser explicitement
dans l'article 138 du code de procédure pénale que seul le
Conseil de l'ordre est habilité à statuer en ce qui concerne
l'interdiction pour un avocat d'exercer sa profession.
De fait, il ne paraît pas illogique d'accorder une protection
particulière à l'avocat, compte tenu du rôle qu'il joue
dans la procédure pénale, d'autant que toutes les autres mesures
du contrôle judiciaire peuvent lui être appliquées et qu'il
peut être mis en détention provisoire.
L'Assemblée nationale ayant intégré cette disposition
parmi celles relatives aux victimes, votre commission vous propose, par un
amendement
, de l'insérer parmi les dispositions finales du projet
de loi dans un article additionnel après l'article 33.
En conséquence, votre commission vous propose de supprimer
l'article 31 ter.
Article 31 quater
(Article 399-1 nouveau du code de
procédure pénale)
Information de la victime sur la date de
l'audience
L'article 399 du code de procédure pénale
définit les modalités d'application de la procédure de
comparution immédiate, qui permet au procureur, lorsqu'il estime qu'une
information n'est pas nécessaire, d'inviter la personne
déférée à comparaître devant le tribunal dans
un délai qui ne peut être inférieur à dix jours,
sauf renonciation expresse de l'intéressé en présence de
son avocat, ni supérieur à deux mois.
L'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à
insérer un article 393-1 dans le code de procédure
pénale, afin de prévoir, en cas de comparution immédiate,
une information par tout moyen de la victime en ce qui concerne la date de
l'audience.
Actuellement, l'article 391 du code de procédure pénale
prévoit que "
toute personne ayant porté plainte est
avisée par le parquet de la date de l'audience
". En cas de
comparution immédiate, l'audience peut avoir lieu alors même que
la victime n'a pas porté plainte, de sorte qu'il n'est pas inutile de
prévoir une disposition particulière afin qu'elle soit
informée.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 31 quinquies
(Article 800-2 nouveau du
code
de procédure pénale)
Indemnisation des personnes
bénéficiant d'un non-lieu,
d'une relaxe ou d'un
acquittement
Cet
article a pour objet d'insérer un article 800-2 dans le code de
procédure pénale, afin de permettre à toute juridiction
prononçant un non-lieu, une relaxe ou un acquittement d'accorder
à la personne poursuivie une indemnité qu'elle détermine
au titre des frais non payés par l'Etat et exposés par celle-ci.
L'indemnité serait à la charge de l'Etat, mais pourrait
être mise à la charge de la partie civile en cas de mise en
mouvement de l'action publique par cette dernière.
Il s'agit d'une innovation importante. En effet, il paraît
particulièrement choquant qu'une personne injustement mise en cause dans
une procédure pénale doive supporter des frais qui, dans certains
cas, peuvent s'avérer très lourds.
Le décret prévu dans cet article devra définir la
procédure à suivre pour obtenir l'indemnité. La demande
devra-t-elle être faite avant le prononcé du non-lieu, de la
relaxe ou de l'acquittement ? ou bien sera-t-il possible de la formuler
après la décision de la juridiction ?
Votre commission approuve pleinement l'objectif poursuivi par cet article.
Toutefois, une telle disposition ne paraît guère devoir figurer
dans la partie du projet de loi relative aux victimes, mais dans celle
concernant la présomption d'innocence.
Votre commission vous propose donc, par un
amendement
, d'inscrire cette
disposition avant l'article 22 du projet et vous propose en
conséquence la
suppression
de
l'article 31 quinquies.
CHAPITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES À
L'INDEMNISATION
DES VICTIMES
Article 31 sexies
(Articles 375-3 nouveau et 464
du
code de procédure pénale)
Information de la victime de son
droit de saisir
la commission d'indemnisation des victimes d'infractions
Cet
article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée
nationale, tend à prévoir, en matière correctionnelle
comme en matière criminelle, que la juridiction, lorsqu'elle condamne
l'auteur d'une infraction à verser des dommages-intérêts,
doit informer la partie civile de la possibilité de saisir la commission
d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI).
La procédure d'indemnisation par les CIVI, dans la forme actuelle, a
été prévue par la loi du 6 juillet 1990.
L'indemnisation, assurée par l'Etat, n'est possible que lorsque
certaines conditions sont réunies. Toute personne ayant subi un
préjudice résultant de faits ayant entraîné la mort,
une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail
égale ou supérieure à un mois ou ayant été
victime d'une atteinte ou d'une agression sexuelle peut obtenir la
réparation intégrale de son préjudice.
En revanche, lorsqu'il s'agit d'un préjudice matériel ou d'un
préjudice corporel avec une incapacité de travail
inférieure à un mois, l'article 706-14 du code de
procédure pénale n'autorise le recours en indemnité que si
le préjudice résulte d'un vol, d'une escroquerie ou d'un abus de
confiance. La victime doit démontrer qu'elle ne peut obtenir à un
titre quelconque une réparation ou une indemnisation effective et
suffisante de son préjudice, et se trouve de ce fait dans une situation
matérielle grave. Il faut enfin que ses ressources soient
inférieures au plafond prévu pour bénéficier de
l'aide juridictionnelle partielle, soit 7.300 F. L'indemnité
accordée dans ce cadre est au maximum égale à
22.000 F.
Il paraît utile que les juridictions informent les victimes auxquelles
elles accordent des dommages-intérêts de leur droit de saisir la
CIVI. Cette procédure est parfois mal connue et peut éviter aux
victimes des démarches particulièrement pénibles
destinées à percevoir effectivement les
dommages-intérêts accordés.
Toutefois, il conviendra de faire en sorte, pour l'application de cet
article, que les informations données à la victime soient
suffisamment claires pour lui éviter des désagréments. Il
existe en effet des restrictions à la possibilité de saisir la
CIVI, tenant à la nature et à l'importance du préjudice.
Dans certains cas, la saisine n'est ouverte qu'aux personnes
bénéficiant de ressources limitées et il paraît
nécessaire que cette information soit donnée à la
victime.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 31 septies
(Article 706-5 du code de
procédure pénale)
Coordination avec l'article
précédent
L'article tend à modifier l'article 706-5 du code
de
procédure pénale par coordination avec l'article
précédent. Dans sa rédaction actuelle, cet article
prévoit que la demande d'indemnité doit être
présentée à la CIVI dans le délai de trois ans
après l'infraction ou lorsque des poursuites sont engagées, dans
le délai d'un an après la décision de la juridiction qui a
statué définitivement sur l'action publique ou sur l'action
civile engagée devant la juridiction répressive.
L'Assemblée nationale a souhaité remplacer la
référence à la date de la décision de la
juridiction par une référence à la date à laquelle
la personne a été informée de son droit de saisir la CIVI.
Une telle rédaction devrait permettre de faire disparaître tout
délai en l'absence d'avis donné à la personne. Toutefois,
une telle rédaction pourrait aboutir à des effets pervers, dans
la mesure où l'avis donné à la victime n'est prévu
que lorsque la juridiction lui accorde des dommages-intérêts. Or,
la saisine de la CIVI est possible même en l'absence d'une telle
décision.
Votre commission a donc estimé plus simple d'en rester au système
actuel, qui permet à la victime de saisir la CIVI dans le délai
d'un an après la décision de la juridiction.
Elle vous propose la
suppression
de cet article.
Article 31 octies
(Articles 721-1 et 729 du code
de
procédure pénale)
Réductions de peines pour les
personnes
s'efforçant d'indemniser les victimes
L'article 721-1 concerne les réductions
supplémentaires de peine (le régime des réductions de
peine étant prévu par l'article 721) et prévoit
qu'une telle réduction peut être accordée aux
condamnés qui manifestent des efforts sérieux de
réadaptation sociale, notamment en passant avec succès un examen
scolaire, universitaire ou professionnel traduisant l'acquisition de
connaissances nouvelles ou en justifiant de progrès réels dans le
cadre d'un enseignement ou d'une formation.
L'article 31 octies du projet, inséré par
l'Assemblée nationale, tend à faire figurer dans cet article les
efforts d'indemnisation de la victime comme l'un des éléments
pouvant justifier une réduction supplémentaire de la peine. Cela
est en fait déjà prévu par une circulaire et l'insertion
de cette disposition dans la partie législative du code de
procédure pénale paraît d' intérêt modeste.
Cet article prévoit par ailleurs de compléter la premier
alinéa de l'article 729 du code de procédure pénale,
qui précise que les condamnés ayant à subir une peine
privative de liberté peuvent bénéficier d'une
libération conditionnelle s'ils présentent des gages
sérieux de réadaptation sociale. L'Assemblée nationale a
souhaité que, parmi les gages sérieux de réadaptation
sociale, figurent les efforts d'indemnisation des victimes.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans
modification.
TITRE III
DISPOSITIONS DE COORDINATION
Votre commission vous propose, par un amendement , de modifier l'intitulé de cette division, afin de faire référence à des dispositions diverses et de coordination.
Article 32
(Articles 104, 105, 152, 175 et 183 du
code de
procédure pénale)
Coordination - Témoin
assisté
Cet
article a pour objet de prévoir des coordinations dans plusieurs
articles du code de procédure pénale pour tenir compte des
modifications apportées au statut du témoin assisté.
• Le
paragraphe I
prévoit l'abrogation de
l'article 104 du code de procédure pénale, qui permet
à une personne visée par une plainte avec constitution de partie
civile de bénéficier de certains des droits reconnus à la
personne mise en examen. Cette abrogation est logique, l'ensemble des
dispositions relatives au témoin assisté devant être
rassemblées dans les articles 113-1 et suivants nouveaux du code de
procédure pénale.
• Le
paragraphe II
prévoit l'abrogation des
deuxième et dernier alinéas de l'article 105 du code de
procédure pénale qui prévoient que les personnes
nommément visées par un réquisitoire ne peuvent être
entendues comme témoins, mais que le juge peut leur reconnaître le
statut de témoin assisté. L'abrogation de ces dispositions se
justifie par la création d'une sous-section relative au témoin
assisté dans le code de procédure pénale.
• Le
paragraphe III
tend à opérer des
coordinations dans l'article 152 du code de procédure
pénale, relatif aux pouvoirs des magistrats ou officiers de police
judiciaire commis pour l'exécution d'une commission rogatoire, afin de
remplacer les références aux personnes nommées dans les
articles 104 et 105 du code de procédure pénale par des
références au témoin assisté.
• Le
paragraphe III bis
tend à opérer une
coordination similaire dans l'article 175 relatif à l'avis de
notification de la fin d'une information.
• Le
paragraphe IV
tend à opérer une
coordination identique dans l'article 183 relatif aux ordonnances de
règlement.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 33
(Articles 83, 116, 122, 135, 136,
137, 138, 141-2, 144-1,
145, 145-2, 185, 187-1, 207 du code de
procédure pénale)
Coordination - Juge de la
détention
Cet
article a pour objet de prendre en compte dans le code de procédure
pénale la création du juge de la détention provisoire, en
remplaçant partout où cela est nécessaire, la
référence au juge d'instruction par une référence
au juge de la détention provisoire.
• Le
paragraphe I
tend à modifier
l'article 83 du code de procédure pénale, qui dispose
notamment que le juge chargé de l'information a seul qualité pour
statuer en matière de détention provisoire, afin de
prévoir que ce juge a seul qualité pour saisir le juge de la
détention provisoire.
• Le
paragraphe II
tend à modifier
l'article 116 du code de procédure pénale, relatif à
la première comparution, afin de prévoir que la
déclaration de domicile que doit faire la personne mise en examen est
faite devant le juge de la détention provisoire lorsque ce magistrat,
saisi par le juge d'instruction, décide de ne pas placer la personne en
détention. De même, certains avis donnés à la
personne par le juge d'instruction (obligation de signaler tout changement
d'adresse jusqu'au règlement de l'information) seraient donnés
par le juge de la détention s'il décidait de ne pas placer la
personne en détention ;
• Le
paragraphe III
tend à modifier
l'article 122 du code de procédure pénale, relatif aux
différents mandats que peut délivrer le juge d'instruction, afin
de prévoir la délivrance des mandats de dépôt par le
juge de la détention provisoire.
• Le
paragraphe IV
tend à supprimer le premier
alinéa de l'article 135 du code de procédure pénale,
qui prévoit que le juge d'instruction ne peut délivrer un mandat
de dépôt qu'après interrogatoire et si l'infraction
comporte une peine d'emprisonnement correctionnelle ou une autre peine plus
grave.
• Le
paragraphe V
tend à modifier
l'article 136 du code de procédure pénale, relatif à
l'inobservation des formalités prescrites pour les mandats, afin de
prévoir que cette inobservation peut donner lieu à des sanctions
disciplinaires contre le juge de la détention provisoire en
matière de mandats de dépôt.
• Le
paragraphe VI
a pour objet de supprimer le second
alinéa de l'article 137 du code de procédure pénale,
qui prévoit notamment que le juge d'instruction qui ne suit pas les
réquisitions du procureur tendant au placement en détention
provisoire de la personne n'a pas à rendre d'ordonnance motivée.
Le projet de loi prévoit en effet l'inscription dans les
articles 137-3 et 137-4 nouveaux du code de procédure pénale
de dispositions permettant au juge de la détention de ne pas statuer par
ordonnance motivée lorsqu'il ne décide pas le placement en
détention et offrant la même faculté au juge d'instruction
lorsqu'il décide de ne pas saisir le juge de la détention en
présence de réquisitions tendant au placement en détention
provisoire.
• Le
paragraphe VII
tend à compléter une
référence au juge d'instruction par une référence
au juge de la détention provisoire dans l'article 138 du code de
procédure pénale relatif au contrôle judiciaire. Le projet
de loi prévoit en effet que la mise sous contrôle judiciaire
demeure une compétence du juge d'instruction, mais que le juge de la
détention peut également ordonner un contrôle judiciaire
lorsqu'il est saisi d'une demande de mise en détention.
• Le
paragraphe VIII
tend à modifier
l'article 141-2 du code de procédure pénale, relatif
à la possibilité de mettre une personne en détention
provisoire lorsqu'elle se soustrait volontairement aux obligations du
contrôle judiciaire. En pareil cas, le juge d'instruction ne pourrait
plus décider lui-même la mise en détention provisoire, mais
devrait saisir le juge de la détention provisoire.
• Le
paragraphe IX
tend à compléter une
référence au juge d'instruction par une référence
au juge de la détention provisoire dans l'article 144-1 du code de
procédure pénale, qui prévoit que le juge d'instruction
doit ordonner la mise en liberté immédiate d'une personne
placée en détention provisoire, lorsque les conditions justifiant
une mise en détention provisoire ne sont plus réunies.
• Le
paragraphe X
a pour objet de modifier
l'article 145 du code de procédure pénale, relatif à
la procédure qui doit être suivie en matière de
détention provisoire. Il s'agit de remplacer les
références au juge d'instruction par des références
au juge de la détention provisoire. Le paragraphe tend également
à prendre en compte, dans l'article 145, le fait que le projet de
loi tend à inscrire dans deux articles différents les motifs
pouvant justifier une mise en détention provisoire et les seuils de
peine encourue à partir desquels une telle mise en détention est
possible.
• Le
paragraphe XI
avait pour objet d'opérer des
coordinations dans l'article 145-1 du code de procédure
pénale, relatif à la durée de la détention
provisoire en matière correctionnelle. L'Assemblée nationale,
après avoir décidé de réécrire
entièrement cet article, a logiquement supprimé ce paragraphe.
• Le
paragraphe XII
tend à remplacer une
référence au juge d'instruction par une référence
au juge de la détention provisoire dans l'article 145-2, relatif
à la durée de la détention provisoire en matière
criminelle.
• Le
paragraphe XIII
tend à modifier
l'intitulé de la section du code de procédure pénale
relative à l'appel des ordonnances du juge d'instruction, afin de
prévoir la possibilité d'appel des ordonnances du juge de la
détention provisoire.
• Le
paragraphe XIV
tend à compléter, dans
l'article 185 du code de procédure pénale relatif à
l'appel des ordonnances, la référence au juge d'instruction par
une référence au juge de la détention provisoire.
• Le
paragraphe XV
tend à modifier
l'article 178-1 du code de procédure pénale relatif à
l'appel des ordonnances de placement en détention provisoire pour
remplacer la référence au juge d'instruction par une
référence au juge de la détention provisoire ;
• Le
paragraphe XVI
tend à modifier
l'article 207 du code de procédure pénale, afin de prendre
en considération les prérogatives du juge de la détention
provisoire en ce qui concerne les conséquences des décisions de
la chambre d'accusation en matière de détention provisoire.
Votre commission a adopté un
amendement
de coordination, afin de
prendre en compte dans cet article son choix de ne pas donner de nom au
magistrat chargé du contentieux de la détention provisoire.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 33
ainsi
modifié.
Article additionnel après l'article
33
(Article 138
du code de procédure pénale)
Contrôle judiciaire des
avocats
Votre commission propose d'insérer, après l'article 33, le texte de l'article 31 ter du projet de loi, qui tend à confier au seul conseil de l'ordre la possibilité de contraindre un avocat à cesser d'exercer son activité professionnelle dans le cadre d'un contrôle judiciaire.
Article 34
(Article 145 du code de procédure
pénale)
Coordination
L'article 34 avait pour objet de modifier, dans
l'article 145 du code de procédure pénale, relatif à
la procédure de placement en détention provisoire, des renvois
à d'autres articles du code, notamment pour tenir compte de la scission
en deux articles différents des conditions permettant la mise en
détention provisoire d'une personne. Cette coordination étant
déjà opérée par ailleurs, l'Assemblée
nationale a décidé la suppression de cet article.
Votre commission vous propose de
maintenir la suppression
de cet article.
Article 35
(Articles 420-2 et 460-1 du code
de
procédure pénale)
Coordination - Constitution de partie
civile par télécopie
Cet
article a pour objet de modifier l'article 420-2 du code de
procédure pénale, relatif à la décision rendue sur
les demandes de restitution d'objets saisis ou de
dommages-intérêts présentées par lettre, afin de
tenir compte de la possibilité de se constituer partie civile et de
formuler ces demandes par voie de télécopie prévue par
l'article 29 du projet de loi .
Une modification similaire est prévue dans l'article 460-1 du code
de procédure pénale, qui prévoit que lorsqu'une personne
s'est constituée partie civile par lettre, le président donne
lecture de la lettre dès que l'instruction à l'audience est
terminée.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 36
(Article 154 du code de
procédure pénale)
Informations données à
l'avocat au cours d'une garde à vue
L'article 2 du projet de loi tend notamment à
renforcer
l'information de l'avocat intervenant au cours d'une garde à vue. Le
présent article a pour objet de modifier l'article 154 du code de
procédure pénale, relatif aux gardes à vue pour
l'exécution de commissions rogatoires, afin de prévoir que
l'avocat doit être informé du fait que la garde à vue
intervient dans le cadre d'une commission rogatoire.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article
37
(Article 82 du code de
procédure
pénale)
Coordination - Demandes d'actes
Le
projet de loi tend à élargir la liste des actes que peuvent
demander les parties au cours de l'information. Il prévoit en outre que
les avocats peuvent demander à être présents lorsque
certains actes sont accomplis.
Pour sa part, le procureur de République peut déjà se
transporter sur les lieux (article 92 du code de procédure
pénale) ou assister aux interrogatoires et confrontations de la personne
mise en examen et aux auditions de la partie civile (article 119 du code
de procédure pénale). Toutefois, aucune disposition ne lui permet
de demander à assister à l'audition d'un témoin.
L'article 37 du projet tend donc à modifier l'article 82 du
code de procédure pénale pour permettre au procureur de demander
à assister à l'accomplissement des actes qu'il requiert.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 38
(Articles 4 et 11 de l'ordonnance du 2
février 1945)
Garde à vue et détention
provisoire des mineurs délinquants
Actuellement, les mineurs de seize ans peuvent d'ores et
déjà bénéficier de l'intervention de l'avocat
à la première heure de garde à vue. En revanche, une telle
intervention n'est prévue que dans les mêmes conditions que pour
les majeurs, en ce qui concerne les mineurs de 16 à 18 ans. Le
présent article tend à modifier l'article 4 de l'ordonnance
du 2 février 1945 pour prévoir la possibilité
pour tous les mineurs de demander l'intervention d'un avocat dès la
première heure de garde à vue.
Cet article prévoit en outre d'insérer une
référence au magistrat chargé de la détention
provisoire dans l'article 11 de l'ordonnance du 2 février 1945, relatif
au régime de détention provisoire des mineurs délinquants.
Votre commission vous soumet un
amendement
de coordination et vous
propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
Article
39
Délai d'entrée en vigueur
de
certaines dispositions
Cet
article tend à renvoyer au premier jour du quatrième mois avant
la publication au journal officiel de la loi l'entrée en vigueur des
dispositions relatives au juge de la détention provisoire et des
dispositions limitant les conditions ou la durée de la détention
provisoire.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 40
Application en
Nouvelle-Calédonie,
dans les territoires d'outre-mer et à
Mayotte
Cet
article prévoit l'application de la loi dans les territoires
d'outre-mer, en Nouvelle-Calédonie et dans la collectivité
territoriale de Mayotte.
Le Gouvernement a récemment déposé sur le bureau de
l'Assemblée nationale un projet de loi constitutionnelle relatif
à la Polynésie française. Si ce texte est adopté,
la Polynésie ne sera plus un territoire d'outre-mer. Dans ces
conditions, votre commission vous propose, par un amendement, de ne plus faire
référence aux territoires d'outre-mer, mais à la
Polynésie française et aux îles Wallis-et-Futuna.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
*
* *
Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter le présent projet de loi.
I. ANNEXE
code de procédure pénale
Art. 50. --
Le juge d'instruction,
choisi parmi les juges du tribunal, est nommé dans les formes
prévues pour la nomination des magistrats du siège.
En cas de nécessité, un autre juge peut être temporairement
chargé, dans les mêmes formes, des fonctions de juge d'instruction
concurremment avec le magistrat désigné ainsi qu'il est dit au
premier alinéa.
Si le premier président délègue un juge au tribunal, il
peut aussi, dans les mêmes conditions, charger temporairement celui-ci de
l'instruction par voie d'ordonnance.
Si le juge d'instruction est absent, malade ou autrement empêché,
le tribunal de grande instance désigne l'un des juges de ce tribunal
pour le remplacer.
Art. 61. --
L'officier de police judiciaire peut
défendre à toute personne de s'éloigner du lieu de
l'infraction jusqu'à la clôture de ses opérations.
Art. 62. --
L'officier de police judiciaire peut
appeler et entendre toutes personnes susceptibles de fournir des renseignements
sur les faits ou sur les objets et documents saisis.
Les personnes convoquées par lui sont tenues de comparaître. Si
elles ne satisfont pas à cette obligation, avis en est donné au
procureur de la République, qui peut les contraindre à
comparaître par la force publique.
Il dresse un procès-verbal de leurs déclarations. Les personnes
entendues procèdent elles-mêmes à sa lecture, peuvent y
faire consigner leurs observations et y apposent leur signature. Si elles
déclarent ne savoir lire, lecture leur en est faite par l'officier de
police judiciaire préalablement à la signature. Au cas de refus
de signer le procès-verbal, mention en est faite sur celui-ci.
Les agents de police judiciaire désignés à
l'article 20 peuvent également entendre sous le contrôle d'un
officier de police judiciaire, toutes personnes susceptibles de fournir des
renseignements sur les faits en cause. Ils dressent à cet effet, dans
les formes prescrites par le présent code, des procès-verbaux
qu'ils transmettent à l'officier de police judiciaire qu'ils secondent.
Art. 63. --
L'officier de police judiciaire peut,
pour les nécessités de l'enquête, garder à sa
disposition une ou plusieurs des personnes visées aux articles 61
et 62. Il en informe dans les meilleurs délais le procureur de la
République. Les personnes gardées à vue ne peuvent
être retenues plus de vingt-quatre heures.
Toutefois, les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucun
indice faisant présumer qu'elles ont commis ou tenté de commettre
une infraction ne peuvent être retenues que le temps nécessaire
à leur déposition.
La garde à vue des personnes à l'encontre desquelles il existe
des indices faisant présumer qu'elles ont commis ou tenté de
commettre une infraction peut être prolongée d'un nouveau
délai de vingt-quatre heures au plus, par autorisation écrite du
procureur de la République. Ce magistrat peut subordonner cette
autorisation à la présentation préalable de la personne
gardée à vue.
Sur instructions du procureur de la République, les personnes à
l'encontre des quelles les éléments recueillis sont de nature
à motiver l'exercice de poursuites sont, à l'issue de la garde
à vue, soit remises en liberté, soit
déférées devant ce magistrat.
Pour l'application du présent article, les ressorts des tribunaux de
grande instance de Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil constituent un
seul et même ressort.
Art. 80-1. --
Le juge d'instruction a le pouvoir de
mettre en examen toute personne à l'encontre de laquelle il existe des
indices laissant présumer qu'elle a participé, comme auteur ou
complice, aux faits dont il est saisi.
La mise en examen résulte de l'interrogatoire de première
comparution prévu par l'article 116 ou la délivrance de l'un
des mandats prévus par les articles 122 à 136. Toutefois, la
personne à l'encontre de laquelle a été
délivré un mandat d'amener ou d'arrêt ne
bénéficie des droits reconnus aux personnes mises en examen
qu'à compter de sa première comparution.
Le juge d'instruction peut également procéder à la mise en
examen d'une personne par l'envoi d'une lettre recommandée. Cette lettre
donne connaissance à la personne des faits pour lesquels elle est mise
en examen et de la qualification juridique de ces faits. Elle lui
précise qu'elle a le droit d'être assistée d'un avocat de
son choix ou commis d'office et que le nom de l'avocat choisi ou la demande de
désignation d'un avocat commis d'office doit être
communiqué au greffe du juge d'instruction. Vaut également mise
en examen la notification à une personne, par un officier de police
judiciaire agissant sur les instructions du juge d'instruction, des mentions
prévues par le présent alinéa. Cette notification est
constatée par un procès-verbal signé par la personne qui
en reçoit copie.
Art. 81. --
Le juge d'instruction procède,
conformément à la loi, à tous les actes d'information
qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité.
Il est établi une copie de ces actes ainsi que de toutes les
pièces de la procédure ; chaque copie est certifiée
conforme par le greffier ou l'officier de police judiciaire commis
mentionné à l'alinéa 4. Toutes les pièces du
dossier sont cotées par le greffier au fur et à mesure de leur
rédaction ou de leur réception par le juge d'instruction.
Toutefois, si les copies peuvent être établies à l'aide de
procédés photographiques ou similaires, elles sont
exécutées à l'occasion de la transmission du dossier. Il
en est alors établi autant d'exemplaires qu'il est nécessaire
à l'administration de la justice. Le greffier certifie la
conformité du dossier reproduit avec le dossier original. Si le
dessaisissement momentané a pour cause l'exercice d'une voie de recours,
l'établissement des copies doit être effectué
immédiatement pour qu'en aucun cas ne soit retardée la mise en
état de l'affaire prévues à l'article 194.
Si le juge d'instruction est dans l'impossibilité de procéder
lui-même à tous les actes d'instruction il peut donner commission
rogatoire aux officiers de police judiciaire afin de leur faire exécuter
tous les actes d'information nécessaires dans les conditions et sous les
réserves prévues aux articles 151 et 152.
Le juge d'instruction doit vérifier les éléments
d'information ainsi recueillis.
Le juge d'instruction procède ou fait procéder, soit par des
officiers de police judiciaire, conformément à
l'alinéa 4, soit par toute personne habilitée dans des
conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat,
à une enquête sur la personnalité des personnes mises en
examen, ainsi que sur leur situation matérielle, familiale ou sociale.
Toutefois, en matière de délit, cette enquête est
facultative.
Le juge d'instruction peut également commettre, suivant les cas, le
comité de probation et d'assistance aux libérés, le
service compétent de l'éducation surveillée ou toute
personne habilitée en application de l'alinéa qui
précède à l'effet de vérifier la situation
matérielle, familiale et sociale d'une personne mise en examen et de
l'informer sur les mesures propres à favoriser l'insertion sociale de
l'intéressée. A moins qu'elles n'aient été
déjà prescrites par le ministère public, ces diligences
doivent être prescrites par le juge d'instruction chaque fois qu'il
envisage de placer en détention provisoire un majeur âgé de
moins de vingt et un ans au moment de la commission de l'infraction lorsque la
peine encourue n'excède pas cinq ans d'emprisonnement.
Le juge d'instruction peut prescrire un examen médical, un examen
psychologique ou ordonner toutes mesures utiles.
S'il est saisi par une partie d'une demande écrite et motivée
tendant à ce qu'il soit procédé à l'un des examens
ou à toutes autres mesures utiles prévus par l'alinéa qui
précède, le juge d'instruction doit, s'il n'entend pas y faire
droit, rendre une ordonnance motivée au plus tard dans le délai
d'un mois à compter de la réception de la demande.
La demande mentionnée à l'alinéa précédent
doit faire l'objet d'une déclaration au greffier du juge d'instruction
saisi du dossier. Elle est constatée et datée par le greffier qui
la signe ainsi que le demandeur ou son avocat. Si le demandeur ne peut signer,
il en est fait mention par le greffier. Lorsque le demandeur ou son avocat ne
réside pas dans le ressort de la juridiction compétente, la
déclaration au greffier peut être faite au moyen d'une lettre
recommandée avec demande d'avis de réception. Lorsque la personne
mise en examen est détenue, la demande peut également être
faite au moyen d'une déclaration auprès du chef de
l'établissement pénitentiaire. Cette déclaration est
constatée et datée par le chef de l'établissement
pénitentiaire qui la signe, ainsi que le demandeur. Si celui-ci ne peut
signer, il en est fait mention par le chef d'établissement. Ce document
est adressé sans délai, en original ou copie et par tout moyen,
au greffier du juge d'instruction.
Faute par le juge d'instruction d'avoir statué dans le délai d'un
mois, la partie peut saisir directement le président de la chambre
d'accusation, qui statue et procède conformément aux
troisième, quatrième et cinquième alinéas de
l'article 186-1.
Art. 82-1. --
Les parties peuvent, au cours de
l'information, saisir le juge d'instruction d'une demande écrite et
motivée tendant à ce qu'il soit procédé à
leur audition ou à leur interrogatoire, à l'audition d'un
témoin, à une confrontation ou à un transport sur les
lieux, ou à ce qu'il soit ordonné la production par l'une d'entre
elles d'une pièce utile à l'information. Cette demande doit
être formée conformément aux dispositions du dixième
alinéa de l'article 81.
Le juge d'instruction doit, s'il n'entend pas y faire droit, rendre une
ordonnance motivée au plus tard dans le délai d'un mois à
compter de la réception de la demande. Les dispositions du dernier
alinéa de l'article 81 sont applicables.
A l'expiration d'un délai de quatre mois depuis sa dernière
comparution ou, s'il a été fait application du dernier
alinéa de l'article 80-1, de l'envoi de la lettre prévue par
cet alinéa, la personne mise en examen qui en fait la demande
écrite doit être entendue par le juge d'instruction. Le juge
d'instruction procède à son interrogatoire dans les trente jours
de la réception de la demande qui doit être formée
conformément aux dispositions du dixième alinéa de
l'article 81.
Art. 116. --
Lors de la première
comparution, le juge d'instruction constate l'identité de la personne et
lui fait connaître expressément chacun des faits dont il est saisi
et pour lesquels elle est mise en examen ainsi que la qualification juridique
de ces faits. Mention de ces faits et de leur qualification juridique est
portée au procès-verbal.
Lorsque la personne mise en examen a déjà demandé
l'assistance d'un avocat et que celui-ci a été dûment
convoqué, le juge d'instruction procède ensuite à son
interrogatoire.
Dans les autres cas, le juge d'instruction avise la personne mise en examen de
son droit de choisir un avocat ou de demander qu'il lui en soit
désigné un d'office. L'avocat choisi ou, dans le cas d'une
demande de commission d'office, le bâtonnier de l'ordre des avocats en
est informé par tout moyen et sans délai. L'avocat peut consulter
sur le champ le dossier et communiquer librement avec la personne mise en
examen. Le juge d'instruction avertit ensuite la personne qu'elle ne peut
être interrogée immédiatement qu'avec son accord. Cet
accord ne peut être recueilli qu'en présence de son avocat.
Toutefois, si la personne désire faire des déclarations,
celles-ci sont immédiatement reçues par le juge d'instruction.
Mention de l'avertissement prévu au présent alinéa est
faite au procès-verbal.
Après avoir, le cas échéant, procédé
à l'interrogatoire de la personne, le juge d'instruction l'avise de son
droit de formuler une demande d'acte ou présenter une requête en
annulation sur le fondement des articles 81 neuvième alinéa,
82-1, 156, premier alinéa et 173, troisième alinéa, durant
le déroulement de l'information et au plus tard le vingtième jour
suivant l'envoi de l'avis prévu par le premier alinéa de
l'article 175.
A l'issue de la première comparution, la personne mise en examen doit
déclarer au juge d'instruction son adresse personnelle. Elle peut
toutefois lui substituer l'adresse d'un tiers chargé de recevoir les
actes qui lui sont destinés, si elle produit l'accord de ce dernier.
L'adresse déclarée doit être située, si
l'information se déroule en métropole, dans un département
métropolitain ou, si l'information se déroule dans un
département d'outre-mer, dans ce département.
La personne est avisée qu'elle doit signaler au juge d'instruction
jusqu'au règlement de l'information, par nouvelle déclaration ou
par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, tout
changement de l'adresse déclarée. Elle est également
avisée que toute notification ou signification faite à la
dernière adresse déclarée sera réputée faite
à sa personne. Mention de cet avis, ainsi que de la déclaration
d'adresse, est portée au procès-verbal.
Art. 120. --
Le procureur de la République et
les avocats des parties ne peuvent prendre la parole que pour poser des
questions après y avoir été autorisés par le juge
d'instruction.
Si cette autorisation leur est refusée, le texte des questions sera
reproduit ou joint au procès-verbal.
Art. 141-2. --
Si la personne mise en examen se soustrait
volontairement aux obligations du contrôle judiciaire, le juge
d'instruction peut, quelle que soit la durée de la peine
d'emprisonnement encourue, décerner à son encontre mandat
d'arrêt ou de dépôt en vue de sa détention
provisoire.
Les mêmes droits appartiennent en tout état de cause à la
juridiction qui est compétente selon les distinctions de l'article
148-1. Toutefois, à l'encontre de l'accusé, il n'y a pas lieu
à délivrance d'un mandat et l'ordonnance de prise de corps est
exécutée sur l'ordre du président de la cour d'assises ou,
dans l'intervalle des sessions, du président de la chambre d'accusation.
Art. 149-1. --
L'indemnité prévue à
l'article précédent est allouée par décision d'une
commission qui statue souverainement.
Le bureau de la Cour de cassation peut décider que la commission
comportera plusieurs formations.
La commission, ou chacune des formations qu'elle comporte le cas
échéant, est composée du premier président de la
Cour de cassation, ou de son représentant, qui la préside, et de
deux magistrats du siège à la même cour ayant le grade de
président de chambre, de conseiller ou de conseiller
référendaire, désignés annuellement par le bureau
de la cour. Outre ces deux magistrats, ce bureau désigne
également, dans les mêmes conditions, trois suppléants.
Les fonctions du ministère public sont remplies par le parquet
général près la Cour de cassation.
Art.
154. --
Lorsque l'officier de police judiciaire est
amené, pour les nécessités de l'exécution de la
commission rogatoire, à garder une personne à sa disposition, il
en informe dans les meilleurs délais le juge d'instruction saisi des
faits, qui contrôle la mesure de garde à vue. Il ne peut retenir
cette personne plus de vingt-quatre heures.
La personne doit être présentée avant l'expiration du
délai de vingt-quatre heures à ce magistrat ou, si la commission
rogatoire est exécutée dans un autre ressort que celui de son
siège, au juge d'instruction du lieu d'exécution de la mesure. A
l'issue de cette présentation, le juge d'instruction peut accorder
l'autorisation écrite de prolonger la mesure d'un nouveau délai,
sans que celui-ci puisse excéder vingt-quatre heures. Il peut, à
titre exceptionnel, accorder cette autorisation par décision
écrite et motivée sans présentation préalable de la
personne.
Pour l'application du présent article, les ressorts des tribunaux de
grande instance de Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil constituent un
seul et même ressort.
Les
dispositions des articles 63-1, 63-2, 63-3, 63-4, 64 et 65 sont applicables aux
gardes à vue exécutées dans le cadre de la présente
section. Les pouvoirs conférés au procureur de la
République par les articles 63-2 et 63-3 sont alors exercés par
le juge d'instruction. Le deuxième alinéa de l'article 63 est
également applicable en matière de commission rogatoire.
Art. 156. --
Toute juridiction d'instruction ou de
jugement, dans le cas où se pose une question d'ordre technique, peut,
soit à la demande du ministère public, soit d'office, ou à
la demande des parties, ordonner une expertise.
Lorsque le juge d'instruction estime ne pas devoir faire droit à une
demande d'expertise, il doit rendre une ordonnance motivée au plus tard
dans un délai d'un mois à compter de la réception de la
demande. Les dispositions des neuvième et dixième alinéas
de l'article 81 sont applicables.
Les experts procèdent à leur mission sous le contrôle du
juge d'instruction ou du magistrat que doit désigner la juridiction
ordonnant l'expertise.
Art. 167. --
Le juge d'instruction donne
connaissance des conclusions des experts aux parties et à leurs avocats
après les avoir convoqués conformément aux dispositions du
deuxième alinéa de l'article 114.
Les conclusions peuvent également être notifiées par lettre
recommandée ou, lorsque la personne est détenue, par les soins du
chef de l'établissement pénitentiaire qui adresse, sans
délai, au juge d'instruction l'original ou la copie du
récépissé signé par l'intéressé.
Dans tous les cas, le juge d'instruction fixe un délai aux parties pour
présenter des observations ou formuler une demande, notamment aux fins
de complément d'expertise ou de contre-expertise. Cette demande doit
être formée conformément aux dispositions du dixième
alinéa de l'article 81. Pendant ce délai, le dossier de la
procédure est mis à la disposition des conseils des parties.
Lorsqu'il rejette une demande, le juge d'instruction rend une décision
motivée qui doit intervenir dans un délai d'un mois à
compter de la réception de la demande. Il en est de même s'il
commet un seul expert alors que la partie a demandé qu'il en soit
désigné plusieurs. Les dispositions du dernier alinéa de
l'article 81 sont applicables.
Art. 173. --
S'il apparaît au juge
d'instruction qu'un acte ou une pièce de la procédure est
frappé de nullité, il saisit la chambre d'accusation aux fins
d'annulation, après avoir pris l'avis du procureur de la
République et avoir informé les parties.
Si le procureur de la République estime qu'une nullité a
été commise, il requiert du juge d'instruction communication de
la procédure en vue de sa transmission à la chambre d'accusation,
présente requête aux fins d'annulation à cette chambre et
en informe les parties.
Si l'une des parties estime qu'une nullité a été commise,
elle saisit la chambre d'accusation par requête motivée, dont elle
adresse copie au juge d'instruction qui transmet le dossier de la
procédure au président de la chambre d'accusation. La
requête doit, à peine d'irrecevabilité, faire l'objet d'une
déclaration au greffe de la chambre d'accusation. Elle est
constatée et datée par le greffier qui la signe ainsi que le
demandeur ou son avocat. Si le demandeur ne peut signer il en est fait mention
par le greffier. Lorsque le demandeur ou son avocat ne réside pas dans
le ressort de la juridiction compétente, la déclaration au greffe
peut être faite au moyen d'une lettre recommandée avec demande
d'avis de réception. Lorsque la personne mise en examen est
détenue, la requête peut également être faite au
moyen d'une déclaration auprès du chef de l'établissement
pénitentiaire. Cette déclaration est constatée et
datée par le chef de l'établissement pénitentiaire qui la
signe, ainsi que le demandeur. Si celui-ci ne peut signer, il en est fait
mention par le chef de l'établissement. Ce document est adressé
sans délai, en original ou en copie et par tout moyen, au greffe de la
chambre d'accusation.
Les dispositions des trois premiers alinéas ne sont pas applicables aux
actes de procédure qui peuvent faire l'objet d'un appel de la part des
parties, et notamment des décisions rendues en matière de
détention provisoire ou de contrôle judiciaire.
Dans les huit jours de la réception du dossier par le greffe de la
chambre d'accusation, le président peut, par ordonnance non susceptible
de recours, constater que la requête est irrecevable en application du
présent article, troisième ou quatrième alinéa, des
articles 174, premier alinéa, ou 175, deuxième
alinéa ; il peut également constater l'irrecevabilité
de la requête si celle-ci n'est pas motivée. S'il constate
l'irrecevabilité de la requête, le président de la chambre
d'accusation ordonne que le dossier de l'information soit renvoyé au
juge d'instruction ; dans les autres cas, il le transmet au procureur
général qui procède ainsi qu'il est dit aux articles 194
et suivants.
Art. 175. --
Aussitôt que l'information lui
paraît terminée, le juge d'instruction en avise les parties et
leurs avocats, soit verbalement avec émargement au dossier, soit par
lettre recommandée. Lorsque la personne est détenue, cet avis
peut également être notifié par les soins du chef de
l'établissement pénitentiaire, qui adresse sans délai au
juge d'instruction l'original ou la copie du récépissé
signé par l'intéressé.
A l'expiration d'un délai de vingt jours à compter de l'envoi de
l'avis prévu à l'alinéa précédent, les
parties ne sont plus recevables à formuler une demande ou
présenter une requête sur le fondement des articles 81,
neuvième alinéa, 82-1, 156, premier alinéa, et 173,
troisième alinéa. Les parties peuvent déclarer renoncer,
en présence de leur avocat ou celui-ci dûment convoqué,
à invoquer ce délai.
A l'issue de ce délai, le juge d'instruction communique le dossier au
procureur de la République. Celui-ci lui adresse ses réquisitions
dans un délai d'un mois si une personne mise en examen est
détenue et de trois mois dans les autres cas.
Le juge d'instruction qui ne reçoit pas de réquisitions dans le
délai prescrit peut rendre l'ordonnance de règlement.
Les dispositions du premier alinéa sont également applicables
à la personne bénéficiant des dispositions de l'article
104.
Art. 197. --
Le procureur général
notifie par lettre recommandée à chacune des parties et à
son avocat la date à laquelle l'affaire sera appelée à
l'audience. La notification est faite à la personne détenue par
les soins du chef de l'établissement pénitentiaire qui adresse,
sans délai, au procureur général l'original ou la copie du
récépissé signé par la personne. La notification
à toute personne non détenue, à la partie civile ou au
requérant mentionné au cinquième alinéa de
l'article 99 est faite à la dernière adresse
déclarée tant que le juge d'instruction n'a pas
clôturé son information.
Un délai minimum de quarante-huit heures en matière de
détention provisoire, et de cinq jours en toute autre matière,
doit être observé entre la date d'envoi de la lettre
recommandée et celle de l'audience.
Pendant ce délai, le dossier est déposé au greffe de la
chambre d'accusation et tenu à la disposition des avocats des personnes
mises en examen et des parties civiles dont la constitution n'a pas
été contestée ou, en cas de contestation, lorsque celle-ci
n'a pas été retenue.
Copie leur en est délivrée sans délai, à leurs
frais, sur simple requête écrite. Ces copies ne peuvent être
rendues publiques.
Art. 201. --
La chambre d'accusation peut, dans
tous les cas, à la demande du procureur général, d'une des
parties ou même d'office, ordonner tout acte d'information
complémentaire qu'elle juge utile.
Elle peut également, dans tous les cas, le ministère public
entendu, prononcer d'office la mise en liberté de la personne mise en
examen.
Art. 202. --
Elle peut, d'office ou sur
réquisitions du procureur général, ordonner qu'il soit
informé à l'égard des personnes mises en examen ou
prévenus renvoyés devant elle sur tous les chefs de crimes, de
délits, de contraventions, principaux ou connexes, résultant du
dossier de la procédure, qui n'auraient pas été
visés par l'ordonnance du juge d'instruction ou qui auraient
été distraits par une ordonnance comportant non-lieu partiel,
disjonction ou renvoi devant la juridiction correctionnelle ou de police.
Elle peut statuer sans ordonner une nouvelle information si les chefs de
poursuite visés à l'alinéa précédent ont
été compris dans les faits pour lesquels la personne a
été mise en examen par le juge d'instruction.
Art. 204. --
La chambre d'accusation peut
également, quant aux infractions résultant du dossier de la
procédure, ordonner que soient mises en examen, dans les conditions
prévues à l'article 205, des personnes qui n'ont pas
été renvoyées devant elle, à moins qu'elles n'aient
fait l'objet d'une ordonnance de non-lieu devenue définitive.
Cette décision ne pourra pas faire l'objet d'un pourvoi en cassation.
Art. 475-1. --
Le tribunal condamne l'auteur de
l'infraction à payer à la partie civile la somme qu'il
détermine, au titre des frais non payés par l'Etat et
exposés par celle-ci. Le tribunal tient compte de l'équité
ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut,
même d'office, pour des raisons tirées des mêmes
considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.
Art.
706-3
- Toute personne ayant subi un préjudice résultant de
faits volontaires ou non qui présentent le caractère
matériel d'une infraction peut obtenir la réparation
intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la
personne, lorsque sont réunies les conditions suivantes :
1° Ces atteintes n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L
126-1 du code des assurances ni du chapitre Ier de la loi n° 85-677 du 5
juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des
victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération
des procédures d'indemnisation et n'ont pas pour origine un acte de
chasse ou de destruction des animaux nuisibles ;
2° Ces faits :
- soit ont entraîné la mort, une incapacité permanente ou
une incapacité totale de travail personnel égale ou
supérieure à un mois ;
- soit sont prévus et réprimés par les articles 222-22
à 222-30 et 227-25 à 227-27 du code pénal ;
3° La personne lésée est de nationalité
française. Dans le cas contraire, les faits ont été commis
sur le territoire national et la personne lésée est :
- soit ressortissante d'un Etat membre de la Communauté
économique européenne ;
- soit, sous réserve des traités et accords internationaux, en
séjour régulier au jour des faits ou de la demande.
La
réparation peut être refusée ou son montant réduit
à raison de la faute de la victime.
Art. 706-5
- A peine de forclusion, la demande d'indemnité doit
être présentée dans le délai de trois ans à
compter de la date de l'infraction. Lorsque des poursuites pénales sont
exercées, ce délai est prorogé et n'expire qu'un an
après la décision de la juridiction qui a statué
définitivement sur l'action publique ou sur l'action civile
engagée devant la juridiction répressive. Toutefois, la
commission relève le requérant de la forclusion lorsqu'il n'a pas
été en mesure de faire valoir ses droits dans les délais
requis ou lorsqu'il a subi une aggravation de son préjudice ou pour tout
autre motif légitime.
Art.
706-14
- Toute personne qui, victime d'un vol, d'une escroquerie ou d'un
abus de confiance, ne peut obtenir à un titre quelconque une
réparation ou une indemnisation effective et suffisante de son
préjudice, et se trouve de ce fait dans une situation matérielle
grave, peut obtenir une indemnité dans les conditions prévues par
les articles 706-3 (3° et dernier alinéa) à 706-12, lorsque
ses ressources sont inférieures au plafond prévu par l'article 4
de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique
pour béneficier de l'aide juridictionnelle partielle, compte tenu, le
cas échéant, de ses charges de famille.
L'indemnité est au maximum égale au triple du montant mensuel de
ce plafond de ressources.
Ces dispositions sont aussi applicables aux personnes mentionnées à l'article 706-3 qui, victimes d'une atteinte à la personne prévue par cet article, ne peuvent à ce titre prétendre à la réparation intégrale de leur préjudice, les faits générateurs de celui-ci ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à un mois.
Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante
Art.
4
.- I - Le mineur de treize ans ne peut être placé en garde
à vue. Toutefois, à titre exceptionnel, le mineur de dix à
treize ans contre lequel il existe des indices graves et concordants laissant
présumer qu'il a commis ou tenté de commettre un crime ou un
délit puni d'au moins sept ans d'emprisonnement peut, pour les
nécessités de l'enquête, être retenu à la
disposition d'un officier de police judiciaire avec l'accord préalable
et sous le contrôle d'un magistrat du ministère public ou d'un
juge d'instruction spécialisés dans la protection de l'enfance ou
d'un juge des enfants, pour une durée que ce magistrat détermine
et qui ne saurait excéder dix heures. Cette retenue peut toutefois
être prolongée à titre exceptionnel par décision
motivée de ce magistrat pour une durée qui ne saurait non plus
excéder dix heures, après présentation devant lui du
mineur, sauf si les circonstances rendent cette présentation impossible.
Elle doit être strictement limitée au temps nécessaire
à la déposition du mineur et à sa présentation
devant le magistrat compétent ou à sa remise à l'une des
personnes visées au II du présent article.
Les dispositions des II, III et IV du présent article sont applicables.
Lorsque le mineur ou ses représentants légaux n'ont pas
désigné d'avocat, le procureur de la République, le juge
chargé de l'instruction ou l'officier de police judiciaire doit,
dès le début de la retenue, informer par tout moyen et sans
délai le bâtonnier afin qu'à commette un avocat d'office.
II - Lorsqu'un mineur est placé en garde à vue, l'officier de
police judiciaire doit informer de cette mesure les parents, le tuteur, la
personne ou le service auquel est confié le mineur.
Il ne peut être dérogé aux dispositions de l'alinéa
précédent que sur décision du procureur de la
République ou du juge chargé de l'information et pour la
durée que le magistrat détermine et qui ne peut excéder
vingt-quatre heures ou, lorsque la garde à vue ne peut faire l'objet
d'une prolongation, douze heures.
III - Dès le début de la garde à vue d'un mineur de seize
ans, le procureur de la République ou le juge chargé de
l'information doit désigner un médecin qui examine le mineur dans
les conditions prévues par le quatrième alinéa de
l'article 63-3 du code de procédure pénale.
IV - Dès le début de la garde à vue, le mineur de seize
ans peut demander à s'entretenir avec un avocat. Il doit être
immédiatement informé de ce droit. Lorsque le mineur n'a pas
sollicité l'assistance d'un avocat cette demande peut également
être faite par ses représentants légaux qui sont alors
avisés de ce droit lorsqu'ils sont informés de la garde à
vue en application du II du présent article.
V - En cas de délit puni d'une peine inférieure à cinq ans
d'emprisonnement, la garde à vue d'un mineur âgé de treize
à seize ans ne peut être prolongée.
Aucune mesure de garde à vue ne peut être prolongée sans présentation préalable du mineur au procureur de la République ou au juge chargé de l'instruction. En cas d'urgence, il peut être fait application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 7.
1
Justice et transparence, Rapport
n°247,
1994-1995.
2
" Le juge et la presse ", Esprit, mars-avril 1995.
3
" Le respect de la présomption d'innocence et le
secret de l'enquête et de l'instruction ", rapport n° 602,
1993-1994.
4
" Justice et transparence ", Rapport n°247,
1994-1995.
5
Rapport n° 49 (1996-1997), Quels moyens pour quelle
justice ?
6
Proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale
tendant à limiter la détention provisoire, TA 116, 3 avril 1998.
Cette proposition de loi est reproduite en annexe du présent rapport.
7
" Pour une meilleure prévention de la
récidive ", La Documentation française, 1996.
8
Proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale
tendant à limiter la détention provisoire, TA 116, 3 avril 1998.
9
Proposition de loi adoptée par le Sénat tendant
à préciser le mode de calcul de la durée maximale de
détention provisoire autorisée par le code de procédure
pénale, TA 119, 23 avril 1998.
10
Traité théorique et pratique d'instruction
criminelle, 1912.